Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-10-20
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 20 octobre 1892 20 octobre 1892
Description : 1892/10/20 (Numéro 8937). 1892/10/20 (Numéro 8937).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k707858k
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 20 Octobre 1892
N* 8937. — Editien qaotidienn»
Jeudi 20 Octobre 1892
wasm
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
»t dépàmembnm {union p0stalb)
Ufl M i s * « » « &5 D 60 M
Six mois . . * „ . 28 50 84 ».
Trois mois. ... 15 » 18 »
SaBS abonnements partent des 1» et 16 de chaque moîf
on numéro) kl"-'-
SUREAUX ; Paris, 10, rue des Saints-Pères
On «'«bonne l Rome, place du Geai, 8
ÉPITÏOH SEMI-QÙOT^BNNE
On an, . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
*t départements
. . 30 »
. . 16 »
. . 8 50
étranger
(union postai.!)
36 t
19 »
40 »
abonnements parte nt des 1 » et 46 de chaque aaeiê
8 'flIYISS m répond pas dos Mnscrits pi lai sont adressé?
ANNONCES
MM. LÀGRANGEj CEIIP et C le , 6j place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 19 OCTOBRE 1892
Les Chambres sont rentrées ; on a
discuté les deux interpellations de
MM. Dupuy-Dutemps et le docteur
Desprès sur la grève de Carmaux, et
la ministère est encore debout. La dis
cussion a été longue hier; elle s'est
terminée contrairement aux prévisions
même les plus optimistes, par une
entente à peu près générale. Tous les
ordres du jour motivés, plus ou moins
désagréables au ministère, ont été
retirés, et l'on a voté l'urgence pour
une loi sur les mines proposée par
M. Baïhaut. La discussion commen
cera sur la partie relative à l'arbi
trage.
Quant à la grève de Carmaux, elle
se terminerait par un arbitrage qu'ac
cepte M. le baron Reille. Toutefois, il
reste à savoir si les grévistes, échap
pant à l'influence des Baudin, des
Galvignao et des Duc-Quercy, accep
teront. .
En dehors delà discussion sur Car
maux, il n'y a à signaler dans la
séance d'hier que l'annonce des dé
missions de MM. de Breteuil et de So-
lages et un petit échec de M. Rouvier.
Le ministre des finances demandait
la priorité pour le projet de loi relatif
au renouvellement du privilège de la
Banque de France, il n'a pas réussi :
la Chambre discutera auparavant la
réforme de l'impôt des boissons.
Séance jeudi.
Au Sénat, très courte séance de
rentrée. Après le discours nécrolo
gique d'usage prononcé par M. le pré
sident Le Royer, il n'y a eu que le
dépôt d'une demande d'interpellation
de M. Fresneau sur les agissements
de certains conseils municipaux ; l'ho
norable sénateur du Morbihan vise
sans doute le congrès de Saint-Ouen.
Comme le ministre compétent n'était
pas présent, on a ajourné la fixation
delà discussion.
Aujourd'hui, notre aimable conseil
municipal reprend ses séances ; per
sonne ne le désire. Déjà, avant sa
rentrée, il a un conflit avec le préfet
Poubelle. On annonce de plus que le
citoyen Vaillant, constitué l'avocat
officieux des , grévistes de Carmaux,
va demander en leur faveur un subside
de lOOvOOO francs. Nos conseillers se
montreront- sans doute généreux avee
notre argent.
Nous disions plus haut qu'il s'agis
sait de savoir si les grévistes, à Timi-
tation de M. le baron Reille, accepte
raient l'arbitrage ; il est certain qu'on
les excite à ne pas le faire. Ainsi la
Bourse du travail a pris la décision
suivante : « Considérant les événe
ments de Carmaux. et la rentrée des
Chambres, la commission exéciitive
de la Bourse du travail décide de se
tenir en permanence en cas de refus
du Parlement de faire droit aux re
vendications des travailleurs. » Ce
n'est évidemment pas pour calmer les
grévistes que la Bourse du travail se
met en insurrection.
Que fera le gouvernement ainsi
bravé en face, si cette résolution est
mise en pratique?
On annonce que l'empereur Guil
laume a signé la loi relative à la ré
forme militaire. On peut en conclure
qu'il ne reculera pas, d'autant qu'il
aurait donné au général de Caprivi
l'autorisation de dissoudre le Reichs-
tag en cas de résistance.
La discussion qui a rempli à la
Chambre la séance de rentrée et qui
s'est terminée d'une façon inattendue,
peut-être provisoire, donne une idée
complète du désordre où se trouve
notre régime social. On avait, depuis
quelque temps, envisagé diverses con
séquences qui paraissaient devoir ré
sulter de ce débat: on était sûr que
la question de confiance serait posée ;
on admettait la possibilité d'une crise
ministérielle; et les conjectures al
laient leur train. Ttoutes les prévisions
ont été bientôt écartées. Il n'y a même
pas eu de vote sur le fond. L'antago
nisme des plus grands intérêts poli
tiques s'est montré avec toute son
importance et avec son aspect mena
çant. Devant ce danger, les autres
conflits et les combinaisons secon
daires des partis ont disparu, pour le
moment du moins.
On aura recours à un arbitrage.
M. le baron Reille, personnellement
mis en cause et attaqué, surtout par
MM. Millerand et Baudin d'une façon
violente, avait d'abord refusé de lais
ser soumettre à cette juridiction la
mesure prise envers l'ouvrier Calvi-
gnac, maire de Carmaux. A la fin de
la séance, l'honorable député du Tarn,
qui avait défendu, avec dignité, le
droit de la compagnie, s'est rallié à la
proposition d'arbitrage. Les nombreux
ordres du jour n'avaient plus de rai
son d'être. On attendra le résultat des
nouvelles négociations.
Les discours prononcés font bien
juger de l'embarras qui règne à peu
près partout. En dépit de son assu
rance, M. Dupuy-Dutemps, qui pous
sait le gouvernement à sévir contre
la compagnie, ne savait pas quels
moyens indiquer. M. Millerand, qui
déployait, d'un ton passionné, son
argumentation juridique -pour faire
prévaloir le droit absolu des ouvriers,
.ne voyait pas d'autre ressource que
de sacrifier sans réserve le droit des
patrons. M. Desprès accusait le gou
vernement d'avoir, par faiblesse, en
couragé les meneurs de grèves.
M. Baudin, au contraire, énorgueilli
des sinistres lauriers ramassés dans
cette lutte et parlant avec la fierté de
Scipion, sommait le ministère de ve
nir au secours des ouvriers défenseurs
de la République et annonçait l'in
surrection pour demain. M. Goujon
blâmait le cabinet d'avoir permis aux
maires d'encourager la résistance et
demandait jue le litige fût réduit aux
proportions d'un procès civil. M.Mau-
jan criait : « politique, politiqu#, po
litique » et « seize-mai », comme
M. Millerand, d'ailleurs. Le ministre
des travaux publics signalait le con
traste qui existe entre les griefs for
mulés et les principes invoqué»; il dé
plorait l'intransigeance des patrons et
celle des ouvriers ; il discutait la no
tion de la propriété minière et déplo
rait qu'on eût tant- de peine à conci
lier la liberté du travail avec l'égalité
électorale. En butte à des reproches
opposés, M. Loubet se vantait d'avoir
fait intervenir la. troupe en l'empê
chant d'agir; indiquait les lenteurs,
les difficultés et les hasards de la pro
cédure à laquelle on devrait recourir
pour déposséder la compagnie ; expli
quait qu'il avait rendu service surtout
aux ouvriers en empêchant que l'ex
ploitation ne fût interrompue. En
dehors de l'extrême gauche, les pro
position de déchéance- n'éveillaient que
la crainte. En effet, une fois accom
plie la main-mise du gouvernement
sur l'administration minière, toute
garantie était ébranlée.
Réduit à ses éléments, le problème
n'en inspire que plus d'inquiétude.
On y distingue à nu les forces qui se
croisent et qui se heurtent celle 's de
qui dépend l'existence d'un pays. Le
patron combat pour son autorité es
sentielle : être ou ne pas être, c'est de
cela qu'il s'agit. Peut-on obliger le pa
tron à garder, et par conséquent à
payer, l'ouvrier qui ne travaille pas ?
Non. Mais l'ouvrier va-t-il rester, en
fait, dans l'impossibilité d'user dés
droits politiques que lui confère la
constitution? Alors la # sainte égalité
n'est plus qu'un présent dérisoire.
Seront-ils seuls éligibles, ceux qui
ont des loisirs, c'est-à-dire des rentes ?
Alors l'argent est l'unique fondement
du droit? Ce privilège exclusif accordé
à la fortune déchaine contre elle les
mauvais instincts et risque de corrom
pre les bons. Elle a tout à craindre
d'un pareil moyen employé pour la
défendre.
Il faudrait éviter que les principes
opposés ne fussent tendus à l'extrême ;
mais la criminelle sottise de 89 et
l'expérience qui s'est poursuivie de
puis cette date sont pour le monde
ouvrier un terrible excitant. L'inter
diction de s'associer pour protéger
leur intérêt légitime a entretenu chez
les ouvriers l'esprit de résistance. Les
conquêtes arrachées par la force les
stimulent à s'enfoncer dans cette voie.
Ils ont dû lutter pour obtenir le droit
d'organiser la grève ; lutter encore
pour imposer leurs syndicats : à quel
les luttes ne sont-ils pas préparés
maintenant ! Les législateurs de 89,
qui ont dépossédé toute une classe de
ses libertés naturelles, ont attiré sur
nous ces souffrances et ces périls.
C'est M. Loubet qui sera l'arbitre.
De plusieurs côtés de la Chambre cette
indication a surgi ; et M. le baron
Reille s'y est oonformé. On peut se
demander si le ministre de l'intérieur,
ayant dû intervenir maintes fois à
Carmaux par les ordres donnés à son
préfet, convenait mieux que personne
pour cette oeuvre qui exige le maxi
mum de l'indépendance. Lui-même,
après la séance, a sans doute réfléchi
à la responsabilité qu'il va prendre et
qui n'augmentera pas la liberté de
ses mouvements. On a voulu détour
ner les complications; on est allé au
plus pressé ; on a choisi le premier
moyen qui se présentait. Souhaitons
que M. Loubet mette fin à la crise de
Carmaux. L'idée de l'arbitrage aura
fait de nouveaux progrès ; ce qui est
précieux.
Le règlement de l'ordre du jour a
donné lieu à un débat fiévreux et
confus. Sous l'influence de la discus
sion qui venait de se terminer, la
Chambre a inscrit au premier rang les
diverses propositions qui ont pour
but d'organiser l'arbitrage. Ensuite
viendra toute une série de lois qui se
rapportent à ce sujet : travail des
femmes, travail des enfants, syndi
cats professionnels, règlements d'ate
liers. M. Rouvier, qui voulait que l'on
se remît au privilège de la Banque
avant le vote sur la réforme de l'im
pôt des boissons, s'est attiré un échec
superbe. La Banque reste dans le
brouillard. Quant au budget, on ne
sait plus de quel côté de l'horizon il
est en détresse. Il faudra mettre des
affiches pour le retrouver. On prolon
gera encore le mois de décembre jus-'
qu'en plein janvier. Sans y penser,
la Chambre réforme le calendrier ; et
c'est le jhasard des événements poli
tiques qui règle le cours de l'année
budgétaire.
E ugène T averni Ê r.
A propos de la grève
: la loi de 1810
De tout temps là propriété spéciale,
des mines a comporté certaines déro
gations au droit de propriété propre
ment dit. Le régime de mines, autre
fois en France, et aujourd'hui dans
les pays étrangers, n'est pas celui que
nous suivoçs présentement, et ces ré
gimes divers, anciens ou actuels, dif
fèrent également entre eux. Ils ont
seulement un trait commun : c'est le
sacrifice exigé dé la propriété privée
au nom de l'intérêt général, et le pou
voir de l'Etat considéré comme fonda
teur et dispensateur du droit de pro
priété nouveau, c'est-à-dire de la pro
priété de la mine.
A cette considération, un peu géné
rale et philosophique au premier as
pect, joignons celle des grandes col
lectivités ouvrières qui s'organ,isent
autour de la mine et nous commence
rons à concevoir comment les juristes
àu service de la Révolution dissimu
lent, sou3 couleur de «réforme delà
loi de 1810 » le premier coin qui s'en
foncera dans le mur, jusqu'ici res
pecté encore, de la propriété privée.
Ce n'est pas ici le domaine de la fan
taisie, un terrain neuf sur lequel on
édifie des hypothèses quotidiennes et
des réfornies à perte de vue, comme
lés aiment les socialistes à la plume
facile.
Il y a beaucoup de choses à démo
lir. donc à discuter, pour faire table
rase : article 552 du code civil, loi du
24 avril 1810, loi du 27 avril 1838,
loi du 17 mai 1866. Tout cela n'est
encore que du droit civil, relative
ment simple : quant aux textes admi
nistratifs, Us sont toute une spécialité
réservée aux ingénieurs. Mais, diront
les hommes d'Etat improvisés par la
grève, toujours prompts aux change
ments et amis des moyens simples,
que nous importent ces complications
et- ces lois ? Abrogeons tout d'un seul
coup ; dans ce fouillis législatif glis
sons une cartouche de dynamite :
Article 1" : « Tout ce qui existait jus
qu'alors est supprimé... » Article 2 :
» La mine est aux mineurs. » Et voilà
une question résolue.
Eh bien, non, pas du tout, pas de
danger ! Il ne faut pas détruire bruta
lement ce qui existe ; il faut seulement
en tirer le meilleur parti. Ce n'est pas
seulement une mine de charbon, mais
une mine de popularité, d'influence,
de ressources parlementaires et même
d'autres ressources pour beaucoup de
bons républicains. M. de Freycinet
est toujours ingénieur des mines et
même, par décret signé de sa propre
main, ingénieur en chef. M. Carnot
n'a pas cessé d'appartenir à l'adminis
tration au titre d'ingénieur actuelle
ment « détaché » à des occupations
extérieures. Ces deux exemples sont
donnés uniquement comme la preuve
de la haute considération que l'admi
nistration s'accorde à elle-même.
A compter de ces éminences hiérar
chiques, tout un monde s'échelonne
sur les degrés intermédiaires, pour
descendre jusqu'aux fonctions ma
nuelles et à l'ouvrier qu'on fait ma
nifester contre la gendarmerie. Il y a
dans tout cela quelque chose à donner,
quelque chose à prendre. Il y a aussi
une effroyable ambition, un orgueil
dénaturé, une vanité folle, une con
fiance en soi-même que rien n'étonne
jusqu'à ce que tout craque, incapable
de céder sinon devant la peur ou l'in
térêt personnel : les agitateurs de Car
maux, comme tous les révolution
naires, le savent, et chacun pourrait
dire, la main sur la conscience, si tel
n'est pas le portrait de son voisin, ou
de son collègue. 11 y a parmi eux un
ou deux hommes intelligents, peut-
être un seul, et ce n'est pas celui qui
poussera aux dernières extrémités.
Pour l'instant, on a obtenu la dé
mission du marquis de Solages, une
concession du baron Reille, on a parlé
de brûle r le château au chant d'une
carmagnole inaugurée tout exprès.
Tout cela donne pâture à la moitié des
passions en jeu. Le Grand-Orient est
intervenu, comme de juste, pour y
contribuer comme il a pu. Reste quel
que chose de plus important: lè re
trait de la concession et l'attribution
de la mine à des propriétaires nou
veaux. C'est ici probablement que les
vainqueurs se diviseront,et il est pos
sible qu'ils en restent là. C'est le paint
important de la discussion proposée
sur la loi de 1810.
La loi de 1810 ne justifie pas, en
effet, l'expropriation de la compa
gnie, mais elle fournit un prétexte.
Lo propriété de la mine est concédée
sous une condition d'intérêt public
qui domine tout : c'est que la conces
sion sera • exploitée. D'où cet argu
ment simple : «Rendons l'exploitation
impossible en suscitant quelque grève
déraisonnable et insoluble; Quand
l'exploitation sera suspendue, nous
réclamerons le retrait de la conces
sion, et l'affaire est à nous.»
La loi de 1810, qui n'est faite que
pour la propriété minérale ne per
mettrait pas l'expropriation de la pro
priété industrielle par le moyen de la
grève ; mais les deux cas se ressem
blent tellement qu'il ne faudrait
qu'un petit effort de législation so
ciale pour passer de l'un à l'autre, n
suffirait de substituer, ou seulement
d'ajouter à la considération de l'inté
rêt public celle de Y intérêt collectif , qui
lui ressemble beaucoup et qui est plus
saisisissable encore à première vue.
Et voilà l'usine menacée à son tour
de laïcisation par la grève;
Après l'usine* le château; le châ
teau, ni la grande ou moyenne pro
priété, n'intéressentla grève; mais, je
vous prie, est-il besoin de grève pour
se rendre à l'évidence, et siles grands
intérêts publics justifient assez l'ex
propriation de la bourgeoisie labo
rieuse représentée par l'usine, pour
quoi seraient-ils moins forts devant la
bourgeoisie fainéante ?
De proche en proche, en partant de
la loi de 1810, on peut aller loin. Ce
n'est pas l'œuvre d'un jour, bien en
tendu, rassurons-nous! Brusquer les
choses serait trop difficile, et même
ce serait dommage ! Mais c'est un
beau champ à exploiter, tout un vaste
horizon de programmes, de pro
messes, de discours, de lois superbes
et vengeresses, en un mot toute une
belle et longue carrière de député so
cialiste. Malheureusement c'est tou
jours au milieu de ce rêve glouton
que le bon peuple renverse la mar
mite, ou que l'idée vient à quelque in
trigant d'enfiler un uniforme entre
minuit et une heure et d'envoyer le
rêveur s'éveiller à Mazas.
G. Bois.
Après Tours, Nantes. M. Bourgeois
travaille à se mettre en vedette. Ses
discours ne varient guère, d'ailleurs.
Aux Nantais comme aux Touran
geaux, il a désigné l'ennemi, l'en
nemi à craindre, à combattre, dans
les catholiques et les conservateurs
qui prennent place, chaque jour,
plus nombreux et plus décidés, sur
le terrain constitutionnel. Pour le
ministre radical de l'instruction pu
blique et des beaux-arts, les monar
chistes, désormais, ne sont que des
adversaires négligeables. Ce ne sont
pas eux qui entraveront la marche
ascendante du radicalisme; ils n'en
lèveront point le pouvoir à M. Bour
geois et à ses amis. Mais les catholi
ques et les conservateurs qui accep
tent la République, avec la résolution
d'y conquérir le plus d'influence pos
sible, voilà le danger. Il est sérieux, il
est menaçant; il faut le conjurer à
tout prix.
Le ministre s'efforce donc de trou
ver le meilleur moyen de « démas
quer » les constitutionnels. Gomment
distinguer, d'une façon prompte et
sûre, ces faux frères des vrais répu
blicains? M. Bourgeois dirait simple
ment, s'il osait : « Vous reconnaîtrez
le vrai républicain à ce signe, qu'il
pense en tout comme moi.» Mais ce
serait un peu brutal et pnr trop per
sonnel. Aussi, le futur président du
prochain cabinet radical s'est-il avisé
d'une autre pierre de touche. Relé
guant avec beaucoup de désinvolture
la république au second rang, il a dit
à ses auditeurs nantais : « Tout le
monde crie : Vive la République !
crions, nous : Vive la Révolution ! »
Enthousiasmée, l'assistance a répondu
à l'invitation de l'orateur par de chauds
applaudissements et par un immense
cri de : Vive la ... République !
M. Bourgeois est tenace: il proposera
sa pierre de touche autre part, et il
obtiendra, peut-être, un meilleur
succès.
Assurément, d'ailleurs, M. le mi
nistre de l'instruction publique a dé
couvert là un moyen de plus, pour les
partisans de la politique présente, de
se distinguer des constitutionnels, qui
acceptent le gouvernement établi,
mais veulent réformer la législation.
Sa pierre de touche en est donc véri
tablement une. Il n'est point, en effet,
de catholique digne de ce titre, il n'est
guère de conservateurs, espérons-le,
qui puissent consentir à crier : Vive la
Révolution ! Pour notre part, nous
sommes et restons ses ennemis ré
solus , au point de vue religieux d'a
bord, puis au point de vue écono
mique. C'est la Révolution qui, ôtant
au faible jusqu'à Dieu, a créé l'inique
et déplorable état social dans lequel se
débat le monde à l'heure présente.
Non certes, nous ne crierons jamais :
Vive la Révolution !
Reste à savoir, maintenant, s'il
sera facile à M. Bourgeois et à ses pa
reils de substituer au cri de : Vive la
République ! celui de : Vive la Révo
lution! Ils auront fort à faire,
croyons-nous, pour que le second
devienne aussi populaire que le pre
mier. La Révolution, c'est bien vague.
Qu'est-ce que cela veut dire? Ce mot
n'est-il pas souvent synonyme des
mots troubles et désordres ? L'électeur
se 1 soucie beaucoup moins de la Ré
volution que de la République. Il a
cellé-ci ; l'ayant, il préfère la garder,
parce qu'il pense qu'on n'en pourrait
justement point sortir sans quelque
révolutiou. Révolution, cela sonne
mal à ses oreilles ; cela éveille ses mé
fiances, ses craintes. Quand, donc, il
sera bien convaincu que les constitu
tionnels ne veulent pas toucher à la
République ; quand il sera bien con
vaincu que les constitutionnels sont
résolus à lui laisser tous ses droits
de citoyen, conservant le suffrage
universel, respectant l'égalité, élar
gissant les vraies libertés, ramenant
par une politique d'apaisement et
ae justice la fraternité ; quand l'é-
iecteur sera bien convaincu de tout
cela, il se souciera fort peu de n'en
tendre point les catholiques et les
conservateurs qui acceptent le régime
établi crier, déplus: Vive la Révolu
tion!
Et la pierre de touche découverte
par M. Bourgeois, vain talisman,
n'empêchera pas le ministre de l'ins
truction publique et des beaux-arts
d'être |rendu à la vie privée.
P ierre V euiixot.
Mgr l'archevêque de Bordeaux a
terminé ainsi son mandement « por
tant publication de l'Encyclique sur
le Très Saint Rosaire » :
Après la prière, la première de nos obli
gations — et celle-là est sacrée comme le
plus essentiel des devoirs — est d'obéir au
Pape.
Il est chef de l'Eglise et père des chré
tiens, vicaire de Jésus-Christ. Il a droit à
l'assistance particulière de son Esprit et de
sa grâce, dans toutes les circonstances où il
agit en pasteur du troupeau sacré. La sa
gesse de Dieu repose dono d'une façon sur
naturelle dans ce génie humain déjà si
grand et si puissant; et, de plus, nous sa
vons qu'au fond de ce grand cœur réside
une seule passion : l'amour de ses enfants.
Quand donc — nous osons le demander à
toutes les âmes intelligentes et à tous les
cœurs libres — quand dono avons-nous pu
nous abandonner plus sûrement à une di
rection et accepter plus aveuglément des
conseils ?
Nous obéirons aux conseils comme aux
ordres, nous surtout, enfants de cette vieille
France qui mettait si noblement sa fierté,
dans les jours où le Pape était plus humilié,
à abaisser son sceptre devant la tiare. Nous
demanderons au donataire de Pépin et de
Charlemagne qu'il soit de plus en plus l'ami
et le protecteur de la France, et sur la ré
ponse qu'il daignera nous donner pour la
centième fois, nous lui remettrons nos
cœurs avec leurs affections, nos volontés
avec leurs énergies, mises désormais aveu
glément au service des intérêts qui priment
tout : le relèvement moral et le salut des
intérêts religieux de notre pays.
Des victoires promises attendent l'homme
obéissant: sachons, par notre soumission
filiale, et, au besoin, par des saorifioes né
cessaires, mériter ces triomphes. Le jour
où il plaira à Dieu de nous les donner, glo
rieux et complets, bien des irritations au
ront cédé devant les faits, et le Te Deurn
d'actions de grâces redira le succès de bien
des oauses, où tous trouveront l'honneur et
la paix.
Et l'obéissanoe renferme la pratique do
toutes les vertus.
Plus que tout le reste, la sainteté de la
vie est le bouclier qui protège les indivi
dus et l'arme puissante qui fait triompher
les nations. Dix justes auraient pu sauver
une ville coupable ; que ne feraient donc
pas, pour le salut de la France, des familles
vraiment chrétiennes et des populations
revenues à une pratique sérieuse do la
ver tu ?
Un fait caractéristique vient de se
passer en Suisse. Il y a quelque temps,
un personnage du nom de Felder, ha
bitant à Walhouse, canton de Lu-
cerne, se permit des paroles ignoble
ment injurieuses à l'adresse de la
sainte Vierge, en réponse à deux ca
marades qui lui demandaient s'il chô
merait pour fêter l'Immaculée-Con-
ception. Dénoncé pour ce fait, le blas
phémateur fut condamné par le tri
bunal de Ruswyl à six francs d'a
mende. C'était peu. Mais, comme le
remarquer le Courrier de Genève en
relatant cette condamnation, l'essen
tiel était qu'un tel scandale ne restât
pas impuni. Peut-être, d'ailleurs, le
tribunal de Ruswyl craignait-il qu'un
amende plus sévère ne servît de pré
texte pour faire casser le jugement par
les autorités fédérales.
Quoi qu'il en soit, le condamné se
persuada que, vu la nature de son dé
lit, il avait chance de se voir absous
en appel. Il déféra donc le jugement
du tribunal à la cour de Lucerne, et,
plus tard, au tribunal fédéral. Fina
lement, il s'adressa aù Conseil fédéral,
devant lequel il invoquait les immu
nités que lui garantissait, disait-il, le
fameux principe de la liberté de con-
scienre. Nonobstant, dans sa séance
du samedi 15 octobre, le Conseil fé
déral a écarté son recours comme mal
fondé. La condamnation reste donc
comme un précédent et une leçon à
l'adresse des blasphémateurs publics,
et on ne peut qu'en louer hautement
la magistrature d'un pays en majorité
protestant. Ajoutons un détail non
moins significatif.
Dans le canton de Lucerne, c'est à
grand'peine que l'insulteur de la
Sainte Vierge a fini par trouver un
seul avocat ayant consenti à le dé
fendre. Cet avocat est le docteur \Yei-
bel, chef de la secte vieille-catholique
dans son canton et, après le fameux
évêque Herzog, l'homme le plus en
vue de la bande dans toute la Suisse.
On sait qu'il n'a pas eu le don d'ame
ner les juges à son sentiment.
Cette issue d'un procès que l'im
piété se vantait de gagner jette la
Lanterne dans une vraie fureur,
« Quel vent de réaction souffle donc
en ce moment sur l'Europe? s'écrie-t-
elle. Après l'Espagne monarchiste qui
interdit un congrès de libre-penseurs,
voici la Suisse républicaine qui donne
le spectacle de la plus fanatique into
lérance. » Finalement, l'organe de la
juiverie libre-penseuse compte sur un
vif incident aux Chambres, àpropos
de cette affaire qui, dit-il, « fait scan
dale ».
La Lanterne en sera pour son foi
espoir. Mais ce qui fait vraiment scan
dale, c'est le contraste qu'un pareil
jugement établit entre la situation des
catholiques en Suisse et en France.
-Pendant que dans le premier de ces
pays, où'domine une majorité protes
tante, il se trouve des juges pour ré
primer les outrages au culte catho-
liquè ; en France, c'est vainement
qu'on chercherait rien de pareil. Non
seulement les journaux peuvent im
punément remplir leurs colonnes de
toutes sortes d'impiétés et des plus
horribles blasphèmes; mais,, depuis
près de deux mois, la clameur pu
blique dénonce vainement les mani
festations sacrilèges et obscènes d'une
bande odieuse, laquelle, en Seine-et-
Marne a commis publiquement les
attentats les plus monstrueux devant
la population de Noisy atterrée. En.
face de ces actes criminels, est-ce que
le parquet bouge ? Semble-t-il même
entendre? Voilà, n'en déplaise à la
Lanterne , le scandale qui nous humi
lié profondément au regard de la ré
publique suisse comme de la monar
chique Espagne.
A uguste R oussel.
Au sujet de l'incident provoqué &
Lyon par l'inspecteur d'académie,
voici les nouveaux renseignements
transmis" par dépêche, en date d'hier*
soir :
Ljon, 18 octobre.'
Le cons eil académique s'est réuni aujouri
d'hui sous la présidence de M. Charles,
recteur, pour statuer sur deux oppositions
formées par l'inspecteur d'académie, rela
tives : l'une à l'externat de la rue Sainte-
Hélène, et l'autre au oollège de Montgré, à
Villefranohe.
Les deux oppositions portaient sur ce
que, soit àMongré, soit rue Sainte-Hélène,
les Pères jésuites ont, au dire de l'inspec
teur, ouvert un établissement annexe com
portant un personnel enseignant de 3 pro
fesseurs, ce qui porterait à 6 le nombre des
jésuites résidant dans chaoun de ces éta-i
blissements.
M" Jacquier et Charras, au nom desr
Pères, ont soutenu que les deux établisse
ments annexes ne rentrent pas dans la ca
tégorie de ceux que visent les décrets da
1880 ; néanmoins, le conseil académique a,
par 22 voix contre 1 bulletin blano, main
tenu l'oppostion formée par l'inspecteur et
renvoyé les Pères à se pourvoir dévant le
conseil supérieur de l'instruction publique.
Celle décision est basée sur ce fait que
les établissements annexes communiquent
par une porte aveo les externats autorisés.
Comme on le voit par cette dépêcha,
l'inspecteur d'académie a fini par
abandonner son incroyable prétention,
d'interdire l'entrée du conseil aux
avocats des religieux mis en cause.
Neutralité. — Egalité
Pour montrer ce que valent ces
deux mots lorsqu'ils sont pratique
ment interprétés par les révolution
naires, le Messager de Toulouse publia
la lettre suivante :
Monsieur le rédacteur,
Je prends la liberté de venir, au nom de
bon nombre de familles chrétiennes, poser
deux questions à M. l'inspecteur des écoles
de la Haute-Garonne :
1° Les instituteurs ont-ils le droit de vili
pender devant leurs élèves la religion ca
tholique, qui est la religion.de leurs pa
rents, et d'essayer de salir par de révol
tants mensonges les dignes représentants
de l'Eglise ?
2° Les institutrices ont-elles le droit de
recevoir dans leurs classes des enfants au-
dessous de cinq ans, alors que les congré
gations religieuses sont forcées de les re
fuser ? Nous recourons à qui de droit afin
que ces injustices criantes no se renouvel
lent pas.
Veuillez agréer, monsieur le rédacteur,
l'assurance de ma très profonde estime.
Une mère de famille catholique.
Comme le remarque le Messager,
* il est probable que l'inspecteur in
terrogé se gardera bien de répondre â
ces questions si nettes, car il est le
premier sans doute à encourager les
scandaleux abus qui sont signalés
par la lettre ci-dessus.
■«»-
On écrit d'Hazebrouck au Nouvel-'
liste du Nord et du Pas-de-Calais t
Le tribunal d'Hazebrouck vient de se li
vrer à une petite manifestation antireli
gieuse qui a fort émotionné notre popula
tion.
Pour la première fois depuis le commen
cement du siècle, il a supprimé la messe
du Saint-Esprit qui précédait l'audience de
rentrée solennelle. Vous comprenez aisé
ment le mauvais effet que produit oette me
sure stupide, et il est bon que vous la si
gnaliez à vos leoteurs. Notre tribunal veut,
à tout p-ix, achever de se perdre dans l'es
time publique. On prétend que cette me
sure aurait été prise sur les instances de
notre nouveau substitut, M. Hirsch, qui
appartiendrait à la religion juive.
Cet incident est d'autant plus commenté
que la population de l'arrondissement d'Ha
zebrouck est plus complètement et plus sin
cèrement catholique.
Comme on le voit, les magistrats
d'Hazebrouck peuvent aller de pair
avec ceux de Perpignan.
N* 8937. — Editien qaotidienn»
Jeudi 20 Octobre 1892
wasm
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
»t dépàmembnm {union p0stalb)
Ufl M i s * « » « &5 D 60 M
Six mois . . * „ . 28 50 84 ».
Trois mois. ... 15 » 18 »
SaBS abonnements partent des 1» et 16 de chaque moîf
on numéro) kl"-'-
SUREAUX ; Paris, 10, rue des Saints-Pères
On «'«bonne l Rome, place du Geai, 8
ÉPITÏOH SEMI-QÙOT^BNNE
On an, . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
*t départements
. . 30 »
. . 16 »
. . 8 50
étranger
(union postai.!)
36 t
19 »
40 »
abonnements parte nt des 1 » et 46 de chaque aaeiê
8 'flIYISS m répond pas dos Mnscrits pi lai sont adressé?
ANNONCES
MM. LÀGRANGEj CEIIP et C le , 6j place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 19 OCTOBRE 1892
Les Chambres sont rentrées ; on a
discuté les deux interpellations de
MM. Dupuy-Dutemps et le docteur
Desprès sur la grève de Carmaux, et
la ministère est encore debout. La dis
cussion a été longue hier; elle s'est
terminée contrairement aux prévisions
même les plus optimistes, par une
entente à peu près générale. Tous les
ordres du jour motivés, plus ou moins
désagréables au ministère, ont été
retirés, et l'on a voté l'urgence pour
une loi sur les mines proposée par
M. Baïhaut. La discussion commen
cera sur la partie relative à l'arbi
trage.
Quant à la grève de Carmaux, elle
se terminerait par un arbitrage qu'ac
cepte M. le baron Reille. Toutefois, il
reste à savoir si les grévistes, échap
pant à l'influence des Baudin, des
Galvignao et des Duc-Quercy, accep
teront. .
En dehors delà discussion sur Car
maux, il n'y a à signaler dans la
séance d'hier que l'annonce des dé
missions de MM. de Breteuil et de So-
lages et un petit échec de M. Rouvier.
Le ministre des finances demandait
la priorité pour le projet de loi relatif
au renouvellement du privilège de la
Banque de France, il n'a pas réussi :
la Chambre discutera auparavant la
réforme de l'impôt des boissons.
Séance jeudi.
Au Sénat, très courte séance de
rentrée. Après le discours nécrolo
gique d'usage prononcé par M. le pré
sident Le Royer, il n'y a eu que le
dépôt d'une demande d'interpellation
de M. Fresneau sur les agissements
de certains conseils municipaux ; l'ho
norable sénateur du Morbihan vise
sans doute le congrès de Saint-Ouen.
Comme le ministre compétent n'était
pas présent, on a ajourné la fixation
delà discussion.
Aujourd'hui, notre aimable conseil
municipal reprend ses séances ; per
sonne ne le désire. Déjà, avant sa
rentrée, il a un conflit avec le préfet
Poubelle. On annonce de plus que le
citoyen Vaillant, constitué l'avocat
officieux des , grévistes de Carmaux,
va demander en leur faveur un subside
de lOOvOOO francs. Nos conseillers se
montreront- sans doute généreux avee
notre argent.
Nous disions plus haut qu'il s'agis
sait de savoir si les grévistes, à Timi-
tation de M. le baron Reille, accepte
raient l'arbitrage ; il est certain qu'on
les excite à ne pas le faire. Ainsi la
Bourse du travail a pris la décision
suivante : « Considérant les événe
ments de Carmaux. et la rentrée des
Chambres, la commission exéciitive
de la Bourse du travail décide de se
tenir en permanence en cas de refus
du Parlement de faire droit aux re
vendications des travailleurs. » Ce
n'est évidemment pas pour calmer les
grévistes que la Bourse du travail se
met en insurrection.
Que fera le gouvernement ainsi
bravé en face, si cette résolution est
mise en pratique?
On annonce que l'empereur Guil
laume a signé la loi relative à la ré
forme militaire. On peut en conclure
qu'il ne reculera pas, d'autant qu'il
aurait donné au général de Caprivi
l'autorisation de dissoudre le Reichs-
tag en cas de résistance.
La discussion qui a rempli à la
Chambre la séance de rentrée et qui
s'est terminée d'une façon inattendue,
peut-être provisoire, donne une idée
complète du désordre où se trouve
notre régime social. On avait, depuis
quelque temps, envisagé diverses con
séquences qui paraissaient devoir ré
sulter de ce débat: on était sûr que
la question de confiance serait posée ;
on admettait la possibilité d'une crise
ministérielle; et les conjectures al
laient leur train. Ttoutes les prévisions
ont été bientôt écartées. Il n'y a même
pas eu de vote sur le fond. L'antago
nisme des plus grands intérêts poli
tiques s'est montré avec toute son
importance et avec son aspect mena
çant. Devant ce danger, les autres
conflits et les combinaisons secon
daires des partis ont disparu, pour le
moment du moins.
On aura recours à un arbitrage.
M. le baron Reille, personnellement
mis en cause et attaqué, surtout par
MM. Millerand et Baudin d'une façon
violente, avait d'abord refusé de lais
ser soumettre à cette juridiction la
mesure prise envers l'ouvrier Calvi-
gnac, maire de Carmaux. A la fin de
la séance, l'honorable député du Tarn,
qui avait défendu, avec dignité, le
droit de la compagnie, s'est rallié à la
proposition d'arbitrage. Les nombreux
ordres du jour n'avaient plus de rai
son d'être. On attendra le résultat des
nouvelles négociations.
Les discours prononcés font bien
juger de l'embarras qui règne à peu
près partout. En dépit de son assu
rance, M. Dupuy-Dutemps, qui pous
sait le gouvernement à sévir contre
la compagnie, ne savait pas quels
moyens indiquer. M. Millerand, qui
déployait, d'un ton passionné, son
argumentation juridique -pour faire
prévaloir le droit absolu des ouvriers,
.ne voyait pas d'autre ressource que
de sacrifier sans réserve le droit des
patrons. M. Desprès accusait le gou
vernement d'avoir, par faiblesse, en
couragé les meneurs de grèves.
M. Baudin, au contraire, énorgueilli
des sinistres lauriers ramassés dans
cette lutte et parlant avec la fierté de
Scipion, sommait le ministère de ve
nir au secours des ouvriers défenseurs
de la République et annonçait l'in
surrection pour demain. M. Goujon
blâmait le cabinet d'avoir permis aux
maires d'encourager la résistance et
demandait jue le litige fût réduit aux
proportions d'un procès civil. M.Mau-
jan criait : « politique, politiqu#, po
litique » et « seize-mai », comme
M. Millerand, d'ailleurs. Le ministre
des travaux publics signalait le con
traste qui existe entre les griefs for
mulés et les principes invoqué»; il dé
plorait l'intransigeance des patrons et
celle des ouvriers ; il discutait la no
tion de la propriété minière et déplo
rait qu'on eût tant- de peine à conci
lier la liberté du travail avec l'égalité
électorale. En butte à des reproches
opposés, M. Loubet se vantait d'avoir
fait intervenir la. troupe en l'empê
chant d'agir; indiquait les lenteurs,
les difficultés et les hasards de la pro
cédure à laquelle on devrait recourir
pour déposséder la compagnie ; expli
quait qu'il avait rendu service surtout
aux ouvriers en empêchant que l'ex
ploitation ne fût interrompue. En
dehors de l'extrême gauche, les pro
position de déchéance- n'éveillaient que
la crainte. En effet, une fois accom
plie la main-mise du gouvernement
sur l'administration minière, toute
garantie était ébranlée.
Réduit à ses éléments, le problème
n'en inspire que plus d'inquiétude.
On y distingue à nu les forces qui se
croisent et qui se heurtent celle 's de
qui dépend l'existence d'un pays. Le
patron combat pour son autorité es
sentielle : être ou ne pas être, c'est de
cela qu'il s'agit. Peut-on obliger le pa
tron à garder, et par conséquent à
payer, l'ouvrier qui ne travaille pas ?
Non. Mais l'ouvrier va-t-il rester, en
fait, dans l'impossibilité d'user dés
droits politiques que lui confère la
constitution? Alors la # sainte égalité
n'est plus qu'un présent dérisoire.
Seront-ils seuls éligibles, ceux qui
ont des loisirs, c'est-à-dire des rentes ?
Alors l'argent est l'unique fondement
du droit? Ce privilège exclusif accordé
à la fortune déchaine contre elle les
mauvais instincts et risque de corrom
pre les bons. Elle a tout à craindre
d'un pareil moyen employé pour la
défendre.
Il faudrait éviter que les principes
opposés ne fussent tendus à l'extrême ;
mais la criminelle sottise de 89 et
l'expérience qui s'est poursuivie de
puis cette date sont pour le monde
ouvrier un terrible excitant. L'inter
diction de s'associer pour protéger
leur intérêt légitime a entretenu chez
les ouvriers l'esprit de résistance. Les
conquêtes arrachées par la force les
stimulent à s'enfoncer dans cette voie.
Ils ont dû lutter pour obtenir le droit
d'organiser la grève ; lutter encore
pour imposer leurs syndicats : à quel
les luttes ne sont-ils pas préparés
maintenant ! Les législateurs de 89,
qui ont dépossédé toute une classe de
ses libertés naturelles, ont attiré sur
nous ces souffrances et ces périls.
C'est M. Loubet qui sera l'arbitre.
De plusieurs côtés de la Chambre cette
indication a surgi ; et M. le baron
Reille s'y est oonformé. On peut se
demander si le ministre de l'intérieur,
ayant dû intervenir maintes fois à
Carmaux par les ordres donnés à son
préfet, convenait mieux que personne
pour cette oeuvre qui exige le maxi
mum de l'indépendance. Lui-même,
après la séance, a sans doute réfléchi
à la responsabilité qu'il va prendre et
qui n'augmentera pas la liberté de
ses mouvements. On a voulu détour
ner les complications; on est allé au
plus pressé ; on a choisi le premier
moyen qui se présentait. Souhaitons
que M. Loubet mette fin à la crise de
Carmaux. L'idée de l'arbitrage aura
fait de nouveaux progrès ; ce qui est
précieux.
Le règlement de l'ordre du jour a
donné lieu à un débat fiévreux et
confus. Sous l'influence de la discus
sion qui venait de se terminer, la
Chambre a inscrit au premier rang les
diverses propositions qui ont pour
but d'organiser l'arbitrage. Ensuite
viendra toute une série de lois qui se
rapportent à ce sujet : travail des
femmes, travail des enfants, syndi
cats professionnels, règlements d'ate
liers. M. Rouvier, qui voulait que l'on
se remît au privilège de la Banque
avant le vote sur la réforme de l'im
pôt des boissons, s'est attiré un échec
superbe. La Banque reste dans le
brouillard. Quant au budget, on ne
sait plus de quel côté de l'horizon il
est en détresse. Il faudra mettre des
affiches pour le retrouver. On prolon
gera encore le mois de décembre jus-'
qu'en plein janvier. Sans y penser,
la Chambre réforme le calendrier ; et
c'est le jhasard des événements poli
tiques qui règle le cours de l'année
budgétaire.
E ugène T averni Ê r.
A propos de la grève
: la loi de 1810
De tout temps là propriété spéciale,
des mines a comporté certaines déro
gations au droit de propriété propre
ment dit. Le régime de mines, autre
fois en France, et aujourd'hui dans
les pays étrangers, n'est pas celui que
nous suivoçs présentement, et ces ré
gimes divers, anciens ou actuels, dif
fèrent également entre eux. Ils ont
seulement un trait commun : c'est le
sacrifice exigé dé la propriété privée
au nom de l'intérêt général, et le pou
voir de l'Etat considéré comme fonda
teur et dispensateur du droit de pro
priété nouveau, c'est-à-dire de la pro
priété de la mine.
A cette considération, un peu géné
rale et philosophique au premier as
pect, joignons celle des grandes col
lectivités ouvrières qui s'organ,isent
autour de la mine et nous commence
rons à concevoir comment les juristes
àu service de la Révolution dissimu
lent, sou3 couleur de «réforme delà
loi de 1810 » le premier coin qui s'en
foncera dans le mur, jusqu'ici res
pecté encore, de la propriété privée.
Ce n'est pas ici le domaine de la fan
taisie, un terrain neuf sur lequel on
édifie des hypothèses quotidiennes et
des réfornies à perte de vue, comme
lés aiment les socialistes à la plume
facile.
Il y a beaucoup de choses à démo
lir. donc à discuter, pour faire table
rase : article 552 du code civil, loi du
24 avril 1810, loi du 27 avril 1838,
loi du 17 mai 1866. Tout cela n'est
encore que du droit civil, relative
ment simple : quant aux textes admi
nistratifs, Us sont toute une spécialité
réservée aux ingénieurs. Mais, diront
les hommes d'Etat improvisés par la
grève, toujours prompts aux change
ments et amis des moyens simples,
que nous importent ces complications
et- ces lois ? Abrogeons tout d'un seul
coup ; dans ce fouillis législatif glis
sons une cartouche de dynamite :
Article 1" : « Tout ce qui existait jus
qu'alors est supprimé... » Article 2 :
» La mine est aux mineurs. » Et voilà
une question résolue.
Eh bien, non, pas du tout, pas de
danger ! Il ne faut pas détruire bruta
lement ce qui existe ; il faut seulement
en tirer le meilleur parti. Ce n'est pas
seulement une mine de charbon, mais
une mine de popularité, d'influence,
de ressources parlementaires et même
d'autres ressources pour beaucoup de
bons républicains. M. de Freycinet
est toujours ingénieur des mines et
même, par décret signé de sa propre
main, ingénieur en chef. M. Carnot
n'a pas cessé d'appartenir à l'adminis
tration au titre d'ingénieur actuelle
ment « détaché » à des occupations
extérieures. Ces deux exemples sont
donnés uniquement comme la preuve
de la haute considération que l'admi
nistration s'accorde à elle-même.
A compter de ces éminences hiérar
chiques, tout un monde s'échelonne
sur les degrés intermédiaires, pour
descendre jusqu'aux fonctions ma
nuelles et à l'ouvrier qu'on fait ma
nifester contre la gendarmerie. Il y a
dans tout cela quelque chose à donner,
quelque chose à prendre. Il y a aussi
une effroyable ambition, un orgueil
dénaturé, une vanité folle, une con
fiance en soi-même que rien n'étonne
jusqu'à ce que tout craque, incapable
de céder sinon devant la peur ou l'in
térêt personnel : les agitateurs de Car
maux, comme tous les révolution
naires, le savent, et chacun pourrait
dire, la main sur la conscience, si tel
n'est pas le portrait de son voisin, ou
de son collègue. 11 y a parmi eux un
ou deux hommes intelligents, peut-
être un seul, et ce n'est pas celui qui
poussera aux dernières extrémités.
Pour l'instant, on a obtenu la dé
mission du marquis de Solages, une
concession du baron Reille, on a parlé
de brûle r le château au chant d'une
carmagnole inaugurée tout exprès.
Tout cela donne pâture à la moitié des
passions en jeu. Le Grand-Orient est
intervenu, comme de juste, pour y
contribuer comme il a pu. Reste quel
que chose de plus important: lè re
trait de la concession et l'attribution
de la mine à des propriétaires nou
veaux. C'est ici probablement que les
vainqueurs se diviseront,et il est pos
sible qu'ils en restent là. C'est le paint
important de la discussion proposée
sur la loi de 1810.
La loi de 1810 ne justifie pas, en
effet, l'expropriation de la compa
gnie, mais elle fournit un prétexte.
Lo propriété de la mine est concédée
sous une condition d'intérêt public
qui domine tout : c'est que la conces
sion sera • exploitée. D'où cet argu
ment simple : «Rendons l'exploitation
impossible en suscitant quelque grève
déraisonnable et insoluble; Quand
l'exploitation sera suspendue, nous
réclamerons le retrait de la conces
sion, et l'affaire est à nous.»
La loi de 1810, qui n'est faite que
pour la propriété minérale ne per
mettrait pas l'expropriation de la pro
priété industrielle par le moyen de la
grève ; mais les deux cas se ressem
blent tellement qu'il ne faudrait
qu'un petit effort de législation so
ciale pour passer de l'un à l'autre, n
suffirait de substituer, ou seulement
d'ajouter à la considération de l'inté
rêt public celle de Y intérêt collectif , qui
lui ressemble beaucoup et qui est plus
saisisissable encore à première vue.
Et voilà l'usine menacée à son tour
de laïcisation par la grève;
Après l'usine* le château; le châ
teau, ni la grande ou moyenne pro
priété, n'intéressentla grève; mais, je
vous prie, est-il besoin de grève pour
se rendre à l'évidence, et siles grands
intérêts publics justifient assez l'ex
propriation de la bourgeoisie labo
rieuse représentée par l'usine, pour
quoi seraient-ils moins forts devant la
bourgeoisie fainéante ?
De proche en proche, en partant de
la loi de 1810, on peut aller loin. Ce
n'est pas l'œuvre d'un jour, bien en
tendu, rassurons-nous! Brusquer les
choses serait trop difficile, et même
ce serait dommage ! Mais c'est un
beau champ à exploiter, tout un vaste
horizon de programmes, de pro
messes, de discours, de lois superbes
et vengeresses, en un mot toute une
belle et longue carrière de député so
cialiste. Malheureusement c'est tou
jours au milieu de ce rêve glouton
que le bon peuple renverse la mar
mite, ou que l'idée vient à quelque in
trigant d'enfiler un uniforme entre
minuit et une heure et d'envoyer le
rêveur s'éveiller à Mazas.
G. Bois.
Après Tours, Nantes. M. Bourgeois
travaille à se mettre en vedette. Ses
discours ne varient guère, d'ailleurs.
Aux Nantais comme aux Touran
geaux, il a désigné l'ennemi, l'en
nemi à craindre, à combattre, dans
les catholiques et les conservateurs
qui prennent place, chaque jour,
plus nombreux et plus décidés, sur
le terrain constitutionnel. Pour le
ministre radical de l'instruction pu
blique et des beaux-arts, les monar
chistes, désormais, ne sont que des
adversaires négligeables. Ce ne sont
pas eux qui entraveront la marche
ascendante du radicalisme; ils n'en
lèveront point le pouvoir à M. Bour
geois et à ses amis. Mais les catholi
ques et les conservateurs qui accep
tent la République, avec la résolution
d'y conquérir le plus d'influence pos
sible, voilà le danger. Il est sérieux, il
est menaçant; il faut le conjurer à
tout prix.
Le ministre s'efforce donc de trou
ver le meilleur moyen de « démas
quer » les constitutionnels. Gomment
distinguer, d'une façon prompte et
sûre, ces faux frères des vrais répu
blicains? M. Bourgeois dirait simple
ment, s'il osait : « Vous reconnaîtrez
le vrai républicain à ce signe, qu'il
pense en tout comme moi.» Mais ce
serait un peu brutal et pnr trop per
sonnel. Aussi, le futur président du
prochain cabinet radical s'est-il avisé
d'une autre pierre de touche. Relé
guant avec beaucoup de désinvolture
la république au second rang, il a dit
à ses auditeurs nantais : « Tout le
monde crie : Vive la République !
crions, nous : Vive la Révolution ! »
Enthousiasmée, l'assistance a répondu
à l'invitation de l'orateur par de chauds
applaudissements et par un immense
cri de : Vive la ... République !
M. Bourgeois est tenace: il proposera
sa pierre de touche autre part, et il
obtiendra, peut-être, un meilleur
succès.
Assurément, d'ailleurs, M. le mi
nistre de l'instruction publique a dé
couvert là un moyen de plus, pour les
partisans de la politique présente, de
se distinguer des constitutionnels, qui
acceptent le gouvernement établi,
mais veulent réformer la législation.
Sa pierre de touche en est donc véri
tablement une. Il n'est point, en effet,
de catholique digne de ce titre, il n'est
guère de conservateurs, espérons-le,
qui puissent consentir à crier : Vive la
Révolution ! Pour notre part, nous
sommes et restons ses ennemis ré
solus , au point de vue religieux d'a
bord, puis au point de vue écono
mique. C'est la Révolution qui, ôtant
au faible jusqu'à Dieu, a créé l'inique
et déplorable état social dans lequel se
débat le monde à l'heure présente.
Non certes, nous ne crierons jamais :
Vive la Révolution !
Reste à savoir, maintenant, s'il
sera facile à M. Bourgeois et à ses pa
reils de substituer au cri de : Vive la
République ! celui de : Vive la Révo
lution! Ils auront fort à faire,
croyons-nous, pour que le second
devienne aussi populaire que le pre
mier. La Révolution, c'est bien vague.
Qu'est-ce que cela veut dire? Ce mot
n'est-il pas souvent synonyme des
mots troubles et désordres ? L'électeur
se 1 soucie beaucoup moins de la Ré
volution que de la République. Il a
cellé-ci ; l'ayant, il préfère la garder,
parce qu'il pense qu'on n'en pourrait
justement point sortir sans quelque
révolutiou. Révolution, cela sonne
mal à ses oreilles ; cela éveille ses mé
fiances, ses craintes. Quand, donc, il
sera bien convaincu que les constitu
tionnels ne veulent pas toucher à la
République ; quand il sera bien con
vaincu que les constitutionnels sont
résolus à lui laisser tous ses droits
de citoyen, conservant le suffrage
universel, respectant l'égalité, élar
gissant les vraies libertés, ramenant
par une politique d'apaisement et
ae justice la fraternité ; quand l'é-
iecteur sera bien convaincu de tout
cela, il se souciera fort peu de n'en
tendre point les catholiques et les
conservateurs qui acceptent le régime
établi crier, déplus: Vive la Révolu
tion!
Et la pierre de touche découverte
par M. Bourgeois, vain talisman,
n'empêchera pas le ministre de l'ins
truction publique et des beaux-arts
d'être |rendu à la vie privée.
P ierre V euiixot.
Mgr l'archevêque de Bordeaux a
terminé ainsi son mandement « por
tant publication de l'Encyclique sur
le Très Saint Rosaire » :
Après la prière, la première de nos obli
gations — et celle-là est sacrée comme le
plus essentiel des devoirs — est d'obéir au
Pape.
Il est chef de l'Eglise et père des chré
tiens, vicaire de Jésus-Christ. Il a droit à
l'assistance particulière de son Esprit et de
sa grâce, dans toutes les circonstances où il
agit en pasteur du troupeau sacré. La sa
gesse de Dieu repose dono d'une façon sur
naturelle dans ce génie humain déjà si
grand et si puissant; et, de plus, nous sa
vons qu'au fond de ce grand cœur réside
une seule passion : l'amour de ses enfants.
Quand donc — nous osons le demander à
toutes les âmes intelligentes et à tous les
cœurs libres — quand dono avons-nous pu
nous abandonner plus sûrement à une di
rection et accepter plus aveuglément des
conseils ?
Nous obéirons aux conseils comme aux
ordres, nous surtout, enfants de cette vieille
France qui mettait si noblement sa fierté,
dans les jours où le Pape était plus humilié,
à abaisser son sceptre devant la tiare. Nous
demanderons au donataire de Pépin et de
Charlemagne qu'il soit de plus en plus l'ami
et le protecteur de la France, et sur la ré
ponse qu'il daignera nous donner pour la
centième fois, nous lui remettrons nos
cœurs avec leurs affections, nos volontés
avec leurs énergies, mises désormais aveu
glément au service des intérêts qui priment
tout : le relèvement moral et le salut des
intérêts religieux de notre pays.
Des victoires promises attendent l'homme
obéissant: sachons, par notre soumission
filiale, et, au besoin, par des saorifioes né
cessaires, mériter ces triomphes. Le jour
où il plaira à Dieu de nous les donner, glo
rieux et complets, bien des irritations au
ront cédé devant les faits, et le Te Deurn
d'actions de grâces redira le succès de bien
des oauses, où tous trouveront l'honneur et
la paix.
Et l'obéissanoe renferme la pratique do
toutes les vertus.
Plus que tout le reste, la sainteté de la
vie est le bouclier qui protège les indivi
dus et l'arme puissante qui fait triompher
les nations. Dix justes auraient pu sauver
une ville coupable ; que ne feraient donc
pas, pour le salut de la France, des familles
vraiment chrétiennes et des populations
revenues à une pratique sérieuse do la
ver tu ?
Un fait caractéristique vient de se
passer en Suisse. Il y a quelque temps,
un personnage du nom de Felder, ha
bitant à Walhouse, canton de Lu-
cerne, se permit des paroles ignoble
ment injurieuses à l'adresse de la
sainte Vierge, en réponse à deux ca
marades qui lui demandaient s'il chô
merait pour fêter l'Immaculée-Con-
ception. Dénoncé pour ce fait, le blas
phémateur fut condamné par le tri
bunal de Ruswyl à six francs d'a
mende. C'était peu. Mais, comme le
remarquer le Courrier de Genève en
relatant cette condamnation, l'essen
tiel était qu'un tel scandale ne restât
pas impuni. Peut-être, d'ailleurs, le
tribunal de Ruswyl craignait-il qu'un
amende plus sévère ne servît de pré
texte pour faire casser le jugement par
les autorités fédérales.
Quoi qu'il en soit, le condamné se
persuada que, vu la nature de son dé
lit, il avait chance de se voir absous
en appel. Il déféra donc le jugement
du tribunal à la cour de Lucerne, et,
plus tard, au tribunal fédéral. Fina
lement, il s'adressa aù Conseil fédéral,
devant lequel il invoquait les immu
nités que lui garantissait, disait-il, le
fameux principe de la liberté de con-
scienre. Nonobstant, dans sa séance
du samedi 15 octobre, le Conseil fé
déral a écarté son recours comme mal
fondé. La condamnation reste donc
comme un précédent et une leçon à
l'adresse des blasphémateurs publics,
et on ne peut qu'en louer hautement
la magistrature d'un pays en majorité
protestant. Ajoutons un détail non
moins significatif.
Dans le canton de Lucerne, c'est à
grand'peine que l'insulteur de la
Sainte Vierge a fini par trouver un
seul avocat ayant consenti à le dé
fendre. Cet avocat est le docteur \Yei-
bel, chef de la secte vieille-catholique
dans son canton et, après le fameux
évêque Herzog, l'homme le plus en
vue de la bande dans toute la Suisse.
On sait qu'il n'a pas eu le don d'ame
ner les juges à son sentiment.
Cette issue d'un procès que l'im
piété se vantait de gagner jette la
Lanterne dans une vraie fureur,
« Quel vent de réaction souffle donc
en ce moment sur l'Europe? s'écrie-t-
elle. Après l'Espagne monarchiste qui
interdit un congrès de libre-penseurs,
voici la Suisse républicaine qui donne
le spectacle de la plus fanatique into
lérance. » Finalement, l'organe de la
juiverie libre-penseuse compte sur un
vif incident aux Chambres, àpropos
de cette affaire qui, dit-il, « fait scan
dale ».
La Lanterne en sera pour son foi
espoir. Mais ce qui fait vraiment scan
dale, c'est le contraste qu'un pareil
jugement établit entre la situation des
catholiques en Suisse et en France.
-Pendant que dans le premier de ces
pays, où'domine une majorité protes
tante, il se trouve des juges pour ré
primer les outrages au culte catho-
liquè ; en France, c'est vainement
qu'on chercherait rien de pareil. Non
seulement les journaux peuvent im
punément remplir leurs colonnes de
toutes sortes d'impiétés et des plus
horribles blasphèmes; mais,, depuis
près de deux mois, la clameur pu
blique dénonce vainement les mani
festations sacrilèges et obscènes d'une
bande odieuse, laquelle, en Seine-et-
Marne a commis publiquement les
attentats les plus monstrueux devant
la population de Noisy atterrée. En.
face de ces actes criminels, est-ce que
le parquet bouge ? Semble-t-il même
entendre? Voilà, n'en déplaise à la
Lanterne , le scandale qui nous humi
lié profondément au regard de la ré
publique suisse comme de la monar
chique Espagne.
A uguste R oussel.
Au sujet de l'incident provoqué &
Lyon par l'inspecteur d'académie,
voici les nouveaux renseignements
transmis" par dépêche, en date d'hier*
soir :
Ljon, 18 octobre.'
Le cons eil académique s'est réuni aujouri
d'hui sous la présidence de M. Charles,
recteur, pour statuer sur deux oppositions
formées par l'inspecteur d'académie, rela
tives : l'une à l'externat de la rue Sainte-
Hélène, et l'autre au oollège de Montgré, à
Villefranohe.
Les deux oppositions portaient sur ce
que, soit àMongré, soit rue Sainte-Hélène,
les Pères jésuites ont, au dire de l'inspec
teur, ouvert un établissement annexe com
portant un personnel enseignant de 3 pro
fesseurs, ce qui porterait à 6 le nombre des
jésuites résidant dans chaoun de ces éta-i
blissements.
M" Jacquier et Charras, au nom desr
Pères, ont soutenu que les deux établisse
ments annexes ne rentrent pas dans la ca
tégorie de ceux que visent les décrets da
1880 ; néanmoins, le conseil académique a,
par 22 voix contre 1 bulletin blano, main
tenu l'oppostion formée par l'inspecteur et
renvoyé les Pères à se pourvoir dévant le
conseil supérieur de l'instruction publique.
Celle décision est basée sur ce fait que
les établissements annexes communiquent
par une porte aveo les externats autorisés.
Comme on le voit par cette dépêcha,
l'inspecteur d'académie a fini par
abandonner son incroyable prétention,
d'interdire l'entrée du conseil aux
avocats des religieux mis en cause.
Neutralité. — Egalité
Pour montrer ce que valent ces
deux mots lorsqu'ils sont pratique
ment interprétés par les révolution
naires, le Messager de Toulouse publia
la lettre suivante :
Monsieur le rédacteur,
Je prends la liberté de venir, au nom de
bon nombre de familles chrétiennes, poser
deux questions à M. l'inspecteur des écoles
de la Haute-Garonne :
1° Les instituteurs ont-ils le droit de vili
pender devant leurs élèves la religion ca
tholique, qui est la religion.de leurs pa
rents, et d'essayer de salir par de révol
tants mensonges les dignes représentants
de l'Eglise ?
2° Les institutrices ont-elles le droit de
recevoir dans leurs classes des enfants au-
dessous de cinq ans, alors que les congré
gations religieuses sont forcées de les re
fuser ? Nous recourons à qui de droit afin
que ces injustices criantes no se renouvel
lent pas.
Veuillez agréer, monsieur le rédacteur,
l'assurance de ma très profonde estime.
Une mère de famille catholique.
Comme le remarque le Messager,
* il est probable que l'inspecteur in
terrogé se gardera bien de répondre â
ces questions si nettes, car il est le
premier sans doute à encourager les
scandaleux abus qui sont signalés
par la lettre ci-dessus.
■«»-
On écrit d'Hazebrouck au Nouvel-'
liste du Nord et du Pas-de-Calais t
Le tribunal d'Hazebrouck vient de se li
vrer à une petite manifestation antireli
gieuse qui a fort émotionné notre popula
tion.
Pour la première fois depuis le commen
cement du siècle, il a supprimé la messe
du Saint-Esprit qui précédait l'audience de
rentrée solennelle. Vous comprenez aisé
ment le mauvais effet que produit oette me
sure stupide, et il est bon que vous la si
gnaliez à vos leoteurs. Notre tribunal veut,
à tout p-ix, achever de se perdre dans l'es
time publique. On prétend que cette me
sure aurait été prise sur les instances de
notre nouveau substitut, M. Hirsch, qui
appartiendrait à la religion juive.
Cet incident est d'autant plus commenté
que la population de l'arrondissement d'Ha
zebrouck est plus complètement et plus sin
cèrement catholique.
Comme on le voit, les magistrats
d'Hazebrouck peuvent aller de pair
avec ceux de Perpignan.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 85.59%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 85.59%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Bibliographie de la presse Bibliographie de la presse /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPNOUV"
- Auteurs similaires Veuillot Louis Veuillot Louis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Veuillot Louis" or dc.contributor adj "Veuillot Louis")Veuillot François Veuillot François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Veuillot François" or dc.contributor adj "Veuillot François")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k707858k/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k707858k/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k707858k/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k707858k/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k707858k
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k707858k
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k707858k/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest