Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-10-19
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 octobre 1892 19 octobre 1892
Description : 1892/10/19 (Numéro 8936). 1892/10/19 (Numéro 8936).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 19 Octobre i892
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N' 8936. — Edition quotidienne
Mercredi 19 Octobre 1892
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
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Un an...... 55 n 66 »
Six mois 28 50 34 »
Trois mois. ... 15 » 18 »
îsos abonnements parten t des ! «■ et 18 de chaque mol»
UN NUMÉRO j 'aS""' -
SUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pères
On «'tbonne à Rome, plsce du Gesù, 8
ÉDITION SEMÎ-QII©£*SSSNNK
On an . . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
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. . 80 »
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ÉTRANGER
(union postai.*}
36 o
19 »
10 »
ÎLeg abonnements partent des 1" et 16 de chaque moïe
S'SHIYERS se fépoad pas des manascrits qui loi sont gtasi
ANNONCES
SÎM. LAGRANGE, CERF et G 1 », 6, place de la BoursS
FRANCE
PARIS, 18 OCTOBRE 4892
Pour la séancB de rentrée, qui a lieu
aujourd'hui, aurons-nous une crise
ministérielle? Voilà ce qu'on se de
mande, sans cependant croire beau
coup, à la chute de M. Loubet sur la
question de Garmaux. Il paraît cer
tain que MM. Dupuy-Dutemps et Des-
près déposeront aujourd'hui leurs
deux interpellations, mais la discus
sion pourrait bien être renvoyée à
jeudi. Du reste, elle aurait lieu immé
diatement, qu'il semble difficile que le
ministère soit battu, à moins d'étran
ges maladresses de M. le président du
conseil. Il est vrai que celui-ci a fait
ses preuves à cet égard.
Quant aux autres questions, et no
tamment au traité franco-suisse, il
est impossible que la discussion en
vienne aujourd'hui.
Il y a eu deux discours de M. Bour
geois à Nantes: le premier n'était
guère qu'ûn éloge banal de l'Univer
sité qui, à la rentrée, avait gagné de
nombreux élèves ; lo second a line
réelle importance. D'après le résumé
de Y Agence Havas, que nous donnons
plus loin et qui certainement doit être
exact, au moins quant au sens, M. le
ministre radical, lâchant la Républi
que de crainte qu'elle ne soit envahie
par les modérés, a crié et demandé
qu'on criât : Vive la Révolution ! Ne
serait-ce pas le discours-ministre qu'on
annonçait, et M. Bourgeois ne se po
serait-il pas par là comme le prési
dent du futur conseil radical?
Hier a eu lieu le rentrée des cours
et tribunaux; dans certaines villes, la
magistrature s'est dispensée de la
« messe rouge » ; dans d'autres villes,
notamment à Paris, la messe a été dite
et l'on a remarqué que l'assistance
était nombreuse. A Perpignan, le bar
reau presque entier s'est abstenu d'as
sister à la séance de rentrée, parce
ique la messe du Saint-Esprit avait été
supprimée.
Dans les discours de rentrée, il y a
eu beaucoup de dithyrambes républi
cains; c'était d'obligation.
Il est impossible de se dissimuler
que les nouvelles du Tonkin sont gra
ves ; elles montrent que les pirates in
digènes ne sont pas seuls à lutter
contre nos troupes ; les Chinois, vo
lontaires ou réguliers, y-sont nom
breux,et ce n'est peut-être qu'un com
mencement. M. de Lanessan, infatué
de son importance et heureux de sa
grande situation, ne veut pas voir le
danger. Il se dit, sans doute, que, s'il
réclamait les renforts déclarés néces
saires par les autorités militaires, il
montrerait #ue son administration n'a
pas produit les résultats dont il se van
tait et que cela pourrait amener son
rappel.
Les dernières nouvelles au sujet de
la santé du jeune roi d'Espagne sont
assez rassurantes ; il ne s'agirait que
d'une indisposition, qui a été prise à
temps et dont la guérison viendra
promptement.
Ce n'était pas sans raison que les
partisans des tarifs douaniers récem
ment votés se préoccupaient, avec
M. Méline, de la brèche ouverte dans
ces tarifs par la convention franco-
suisse. Voici déjà qu'en Italie les jour
naux du gouvernement expriment
l'espoir que, la convention franco-
suisse ratifiée par les Chambres,
MM. Jules Roche et Ribot s'empresse
ront de faire des ouvertures à l'Italie.
La rupture diplomatique est com
plète entre la Grèce et la Roumanie.
On ne pense pas cependant que cela
amène un conflit dans les Ballcans.
(Voir aux Dernières Nouvelles)
Patrie et Liberté !
Un devoir capital s'impose aux ca
tholiques, c'est l'association pour le
salut de la patrie et la défense de la
liberté.
Aucun peuple civilisé ne peut exis
ter sans religion ; cependant la gau
che gouvernante veut détruire la reli
gion et supprimer la liberté vitale, la
liberté de l'enseignement religieux
et de la charité chrétienne.
Dans notre nation encore chré
tienne, possédant un clergé exem
plaire et des congrégations admirâ
mes, produisant d'héroïques légions
de missionnaires, les catholiques se
montreront-ils incapables de s'asso
cier ?
Faudra-t-il, pour les y contraindre,
que les écoles chrétiennes et les
églises soient confisquées et fermées,
que l'athéisme maçonnique,atteignant
son but, ait rendu presque inévitables
l'effondrement social, l'avènement de
l'anarchie socialiste ?
L'entente s'accomplirait alors trop
tard pour conjurer d'affreux mal
heurs.
Les années ne sont que des jours
dans la vie des peuples.
Aujourd'hui la majorité républi
caine est prisonnière * des radicâux,
qui l'obligent à tyranniser les catho
liques.
Demain, si la défense catholique ne
s'organise pas, les radicaux, plus
nombreux à la Chambre, rendront la
persécution plus violente ; mais les so
cialistes gagneront aussi des sièges.
Après-demain, c'est-à-dire dans peu
d'années, la minorité socialiste, gros
sie au Parlement, maîtrisera, épou
vantera las bourgeois radicaux, fera
d'eux ses esclaVes et ses complices.
Ce sera l'agonie de la patrie, la sup
pression de la sécurité, de l'ordre, de
la fortune publique et privée, des der
nières libertés. •
Aveugle qui ne voit pas cet enchaî
nement des faits, cette conséquence
des violences exercées contre les
droits de la famille et de la con
science, contre l'Eglise et contre Dieu.
Pourquoi donc les croyants, comme
inconscients du péril, restent-ils iner
te! ou paralysés par leurs divisions
politiques ?
Pourquoi ne renoncent-ils pas à
leurs compétitions pour défendre le
catholicisme social, sans lequel tout
s'effondrerait en France ?
Cette inertie et ces dissentiments
proviennent de plusieurs causes.
Première cause : les conservateurs
ont coutume de s'entre-combattre et de
se coaliser avec l'ennemi contre celui
de leurs partis qui gouverne; cette
tradition a renversé trois monarchies
en soixante-dix ans, et elle a fait pro
clamer, en 1875, la République par
une omnipotente Assemblée royaliste.
Seconde cause : les antécédents et
les engagements personnels des chefs
monarchistes retiennent dans la di
vision la plupart d'entre eux.
Troisième cause : le détestable gou
vernement de la gauche, qui a dila
pidé les finances, opprimé les familles
et les communes, toléré les excitations
anarchistes et attaqué l'Eglise, em
pêche une foule d'honnêtes gens de
s'unir aux catholiques qui acceptent
la forme républicaine.
A ceux-ci nous répondons que ces
catholiques se montreront aussi in
transigeants qu'eux-mêmes contre les
républicains ennemis de notre foi. et
de nos libertés; entre ces athées et les
croyants on ne peut conclure ni trêve
ni compromis.
Aux autres nous dirona que l'inté
rêt de la patrie exige la fin des luttes
politiques; quand la cité brûle, il faut
courir au feu, sans vouloir d'abord
élire tel ou tel chef de pompiers.
A tous les catholiques nous rappe
lons l'immuable enseignement des
Papes et de l'Eglise, qui prescrit de
respecter les pouvoirs établis ou
confirmés par la nation, mais de leur
résister intrépidement quand ils com
mettent des actes hostiles au bien et
à la foi.
Telle a été la politique constante de
Y Univers et des catholiques avant
tout; ils y ont persisté malgré les
sévices des gouvernements et l'ani-
mosité des divers partis monarchistes.
C'est la ligne toujours droite et sûre;
aucune révolution ne l'efface, aucun
événement ne peut la modifier.
En la suivant, on recherche com
ment le catholicisme doit guider la
société dans sa transformation démo
cratique ; et, dans cette recherche, il
faut écarter le moi, source perpétuelle
de division : sur cette ligne on met la
conscience et l'action au-dessus de-
l'ambition personnelle et des passions
politiques.
Sur cette ligne, en défendant la re
ligion, on maintient le patriotisme.
« Supprimez la religion, disait Leib-
nitz, et vous ne trouverez pas un ci
toyen quî sacrifie à la chose publique,
au bien et à la justice, sa fortune, ses
dignités et sa vie. »
Sans religion pas de vraie liberté!
c'est un axiome confirmé par Fexpé-"*
rience des siècles ; Louis Veuillot l'a
exprimé-en ces termes : « Là où règne
l'esprit de Dieu répandu sur la terre,
là seulement règne la liberté. »
Là seulement régnent aussi la jus
tice et là charité. A une époque où
l'assaut des barbares démolissait la
civilisation, romaine, saint Augustin
adressait à ia,reiigion du Christ ce vé-
ridique éloge x ■
« Tu sanctionnes la domination du
maître et la soumission du serviteur;
tu désarmes la rigueur de l'un par la
respectuëuse fidélité dê l'autre, et tu
adoucis là condition de celui-ci par la
touchante bonté de celui-là.
« Tu légitimes la puissance des rois
et la subordination des peuples dans
l'Etat, mais en donnant pour règle et
pour mesure à la puissance des princes
le salut et l'intérêt des peuples.
« Enfin tu rélies les frères aux frè
res , les citoyens aux citoyens, le3
Cités aux cités, les nations aux na
tions , dans la vaste république de
l'univers. »
Telle est la constante action de la
foi chrétienne, qui régénéra le monde
transformé et lui refit une civilisa
tion.
Aujourd'hui le monde civilisé est
menacé d'une autre invasion de bar
bares; l'influence prépondérante de
la religion serait seule capable de les
convertir et de les arrêter.
Mais, dans la société révolution
naire incroyante, où prédominent les
appétits sensuels et l'égoïsme, on
considère la religion comme une en
trave à l'émancipation de la raison, au
progrès et à l'indépendance de l'hu
manité.
De cet égarement proviennent le
péril social et les fautes des républi
cains qui ont déjà fait tant de mal à
notre pays.
It n'y a d'autre remède que le re
dressement des esprits et le rétablis
sement d'un pouvoir chrétien ; la
forme du gouvernement n'a qu'une
importance secondaire.
Une république décentralisée et au
toritaire comme celle des Etats-Unis
vaudrait même mieux pour la France
qu'une monarchie parlementaire et
centralisatrice.
L'essentiel, c'est la constitution d'un
pouvoir chrétien ; on ne peut y par
venir catholiques. S'ils ne l'effectuent pas on
ne sauvera ni la liberté ni la patrie.
G. de L a, T our.
parlons. Sans flatterie pour notre
pays, on peut dire qu'il a marché, en
ce siècle, à la tête de la science. Il
devrait être fier de ceux qui lui ont
donné ce rang. Les connaît-il seule
ment ?
En ce moment, on cherche de tous
les côtés quels « grands hommes »
pn pourrait bien mettre au Panthéon
en compagnie de Victor Hugo, qui y
est déjà, et de Renan, qui y sera bien
tôt. Ce n'est pas tout d'avoir pris au
bulte catholique ou,, comme ils disent,
d'avoir « désaffecté » la basilique de
Sainte-Geneviève, pour en faire le
Panthéon des gloires nationales : il
faut encore l'approprier à sa nouvelle
destination, y loger des « grands
hommes ». L'espèce n'abonde pas, et
c'est là la difficulté. Jusqu'ici, avec
quelques honnêtes lombes oubliées, il
n'y a que le sarcophage de M. Victor
Hugo et l'urne de M. Garnot, le grand-
père. C'est peu pour remplir le Pan
théon. Les moins dévots à sainte Gene
viève s'aperçoivent que le temple n'a
pas gagné à changer de destination.
Auparavant, avec les pèlerinages an
nuels de Paris et de la banlieue, avec
leg^çérémonies solennelles du culte,
avec le mouvement quotidien de la
piété, c'était la vie ; aujourd'hui, c'est
le silence, c'est la mort. On dirait d'un
immense tombeau vide. Il s'agit dé
peupler cette solitude, d'animer un
peu cette sépulture. Les uns préposent
d'exhumer les ossements de tous les
hommes célèbres pour les panthéoni-
ser ; les autres demandent qu'on place
dans l'intérieur de l'édifice des sta
tues, des monuments dédicatoires
rappelant les grands hommes de la
France de tous les temps.
Mais à quels hommes célèbres
pense-t-on? Quels sont les illustres
jugés dignes d'être classés dans les
vitrines du Panthéon sous l'étiquette
de « grands hommes »? On parle de
Quinet et de Miehelet, outre Renan;
de Raspail, do Blanqui, de Ledru-
Rollin, de Baudin. Voilà les « grands
hommes » du jour. Quelques-uns
ajoutent Lamartine et Thiers. Plus
tard, ce sera M. Vacquerie, M. Zola, et
pourquoi pas le Sàr Péladan ?
Fabricants de poèmes épiques, au
teurs d'histoires fantaisistes, de ro
mans religieux, descripteurs d'or
dures, inventeurs de camphre, entre
preneurs de barricades : ce sont là
les hôtes du Panthéon. Et les savants
qu'en fait-on? Personne ne pense à
eux.
Pour un siècle qui se vante d'être le
siècle de la science, le nôtre montre
parfois un singulier dédain des sa
vants. C'est de la 1 France que nous
Pourtant, si le Panthéon devait ser
vir à honorer la mémoire des hommes
les plus éminents par l'esprit et par
les services, qui mériterait mieux d'y
avoir une place que les Guvier, les
Biot, les Ampère, les Gauchy, les Le-
verrier, les Elie de Beaumont, les de
Jussieu, les Tulasne? Geux-là sont les
vrais fondateurs de la science mo
derne, les plus illustres représentants
des mathématiques, de l'astronomie,
de la géologie, de la botanique. Si
notre temps avait vraiment le respect,
le culte de la science, ce sont ces
grands hommes-là qu'il faudrait glo
rifier par des honneurs publics. Mais
pourquoi ne propose-t-on pas de les
placer au Panthéon? C'est que ces sa
vants étaient des croyants, des cléri
caux. Le Panthéon n'est point fait pour
eux..
Tant mieux pour leur mémoire et
pour leurs cendres! Qu'ils continuent
donc à reposer en paix, à l'abri des
honteuses promiscuités de la sépulture
« nationale ». Et nous souhaitons
aussi à l'illustre Pasteur, destiné à
prendre rang parmi les grands hem-
mes de la science, de n'être pas jeté
au Panthéon après sa mort.
A rthur L oth.
Parmi les scandales qui se sont
grêffés sur le gros scandale des funé
railles de l'impie Renan, il faut noter
l'assistance, à cette cérémonie, de
certains catholiques, qui n'ont pu s'y
rendre sans faire publiquement mé"-
pris des lois de l'Eglise. La présence
du directeur du Soleil , M. Edouard
Hervé, a été spécialement l'objet de
commentaires sévères et trop justifiés
sur l'oubli que l'académicien, en la
circonstance, avait fait des griefs du
catholique.
M. Edouard Hervé, sentant proba
blement la justesse de ces sévérités,
n'avait donné jusqu'ici, en réponse,
aucune sorte d'excuse ou d'explica
tion. Mais, avant-hier, le Gil Blas pu
bliait la note suivante :
M. Hervé, directeur du Soleil, après
avoir été enterrer son collègue et ami,
M. Renan, est rentré à Montaigu-Vendée,
dans sa maisonnette, qu'il se prépare h
qmitter prochainement pour aller habiter
une petite propriété de 80 hectares qu'il
vient d'acheter près de Saint-Fulgent (Ven
dée).
Les uns disent que le savant académicien
se propose de faire de l'agriculture. D'au
tres prétendent qu'il aurait envie de briguer
un siège de député en Vendée.
Sur quoi M. Hervé intervient pour
faire ce qu'il appelle « trois petites re
marques » :
1° M. Renan était mon confrère de l'a
cadémie et mon ancien ; il n'était point
mon ami. Lors de mon élection académi
que, il a voté contre moi, et il a eu la
loyauté de me le dire. Il était l'un des pa
trons de la candidature de mon très distin
gué concurrent, M. Gaston Pâris.
2° Après les funérailles de M. Renan, je
suis en effet retourné immédiatement dans
ma maisonnette de Montaigu ; car c'est
bien une maisoanelte que je possède dans
cette jolie petite ville, et non pas un châ
teau, comme l'ont dit certains journaux.
Sur ce point, le Gil Blas est renseigné très
exactement et de première maia.
Seulement,deux jours après être rentré à
Montaigu, j'en étais rappelé par la mort
de M. Xavier Marinier, qui était à la fois
mon confrère et l'un de mes plus chers
amis. Je suis revenu à Paris pour lui rendre
les derniers devoirs, et j'y suis resté.
3° La circonscription électorale dans la
quelle se trouvent Montaigu et Saint-Ful
gent étant parfaitement représentée à la
Chambre par un conservateur, M. le doc
teur Bourgeois, ce n'est certes pas moi qui
me présenterai contre cet excellent député.
Mais il est question, dans le pays, d'autres
candidats, que je connais et que le Gil Blas
connaît peut-être aussi.
Laissant de côté les deux dernières
de ces remarques, qui ne sont pas
d'un intérêt majeur pour le public,
nous nous permettons de trouver que,
dans la première, M. Edouard Hervé
passe fort lestement à côté de la seule
explication qui fût à donner, s'il était
capable d'en produire une ayant quel
que apparence de valeur. Que M. Re
nan fût son ancien à l'Académie, et
qu'il y ait été l'adversaire de sa can
didature, ce ne sont pas là, certes, des
raisons à faire valoir pour expliquer
le cas où s'est mis M. Hervé. Si cela
signifie quelque chose, cela veut dire
que M. Edouard Hervé, au souvenir
des griefs personnels qu'il pouvait
avoir contre Renan, se serait piqué de
générosité. Son assistance aux obsè
ques serait donc pour montrer qu'il
était sans rancune. Mais qui voudra
se contenter d'une semblame inter
prétation, guand il s'agit d'un hom
mage public à la mémoire d'un odieux
blasphémateur ? Le caractère bien
connu de M. Hervé ne permet pas
qu'on lui prête des sentiments amers
à l'endroit de personne. Mais si l'on
parle de générosité, nous dirons que
M. Hervé, sans parler de ce qui re
garde sa conscience,en a manqué en
vers ses coreligionnaires catholiques,
puisqu'il les a volontairement scanda
lisés et bléssés par un acte qu'en de
hors des exigences religieuses les meil
leures convenances devaient lui inter
dire.
A uguste R oussel.
C'était à prévoir. Les égards dont
les séminaristes incorporés avaient
pu être l'objet au début de l'applica
tion de la loi qui les enlève à leurs
études, ces égards, destinés à trom
per l'opinion, vont disparaître.
Voici, pour preuve, une lettre adres
sée à l'un de ces séminariétes par l'au
torité ecclésiastique d'un des diocèses
du Nord :
Monsieur,
Nous avons prié M. le g&iéral commanJ
dant le 1 er corps d'armée de vouloir bien,
comme les années précédentes, affecter les
séminaristes aux régiments de la subdivi
sion à laquelle ils appartiennent. Il nous a
répondu qu'il a le regret de' ne pouvoir
nous rendre ce service, parce que, cette
année, les instructions du ministre s'y op
posent formellement, et il ajoute : « Je vous
serais obligé de vouloir bien faire aviser les
intéressés de cette disposition, afin de pré
venir des surprises et des réclamations
auxquelles il ne serait pas de mon pouvoir
de donner une suite favorable ».
C'est dans la Vraie France de Lille
que nous trouvons cette lettre. L'ex
cellent journal en conclut qu'il arri
vera un temps où les séminaristes ne
seront même plus traités sur le pied,
de l'égalité,mais en parias.« G'est dans
la logique maçonnique, ajoute-t-il, et
nous avons un ministre de la guerre
qui n'écoute que celle-là. »
En attendant, on voit où tendent les
nouvelles instructions ministérielles.
Il faut empêcher les séminaristes de
se trouver réunis dans une même ville
pour se maintenir, par des exercices
de piété communs, dans l'esprit de
leur vocation. Quand les séminaristes-
soldats seront éparpillés et isolés, on
compte qu'ils seront moins réfrac-
taires aux tristes exemples que l'on
trouve, hélas! trop souvent dans la
vie de caserne et de garnison.
Plusieurs journaux publient la dé
pêche suivante :
Lyon, 17 octobre.
Sur l'ordre du ministre de l'instruction
publique, M. Charles, recteur de l'univer
sité de Lyon, a rappelé les Pères jésuites de
la maison d'instruction située sur Sainte-
Hélène, à l'observation de la loi sur les
congrégations religieuses.
Menacés d'expulsion, les jésuites out.faït
appel à M. Jacquier, avocat de Lyon, qui
s'est vu refuser par le recteur le droit de
défendre ses clients devant le conseil aca
démique.
L'affaire viendra demain devant ce con
seil. Si défense est faite à M. Jacquier de
plaider,'il saisira le conseil de l'ordre de
cette défense.
On s'attend à des incidents.
Presque tous les journaux où se
trouvent cette dépêcha la publient
sans commentaires. Seule, la Lan
terne en prend sujet d'exhaler une fois
de plus ses fureurs sectaires. « On re
connaît bien là, dit-elle, le mépris ha
bituel des jésuites pour la loi. »
Ainsi, pour la Lanterne, revendiquer
le bénéfice du droit Commun à ren
contre de mesures d'exception, c'est
faire mépris de la loi! Mais alors com
ment qualifier la prétendue loi qui
crée de pareils délits ?
Quant au droit de défense revendi
qué par l'avocat des Pères jésuites, la
Lanterne n'en fait pas moins bon
marché. A l'en croire, c'est là une
prétention « contraire à la jurispru
dence constamment suivie par tous
les conseils jugeant disciplinaire-
ment ». Or, en fait, rien n'est plus
faux,et les précédents sont nombreux,
à Paris même, où, devant le conseil
académique jugeant disciplinaire-
ment, les sées ont été parfaitement admis à pré
senter leur défense. Du reste, à moins
de violer toutes les lois de l'impartia-
FEUILLETON DE L' UNIVERS
DU 19 OCTOBRE 1892
COtiRRIKR DE L'ÉMIBITION
.L'Amérique découverte et fréquentée
avant Christophe Colomb
Voilà certes un sujet d'actualité.
Je ne recherche pas, on le reconnaîtra,
les questions brûlantes; mais,lorsqu'elles
se présentent d'elles-mêmes, pourquoi lès
éviterai-je ?
Loin de moi la pensée de diminuer la
gloire du « Révélateur du globe ». Je pro
teste à l'avance contre toute imputation de
ce genre. Au moment où les deux hémi-
phères entonnent un chant de triomphe en
l'honneur du héros chrétien trop longtemps
méconnu, l'opinion publique serait, d'ail
leurs mal disposée à écouter une note disso
nante. Mais la vérité oblige à dire que, si l'on
doit lui laisser tout le mérite de sa découver
te, ets'il a réellement ouvert aux hommes un
monde nouveau, il n'a cependant pas abordé
3e premier les rivages de l'Amérique, il s'en
faut de beaucoup.
Ceci a l'air d'un paradoxe. Il y a pour
tant nombre d'années que les savants se
chuchotaient à l'oreille, c'est-à-dire préten
daient, dans des livres connus d'eux seuls
(ce qui revient au même), que des moines
irlandais, que des navigateurs normands,
Scandinaves, que d'autres encore avaient,
il y a de longs siècles, mis le pied sur ce
continent oublié, qu'ils y avaient planté la
croix, fondé des églises, des colonies, des
comptoirs commerciaux.
Mais tout cela paraissait incroyable, et
l'on n'y croyait pas. Je me rappelle encore
la stupéfaction mêlée de défianoe avec la
quelle mon auditoire accueillit mes paroles
lorsque, dans une de mes leçons à l'univer
sité catholique de Paris, j'insinuai, d'après
la curieuse publication de Gravier [Décou
verte de l'Amérique par les Normands au
X° siècle) que le moyen âge n'avait pas tout
à fait ignoré cette contrée mystérieuse, et
qu'au XIII" siècle, la Papauté y peroevait
le denier de Saint-Pierre. Un de ces mur
mures imperceptibles auxquels un profes
seur ne se trompe pas, m'avertit de ma té
mérité.
Et cependant, n'y a-t-il pas, à première
vue, plus d'invraisemblanoe dans l'opinion
qui veut qu'une moitié du globe soit de
meurée complètement inconnue jusqu'aux
temps modernes, que dans l'opinion oppo
sée ? Gomment concevoir que jamais la cu
riosité humaine, qui est sans bornes, que
jamais une de ces effroyables tempêtes de
l'Océan, qui balayent comme des coques de
noixles barques les plus solides, n'ait poussé
sur ces plages lointaines un marin aventu
reux, alors que justement des courants na
turels entraînent de leur côté les naviga
teurs ? Il fallait, pour cela, supposer à nos
pères une simplicité, une timidité extraor
dinaires. Aussi partait-on de là pour dé
clamer de nouveau contre l'ignorance et
l'inertie des siècles de foi. Mais le moyen
âge est revenu de bien d'autres calomnies.
On retrouve aujourd'hui dans ses profon
deurs insondables les origines de la plupart
des inventions modernes, et l'on en vient à
reconnaître que nos grandes découvertes,
l'imprimerie, la poudre, la vapeur, au lieu
de se produire tout d'un coup, n'ont pris
corps qu'après une longue gestation, après
une série de tâtonnements et d'essais plus
ou moins heureux, dont quelques-uns ont
frisé de près la perfection ou la fortune. Il
en est de même de l'Amérique. Christophe
Colomb nous l'a donnée définitivement :
d'autres avant lui l'avaient trouvée ; seule
ment ils avaient gardé leur trouvaille ppur
eux, et depuis elle s'était reperdue.
Tout ce côté si curieux de l'histoire du
nouveau monde vient de sortir du domaine
du rêve ou du mystère, grâce à une étude
consciencieuse et détaillée due à M. Paul
Gaffarel, professeur à la faculté des lettres
de Dijon (1). Cette étude comprend deux
parties : Les précurseurs de Colomb ; les
contemporains de Colomb. Mais c'est sur
tout dans la première que l'auteur, conden
sant et complétant les travaux de ses de
vanciers, Rafn, Beauvois, Gravier, de
Costa, Brown, a jeté un jour nouveau sur
«
(1) Histoire de la découverte de l'Amérique
depuis les origines jusqu'à la mort de Christophe
Colomb ; Paris, Arthur Rousseau, 1892, 2 vol.
>n-8°.
une matière nouvelle; et c'est à celle-là que
nous nous arrêterons de préférence.
Remontant jusqu'à l'antiquité, M. Gaffa
rel examine d'abord si les relations entre
l'Amérique e't l'ancien continent ont été
possibles dans le coui's de cette longue pé
riode, et si les notions prêtées quelquefois
aux Phéniciens, aux Juifs, aux Grecs, aux
Romains, à l'égard d'un hémisphère opposé
au leur, reposent sur quelque chose de sé
rieux. Pour les Phéniciens, il constate que
les traditions répandues chez ce peuple
étaient beaucoup -trop vagues pour prouver
quelque chose. Les inscriptions de Grave
Creek ou de Davenport, au moyen des
quelles on a voulu les appuyer, ne permet
tent aucune affirmation précise. Pour les
Juifs, bien que leur race se soit répandue
dans tout l'univers et qu'ils prétendent
avoir colonisé l'Amérique dès l'époque de
la dispersion des dix tribus d'Israël, il n'y
a pas d'autre indice que la conformité de
leur type avec celui de certaines peuplades
indiennes; mais c'est là, sans doute, un
phénomène fortuit, et, d'ailleurs, il ne faut
pas oublier que la population primitive du
nouveau monde, ou tout au moins une
partie de cette population, venue par le
détroit de Behring, devait être un rameau
de la souche sémitique, qui avait couvert
une bonne portion de l'Asie. En outre, les
Juifs n'ont jamais été un peuple colonisa
teur, et ce n'est pas d'hier que date leur
aversion pour l'idée d'une émigration en
Amérique.
Les Greos et les Romains ont très pro
bablement soupçonné l'existence d'un autre
continent. Des traditions constantes, dont
on trouve le premier écho dans Solon, leur
parlaient de l'Atlantide, du continent Cro-
nien, de la Méropide. L'Atlantide était une
île immense, plus grande que la Libyè et
l'Asie, qui était située au delà des colonnes
d'Hercule, vers le couchant, dont les habi
tants avaient joué pendant plusieurs siècles
un rôle prépondérant dans le monde, et qui
avait disparu soudainement dans un cata
clysme épouvantable. Avait-elle été réelle
ment détruite, comme l'admet M. Gaffarel?
En avait-on simplement perdu le chemin et
la notion exacte ? Toujours est-il que l'an
tiquité croyait à l'Atlantide. Plutarque nous
a conservé le souvenir du continent Cro-
nien et Elien celui de la Méropide. Ces
terres auraient été situées dans les profon
deurs de l'océan Atlantique et habitées par
une nombreuse population, sur le compte
de laquelle couraient les bruits les plus fan
tastiques. Au point de vue théorique, d'ail
leurs, les savants grecs et romains profes
saient l'opinion qu'un antichtone, c'est-à-
dire un continent opposé au nôtre, devait
nécessairement exister, et c'est cette con
viction qui inspirait à Sénèque ces vers
étonnants, ressemblant à une véritable pro
phétie :
Vetiient annis Ececula seris,
Quibus Oceanus vincula rerum
Laxet, et iugens pateat tellus
Typhisque novos detegat orbes,
Nec sit terris ullirna Thulo (2).
(2) Sénèque, Médée, ji , 371. "
L'idée de la continuité des océans était
également accréditée chez les anciens. Tou
tefois, ils ne paraissent pas s'être assurés
par eux-mêmes de sa réalité, et leurs
voyages les plus audacieux ne durent point
dépasser, à l'Occident, les îles Canaries.
Chose curieuse, ce sont les sauvages da
l'Amérique qui vinrent, au contraire,
rendre visite à l'ancien continent, à l'épo
que où Metellus Celer était proconsul en
Gaule ; supériorité tout à fait humiliante
pour la civilisation du peuple-roi. Ce ma
gistrat reçut, en effet, d'un'roi des Boiens,
à titre de présent, quelques Indiens jetés
par la tempête sur les côtes de la Germa
nie. Il paraîtrait même que nous possédons
au musée du Louvre le portrait d'un de ces
Américains primitifs, dont la tête aurait
été coulée en bronze, sous la forme d'une
situla, pour servir de pâture à la curiosité
des Gaulois. Egger était persuadé de l'iden
tité du personnage ; M. Gaffarel en doute ;
cependant la ressemblance du bronze avec
le type si caractérisque do la race rouge du
nouveau monde est absolument saisissante :
on en a la preuve dans une des planches
qui ornent son ouvrage.
Les premiers hommes qui 'abordèrent
certainement les rivages américains, ce
furent, j'ai hâte de le dire, les apôtres de
l'Evangile. La parole divine : « Allez et
prêchez dans toutes les parties du monde»,
devait être accomplie à la lettre. Le zèle dé
la foi devait faire plus que l'intérêt et la
curiosité réunis. Et de tout temps il en
fut ainsi : « Mus par une force étrange^
MBSaHi
N' 8936. — Edition quotidienne
Mercredi 19 Octobre 1892
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
■t départements (union postal»)
Un an...... 55 n 66 »
Six mois 28 50 34 »
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ÉDITION SEMÎ-QII©£*SSSNNK
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S'SHIYERS se fépoad pas des manascrits qui loi sont gtasi
ANNONCES
SÎM. LAGRANGE, CERF et G 1 », 6, place de la BoursS
FRANCE
PARIS, 18 OCTOBRE 4892
Pour la séancB de rentrée, qui a lieu
aujourd'hui, aurons-nous une crise
ministérielle? Voilà ce qu'on se de
mande, sans cependant croire beau
coup, à la chute de M. Loubet sur la
question de Garmaux. Il paraît cer
tain que MM. Dupuy-Dutemps et Des-
près déposeront aujourd'hui leurs
deux interpellations, mais la discus
sion pourrait bien être renvoyée à
jeudi. Du reste, elle aurait lieu immé
diatement, qu'il semble difficile que le
ministère soit battu, à moins d'étran
ges maladresses de M. le président du
conseil. Il est vrai que celui-ci a fait
ses preuves à cet égard.
Quant aux autres questions, et no
tamment au traité franco-suisse, il
est impossible que la discussion en
vienne aujourd'hui.
Il y a eu deux discours de M. Bour
geois à Nantes: le premier n'était
guère qu'ûn éloge banal de l'Univer
sité qui, à la rentrée, avait gagné de
nombreux élèves ; lo second a line
réelle importance. D'après le résumé
de Y Agence Havas, que nous donnons
plus loin et qui certainement doit être
exact, au moins quant au sens, M. le
ministre radical, lâchant la Républi
que de crainte qu'elle ne soit envahie
par les modérés, a crié et demandé
qu'on criât : Vive la Révolution ! Ne
serait-ce pas le discours-ministre qu'on
annonçait, et M. Bourgeois ne se po
serait-il pas par là comme le prési
dent du futur conseil radical?
Hier a eu lieu le rentrée des cours
et tribunaux; dans certaines villes, la
magistrature s'est dispensée de la
« messe rouge » ; dans d'autres villes,
notamment à Paris, la messe a été dite
et l'on a remarqué que l'assistance
était nombreuse. A Perpignan, le bar
reau presque entier s'est abstenu d'as
sister à la séance de rentrée, parce
ique la messe du Saint-Esprit avait été
supprimée.
Dans les discours de rentrée, il y a
eu beaucoup de dithyrambes républi
cains; c'était d'obligation.
Il est impossible de se dissimuler
que les nouvelles du Tonkin sont gra
ves ; elles montrent que les pirates in
digènes ne sont pas seuls à lutter
contre nos troupes ; les Chinois, vo
lontaires ou réguliers, y-sont nom
breux,et ce n'est peut-être qu'un com
mencement. M. de Lanessan, infatué
de son importance et heureux de sa
grande situation, ne veut pas voir le
danger. Il se dit, sans doute, que, s'il
réclamait les renforts déclarés néces
saires par les autorités militaires, il
montrerait #ue son administration n'a
pas produit les résultats dont il se van
tait et que cela pourrait amener son
rappel.
Les dernières nouvelles au sujet de
la santé du jeune roi d'Espagne sont
assez rassurantes ; il ne s'agirait que
d'une indisposition, qui a été prise à
temps et dont la guérison viendra
promptement.
Ce n'était pas sans raison que les
partisans des tarifs douaniers récem
ment votés se préoccupaient, avec
M. Méline, de la brèche ouverte dans
ces tarifs par la convention franco-
suisse. Voici déjà qu'en Italie les jour
naux du gouvernement expriment
l'espoir que, la convention franco-
suisse ratifiée par les Chambres,
MM. Jules Roche et Ribot s'empresse
ront de faire des ouvertures à l'Italie.
La rupture diplomatique est com
plète entre la Grèce et la Roumanie.
On ne pense pas cependant que cela
amène un conflit dans les Ballcans.
(Voir aux Dernières Nouvelles)
Patrie et Liberté !
Un devoir capital s'impose aux ca
tholiques, c'est l'association pour le
salut de la patrie et la défense de la
liberté.
Aucun peuple civilisé ne peut exis
ter sans religion ; cependant la gau
che gouvernante veut détruire la reli
gion et supprimer la liberté vitale, la
liberté de l'enseignement religieux
et de la charité chrétienne.
Dans notre nation encore chré
tienne, possédant un clergé exem
plaire et des congrégations admirâ
mes, produisant d'héroïques légions
de missionnaires, les catholiques se
montreront-ils incapables de s'asso
cier ?
Faudra-t-il, pour les y contraindre,
que les écoles chrétiennes et les
églises soient confisquées et fermées,
que l'athéisme maçonnique,atteignant
son but, ait rendu presque inévitables
l'effondrement social, l'avènement de
l'anarchie socialiste ?
L'entente s'accomplirait alors trop
tard pour conjurer d'affreux mal
heurs.
Les années ne sont que des jours
dans la vie des peuples.
Aujourd'hui la majorité républi
caine est prisonnière * des radicâux,
qui l'obligent à tyranniser les catho
liques.
Demain, si la défense catholique ne
s'organise pas, les radicaux, plus
nombreux à la Chambre, rendront la
persécution plus violente ; mais les so
cialistes gagneront aussi des sièges.
Après-demain, c'est-à-dire dans peu
d'années, la minorité socialiste, gros
sie au Parlement, maîtrisera, épou
vantera las bourgeois radicaux, fera
d'eux ses esclaVes et ses complices.
Ce sera l'agonie de la patrie, la sup
pression de la sécurité, de l'ordre, de
la fortune publique et privée, des der
nières libertés. •
Aveugle qui ne voit pas cet enchaî
nement des faits, cette conséquence
des violences exercées contre les
droits de la famille et de la con
science, contre l'Eglise et contre Dieu.
Pourquoi donc les croyants, comme
inconscients du péril, restent-ils iner
te! ou paralysés par leurs divisions
politiques ?
Pourquoi ne renoncent-ils pas à
leurs compétitions pour défendre le
catholicisme social, sans lequel tout
s'effondrerait en France ?
Cette inertie et ces dissentiments
proviennent de plusieurs causes.
Première cause : les conservateurs
ont coutume de s'entre-combattre et de
se coaliser avec l'ennemi contre celui
de leurs partis qui gouverne; cette
tradition a renversé trois monarchies
en soixante-dix ans, et elle a fait pro
clamer, en 1875, la République par
une omnipotente Assemblée royaliste.
Seconde cause : les antécédents et
les engagements personnels des chefs
monarchistes retiennent dans la di
vision la plupart d'entre eux.
Troisième cause : le détestable gou
vernement de la gauche, qui a dila
pidé les finances, opprimé les familles
et les communes, toléré les excitations
anarchistes et attaqué l'Eglise, em
pêche une foule d'honnêtes gens de
s'unir aux catholiques qui acceptent
la forme républicaine.
A ceux-ci nous répondons que ces
catholiques se montreront aussi in
transigeants qu'eux-mêmes contre les
républicains ennemis de notre foi. et
de nos libertés; entre ces athées et les
croyants on ne peut conclure ni trêve
ni compromis.
Aux autres nous dirona que l'inté
rêt de la patrie exige la fin des luttes
politiques; quand la cité brûle, il faut
courir au feu, sans vouloir d'abord
élire tel ou tel chef de pompiers.
A tous les catholiques nous rappe
lons l'immuable enseignement des
Papes et de l'Eglise, qui prescrit de
respecter les pouvoirs établis ou
confirmés par la nation, mais de leur
résister intrépidement quand ils com
mettent des actes hostiles au bien et
à la foi.
Telle a été la politique constante de
Y Univers et des catholiques avant
tout; ils y ont persisté malgré les
sévices des gouvernements et l'ani-
mosité des divers partis monarchistes.
C'est la ligne toujours droite et sûre;
aucune révolution ne l'efface, aucun
événement ne peut la modifier.
En la suivant, on recherche com
ment le catholicisme doit guider la
société dans sa transformation démo
cratique ; et, dans cette recherche, il
faut écarter le moi, source perpétuelle
de division : sur cette ligne on met la
conscience et l'action au-dessus de-
l'ambition personnelle et des passions
politiques.
Sur cette ligne, en défendant la re
ligion, on maintient le patriotisme.
« Supprimez la religion, disait Leib-
nitz, et vous ne trouverez pas un ci
toyen quî sacrifie à la chose publique,
au bien et à la justice, sa fortune, ses
dignités et sa vie. »
Sans religion pas de vraie liberté!
c'est un axiome confirmé par Fexpé-"*
rience des siècles ; Louis Veuillot l'a
exprimé-en ces termes : « Là où règne
l'esprit de Dieu répandu sur la terre,
là seulement règne la liberté. »
Là seulement régnent aussi la jus
tice et là charité. A une époque où
l'assaut des barbares démolissait la
civilisation, romaine, saint Augustin
adressait à ia,reiigion du Christ ce vé-
ridique éloge x ■
« Tu sanctionnes la domination du
maître et la soumission du serviteur;
tu désarmes la rigueur de l'un par la
respectuëuse fidélité dê l'autre, et tu
adoucis là condition de celui-ci par la
touchante bonté de celui-là.
« Tu légitimes la puissance des rois
et la subordination des peuples dans
l'Etat, mais en donnant pour règle et
pour mesure à la puissance des princes
le salut et l'intérêt des peuples.
« Enfin tu rélies les frères aux frè
res , les citoyens aux citoyens, le3
Cités aux cités, les nations aux na
tions , dans la vaste république de
l'univers. »
Telle est la constante action de la
foi chrétienne, qui régénéra le monde
transformé et lui refit une civilisa
tion.
Aujourd'hui le monde civilisé est
menacé d'une autre invasion de bar
bares; l'influence prépondérante de
la religion serait seule capable de les
convertir et de les arrêter.
Mais, dans la société révolution
naire incroyante, où prédominent les
appétits sensuels et l'égoïsme, on
considère la religion comme une en
trave à l'émancipation de la raison, au
progrès et à l'indépendance de l'hu
manité.
De cet égarement proviennent le
péril social et les fautes des républi
cains qui ont déjà fait tant de mal à
notre pays.
It n'y a d'autre remède que le re
dressement des esprits et le rétablis
sement d'un pouvoir chrétien ; la
forme du gouvernement n'a qu'une
importance secondaire.
Une république décentralisée et au
toritaire comme celle des Etats-Unis
vaudrait même mieux pour la France
qu'une monarchie parlementaire et
centralisatrice.
L'essentiel, c'est la constitution d'un
pouvoir chrétien ; on ne peut y par
venir
ne sauvera ni la liberté ni la patrie.
G. de L a, T our.
parlons. Sans flatterie pour notre
pays, on peut dire qu'il a marché, en
ce siècle, à la tête de la science. Il
devrait être fier de ceux qui lui ont
donné ce rang. Les connaît-il seule
ment ?
En ce moment, on cherche de tous
les côtés quels « grands hommes »
pn pourrait bien mettre au Panthéon
en compagnie de Victor Hugo, qui y
est déjà, et de Renan, qui y sera bien
tôt. Ce n'est pas tout d'avoir pris au
bulte catholique ou,, comme ils disent,
d'avoir « désaffecté » la basilique de
Sainte-Geneviève, pour en faire le
Panthéon des gloires nationales : il
faut encore l'approprier à sa nouvelle
destination, y loger des « grands
hommes ». L'espèce n'abonde pas, et
c'est là la difficulté. Jusqu'ici, avec
quelques honnêtes lombes oubliées, il
n'y a que le sarcophage de M. Victor
Hugo et l'urne de M. Garnot, le grand-
père. C'est peu pour remplir le Pan
théon. Les moins dévots à sainte Gene
viève s'aperçoivent que le temple n'a
pas gagné à changer de destination.
Auparavant, avec les pèlerinages an
nuels de Paris et de la banlieue, avec
leg^çérémonies solennelles du culte,
avec le mouvement quotidien de la
piété, c'était la vie ; aujourd'hui, c'est
le silence, c'est la mort. On dirait d'un
immense tombeau vide. Il s'agit dé
peupler cette solitude, d'animer un
peu cette sépulture. Les uns préposent
d'exhumer les ossements de tous les
hommes célèbres pour les panthéoni-
ser ; les autres demandent qu'on place
dans l'intérieur de l'édifice des sta
tues, des monuments dédicatoires
rappelant les grands hommes de la
France de tous les temps.
Mais à quels hommes célèbres
pense-t-on? Quels sont les illustres
jugés dignes d'être classés dans les
vitrines du Panthéon sous l'étiquette
de « grands hommes »? On parle de
Quinet et de Miehelet, outre Renan;
de Raspail, do Blanqui, de Ledru-
Rollin, de Baudin. Voilà les « grands
hommes » du jour. Quelques-uns
ajoutent Lamartine et Thiers. Plus
tard, ce sera M. Vacquerie, M. Zola, et
pourquoi pas le Sàr Péladan ?
Fabricants de poèmes épiques, au
teurs d'histoires fantaisistes, de ro
mans religieux, descripteurs d'or
dures, inventeurs de camphre, entre
preneurs de barricades : ce sont là
les hôtes du Panthéon. Et les savants
qu'en fait-on? Personne ne pense à
eux.
Pour un siècle qui se vante d'être le
siècle de la science, le nôtre montre
parfois un singulier dédain des sa
vants. C'est de la 1 France que nous
Pourtant, si le Panthéon devait ser
vir à honorer la mémoire des hommes
les plus éminents par l'esprit et par
les services, qui mériterait mieux d'y
avoir une place que les Guvier, les
Biot, les Ampère, les Gauchy, les Le-
verrier, les Elie de Beaumont, les de
Jussieu, les Tulasne? Geux-là sont les
vrais fondateurs de la science mo
derne, les plus illustres représentants
des mathématiques, de l'astronomie,
de la géologie, de la botanique. Si
notre temps avait vraiment le respect,
le culte de la science, ce sont ces
grands hommes-là qu'il faudrait glo
rifier par des honneurs publics. Mais
pourquoi ne propose-t-on pas de les
placer au Panthéon? C'est que ces sa
vants étaient des croyants, des cléri
caux. Le Panthéon n'est point fait pour
eux..
Tant mieux pour leur mémoire et
pour leurs cendres! Qu'ils continuent
donc à reposer en paix, à l'abri des
honteuses promiscuités de la sépulture
« nationale ». Et nous souhaitons
aussi à l'illustre Pasteur, destiné à
prendre rang parmi les grands hem-
mes de la science, de n'être pas jeté
au Panthéon après sa mort.
A rthur L oth.
Parmi les scandales qui se sont
grêffés sur le gros scandale des funé
railles de l'impie Renan, il faut noter
l'assistance, à cette cérémonie, de
certains catholiques, qui n'ont pu s'y
rendre sans faire publiquement mé"-
pris des lois de l'Eglise. La présence
du directeur du Soleil , M. Edouard
Hervé, a été spécialement l'objet de
commentaires sévères et trop justifiés
sur l'oubli que l'académicien, en la
circonstance, avait fait des griefs du
catholique.
M. Edouard Hervé, sentant proba
blement la justesse de ces sévérités,
n'avait donné jusqu'ici, en réponse,
aucune sorte d'excuse ou d'explica
tion. Mais, avant-hier, le Gil Blas pu
bliait la note suivante :
M. Hervé, directeur du Soleil, après
avoir été enterrer son collègue et ami,
M. Renan, est rentré à Montaigu-Vendée,
dans sa maisonnette, qu'il se prépare h
qmitter prochainement pour aller habiter
une petite propriété de 80 hectares qu'il
vient d'acheter près de Saint-Fulgent (Ven
dée).
Les uns disent que le savant académicien
se propose de faire de l'agriculture. D'au
tres prétendent qu'il aurait envie de briguer
un siège de député en Vendée.
Sur quoi M. Hervé intervient pour
faire ce qu'il appelle « trois petites re
marques » :
1° M. Renan était mon confrère de l'a
cadémie et mon ancien ; il n'était point
mon ami. Lors de mon élection académi
que, il a voté contre moi, et il a eu la
loyauté de me le dire. Il était l'un des pa
trons de la candidature de mon très distin
gué concurrent, M. Gaston Pâris.
2° Après les funérailles de M. Renan, je
suis en effet retourné immédiatement dans
ma maisonnette de Montaigu ; car c'est
bien une maisoanelte que je possède dans
cette jolie petite ville, et non pas un châ
teau, comme l'ont dit certains journaux.
Sur ce point, le Gil Blas est renseigné très
exactement et de première maia.
Seulement,deux jours après être rentré à
Montaigu, j'en étais rappelé par la mort
de M. Xavier Marinier, qui était à la fois
mon confrère et l'un de mes plus chers
amis. Je suis revenu à Paris pour lui rendre
les derniers devoirs, et j'y suis resté.
3° La circonscription électorale dans la
quelle se trouvent Montaigu et Saint-Ful
gent étant parfaitement représentée à la
Chambre par un conservateur, M. le doc
teur Bourgeois, ce n'est certes pas moi qui
me présenterai contre cet excellent député.
Mais il est question, dans le pays, d'autres
candidats, que je connais et que le Gil Blas
connaît peut-être aussi.
Laissant de côté les deux dernières
de ces remarques, qui ne sont pas
d'un intérêt majeur pour le public,
nous nous permettons de trouver que,
dans la première, M. Edouard Hervé
passe fort lestement à côté de la seule
explication qui fût à donner, s'il était
capable d'en produire une ayant quel
que apparence de valeur. Que M. Re
nan fût son ancien à l'Académie, et
qu'il y ait été l'adversaire de sa can
didature, ce ne sont pas là, certes, des
raisons à faire valoir pour expliquer
le cas où s'est mis M. Hervé. Si cela
signifie quelque chose, cela veut dire
que M. Edouard Hervé, au souvenir
des griefs personnels qu'il pouvait
avoir contre Renan, se serait piqué de
générosité. Son assistance aux obsè
ques serait donc pour montrer qu'il
était sans rancune. Mais qui voudra
se contenter d'une semblame inter
prétation, guand il s'agit d'un hom
mage public à la mémoire d'un odieux
blasphémateur ? Le caractère bien
connu de M. Hervé ne permet pas
qu'on lui prête des sentiments amers
à l'endroit de personne. Mais si l'on
parle de générosité, nous dirons que
M. Hervé, sans parler de ce qui re
garde sa conscience,en a manqué en
vers ses coreligionnaires catholiques,
puisqu'il les a volontairement scanda
lisés et bléssés par un acte qu'en de
hors des exigences religieuses les meil
leures convenances devaient lui inter
dire.
A uguste R oussel.
C'était à prévoir. Les égards dont
les séminaristes incorporés avaient
pu être l'objet au début de l'applica
tion de la loi qui les enlève à leurs
études, ces égards, destinés à trom
per l'opinion, vont disparaître.
Voici, pour preuve, une lettre adres
sée à l'un de ces séminariétes par l'au
torité ecclésiastique d'un des diocèses
du Nord :
Monsieur,
Nous avons prié M. le g&iéral commanJ
dant le 1 er corps d'armée de vouloir bien,
comme les années précédentes, affecter les
séminaristes aux régiments de la subdivi
sion à laquelle ils appartiennent. Il nous a
répondu qu'il a le regret de' ne pouvoir
nous rendre ce service, parce que, cette
année, les instructions du ministre s'y op
posent formellement, et il ajoute : « Je vous
serais obligé de vouloir bien faire aviser les
intéressés de cette disposition, afin de pré
venir des surprises et des réclamations
auxquelles il ne serait pas de mon pouvoir
de donner une suite favorable ».
C'est dans la Vraie France de Lille
que nous trouvons cette lettre. L'ex
cellent journal en conclut qu'il arri
vera un temps où les séminaristes ne
seront même plus traités sur le pied,
de l'égalité,mais en parias.« G'est dans
la logique maçonnique, ajoute-t-il, et
nous avons un ministre de la guerre
qui n'écoute que celle-là. »
En attendant, on voit où tendent les
nouvelles instructions ministérielles.
Il faut empêcher les séminaristes de
se trouver réunis dans une même ville
pour se maintenir, par des exercices
de piété communs, dans l'esprit de
leur vocation. Quand les séminaristes-
soldats seront éparpillés et isolés, on
compte qu'ils seront moins réfrac-
taires aux tristes exemples que l'on
trouve, hélas! trop souvent dans la
vie de caserne et de garnison.
Plusieurs journaux publient la dé
pêche suivante :
Lyon, 17 octobre.
Sur l'ordre du ministre de l'instruction
publique, M. Charles, recteur de l'univer
sité de Lyon, a rappelé les Pères jésuites de
la maison d'instruction située sur Sainte-
Hélène, à l'observation de la loi sur les
congrégations religieuses.
Menacés d'expulsion, les jésuites out.faït
appel à M. Jacquier, avocat de Lyon, qui
s'est vu refuser par le recteur le droit de
défendre ses clients devant le conseil aca
démique.
L'affaire viendra demain devant ce con
seil. Si défense est faite à M. Jacquier de
plaider,'il saisira le conseil de l'ordre de
cette défense.
On s'attend à des incidents.
Presque tous les journaux où se
trouvent cette dépêcha la publient
sans commentaires. Seule, la Lan
terne en prend sujet d'exhaler une fois
de plus ses fureurs sectaires. « On re
connaît bien là, dit-elle, le mépris ha
bituel des jésuites pour la loi. »
Ainsi, pour la Lanterne, revendiquer
le bénéfice du droit Commun à ren
contre de mesures d'exception, c'est
faire mépris de la loi! Mais alors com
ment qualifier la prétendue loi qui
crée de pareils délits ?
Quant au droit de défense revendi
qué par l'avocat des Pères jésuites, la
Lanterne n'en fait pas moins bon
marché. A l'en croire, c'est là une
prétention « contraire à la jurispru
dence constamment suivie par tous
les conseils jugeant disciplinaire-
ment ». Or, en fait, rien n'est plus
faux,et les précédents sont nombreux,
à Paris même, où, devant le conseil
académique jugeant disciplinaire-
ment, les
senter leur défense. Du reste, à moins
de violer toutes les lois de l'impartia-
FEUILLETON DE L' UNIVERS
DU 19 OCTOBRE 1892
COtiRRIKR DE L'ÉMIBITION
.L'Amérique découverte et fréquentée
avant Christophe Colomb
Voilà certes un sujet d'actualité.
Je ne recherche pas, on le reconnaîtra,
les questions brûlantes; mais,lorsqu'elles
se présentent d'elles-mêmes, pourquoi lès
éviterai-je ?
Loin de moi la pensée de diminuer la
gloire du « Révélateur du globe ». Je pro
teste à l'avance contre toute imputation de
ce genre. Au moment où les deux hémi-
phères entonnent un chant de triomphe en
l'honneur du héros chrétien trop longtemps
méconnu, l'opinion publique serait, d'ail
leurs mal disposée à écouter une note disso
nante. Mais la vérité oblige à dire que, si l'on
doit lui laisser tout le mérite de sa découver
te, ets'il a réellement ouvert aux hommes un
monde nouveau, il n'a cependant pas abordé
3e premier les rivages de l'Amérique, il s'en
faut de beaucoup.
Ceci a l'air d'un paradoxe. Il y a pour
tant nombre d'années que les savants se
chuchotaient à l'oreille, c'est-à-dire préten
daient, dans des livres connus d'eux seuls
(ce qui revient au même), que des moines
irlandais, que des navigateurs normands,
Scandinaves, que d'autres encore avaient,
il y a de longs siècles, mis le pied sur ce
continent oublié, qu'ils y avaient planté la
croix, fondé des églises, des colonies, des
comptoirs commerciaux.
Mais tout cela paraissait incroyable, et
l'on n'y croyait pas. Je me rappelle encore
la stupéfaction mêlée de défianoe avec la
quelle mon auditoire accueillit mes paroles
lorsque, dans une de mes leçons à l'univer
sité catholique de Paris, j'insinuai, d'après
la curieuse publication de Gravier [Décou
verte de l'Amérique par les Normands au
X° siècle) que le moyen âge n'avait pas tout
à fait ignoré cette contrée mystérieuse, et
qu'au XIII" siècle, la Papauté y peroevait
le denier de Saint-Pierre. Un de ces mur
mures imperceptibles auxquels un profes
seur ne se trompe pas, m'avertit de ma té
mérité.
Et cependant, n'y a-t-il pas, à première
vue, plus d'invraisemblanoe dans l'opinion
qui veut qu'une moitié du globe soit de
meurée complètement inconnue jusqu'aux
temps modernes, que dans l'opinion oppo
sée ? Gomment concevoir que jamais la cu
riosité humaine, qui est sans bornes, que
jamais une de ces effroyables tempêtes de
l'Océan, qui balayent comme des coques de
noixles barques les plus solides, n'ait poussé
sur ces plages lointaines un marin aventu
reux, alors que justement des courants na
turels entraînent de leur côté les naviga
teurs ? Il fallait, pour cela, supposer à nos
pères une simplicité, une timidité extraor
dinaires. Aussi partait-on de là pour dé
clamer de nouveau contre l'ignorance et
l'inertie des siècles de foi. Mais le moyen
âge est revenu de bien d'autres calomnies.
On retrouve aujourd'hui dans ses profon
deurs insondables les origines de la plupart
des inventions modernes, et l'on en vient à
reconnaître que nos grandes découvertes,
l'imprimerie, la poudre, la vapeur, au lieu
de se produire tout d'un coup, n'ont pris
corps qu'après une longue gestation, après
une série de tâtonnements et d'essais plus
ou moins heureux, dont quelques-uns ont
frisé de près la perfection ou la fortune. Il
en est de même de l'Amérique. Christophe
Colomb nous l'a donnée définitivement :
d'autres avant lui l'avaient trouvée ; seule
ment ils avaient gardé leur trouvaille ppur
eux, et depuis elle s'était reperdue.
Tout ce côté si curieux de l'histoire du
nouveau monde vient de sortir du domaine
du rêve ou du mystère, grâce à une étude
consciencieuse et détaillée due à M. Paul
Gaffarel, professeur à la faculté des lettres
de Dijon (1). Cette étude comprend deux
parties : Les précurseurs de Colomb ; les
contemporains de Colomb. Mais c'est sur
tout dans la première que l'auteur, conden
sant et complétant les travaux de ses de
vanciers, Rafn, Beauvois, Gravier, de
Costa, Brown, a jeté un jour nouveau sur
«
(1) Histoire de la découverte de l'Amérique
depuis les origines jusqu'à la mort de Christophe
Colomb ; Paris, Arthur Rousseau, 1892, 2 vol.
>n-8°.
une matière nouvelle; et c'est à celle-là que
nous nous arrêterons de préférence.
Remontant jusqu'à l'antiquité, M. Gaffa
rel examine d'abord si les relations entre
l'Amérique e't l'ancien continent ont été
possibles dans le coui's de cette longue pé
riode, et si les notions prêtées quelquefois
aux Phéniciens, aux Juifs, aux Grecs, aux
Romains, à l'égard d'un hémisphère opposé
au leur, reposent sur quelque chose de sé
rieux. Pour les Phéniciens, il constate que
les traditions répandues chez ce peuple
étaient beaucoup -trop vagues pour prouver
quelque chose. Les inscriptions de Grave
Creek ou de Davenport, au moyen des
quelles on a voulu les appuyer, ne permet
tent aucune affirmation précise. Pour les
Juifs, bien que leur race se soit répandue
dans tout l'univers et qu'ils prétendent
avoir colonisé l'Amérique dès l'époque de
la dispersion des dix tribus d'Israël, il n'y
a pas d'autre indice que la conformité de
leur type avec celui de certaines peuplades
indiennes; mais c'est là, sans doute, un
phénomène fortuit, et, d'ailleurs, il ne faut
pas oublier que la population primitive du
nouveau monde, ou tout au moins une
partie de cette population, venue par le
détroit de Behring, devait être un rameau
de la souche sémitique, qui avait couvert
une bonne portion de l'Asie. En outre, les
Juifs n'ont jamais été un peuple colonisa
teur, et ce n'est pas d'hier que date leur
aversion pour l'idée d'une émigration en
Amérique.
Les Greos et les Romains ont très pro
bablement soupçonné l'existence d'un autre
continent. Des traditions constantes, dont
on trouve le premier écho dans Solon, leur
parlaient de l'Atlantide, du continent Cro-
nien, de la Méropide. L'Atlantide était une
île immense, plus grande que la Libyè et
l'Asie, qui était située au delà des colonnes
d'Hercule, vers le couchant, dont les habi
tants avaient joué pendant plusieurs siècles
un rôle prépondérant dans le monde, et qui
avait disparu soudainement dans un cata
clysme épouvantable. Avait-elle été réelle
ment détruite, comme l'admet M. Gaffarel?
En avait-on simplement perdu le chemin et
la notion exacte ? Toujours est-il que l'an
tiquité croyait à l'Atlantide. Plutarque nous
a conservé le souvenir du continent Cro-
nien et Elien celui de la Méropide. Ces
terres auraient été situées dans les profon
deurs de l'océan Atlantique et habitées par
une nombreuse population, sur le compte
de laquelle couraient les bruits les plus fan
tastiques. Au point de vue théorique, d'ail
leurs, les savants grecs et romains profes
saient l'opinion qu'un antichtone, c'est-à-
dire un continent opposé au nôtre, devait
nécessairement exister, et c'est cette con
viction qui inspirait à Sénèque ces vers
étonnants, ressemblant à une véritable pro
phétie :
Vetiient annis Ececula seris,
Quibus Oceanus vincula rerum
Laxet, et iugens pateat tellus
Typhisque novos detegat orbes,
Nec sit terris ullirna Thulo (2).
(2) Sénèque, Médée, ji , 371. "
L'idée de la continuité des océans était
également accréditée chez les anciens. Tou
tefois, ils ne paraissent pas s'être assurés
par eux-mêmes de sa réalité, et leurs
voyages les plus audacieux ne durent point
dépasser, à l'Occident, les îles Canaries.
Chose curieuse, ce sont les sauvages da
l'Amérique qui vinrent, au contraire,
rendre visite à l'ancien continent, à l'épo
que où Metellus Celer était proconsul en
Gaule ; supériorité tout à fait humiliante
pour la civilisation du peuple-roi. Ce ma
gistrat reçut, en effet, d'un'roi des Boiens,
à titre de présent, quelques Indiens jetés
par la tempête sur les côtes de la Germa
nie. Il paraîtrait même que nous possédons
au musée du Louvre le portrait d'un de ces
Américains primitifs, dont la tête aurait
été coulée en bronze, sous la forme d'une
situla, pour servir de pâture à la curiosité
des Gaulois. Egger était persuadé de l'iden
tité du personnage ; M. Gaffarel en doute ;
cependant la ressemblance du bronze avec
le type si caractérisque do la race rouge du
nouveau monde est absolument saisissante :
on en a la preuve dans une des planches
qui ornent son ouvrage.
Les premiers hommes qui 'abordèrent
certainement les rivages américains, ce
furent, j'ai hâte de le dire, les apôtres de
l'Evangile. La parole divine : « Allez et
prêchez dans toutes les parties du monde»,
devait être accomplie à la lettre. Le zèle dé
la foi devait faire plus que l'intérêt et la
curiosité réunis. Et de tout temps il en
fut ainsi : « Mus par une force étrange^
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