Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-12-08
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 décembre 1892 08 décembre 1892
Description : 1892/12/08 (Numéro 8983). 1892/12/08 (Numéro 8983).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k707906d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 8 Décembre 1802
N* 8983. — Edition qnotidiszme
Jeudi 8 Décembre 1892
B2ESS
ÉDITIO N QUOTID IENNE
paris étranger
Un an . „
Six mois . .
Trois mois.
1ÊX départements
. . 65 »
.. 28 50
15
(union postal»)
66 »
34 »
18 »
a»s abonnements parten t des l »r et 16 de chaque mois
ÏÏN NUMÉRO i S^ ris 18 cent °
l Départéménts... 20 —
SUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pères
- On s'iboone i Rome, plue du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUO TIDIENNE
paris étranger
. . et départements . (union postale)
Un an . • • • • • 30 » 36 »
Six mois. .... 16 » 19 »
• Trois mois. ... 8 50 10^ »
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois .
L'UNIVERS s#' répond pas des manuscrits qui lui sent adressés
ANNONCES ;
MM. LAGIIANGÈ, CERF et G'V 6, place de la Bourse ! :
FRANCE
PARIS, 7 DÉCEMBRE 1892
Le Journal Officiel publie ce matin
les décrets nommant les membres du
nouveau ministère; on les trouvera
plus loin. Ils sont bien conformes à
ce que l'on annonçait hier, avec cette
seule différence que les cultes ne sont
pas rattachés à l'intérieur,mais à l'ins
truction publique. Le ministre des
cultes ^ n'est donc pas M. Loubet,
que l'on pouvait croire assez bien
disposé, malgré ses faiblesses, mais
M. Dupuy, un universitaire haineux.
On annonce pour ce soir, cinq heu
res, un conseil des ministres, où sera
rédigée la fameuse déclaration qui doit
assurer au cabinet Ribot la confiance
des Chambres. Certains journaux pré
tendent que ladite déclaration est déjà
arrêtée, au moins dans ses grandes
lignes,et ils en publient des analyses
plus ou moins autorises. D'après le
Petit Parisien,le ministère promettrait
son concours le plus entier pour l'en
quête sur le Panama, mais « tout en
assurant le respect du principe de la
séparation judiciaire et du pouvoir
législatif »> ; c'est-à-dire qu'il ne pro
mettrait rien du tout, puisque toute la
question est dans ce « principe ». En
outre, il demanderait le vote rapide
du budget,tout en réclamant deux dou
zièmes provisoires.
Ce résumé est assez vraisemblable,
mai3 la Chambre se contentera-t-elle
d'un programme aussi vague ? Elle
sait que la plupart des membres du
cabinet sont peu favorables à l'en
quête.
Hier, à la commission d'enquête,
il ne s'est pas produit d'importantes
révélations; toutefois certaines dépo
sitions ne sont pas sans gravité. La
commission semble toujours décidée
à faire la lumière.
L'élection du pasteur Ahlwardt, mal
gré les poursuites judiciaires dont il
est l'objet, cause en Allemagne une
irès grande impression. Les juifs et
les libéraux, ces dignes alliés, ne dis
simulent pas leur irritation de voir
élire député un des plus ardents adver
saires des juifs, dont ceux-ci croyaient
ibien être débarrassés par le procès
entamé. Des faits semblables prouvent
que le mouvement antisémite est sé
rieux et que, loin de perdre du terrain,
il en gagne.
Un journal, dévoué, sinon vendu
aux juifs, s'indigne contre les conser
vateurs' protestants qui se sont ralliés
à M. Ahlwardt parce que sans cela ils
risqueraient de perdre beaucoup de
leurs électeurs ; ce journal ne voit-il
pas qu'il constate ainsi l'importance
du mouvement antisémitique ?
Une rupture s'est produite à la
Chambre espagnole entre M. Silvela
et M. Canovas. On se demande si le
ministère pourra rester après cela.
On sera fixé dès aujourd'hui, M. Ca
novas devant poser la question de
■confiance.
La réforme foncière
Parler cadastre n'est pas précisé
ment prendre le chemin de l'article
sensationnel. La question, pourtant,
est intéressante. Elle a fait l'objet
d'un récent congrès, où l'esprit con
gressiste, en général plus disert que
fertile, s'est donné libre carrière. Elle
occupe en permanence une commis
sion de la Chambre. Elle se recom
mande enfin à tous les esprits prati
ques par sa connexité avec la ques
tion sociale. Car si la question sociale
met en cause le droit de la propriété,
le cadastre vivifie ou compromet son
régime.
Je voudrais qu'on réunît une cen
taine de propriétaires fonciers, appe
lés au hasard de tous les points de la
France, et qu'un jurisconsulte les in
vitât individuellement à produire les
titres, soit constitutifs de leur droit,
soit énonciatifs de son étendue. La
grande majorité, l'unanimité peut-
être, si elle était pressée méthodique
ment de toutes les questions que la
science juridique peut lui poser, et
auxquelles il faut répondre, sous peine
de ne pouvoir dire : « Ceci est à moi »;
la grande majorité, après avoir dé
posé quelques titrés incomplets ou
insuffisants, ne défendrait ses derniers
retranchements qu'à l'aide de faits de
possession et de tradition. En d'autres
termes, le droit individuel, au lieu de
dégager de son propre fonds son
ressort et sa preuve, trouve son res
sort dans la bonne volonté et sa preuve
dans l'aveu des contemporains.
La démonstration rigoureuse du
droit de propriété, la seule qui per
mette de conclure Hoc meum est, porte
sur deux objets : cause d'appropria
tion légitime, identité de la chose
appropriée. Cette preuve, en appa
rence, est facile. Quant au premier
point, il semble qu'il suffise de pro
duire «le titre, vente, échange, dona
tion, testament, actes de l'état civil
constatant la filiation et le décès, d'où
résulte, pour le détenteur actuel, la
qualité de propriétaire. Quant au se
cond, la preuve semble plus facile
encore, car les immeubles sont géné
ralement désignés, individualisés dans
les contrats, avec tout le luxe d'indi
cations : contenance, lieux dits, ren
vois à la matrice cadastrale, tenants
et aboutissants, qui permettent de les
distinguer comme corps certains.
Voilà la démonstration qui paraît suf
fisante aux propriétaires, et dont la
pratique se contente d'autant mieux
qu'en l'état actuel de la législation il
est impossible d'en imaginer une au
tre. Elle est pourtant théoriquement
incomplète, et, dans l'application —
le nombre des contestations immobi
lières le prouve —sujette aux objec
tions les plus graves.
Le détenteur actuel produit un titre
investitif de propriété. Soit, mais en
droit strict il faudrait démontrer que
celui qui l'investit, son auteur en
langue juridique, était propriétaire
lui-même, de même que l'auteur de
cet. auteur, et ainsi de suite, en re
montant la chaîne des détenteurs suc
cessifs, jusqu'au bénéficiaire de l'ap
propriation primitive. Or ces origines
de propriété se perdent, comme on
dit,dans la nuit des temps. Pas un no-
; taire, avec ses minutes ; pas une com
mun», avec ses archives; pas un par
ticulier,avec ses papiers de famille, ne
peuvent reconstituer le dossier com
plet d'une transmission immobilière.
Le temps a fait son œuvre, c'est à lui
qu'on s'adresse pour la réparer. Ici
entre en scène la prescription, que
les Romains appelaient pompeuse
ment patrona generis huriiani, parce
qu'elle apporte la paix à l'humanité,
en rendant une décision de fait sur les
questions insolubles.
Une décision de fait', un fléchisse
ment du droit, une consécration de
l'opportunisme juridique, voilà, en
effet, toute îa prescription. Notez
qu'en médire est impossible, comme
de l'autorité de là chose jugée, laquelle
n'est pourtant, à l'occasion, que l'ex
pression solennelle d'une bévue. Car
enfin.il faut un terme à tout, un point
où, dans les contestations humaines,
la probabilité soit tenue pour équiva
lente à la certitude. — Et il y a des
jurisconsultes qui se moquent de l'in
faillibilité 1
Théoriquement, donc, si la pres
cription est la patronne du genre hu
main propriétaire, elle se fait respec
ter plus par ses bienfaits que par son
authenticité. Dans la pratique, elle
procède moins radicalement que le
public se l'imagine. Elle est elle-même
subordonnée à des preuves ; elle ne
devient, comme on ait, utile et acqui
sitive qu'à l'aide de faits intention
nels qu'il faut démontrer, et dont
l'appréciation jette le sort de la pro
priété dans tous les hasards d'une in
terprétation judiciaire. Hasards d'au
tant plus grands que ces faits doivent
être mis en preuve testimoniale : c'est-
à-dire que le lien métaphysique par
lequel une personne est propriétaire-
ment unie à une chose va se resserrer
ou se dissoudre, suivant les résultats
•de l'épreuve la plus périlleuse, sou
vent la plus incertaine, quelquefois la
plus immorale dans ses moyens, à
taquèlle puisse être réduite l'instruc-
|ion des proeès civils. — Tout cela est
fort imparfait, et nous montre le droit
de propriété plus efficacement pro
tégé par les mœurs que par la loi.
Si la preuve de l'appropriation est
sujette, en dernière analyse, aux vi
cissitudes des on-dit et des à-peu-près,
celle de l'identité du fonds n'est guère
mieux organisée. Les indications de
lieudit, de contenance, de culture, de*
tenants et aboutissants,mettent le juge
sur le chemin de la vérité : elles ne
garantissent pas qu'il le suivra. La
désignation da lieudit s'altère, se mo
difie, change même complètement au
gré des contenanciers du voisinage :
elle n'est souvent usitée que dans le
cercle de la famille du propriétaire, les
tiers en ayant adopté une autre. —
La contenance est, le plus souvent,
dans les contrats, indiquée sous une
rubrique approximative, les parties
voulant s'éviter les frais d'une mensu
ration nouvelle : en tous cas, son ex
pression n'implique ni l'assiette, ni
la forme de l'immeuble; elle ne si
gnale qu'un rapport de grandejur su
perficielle, insuffisant à établir 'iden
tité. — Les tenants et aboutissants , sous
l'influence de mutations successives,
conduisent aisément à des solutions
inexactes. — Quant au cadastre , vi
cieux dès l'origine, vieilli plus qu'au
cune autre institution par l'effet des
nouveaux morcellements, des adjonc
tions, des changements de culture, il
n'offre plus au juge que les ressources
les plus vagues, si tant est qu'il na
soit une cause de perplexités et d'er
reurs. Ses indications sont, d'ailleurs,
dénuées de toute force probante ; ce
n'est qu'un atlas de géographie locale;
un titre juridique, jamais.
« Ainsi, dit un jurisconsulte, rien
« ne résiste à l'examen dans ce triste
« inventaire des moyens de preuve.
« On dira qu'il en fut toujours ainsi,
« et que la propriété n'en a pas moins
« vécu sans éprouver de profondes
« lésions. Je répondrai que, dans les
« temps anciens, et depuis en France
« jusqu'à la fin du dernier siècle, le
« régime de la propriété foncière,
« l'immobilité relative des circons-
« criptions territoriales, les coutumes,
« les mœurs, la religion même, atté-
'« nuaient singulièrement le mal.
« Mais depuis que la loi des partages
« a commencé l'œuvre de démembre-
«" ment des anciennes tenures ; de-
« puis que le développement de
« l'industrie, faisant un appel inces-
« sant aux capitaux, les a demandés
« à la propriété foncière ; depuis sur-
« tout qu'une industrie spéciale est
« venue s'abattre sur nos campagnes,
« a dressé son comptoir au milieu
« des champs patrimoniaux, pour dé-
« pecer tout ce qui reste de domaines
« un peu compacts en terres divisi-
« bles, la confusion des limites
« agraires a fait chaque jour de nou-
« veaux progrès ; si bien qu'on peut
« prévoir l'époque prochaine où leur
« raccordement avec les actes trans-
« latifs sera devenu impossible. Et
« nous concluons avec assurance : en
« aucun temps, la preuve du droit
« de propriété n'eut aussi peu de
« moyens qu'aujourd'hui de se pro-
« duire avec évidence; en aucun
« temps ces moyens ne lui furent plus
« nécessaires. »
Ces lignes ont été écrites il y a
quarante ans. Elles s'adressent aux
rédacteurs du code civil, qui, en mul-
ti pliant le nombre des propriétaires,
n ont pas su introduire l'ordre, la pré
cision, la simplification, dans le ré
gime. des intérêts fonciers. Quel com
plément de démonstration fournirait
à l'auteur lè tableau de la vie contem
poraine, assombri par des revendica
tion qui visent la propriété dans son
principe même ! En nos temps criti
ques, où la tradition ne compte plus,
où les utopies circulent, où les droits
se surveillent et se jalousent, faire de
la possession acquisitive, démontrée
par la preuve testimoniale, la citadelle
de la propriété, ce n'est pas donner à
celle-ci l'authenticité, le relief, l'in
dépendance convenables : c'est la faire
dépendre, en quelque , manière, du
suffrage universel.
Je m'étonne que les diverses écoles
socialistes n'aient pas tiré plus bruyam
ment parti de ces fissures de notre lé
gislation. La prescription surtout, su
prême asile du propriétaire, aurait dû,
s'ils avaient l'esprit vraiment scienti
fique, être le point de mire de leurs
théories et de leurs sarcasmes. Car en
fin, prise à leur point de vue, elle ne
peut être qu'un produit de l'égoïsme
social, une institution d'essence très
bourgeoise, substituant le sommeil du
fait accompli à l'investigation géné
reuse de l'équité. Il serait aisé d'in
duire du rôle qu'elle joue dans la théo
rie juridique la fragilité même de tout
échafaudage des droits; Quoi, vous
êtes le droit, et quand on vous demande
vos papiers, c'est un calendrier que
vous apportez à la barre ! Vous prou
vez que vous avez possédé tant d'an
nées et tant de jours, et c'est cette
preuve qui vous fait reconnaître pro
priétaire ! Sans cette preuve, il vous
serait impossible de justifier, au moins
dans la personne de vos auteurs, d'un
lien juridique avec, la ohose, et voilà
le lien que votre morale me donne
pour sacré ? — Encore un coup, et
grâce aux lacunes de notre législation,
les socialistes auraient ici la partie
belle. Ils ont cherché hien des para
doxes, quand celui-là était sous leur
main. —Je n'ai pas à indiquer com
ment on peut leur répondre. Pas un
esprit bien fait, pas un praticien sur
tout, ne conteste la nécessité de la
prescription. Elle est, parce qu'il faut
qu'elle soit. J'avoue, au surplus, que,
si on entreprend de la raisonner, ce
n'est pas par la petite logique poin
tilleuse qu'il faut la prendre. Force est
de monter un peu haut, et personne
n'en pénétrera la philosophie, s'il
n'est de taille à comprendre la pensée
de Goethe, excellente à méditer, sous
le vent de sentimentalisme qui court :
« J'aime mieux l'injustice que le dé
sordre ».
Je conviens, toutefois, que, si la
prescription,soit acquisitive, soit libé
ratoire, a droit de cité dans tous les
codes, la meilleure législation est celle
qui s'en servira le moins, et c'est une
véritable infériorité de la nôtre de lui
faire jouer un rôle capital dans la
preuve de Ja propriété foncière. Cette
propriété, par sa nature même, se
prête à déplus larges, de plus impo
santes combinaisons.
Quand un Etat contracte un em
prunt ou, pour parler plus juridique
ment, vend ses rentes, à quel signe
évident et public atlache-t-il la qua
lité de rentier? Est-ce toujours au fait
brutal de la détention, de la possession
du titre? Nullement, puisque le nom
bre des titres nominatifs égale, s'il ne
le dépasse, celui des valeurs d'Etat au
porteur. Voilà donc toute une catégo
rie de richesses, mobilières, s'il vous
plaît, dont l'appropriation, le trans
fert, la circulation, le jeu juridique et
économique enfin, sont assurés, en
dehors de la théorie de la prescrip
tion. Le secret? Une inscription sur le
grand livre, qui vaut titre de propriété
jusqu'à radiation régulière. Vous pou
vez posséder ,1e « papier noirci » —
c'est une expression de M. Germain —
qui constate l'existence de la rente,
vous pouvez, dis-je, le posséder pen
dant trente ans, et même en jouir par
la perception du coupon ; si vous
n'êtes pas le titulaire inscrit, cette dé
tention et cette jouissance sont im
puissantes à vous constituer jamais
propriétaire. La force probante de
l'inscription s'exerce donc invincible-'{
ment et éternellement au profit du
droit primitif.
Je me demande pourquoi cette si
tuation si nette, si avantageuse au
point de vue de la preuve, gui est
faite aux rentiers, ne serait pas
étendue aux propriétaires du sol?
Pourquoi l'Etat français, par exem
ple, qui tient un grand livre de sa
dette, ne tiendrait pas aussi le grand
livre de la fortune territoriale, subdi
visé en autant de registres qu'on le
voudra?
Soit deux hommes, dont les
arrière-grands-pères ont acheté l'un
des immeubles, l'autre de la rente,
au commencement du siècle. Il est
possible que le premier justifie par
titres de l'origine de sa propriété;
mais le contraire est également pos
sible, car les titres, dès la troisième
génération, sont souvent perdus. Si
un tiers conteste son droit, le voilà
réduit à faire appel à la bonne foi et
à la mémoire des voisins pour établir
sa possession trentenaire ; il devra,
de plus, justifier des qualités de cette
Êossession. Voilà bien des embarras,
ien des plaidoyers, bien des en
quêtes. En plus, l'incertitude du
.succès.
Le second n'a qu'à prouver son iden
tité, preuve facile, s'il en fut, à l'aide
des registres de l'état civil. Les trans
ferts eussent-ils été négligés, il lui. suf
fit de démontrer qu'il est arrière-petit-
fils d 'un tel, rentier inscrit. Voilà la
transmission du lien juridique mieux
assurée, mieux réglée relativement à
une richesse de convention qu'au fonds
de terre, richesse naturelle et primor
diale ! — Hâtons-nous d'ajouter que
ce n'est là qu'un des principaux co
rollaires de la différence de situation
faite à nos deux capitalistes. L'inscrip
tion, quant au rentier, non-seulement
proclame et conserve son droit, mais
en trace exactement l'étendue. Si le
propriétaire terrien (ou ses ancêtres)
a égaré son titra, c'est à chaque ins
tant, à propos d'un bornage, d'une
usurpation, d'une question de mitoyen
neté ou de servitude, etc., qu'il est
ramené au même cercle procédurier,
preuve testimoniale, exception posses-
soire, prescription. ..
■ De telles anomalies, crient justice,
à une époque surtout où la. désertion
des campagnes, l'abandon du eo.l
prennent les proportions d'un malheur
public. On peut tenir poui^ qfcrtam
qu'au némbre des causes ^ui ont éloi
gné les capitaux des acquisitions im
mobilières, et même les propriétaires
de leurs immeubles, figurent les en
nuis, le3 contestations* les déboires
auxquels donne naissance une légis
lation tolérant l'incertitude du droit
de propriété. Si l'on objecte que ce
n'est point un devoir d'Etat de four
nir des titres aux parties qui perdent
les leurs, on répondra qu'il le fait
pourtant vis-à-vis de ses propres ren
tiers,et qu'à coup sûr il pèse assez lour-
dement.de nos jours, sur la vie indivi
duelle, pour ne pas craindre de deve
nir Ëtat-Providence, dans la mesure
où peut l'être un bon greffier. Nous
chercherons à préciser, dans un pro
chain article, les services que. son
intervention pourrait rendre.
Charles Loiseàu.
,
Il n'est pas^ nécessaire d'attendre la
fin de l'enquête pour s'arrêter à cer
taines des questions qu'elle soulève.
Voici, par exemple, des observations
du Gaulois et de Y Autorité auxquelles
il nous paraît bon de faire écho-
Nos lectéurs ont dû remarquer que
presque tous les clients de M. le baron
de Reinach, — nous entendons par
là ceux auxquels il a passé Une somme
sur les fonds du Panama,— déclarent
qu'ils étaient d'une façon quelconque
ses créanciers, et qu'au total ils ont
simplement reçu un remboursement.
Le directeur du Gaulois, M. Arthur
Meyer, prenant acte de ces explica
tions, a demandé au neveu et gendre
du baron, M. Joséph Reinach, de son
ger à ce qu'elles lui imposent. Après
avoir expliqué gue l'achetexir de votes
a pu croire qu'il était à peu près licite
d'agir ainsi pour servir une grande
œuvre, la fin, à ses yeux, justifiant
sans doute les moyens, voici com
ment il conclut :
Et si M. de Reinach n'était convaincu que
d'être un corrupteur, sa culpabilité serait
primée dans tous les cas par eelle des hom
mes qu'il a corrompus. Mais elle ne saurait
avoir aucun contre-coup sur les siens, siir
sa famille.
Vous êtes trop érudit pour ne pas savoir
que Robert Walpole porta et mérita Ie-sur-
nom de « maquignon des consciences ».
Cependant, les comtes d'Oxford ne rougis
sent pas du père de leur illustre ancêtre, le
premier de leur maison.
Donc, pour se défendre, M. de Reinach
n'aurait qu'à produire ses comptes. Et pour
défendre sa mémoire,ceux qui en ontle souci
naturel et légitime n'ont qu'à porter lesdits
comptes devant la commission d'enquête.
Car, si ces comptes ne peuvent être four
nis, si M. Cornélius Ilerz et d'autres per
sonnes interrogées peuvent déelarer, avec
ou sans preuve, que M. Jacques de Reinach
a payé ses vieilles dettes ou acquitté des
travaux d'architecture avec les chèques à
lui remi3 par la compagnie de Panama,
M. Jacques de Reinach ne sera plus seule
ment un corrupteur : il sera sous le coup
d'une accusation. dont je veux épargner la
qualification à votre deuil respectable.
Alors sa faute ne sera plus convention
nelle; elle sera de droit commun, elle s'at
tachera non plus à lui fout seul, mais à tous
ceux qui portent son nom, qui vous entou
rent et qui vous sont unis par des liens sa
crés. ■ • •
l 'opinion publique commence à se de
mander pourquoi les amis; pourquoi la fa
mille de M: de Reinach n'interviennent pas
afin de le 'couvrir devant elle.;
Et l'opinion publique comprend que la
meilleure "défense da défunt serait la pro
duction de ses-opérations .faite par ses héri
tiers devant la-commission d'enquête.
' Vous avez l'esprit trop droit pour n'avoir
pas déjà été frappé par une pareille consi
dération.
Elle vous impose une attitude que vous
saurez prendre-, j'en suis convaincu, parce
qu'elle sauvera l'honneur de- toute une fa
mille respectable -, en f-ace duquel la solida
rité politique doit paraître bien peu de
chose.
A ces .considérations il en faut
joindre uneautre ; c'est que, si la fa
mille Reinach ne prouve pas que le
baron a fait des millions du Panama
l'usage convenu, le liquidateur de la
compagnie; àfmé des-déclarations de
tels et tels, devra démàûder à la suc
cession ie.rjemboùrsémént'de ces mil
lions. Et comment n'auràit-il pas gain
de cause? ■
D'autres remboursements pourront
être réclamés, et Y Autorité a raison de
s'ecner :
L'opinion publique ne comprendrait pas 1
que l'enquête parlementaire soit privée de
la sanction qui s'impose : du moment que
l'on est entré dans l'égout, il n'y a plus
' moyen de reouler.
Personne ne comprendrait qu'on laissât
la besogne à moitié faite.
S'il devait, par malheur, en être ainsi, il
eût mieux valu ae pas commencer.
C'est à une revision générale de
l'emploi des fonds qu'il faut arriver,
afin que l'argent qui n'aura pas reçu
l'emploi indiqué, et un emploi justifié,
fasse retour à la Compagnie. Si la
commission d'enquête parlementaire,
même investie de pouvoirs étendus,
ne peut faire toute cette besogne, elle
peut au moins le préparer. Du reste,
elle y travaille.
Le ministère Loubet, retapé sous le
nom de ministère Ribot, n'a certaine-
ment pas sur tout cela des idées nettes
et bien arrêtées. Mais. ses intentions
et déclarations importent peu, car il
,ne dirigera rien. Le gouvernement,
■puni de- n'avoir pas su gouverner, est
débordé. 11 n'y a plus qu'une chose à
îùir? • aller au fond ; el la majorité ré
publicaine •■'lie-môme, domptée par
;fppiniqn publique, tout en craignant
que dans ce fond le; République se
noie, l'y poussera. '
Eugène Veuillot. ,
Même parmi les hommes mûrs, il
ne manque pas d'enfants terribles.
Voici, par exemple, M. Sarcey qui,
dans le bulletin hebdomadaire d'une
revue populaire, à propos des inci
dents du jour, lâche ces réflexions :
Le malheur, c'est que la République en
sera éclaboussée tout entière. Vous ne sau-
rie z croire combien je 'suis triste ! Teus les
gens que nous estimions et aimions , qui
veint se trouver compromis ! Quelle misère !
Oh l qu'il fait bon ctvtir les mains nettes !
Ces réflexians, qui sont d'ailleurs
d'une bonne âme, font un étrange con
traste avec le langage qu'on observe
chez certains autres organes oppor
tunistes ou radicaux. Et, pour le aire
én passant, c'est une mine d'ob
servations philosophiques et morales
singulièrement féconde, cette affaire
du Panama qui agite si vivement l'opi
nion depuis plus d'une semaine. La
seule étude des journaux, dont les
amis politiques semblent' le plus in
téressés dans l'affaire, fournirait en
abondance des remarques bien cu
rieuses.
Depuis ceux qui, peuvent s'écrier
comme M. Sarcey : « Oh ! qu'rl fait
bon avoir les mains nettes ! » jusqu'à
ceux pour qui c'est tout le contraire,
il est des hardiesses, des précautions
et des nuances de langage, dans la
défense ou le blâme, dont il serait
bien curieux d'établir la gamme.
Da même, il serait fort intéressant
de noter la façon dont tel ou tel
journal rend compte des séances de la
commission, d'enquête ; car il ne faut
pas être physiologiste bien raffiné,
pour deviner ce que signifient les
traits de bonne humeur, de maussa-
derie ou de colère, aiguisés par tel ou
tel journaliste en possession ou en
défiance des révélations faites ou à
faire devant la commission.
Cet état de la presse pourrait
se noter encore en prenant pour
échelle la nature des appréciations
qu'excite chez les « confrères-» la
courageuse initiative de M. Delahaye.
Hercule pour les uns parce qu'il a bra
vement entrepris de nettoyer des écu
ries pires que celles d'Augias, il n'est
pour les autres qu'un vulgaire syco-
phante, a.uquel on eut bien tort d'ac
corder la moindre foi. A cet égard,
on n'imagine pas jusqu'où peut aller
la sérénité (un autre mot convien
drait mieux) de certains journaux. A
les en croire, mais leur public
même les croira-t-il ? — pas un fait
même le plus petit, n'aurait été ré
vélé à la commission, qui n'aurait plus
qu'à se séparer après avoir dressé un
procès-verbal de carence. C'est l'avis
que le Soir exprimait il y a deux
jours : <■■■■■
Il nous semble qu'après la constatation
d'impuissance de M- Delahaye à nous four
nir les renseignements, solennellement pro-,
mis, et après l'aveu significatif de M. Fer
dinand Martin, la cause est entendue, et la
commission d'enquête devrait clere ses
travaux en adoptant à l'unanimité une résa-
lutioa ainsi oonçue ou à p,eu près :
' La commission d'enquête, après avoir donné
aux accusateurs les plus grandô3 facilités ponr
justifier les accusations portées collectivement ■
par eux «outre cent cinquante de leurs collé- .
g«es, qu'ils n'ont su ni pu nommer;
1 Considérant qu'aucune justification,ni prenve,
ni commencement de preuve, n'a étéjapportô
par eux, et que par conséquent ils sont bien et
dûment convaincus de diffamation calomnieu-.
ses ;
■ Blâme énergiquement les calomniateurs et
les voue à la réprobation publique.
Que l'on eolle un écriteau comme cela au
dos de M. Delahaye : la peine ne sera pas
'moins infamante que si elle avait été pro
noncée par un tribunal régulier.
Le maiheur est que la commission,
pourtant composée en majeure partie,
de républicains éprouvés, ne semble
pas le moins du monde partager la
sérénité (voir plus haut) du journal le^
Soir àl'endroit de la prétendue^impuis
sance de M. Delahaye et de l'absence ,
prétendue de justification, de preuve,
ou de commencement de preuve.
« Finissons-en », dit ce journal, non
sans une certaine impatience. Ne se
rait-il pas plus juste de dire : « Nous
ne sommes qu'au commencement »?
Auguste Roussel.
Notre coiyespondànt de Rome nous
adresse la dépêche suivante :
Rome, 7 décembre, 1 h. 20.
Mgr Galimberti sera certainement créé
cardinal dans le prochain consistoire, mais
il restera à Vienne en qualité de prç?
nonce.
——•————
Les catholiques belges nous don
nent des exemples que nous devrions,
bien suivre. Ils se sont mis à l'œuvre,
pleins de résolution et d'activité, pour,
faire passer dans la pratique les adr
mirables enseignements de Léon XIII.
L'Encyclique Rerum novarwn , ce
guide à la suite duquel l'erreur est
impossible, a ouvert une voie qui
mène au salut de la société, au triom
phe de l 'Egli3e. Les catholiques beiges
y sont entrés sans retard; ils y mar
chent à grands pas. jMous avons sou
vent déjà signalé leurs travaux, leurs
efforts, qui doivent êtrf pour nous des
stimulante. Continuons, en annonçant,
à no? Jecl .r .urs l'apparition d'un nou-,
vol organe. qui se publie à Li^gs*- Ce _
journal est intitulé le Bien du Peuple.
Le numéro se vend trois centimes.
Il est fait, son litre et son prix l'in
diquent, pour être répandu dans les t
milieux populaires.
Parmi ses principaux collabora
teurs, nous voyons M. Michel Levie,
M. l'abbé' Pottier, dent le zèle et la
compétence ont déjà produit tant
d'excellents résultats. Il n'est pas per
mis d'en douter quand on lit. ces
noms : le Bien du Peuple saura justi
fier son titre, et il sera véritablement,
comme il le porte en sous-titre, un
journal démocratique chrétien.
Du reste, nous allons en donner
une seconde preuve, par la simple
reproduction de quelques extraits de
son programme.
Le Bien du Peuple rappelle d'abord
cette parole de Léon XIII : « Que eha-
« cun se mette à la tâche, de peur
« qu'en différant le remède, on ne
« rende incurable un mal déjà si
« grave. »
Puis il ajoute :
C'est pour obéir à cette parole que nous
existons.
Chrétiens et démocrates, voilà ce que
nous sommes. La cause de Dieu et la cause
du peuple, voilà notre cause.
Nous voulons que tout homme qui tra
vaille puisse gagner son pain dans des
conditions qui satisfassent à ses nécessités
tant physiques que morales, à sa dignité,
et l'aident à accomplir sa destiné® dans
cette vie et dans l'autre.
Nous voulons celapour tout homme, et en
particulier pour l'ouvrier ; nous le voulons
pour l'ouvrier lui-même et pour la famille
que la nature lui donne le droit de fonder.
Comme moyen pratique, nous tendons à
l'organisation de tous les inlérôis, et parti
culièrement de ceux du travail, par l'asso
ciation professionnelle.
Le Bien iu Peuple réclame ensuite
le repas du dimanche. Il demande qu©
le travail quotidien « ne dépasse pas
les forces du travailleur ». Il insisté
pour que l'on supprime, « dans toute'
la mesure du possible », le travail de
nuit.
Arrivant à la question du salaire,
il s'exprime en ces termes :
Il ne suffit pas à l'ouvrier de ne ptas pei
ner plus que ses forces ne le permettent; il
faut encore, dans une société bien organi
sée, que, travaillant sans excès, l'ouvrier
sobre et honnête gagne au moins de quoi,
s'entretenir convenablement, lui* et sa fa-
mille.
Nous regardons ce principe comme la
fondement de la vraie économie sociale et
la base de toute l'organisation chrétienne
du travail.
Les besoins de l'ouvrier et de sa famille
doivent être, par conséquent, le premier
élément du prix de revient, lis ne dépen
dent pas duprix de vente, soumis au jeu de
l'offre et de la demande. Ce serait le renver
sement de l'ordre moral.
Le libéralisme économique qui' a opér.é
c© renversement doit être défait, il est
l'ennemi de l'ouvrier et de la société, tout
autant que le socialisme révolutionnaire
dont il est le père.
N* 8983. — Edition qnotidiszme
Jeudi 8 Décembre 1892
B2ESS
ÉDITIO N QUOTID IENNE
paris étranger
Un an . „
Six mois . .
Trois mois.
1ÊX départements
. . 65 »
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ÏÏN NUMÉRO i S^ ris 18 cent °
l Départéménts... 20 —
SUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pères
- On s'iboone i Rome, plue du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUO TIDIENNE
paris étranger
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Un an . • • • • • 30 » 36 »
Six mois. .... 16 » 19 »
• Trois mois. ... 8 50 10^ »
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois .
L'UNIVERS s#' répond pas des manuscrits qui lui sent adressés
ANNONCES ;
MM. LAGIIANGÈ, CERF et G'V 6, place de la Bourse ! :
FRANCE
PARIS, 7 DÉCEMBRE 1892
Le Journal Officiel publie ce matin
les décrets nommant les membres du
nouveau ministère; on les trouvera
plus loin. Ils sont bien conformes à
ce que l'on annonçait hier, avec cette
seule différence que les cultes ne sont
pas rattachés à l'intérieur,mais à l'ins
truction publique. Le ministre des
cultes ^ n'est donc pas M. Loubet,
que l'on pouvait croire assez bien
disposé, malgré ses faiblesses, mais
M. Dupuy, un universitaire haineux.
On annonce pour ce soir, cinq heu
res, un conseil des ministres, où sera
rédigée la fameuse déclaration qui doit
assurer au cabinet Ribot la confiance
des Chambres. Certains journaux pré
tendent que ladite déclaration est déjà
arrêtée, au moins dans ses grandes
lignes,et ils en publient des analyses
plus ou moins autorises. D'après le
Petit Parisien,le ministère promettrait
son concours le plus entier pour l'en
quête sur le Panama, mais « tout en
assurant le respect du principe de la
séparation judiciaire et du pouvoir
législatif »> ; c'est-à-dire qu'il ne pro
mettrait rien du tout, puisque toute la
question est dans ce « principe ». En
outre, il demanderait le vote rapide
du budget,tout en réclamant deux dou
zièmes provisoires.
Ce résumé est assez vraisemblable,
mai3 la Chambre se contentera-t-elle
d'un programme aussi vague ? Elle
sait que la plupart des membres du
cabinet sont peu favorables à l'en
quête.
Hier, à la commission d'enquête,
il ne s'est pas produit d'importantes
révélations; toutefois certaines dépo
sitions ne sont pas sans gravité. La
commission semble toujours décidée
à faire la lumière.
L'élection du pasteur Ahlwardt, mal
gré les poursuites judiciaires dont il
est l'objet, cause en Allemagne une
irès grande impression. Les juifs et
les libéraux, ces dignes alliés, ne dis
simulent pas leur irritation de voir
élire député un des plus ardents adver
saires des juifs, dont ceux-ci croyaient
ibien être débarrassés par le procès
entamé. Des faits semblables prouvent
que le mouvement antisémite est sé
rieux et que, loin de perdre du terrain,
il en gagne.
Un journal, dévoué, sinon vendu
aux juifs, s'indigne contre les conser
vateurs' protestants qui se sont ralliés
à M. Ahlwardt parce que sans cela ils
risqueraient de perdre beaucoup de
leurs électeurs ; ce journal ne voit-il
pas qu'il constate ainsi l'importance
du mouvement antisémitique ?
Une rupture s'est produite à la
Chambre espagnole entre M. Silvela
et M. Canovas. On se demande si le
ministère pourra rester après cela.
On sera fixé dès aujourd'hui, M. Ca
novas devant poser la question de
■confiance.
La réforme foncière
Parler cadastre n'est pas précisé
ment prendre le chemin de l'article
sensationnel. La question, pourtant,
est intéressante. Elle a fait l'objet
d'un récent congrès, où l'esprit con
gressiste, en général plus disert que
fertile, s'est donné libre carrière. Elle
occupe en permanence une commis
sion de la Chambre. Elle se recom
mande enfin à tous les esprits prati
ques par sa connexité avec la ques
tion sociale. Car si la question sociale
met en cause le droit de la propriété,
le cadastre vivifie ou compromet son
régime.
Je voudrais qu'on réunît une cen
taine de propriétaires fonciers, appe
lés au hasard de tous les points de la
France, et qu'un jurisconsulte les in
vitât individuellement à produire les
titres, soit constitutifs de leur droit,
soit énonciatifs de son étendue. La
grande majorité, l'unanimité peut-
être, si elle était pressée méthodique
ment de toutes les questions que la
science juridique peut lui poser, et
auxquelles il faut répondre, sous peine
de ne pouvoir dire : « Ceci est à moi »;
la grande majorité, après avoir dé
posé quelques titrés incomplets ou
insuffisants, ne défendrait ses derniers
retranchements qu'à l'aide de faits de
possession et de tradition. En d'autres
termes, le droit individuel, au lieu de
dégager de son propre fonds son
ressort et sa preuve, trouve son res
sort dans la bonne volonté et sa preuve
dans l'aveu des contemporains.
La démonstration rigoureuse du
droit de propriété, la seule qui per
mette de conclure Hoc meum est, porte
sur deux objets : cause d'appropria
tion légitime, identité de la chose
appropriée. Cette preuve, en appa
rence, est facile. Quant au premier
point, il semble qu'il suffise de pro
duire «le titre, vente, échange, dona
tion, testament, actes de l'état civil
constatant la filiation et le décès, d'où
résulte, pour le détenteur actuel, la
qualité de propriétaire. Quant au se
cond, la preuve semble plus facile
encore, car les immeubles sont géné
ralement désignés, individualisés dans
les contrats, avec tout le luxe d'indi
cations : contenance, lieux dits, ren
vois à la matrice cadastrale, tenants
et aboutissants, qui permettent de les
distinguer comme corps certains.
Voilà la démonstration qui paraît suf
fisante aux propriétaires, et dont la
pratique se contente d'autant mieux
qu'en l'état actuel de la législation il
est impossible d'en imaginer une au
tre. Elle est pourtant théoriquement
incomplète, et, dans l'application —
le nombre des contestations immobi
lières le prouve —sujette aux objec
tions les plus graves.
Le détenteur actuel produit un titre
investitif de propriété. Soit, mais en
droit strict il faudrait démontrer que
celui qui l'investit, son auteur en
langue juridique, était propriétaire
lui-même, de même que l'auteur de
cet. auteur, et ainsi de suite, en re
montant la chaîne des détenteurs suc
cessifs, jusqu'au bénéficiaire de l'ap
propriation primitive. Or ces origines
de propriété se perdent, comme on
dit,dans la nuit des temps. Pas un no-
; taire, avec ses minutes ; pas une com
mun», avec ses archives; pas un par
ticulier,avec ses papiers de famille, ne
peuvent reconstituer le dossier com
plet d'une transmission immobilière.
Le temps a fait son œuvre, c'est à lui
qu'on s'adresse pour la réparer. Ici
entre en scène la prescription, que
les Romains appelaient pompeuse
ment patrona generis huriiani, parce
qu'elle apporte la paix à l'humanité,
en rendant une décision de fait sur les
questions insolubles.
Une décision de fait', un fléchisse
ment du droit, une consécration de
l'opportunisme juridique, voilà, en
effet, toute îa prescription. Notez
qu'en médire est impossible, comme
de l'autorité de là chose jugée, laquelle
n'est pourtant, à l'occasion, que l'ex
pression solennelle d'une bévue. Car
enfin.il faut un terme à tout, un point
où, dans les contestations humaines,
la probabilité soit tenue pour équiva
lente à la certitude. — Et il y a des
jurisconsultes qui se moquent de l'in
faillibilité 1
Théoriquement, donc, si la pres
cription est la patronne du genre hu
main propriétaire, elle se fait respec
ter plus par ses bienfaits que par son
authenticité. Dans la pratique, elle
procède moins radicalement que le
public se l'imagine. Elle est elle-même
subordonnée à des preuves ; elle ne
devient, comme on ait, utile et acqui
sitive qu'à l'aide de faits intention
nels qu'il faut démontrer, et dont
l'appréciation jette le sort de la pro
priété dans tous les hasards d'une in
terprétation judiciaire. Hasards d'au
tant plus grands que ces faits doivent
être mis en preuve testimoniale : c'est-
à-dire que le lien métaphysique par
lequel une personne est propriétaire-
ment unie à une chose va se resserrer
ou se dissoudre, suivant les résultats
•de l'épreuve la plus périlleuse, sou
vent la plus incertaine, quelquefois la
plus immorale dans ses moyens, à
taquèlle puisse être réduite l'instruc-
|ion des proeès civils. — Tout cela est
fort imparfait, et nous montre le droit
de propriété plus efficacement pro
tégé par les mœurs que par la loi.
Si la preuve de l'appropriation est
sujette, en dernière analyse, aux vi
cissitudes des on-dit et des à-peu-près,
celle de l'identité du fonds n'est guère
mieux organisée. Les indications de
lieudit, de contenance, de culture, de*
tenants et aboutissants,mettent le juge
sur le chemin de la vérité : elles ne
garantissent pas qu'il le suivra. La
désignation da lieudit s'altère, se mo
difie, change même complètement au
gré des contenanciers du voisinage :
elle n'est souvent usitée que dans le
cercle de la famille du propriétaire, les
tiers en ayant adopté une autre. —
La contenance est, le plus souvent,
dans les contrats, indiquée sous une
rubrique approximative, les parties
voulant s'éviter les frais d'une mensu
ration nouvelle : en tous cas, son ex
pression n'implique ni l'assiette, ni
la forme de l'immeuble; elle ne si
gnale qu'un rapport de grandejur su
perficielle, insuffisant à établir 'iden
tité. — Les tenants et aboutissants , sous
l'influence de mutations successives,
conduisent aisément à des solutions
inexactes. — Quant au cadastre , vi
cieux dès l'origine, vieilli plus qu'au
cune autre institution par l'effet des
nouveaux morcellements, des adjonc
tions, des changements de culture, il
n'offre plus au juge que les ressources
les plus vagues, si tant est qu'il na
soit une cause de perplexités et d'er
reurs. Ses indications sont, d'ailleurs,
dénuées de toute force probante ; ce
n'est qu'un atlas de géographie locale;
un titre juridique, jamais.
« Ainsi, dit un jurisconsulte, rien
« ne résiste à l'examen dans ce triste
« inventaire des moyens de preuve.
« On dira qu'il en fut toujours ainsi,
« et que la propriété n'en a pas moins
« vécu sans éprouver de profondes
« lésions. Je répondrai que, dans les
« temps anciens, et depuis en France
« jusqu'à la fin du dernier siècle, le
« régime de la propriété foncière,
« l'immobilité relative des circons-
« criptions territoriales, les coutumes,
« les mœurs, la religion même, atté-
'« nuaient singulièrement le mal.
« Mais depuis que la loi des partages
« a commencé l'œuvre de démembre-
«" ment des anciennes tenures ; de-
« puis que le développement de
« l'industrie, faisant un appel inces-
« sant aux capitaux, les a demandés
« à la propriété foncière ; depuis sur-
« tout qu'une industrie spéciale est
« venue s'abattre sur nos campagnes,
« a dressé son comptoir au milieu
« des champs patrimoniaux, pour dé-
« pecer tout ce qui reste de domaines
« un peu compacts en terres divisi-
« bles, la confusion des limites
« agraires a fait chaque jour de nou-
« veaux progrès ; si bien qu'on peut
« prévoir l'époque prochaine où leur
« raccordement avec les actes trans-
« latifs sera devenu impossible. Et
« nous concluons avec assurance : en
« aucun temps, la preuve du droit
« de propriété n'eut aussi peu de
« moyens qu'aujourd'hui de se pro-
« duire avec évidence; en aucun
« temps ces moyens ne lui furent plus
« nécessaires. »
Ces lignes ont été écrites il y a
quarante ans. Elles s'adressent aux
rédacteurs du code civil, qui, en mul-
ti pliant le nombre des propriétaires,
n ont pas su introduire l'ordre, la pré
cision, la simplification, dans le ré
gime. des intérêts fonciers. Quel com
plément de démonstration fournirait
à l'auteur lè tableau de la vie contem
poraine, assombri par des revendica
tion qui visent la propriété dans son
principe même ! En nos temps criti
ques, où la tradition ne compte plus,
où les utopies circulent, où les droits
se surveillent et se jalousent, faire de
la possession acquisitive, démontrée
par la preuve testimoniale, la citadelle
de la propriété, ce n'est pas donner à
celle-ci l'authenticité, le relief, l'in
dépendance convenables : c'est la faire
dépendre, en quelque , manière, du
suffrage universel.
Je m'étonne que les diverses écoles
socialistes n'aient pas tiré plus bruyam
ment parti de ces fissures de notre lé
gislation. La prescription surtout, su
prême asile du propriétaire, aurait dû,
s'ils avaient l'esprit vraiment scienti
fique, être le point de mire de leurs
théories et de leurs sarcasmes. Car en
fin, prise à leur point de vue, elle ne
peut être qu'un produit de l'égoïsme
social, une institution d'essence très
bourgeoise, substituant le sommeil du
fait accompli à l'investigation géné
reuse de l'équité. Il serait aisé d'in
duire du rôle qu'elle joue dans la théo
rie juridique la fragilité même de tout
échafaudage des droits; Quoi, vous
êtes le droit, et quand on vous demande
vos papiers, c'est un calendrier que
vous apportez à la barre ! Vous prou
vez que vous avez possédé tant d'an
nées et tant de jours, et c'est cette
preuve qui vous fait reconnaître pro
priétaire ! Sans cette preuve, il vous
serait impossible de justifier, au moins
dans la personne de vos auteurs, d'un
lien juridique avec, la ohose, et voilà
le lien que votre morale me donne
pour sacré ? — Encore un coup, et
grâce aux lacunes de notre législation,
les socialistes auraient ici la partie
belle. Ils ont cherché hien des para
doxes, quand celui-là était sous leur
main. —Je n'ai pas à indiquer com
ment on peut leur répondre. Pas un
esprit bien fait, pas un praticien sur
tout, ne conteste la nécessité de la
prescription. Elle est, parce qu'il faut
qu'elle soit. J'avoue, au surplus, que,
si on entreprend de la raisonner, ce
n'est pas par la petite logique poin
tilleuse qu'il faut la prendre. Force est
de monter un peu haut, et personne
n'en pénétrera la philosophie, s'il
n'est de taille à comprendre la pensée
de Goethe, excellente à méditer, sous
le vent de sentimentalisme qui court :
« J'aime mieux l'injustice que le dé
sordre ».
Je conviens, toutefois, que, si la
prescription,soit acquisitive, soit libé
ratoire, a droit de cité dans tous les
codes, la meilleure législation est celle
qui s'en servira le moins, et c'est une
véritable infériorité de la nôtre de lui
faire jouer un rôle capital dans la
preuve de Ja propriété foncière. Cette
propriété, par sa nature même, se
prête à déplus larges, de plus impo
santes combinaisons.
Quand un Etat contracte un em
prunt ou, pour parler plus juridique
ment, vend ses rentes, à quel signe
évident et public atlache-t-il la qua
lité de rentier? Est-ce toujours au fait
brutal de la détention, de la possession
du titre? Nullement, puisque le nom
bre des titres nominatifs égale, s'il ne
le dépasse, celui des valeurs d'Etat au
porteur. Voilà donc toute une catégo
rie de richesses, mobilières, s'il vous
plaît, dont l'appropriation, le trans
fert, la circulation, le jeu juridique et
économique enfin, sont assurés, en
dehors de la théorie de la prescrip
tion. Le secret? Une inscription sur le
grand livre, qui vaut titre de propriété
jusqu'à radiation régulière. Vous pou
vez posséder ,1e « papier noirci » —
c'est une expression de M. Germain —
qui constate l'existence de la rente,
vous pouvez, dis-je, le posséder pen
dant trente ans, et même en jouir par
la perception du coupon ; si vous
n'êtes pas le titulaire inscrit, cette dé
tention et cette jouissance sont im
puissantes à vous constituer jamais
propriétaire. La force probante de
l'inscription s'exerce donc invincible-'{
ment et éternellement au profit du
droit primitif.
Je me demande pourquoi cette si
tuation si nette, si avantageuse au
point de vue de la preuve, gui est
faite aux rentiers, ne serait pas
étendue aux propriétaires du sol?
Pourquoi l'Etat français, par exem
ple, qui tient un grand livre de sa
dette, ne tiendrait pas aussi le grand
livre de la fortune territoriale, subdi
visé en autant de registres qu'on le
voudra?
Soit deux hommes, dont les
arrière-grands-pères ont acheté l'un
des immeubles, l'autre de la rente,
au commencement du siècle. Il est
possible que le premier justifie par
titres de l'origine de sa propriété;
mais le contraire est également pos
sible, car les titres, dès la troisième
génération, sont souvent perdus. Si
un tiers conteste son droit, le voilà
réduit à faire appel à la bonne foi et
à la mémoire des voisins pour établir
sa possession trentenaire ; il devra,
de plus, justifier des qualités de cette
Êossession. Voilà bien des embarras,
ien des plaidoyers, bien des en
quêtes. En plus, l'incertitude du
.succès.
Le second n'a qu'à prouver son iden
tité, preuve facile, s'il en fut, à l'aide
des registres de l'état civil. Les trans
ferts eussent-ils été négligés, il lui. suf
fit de démontrer qu'il est arrière-petit-
fils d 'un tel, rentier inscrit. Voilà la
transmission du lien juridique mieux
assurée, mieux réglée relativement à
une richesse de convention qu'au fonds
de terre, richesse naturelle et primor
diale ! — Hâtons-nous d'ajouter que
ce n'est là qu'un des principaux co
rollaires de la différence de situation
faite à nos deux capitalistes. L'inscrip
tion, quant au rentier, non-seulement
proclame et conserve son droit, mais
en trace exactement l'étendue. Si le
propriétaire terrien (ou ses ancêtres)
a égaré son titra, c'est à chaque ins
tant, à propos d'un bornage, d'une
usurpation, d'une question de mitoyen
neté ou de servitude, etc., qu'il est
ramené au même cercle procédurier,
preuve testimoniale, exception posses-
soire, prescription. ..
■ De telles anomalies, crient justice,
à une époque surtout où la. désertion
des campagnes, l'abandon du eo.l
prennent les proportions d'un malheur
public. On peut tenir poui^ qfcrtam
qu'au némbre des causes ^ui ont éloi
gné les capitaux des acquisitions im
mobilières, et même les propriétaires
de leurs immeubles, figurent les en
nuis, le3 contestations* les déboires
auxquels donne naissance une légis
lation tolérant l'incertitude du droit
de propriété. Si l'on objecte que ce
n'est point un devoir d'Etat de four
nir des titres aux parties qui perdent
les leurs, on répondra qu'il le fait
pourtant vis-à-vis de ses propres ren
tiers,et qu'à coup sûr il pèse assez lour-
dement.de nos jours, sur la vie indivi
duelle, pour ne pas craindre de deve
nir Ëtat-Providence, dans la mesure
où peut l'être un bon greffier. Nous
chercherons à préciser, dans un pro
chain article, les services que. son
intervention pourrait rendre.
Charles Loiseàu.
,
Il n'est pas^ nécessaire d'attendre la
fin de l'enquête pour s'arrêter à cer
taines des questions qu'elle soulève.
Voici, par exemple, des observations
du Gaulois et de Y Autorité auxquelles
il nous paraît bon de faire écho-
Nos lectéurs ont dû remarquer que
presque tous les clients de M. le baron
de Reinach, — nous entendons par
là ceux auxquels il a passé Une somme
sur les fonds du Panama,— déclarent
qu'ils étaient d'une façon quelconque
ses créanciers, et qu'au total ils ont
simplement reçu un remboursement.
Le directeur du Gaulois, M. Arthur
Meyer, prenant acte de ces explica
tions, a demandé au neveu et gendre
du baron, M. Joséph Reinach, de son
ger à ce qu'elles lui imposent. Après
avoir expliqué gue l'achetexir de votes
a pu croire qu'il était à peu près licite
d'agir ainsi pour servir une grande
œuvre, la fin, à ses yeux, justifiant
sans doute les moyens, voici com
ment il conclut :
Et si M. de Reinach n'était convaincu que
d'être un corrupteur, sa culpabilité serait
primée dans tous les cas par eelle des hom
mes qu'il a corrompus. Mais elle ne saurait
avoir aucun contre-coup sur les siens, siir
sa famille.
Vous êtes trop érudit pour ne pas savoir
que Robert Walpole porta et mérita Ie-sur-
nom de « maquignon des consciences ».
Cependant, les comtes d'Oxford ne rougis
sent pas du père de leur illustre ancêtre, le
premier de leur maison.
Donc, pour se défendre, M. de Reinach
n'aurait qu'à produire ses comptes. Et pour
défendre sa mémoire,ceux qui en ontle souci
naturel et légitime n'ont qu'à porter lesdits
comptes devant la commission d'enquête.
Car, si ces comptes ne peuvent être four
nis, si M. Cornélius Ilerz et d'autres per
sonnes interrogées peuvent déelarer, avec
ou sans preuve, que M. Jacques de Reinach
a payé ses vieilles dettes ou acquitté des
travaux d'architecture avec les chèques à
lui remi3 par la compagnie de Panama,
M. Jacques de Reinach ne sera plus seule
ment un corrupteur : il sera sous le coup
d'une accusation. dont je veux épargner la
qualification à votre deuil respectable.
Alors sa faute ne sera plus convention
nelle; elle sera de droit commun, elle s'at
tachera non plus à lui fout seul, mais à tous
ceux qui portent son nom, qui vous entou
rent et qui vous sont unis par des liens sa
crés. ■ • •
l 'opinion publique commence à se de
mander pourquoi les amis; pourquoi la fa
mille de M: de Reinach n'interviennent pas
afin de le 'couvrir devant elle.;
Et l'opinion publique comprend que la
meilleure "défense da défunt serait la pro
duction de ses-opérations .faite par ses héri
tiers devant la-commission d'enquête.
' Vous avez l'esprit trop droit pour n'avoir
pas déjà été frappé par une pareille consi
dération.
Elle vous impose une attitude que vous
saurez prendre-, j'en suis convaincu, parce
qu'elle sauvera l'honneur de- toute une fa
mille respectable -, en f-ace duquel la solida
rité politique doit paraître bien peu de
chose.
A ces .considérations il en faut
joindre uneautre ; c'est que, si la fa
mille Reinach ne prouve pas que le
baron a fait des millions du Panama
l'usage convenu, le liquidateur de la
compagnie; àfmé des-déclarations de
tels et tels, devra démàûder à la suc
cession ie.rjemboùrsémént'de ces mil
lions. Et comment n'auràit-il pas gain
de cause? ■
D'autres remboursements pourront
être réclamés, et Y Autorité a raison de
s'ecner :
L'opinion publique ne comprendrait pas 1
que l'enquête parlementaire soit privée de
la sanction qui s'impose : du moment que
l'on est entré dans l'égout, il n'y a plus
' moyen de reouler.
Personne ne comprendrait qu'on laissât
la besogne à moitié faite.
S'il devait, par malheur, en être ainsi, il
eût mieux valu ae pas commencer.
C'est à une revision générale de
l'emploi des fonds qu'il faut arriver,
afin que l'argent qui n'aura pas reçu
l'emploi indiqué, et un emploi justifié,
fasse retour à la Compagnie. Si la
commission d'enquête parlementaire,
même investie de pouvoirs étendus,
ne peut faire toute cette besogne, elle
peut au moins le préparer. Du reste,
elle y travaille.
Le ministère Loubet, retapé sous le
nom de ministère Ribot, n'a certaine-
ment pas sur tout cela des idées nettes
et bien arrêtées. Mais. ses intentions
et déclarations importent peu, car il
,ne dirigera rien. Le gouvernement,
■puni de- n'avoir pas su gouverner, est
débordé. 11 n'y a plus qu'une chose à
îùir? • aller au fond ; el la majorité ré
publicaine •■'lie-môme, domptée par
;fppiniqn publique, tout en craignant
que dans ce fond le; République se
noie, l'y poussera. '
Eugène Veuillot. ,
Même parmi les hommes mûrs, il
ne manque pas d'enfants terribles.
Voici, par exemple, M. Sarcey qui,
dans le bulletin hebdomadaire d'une
revue populaire, à propos des inci
dents du jour, lâche ces réflexions :
Le malheur, c'est que la République en
sera éclaboussée tout entière. Vous ne sau-
rie z croire combien je 'suis triste ! Teus les
gens que nous estimions et aimions , qui
veint se trouver compromis ! Quelle misère !
Oh l qu'il fait bon ctvtir les mains nettes !
Ces réflexians, qui sont d'ailleurs
d'une bonne âme, font un étrange con
traste avec le langage qu'on observe
chez certains autres organes oppor
tunistes ou radicaux. Et, pour le aire
én passant, c'est une mine d'ob
servations philosophiques et morales
singulièrement féconde, cette affaire
du Panama qui agite si vivement l'opi
nion depuis plus d'une semaine. La
seule étude des journaux, dont les
amis politiques semblent' le plus in
téressés dans l'affaire, fournirait en
abondance des remarques bien cu
rieuses.
Depuis ceux qui, peuvent s'écrier
comme M. Sarcey : « Oh ! qu'rl fait
bon avoir les mains nettes ! » jusqu'à
ceux pour qui c'est tout le contraire,
il est des hardiesses, des précautions
et des nuances de langage, dans la
défense ou le blâme, dont il serait
bien curieux d'établir la gamme.
Da même, il serait fort intéressant
de noter la façon dont tel ou tel
journal rend compte des séances de la
commission, d'enquête ; car il ne faut
pas être physiologiste bien raffiné,
pour deviner ce que signifient les
traits de bonne humeur, de maussa-
derie ou de colère, aiguisés par tel ou
tel journaliste en possession ou en
défiance des révélations faites ou à
faire devant la commission.
Cet état de la presse pourrait
se noter encore en prenant pour
échelle la nature des appréciations
qu'excite chez les « confrères-» la
courageuse initiative de M. Delahaye.
Hercule pour les uns parce qu'il a bra
vement entrepris de nettoyer des écu
ries pires que celles d'Augias, il n'est
pour les autres qu'un vulgaire syco-
phante, a.uquel on eut bien tort d'ac
corder la moindre foi. A cet égard,
on n'imagine pas jusqu'où peut aller
la sérénité (un autre mot convien
drait mieux) de certains journaux. A
les en croire, mais leur public
même les croira-t-il ? — pas un fait
même le plus petit, n'aurait été ré
vélé à la commission, qui n'aurait plus
qu'à se séparer après avoir dressé un
procès-verbal de carence. C'est l'avis
que le Soir exprimait il y a deux
jours : <■■■■■
Il nous semble qu'après la constatation
d'impuissance de M- Delahaye à nous four
nir les renseignements, solennellement pro-,
mis, et après l'aveu significatif de M. Fer
dinand Martin, la cause est entendue, et la
commission d'enquête devrait clere ses
travaux en adoptant à l'unanimité une résa-
lutioa ainsi oonçue ou à p,eu près :
' La commission d'enquête, après avoir donné
aux accusateurs les plus grandô3 facilités ponr
justifier les accusations portées collectivement ■
par eux «outre cent cinquante de leurs collé- .
g«es, qu'ils n'ont su ni pu nommer;
1 Considérant qu'aucune justification,ni prenve,
ni commencement de preuve, n'a étéjapportô
par eux, et que par conséquent ils sont bien et
dûment convaincus de diffamation calomnieu-.
ses ;
■ Blâme énergiquement les calomniateurs et
les voue à la réprobation publique.
Que l'on eolle un écriteau comme cela au
dos de M. Delahaye : la peine ne sera pas
'moins infamante que si elle avait été pro
noncée par un tribunal régulier.
Le maiheur est que la commission,
pourtant composée en majeure partie,
de républicains éprouvés, ne semble
pas le moins du monde partager la
sérénité (voir plus haut) du journal le^
Soir àl'endroit de la prétendue^impuis
sance de M. Delahaye et de l'absence ,
prétendue de justification, de preuve,
ou de commencement de preuve.
« Finissons-en », dit ce journal, non
sans une certaine impatience. Ne se
rait-il pas plus juste de dire : « Nous
ne sommes qu'au commencement »?
Auguste Roussel.
Notre coiyespondànt de Rome nous
adresse la dépêche suivante :
Rome, 7 décembre, 1 h. 20.
Mgr Galimberti sera certainement créé
cardinal dans le prochain consistoire, mais
il restera à Vienne en qualité de prç?
nonce.
——•————
Les catholiques belges nous don
nent des exemples que nous devrions,
bien suivre. Ils se sont mis à l'œuvre,
pleins de résolution et d'activité, pour,
faire passer dans la pratique les adr
mirables enseignements de Léon XIII.
L'Encyclique Rerum novarwn , ce
guide à la suite duquel l'erreur est
impossible, a ouvert une voie qui
mène au salut de la société, au triom
phe de l 'Egli3e. Les catholiques beiges
y sont entrés sans retard; ils y mar
chent à grands pas. jMous avons sou
vent déjà signalé leurs travaux, leurs
efforts, qui doivent êtrf pour nous des
stimulante. Continuons, en annonçant,
à no? Jecl .r .urs l'apparition d'un nou-,
vol organe. qui se publie à Li^gs*- Ce _
journal est intitulé le Bien du Peuple.
Le numéro se vend trois centimes.
Il est fait, son litre et son prix l'in
diquent, pour être répandu dans les t
milieux populaires.
Parmi ses principaux collabora
teurs, nous voyons M. Michel Levie,
M. l'abbé' Pottier, dent le zèle et la
compétence ont déjà produit tant
d'excellents résultats. Il n'est pas per
mis d'en douter quand on lit. ces
noms : le Bien du Peuple saura justi
fier son titre, et il sera véritablement,
comme il le porte en sous-titre, un
journal démocratique chrétien.
Du reste, nous allons en donner
une seconde preuve, par la simple
reproduction de quelques extraits de
son programme.
Le Bien du Peuple rappelle d'abord
cette parole de Léon XIII : « Que eha-
« cun se mette à la tâche, de peur
« qu'en différant le remède, on ne
« rende incurable un mal déjà si
« grave. »
Puis il ajoute :
C'est pour obéir à cette parole que nous
existons.
Chrétiens et démocrates, voilà ce que
nous sommes. La cause de Dieu et la cause
du peuple, voilà notre cause.
Nous voulons que tout homme qui tra
vaille puisse gagner son pain dans des
conditions qui satisfassent à ses nécessités
tant physiques que morales, à sa dignité,
et l'aident à accomplir sa destiné® dans
cette vie et dans l'autre.
Nous voulons celapour tout homme, et en
particulier pour l'ouvrier ; nous le voulons
pour l'ouvrier lui-même et pour la famille
que la nature lui donne le droit de fonder.
Comme moyen pratique, nous tendons à
l'organisation de tous les inlérôis, et parti
culièrement de ceux du travail, par l'asso
ciation professionnelle.
Le Bien iu Peuple réclame ensuite
le repas du dimanche. Il demande qu©
le travail quotidien « ne dépasse pas
les forces du travailleur ». Il insisté
pour que l'on supprime, « dans toute'
la mesure du possible », le travail de
nuit.
Arrivant à la question du salaire,
il s'exprime en ces termes :
Il ne suffit pas à l'ouvrier de ne ptas pei
ner plus que ses forces ne le permettent; il
faut encore, dans une société bien organi
sée, que, travaillant sans excès, l'ouvrier
sobre et honnête gagne au moins de quoi,
s'entretenir convenablement, lui* et sa fa-
mille.
Nous regardons ce principe comme la
fondement de la vraie économie sociale et
la base de toute l'organisation chrétienne
du travail.
Les besoins de l'ouvrier et de sa famille
doivent être, par conséquent, le premier
élément du prix de revient, lis ne dépen
dent pas duprix de vente, soumis au jeu de
l'offre et de la demande. Ce serait le renver
sement de l'ordre moral.
Le libéralisme économique qui' a opér.é
c© renversement doit être défait, il est
l'ennemi de l'ouvrier et de la société, tout
autant que le socialisme révolutionnaire
dont il est le père.
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