Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-12-06
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 décembre 1892 06 décembre 1892
Description : 1892/12/06 (Numéro 8981). 1892/12/06 (Numéro 8981).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 6 Décembre 1892
H* 8981. — JCditiou qaôtiditrai*
«SBB8sgj8»a
Mardi 6 Décembre 1892
ÉDITION QUOTIDIENNE
Un an . . ,
Six mois . .
Trois mais.
. PARIS
■T DÉPAJlTEMHWr»
. . 55 u
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ÉTRANGER
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UN NUMÉRO f Paris . . ... .... . . 1S cent.
{ Départeménts . . . âO —.
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On *'*2)onne fc Rome, place du Gesù, S
ÉDITION. SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . -. .
Six mois. .
Trois mois.
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. L 'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qni loi-sont adressés
AN NO |MCHS \\
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6, place do la Bourse '
FRANCÈ
PARIS, 5 DÉCEMBRE 1892
Voici que le nom de M. Loubet re
vient. Ce matin, M. Garnot a reçu
l'ex-président du- conseil, pour
lequel M. Develle, l'ex-ministre de
l'agriculture, aurait travaillé toute la
journée d'hier. Le fameux ministère
tenu en-réserve dans la coulisse se
rait-il un cabinet Loubet allégé de M.
Ricard et de deux ou trois autres mi
nistres? La « belle Fathma » aurait
sans doute été trouvée doublement
compromettante, et pour son zèle dans
l'affaire du Panama et pour sa bru
talité anticléricale.
Seulement, comment M. Loubet,
qui, comme jadis M. Bourbeau, man
que singulièrement de prestige, pour
rait-il faire accepter aux Chambres et
surtout au pays l'enterrement de
l'eD.quête sur le Panama?
Hier, la commission d'enquête se
reposait, il n'y a donc pas eu de nou
velles découvertes faites par elle. Les
révélations n'ont pas complètement
chômé pour cela; des indiscrétions
ont fait connaître que certains signa
taires des fameux chèques n'étaient
que des hommes de paille, ce qui sem
ble indiquer que les véritables bénéfi
ciaires des chèques ne tenaient pas à
être» connus. Ce n'est pas un bon
signe.
Aujourd'hui les deux Chambres doi
vent se réunir, mais que feront-elles
puisqu'il n'y a pas encore de cabinet?
II est absolument improbable qu'un
ministère soit constitué avant deux
heures.
M. Bouge, le député qui demande
d'ajourner,c'est-à-dire d'enterrer l'en
quête, fera-t-il, même sans ministres,
sa proposition?
Rien, depuis deux jours, n'est venu
indiquer que M. le comte Taaffe se
soit décidé à se retirer après son échec
au sujet des 50,000 francs de fonds
secrets. Il se montre disposé à conti
nuer de gouverner en se passant de
ces 50,000 francs. Ce qui le soutient,
c'est que le vote contre lui a été
émis par une majorité de coalition;
les jeunes-tchèques et les libéraux-
allemands ne peuvent pas marcher
longtemps ensemble ; ils sont aux
antipodes et se détestent cordialement.
Les libéraux-allemands préféreraient
m'importe quoi à un triomphe des
jeunes-tchèques, qui entraînerait l'é
crasement en Bonême de l'élément
allemand.
En Italie, on continue à se préoccu
per de la décision du Sénat qui at
teint directement les prérogatives de
la couronne. Il est difficile qu'un dé
bat des plus graves ne s'engage pas
lôt ou tard à ce sujet.
(Voir aux Dernières Nouvelles)
Dans sa lettre douloureuse à Mgr
l'évêque d'Orléans, Sa Sainteté
Léon XIII presse le clergé d'agir en
union avec lui pour « détourner de la
aiation française deux affreux mal
heurs : le renversement de la religion
et la décadence des mœurs ». Contre
un gouvernement qui a lui-même l'ini
tiative du mal, le clergé ne sent que
trop toutes les difficultés qu'il de
vra vaincre pour répondre aux
exhortations du Souverain Pontife.
Depuis nombre d'années, le renverse
ment de la religion et la décadence
des mœurs sont surtout œuvre légis
lative. Il y a encore maints projets de
loi annoncés ou en préparation qui
tendent au même but. On n'en a pas
fini avec la campagne révolution
naire contre la foi et la morale. .
Aujourd'hui, nous devons signaler
une nouvelle idée qui tend à se faire
jour et. qui déjà rencontre des appro
bations. Un avocat (il y en a pour
toutes les causes! a entrepris de plaider
l'innocuité de l'adultère. Il soutient
que l'adultère, qui était un crime dans
l'ancienne législation et dont le code
civil a fait un délit, n'est plus actuel
lement, avec la nouvelle loi sur le di
vorce, ni l'un ni l'autre.
Juridiquement la thèse de l'avocat
se soutient. Voici l'argument :
« Le mariage, pour la loi laïque, est
une convention comme une autre, un
contrat synallagmatique dans lequel
les parties s'engagent mutuellement
et également, et qu'il est juridique de
rompre quand une des deux parties
prouve que l'autre s'est soustraite aux
engagements pris en connaissance
de cause et réclame la rupture du lien
conjugal. » Et comme conclusion : le
divorce ayant fait disparaître l'indis
solubilité du lien, il en résulte que
« l'adultère n'est plus une cause de
délit, que ce soit l'homme ou la
femme qui le commette : c'est une
cause de divorce. »
Il ne faudrait pas plus que ce rai
sonnement pour juger une loi qui
permet de changer à ce point la mo
rale. La conséquence,'en effet, est lo
gique. Avec le mariage civil et le di
vorce, il ne peut plus être question
de crime ou de délit d'adultère. Où se
rait le mal légalement? Puisque le
mariage n'a plus rien de sacré ni d'in
dissoluble, pourquoi ne pas le rompre
à son gré, en provoquant la femme du
prochain à une nouvelle union? Na
pourrait-on pas en agir de même pour
tout autre contrat purement civil et
révocable ?
Dans la législation pénitentiaire de
la primitive Eglise, l'adultère était
considéré, avec l'homicide et l'apos
tasie, comme l'un des , trois grands,
péchés mortels qui excluaient de la
communauté chrétienne et exigeaient
une pénitence publique de toute la
vie. C'était là, pour nos modernes,
une de ceâ vieilles, idées des temps de
superstition. La criminalité de l'adul
tère a toujours été en diminuant dans
l'opinion avec l'affaiblissement de la
morale. Il y a longtemps que le théâ
tre et le roman travaillent à le justi
fier. Aux yeux des gens du monde, ce
n'est même plus une action honteuse,
une vilenie. Loin de là, on s'en vante,
et l'homme heureux en adultères
passe facilement pour un héros.
Aujourd'hui, il s'agit de mettre la
loi d'accord avec les mœurs, et même
de mettre la loi d'accord avec elle-
même. C'est l'objet de l'écrit de cet
avocat, que nous connaissons par l'ap
préciation du Rappel , qui le déclare
« très remarquable, très judicieux, » et
qui proclame que « la réforme proposée
est grande et haute et essentiellement
moralisatrice ». Car, dans le complet
renversement d'idées de notre époque,
on appelle moral et moralisateur ce
qui tend à détruire la morale; Et c'est
ainsi que la loi qui a rétabli le di
vorce, la loi qui supprimera l'adultère
sont appelées des lois moralisatrices.-
Cette dernière loi, que le rédacteur
du Rappel sollicite ardemment, com
ment ao se ferait-elle pas? N'est-elle
pas à la fois la consécration du ma
riage civil et des moeurs modernes?
Nous verrons donc, à la suite du di
vorce, l'adultère changer de nom et
de caractère dans notre législation.
Ce ne sera plus ce grand crime, égal à
l'homicide, dont la conscience chré
tienne avait horreur; ce ne sera plus
ce rapt indigne, cette forfaiture que
le vieil honneur français punissait
honteusement; ce ne sera meme plus
le délit des légistes du code pénal ;
non, l'adultère n'aura rien de plus
honteux, de plus coupable, aux yeux
de^ la loi, que le mariage civil lui-
même et le divorce. On le considérera
comme un préliminaire de rupture
du premier lien contractuel, comme
un acte préparatoire au divorce et
comme l'anticipation légitime du se
cond mariage civil. On sera adultère
pour divorcer et se remarier.
Quele clergé et les catholiques re
doublent de zèle, selon les intentions
du souverain Pontife, pour empêcher,
s'ils le peuvent, ce nouvel abaissement
de là morale publique par la loi. La
réforme que le Rappel qualifie de
« grande et haute, et essentiellement
moralisatrice », est de celles qui, en
ce temps-ci, se réalisent. Elle convient
aux idées , aux mœurs dominantes.
Le mariage civil appelle la légitima-,
tion de l'adultère. Et les avocats seront
là pour prouver, d'accord avec les lé
gislateurs, que, après avoir rétabli
au code civil le divorce, on doit re
trancher du code pénal le délit d'adulé
tère. Ce sera de la logique, mais une
logique qui précipitera encore la déca
dence des mœurs.
A rthwr L oth .
Dans la cathédrale de Glermont,
une foule considérable assistait hier à
une émouvante cérémonie que prési
dait Mgr Boyer, l'évêque du diocèse,
récemment nommé archevêque de
Bourges. Il s'agissait du chant d'un
Te Deum en actions de grâces à Dieu
pour les succès de nos troupes au
Dahomey, et nul ne s'étonnera que le
patriotisme de Mgr Boyer ait voulu
prendre cette initiative, si conforme
aux sentiments que le clergé français
a toujours manifesté dans les ques
tions où l'honneur national est en
gagé.
On ne s'étonnera pas davantage que,
dans une ville qui est le siège d'un
commandement de corps, Mgr Boyer
ait eu la pensée toute naturelle d'asso
cier l'armée à cette pieuse et patrioti
que manifestation. Il l'y a donc invi
tée, en même temps que les autorités
civiles et l'empressement avec lequel
il lui a été répondu prouve, de sur
croît, que cette invitation répondait
bien au vœu de tous. Aussi, dans l'élo
quente allocution qui a précédé le
Te Deum, Mgr l'évêque de Glermont
a-t-il eu à cœur de remercier tout
spécialement M. le général Bousse-
nard, « le glorieux mutilé » du
13* corps, actuellement retenu à Pa
ris, d'avoir, avec un louable empres
sement, donné des ordres pour que
cette fête religieuse et militaire fût
entourée de tout l'éclat possible. .
Défait, la Dépêche du Puy-de-Dôme
nous apprend que ce spectacle était
des plus imposants. Le chœur de la
cathédrale était orné de trophées de
drapeaux tricolores. Le maître-autel
était surmonté d'une panoplie de dra
peaux, encadrant un transparent où
était écrite la devise suivante : « Au
Dieu des armées ».
Aux quatre piliers du transept
avaient été placés des cartouches avec
les inscriptions suivantes : « Religion,
Patrie, Kana, Abomey. »
Toute la nef avait été réservée à
l'état-major général et au corps d'offi
ciers de la garnison. D'autre part, la
musique de l'école d'artillerie s'est
fait entendre après le ehant du Te
Deum.
Au premier rang des autorités mili
taires, on remarquait la présence du
général de division Lecîerc et des
généraux de brigade Paquette et de
Heintz.
M. le préfet Bardon et M. Gasquet,
maire, étaient à la tête des autorités
civiles.
Voilà., certes , de quoi réjouir le
cœur de tous les Français vraiment
dignes de ce nom ; or, c'est précisé-,
ment ce qui met en fureur les juifs
de la Lanterne. « Violation, de la
Constitution; prières publiques offi
cielles » , tels sont les : titres flam
boyants dont s'arme son courroux
pour dénoncer .« la convocation abso
lument illégale » adressée par Mgr
l'évêque de Glermont aux autorités,
civiles et militaires, non moins que
l'empressement desdites autorités à y
répondre. Elle ajoute :
De doux choses l'une : ou les prières pu
bliques sont conformes à la loi, ou elles ne
le sont pas.
Si elles le sont, comment se fait-il qu'un
Te Deum n'ait pas été chanté dans toutes les
églises de France ?
Si elles ne le sont pas, et elles ont cessé
de l'être depuis la revision constitutionnelle
de 1884, l'évêque qui a invité les autorités
: à assister à un Te Deum et les autorités qui
ont répondu en corps à cette invitation ont
violé la Constitution, qui interdit de sem-
blables manifestations.
!, S'il y avait actuellement un ministère,
cette violation de la loi fondamentale du
. pays devrait être immédiatement répri
mée.
, -Nousaimons à croire que l'un des pre
miers soucis du ministère à venir, quand
nous finirons par en avoir un, sera de rap
peler tous ses subordonnés au respect de la
loi.
Rendons, s'il se peut, quelque calme
à KL Lanterne. Il est très vrai que la
nouvelle constitution revisée en 1884
a fait disparaître les prières publiques
ordonnées autrefois en vue de la ren
trée des Chambres, pour appeler sur
les travaux du Parlement les bénédic
tions dont ses membres ont tant be
soin. Mais, en dehors de ce fait, si
regrettable, où la Lanterne a-t-elle vu
qu'il ne puisse plus y avoir de prières
publiques sans caractère officiel? Ce
qui s'est fait à Glermont avec le con
cours si heureux des autorités civiles
et militaires n'est point une nou
veauté. Maintes fois, on a eu un
spectacle du même genre, soit à pro
pos, par exemple, des services funè
bres célébrés par les soins de la so
ciété de la Croix-Rouge, soit à propos
du sacre ou des funérailles de tel ou
tel prélat. Ajoutons qu'en dehors des
prescriptions de la loi, il reste fort
heureusement toute une série d'actes
spontanés qui restent à l'abri des dé
nonciations de la presse libre-pen
seuse.
■ Le dilemme de la Lanterne n'est
donc pas irréductible, et le ministère à
venir pas plus que l'administration pro
visoire actuelle n'aura nul sujet de rap
peler au respect de la loi des subordon
nés qui n'en sont pas sortis. Les prières
dont il s'agit n'ont rien à voir avec le
fait constitutionnel dont la Lanterne
entend tirer parti, et elle doit appren
dre qu'en ces matières — sans parler
d'un droit supérieur à la loi, si celle-ci
prétendait l'interdire — il est impos
sible de montrer en quoi la cérémonie
de Clermont ou tout^ autre pareille
serait contraire aux lois.
A uguste R oussei,.
La Crise ministérielle
Voici les notes successives que nous
communique l' Agence ' Havas pour la
journée d'hier :
Sur le désir exprimé par M. le président
de la République, M. Jules Develle, mi
nistre de l'agrioulture, s'est rendu hier
soir et ce matin à l'Elysée.
Dans l'intervalle, M. Develle avait con
féré avec quelques-uns de ses collègues.
— M. Develle a eu oe. soir,, de. six à
sept heures, une nouvelle entrevue aveo
M. Carnot. , ,
— M. Develle, qui n'avait pu encore se
rencontrer avec M. Loubet, absent aujour
d'hui d» Paris, s'est, rendu dans la soirée
chez l'ancien président du conseil. .*
11 a eu avec lui un long entretien,qui s'est
prolongé jusqu'à 10 heures. '
Dans cette conférence, il a été convenu
q-ue M.,Loubet irait demain matin à l'Ely
sée. '
En quittant le ministère de l'intérieur,
M. Develle' est allé voir le président de la
République, pour lui rendre compte de la
démarche qu'il venait de faire.
Dans la soirée de samedi, après
l'échec de M. Gasimir-Perier et après
sa dernière entrevue avec M. Bour
geois, qu'il n'a pas chargé de consti
tuer un cabinet, M. Carnot a senti le
besoin de conférer avec M. Develle,
ministre de l'agriculture dans le cabi
net Loubet. Celui-ci s'est rendu à l'E
lysée et s'est entretenu avec le prési
dent de la République de la situation
politique et des divers moyens de
mettre fin à la crise.
Hier matin, M. Develle a vu succes
sivement MM. Bourgeois, Ribot et Ga
simir-Perier. Il s'est de nouveau rendu
à l'Elysée, d'abord dans la matinée,
puis dans la soirée à six heures. Enfin,
à huit heures et demie dû soir, M. De
velle a eu un entretien d'une heure
avec M. Loubet, qui était resté absent
de Paris pendant toute la journée, et il
est allé rendre compte de son entre
tien au président de la République,
qui recevra l'ex-président clu conseil
ce matin à dix heures. -
Dernière heure. — Voici la note que
nous transmet l'officieuse Agence
Havas :
M. Loubet s'est rendu ce matin à l'Ely
sée. Il a eu aveo le président de la Répu*
blique une conférence qui s'est prolongée
de 10 h. 1 /2 jusqu'à 11 h. 1/2.
A. la suite de cette conversation, M. Da-
velle s'est rendu au ministère de l'intérieur
et s'est entretenu aveo M. Loubet.
Ea quittant l'hôtel de la place Beauvau,
M. Develle ost allé à l'Elysée.
M. Garnot va continuer aujourd'hui se3
réceptions.
D'autre • part, la même officieuse
Agence Havas nous communique la
dépêche suivante:
Bruxelles, 5 déoembre.
Contrairement à une nouvelle concernant
la crise ministérielle, publiée par un jour
nal, M. Tirard n'a pas été appelé à Paris.
C'est une réponse à ceux qui par
laient d'un nouveau ministère Tirard,
celui-ci étant à Bruxelles pour le con
grès monétaire.
En Angleterre quelques élections
contestées ont récemment été annulées
par la justice. La dernière de ces élec
tions invalidées a été celle de Hexham
(Northumberland), où un député tory,
M. Glayton, a perdu son siège pour
cause de corruption. Les frais du pro
cès d'invalidation soutenu par M. Glay
ton sont évalués à 10,000 livres ster
ling (250,000 francs). Heureusement
pour lui il est extrêmement riche et
10,000 livres sterling sont à ses yeux
une pure misère. Sans cela, il paierait
de la ruine l'ambition d'avoir voulu
être député. Et cela, dit-on, par l'in
discrétion de quelques agents. « In
discrétion », qui est le mot anglais,
n'est peut-être pas ici le mot propre.
Il est tout de même joli.
Les journaux anglais avaient ac
cueilli avec une parfaite sérénité les
« jugements » qui ont jusqu'ici privé
de leurs sièges un député gladstonien
et deux ou trois députés tories. Mais
c'est avec une joie bruyante qu'ils ac
cueillent et commentent la nouvelle
de l'annulation en Irlande de l'élec
tion d'un député nationaliste.
{ Le lecteur a sans doute vu cette
'nouvelle aux Dépêches d'hier. L'élec- -
Ition de South Meath, qui avait donné
;cê siège à un nationaliste contre un;
(Candidat parnelliste, est invalidée
ipour cause « d'intimidation, cléri-
icale». ■
' Enfin, s'écrie le Times,h là première
i ligne de son premier article de pre
mière page, « enfin nous tenons un
jexemple » d'intimidation cléricale. Et
jtous les journaux de Londres, à part
j naturellement les feuilles gladstonien-
inés, font chorus.
S Un journal tory déclare mêmô que
jsi les électeurs étaient capables de ;
i comprendre la politique, le procès de
ISûuth-Meath tuerait le Home Rule.
Tout ce tapage, avons-nous besoin
de le dire, manque de sérieux comme
de bonne foi. Le candidat natio
naliste de South Meath a été ac
quitté de toute espèce de manœuvre
ressemblant à de la corruption. On ne
lui a reproché que les « .manœuvres »
de l'évêque et de quelques prêtres qui
auraient osé employer contre son con
current « l'intimidation spirituelle ».
Nous venons de parcourir rapidement
le jugement que le juge O'Brien, aidé
du juge Andrews, a rendu en cette af
faire, et nous ne trouvons pas qu'il
fasse grand honneur à la magistrature
anglo-irlandaise. Nous pensions en
avoir fini avec cette littérature judi
ciaire qui abondait jadis en Angleterre
et au Ganada pour les procès électo
raux dits « d'influence indue». Lef
juge O'Brien ressuscité cette littéra
ture-là. Il ne mérite pas de félicita
tions. Les précédents et les phrases
toutes faites n'ont pas dû lui man-»
quer.
Ce qu'on voit de plus clair en cette
affaire, c'est que le candidat parnel
liste et ses partisans avaient le droit
de dire ^ue le clergé et les cléricaux
trahissaient la cause de l'Irlande,qu'ils
étaient coutumiers du fait et qu'ils
répondraient de ce nouveau crime de
lèse-patrie devant les hommes et de
vant Dieu ; mais que le clergé et les
cléricaux n'avaient pas le droit de ré
pondre en rappelant aux électeurs
qu'au nom de Dieu et de l'Irlande ;
qu'au nom de leur âme et de leur sa
lut, ils avaient le devoir de voter con
tre le candidat parnelliste.
Où est la justice, où est l'honneur
d'une pareille décision ?
C'est du reste une bonne plaisan
terie de venir nous dire qu'un procès
comme celui de South Meaht peut
faire tort à là cause' du Home Rule.
Il ne peut faire tort qu'à la magistra
ture anglo-irlandaise.
Sans doute, le jugement du juge
O'Brien pourra décider des parnellis-
tes désapointés à créer des ennuis à
leurs concurrents heureux. Mais/
d'un §.utre côté, il ne manquera pas
d'enflammer les Irlandais d'une nou
velle ardeur pour le Home Rule et
d'une aversion plus grande contre la ;
faction parnelliste qui, malgré sa dé
bandade, ne craint pas de recourir
aux précédents de la « vieille supré
matie » pour battre en brèche la reli
gion de saint Patrice et ses incor
ruptibles et vaillants champions.
L. N. G. 1
M.Ribot et la carrière diplomatique
III (1)
On voit,par ce rapide exposé, que la
carrière consulaire est virtuellement
abolie par les prétendues réformes de
M. Ribot ; ou du moins elle ne pré
sente plus qu'un assemblage chaotique
(i) Par suite d'une erreur de mise en pages,
l'article qui porte le numéro IV et qui devait
venir après celui-ci, a paru dans le numéro du
5 déoembre.
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 6 DÉCEMBRE 1892
CAUSERIE LITTERAIRE
Jules Barbey d'Aurevilly (1)
I
Saint-Sauveur-le-Vicomte est une char
mante petite ville féodale, située sur les
bords de la Douve, au centre de la pres
qu'île du Cotentin. On voit se dresser dans
son enceinte les restes d'une abbaye de bé
nédictins du XI 4 siècle, et les ruines pitto
resques d'un château fort, construit par
Néel de Néhou, et habité jadis par Geoffroy
d'Harcourt. Au pied de ces murailles, Ber
trand Duguesclin harcela longtemps les An
glais et remporta sur eux plus d'une vic
toire.
C'est dans celte coquette cité, dans
« cette bourgade jolie comme ua village
d'Ecosse », que naquit, le 2 novemhre 1808,
Jules-Amédée Barbey. Son grand-père,
Vincent-Félix-Marie Barbey, écuyer, sieur
du Motel, avait reçu de Louis XV l'autori
sation de porter pour armoiries « un écu
d'azur à deux bars adossés d'argent, cet écu
timbré d'un casque de profil, orné de ses
lambrequins d'or, d'azur, d'argent et de
(1). Littérature étrangère, par J. Barbey d'Au
revilly, un vol. in-13. — Littérature êpistolaire,
par le même, un vol. in-18. Alphonse Lemerre,
éditeur, passage Choiseul, 23. — 1892.
gueule ». Sa mère, Ernestine-Eulalie-Théo-
dore Angot, était la fille du dernier Grand
Railly du Cotentin, gouverneur royal, dont
la juridiction civile et militaire s'étendait
sur tout le pays qui constitue aujourd'hui
le département de la Manohe.
Jules Barbey reçut de son oncle, Vincent-
Félix Barbey, maire de Saint-Sauveur,
mort le 3 octobre 1829, le droit d'ajouter à
son nom patronymique la dénomination de
d'Aurevilly. C'est le nom d'une terre que la
famille possédait près de Saint-Sauveur-le-
Vicomte. Ilfutélové sous le toit paternel
et ne le quitta qu'en 1827, pour suivre le
cours do philosophie du collège Stanislas.
Dès 1828, il revenait en Normandie ; il ne
quitte sa vieille et ohèro province qu'a
près un très long séjour dans la ville de
Caen.
Il y a bien longtemps qu'un homme d'un
rare esprit et d'un merveilleux talent, Char
les Nodier, a écrit cette page charmante et
d'une observation si vraie :
La vie intime de la province a un charme dont
on ne conçoit aucuns idée à Paris, et qui se fait
surtout sentir dans les premières années de la
vie. On peut aimer le séjour de Paris dans l'âge
de l'activité, des passions, du besoin, des émo
tions et des succès ; mais c'est en province qu'il
faut être enfant, qu'il faut être adolescent, qii'ii
faut goûter les sentiments d'une àme qui com
mence à se révéler et à se connaître. Ce n'est
pas à Paris qu'on éprouvera jamais ces émo
tions incompréhensibles, que réveillent au fond
du cœur le son d'une certaine cloche, l'aspect
d'un arbre, d'un buisson, le jeu d'un rayon de
soleil sur la ferblanterie d'un petit toit soli
taire. Ces doux mystères du souvenir n'appar
tiennent qu'à la province. J'entendais l'autre
jour une femme de beaucoup d'esprit se plain
dre amèrement de n'avoir pas de patrie. — Hé- I
asl ajouta-t-elle en soupirant, je suis née sur j Prêtre marié, trois romans qui resteront et
i. «.nii» Saint.TWh i9\ j q U j SO nt, à mon sens, bien près d'être des
{ chefs-d'œuvre.
' Certes, Barbey d'Aurevilly a des dé-
a& 1 ajUUtH.-l.-OUO OU BUlipil'U
la paroisse Saint-Roch (2).
Nodier avait raison. « Faites tous vos vers
à Paris », disait Voltaire ; soit, mais si vos
premières années se sont écoulées dans
cette grande ville, loin des prés et des buis
sons, non dans la vieille maison de famille,
mais dans une de ces maisons de passage
où les habitants se succèdent comme dans
une hôtellerie et dont on peut dire aveo un-
poète plus grand que Voltaire :
Ma maison me regarde et ne me connaît plus (3).
Oui, si vous n'êtes pas né, si vous n'avez
point passé votre enfance en provinoe, vous
ne posséderez jamais quelques-unes des
qualités les plus précieuses du romancier :
la naïveté du sentiment, la variété des types,
l'originalité des oaractères. Vos œuvres re
fléteront peut-être les rayons brûlants du
soleil à son midi ; elles ne seront pas trem
pées des larmes de l'aurore, elles n'auront
pas la fraîcheur du matin.
Balzac, George Sand, Jules Sandeau,
Paul Féval ont eu cette chance heureuse
d'avoir une patrie, c'est-à-dire de naître en
province.Ge que furent pour eux la Touraine
el le Berry, la Marche et la Bretagne, la
Normandie l'a été pour Barbey d'Aurevilly.
Il dit dans ses Memoranda : « Romans, im
pressions écrites, souvenirs, travaux; tout
doit être normand pour moi, et se ratta
cher à la Normandie. » C'est bien à elle, en
effet, et à elle seule, que se rattachent Y En
sorcelée, le Chevalier des Touches et. le
(2). Charles Nodier, la Neuvaine de la Chan
deleur.
(3) Victor Hugo, la Tristesse d'Olympio.
fauts qui sautent aux yeux. Il surmène notre
pauvre langue, au lieu de lui laisser la
bride sur le cou ; lorsqu'on prend un de
ses livres; au sortir d'une lecture de Mme de
Sévigné ou de Le Sage, on éprouve l'im
pression d'un homme qui, en plein midi,
par une belle journée de printemps, en
trerait dans une salle de spectaole brillam
ment éclairée, et passerait sans transition
de la douce clarté qui tombe d'un ciel pur
à la lumière qui s'échappe de mille beos de
gaz. Rien ne vaut à coup sûr la vraie lu
mière et le soleil du bon Dieu ; mais est-ce
à dire que l'on n'ait pas plaisir quelquefois
à se trouver dans un théâtre, sous un lus-
tae étincelant de mille feux? Rien ne vaut
Mme de Sévigné, je le reoonnais ; mais
faut-il pour cela rejeter le style de Barbey
d'Aurevilly, martelé, laborieux, embarrassé
souvent d'incidentes et de parenthèses,
mais plein de surprises et de rencontres
heureuses?
Ce qu'il faut admirer surtout dans YEn-
sorcelée, le ChevAlier des Touches et Un
prêtre marié , c'est le fond, c'est le sujet
lui-même, l'art avec lequel le récit est
conduit, la grandeur du cadre, la puis
sance et la vie des personnages, et par
dessus tout le sentiment élevé, le souffle
grandiose qui anime ces trois maîtresses
œuvres.
Ce n'est point un naturaliste que Barbey
d'Aurevilly, et avec lui nous sommes à
cent lieues de M. Zola et de l' Assommoir.
L'abbé de la Croix-Iugan, Jeanne le Har-
douay, le chevalier des Touches, M. Jac
ques, Aimée de Spens, l'abbé Sombreval,
la Malgaigne, tous ces personnages sont
plus grands que nature ; mais tel est l'art
du romancier, si exactes sont les propor-
tionn entre le cadre et les portraits, que ce,
défaut, si o'en est un, ne choque pas le lec
teur. Aussi bien, Un prêtre marié , le Che
valier des Touches et VEnsorcelée sont moins
des romans que des poèmes, et n'est-ce
pas un droit pour le poète de grandir ses
héros?
Oui, o'est bien un poème que Baijbey a
écrit,le poème d'une époque et d'une guerre
presque oubliées maintenant ; car, ainsi
qu'il le. dit en tête de ces romans de la
Chouannerie, « pour que le destin soit plus
complet et plus grande la cruauté de la
fortune, il faut parfois que l'héroïsme et le
malheur ressemblent à ce bonheur dont on
a dit qu'il n'a pas d'histoire ». — «.Dieu,
ajoute-t-il, pour montrer mieux nos néants
sans douté, a parfois de ces ironies qui at
tachent le bruit aux choses petites et l'obs
curité aux choses grandes et la chouannerie
est une de ces grandes choses obscures,
auxquelles, à défaut de la lumière intégral^
et pénétrante de l'histoire, la poésie, fille
du rêve, attache son rayon (4) ».
C'est à la lueur tremblante de ce rayon
que l'auteur de Y Ensorcelât s. évoqué ces
temps évanouis, ces héros et ces luttes en
sevelis dans l'ombre. La résurrection est
complète. Barbey d'Aurevilly les a fait re
vivre avec une puissance qui rappelle Wal-
ter Scott, avec un souoi du détail qui rap
pelle Balzac, avec une recherche et un éclat
de sl.yle qui lui sont propres. Dans ces ré-
(-4) Préface de YEnsorcelêe.
| cits consacrés au pays où se sont éooulées
' ses jeunes années, il est sur son véritable
terrain.Il semble que la vieille terre natale-—
aima parens — estompe et atténue ses dé
fauts,tandis qu'elle ouvre à ses qualités une
plus vaste et plus libre carrière.
II
Que l'auteur de ces beaux récits soit le
môme qui a éorit certains romans et certains
oontes, dont quelques-uns, les Diaboliques,
effarouchèrent le parquet lui-même, il y a,
quels qu'aient pu être les vrais sentiments
et les intentions de Barbay d'Aurevilly, il y
a là plus qu'une contradiction étrange,—
une aberration morale,qui doit être sévère
ment condamnée. Barbey d'Aurevilly par
tage, aveo son ami M. Trébutien, l'honneur
d'avoir révélé à la France Eugénie de Gué-
rin, d'avoir publié son Journal et ses Lettres.
Gomment a-t-il pu écrire des livres qui,
s'ils avaient franohi les murs du Cayla, y
auraient été aussitôt lacérés et jetés au
feu? ,
Mais l'auteur de YEnsorcelêe ne fut pas
seulement un romancier, dont certains vo
lumes tomberont bientôt, je l'espère, dans
un complet oubli, tandis que les autres
continueront de briller d'un vif éclat; il
fut aussi un critique, et à ce titre encore il
mérite de vivre.
Depuis 1851 jusqu'à sa mort, il n'a eessé ;
de publier, chaqne semaine, dans le Pays,
puis dans le Constitutionnel , des articles de
critique littéraire. Comme Sainte-Beuve et
Pontmartin, pendant plus de treille ans, il
a suffi à celte tâche : lui non plus n'en a pas
été écrasé. Comme ceux de ses deux illus
tres rivaux, ses articles étaient de ceux
qu'il y avait lieu de recueillir. Lui-même
H* 8981. — JCditiou qaôtiditrai*
«SBB8sgj8»a
Mardi 6 Décembre 1892
ÉDITION QUOTIDIENNE
Un an . . ,
Six mois . .
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. PARIS
■T DÉPAJlTEMHWr»
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UN NUMÉRO f Paris . . ... .... . . 1S cent.
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. L 'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qni loi-sont adressés
AN NO |MCHS \\
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6, place do la Bourse '
FRANCÈ
PARIS, 5 DÉCEMBRE 1892
Voici que le nom de M. Loubet re
vient. Ce matin, M. Garnot a reçu
l'ex-président du- conseil, pour
lequel M. Develle, l'ex-ministre de
l'agriculture, aurait travaillé toute la
journée d'hier. Le fameux ministère
tenu en-réserve dans la coulisse se
rait-il un cabinet Loubet allégé de M.
Ricard et de deux ou trois autres mi
nistres? La « belle Fathma » aurait
sans doute été trouvée doublement
compromettante, et pour son zèle dans
l'affaire du Panama et pour sa bru
talité anticléricale.
Seulement, comment M. Loubet,
qui, comme jadis M. Bourbeau, man
que singulièrement de prestige, pour
rait-il faire accepter aux Chambres et
surtout au pays l'enterrement de
l'eD.quête sur le Panama?
Hier, la commission d'enquête se
reposait, il n'y a donc pas eu de nou
velles découvertes faites par elle. Les
révélations n'ont pas complètement
chômé pour cela; des indiscrétions
ont fait connaître que certains signa
taires des fameux chèques n'étaient
que des hommes de paille, ce qui sem
ble indiquer que les véritables bénéfi
ciaires des chèques ne tenaient pas à
être» connus. Ce n'est pas un bon
signe.
Aujourd'hui les deux Chambres doi
vent se réunir, mais que feront-elles
puisqu'il n'y a pas encore de cabinet?
II est absolument improbable qu'un
ministère soit constitué avant deux
heures.
M. Bouge, le député qui demande
d'ajourner,c'est-à-dire d'enterrer l'en
quête, fera-t-il, même sans ministres,
sa proposition?
Rien, depuis deux jours, n'est venu
indiquer que M. le comte Taaffe se
soit décidé à se retirer après son échec
au sujet des 50,000 francs de fonds
secrets. Il se montre disposé à conti
nuer de gouverner en se passant de
ces 50,000 francs. Ce qui le soutient,
c'est que le vote contre lui a été
émis par une majorité de coalition;
les jeunes-tchèques et les libéraux-
allemands ne peuvent pas marcher
longtemps ensemble ; ils sont aux
antipodes et se détestent cordialement.
Les libéraux-allemands préféreraient
m'importe quoi à un triomphe des
jeunes-tchèques, qui entraînerait l'é
crasement en Bonême de l'élément
allemand.
En Italie, on continue à se préoccu
per de la décision du Sénat qui at
teint directement les prérogatives de
la couronne. Il est difficile qu'un dé
bat des plus graves ne s'engage pas
lôt ou tard à ce sujet.
(Voir aux Dernières Nouvelles)
Dans sa lettre douloureuse à Mgr
l'évêque d'Orléans, Sa Sainteté
Léon XIII presse le clergé d'agir en
union avec lui pour « détourner de la
aiation française deux affreux mal
heurs : le renversement de la religion
et la décadence des mœurs ». Contre
un gouvernement qui a lui-même l'ini
tiative du mal, le clergé ne sent que
trop toutes les difficultés qu'il de
vra vaincre pour répondre aux
exhortations du Souverain Pontife.
Depuis nombre d'années, le renverse
ment de la religion et la décadence
des mœurs sont surtout œuvre légis
lative. Il y a encore maints projets de
loi annoncés ou en préparation qui
tendent au même but. On n'en a pas
fini avec la campagne révolution
naire contre la foi et la morale. .
Aujourd'hui, nous devons signaler
une nouvelle idée qui tend à se faire
jour et. qui déjà rencontre des appro
bations. Un avocat (il y en a pour
toutes les causes! a entrepris de plaider
l'innocuité de l'adultère. Il soutient
que l'adultère, qui était un crime dans
l'ancienne législation et dont le code
civil a fait un délit, n'est plus actuel
lement, avec la nouvelle loi sur le di
vorce, ni l'un ni l'autre.
Juridiquement la thèse de l'avocat
se soutient. Voici l'argument :
« Le mariage, pour la loi laïque, est
une convention comme une autre, un
contrat synallagmatique dans lequel
les parties s'engagent mutuellement
et également, et qu'il est juridique de
rompre quand une des deux parties
prouve que l'autre s'est soustraite aux
engagements pris en connaissance
de cause et réclame la rupture du lien
conjugal. » Et comme conclusion : le
divorce ayant fait disparaître l'indis
solubilité du lien, il en résulte que
« l'adultère n'est plus une cause de
délit, que ce soit l'homme ou la
femme qui le commette : c'est une
cause de divorce. »
Il ne faudrait pas plus que ce rai
sonnement pour juger une loi qui
permet de changer à ce point la mo
rale. La conséquence,'en effet, est lo
gique. Avec le mariage civil et le di
vorce, il ne peut plus être question
de crime ou de délit d'adultère. Où se
rait le mal légalement? Puisque le
mariage n'a plus rien de sacré ni d'in
dissoluble, pourquoi ne pas le rompre
à son gré, en provoquant la femme du
prochain à une nouvelle union? Na
pourrait-on pas en agir de même pour
tout autre contrat purement civil et
révocable ?
Dans la législation pénitentiaire de
la primitive Eglise, l'adultère était
considéré, avec l'homicide et l'apos
tasie, comme l'un des , trois grands,
péchés mortels qui excluaient de la
communauté chrétienne et exigeaient
une pénitence publique de toute la
vie. C'était là, pour nos modernes,
une de ceâ vieilles, idées des temps de
superstition. La criminalité de l'adul
tère a toujours été en diminuant dans
l'opinion avec l'affaiblissement de la
morale. Il y a longtemps que le théâ
tre et le roman travaillent à le justi
fier. Aux yeux des gens du monde, ce
n'est même plus une action honteuse,
une vilenie. Loin de là, on s'en vante,
et l'homme heureux en adultères
passe facilement pour un héros.
Aujourd'hui, il s'agit de mettre la
loi d'accord avec les mœurs, et même
de mettre la loi d'accord avec elle-
même. C'est l'objet de l'écrit de cet
avocat, que nous connaissons par l'ap
préciation du Rappel , qui le déclare
« très remarquable, très judicieux, » et
qui proclame que « la réforme proposée
est grande et haute et essentiellement
moralisatrice ». Car, dans le complet
renversement d'idées de notre époque,
on appelle moral et moralisateur ce
qui tend à détruire la morale; Et c'est
ainsi que la loi qui a rétabli le di
vorce, la loi qui supprimera l'adultère
sont appelées des lois moralisatrices.-
Cette dernière loi, que le rédacteur
du Rappel sollicite ardemment, com
ment ao se ferait-elle pas? N'est-elle
pas à la fois la consécration du ma
riage civil et des moeurs modernes?
Nous verrons donc, à la suite du di
vorce, l'adultère changer de nom et
de caractère dans notre législation.
Ce ne sera plus ce grand crime, égal à
l'homicide, dont la conscience chré
tienne avait horreur; ce ne sera plus
ce rapt indigne, cette forfaiture que
le vieil honneur français punissait
honteusement; ce ne sera meme plus
le délit des légistes du code pénal ;
non, l'adultère n'aura rien de plus
honteux, de plus coupable, aux yeux
de^ la loi, que le mariage civil lui-
même et le divorce. On le considérera
comme un préliminaire de rupture
du premier lien contractuel, comme
un acte préparatoire au divorce et
comme l'anticipation légitime du se
cond mariage civil. On sera adultère
pour divorcer et se remarier.
Quele clergé et les catholiques re
doublent de zèle, selon les intentions
du souverain Pontife, pour empêcher,
s'ils le peuvent, ce nouvel abaissement
de là morale publique par la loi. La
réforme que le Rappel qualifie de
« grande et haute, et essentiellement
moralisatrice », est de celles qui, en
ce temps-ci, se réalisent. Elle convient
aux idées , aux mœurs dominantes.
Le mariage civil appelle la légitima-,
tion de l'adultère. Et les avocats seront
là pour prouver, d'accord avec les lé
gislateurs, que, après avoir rétabli
au code civil le divorce, on doit re
trancher du code pénal le délit d'adulé
tère. Ce sera de la logique, mais une
logique qui précipitera encore la déca
dence des mœurs.
A rthwr L oth .
Dans la cathédrale de Glermont,
une foule considérable assistait hier à
une émouvante cérémonie que prési
dait Mgr Boyer, l'évêque du diocèse,
récemment nommé archevêque de
Bourges. Il s'agissait du chant d'un
Te Deum en actions de grâces à Dieu
pour les succès de nos troupes au
Dahomey, et nul ne s'étonnera que le
patriotisme de Mgr Boyer ait voulu
prendre cette initiative, si conforme
aux sentiments que le clergé français
a toujours manifesté dans les ques
tions où l'honneur national est en
gagé.
On ne s'étonnera pas davantage que,
dans une ville qui est le siège d'un
commandement de corps, Mgr Boyer
ait eu la pensée toute naturelle d'asso
cier l'armée à cette pieuse et patrioti
que manifestation. Il l'y a donc invi
tée, en même temps que les autorités
civiles et l'empressement avec lequel
il lui a été répondu prouve, de sur
croît, que cette invitation répondait
bien au vœu de tous. Aussi, dans l'élo
quente allocution qui a précédé le
Te Deum, Mgr l'évêque de Glermont
a-t-il eu à cœur de remercier tout
spécialement M. le général Bousse-
nard, « le glorieux mutilé » du
13* corps, actuellement retenu à Pa
ris, d'avoir, avec un louable empres
sement, donné des ordres pour que
cette fête religieuse et militaire fût
entourée de tout l'éclat possible. .
Défait, la Dépêche du Puy-de-Dôme
nous apprend que ce spectacle était
des plus imposants. Le chœur de la
cathédrale était orné de trophées de
drapeaux tricolores. Le maître-autel
était surmonté d'une panoplie de dra
peaux, encadrant un transparent où
était écrite la devise suivante : « Au
Dieu des armées ».
Aux quatre piliers du transept
avaient été placés des cartouches avec
les inscriptions suivantes : « Religion,
Patrie, Kana, Abomey. »
Toute la nef avait été réservée à
l'état-major général et au corps d'offi
ciers de la garnison. D'autre part, la
musique de l'école d'artillerie s'est
fait entendre après le ehant du Te
Deum.
Au premier rang des autorités mili
taires, on remarquait la présence du
général de division Lecîerc et des
généraux de brigade Paquette et de
Heintz.
M. le préfet Bardon et M. Gasquet,
maire, étaient à la tête des autorités
civiles.
Voilà., certes , de quoi réjouir le
cœur de tous les Français vraiment
dignes de ce nom ; or, c'est précisé-,
ment ce qui met en fureur les juifs
de la Lanterne. « Violation, de la
Constitution; prières publiques offi
cielles » , tels sont les : titres flam
boyants dont s'arme son courroux
pour dénoncer .« la convocation abso
lument illégale » adressée par Mgr
l'évêque de Glermont aux autorités,
civiles et militaires, non moins que
l'empressement desdites autorités à y
répondre. Elle ajoute :
De doux choses l'une : ou les prières pu
bliques sont conformes à la loi, ou elles ne
le sont pas.
Si elles le sont, comment se fait-il qu'un
Te Deum n'ait pas été chanté dans toutes les
églises de France ?
Si elles ne le sont pas, et elles ont cessé
de l'être depuis la revision constitutionnelle
de 1884, l'évêque qui a invité les autorités
: à assister à un Te Deum et les autorités qui
ont répondu en corps à cette invitation ont
violé la Constitution, qui interdit de sem-
blables manifestations.
!, S'il y avait actuellement un ministère,
cette violation de la loi fondamentale du
. pays devrait être immédiatement répri
mée.
, -Nousaimons à croire que l'un des pre
miers soucis du ministère à venir, quand
nous finirons par en avoir un, sera de rap
peler tous ses subordonnés au respect de la
loi.
Rendons, s'il se peut, quelque calme
à KL Lanterne. Il est très vrai que la
nouvelle constitution revisée en 1884
a fait disparaître les prières publiques
ordonnées autrefois en vue de la ren
trée des Chambres, pour appeler sur
les travaux du Parlement les bénédic
tions dont ses membres ont tant be
soin. Mais, en dehors de ce fait, si
regrettable, où la Lanterne a-t-elle vu
qu'il ne puisse plus y avoir de prières
publiques sans caractère officiel? Ce
qui s'est fait à Glermont avec le con
cours si heureux des autorités civiles
et militaires n'est point une nou
veauté. Maintes fois, on a eu un
spectacle du même genre, soit à pro
pos, par exemple, des services funè
bres célébrés par les soins de la so
ciété de la Croix-Rouge, soit à propos
du sacre ou des funérailles de tel ou
tel prélat. Ajoutons qu'en dehors des
prescriptions de la loi, il reste fort
heureusement toute une série d'actes
spontanés qui restent à l'abri des dé
nonciations de la presse libre-pen
seuse.
■ Le dilemme de la Lanterne n'est
donc pas irréductible, et le ministère à
venir pas plus que l'administration pro
visoire actuelle n'aura nul sujet de rap
peler au respect de la loi des subordon
nés qui n'en sont pas sortis. Les prières
dont il s'agit n'ont rien à voir avec le
fait constitutionnel dont la Lanterne
entend tirer parti, et elle doit appren
dre qu'en ces matières — sans parler
d'un droit supérieur à la loi, si celle-ci
prétendait l'interdire — il est impos
sible de montrer en quoi la cérémonie
de Clermont ou tout^ autre pareille
serait contraire aux lois.
A uguste R oussei,.
La Crise ministérielle
Voici les notes successives que nous
communique l' Agence ' Havas pour la
journée d'hier :
Sur le désir exprimé par M. le président
de la République, M. Jules Develle, mi
nistre de l'agrioulture, s'est rendu hier
soir et ce matin à l'Elysée.
Dans l'intervalle, M. Develle avait con
féré avec quelques-uns de ses collègues.
— M. Develle a eu oe. soir,, de. six à
sept heures, une nouvelle entrevue aveo
M. Carnot. , ,
— M. Develle, qui n'avait pu encore se
rencontrer avec M. Loubet, absent aujour
d'hui d» Paris, s'est, rendu dans la soirée
chez l'ancien président du conseil. .*
11 a eu avec lui un long entretien,qui s'est
prolongé jusqu'à 10 heures. '
Dans cette conférence, il a été convenu
q-ue M.,Loubet irait demain matin à l'Ely
sée. '
En quittant le ministère de l'intérieur,
M. Develle' est allé voir le président de la
République, pour lui rendre compte de la
démarche qu'il venait de faire.
Dans la soirée de samedi, après
l'échec de M. Gasimir-Perier et après
sa dernière entrevue avec M. Bour
geois, qu'il n'a pas chargé de consti
tuer un cabinet, M. Carnot a senti le
besoin de conférer avec M. Develle,
ministre de l'agriculture dans le cabi
net Loubet. Celui-ci s'est rendu à l'E
lysée et s'est entretenu avec le prési
dent de la République de la situation
politique et des divers moyens de
mettre fin à la crise.
Hier matin, M. Develle a vu succes
sivement MM. Bourgeois, Ribot et Ga
simir-Perier. Il s'est de nouveau rendu
à l'Elysée, d'abord dans la matinée,
puis dans la soirée à six heures. Enfin,
à huit heures et demie dû soir, M. De
velle a eu un entretien d'une heure
avec M. Loubet, qui était resté absent
de Paris pendant toute la journée, et il
est allé rendre compte de son entre
tien au président de la République,
qui recevra l'ex-président clu conseil
ce matin à dix heures. -
Dernière heure. — Voici la note que
nous transmet l'officieuse Agence
Havas :
M. Loubet s'est rendu ce matin à l'Ely
sée. Il a eu aveo le président de la Répu*
blique une conférence qui s'est prolongée
de 10 h. 1 /2 jusqu'à 11 h. 1/2.
A. la suite de cette conversation, M. Da-
velle s'est rendu au ministère de l'intérieur
et s'est entretenu aveo M. Loubet.
Ea quittant l'hôtel de la place Beauvau,
M. Develle ost allé à l'Elysée.
M. Garnot va continuer aujourd'hui se3
réceptions.
D'autre • part, la même officieuse
Agence Havas nous communique la
dépêche suivante:
Bruxelles, 5 déoembre.
Contrairement à une nouvelle concernant
la crise ministérielle, publiée par un jour
nal, M. Tirard n'a pas été appelé à Paris.
C'est une réponse à ceux qui par
laient d'un nouveau ministère Tirard,
celui-ci étant à Bruxelles pour le con
grès monétaire.
En Angleterre quelques élections
contestées ont récemment été annulées
par la justice. La dernière de ces élec
tions invalidées a été celle de Hexham
(Northumberland), où un député tory,
M. Glayton, a perdu son siège pour
cause de corruption. Les frais du pro
cès d'invalidation soutenu par M. Glay
ton sont évalués à 10,000 livres ster
ling (250,000 francs). Heureusement
pour lui il est extrêmement riche et
10,000 livres sterling sont à ses yeux
une pure misère. Sans cela, il paierait
de la ruine l'ambition d'avoir voulu
être député. Et cela, dit-on, par l'in
discrétion de quelques agents. « In
discrétion », qui est le mot anglais,
n'est peut-être pas ici le mot propre.
Il est tout de même joli.
Les journaux anglais avaient ac
cueilli avec une parfaite sérénité les
« jugements » qui ont jusqu'ici privé
de leurs sièges un député gladstonien
et deux ou trois députés tories. Mais
c'est avec une joie bruyante qu'ils ac
cueillent et commentent la nouvelle
de l'annulation en Irlande de l'élec
tion d'un député nationaliste.
{ Le lecteur a sans doute vu cette
'nouvelle aux Dépêches d'hier. L'élec- -
Ition de South Meath, qui avait donné
;cê siège à un nationaliste contre un;
(Candidat parnelliste, est invalidée
ipour cause « d'intimidation, cléri-
icale». ■
' Enfin, s'écrie le Times,h là première
i ligne de son premier article de pre
mière page, « enfin nous tenons un
jexemple » d'intimidation cléricale. Et
jtous les journaux de Londres, à part
j naturellement les feuilles gladstonien-
inés, font chorus.
S Un journal tory déclare mêmô que
jsi les électeurs étaient capables de ;
i comprendre la politique, le procès de
ISûuth-Meath tuerait le Home Rule.
Tout ce tapage, avons-nous besoin
de le dire, manque de sérieux comme
de bonne foi. Le candidat natio
naliste de South Meath a été ac
quitté de toute espèce de manœuvre
ressemblant à de la corruption. On ne
lui a reproché que les « .manœuvres »
de l'évêque et de quelques prêtres qui
auraient osé employer contre son con
current « l'intimidation spirituelle ».
Nous venons de parcourir rapidement
le jugement que le juge O'Brien, aidé
du juge Andrews, a rendu en cette af
faire, et nous ne trouvons pas qu'il
fasse grand honneur à la magistrature
anglo-irlandaise. Nous pensions en
avoir fini avec cette littérature judi
ciaire qui abondait jadis en Angleterre
et au Ganada pour les procès électo
raux dits « d'influence indue». Lef
juge O'Brien ressuscité cette littéra
ture-là. Il ne mérite pas de félicita
tions. Les précédents et les phrases
toutes faites n'ont pas dû lui man-»
quer.
Ce qu'on voit de plus clair en cette
affaire, c'est que le candidat parnel
liste et ses partisans avaient le droit
de dire ^ue le clergé et les cléricaux
trahissaient la cause de l'Irlande,qu'ils
étaient coutumiers du fait et qu'ils
répondraient de ce nouveau crime de
lèse-patrie devant les hommes et de
vant Dieu ; mais que le clergé et les
cléricaux n'avaient pas le droit de ré
pondre en rappelant aux électeurs
qu'au nom de Dieu et de l'Irlande ;
qu'au nom de leur âme et de leur sa
lut, ils avaient le devoir de voter con
tre le candidat parnelliste.
Où est la justice, où est l'honneur
d'une pareille décision ?
C'est du reste une bonne plaisan
terie de venir nous dire qu'un procès
comme celui de South Meaht peut
faire tort à là cause' du Home Rule.
Il ne peut faire tort qu'à la magistra
ture anglo-irlandaise.
Sans doute, le jugement du juge
O'Brien pourra décider des parnellis-
tes désapointés à créer des ennuis à
leurs concurrents heureux. Mais/
d'un §.utre côté, il ne manquera pas
d'enflammer les Irlandais d'une nou
velle ardeur pour le Home Rule et
d'une aversion plus grande contre la ;
faction parnelliste qui, malgré sa dé
bandade, ne craint pas de recourir
aux précédents de la « vieille supré
matie » pour battre en brèche la reli
gion de saint Patrice et ses incor
ruptibles et vaillants champions.
L. N. G. 1
M.Ribot et la carrière diplomatique
III (1)
On voit,par ce rapide exposé, que la
carrière consulaire est virtuellement
abolie par les prétendues réformes de
M. Ribot ; ou du moins elle ne pré
sente plus qu'un assemblage chaotique
(i) Par suite d'une erreur de mise en pages,
l'article qui porte le numéro IV et qui devait
venir après celui-ci, a paru dans le numéro du
5 déoembre.
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 6 DÉCEMBRE 1892
CAUSERIE LITTERAIRE
Jules Barbey d'Aurevilly (1)
I
Saint-Sauveur-le-Vicomte est une char
mante petite ville féodale, située sur les
bords de la Douve, au centre de la pres
qu'île du Cotentin. On voit se dresser dans
son enceinte les restes d'une abbaye de bé
nédictins du XI 4 siècle, et les ruines pitto
resques d'un château fort, construit par
Néel de Néhou, et habité jadis par Geoffroy
d'Harcourt. Au pied de ces murailles, Ber
trand Duguesclin harcela longtemps les An
glais et remporta sur eux plus d'une vic
toire.
C'est dans celte coquette cité, dans
« cette bourgade jolie comme ua village
d'Ecosse », que naquit, le 2 novemhre 1808,
Jules-Amédée Barbey. Son grand-père,
Vincent-Félix-Marie Barbey, écuyer, sieur
du Motel, avait reçu de Louis XV l'autori
sation de porter pour armoiries « un écu
d'azur à deux bars adossés d'argent, cet écu
timbré d'un casque de profil, orné de ses
lambrequins d'or, d'azur, d'argent et de
(1). Littérature étrangère, par J. Barbey d'Au
revilly, un vol. in-13. — Littérature êpistolaire,
par le même, un vol. in-18. Alphonse Lemerre,
éditeur, passage Choiseul, 23. — 1892.
gueule ». Sa mère, Ernestine-Eulalie-Théo-
dore Angot, était la fille du dernier Grand
Railly du Cotentin, gouverneur royal, dont
la juridiction civile et militaire s'étendait
sur tout le pays qui constitue aujourd'hui
le département de la Manohe.
Jules Barbey reçut de son oncle, Vincent-
Félix Barbey, maire de Saint-Sauveur,
mort le 3 octobre 1829, le droit d'ajouter à
son nom patronymique la dénomination de
d'Aurevilly. C'est le nom d'une terre que la
famille possédait près de Saint-Sauveur-le-
Vicomte. Ilfutélové sous le toit paternel
et ne le quitta qu'en 1827, pour suivre le
cours do philosophie du collège Stanislas.
Dès 1828, il revenait en Normandie ; il ne
quitte sa vieille et ohèro province qu'a
près un très long séjour dans la ville de
Caen.
Il y a bien longtemps qu'un homme d'un
rare esprit et d'un merveilleux talent, Char
les Nodier, a écrit cette page charmante et
d'une observation si vraie :
La vie intime de la province a un charme dont
on ne conçoit aucuns idée à Paris, et qui se fait
surtout sentir dans les premières années de la
vie. On peut aimer le séjour de Paris dans l'âge
de l'activité, des passions, du besoin, des émo
tions et des succès ; mais c'est en province qu'il
faut être enfant, qu'il faut être adolescent, qii'ii
faut goûter les sentiments d'une àme qui com
mence à se révéler et à se connaître. Ce n'est
pas à Paris qu'on éprouvera jamais ces émo
tions incompréhensibles, que réveillent au fond
du cœur le son d'une certaine cloche, l'aspect
d'un arbre, d'un buisson, le jeu d'un rayon de
soleil sur la ferblanterie d'un petit toit soli
taire. Ces doux mystères du souvenir n'appar
tiennent qu'à la province. J'entendais l'autre
jour une femme de beaucoup d'esprit se plain
dre amèrement de n'avoir pas de patrie. — Hé- I
asl ajouta-t-elle en soupirant, je suis née sur j Prêtre marié, trois romans qui resteront et
i. «.nii» Saint.TWh i9\ j q U j SO nt, à mon sens, bien près d'être des
{ chefs-d'œuvre.
' Certes, Barbey d'Aurevilly a des dé-
a& 1 ajUUtH.-l.-OUO OU BUlipil'U
la paroisse Saint-Roch (2).
Nodier avait raison. « Faites tous vos vers
à Paris », disait Voltaire ; soit, mais si vos
premières années se sont écoulées dans
cette grande ville, loin des prés et des buis
sons, non dans la vieille maison de famille,
mais dans une de ces maisons de passage
où les habitants se succèdent comme dans
une hôtellerie et dont on peut dire aveo un-
poète plus grand que Voltaire :
Ma maison me regarde et ne me connaît plus (3).
Oui, si vous n'êtes pas né, si vous n'avez
point passé votre enfance en provinoe, vous
ne posséderez jamais quelques-unes des
qualités les plus précieuses du romancier :
la naïveté du sentiment, la variété des types,
l'originalité des oaractères. Vos œuvres re
fléteront peut-être les rayons brûlants du
soleil à son midi ; elles ne seront pas trem
pées des larmes de l'aurore, elles n'auront
pas la fraîcheur du matin.
Balzac, George Sand, Jules Sandeau,
Paul Féval ont eu cette chance heureuse
d'avoir une patrie, c'est-à-dire de naître en
province.Ge que furent pour eux la Touraine
el le Berry, la Marche et la Bretagne, la
Normandie l'a été pour Barbey d'Aurevilly.
Il dit dans ses Memoranda : « Romans, im
pressions écrites, souvenirs, travaux; tout
doit être normand pour moi, et se ratta
cher à la Normandie. » C'est bien à elle, en
effet, et à elle seule, que se rattachent Y En
sorcelée, le Chevalier des Touches et. le
(2). Charles Nodier, la Neuvaine de la Chan
deleur.
(3) Victor Hugo, la Tristesse d'Olympio.
fauts qui sautent aux yeux. Il surmène notre
pauvre langue, au lieu de lui laisser la
bride sur le cou ; lorsqu'on prend un de
ses livres; au sortir d'une lecture de Mme de
Sévigné ou de Le Sage, on éprouve l'im
pression d'un homme qui, en plein midi,
par une belle journée de printemps, en
trerait dans une salle de spectaole brillam
ment éclairée, et passerait sans transition
de la douce clarté qui tombe d'un ciel pur
à la lumière qui s'échappe de mille beos de
gaz. Rien ne vaut à coup sûr la vraie lu
mière et le soleil du bon Dieu ; mais est-ce
à dire que l'on n'ait pas plaisir quelquefois
à se trouver dans un théâtre, sous un lus-
tae étincelant de mille feux? Rien ne vaut
Mme de Sévigné, je le reoonnais ; mais
faut-il pour cela rejeter le style de Barbey
d'Aurevilly, martelé, laborieux, embarrassé
souvent d'incidentes et de parenthèses,
mais plein de surprises et de rencontres
heureuses?
Ce qu'il faut admirer surtout dans YEn-
sorcelée, le ChevAlier des Touches et Un
prêtre marié , c'est le fond, c'est le sujet
lui-même, l'art avec lequel le récit est
conduit, la grandeur du cadre, la puis
sance et la vie des personnages, et par
dessus tout le sentiment élevé, le souffle
grandiose qui anime ces trois maîtresses
œuvres.
Ce n'est point un naturaliste que Barbey
d'Aurevilly, et avec lui nous sommes à
cent lieues de M. Zola et de l' Assommoir.
L'abbé de la Croix-Iugan, Jeanne le Har-
douay, le chevalier des Touches, M. Jac
ques, Aimée de Spens, l'abbé Sombreval,
la Malgaigne, tous ces personnages sont
plus grands que nature ; mais tel est l'art
du romancier, si exactes sont les propor-
tionn entre le cadre et les portraits, que ce,
défaut, si o'en est un, ne choque pas le lec
teur. Aussi bien, Un prêtre marié , le Che
valier des Touches et VEnsorcelée sont moins
des romans que des poèmes, et n'est-ce
pas un droit pour le poète de grandir ses
héros?
Oui, o'est bien un poème que Baijbey a
écrit,le poème d'une époque et d'une guerre
presque oubliées maintenant ; car, ainsi
qu'il le. dit en tête de ces romans de la
Chouannerie, « pour que le destin soit plus
complet et plus grande la cruauté de la
fortune, il faut parfois que l'héroïsme et le
malheur ressemblent à ce bonheur dont on
a dit qu'il n'a pas d'histoire ». — «.Dieu,
ajoute-t-il, pour montrer mieux nos néants
sans douté, a parfois de ces ironies qui at
tachent le bruit aux choses petites et l'obs
curité aux choses grandes et la chouannerie
est une de ces grandes choses obscures,
auxquelles, à défaut de la lumière intégral^
et pénétrante de l'histoire, la poésie, fille
du rêve, attache son rayon (4) ».
C'est à la lueur tremblante de ce rayon
que l'auteur de Y Ensorcelât s. évoqué ces
temps évanouis, ces héros et ces luttes en
sevelis dans l'ombre. La résurrection est
complète. Barbey d'Aurevilly les a fait re
vivre avec une puissance qui rappelle Wal-
ter Scott, avec un souoi du détail qui rap
pelle Balzac, avec une recherche et un éclat
de sl.yle qui lui sont propres. Dans ces ré-
(-4) Préface de YEnsorcelêe.
| cits consacrés au pays où se sont éooulées
' ses jeunes années, il est sur son véritable
terrain.Il semble que la vieille terre natale-—
aima parens — estompe et atténue ses dé
fauts,tandis qu'elle ouvre à ses qualités une
plus vaste et plus libre carrière.
II
Que l'auteur de ces beaux récits soit le
môme qui a éorit certains romans et certains
oontes, dont quelques-uns, les Diaboliques,
effarouchèrent le parquet lui-même, il y a,
quels qu'aient pu être les vrais sentiments
et les intentions de Barbay d'Aurevilly, il y
a là plus qu'une contradiction étrange,—
une aberration morale,qui doit être sévère
ment condamnée. Barbey d'Aurevilly par
tage, aveo son ami M. Trébutien, l'honneur
d'avoir révélé à la France Eugénie de Gué-
rin, d'avoir publié son Journal et ses Lettres.
Gomment a-t-il pu écrire des livres qui,
s'ils avaient franohi les murs du Cayla, y
auraient été aussitôt lacérés et jetés au
feu? ,
Mais l'auteur de YEnsorcelêe ne fut pas
seulement un romancier, dont certains vo
lumes tomberont bientôt, je l'espère, dans
un complet oubli, tandis que les autres
continueront de briller d'un vif éclat; il
fut aussi un critique, et à ce titre encore il
mérite de vivre.
Depuis 1851 jusqu'à sa mort, il n'a eessé ;
de publier, chaqne semaine, dans le Pays,
puis dans le Constitutionnel , des articles de
critique littéraire. Comme Sainte-Beuve et
Pontmartin, pendant plus de treille ans, il
a suffi à celte tâche : lui non plus n'en a pas
été écrasé. Comme ceux de ses deux illus
tres rivaux, ses articles étaient de ceux
qu'il y avait lieu de recueillir. Lui-même
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