Samedi 10 Décembre 1892
N' 8985. — Edition çtustidiemia
Samedi 10 Décembre 1892
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
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SUREAUX g Paris, 10, rue des Saints-Pères
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1 • -4""^
ANNONCER "q
MM. LAGRANGE, CERF et G u , 6, place de k Bourse ■'
FRANCE
PARIS, 9 DÉCEMBRE 1898
Nos lecteurs connaissent la déclara
tion ministérielle : ils ne seront pas
surpris d'apprendre qu'elle n'a excité,
au Sénat comme à la Chambre des dé
putés, qu'une admiration fort limitée.
Le succès est encore moins grand dans
la presse,même républicaine, et rares
sont les journaux qui se déclarent
parfaitement satisfaits.
Dè3 hier, le ministère Ribot a eu à
répondre à une interpellation dont
M. Gustave-Adolphe Hubbard avait
pris l'initiative. M. Brisson demandait
qu'on ajournât la discussion jusqu'à
ce que la commission d'enquête et le
ministère aient pu s'entendre ; les
ministres ont réclamé et obtenu la
discussion immédiate. Peut-être pré
voyaient-ils que l'accord ne se ferait
pas tout seul.
Donc M. Hubbard a développé son
interpellation ; par extraordinaire,il a
été court, et par suite moins préten
tieux et moins ridicule qu'à son ordi
naire. M. Bourgeois a répondu avec
un succès contesté ; MM. de Douville-
Maillefeu, Bouge et Pichon sont inter
venus. Un ordre du jour motivé de
M. Hubbard, que n'acceptait pas Je
gouvernement, s'est vu refuser la
priorité par 297 voix contre 217, et l'on
a voté par 307 voix contre 100, les
abstentions étant nombreuses, un or
dre du jour de M. Félix Faure, égale*
letnent motivé, mais qu'agréaient
MM. Ribot et Bourgeois.
Cela rend-il le ministère bien so
lide? On en doute, et'l'on croit qu'il
fera beaucoup en gagnant le mois de
janvier, les vacances aidant.
Au Sénat, après la lecture de ladé<
claration par M. Loubet, M. Lacombe
a demandé à interpeller le nouveau mi
nistère, qui s'est montré moins pressé
à la Chambre haute. Sur la demande
de M. Loubet, la discussion a été fixée
à lundi.
Avant la séance publique, la Cham
bre a nommé dans les bureaux la
commission chargée d'étudier la nou
velle proposition de M. Pourquery de
Boisserin, relative aux pouvoirs de la
commission d'enquête ; sept commis
saires,sur onze, sont favorables., L'au
teur de la proposition est au nombre
des commissaires.
Deux autres propositions ont été dé
posées en séance relativement au Pa
nama : la première, qui vise-les droits
des actionnaires, est de M. de Ramel,
qui a obtenu la déclaration d'urgence ;
la seconde, de M, Thellier de Ponche-
ville, est relative à la restitution des
versements fait3 indûment. Une de
mande d'urgence, faite d'abord, ayant
été retirée, la proposition ira à la
commission d'initiatrice parlemen
taire.
Il n'y a rien de bien saillant à signa
ler ce matin au sujet de l'enquête ; le
fait le plus intéressant est une décla
ration de M. Chevillard, chef de ba-^
taillon d'infanterie en retraita, qui
explique dans quelles conditions il a
signé pour 530,000 fr. de chèques, qui
ont été encaissés par M. Barbe. C'est
écrasant pour l'ancien ministre.
L'agitation persiste au sujet du pro
cès du recteur Ahl\vardt. C'est au
jourd'hui que son élection doit être
officiellement annoncée au Reichstag.
Les députés antisémites auraient re
cueilli le nombre de signatures néces
saires pour une proposition deman
dant la suspension du procès. D'autre
part, les nationaux-libéraux, pour la
plupart inféodés aux juifs, voudraient
réclamer l'annulation de l'élection.
La proposition serait audacieuse, avec
la majorité obtenue pur M. Ahlwardt.
Le cabinet Sagasta n'est pas encore»
constitué à Madrid, mais tout le
monde l'attend. D'après les dépêches,
M. Canovas lui-même, en présence de
l'impuissance des conservateurs divi
sés, comme cela leur arrive .trop sou
vent, aurait invité la reine-régente
à confier ie pouvoir à M. Sagasta.
{Voir aux Dernières Nouvelles)
Retranchez-en - ce qui concerne
l'affaire du Panama, la déclaration
ministérielle .ne se différencie en rien
de celles que les Chambres, depuis
une dizaine d'années, ont pris l'habi
tude d'entendre à peu près chaque
semestre. Mêmes formules, mêmes
indications politiques, mêmes appels
à l'union de tous les républicains,
mêmes redondances, mêmes bana
lités. Il est encore à venir le prési
dent du conseil, innovateur;, qui
tiendra le véritable langage d'un
homme de gouvernement.
Personne, d'ailleurs, ne peut être
surpris que M. Ribot ne soit pas cetau-
dacieux-là. M. Ribot, quand il en au
rait envie, se garderait' bien de s'éga
rer hors des sentiers battus. Ils sont
mal fréquentés, on y patauge, ils
ne mènent à rien de glorieux, ni
de bon ; mais on a chance d'y chemi
ner quelques mois avant de rencon
trer, au détour de la route, le vote de
défiance qui met fin aux existences
ministérielles. M. Ribot n'hésite pas.
Courir le moins de risques possible,
voilà son vrai programme. Il prend
donc les sentiers battus. Il y marchera
du même pas que ses prédécesseurs.
Il le déclara. On s'y attendait.
C'est dit : le nouveau cabinet cont
inuera de suivre une politique dont
le résultat le. plus certain est d'avoir
séparé la France en deux partis hos
tiles, mais « qui n'a pas cessé », pour
si peu, de plaire à la majorité oppor
tuniste et radicale. Il « maintiendra
fermement les lois sur lesquelles re
posent l'éducation et la défense du
pays » ; voilà le couplet obligatoire
en l'honneur de la législation scolaire
et militaire. M. Ribot s'est cru d'au
tant plus obligé de servir ce .couplet
aux Chambres, qu'il se sent un peu
suspect de n'aimer pas, au fond, cette
législation trop évidemment persé
cutrice. Pour écarter une suspicion
qui l'effraie, il promet donc avec
force que ces lois seront exécutées ri
goureusement. Toujours dans le
même but, il tiendra énergiquement
sa promesse. Ah ! M. Charles Dupuy
aurait bien tort de craindre que son
président du conseil ne l'entrave 1
Moyennant cette attitude, et malgré
la difficile affaire du Panama, le nou
veau cabinet espère vivre jusqu'à
Pâques, ou à la Trinité,... qui sait?
peut-être même présider aux élections
législatives de 1893!
Pour être complet, M. Ribot, habi
tué à n'avoir pas le courage de ses
opinions, a inséré, en outre, d'assez
mauvaise grâce, vers le milieu de
son petit manifeste ministériel, la
phrase de rigueur sur la législation
du travail, qu'il faudra « développer
dans un esprit de justice et de solida
rité ». Qu'on ne se fie point au zèle,
au bon vouloir de M,. Ribot en ces
matières. Nous nous rappelons avoir
vu à la Chambre, un jour où Mgr
Freppel traitait, certes avec raison,
Tùrgot d 'homme néfaste, M, le dé
puté Ribot, généralement si calme de
voix et de gestes, lever ses longs bras,
en lançant une exclamatipn de stu
peur indignée. Ce fervent admirateur
de Turgot ne poussera pas bien ferme
le Parlement dans là voie des justes
réformes sociales.
Bref, rien n'est changé quant à la
situation des partis en présence. Lés
catholiques ont toujours devant eux,
au pouvoir, l'ennemi. La lutte s'im
pose dono plus que jamais;
Pierre Veuillot.
La raison principale^ pour laquelle
le nouveau cabinet n'a pas été battu
hier, ic'est que cette manifestation au
rait eu trop d'importance; Renverser
un ministère tout de suite, au premier
pas qu'il fait, lorsqu'il se présente dans
l'apparat traditionnel en exposant de
vastes projets, cela paraîtrait non seu
lement un excès de cruauté, mais
aussi une imprudence ; le public se
demanderait si une Chambre capable
de tels emportements n'est pas un
danger public. Donc, le vote da con
fiance était certain, mais la confiance
n'est pas plus chaude que la tempéra
ture de la rue.
En dépit de la solennité et de la
suffisance étalées par le nouveau garde
des sceaux, l'inquiétude persiste.
Même, certaines déclarations étranges
faites par M. Bourgeois l'ont aug
mentée,
En somme, on continue de ne,
s'occuper que de Panama. L'autopsie,
l'enquête, : les pots-de-viny Panama;
les élections prochaines* Panama, Pa
nama, Panama. C'est un cauchemar
où le glas résonne. On voudrait en sor
tir, et M. Bourgeois a été choisi pour
diriger l'exode. Le nouveau ministre
a donc besoin de pouvoirs étendus.
Mais il montre une désinvolture qui
éveille l'appréhension. Quelle assu
rance pour un chancelier trop jeune
et qui est entré par hasard dans la car
rière ! Il porte le manteau d'hermine
comme un veston. Débarrasser le Par
lement de cette enquête anormale et
périlleuse, voilà, bien entendu, ce
qu'on'demande de M. Bourgeois. Mais
on craint aussi, et avec raison, qu'une
manœuvre trop brusque ne provoque
de vives sensations et des clameurs.
L'enquête a été décidée à l'unanimité,
y compris le cabinet, y compris le
président. Il faut que les ministres et
les députés aient l'air de vouloir con
server à n'importe quel prix cette
chose qui exaspère le parti gouverne
mental.
La commission- d'enquête est établie
contrairement aux principes généraux
de notre droit public, c'est évident ;
mais il est évident aussi que la situa
tion révolutionnaire qui a permis et
imposé cette énorme irrégularité est
plus forte que les doctrines et les as-
pirations du régime actuel, gâté par
ses haines et par ses vices. Qu'im
porte, pour la commission, de se
trouver en dehors des règles et de ne
pas posséder de pouvoirs précis ! on a
été obligé dé lui attribuer « les pou
voirs les plus étendus ». Pour détruire
les résistances des légistes et des ad
ministrateurs, elle n'a qu'à céder à la
pression de la foule. Dans ce conflit
inévitable et permanent, tous les
avantages paraissent assurés au pou
voir révolutionnaire.
Dès hier, malgré le vote de la con
fiance obligatoire ; malgré l'antipathie
que l'interpellateur, M. Hubbard,
traîne avec soi; malgré l'horrible pe
santeur de M. Brisson, on a pu ap
précier la force dont disposent les
commissaires chargés de l'enquête.
M. Bourgeois débute par une transac
tion : il ordonne l'autopsie et il con*
sent à communiquer le dossier qui est
entre les mains des juges. Tout le dos
sier, intégralement? M. Bourgeois se
rattrape et se met à distinguer : le dos
sier passera par ses mains,qui pourront
retenir certaines pièces dont la divul
gation paraîtrait dangereuse. Alors
c'est le garde des sceaux qui limite les
pouvoirs de' la commission et qui
prononce entre elle et les magistrats !
Arbitre suprême entre la justice cons
tituée et un jury d'honneur devant le
cette dissertation, la Chambre était
positivement interloquée. Les gens
qui ont l'habitude d'applaudir les mi
nistres s'arrêtaient au milieu de leurs
applaudissements et se regardaient
avec des figures stupéfaites - Ah l
ça mais I Oh ! oh I Bigre ! C'est roide l
— Et ils pensaient à ce que diront
les électeurs lorsque le bruit se ré
pandra que le gouvernement et la
Chambre étouffent l'enquête. Le garda
des sceaux se défend d'une pareille
intention, mais il invite doucement
la commission à attendre l'arrêt de
la justice; il promet qu'après le
10 janvier il lèvera tous les secrets et
tous les scellés.
Or, la commission, investie d'un
mandat qui la rend indépendante
de l'autorité judiciaire, ne désire pas
et ne pourrait peut-être pas s'im
poser la moindre contrainte. M. Bris
son l'a fait comprendre ; et à l'opposé
du ministre, qui dénonçait la cons-
piration de3 vieux ennemis de la Ré
publique, il a rendu hommage à la
sincérité qu'ont montrée la droite et
ses représentants. Ces paroles ont
achevé l'ahurissement de l'a majorité.
M. Hubbard a répliqué en constatant
l'équivoque entretenue par le minis
tre. Celui-ci a répondu en se faisant
prier, M. Bourgeois soutient que ses
réserves portent « sur les conditions
de forme et non sur les conditions
d'étendue ». Pour un chancelier tout
neuf, voilà beaucoup trop de subti
lités. La justice va être menée à une
allure qui la fera ressembler à la po
lie ; et la commission va s'obstiner.
Fameuse confiance! Pour deux sous
de confiance 1
Eugène Tavernier.
Dans l'Ouganda ' '
La France n'a jamais eu l'intention
de s'emparer de l'Ouganda, qui est
placé en dehors de sa sphère d'in
fluence. Mais elle y avait des mission
naires qui avaient le droit de comp
tée sur la bienveillance et même la
protection des puissances civilisées.
C'était compter sans la société im
périale anglaise de l'Est africain et
sans la société des missionnaires pro
testants de Londres,qui ont envoyé là-
bas une expédition commandée par
le capitaine Lugard.
Justement les catholiques ougan
dais, les enfants des missionnaires
français et allemands, après d'horri-*
bles persécutions, y étaient devenus
les plus nombreux et, par consé
quent, les plus forts. Le roi Mouanga
lui-même était avec eux. Et les mis-
eionnaires protestànts et leurs dis
ciples, jaloux de cette civilisation qui
se faisait sans eux, prétendirent qu'elle
se faisait contre eux. Il y eut des que
relles, une agitation inquiétante, des
menaces de soulèvement, des vio ;
lences même.
Ce fut alors qu'apparut le capitaine
Lugard, avec des soldats, des fusils et
des mitrailleusès Maxim. Il épousa na
turellement la querelle des protestants,
attaqua vigoureusement les catholi
ques et le roi Mouanga lui-même, qui
battus, décimés, poursuivis avec fu
reur, durent s'enfuir de la capitale
avec les missionnaires. Nos lecteurs
n'ont certainement pas oublié les tris
tes faits raoontés par nos missionnai
res. Ils savent que les catholiques ou
gandais réfugiés dans la région Boud-
dou, sont réduits à la situation la plus
misérable, et qu'ils peuvent encore re
douter toutes les extrémités de la part
des protestants alliés aux musulmans.
Quand la France a demandé des ex
plications, lord Salisbury a rappelé le
capitaine Lugard pour lui demander
de les fournir. Aux lettres de M. Wad
dington, restées trè3 cordiales, disent
les journaux de Londres, le premier
ministre anglais a répondu en priant
le capitaine Lugard de donner ses
raisons.
Le digne capitaine n'a pas été em
barrassé. II. a soutenu que dans l'Ou
ganda il s'était montré d'une justice
rare et d'une parfaite impartialité en
tre protestants et catholiques. M. Wad
dington a pu protester et répondrè
que son impartialité armée de mitrail
leuses avait réussi très bien aux pro
testants, mais très mal aux catholi
ques. Car nous aimons à penser que
M. Waddington à protesté.
Quant à lord Salisbury il s'est dé
claré enchanté des raisons du capi
taine Lugard. Néanmoins il n'osa pas
le renvoyer dans l'Ouganda. C'est un
nouveau fonctionnaire, sir Gerald
Portai, le représentant de l'Angleterre
à Zanzibar, qui est chargé par lord
Roseberry, successeur de lord Salis»
burv, d'aller continuer dans l'Ou
ganda la mission du capitaine Lugard.
On doit espérer qu'il n'aura plus be
soin de mitrailleuses. Du reste, si
M. Portel est protestant,il a une femme
catholique, ét ce détail, observe gra
vement un journal de Londres, doit
nous rassurer sur le bonheur des Ou
gandais.
Nous ne demandons pas mieux que
d'être rassurés. Cependant, nous res
tons un peu inquiets quand nous
voyons lord Roseberry entourer le ca
pitaine Lugard de sa faveur tout
comme lord Salisbury. Nous appre
nons en effet,par les journaux de Lon
dres,que le capitaine Lugard ne quitte
guère, à Londres, le Foreign Office,
lord Roseberry ayant besoin de ses
lumières et de ses conseils pour cette
épineuse expédition de l'Ouganda. De
sorte c[Ue la mission pacificatrice et
impartiale de sir Gérald Portai va être
inspirée et dirigée de Londres par le
digne capitaine dont des jour--
naux conservateurs en Angleterre ont
flétri le brigandage et la cruauté.
Il paraît, d'après le Times et d'au*
très feuilles de son importance, que
« l'opinion publique » a imposé à lord
Roseberry cette attitude dans la ques
tion de l'Ouganda. Nous ne félicitons
•pas le cabinet Gladstone de prendre
aussi docilement la suite des tristes
affaires de la compagnie de l'Est afri
cain et de la société des missions an
glicanes de Londres.
Pour le surplus, nous attendrons la
fin. Et nous verrons si, avec sa cor
dialité, M. Waddington, qui est dans
ce moment l'hôte de Stawarden, ob
tiendra la réparation à laquelle la
France a droit pour ses missionnaires.
Nous verrons si le gouvernement de
la République, malgré le trouble où
le jette l'affaire du Panama, saura
maintenir la juste demande de la
France L. N. G. ■
Entre protestants
Parles confidences de Y Eglise Libre,
« journal de la Réforme Evangélique »
dont M. Léon Pilatte est directeur, nous
sommes informés que les protestants
de la Haute-Vienne échangent entre
eux, depuis quelque temps, tout au
tre. chose que des aménités. Il faut
ajouter que ces disputes très aigres
sont venues à propos d'un fait assez
original, le maire protestant de Ville-
avard ayant refusé l'accès du temple
de cette commune à M. Calluaud, qui
se dénomme « pasteur de l'église ré
formée officielle de la Haute-Vienne ».
En vertu de ce titre, M. Calluaud
prétend qu'il n'existe dans le dépar
tement de la Haute-Vienne « que le
pasteur et le conseil presbytérai offi
ciel de la paroisse de Limoges* » la-
3uelle, par suite, engloberait lajuri-
iction à exercer sur toutes les autres
paroisses du département. D'où le
droit, pour le pasteur de cette paroisse
départementale unique, d'aller pérorer
à son gré dans tel ou tel temple de
son choix, d'un bout à l'autre du dé
partement.
Dans l'espèce, M. le pasteur Cal
luaud émettait la volonté d'officier
dans le temple de Villefavard, malgré
les protestants de la Société évangéli-.
que par le» soins desquels avait été
bâti le temple de Villefavard, et, pour
avoir raison de leur résistance, il fai
sait tout simplement appel à l'autorité
du maire.
Mais eelui-ci refusa d'obtempérer à
une sommation pareille, et il donnait
deux motifs, qui lui semblaient égale
ment décisifs. Premièrement, il existe
à Villefavard un pasteur et un conseil
de paroisse protestant ; par consé
quent,on n'y a que faire de l'interven
tion évangélisante du pasteur Cal-
luand. Secondement, le temple n'est
pas une propriété communale, et par
suite .le maire n'a pas qualité p.our le
mettre, contre.le gré de ses proprié
taires, â la disposition du premier
venu.
Ces raisons n'eurent p&s le don de
convaincra M. Calluaud, qui ri
posta par une lettre aigre-douce, dont
voici le début ; « Quels que soient vos
droits, que je respecte autant et plus
que personne, vous n'avez certaine*
ment pas la faculté de m'interdire
l'accès de ma paroisse. » Et, visant le
caractère de propriété privée invoqué
par le maire au sujet du temple de Vil^
lefavard, l'irritable pasteur ajoutait :
« Je vous ai adressé ma demande au
nom d'un groupe de propriétaires de
cet édifice, bien décidés à revendi
quer leurs droits de propriété devant
toutes les juridictions. » Ce dernier
point était exact, mai3 le pasteur
omettait soigneusement de dire que
les propriétaires étaient au nombre
de 61 ; or, sa réclamation ne s'ap
puyait que sur le vœu de 3 familles.
On dut lui faire observer que ce n'é
tait pas suffisant pour violenter le
droit de la grande majorité des pro
priétaires récalcitrants. Mais il n'en
veut pas démordre, et comme il an
nonce le dessein d'entrer dans le
temple « en se faisant soutenir, au
besoin, par des forcesde police, » YE-
glise Libre s'écrie avec horreur : a C'est
à croire.que Limoges est le chef-lieu
d'un mandarinat chinois j » L'organe
protestant n'admet pas, d'ailleurs,
qu'une telle menace puisse être exé
cutée, et, pour le cas où l'on essaie
rait de le faire, il nous promet une jo
lie bataille ;
di, dit-il, , cette menace était plus qu'un
propos irréfléchi, échappé au dépit, et si
un a pasteur offioiel » était capable de com
mettre un attentat aussi insensé, nous somr
mes persuadé qu'à défaut d 'un Consistoire
jaloux de flaire respecter la liberté spiri
tuelle, il y aurait des gendarmes pour pro
téger la propriété commune des citoyens
chrétiens de Villefavard.
Ceci se passe, ne l'ouhlions pas, en*-
tre gens qui se sont réfugiés dans l'hé
résie pour n'avoir plus à souffrir des
prétendus abus d'autorité dont ils ac
cusent l'Eglise catholique. En consta
tant leurs divisions profondes, fruit
logique d'un principe de révolte, ne
feraient-ils pas mieux de réfléchir aux
grands avantages que leur offre cette
Eglise tant calomniée qui, avec l'unité
de sa juridiction, garde intacte l'inté
grité de la foi?
Auguste Roussel.
Sous ce titre : « La mort et les fu
nérailles de M. Ernest Renan », Mgr
Perraud, évêque d'Autun,publiait na-
guères un écrit dont il vient de rece
voir une haute récompense.
Voici la lettre que Sa Sainteté a
daigné adresser au savant prélat :
LÉON XIII, PAPE
Vénérable frère, salut et bénédiction
apostolique.
Nous avons lu avec beaucoup de satis-
faotioa votre lettre du 20 novembre,et Nous
avons été très sensible à l'envoi qui y était
joint de votre volume sur la mort et Jes fu
nérailles d'Ernest Renan.
Ce que vous avez écrit dans oe livre,
Nous le trouvons savamment pensé, ex
primé aveo justesse et en rapport exact
avec l'importance du sujei.
Il Nous a été agréable d'attribuer au par
fait dévouement dont vous êtes animé à
Notre égard la mention que vous y avez in
troduite de ce que Nous avions fait Nous-
même, dès l'apparition du roman impie et
mensonger inventé' par l'écrivain français
sur la Vie du Christ, Notre-Seignëur (1).
Il y a bien lieu de vous félioiter du zèle
que vous avez mis à flétrir, comme elle le
méritait, devant les hommes, cette œuvre
malfaisante. Aussi, de grand cœur, expri
mons-Nous le souhait et le présage que le
labeur oonsacré par vous à cette question
sera fécond en fruits très abondants de sa
lut.
En gage de Notre dilection pour vous,
Nous accordons très affectueusement dans
le Seigneur Notre Bénédiction apostolique
à vous, vénérable frère, ainsi qu'au clergé
et aux fidèles confiés à votre vigilance pas
torale.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le
2.9 novembre 1892, en la quinzième année
do Nôtre Pontificat.
LÉON XIII, PAPE.
Il ne paraîtra pas hors de propos, à
la suite du bref pontifical, d'emprun
ter à. l'écrit de. Mgr Perraud, ce qui
se rapporte au caractère public des
obsèques de Renan :
Je ne prétends, en aucune façon, empié
ter sur les idées et les convictions de
M. Léon Bourgeois, ni contester la liberté
dont il jouit, comme tous les autres Fran
çais, de les exprimer à ses risques et périls
toutes les fois qu'il parle et écrit en son
nom privé. C'est affaire à lui, et oe ne sont
pas se3 théories personnelles qui sont ici en
discussion.
Mais* dans la circonstance dont il s'agit,
ce n'est pas M; Léon Bourgeois qui était en
scène; c'était le ministre de l'instruotion
publique, c'est-à-dire le représentant attitré
d'un gouvernement qui fait profession
d'entretenir aveo l'Eglise catholique des re
lations déterminées par un Concordat ; qui
a reçu du Chef de oetle Eglise et qui exerce
le droit si'considérable de concourir au
choix des catégories les plus élevées de ses
dignitaires ; qui s'arroge, vis-à-vis de tous
les ministres du oulte, ce qu'il appelle, dans
son style administratif^ « des. droits disci
plinaires », dont il fait usage toutes les
t'ois que, d'après lui,.l'attitude ou le langage
de oes ministres lui paraissent avoir porté
atteinte aux prérogatives de l'Etat. Pour
tous ces motifs réunis, je demande si
c'était respecter « la raison qui met les
bienséances, et les bienséances qui mettent
la perfection » que de prendre une telle
part aux funérailles oiviles d'un adversaire
déolaré de la religion oatholique, et d'y glo
rifier ouvertement tout ce qui, sous la l'or-
mule diplomatique et en apparence inof
fensive de « science libre », a été, de la
part du défunt, un immense effort soutenu
pendant quarante années contre les convic
tions religieuses d'une grande partie de ses
oonoitoyens.
A oes réflexions, que je soumettrais vo
lontiers à l'appréciation de tout homme de
bon sens et de bonne foi, uniquement guidé
par les principes des « bienséances et de
là raison » naturelles, j'ajoutei-ai une ques
tion que je formule encore à l'aide d'une
hypothèse.
Je suppose que, peu de jours ou peu
d'heures avant de mourir, M. Renan eût
accepté la visite d'un prêtre ; que, se sou
venant de sa pieuse mère, des émotions de
sa première communion, des leçons et des
exemples de ses anciens et vénérés maîtres
du - petit séminaire do Tréguier et de Saint-
Sulpice, il eût exprimé le désir de se ré-
oonoilier avec Jésus-Christ ; qu'il eût incliné.,
son 4me sous le pardon saoramentel et sol
licité sa part des secours dont l'Eglise en
toure ceux de ses enfants qui vont affronter
la redoutable épreuve de la mort.
Dans ce cas, les funérailles de M. Renan
auraient été célébrées à sa paroisse. Le sa-
(tj Allusion à la. Lettré pastorale publiée le
20 novembre 18Q3, par le cardinal Pecoi, évêque
de Pérouse, et citée à la page 93 du livre de
Mgr l'évêçjue d'Autun.
orifice de nos autels eût été offert en pré
sence de ses dépouilles, que des prêtres
auraient conduites à leur dernière demeure.
Les touchantes prières da la liturgie au
raient été dites sur sa tombe, et phaoun des
assistants aurait répandu l'eau sainte sur
le cercueil avant qu'il eût disparu sous la
dernière pelletée de terre. Ea quoi ces cir
constances eussent-elles empêché M. Renan
d'avoir été, comme l'a justement dit
M. Bourgeois, «undes maîtres de la langue
française », laissant derrière lui des écrits
auxquels « sa conscience d'artiste p. su don-
ner une forme parfaite? » Mais je demande
si, dans ce cas, le gouvernement se fût fait
représenter devant le cataf'alqua du grand
écrivain et si, pour honorer exceptionnel
lement sa mémoire, il eût grevé le budget
d'une dépense de dix mille francs ?
N'est-il pas au contraire absolument eer-
tain qu'une seule goutte d'eau bénite, prise
ou reçue avec foi par le pauvre mourant,
eût suffi à mettre en fuite toute la pompe
des cérémonies et des harangues officielles? '
M. Renan, redevenu chrétien avant de mou
rir, eût été laissé aux éloges obligés de ses
confrères des Académies et de ses collègues
du Collège de France. Rien de plus. C'est
précisément oe que faisait remarquer, il y
a peu de jours, ui*e revue célèbre, aux al
lures très indépendantes, et dont le langage
$n cette circonstance est l'expression non
pas des susceptibilités professionnelles d'un
membre du clergé, mais des bienséanoes
qu'imposent le respect de la justioe et la
bon sens.
« Une simple question : si M. Ernest
Renan n'était pas l'auteur de la Vie dt
Jésus et n'avait pas aiguisé ses polémiques
contre le dogme, contre la divinité du
Christ; s'il s'était borné à être un des pre
miers écrivains du siècle, aurait-on songé
$1 le porter au Panthéon ? De sorte que,
sous prétexte de relever un penseur, on
ne songe réellement qu'à mettre le sceau
de l'esprit de secte sur l'homme et le mo
nument (?). »
Mettre officiellement le sceau de l'esprit
de secte sur l'œuvre de démolition soienti-
Hque deç,, croyances chrétiennes à laquelle
M.- Renan aura eu la redoutable gloire d'a
voir attaché son nom : tel est bien, en
effet, le sens de la démonstration qui a eu.
lieu dans la matinée du 7 octobre.
S. G. Mgr l'évêque d'Evreux nous fait
l'honneur de nous communiquer la
lettre pastorale suivante .prescrivan
un Te Deurn pour remercier Dieu du
succès de nos armes au Dahomey :
Nos très çhers frère?, .
Le 11 novembre, sur l'invitation de la
société de la CrpixrRouge, nous célébrions
un service funèbre, dans la cathédrale
d'Evreux, pour nos soldats tués à l'ennemi,
ou morts des suites de leurs blessures,
après les dernières guérres. Tous les offi
ciers de notre garnison, le' général-en tête,
assistaient, émus, à cette solennité reli
gieuse. On voyait flotter les drapeaux trioo-
lores au milieu des tentures noires : image
saisisante de la patrie en deuil, pleurant,
comme Raphpl, parce que ses fils ne sont
plus. Les noms de nos diverses campagnes
étaient inscrits au-dessus de l'autel ; mais
parmi ces noms, celui de Dahomey attirait
tous les r'egards, et l'imagination, franchis
sant T-espace; nous montrait là-bas, au pays
noir, ; des victimes héroïques tombées pour
la cause de la Franoa et de la civilisation. Et
nos prières montaient vers le Ciel, implo
rant de la miséricorde divine, avec l'indul
gence et le pardon pour ces braves, leur
entrée triomphale dans le royaume du
bonheur et de la paix.
A oette date, toute anxiété n'avait pas
disparu. Quelle serait l'issue définitive 1 dé
cette expédition lointaine? Le sang de nos
frères devait-il couler longtemps encore, ef
la victoire, pour prix de leur dévouement,
allait-elle se fixer sur nos étendards?
Aujourd'hui, les cœurs oppressés respi
rent, les fronts se relèvent, et la fierté fran
çaise se reprend à l'espérance, Kana,' la
ville sainte ; Abomey, la capitale de l'Etat
dahoméen, sont à npus ; l'ennemi est en
fuite ; plus d'esclavage, plus de saorifioes
humains sur ces côtes barbares '; notre
honneur, qui vient d'être vengé, s'en porte
garant..
Après avoir prié pour no3 morts et ac
clamé nos intrépides soldat, il nous "raste à
bénir le Dieu des armées, comme le fai
saient nos pères, et à chanter au Christ, qui
toujours aime les Francs, l'hymne de notre'
reconnaissance, le Te Deum national, dont
l'écho, depuis tant d'années, hélas 1 sem
blait endormi sous les voûtes de nos tem
ples.
En remerciant, le Seigneur de ce succès
accordé par Lui à nos armes, nous le sup
plierons d'assister avec la même effinaoilé
la France chrétienne, dans la lutte qu'elle
soutient, au dedans, contre les ennemis de
sa_foi, qui sont en même temps, les enne*
mis de sa gloire et de sa prospérité: lutta
douloureuse s'il en fut, car ici, les ennemis»
qu'il lui faut vaincre sont ses propres en*
fants.
Suit le dispositif.
—rg^mii
, ^ Agence Havas no'jg communique
la depeche suiYfl.tlce :
< Tunis, 8 décembre.
La cathédrale de Carthage a été admira
blement décorée par les soins de M. Bon-
neti architecte diocésain.
De la coupole du chœur tombaient quatre
larges bandes pourpres, étoilées d'or, for
mant dais au-dessus du catafalque. Huit
bandes blanches et noires avec des larmes
d'argent tombaient de lacoupole dans la nef.
Les arcs de la travée intérieure de la ca
thédrale qui appartient au genre hispano-
mauresque, étaient tendus de viles de crêpe
s'enroulant ensuite autour de minces co-
lonnettes de marbre hlanc.
Devant le siège épiscopal, également
voilé de orêpe, les couronnes étaient dé
posées.
La cérémonie n'était pas officielle ; mais
presque toutes les autorités et jine foule
considérable, parmi laquelle beaucoup d'A
rabes y assistaient.
(1) Revue des Deux-Mondes du 15 octobre 1892.
p. 950. '
N' 8985. — Edition çtustidiemia
Samedi 10 Décembre 1892
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
■T DfiPARTEMBHTi
Un • > « « . ' o 65 h
Six mois . .... 28 60
Trois mois. ... 15 »
ÉTRANGER
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UN NUMÉRO ( £® ris • ; • ; 16 cent °
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On «'abonna l Rome, place du Gesù, 8
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Six mois. . •
Trois mois. •
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l'DNIYERS ut régond pas des manuscrits qui lui sont adressés
1 • -4""^
ANNONCER "q
MM. LAGRANGE, CERF et G u , 6, place de k Bourse ■'
FRANCE
PARIS, 9 DÉCEMBRE 1898
Nos lecteurs connaissent la déclara
tion ministérielle : ils ne seront pas
surpris d'apprendre qu'elle n'a excité,
au Sénat comme à la Chambre des dé
putés, qu'une admiration fort limitée.
Le succès est encore moins grand dans
la presse,même républicaine, et rares
sont les journaux qui se déclarent
parfaitement satisfaits.
Dè3 hier, le ministère Ribot a eu à
répondre à une interpellation dont
M. Gustave-Adolphe Hubbard avait
pris l'initiative. M. Brisson demandait
qu'on ajournât la discussion jusqu'à
ce que la commission d'enquête et le
ministère aient pu s'entendre ; les
ministres ont réclamé et obtenu la
discussion immédiate. Peut-être pré
voyaient-ils que l'accord ne se ferait
pas tout seul.
Donc M. Hubbard a développé son
interpellation ; par extraordinaire,il a
été court, et par suite moins préten
tieux et moins ridicule qu'à son ordi
naire. M. Bourgeois a répondu avec
un succès contesté ; MM. de Douville-
Maillefeu, Bouge et Pichon sont inter
venus. Un ordre du jour motivé de
M. Hubbard, que n'acceptait pas Je
gouvernement, s'est vu refuser la
priorité par 297 voix contre 217, et l'on
a voté par 307 voix contre 100, les
abstentions étant nombreuses, un or
dre du jour de M. Félix Faure, égale*
letnent motivé, mais qu'agréaient
MM. Ribot et Bourgeois.
Cela rend-il le ministère bien so
lide? On en doute, et'l'on croit qu'il
fera beaucoup en gagnant le mois de
janvier, les vacances aidant.
Au Sénat, après la lecture de ladé<
claration par M. Loubet, M. Lacombe
a demandé à interpeller le nouveau mi
nistère, qui s'est montré moins pressé
à la Chambre haute. Sur la demande
de M. Loubet, la discussion a été fixée
à lundi.
Avant la séance publique, la Cham
bre a nommé dans les bureaux la
commission chargée d'étudier la nou
velle proposition de M. Pourquery de
Boisserin, relative aux pouvoirs de la
commission d'enquête ; sept commis
saires,sur onze, sont favorables., L'au
teur de la proposition est au nombre
des commissaires.
Deux autres propositions ont été dé
posées en séance relativement au Pa
nama : la première, qui vise-les droits
des actionnaires, est de M. de Ramel,
qui a obtenu la déclaration d'urgence ;
la seconde, de M, Thellier de Ponche-
ville, est relative à la restitution des
versements fait3 indûment. Une de
mande d'urgence, faite d'abord, ayant
été retirée, la proposition ira à la
commission d'initiatrice parlemen
taire.
Il n'y a rien de bien saillant à signa
ler ce matin au sujet de l'enquête ; le
fait le plus intéressant est une décla
ration de M. Chevillard, chef de ba-^
taillon d'infanterie en retraita, qui
explique dans quelles conditions il a
signé pour 530,000 fr. de chèques, qui
ont été encaissés par M. Barbe. C'est
écrasant pour l'ancien ministre.
L'agitation persiste au sujet du pro
cès du recteur Ahl\vardt. C'est au
jourd'hui que son élection doit être
officiellement annoncée au Reichstag.
Les députés antisémites auraient re
cueilli le nombre de signatures néces
saires pour une proposition deman
dant la suspension du procès. D'autre
part, les nationaux-libéraux, pour la
plupart inféodés aux juifs, voudraient
réclamer l'annulation de l'élection.
La proposition serait audacieuse, avec
la majorité obtenue pur M. Ahlwardt.
Le cabinet Sagasta n'est pas encore»
constitué à Madrid, mais tout le
monde l'attend. D'après les dépêches,
M. Canovas lui-même, en présence de
l'impuissance des conservateurs divi
sés, comme cela leur arrive .trop sou
vent, aurait invité la reine-régente
à confier ie pouvoir à M. Sagasta.
{Voir aux Dernières Nouvelles)
Retranchez-en - ce qui concerne
l'affaire du Panama, la déclaration
ministérielle .ne se différencie en rien
de celles que les Chambres, depuis
une dizaine d'années, ont pris l'habi
tude d'entendre à peu près chaque
semestre. Mêmes formules, mêmes
indications politiques, mêmes appels
à l'union de tous les républicains,
mêmes redondances, mêmes bana
lités. Il est encore à venir le prési
dent du conseil, innovateur;, qui
tiendra le véritable langage d'un
homme de gouvernement.
Personne, d'ailleurs, ne peut être
surpris que M. Ribot ne soit pas cetau-
dacieux-là. M. Ribot, quand il en au
rait envie, se garderait' bien de s'éga
rer hors des sentiers battus. Ils sont
mal fréquentés, on y patauge, ils
ne mènent à rien de glorieux, ni
de bon ; mais on a chance d'y chemi
ner quelques mois avant de rencon
trer, au détour de la route, le vote de
défiance qui met fin aux existences
ministérielles. M. Ribot n'hésite pas.
Courir le moins de risques possible,
voilà son vrai programme. Il prend
donc les sentiers battus. Il y marchera
du même pas que ses prédécesseurs.
Il le déclara. On s'y attendait.
C'est dit : le nouveau cabinet cont
inuera de suivre une politique dont
le résultat le. plus certain est d'avoir
séparé la France en deux partis hos
tiles, mais « qui n'a pas cessé », pour
si peu, de plaire à la majorité oppor
tuniste et radicale. Il « maintiendra
fermement les lois sur lesquelles re
posent l'éducation et la défense du
pays » ; voilà le couplet obligatoire
en l'honneur de la législation scolaire
et militaire. M. Ribot s'est cru d'au
tant plus obligé de servir ce .couplet
aux Chambres, qu'il se sent un peu
suspect de n'aimer pas, au fond, cette
législation trop évidemment persé
cutrice. Pour écarter une suspicion
qui l'effraie, il promet donc avec
force que ces lois seront exécutées ri
goureusement. Toujours dans le
même but, il tiendra énergiquement
sa promesse. Ah ! M. Charles Dupuy
aurait bien tort de craindre que son
président du conseil ne l'entrave 1
Moyennant cette attitude, et malgré
la difficile affaire du Panama, le nou
veau cabinet espère vivre jusqu'à
Pâques, ou à la Trinité,... qui sait?
peut-être même présider aux élections
législatives de 1893!
Pour être complet, M. Ribot, habi
tué à n'avoir pas le courage de ses
opinions, a inséré, en outre, d'assez
mauvaise grâce, vers le milieu de
son petit manifeste ministériel, la
phrase de rigueur sur la législation
du travail, qu'il faudra « développer
dans un esprit de justice et de solida
rité ». Qu'on ne se fie point au zèle,
au bon vouloir de M,. Ribot en ces
matières. Nous nous rappelons avoir
vu à la Chambre, un jour où Mgr
Freppel traitait, certes avec raison,
Tùrgot d 'homme néfaste, M, le dé
puté Ribot, généralement si calme de
voix et de gestes, lever ses longs bras,
en lançant une exclamatipn de stu
peur indignée. Ce fervent admirateur
de Turgot ne poussera pas bien ferme
le Parlement dans là voie des justes
réformes sociales.
Bref, rien n'est changé quant à la
situation des partis en présence. Lés
catholiques ont toujours devant eux,
au pouvoir, l'ennemi. La lutte s'im
pose dono plus que jamais;
Pierre Veuillot.
La raison principale^ pour laquelle
le nouveau cabinet n'a pas été battu
hier, ic'est que cette manifestation au
rait eu trop d'importance; Renverser
un ministère tout de suite, au premier
pas qu'il fait, lorsqu'il se présente dans
l'apparat traditionnel en exposant de
vastes projets, cela paraîtrait non seu
lement un excès de cruauté, mais
aussi une imprudence ; le public se
demanderait si une Chambre capable
de tels emportements n'est pas un
danger public. Donc, le vote da con
fiance était certain, mais la confiance
n'est pas plus chaude que la tempéra
ture de la rue.
En dépit de la solennité et de la
suffisance étalées par le nouveau garde
des sceaux, l'inquiétude persiste.
Même, certaines déclarations étranges
faites par M. Bourgeois l'ont aug
mentée,
En somme, on continue de ne,
s'occuper que de Panama. L'autopsie,
l'enquête, : les pots-de-viny Panama;
les élections prochaines* Panama, Pa
nama, Panama. C'est un cauchemar
où le glas résonne. On voudrait en sor
tir, et M. Bourgeois a été choisi pour
diriger l'exode. Le nouveau ministre
a donc besoin de pouvoirs étendus.
Mais il montre une désinvolture qui
éveille l'appréhension. Quelle assu
rance pour un chancelier trop jeune
et qui est entré par hasard dans la car
rière ! Il porte le manteau d'hermine
comme un veston. Débarrasser le Par
lement de cette enquête anormale et
périlleuse, voilà, bien entendu, ce
qu'on'demande de M. Bourgeois. Mais
on craint aussi, et avec raison, qu'une
manœuvre trop brusque ne provoque
de vives sensations et des clameurs.
L'enquête a été décidée à l'unanimité,
y compris le cabinet, y compris le
président. Il faut que les ministres et
les députés aient l'air de vouloir con
server à n'importe quel prix cette
chose qui exaspère le parti gouverne
mental.
La commission- d'enquête est établie
contrairement aux principes généraux
de notre droit public, c'est évident ;
mais il est évident aussi que la situa
tion révolutionnaire qui a permis et
imposé cette énorme irrégularité est
plus forte que les doctrines et les as-
pirations du régime actuel, gâté par
ses haines et par ses vices. Qu'im
porte, pour la commission, de se
trouver en dehors des règles et de ne
pas posséder de pouvoirs précis ! on a
été obligé dé lui attribuer « les pou
voirs les plus étendus ». Pour détruire
les résistances des légistes et des ad
ministrateurs, elle n'a qu'à céder à la
pression de la foule. Dans ce conflit
inévitable et permanent, tous les
avantages paraissent assurés au pou
voir révolutionnaire.
Dès hier, malgré le vote de la con
fiance obligatoire ; malgré l'antipathie
que l'interpellateur, M. Hubbard,
traîne avec soi; malgré l'horrible pe
santeur de M. Brisson, on a pu ap
précier la force dont disposent les
commissaires chargés de l'enquête.
M. Bourgeois débute par une transac
tion : il ordonne l'autopsie et il con*
sent à communiquer le dossier qui est
entre les mains des juges. Tout le dos
sier, intégralement? M. Bourgeois se
rattrape et se met à distinguer : le dos
sier passera par ses mains,qui pourront
retenir certaines pièces dont la divul
gation paraîtrait dangereuse. Alors
c'est le garde des sceaux qui limite les
pouvoirs de' la commission et qui
prononce entre elle et les magistrats !
Arbitre suprême entre la justice cons
tituée et un jury d'honneur devant le
cette dissertation, la Chambre était
positivement interloquée. Les gens
qui ont l'habitude d'applaudir les mi
nistres s'arrêtaient au milieu de leurs
applaudissements et se regardaient
avec des figures stupéfaites - Ah l
ça mais I Oh ! oh I Bigre ! C'est roide l
— Et ils pensaient à ce que diront
les électeurs lorsque le bruit se ré
pandra que le gouvernement et la
Chambre étouffent l'enquête. Le garda
des sceaux se défend d'une pareille
intention, mais il invite doucement
la commission à attendre l'arrêt de
la justice; il promet qu'après le
10 janvier il lèvera tous les secrets et
tous les scellés.
Or, la commission, investie d'un
mandat qui la rend indépendante
de l'autorité judiciaire, ne désire pas
et ne pourrait peut-être pas s'im
poser la moindre contrainte. M. Bris
son l'a fait comprendre ; et à l'opposé
du ministre, qui dénonçait la cons-
piration de3 vieux ennemis de la Ré
publique, il a rendu hommage à la
sincérité qu'ont montrée la droite et
ses représentants. Ces paroles ont
achevé l'ahurissement de l'a majorité.
M. Hubbard a répliqué en constatant
l'équivoque entretenue par le minis
tre. Celui-ci a répondu en se faisant
prier, M. Bourgeois soutient que ses
réserves portent « sur les conditions
de forme et non sur les conditions
d'étendue ». Pour un chancelier tout
neuf, voilà beaucoup trop de subti
lités. La justice va être menée à une
allure qui la fera ressembler à la po
lie ; et la commission va s'obstiner.
Fameuse confiance! Pour deux sous
de confiance 1
Eugène Tavernier.
Dans l'Ouganda ' '
La France n'a jamais eu l'intention
de s'emparer de l'Ouganda, qui est
placé en dehors de sa sphère d'in
fluence. Mais elle y avait des mission
naires qui avaient le droit de comp
tée sur la bienveillance et même la
protection des puissances civilisées.
C'était compter sans la société im
périale anglaise de l'Est africain et
sans la société des missionnaires pro
testants de Londres,qui ont envoyé là-
bas une expédition commandée par
le capitaine Lugard.
Justement les catholiques ougan
dais, les enfants des missionnaires
français et allemands, après d'horri-*
bles persécutions, y étaient devenus
les plus nombreux et, par consé
quent, les plus forts. Le roi Mouanga
lui-même était avec eux. Et les mis-
eionnaires protestànts et leurs dis
ciples, jaloux de cette civilisation qui
se faisait sans eux, prétendirent qu'elle
se faisait contre eux. Il y eut des que
relles, une agitation inquiétante, des
menaces de soulèvement, des vio ;
lences même.
Ce fut alors qu'apparut le capitaine
Lugard, avec des soldats, des fusils et
des mitrailleusès Maxim. Il épousa na
turellement la querelle des protestants,
attaqua vigoureusement les catholi
ques et le roi Mouanga lui-même, qui
battus, décimés, poursuivis avec fu
reur, durent s'enfuir de la capitale
avec les missionnaires. Nos lecteurs
n'ont certainement pas oublié les tris
tes faits raoontés par nos missionnai
res. Ils savent que les catholiques ou
gandais réfugiés dans la région Boud-
dou, sont réduits à la situation la plus
misérable, et qu'ils peuvent encore re
douter toutes les extrémités de la part
des protestants alliés aux musulmans.
Quand la France a demandé des ex
plications, lord Salisbury a rappelé le
capitaine Lugard pour lui demander
de les fournir. Aux lettres de M. Wad
dington, restées trè3 cordiales, disent
les journaux de Londres, le premier
ministre anglais a répondu en priant
le capitaine Lugard de donner ses
raisons.
Le digne capitaine n'a pas été em
barrassé. II. a soutenu que dans l'Ou
ganda il s'était montré d'une justice
rare et d'une parfaite impartialité en
tre protestants et catholiques. M. Wad
dington a pu protester et répondrè
que son impartialité armée de mitrail
leuses avait réussi très bien aux pro
testants, mais très mal aux catholi
ques. Car nous aimons à penser que
M. Waddington à protesté.
Quant à lord Salisbury il s'est dé
claré enchanté des raisons du capi
taine Lugard. Néanmoins il n'osa pas
le renvoyer dans l'Ouganda. C'est un
nouveau fonctionnaire, sir Gerald
Portai, le représentant de l'Angleterre
à Zanzibar, qui est chargé par lord
Roseberry, successeur de lord Salis»
burv, d'aller continuer dans l'Ou
ganda la mission du capitaine Lugard.
On doit espérer qu'il n'aura plus be
soin de mitrailleuses. Du reste, si
M. Portel est protestant,il a une femme
catholique, ét ce détail, observe gra
vement un journal de Londres, doit
nous rassurer sur le bonheur des Ou
gandais.
Nous ne demandons pas mieux que
d'être rassurés. Cependant, nous res
tons un peu inquiets quand nous
voyons lord Roseberry entourer le ca
pitaine Lugard de sa faveur tout
comme lord Salisbury. Nous appre
nons en effet,par les journaux de Lon
dres,que le capitaine Lugard ne quitte
guère, à Londres, le Foreign Office,
lord Roseberry ayant besoin de ses
lumières et de ses conseils pour cette
épineuse expédition de l'Ouganda. De
sorte c[Ue la mission pacificatrice et
impartiale de sir Gérald Portai va être
inspirée et dirigée de Londres par le
digne capitaine dont des jour--
naux conservateurs en Angleterre ont
flétri le brigandage et la cruauté.
Il paraît, d'après le Times et d'au*
très feuilles de son importance, que
« l'opinion publique » a imposé à lord
Roseberry cette attitude dans la ques
tion de l'Ouganda. Nous ne félicitons
•pas le cabinet Gladstone de prendre
aussi docilement la suite des tristes
affaires de la compagnie de l'Est afri
cain et de la société des missions an
glicanes de Londres.
Pour le surplus, nous attendrons la
fin. Et nous verrons si, avec sa cor
dialité, M. Waddington, qui est dans
ce moment l'hôte de Stawarden, ob
tiendra la réparation à laquelle la
France a droit pour ses missionnaires.
Nous verrons si le gouvernement de
la République, malgré le trouble où
le jette l'affaire du Panama, saura
maintenir la juste demande de la
France
Entre protestants
Parles confidences de Y Eglise Libre,
« journal de la Réforme Evangélique »
dont M. Léon Pilatte est directeur, nous
sommes informés que les protestants
de la Haute-Vienne échangent entre
eux, depuis quelque temps, tout au
tre. chose que des aménités. Il faut
ajouter que ces disputes très aigres
sont venues à propos d'un fait assez
original, le maire protestant de Ville-
avard ayant refusé l'accès du temple
de cette commune à M. Calluaud, qui
se dénomme « pasteur de l'église ré
formée officielle de la Haute-Vienne ».
En vertu de ce titre, M. Calluaud
prétend qu'il n'existe dans le dépar
tement de la Haute-Vienne « que le
pasteur et le conseil presbytérai offi
ciel de la paroisse de Limoges* » la-
3uelle, par suite, engloberait lajuri-
iction à exercer sur toutes les autres
paroisses du département. D'où le
droit, pour le pasteur de cette paroisse
départementale unique, d'aller pérorer
à son gré dans tel ou tel temple de
son choix, d'un bout à l'autre du dé
partement.
Dans l'espèce, M. le pasteur Cal
luaud émettait la volonté d'officier
dans le temple de Villefavard, malgré
les protestants de la Société évangéli-.
que par le» soins desquels avait été
bâti le temple de Villefavard, et, pour
avoir raison de leur résistance, il fai
sait tout simplement appel à l'autorité
du maire.
Mais eelui-ci refusa d'obtempérer à
une sommation pareille, et il donnait
deux motifs, qui lui semblaient égale
ment décisifs. Premièrement, il existe
à Villefavard un pasteur et un conseil
de paroisse protestant ; par consé
quent,on n'y a que faire de l'interven
tion évangélisante du pasteur Cal-
luand. Secondement, le temple n'est
pas une propriété communale, et par
suite .le maire n'a pas qualité p.our le
mettre, contre.le gré de ses proprié
taires, â la disposition du premier
venu.
Ces raisons n'eurent p&s le don de
convaincra M. Calluaud, qui ri
posta par une lettre aigre-douce, dont
voici le début ; « Quels que soient vos
droits, que je respecte autant et plus
que personne, vous n'avez certaine*
ment pas la faculté de m'interdire
l'accès de ma paroisse. » Et, visant le
caractère de propriété privée invoqué
par le maire au sujet du temple de Vil^
lefavard, l'irritable pasteur ajoutait :
« Je vous ai adressé ma demande au
nom d'un groupe de propriétaires de
cet édifice, bien décidés à revendi
quer leurs droits de propriété devant
toutes les juridictions. » Ce dernier
point était exact, mai3 le pasteur
omettait soigneusement de dire que
les propriétaires étaient au nombre
de 61 ; or, sa réclamation ne s'ap
puyait que sur le vœu de 3 familles.
On dut lui faire observer que ce n'é
tait pas suffisant pour violenter le
droit de la grande majorité des pro
priétaires récalcitrants. Mais il n'en
veut pas démordre, et comme il an
nonce le dessein d'entrer dans le
temple « en se faisant soutenir, au
besoin, par des forcesde police, » YE-
glise Libre s'écrie avec horreur : a C'est
à croire.que Limoges est le chef-lieu
d'un mandarinat chinois j » L'organe
protestant n'admet pas, d'ailleurs,
qu'une telle menace puisse être exé
cutée, et, pour le cas où l'on essaie
rait de le faire, il nous promet une jo
lie bataille ;
di, dit-il, , cette menace était plus qu'un
propos irréfléchi, échappé au dépit, et si
un a pasteur offioiel » était capable de com
mettre un attentat aussi insensé, nous somr
mes persuadé qu'à défaut d 'un Consistoire
jaloux de flaire respecter la liberté spiri
tuelle, il y aurait des gendarmes pour pro
téger la propriété commune des citoyens
chrétiens de Villefavard.
Ceci se passe, ne l'ouhlions pas, en*-
tre gens qui se sont réfugiés dans l'hé
résie pour n'avoir plus à souffrir des
prétendus abus d'autorité dont ils ac
cusent l'Eglise catholique. En consta
tant leurs divisions profondes, fruit
logique d'un principe de révolte, ne
feraient-ils pas mieux de réfléchir aux
grands avantages que leur offre cette
Eglise tant calomniée qui, avec l'unité
de sa juridiction, garde intacte l'inté
grité de la foi?
Auguste Roussel.
Sous ce titre : « La mort et les fu
nérailles de M. Ernest Renan », Mgr
Perraud, évêque d'Autun,publiait na-
guères un écrit dont il vient de rece
voir une haute récompense.
Voici la lettre que Sa Sainteté a
daigné adresser au savant prélat :
LÉON XIII, PAPE
Vénérable frère, salut et bénédiction
apostolique.
Nous avons lu avec beaucoup de satis-
faotioa votre lettre du 20 novembre,et Nous
avons été très sensible à l'envoi qui y était
joint de votre volume sur la mort et Jes fu
nérailles d'Ernest Renan.
Ce que vous avez écrit dans oe livre,
Nous le trouvons savamment pensé, ex
primé aveo justesse et en rapport exact
avec l'importance du sujei.
Il Nous a été agréable d'attribuer au par
fait dévouement dont vous êtes animé à
Notre égard la mention que vous y avez in
troduite de ce que Nous avions fait Nous-
même, dès l'apparition du roman impie et
mensonger inventé' par l'écrivain français
sur la Vie du Christ, Notre-Seignëur (1).
Il y a bien lieu de vous félioiter du zèle
que vous avez mis à flétrir, comme elle le
méritait, devant les hommes, cette œuvre
malfaisante. Aussi, de grand cœur, expri
mons-Nous le souhait et le présage que le
labeur oonsacré par vous à cette question
sera fécond en fruits très abondants de sa
lut.
En gage de Notre dilection pour vous,
Nous accordons très affectueusement dans
le Seigneur Notre Bénédiction apostolique
à vous, vénérable frère, ainsi qu'au clergé
et aux fidèles confiés à votre vigilance pas
torale.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le
2.9 novembre 1892, en la quinzième année
do Nôtre Pontificat.
LÉON XIII, PAPE.
Il ne paraîtra pas hors de propos, à
la suite du bref pontifical, d'emprun
ter à. l'écrit de. Mgr Perraud, ce qui
se rapporte au caractère public des
obsèques de Renan :
Je ne prétends, en aucune façon, empié
ter sur les idées et les convictions de
M. Léon Bourgeois, ni contester la liberté
dont il jouit, comme tous les autres Fran
çais, de les exprimer à ses risques et périls
toutes les fois qu'il parle et écrit en son
nom privé. C'est affaire à lui, et oe ne sont
pas se3 théories personnelles qui sont ici en
discussion.
Mais* dans la circonstance dont il s'agit,
ce n'est pas M; Léon Bourgeois qui était en
scène; c'était le ministre de l'instruotion
publique, c'est-à-dire le représentant attitré
d'un gouvernement qui fait profession
d'entretenir aveo l'Eglise catholique des re
lations déterminées par un Concordat ; qui
a reçu du Chef de oetle Eglise et qui exerce
le droit si'considérable de concourir au
choix des catégories les plus élevées de ses
dignitaires ; qui s'arroge, vis-à-vis de tous
les ministres du oulte, ce qu'il appelle, dans
son style administratif^ « des. droits disci
plinaires », dont il fait usage toutes les
t'ois que, d'après lui,.l'attitude ou le langage
de oes ministres lui paraissent avoir porté
atteinte aux prérogatives de l'Etat. Pour
tous ces motifs réunis, je demande si
c'était respecter « la raison qui met les
bienséances, et les bienséances qui mettent
la perfection » que de prendre une telle
part aux funérailles oiviles d'un adversaire
déolaré de la religion oatholique, et d'y glo
rifier ouvertement tout ce qui, sous la l'or-
mule diplomatique et en apparence inof
fensive de « science libre », a été, de la
part du défunt, un immense effort soutenu
pendant quarante années contre les convic
tions religieuses d'une grande partie de ses
oonoitoyens.
A oes réflexions, que je soumettrais vo
lontiers à l'appréciation de tout homme de
bon sens et de bonne foi, uniquement guidé
par les principes des « bienséances et de
là raison » naturelles, j'ajoutei-ai une ques
tion que je formule encore à l'aide d'une
hypothèse.
Je suppose que, peu de jours ou peu
d'heures avant de mourir, M. Renan eût
accepté la visite d'un prêtre ; que, se sou
venant de sa pieuse mère, des émotions de
sa première communion, des leçons et des
exemples de ses anciens et vénérés maîtres
du - petit séminaire do Tréguier et de Saint-
Sulpice, il eût exprimé le désir de se ré-
oonoilier avec Jésus-Christ ; qu'il eût incliné.,
son 4me sous le pardon saoramentel et sol
licité sa part des secours dont l'Eglise en
toure ceux de ses enfants qui vont affronter
la redoutable épreuve de la mort.
Dans ce cas, les funérailles de M. Renan
auraient été célébrées à sa paroisse. Le sa-
(tj Allusion à la. Lettré pastorale publiée le
20 novembre 18Q3, par le cardinal Pecoi, évêque
de Pérouse, et citée à la page 93 du livre de
Mgr l'évêçjue d'Autun.
orifice de nos autels eût été offert en pré
sence de ses dépouilles, que des prêtres
auraient conduites à leur dernière demeure.
Les touchantes prières da la liturgie au
raient été dites sur sa tombe, et phaoun des
assistants aurait répandu l'eau sainte sur
le cercueil avant qu'il eût disparu sous la
dernière pelletée de terre. Ea quoi ces cir
constances eussent-elles empêché M. Renan
d'avoir été, comme l'a justement dit
M. Bourgeois, «undes maîtres de la langue
française », laissant derrière lui des écrits
auxquels « sa conscience d'artiste p. su don-
ner une forme parfaite? » Mais je demande
si, dans ce cas, le gouvernement se fût fait
représenter devant le cataf'alqua du grand
écrivain et si, pour honorer exceptionnel
lement sa mémoire, il eût grevé le budget
d'une dépense de dix mille francs ?
N'est-il pas au contraire absolument eer-
tain qu'une seule goutte d'eau bénite, prise
ou reçue avec foi par le pauvre mourant,
eût suffi à mettre en fuite toute la pompe
des cérémonies et des harangues officielles? '
M. Renan, redevenu chrétien avant de mou
rir, eût été laissé aux éloges obligés de ses
confrères des Académies et de ses collègues
du Collège de France. Rien de plus. C'est
précisément oe que faisait remarquer, il y
a peu de jours, ui*e revue célèbre, aux al
lures très indépendantes, et dont le langage
$n cette circonstance est l'expression non
pas des susceptibilités professionnelles d'un
membre du clergé, mais des bienséanoes
qu'imposent le respect de la justioe et la
bon sens.
« Une simple question : si M. Ernest
Renan n'était pas l'auteur de la Vie dt
Jésus et n'avait pas aiguisé ses polémiques
contre le dogme, contre la divinité du
Christ; s'il s'était borné à être un des pre
miers écrivains du siècle, aurait-on songé
$1 le porter au Panthéon ? De sorte que,
sous prétexte de relever un penseur, on
ne songe réellement qu'à mettre le sceau
de l'esprit de secte sur l'homme et le mo
nument (?). »
Mettre officiellement le sceau de l'esprit
de secte sur l'œuvre de démolition soienti-
Hque deç,, croyances chrétiennes à laquelle
M.- Renan aura eu la redoutable gloire d'a
voir attaché son nom : tel est bien, en
effet, le sens de la démonstration qui a eu.
lieu dans la matinée du 7 octobre.
S. G. Mgr l'évêque d'Evreux nous fait
l'honneur de nous communiquer la
lettre pastorale suivante .prescrivan
un Te Deurn pour remercier Dieu du
succès de nos armes au Dahomey :
Nos très çhers frère?, .
Le 11 novembre, sur l'invitation de la
société de la CrpixrRouge, nous célébrions
un service funèbre, dans la cathédrale
d'Evreux, pour nos soldats tués à l'ennemi,
ou morts des suites de leurs blessures,
après les dernières guérres. Tous les offi
ciers de notre garnison, le' général-en tête,
assistaient, émus, à cette solennité reli
gieuse. On voyait flotter les drapeaux trioo-
lores au milieu des tentures noires : image
saisisante de la patrie en deuil, pleurant,
comme Raphpl, parce que ses fils ne sont
plus. Les noms de nos diverses campagnes
étaient inscrits au-dessus de l'autel ; mais
parmi ces noms, celui de Dahomey attirait
tous les r'egards, et l'imagination, franchis
sant T-espace; nous montrait là-bas, au pays
noir, ; des victimes héroïques tombées pour
la cause de la Franoa et de la civilisation. Et
nos prières montaient vers le Ciel, implo
rant de la miséricorde divine, avec l'indul
gence et le pardon pour ces braves, leur
entrée triomphale dans le royaume du
bonheur et de la paix.
A oette date, toute anxiété n'avait pas
disparu. Quelle serait l'issue définitive 1 dé
cette expédition lointaine? Le sang de nos
frères devait-il couler longtemps encore, ef
la victoire, pour prix de leur dévouement,
allait-elle se fixer sur nos étendards?
Aujourd'hui, les cœurs oppressés respi
rent, les fronts se relèvent, et la fierté fran
çaise se reprend à l'espérance, Kana,' la
ville sainte ; Abomey, la capitale de l'Etat
dahoméen, sont à npus ; l'ennemi est en
fuite ; plus d'esclavage, plus de saorifioes
humains sur ces côtes barbares '; notre
honneur, qui vient d'être vengé, s'en porte
garant..
Après avoir prié pour no3 morts et ac
clamé nos intrépides soldat, il nous "raste à
bénir le Dieu des armées, comme le fai
saient nos pères, et à chanter au Christ, qui
toujours aime les Francs, l'hymne de notre'
reconnaissance, le Te Deum national, dont
l'écho, depuis tant d'années, hélas 1 sem
blait endormi sous les voûtes de nos tem
ples.
En remerciant, le Seigneur de ce succès
accordé par Lui à nos armes, nous le sup
plierons d'assister avec la même effinaoilé
la France chrétienne, dans la lutte qu'elle
soutient, au dedans, contre les ennemis de
sa_foi, qui sont en même temps, les enne*
mis de sa gloire et de sa prospérité: lutta
douloureuse s'il en fut, car ici, les ennemis»
qu'il lui faut vaincre sont ses propres en*
fants.
Suit le dispositif.
—rg^mii
, ^ Agence Havas no'jg communique
la depeche suiYfl.tlce :
< Tunis, 8 décembre.
La cathédrale de Carthage a été admira
blement décorée par les soins de M. Bon-
neti architecte diocésain.
De la coupole du chœur tombaient quatre
larges bandes pourpres, étoilées d'or, for
mant dais au-dessus du catafalque. Huit
bandes blanches et noires avec des larmes
d'argent tombaient de lacoupole dans la nef.
Les arcs de la travée intérieure de la ca
thédrale qui appartient au genre hispano-
mauresque, étaient tendus de viles de crêpe
s'enroulant ensuite autour de minces co-
lonnettes de marbre hlanc.
Devant le siège épiscopal, également
voilé de orêpe, les couronnes étaient dé
posées.
La cérémonie n'était pas officielle ; mais
presque toutes les autorités et jine foule
considérable, parmi laquelle beaucoup d'A
rabes y assistaient.
(1) Revue des Deux-Mondes du 15 octobre 1892.
p. 950. '
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