Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-10-18
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 octobre 1892 18 octobre 1892
Description : 1892/10/18 (Numéro 8935). 1892/10/18 (Numéro 8935).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 18 Octobre 1892
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Edition quolidieaiû*
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Mardi 18 Octobrô 1892
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
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UN NUMÉRO j Ex ris cent.
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FUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
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ÉDITION SEMI-QU©2^S$NNE
PARIS
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i'IIYEBS m répoqd pas des manuscrits qui loi .so&t adressés
ANNONCES v
LAGRANGE, CEEF et G u , 6, place de la Bourgs ?
FRANCE
PARIS, 17 OCTOBRE 1892
l)ans les deux élections sénatoria
les qui ont eu lieu hier, deux républi
cains ont triomphé. Il ne pouvait en
être autrement, puisqu'il n'y avait pas
de candidats conservateurs, ni même
à proprement parler constitutionnels.
Dans le Calvados, M. Anne, conseiller
général, a été élu au second tour de
scrutin par 696 voix sur 1,153 votants;
les candidats n'étaient guère séparés
que par des nuances. Dans la Haute-
Vienne, il a fallu trois tours de scru
tin, et M. Le Play, républicain modéré,
n'a eu que 316 voix sur 631 votants,
le chiffre strictement nécessaire ; l'an
cien député Godet, radical ou, comme
il se désignait lui-même, progressiste,,
a eu 312 voix ; 3 voix sont restés à un
lin troisième candidat, M. Martin.
M. le ministre de l'instruction pu
blique a péroré samedi à Tours et il
pérorera aujourd'hui à Nantes. Le dis
cours de Tours, dont nous donnons
plus loin les principaux passages, n'a
pas l'importance qu'on lui attribuait
a l'avance : ce n'est nullement le pro
gramme d'un futur cabinet radical.
En somme, M. le ministre se montre
fort satisfait d'être au pouvoir, et il
envoie des lardons plus ou moins
réussis, aux constitutionnels. Gela se
comprend, le triomphe de ceux-ci se
rait la retraite de M. Bourgeois.
Dans une note que publie le Gaulois,
M. le baron de Mackau expliqué son
évolution, que déjà il avait fait pré
voir. On la trouvera plus loin.
La nouvelle loi militaire continue à
fort agiter l'Allemagne ; le service de
"deux ans trouve des partisans et des
adversaires, et la perspective de nou
velles charges militaires ne paraît pas
séduire tous les partisans de la grande
Allemagne, ou plutôt de la grande
Prusse. On parle d'une tentative qui
serait faite pour que de nouveau le
chiffre des effectifs militaires soit
voté chaque année; mais le gouverne
ment, et cela se comprend, tient au
septennat.
Depuis les élections générales, trois
élections partielles ont eu lieu en An
gleterre; les libéraux, auxquels appar
tenaient les trois sièges, en ont con
servé deux et en ont perdu un, où ils
n'ont été battus qu'à trois voix de ma
jorité. Certains journaux conserva
teurs triomphent de ce résultat, d'au
tant'que, dans les sièges. qu'ils ont
conservés, les libéraux ont eu des
majorités diminuées. C'est peut-être
un petit échec pour M. Gladstone,
mais cela ne constitue certainement
pas une grande victoire pour les con
servateurs.
Du haut du boulevard
Comme on l'avait annoncé lors du
pèlerinage national, M. Zola va écrire
un roman sur Lourdes. Aujourd'hui
le public apprend que le GU Blas s'est
assuré, deux ans à l'avance, la pri
meur de cette œuvre. La piété et les
merveilles dé Lourdes décrites par
M. Zola dans le Gil Blas , l'événement
sort de l'ordinaire; Etant donné le
genre de littérature auquel cette feuille
s'est consacrée ; étant donné aussi le
caractère des livres amoncelés par
l'apôtre du naturalisme, nous devons
nous attendre à quelque chose de phé
noménal et d'affreux.
Pourtant, d'après certains propos,
l'auteur de Y Assommoir, de Pot-Bouille,
de La Terre , songerait à varier ses
procédés. Souhaitons-le ; cela ne nous
empêchera pas de douter que l'inten
tion soit suffisante pour le succès de
^entreprise. D'ailleurs, que pourrait
bien être, après nettoyage, le style de
M. Zola ? On l'ignore, et, à vrai dire,
on pourrait se dispenser de le savoir.
Il y a plus étrange encore que l'idée
de faire entrer Lourdes dans le cadre
naturaliste et que l'empressement des
amateurs de pornographie, de scato
logie et de lesbiennes amours, à ob
server les spectacles de la foi. Dès à
présent, dans les régions où M. Zola
faisait figure de maître et de pontife,
dans le monde de M. Zola, on « bla
gue » énormément M. Zola ! La raison
est qu'il s'est conduit avec politesse et
avec gravité au milieu des foules en
thousiastes ou recueillies, près de la
piscine miraculeuse, à la basilique,
dans les hôpitaux. Il s'est défendu
d'avoir du mépris pour la religion
chrétienne et, au coup, il s'est attiré
des railleries incessantes. Il est la
proie des caricaturistes,qui le représen
tent chargé des attributs exclusive
ment employés jusqu'ici à rendre les
cléricaux ridicules. Hier, M. Aurélien
Scholl lui donnait, dans le Matin , des
conseils ironiques, bien que présentés
sous une forme grave, voire scienti
fique.
Ce n'est point l'appareil ordinaire
de M. Aurélien Scholl ; néanmoins
ce littérateur n'est pas plus gêné que
dans son habit de tous les jours. Au
cun écrivain, sans doute, ne person
nifie mieux que lui la désinvolture que
peuvent donner trente ans de chroni
que. Il est un des types supérieurs de,
l'esprit parisien. Il a un procédé pour
assembler les mots et pour leur faire
produire des effets inattendus. 11 ma
nie en maître le calembour. Dans ce
genre, on lui doit des trouvailles. Sa
fécondité semble n'avoir point de li
mites. Combien de journaux de tout
format et de tout caractère soutenus
de sa verve continuellement débridée !
Collaborateur de plusieurs feuilles
quotidiennes et de diverses revues, il
ëème ses traits « sans vider son car
quois » ; au contraire de ce que rêvait
André Chénier dans un accès de dé
sespoir. Il est peu enclin à ce senti
ment, contre lequel le prémunissent
encore ses occupations. L'intelligence
appliquée à observer de préférence
les choses bizarres, comiques, co
casses, est sûre de trouver son ali
ment. M. Aurélien Scholl paraît de
voir garder jusqu'à la fin la vigueur
qui se voit dans sa phrase soignée,
correcte et nerveuse. Celle-ci rèvèle
l'homme d'escrime. Il a eu en effet,
ce qu'il faut de duels pour passer ar
bitre.
Mais alors comment le chroniqueur
fantaisiste s'est-il avisé de risquer une
dissertation sur l'existence de Dieu ?
Car tel est le sujet qu'il a choisi pour
taquiner son confrère, traité de jésuite
avant d'être chrétien. Le boulevard
n'en a donc pas fini avec Dieu? On
pensait que l'affaire était réglée de
puis longtemps. Phénomène curieux
et digne d'être étudié, que le besoin,
chez la créature, de blasphémer le
Créateur qu'elle se vante d'avoir
anéanti ! Ce n'est donc pas assez d'a
voir, depuis dix ans, éliminé de la
langue officielle le nom qui désigne
le Tout-Puissant : il faut continuer de
combattre contre l'idée de l'antique
souveraineté. On est accoutumé à cette
contradiction ; mais on ne s'attendait
pas à voir M. Aurélien Scholl se dé
ranger à son tour pour aller tuer un
pareil adversaire. Si le brillant ar
tiste en « nouvelles à la main » pou
vait se rendre compte de l'air singu
lier qu'il se donne lorsqu'il veut em
pêcher M. Zola de tomber dans les
pièges de la superstition !
Il essaie de rafraîchir une vieille et
abominable histoire : l'athée qui se rit
de la mort subite et qui met Dieu au
défi, assassiné par un prêtre qui ne
supporte pas que Dieu soit bravé im
punément! Les personnages sont de
notre époque. Le héros-martyr, un
normalien qui , est le produit le plus
frais de l'éducation moderne, sou
tient, au nom de la science, des hypo
thèses abandonnées déjà par la plu
part des maîtres. Il a pris pour des sa
vants les vulgarisateurs de pacotille.
Par exemple, la théorie basée sur le
développement embryonnaire est pré-,
sentée comme une vérité incontes
table, alors que des transformistes,tels
que M. Edmond Perrier, nient que
l'homme soit à aucun moment un
poisson, un reptile ou un oiseau. L'ar
ticle renferme une cinquantaine d'er
reurs de cette force.
Le plus remarquable, c'est l'argu
mentation empruntée par M. Scholl
aux feuilletonistes de la science et
prêtée au normalien pour expulser
Dieu du monde. Elle se résume en
ceci : Chaque chose ayant sa loi, Dieu
n'a pas de raison d'être, — M. Scholl
n'a pas songé à se demander quelle
est l'origine des lois, bien qu'il trouve
sage que l'on cherche la cause des
phénomènes. Il oppose à Dieu la na
ture, qui suffit d'autant mieux à tout
qu'elle n'offre absolument aucun sens.
Il suppose un chaos qui possède toutes
les lois, y compris la puissance de se
changer en nature ordonnée, c'est-à-
dire un chaos qui serait juste le con
traire du chaos. Pour expliquer le
monde sans recourir à Dieu, il déva
lise le domaine surnaturel et donne,
des deux mains, à la nature ce qu'elle
ne comporte pas. Ainsi, aucun phé
nomène sensible n'est sa propre causé:
pourtant, d'après M. Scholl, la loi gé
nérale de la nature est de subsister
par elle-même sans rien emprunter à
une autre puissance; aucun phéno
mène n'a une durée infinie : pourtant
la nature, qui devrait être de la même
nature que ce phénomène, est éter
nelle ; toutes les lois que nous expé
rimentons sont relatives : pourtant la
loi générale d'où elles procèdent doit
être absolue ; et voilà deux termes ra
dicalement différents enveloppés dans
la nature, laquelle est on ne sait quoi,
tout ce qu'on voudra, tout ce qu'il
faudra pour que, grâce à elle, on ait
l'air de dire quelque chose.
L'évidente et simple vérité, c'est
que, pour parler raisonnablement de.
la nature, il faut sans cesse invoquer,
un principe surnaturel. Les moindres
faits, ceux de chaque instant comme
les plus rares, ne reçoivent leur signi
fication que des lois supérieures et
permanentes. Pour nous, fini et infini,
relatif et absolu ne se séparent point.
Confondre ces deux ordres dans la,
même sature, c'est inventer une na
ture surnaturelle.
Tant que nos adversaires ne se se
ront pas expliqués sur ce mot, leurs
plus hardis blasphèmes se réduiront
en enfantillages. L'équivoque, qui fut
de tout temps exploitée, est devenue
à présent la grande ressource des in
crédules. Il en résulte que l'esprit
est faussé dans ses fondements.
L'atteinte portée au patrimoine intel
lectuel est si énorme qu'elle paraît
invraisemblable. Est-il croyable qu'à
l'époque où s'étalent l'amour de la
science et le respect de la raison, tant
de gens aient répudié les notions élé
mentaires ? Le prodige, en quelque
sorte impossible, est réalisé. Lés argu
ments trente-six fois nuls qui ravissent
le boulevard prévalent dans les aca
démies, dans les Chambres, dans les
cafés, dans les écoles officielles. Un
peuple vit là-dessus ! Si M. Aurélien
Scholl se décidait à y réfléchir quel
quefois, il serait confondu de l'étourde-
rie qui règne sur un immense public
et il lâcherait toute sa verve pour railler
cette humanité, qui jamais ne fut à
ce point ridicule.
Eugène Tavernier. •
Les adversaires que l'on recom
mande à ses amis de combattre
avant tout , ce sont bien ceux, n'est-ce
pas? auxquels on fait l'honneur de les
redouter plus que les autres.
M. Bourgeois, ministre de l'instruc
tion publique et des beaux-arts, l'un
de ceux qui représentent dans le ca
binet l'élement radical, était hier à
Tours. Il a parlé, naturellement. Il a
dit de quelle manière il comprenait
la République, et cette manière est la
seule bonne, la seule admissible, à
son avis. Quand en désire pour la
République des gouvernants animés
d'un autre esprit que M. Bourgeois,
on ne peut être qu'un faux républi
cain. Tels sont les catholiques et les
conservateurs qui se viennent placer
sur le terrain constitutionnel. Ils ne
sont pas sincères. Ils sont très dan
gereux. On doit les combattre avec un
acharnement tout particulier.
« Je vous demande », s'est, écrié le
ministre, « de vous défendre avant
tout de ceux qui ont un masque au
visage. »
Ce cri de guerre, et d'alarme,
poussé par M. Bourgeois, est pour
nous un encouragement précieux. On
nous permettra bien de l'enregistrer
avec une certaine satisfaction. La
haine, la rage dont nous honorent les
sectaires, le soin qu'ils ont de nous
désigner en toute circonstance à leurs
bandes comme le pire ennemi, sont
la preuve que nous avons choisi pour
triompher d'eux le meilleur terrain
de combat.
On nous permettra aussi de faire
observer à quel point le langage que
tiennent contre nous les sectaires de
la gauche, exemple : M. Bourgeois,
ressemble au langage dont usent à
notre adresse les réfractaires de la
droite, exemple : M. de Cassagnac.
Fraternellement, ils s'empruntent les
mêmes armes ; ils se repassent, pour
nous en accabler, les mêmes accusa
tions. Le discours ministériel d'hier
n'est qu'un écho fidèle du récent article
de Y Autorité.
— Les constitutionnels veulent re
commencer le coup du « fameux che
val de Troie » ; s'ils entrent dans la
République, c'est afin de nous la li
vrer ! s'écriait, samedi, le député du
Gers.
— Les constitutionnels ont « un
masque au visage » ; s'ils entrent dans
la République, c'est « pour en faire
sortir la République elle-même » ! ré
pète dès le lendemain le ministre
radical.
M. Bourgeois, du reste, imite ici la
presse de gauche, manifestement fort
aise du concours que lui apportent
M. de Gassagnac et d'autres, qu'elle ne
redoute évidemment plus comme ad
versaires, qu'elle paraît même pres
que regarder maintenant comme des
alliés.
Si nous avions eu le malheur, in
dociles aux prescriptions du Souve
rain Pontife, d'avoir pris rang parmi
les réfractaires de la droite, il nous
semble que cette attitude des sectaires
de la gauche, cet empressement qu'ils
montrent à puiser leurs arguments
dans les colonnes de la Gazette , du
Moniteur et de Y Autorité, cette fureur
qu'ils mettent à combattre avant tout
les catholiques et les conservateurs
placés sur le terrain constitutionnel,
nous donneraient fort à réfléchir.
Pierre Veuillot.
Conformément au programme pu
blié dans les journaux catholiques, le
quatrième centenaire de la découverte
au Nouveau Monde a été célébré so
lennellement hier à Notre-Dame, au
milieu d'une assistance considérable.
A la messe, S. Em. le cardinal
officiait, entouré des membres du
chapitre. Dans le chœur avaient pris
place, en outre, des représentants de
tous les ordres religieux qui ont des
missions en Amérique. Aux premiers
rangs de l'assistance on remarquait
Mme la comtesse d'Eu, M le duc de
Mandas, ambassadeur d'Espagne, et
tout le personnel de l'ambassade, dont
la présence faisait contraste avec l'ab
sence de tout représentant officiel de
notre gouvernement. Pourtant, nous
étions représentés aux fêtes d'Espagne
en l'honneur de Christophe Golomb,
et l'on sait que ces fêtes ont eu partout
un caractère religieux. Une fois de
{>lus, il est donc constaté que si
'anticléricalisme n'est pas encore
considéré comme un article d'ex
portation, à l'intérieur il est plus
que jamais à l'ordre du jour. Ne
compreadra-t-on donc jamais l'ab
surdité de ce dualisme, au double
point de vue des intérêts du pouvoir
et de ceux de la France? Ou croit-on,
par hasard, qu'on arrive jamais à con
quérir l'estime des gouvernements
européens, quand on se laisse guider
ainsi, en toutes circonstances, par les
pires inspirations de l'esprit sectaire?
On sait que Christophe Colomb était
membre du tiers ordre. Les tertiaires
de Paris, hommes et femmes, avec
leurs bannières, avaient voulu se réu
nir à Notre-Dame pour honorer d'une
façon toute spéciale l'illustre membre
de leur confrérie. Avee la foule des
fidèles venus isolément de tous les
points de Paris, ils formaient un au
ditoire immense, devant lequel la voix
éloquente du P. Feuillette a célébré
avec puissance les gloires de Chris
tophe Colomb. Grand homme et grand
chrétien, c'est sous ces deux aspects,
qui n'en font qu'un en réalité, que
l'orateur a considéré le pieux naviga
teur. Résumant à grands traits sa vie
marquée par tant de traverses avant
le triomphe final,qui ne l'empêcha pas
de mourir obscurément dans une sorte
d'oubli, le R." P. Feuillette a mis en
pleine lumière la noble figure de cet
homme héroïque, de ce saint peut-on
dire, sous réserve du jugement de
l'Eglise, lequel, pour n'avoir pas été
chanté dans les gazettes, ni enterré
aux frais de l'Etat, ni porté dans au
cun Panthéon, n'en a pas moins con
quis une gloire plus solide, parce
qu'elle participe de l'immortalité du
catholicisme pour lequel il a tant souf
fert en ses hardies entreprises.
L'orateur, après ce bel éloge de Co
lomb, dont nous ne pouvons donner
qu'une pâle idée, n'a pas négligé de
dire quels étaient les titres particu
liers de la France à prendre part aux
fêtes du centenaire. Ne tient-elle pas
dans l'histoire le rôle que Christophe
Colomb eut dans sa sphère '. celui de
chevalier de l'Eglise ? Au prix de mille
sacrifices et de leur sang même, ses
missionnaires n'ont-ils pas été conti
nuateurs de l'apostolat de Colomb?
Dans une partie du sol qu'il a décou
vert, la France n'a-t-elle pas fondé
des colonies où sa religion, sa langue
et ses mœurs ont survécu à la dispa
rition de son autorité? C'est donc à bon
droit que,dans nos églises comme dans
celles d'Italie, d'Espagne ou d'Améri
que, des chants s'élèvent avéc des
prières pour remercier le Dieu de Co
lomb d'avoir donné aumonde ce décou
vreur de mondes.
Aussi, quelle ferveur dé la prière
et quel élan de3 âmes sur le passage
de la belle procession du Saint-Sacre
ment qui a terminé la cérémonie ! Le
cardinal, sous le dais, portait la Sainte
Eucharistie, précédé d'une double file
d'adorateurs qui faisait serpenter les
lumières de leurs flambeaux d'un bout
à l'autre de la cathédrale. Et pendant
ce temps retentissait YAve maris
Stella, cette hymne en l'honneur de la
Vierge, Etoile de la mer, que, tous les
jours, Golomb faisait chanter à se3
matelots comme un appel suprême
pour le succès de son entreprise. Et
bientôt le Te Deum, répété par toute
l'assistance, faisait remonter jusqu'à
Dieu la gloire des découvertes qui ont
apporté de si grands changements
dans le monde. Fasse Dieu que des
cérémonies si belles, multipliées par
tout sous l'influence du Pape'qui les a
désirées, rallument parmi les peuples
un peu de l'esprit si profondément
chrétien qui respire dans tous les
actes de Christophe Colomb ! La
France, qui en a tant besoin, ne se
rait, certes pas, la dernière à en bé
néficier !
Au&ustb Roussel.
A l'occasion de la rentrée des cours
et tribunaux, le Rappel s'indigne d'a
voir à parler encore de « la vieille
rengaine cléricale connue sous le
nom de « messe rouge » ou dé « messe
du Saint-Esprit », et qui, à notre épo
que de démocratie et de laïcisation,
constitue un véritable anachronis
me. » Heureusement, il entrevoit un
mouvement venant de la province
« qui emportera ce dernier vestige de
la royauté ». Déjà, dit-il, « quelques
cours d'appel en France ont supprimé
la messe rouge. Patientons. La cour
d'appel de Paris se fera tirer l'oreille;
elle subira encore des assauts sans
broncher, mais elle finira par s'exé
cuter. »
Ces prévisions se réaliseront-élles ?
Il serait téméraire de le nier, après
qu'on a vu un magistrat, il y a plu
sieurs années déjà, qualifier de
« vieilles balançoires » les idées de re
ligion, de famille et de propriété. Seu
lement, nous avertissons le Rappel
que sa caisse ne sera plus longtemps
protégée par la magistrature, du jour
où la magistrature sera définitivement
affranchie de tout ce qu'on nomme
« vieilles rengaines cléricales ». Les
■bandits ont leur logique, et déjà
leurs raisonnements ont retenti
jusque dans le prétoire. Si l'on sup
prime le Christ, en présence et au
au nom duquel on comprenait jadis
3u'il faut rendre la justice pour lui
onner un haut caractère d autorité,
en vertu de quel principe pourra-t-on
démontrer que ce ne sont pas les pro
priétaires qui sont des voleurs ? Et à,
quelle sanction, autre que le droit
brutal du plus fort, aura-t-on recours
en vue de maintenir un ordre ou une
sécurité quelconque dans une société
livrée sans défense morale aux as
sauts furieux de tous les appétits dé
chaînés?
Une dépêche nous annonce l'élec
tion. comme prieur de la Grande-
Chartreuse et général des chartreux,
de dom Michel, prieur de la Char
treuse de Valbonne.
; Dom Michel est originaire du dio
cèse de Laval; de son nom de famille,
il s'appelle Baglin.
La République française
ET SA LÉGISLATION
(Traduit de la Giviltà Cattolioa) (1)
III
; S'il est une chose reconnue. par tous et
qui n'est que trop confirmée par l'évidence
des faits, c'est que, depuis plusieurs _ an
nées, en France, divers actes de la législa
tion sont inspirés par des tendances hos
tiles à la religion et, conséquemment,
hostiles aux intérêts de la nation. « Nous-
même, a dit le Saint-Père, obéissant à un
devoir sacré, Nous avons adressé des plain
tes vivement senties à celui qui se trouvait
alors à la tête de . la République. Ces ten
dances, néanmoins, ont duré avec persis
tance, le mal s'est aggravé, et l'on ne sau
rait s'étonner que les membres de l'épisco
pat français, placés par le daint-Esprit pour
en gouverner les diverses et illustres Egli
ses, aient estimé tout réoemment encore
qu'il était de leur strict devoir d'exprimer
publiquement leur douleur au sujet de la
condition faite en France à l'Eglise catho
lique (2). »
Par où il apparaît clairement que le même
très sage Pontife, qui veut et commande
que les catholiques français acceptent la
République, condamne avec l'épiscopat
français la législation antireligieuse de cette
République ; qu'il veut et commande qua
cette législation soit légalement combattue
par ses lila dévoués et par tous ceux qui,
en France, sont des hommes de bon sens
et de jugement droit.
Donc, autre chose est la République, et
autre chose sa législation. Le bon sens suffit
à le faire comprendre. Il est facile à tous de
reconnaître qu'on ne peut nier cette distinc
tion , sans tomber dans l'absurdité qui
consiste à confondre le pouvoir avec l'usage
ou Y abus qu'eû peuvent faire ceux qui en
sont investis.
En outre, nos lecteurs n'ignorent pas le
fait, tant de fois attesté par l'histoire, à
savoir qu'en pratique, la qualité de la lé
gislation (îépôtid plus de la qualité des
■hommes investis du pouvoir que de la forme
du gouvernement. La législation d'une Ré
publique ou d'une monarchie sera bdriiîe
ou mauvaise, selon que les législateurs ré
publicains ou monarchiques auront l'esprit
imbu de bons ou de mauvais principes.
Une mauvaise législation implique un
grave abus de pouvoir et constitue un véri
table despotisme. Aussi est-ce â bon droit
que de Haller a dit : « Le despôlistïle ne
diffère pas de l'injustice, et comme abus de
pouvoir il psut très Bieil sa trouver sous
tous les gouvernements, dans les républi
ques comme dans les monarchies (3) ».
De même donc et pour la môme raison
qu'il y a eu et qu'il y a des monarchies
absolues ou constitutionnelles dont la lé
gislation a été bonne et parfois détestable,
de même il y a eu et il pourra y avoir des
républiques sous le régime desquelles on
trouve une législation mauvais^, Comme il
peut y en avoir qui méritent éloge et appro
bation.
Et puisque la bonté d'une législation,
comme de tel ou tel gouvernement pris
d'une façon concrète, dépend surtout de la
bonté des législateurs -, puisque le choix d9
ceux-ci dans une république dépend uni
quement des éleœteurs, qui ne voit que de
ceux-ci dépend également le fait d'avoir
una bonne législation et, partant, un bon
gouvernement?
Les électeurs catholiques français sont la
plus grande partie de la nation. Non seule
ment l'Eglise ne défend pas, mais, pour le
bien de la religion, elle ordonne de prendre
part à l'administration publique, et elle les
avertit de ne favoriser, aux élections, que
les personnes d'uïie probité connue,ceux qui
permettent d'espérer qu'ils mériteront
bien de la cause catholique, attendu qu'il
est illicite de donner, pour quelque raison
que ce soit, la préférence aux hommes hos
tiles à la religion (4).
Si donc, en France, l'Eglise est en butte
aux attaques de ses ennemis, si la Républi
que est anti-chrétienne, si la France elle-
même se débat aujourd'hui, dans les an
goisses, contre la violence de ceux qui la
voudraient déchristianiser et l'avilir au re
gard de tous les peuples, si elle est affligée
de tous les maux que déplore avec tant d'é
loquence le comte d'Haussonville en son
malheureux discours, à qui la faute? Est-ce
par hasard et seulement aux électeurs fran
çais qui sont les ennemis de Dieu et de
l'Eglise?
Certainement non ! La faute en revient
principalement à ceux qui, comme le noble
comte et ses adhérents, tout en faisant
profession de catholicisme, sont réfractai
res à la direction imprimée par le chef de
l'Eglise ; à ceux qui, subordonnent tout,
même le bien religieux au triomphe préa
lable et éphémère de leur parti respectif
et ainsi préférant, de fait, la politique qui
divise à la religion qui unit, enlèvent aux
forces catholiques conservatrices du pays
l'unité et la concorde, sans lesquslles tous
les efforts, quel que soit le but qu'ils vi
sent, seront toujours vains et radicalement
stériles (5). Telle est la solennelle déclara
tion de Léon XIII. « Ce sera leur faute,
dit-il, si les ennemis de la religion, en pas
sant à travers leurs dvisions, comme ils
l'ont déjà fait trop de fois, aboutissent fina
lement à les chasser tous (6). »
L'idée-mère qui domine toute l'Ency
clique aux Français est exprimée par
Léon XIII comme il suit : « Qu'il n'y ait
plus de partis parmi vous, mais au contraire
qu'il y ait une union complète pour sou-
(1) V. l'Univers du 16 juillet.
(2) Encycliquè aux Français.
(3) Restauration de la science -politique . Introd.
c. xx.
(4) Encyclique Sapientix Christianx.
(5) Lettre du Pape aux cardinaux français.
(6) Lettre au? cardinaux français, 3 mars
1892.
tenir de concert ce qui surpasse tout intérêt
terrestre, à savoir la,religion et la cause do
Jésus-Christ. En elle comme en toute autre
chose, cherchez d'abord le royaume de Dieu
et la justice, et le reste vous sera donné
par surcroît (7). »
} Le sens absolument véritable et pratique
Àe ces paroles n'a pas échappé aux ennemis
de la religion catholique, les francs -maçons:,
Se France. Aussi, pour ampêcher que les
ëatholiques, en acceptant la République au
sens voulu par le Saint-Père, ne s'emparent
quelque jour de son gouvernement, ils ont
proclamé et proclament, de toutes les façons
possibles,que la République n'étant pas une
simple forme de gouvernement, mais l'en
semble de certaines doctrines déterminées et
de toutes les lois issues de la Révolution de
4 789, les catholiques, pour être d'accord à.
leurs principes, ne peuvent ni ne doivent
l'accepter; et que, s'ils l'acceptent, ils ne'
pourront plus combattre ses lois sans se
rendre coupables non-seulement d'une con
tradiction, mais d'une révolte ouverte contre
les pouvoirs constitués.
A ceux-là, tout catholique,' sincèrement
obéissant au Pape, devra répondre par les.
paroles dont s'est servi le très illustre Mgr
d'Hcûst, dans son éloquent et savant dis
cours prononcé à la Chambre des députés
dans la séance du 20 mars 1892 : « Notre
conscience nous permet d'accepter la Répu
blique, mais elle nous défend d'accepter les
doctrines révolutionnaires et les lois anti-,
religieuses, qui sont vôtres et que vous
voulez identifier avee la République. »
Qu'il en soit ainsi, c'est ce que nous
avons abondamment et pour ainsi dire ma
tériellement prouvé dans notre numéro du
3 septembre dernier. Nous avons vu là
comment la société maçonnique, qui, par
rapport à la nation, ne formé qu'une infime
minorité, s'arroge aujourd 'hui de person
nifier la France, de manière qu'elle aspire
à être tout et à exclure delà nationalité tout
ce qui ne lui appartient pas ou ne dépend
pas d'elle; ainsi elle n'admet pour répu
blicain le gouvernement du pays qu'autant
qu'elle le tient enchaîné à elle et qu'il lui
est soumis en tout.
Les coryphées de cette secte infâme qui,
investis du pouvoir, de fait gouvernent la
France, ne cachent ni ne dissimulent plus
leurs desseins. Ayant déclaré la guerre à
Jésus-Christ, ils s'appliquent, parleurs lois
et leurs doctrines, à anéantir le christia
nisme et à arracher de l'esprit et du coeur,
des Français la religion qui les a faits si
grands.
(A suivre.)
Le Gaulois nous donne comme
ayant été écrite sous la dictée de
M. de Mackau la réponse suivante,
faite par l'honorable député de l'Orne
aux commentaires et attaque^ dont
son discours de Carrouge a été
l'objet :
Je suis très surpris de l'étonnement causé
par mes déclarations de Carrouge, surtout
dans le milieu parlementaire. Mes collègues
de la droite savaient, en effet, parfaitement
qu'il y a plus de six mois, lors d'une réu
nion générale au secrétariat des droites,
j'ai dit que je croyais l'heure venue de se
placer, pour la défense des principes reli
gieux et sociaux, sur le terrain du gouver
nement légal.
C'est même une des raisons qui m'ont
empêché,d'aocepter, malgré l'insistsnoe de
mes collègues, la présidence de l'Union li
bérale des droites, tenant à conserver mon
entière liberté d'action, au moins jusqu'à
ee que je me sois complètement expliqué.
Quant aux motifs qui m'ont déterminé à
me mettre sur ce terrain et à prononcer la
discours de Carrouge, ils sont bien plus;
simples que ne paraissent le croire beau
coup de ceux qui ont apprécié ce discours.
Depuis vingt-cinq ans, sous l'Empire
oomme sous la République, j'ai toujours
combattu pour la liberté religieuse ; je
m'honore d'avoir été au Corps législatif, au.
début de ma carrière politique, un des si
gnataires de «l'interpellation des Cinq »,
développée par mon éminent ami M. Ghes-
nelong.
Je ne croisa pas qu'un pays puisse être,
véritablement grand et fort, s'il ne s'appuie
sur une foi religieuse véritable et sincère.
La Russie, l'Angleterre, l'Allemagne _en
sont des exemples frappants. Cette convio-
tion a été la règle de ma vie politique. Je
ne pouvais, dans cette situation, continuer
à laisser croire que j'étais en désaccord
avec tout l'épiscopat français, qui a adhéré
au manifeste des cardinaux français, et
avec les conseils donnés par le Pape aux
catholiques français.
Les chefs de l'Eglise ont, en effet, à moil
sens, plus que personne,qualité pour indi
quer ce qu'ils croient être les intérêts de
l'Eglise.
Je ne réfuterai aucune controverse, ne
répondrai à aucune, très résolu à ne sortir
si peu que ce soit de l'attitude qui a tou
jours été la mienne et de la réserve que
j'ai gardée depuis deux ans.
On me prête, m'assure-t-on, des projets
mystérieux et des combinaisons profondes.
Tout cela est du rêve.
J'ai fait, à mon heure, ce que ma cons
cience m'indiquait : je me suis placé sur
un terrain légal pour coatinuer les revendi
cations que la politique antireligieuse du
gouvernement ne justifie que trop. J'ai fait
côla, et rien que cela. Je nourris, d'ailleurs,
si peu les sombres projets dont on me fait
honneur, que je ne viendrai que rarement
à la Chambre pendant cette session d'au
tomne, retenu ici par des affections de fa
mille que je ne sacrifierai jamais à la poli
tique.
M. de Mackau a déclaré, en outre,
3ue de tous les points de son arron-
issement ses électeurs le félicitaient.
On sait que le gouvernement a sup
primé d'un seul coup le traitement de
tout le clergé paroissial de la com
mune d'Edern, petite localité du Finis
tère.
On devait supposer que c'était à la
requête des républicains du crû.
Le Gaulois affirme qu'il n'en est
rien.
(7) Lettre aux cardinaux français.
»• 8935.
«H
Edition quolidieaiû*
uni ■«nwiï—irm
Mardi 18 Octobrô 1892
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
ht départembnts (union postal*)
Un an » * » « • ■ 55 v 66 d
Six mois 28 50 34 »
Trois mois. . . . 15 u 18 »
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UN NUMÉRO j Ex ris cent.
( Départeménts . « „ 2Q —
FUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On ^'abonne l Rome, place du Qesù, 8
ÉDITION SEMI-QU©2^S$NNE
PARIS
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Six mois. . . . . ' 16 »
Trois ipois. ... 8 50
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36 i»
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10 »
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i'IIYEBS m répoqd pas des manuscrits qui loi .so&t adressés
ANNONCES v
LAGRANGE, CEEF et G u , 6, place de la Bourgs ?
FRANCE
PARIS, 17 OCTOBRE 1892
l)ans les deux élections sénatoria
les qui ont eu lieu hier, deux républi
cains ont triomphé. Il ne pouvait en
être autrement, puisqu'il n'y avait pas
de candidats conservateurs, ni même
à proprement parler constitutionnels.
Dans le Calvados, M. Anne, conseiller
général, a été élu au second tour de
scrutin par 696 voix sur 1,153 votants;
les candidats n'étaient guère séparés
que par des nuances. Dans la Haute-
Vienne, il a fallu trois tours de scru
tin, et M. Le Play, républicain modéré,
n'a eu que 316 voix sur 631 votants,
le chiffre strictement nécessaire ; l'an
cien député Godet, radical ou, comme
il se désignait lui-même, progressiste,,
a eu 312 voix ; 3 voix sont restés à un
lin troisième candidat, M. Martin.
M. le ministre de l'instruction pu
blique a péroré samedi à Tours et il
pérorera aujourd'hui à Nantes. Le dis
cours de Tours, dont nous donnons
plus loin les principaux passages, n'a
pas l'importance qu'on lui attribuait
a l'avance : ce n'est nullement le pro
gramme d'un futur cabinet radical.
En somme, M. le ministre se montre
fort satisfait d'être au pouvoir, et il
envoie des lardons plus ou moins
réussis, aux constitutionnels. Gela se
comprend, le triomphe de ceux-ci se
rait la retraite de M. Bourgeois.
Dans une note que publie le Gaulois,
M. le baron de Mackau expliqué son
évolution, que déjà il avait fait pré
voir. On la trouvera plus loin.
La nouvelle loi militaire continue à
fort agiter l'Allemagne ; le service de
"deux ans trouve des partisans et des
adversaires, et la perspective de nou
velles charges militaires ne paraît pas
séduire tous les partisans de la grande
Allemagne, ou plutôt de la grande
Prusse. On parle d'une tentative qui
serait faite pour que de nouveau le
chiffre des effectifs militaires soit
voté chaque année; mais le gouverne
ment, et cela se comprend, tient au
septennat.
Depuis les élections générales, trois
élections partielles ont eu lieu en An
gleterre; les libéraux, auxquels appar
tenaient les trois sièges, en ont con
servé deux et en ont perdu un, où ils
n'ont été battus qu'à trois voix de ma
jorité. Certains journaux conserva
teurs triomphent de ce résultat, d'au
tant'que, dans les sièges. qu'ils ont
conservés, les libéraux ont eu des
majorités diminuées. C'est peut-être
un petit échec pour M. Gladstone,
mais cela ne constitue certainement
pas une grande victoire pour les con
servateurs.
Du haut du boulevard
Comme on l'avait annoncé lors du
pèlerinage national, M. Zola va écrire
un roman sur Lourdes. Aujourd'hui
le public apprend que le GU Blas s'est
assuré, deux ans à l'avance, la pri
meur de cette œuvre. La piété et les
merveilles dé Lourdes décrites par
M. Zola dans le Gil Blas , l'événement
sort de l'ordinaire; Etant donné le
genre de littérature auquel cette feuille
s'est consacrée ; étant donné aussi le
caractère des livres amoncelés par
l'apôtre du naturalisme, nous devons
nous attendre à quelque chose de phé
noménal et d'affreux.
Pourtant, d'après certains propos,
l'auteur de Y Assommoir, de Pot-Bouille,
de La Terre , songerait à varier ses
procédés. Souhaitons-le ; cela ne nous
empêchera pas de douter que l'inten
tion soit suffisante pour le succès de
^entreprise. D'ailleurs, que pourrait
bien être, après nettoyage, le style de
M. Zola ? On l'ignore, et, à vrai dire,
on pourrait se dispenser de le savoir.
Il y a plus étrange encore que l'idée
de faire entrer Lourdes dans le cadre
naturaliste et que l'empressement des
amateurs de pornographie, de scato
logie et de lesbiennes amours, à ob
server les spectacles de la foi. Dès à
présent, dans les régions où M. Zola
faisait figure de maître et de pontife,
dans le monde de M. Zola, on « bla
gue » énormément M. Zola ! La raison
est qu'il s'est conduit avec politesse et
avec gravité au milieu des foules en
thousiastes ou recueillies, près de la
piscine miraculeuse, à la basilique,
dans les hôpitaux. Il s'est défendu
d'avoir du mépris pour la religion
chrétienne et, au coup, il s'est attiré
des railleries incessantes. Il est la
proie des caricaturistes,qui le représen
tent chargé des attributs exclusive
ment employés jusqu'ici à rendre les
cléricaux ridicules. Hier, M. Aurélien
Scholl lui donnait, dans le Matin , des
conseils ironiques, bien que présentés
sous une forme grave, voire scienti
fique.
Ce n'est point l'appareil ordinaire
de M. Aurélien Scholl ; néanmoins
ce littérateur n'est pas plus gêné que
dans son habit de tous les jours. Au
cun écrivain, sans doute, ne person
nifie mieux que lui la désinvolture que
peuvent donner trente ans de chroni
que. Il est un des types supérieurs de,
l'esprit parisien. Il a un procédé pour
assembler les mots et pour leur faire
produire des effets inattendus. 11 ma
nie en maître le calembour. Dans ce
genre, on lui doit des trouvailles. Sa
fécondité semble n'avoir point de li
mites. Combien de journaux de tout
format et de tout caractère soutenus
de sa verve continuellement débridée !
Collaborateur de plusieurs feuilles
quotidiennes et de diverses revues, il
ëème ses traits « sans vider son car
quois » ; au contraire de ce que rêvait
André Chénier dans un accès de dé
sespoir. Il est peu enclin à ce senti
ment, contre lequel le prémunissent
encore ses occupations. L'intelligence
appliquée à observer de préférence
les choses bizarres, comiques, co
casses, est sûre de trouver son ali
ment. M. Aurélien Scholl paraît de
voir garder jusqu'à la fin la vigueur
qui se voit dans sa phrase soignée,
correcte et nerveuse. Celle-ci rèvèle
l'homme d'escrime. Il a eu en effet,
ce qu'il faut de duels pour passer ar
bitre.
Mais alors comment le chroniqueur
fantaisiste s'est-il avisé de risquer une
dissertation sur l'existence de Dieu ?
Car tel est le sujet qu'il a choisi pour
taquiner son confrère, traité de jésuite
avant d'être chrétien. Le boulevard
n'en a donc pas fini avec Dieu? On
pensait que l'affaire était réglée de
puis longtemps. Phénomène curieux
et digne d'être étudié, que le besoin,
chez la créature, de blasphémer le
Créateur qu'elle se vante d'avoir
anéanti ! Ce n'est donc pas assez d'a
voir, depuis dix ans, éliminé de la
langue officielle le nom qui désigne
le Tout-Puissant : il faut continuer de
combattre contre l'idée de l'antique
souveraineté. On est accoutumé à cette
contradiction ; mais on ne s'attendait
pas à voir M. Aurélien Scholl se dé
ranger à son tour pour aller tuer un
pareil adversaire. Si le brillant ar
tiste en « nouvelles à la main » pou
vait se rendre compte de l'air singu
lier qu'il se donne lorsqu'il veut em
pêcher M. Zola de tomber dans les
pièges de la superstition !
Il essaie de rafraîchir une vieille et
abominable histoire : l'athée qui se rit
de la mort subite et qui met Dieu au
défi, assassiné par un prêtre qui ne
supporte pas que Dieu soit bravé im
punément! Les personnages sont de
notre époque. Le héros-martyr, un
normalien qui , est le produit le plus
frais de l'éducation moderne, sou
tient, au nom de la science, des hypo
thèses abandonnées déjà par la plu
part des maîtres. Il a pris pour des sa
vants les vulgarisateurs de pacotille.
Par exemple, la théorie basée sur le
développement embryonnaire est pré-,
sentée comme une vérité incontes
table, alors que des transformistes,tels
que M. Edmond Perrier, nient que
l'homme soit à aucun moment un
poisson, un reptile ou un oiseau. L'ar
ticle renferme une cinquantaine d'er
reurs de cette force.
Le plus remarquable, c'est l'argu
mentation empruntée par M. Scholl
aux feuilletonistes de la science et
prêtée au normalien pour expulser
Dieu du monde. Elle se résume en
ceci : Chaque chose ayant sa loi, Dieu
n'a pas de raison d'être, — M. Scholl
n'a pas songé à se demander quelle
est l'origine des lois, bien qu'il trouve
sage que l'on cherche la cause des
phénomènes. Il oppose à Dieu la na
ture, qui suffit d'autant mieux à tout
qu'elle n'offre absolument aucun sens.
Il suppose un chaos qui possède toutes
les lois, y compris la puissance de se
changer en nature ordonnée, c'est-à-
dire un chaos qui serait juste le con
traire du chaos. Pour expliquer le
monde sans recourir à Dieu, il déva
lise le domaine surnaturel et donne,
des deux mains, à la nature ce qu'elle
ne comporte pas. Ainsi, aucun phé
nomène sensible n'est sa propre causé:
pourtant, d'après M. Scholl, la loi gé
nérale de la nature est de subsister
par elle-même sans rien emprunter à
une autre puissance; aucun phéno
mène n'a une durée infinie : pourtant
la nature, qui devrait être de la même
nature que ce phénomène, est éter
nelle ; toutes les lois que nous expé
rimentons sont relatives : pourtant la
loi générale d'où elles procèdent doit
être absolue ; et voilà deux termes ra
dicalement différents enveloppés dans
la nature, laquelle est on ne sait quoi,
tout ce qu'on voudra, tout ce qu'il
faudra pour que, grâce à elle, on ait
l'air de dire quelque chose.
L'évidente et simple vérité, c'est
que, pour parler raisonnablement de.
la nature, il faut sans cesse invoquer,
un principe surnaturel. Les moindres
faits, ceux de chaque instant comme
les plus rares, ne reçoivent leur signi
fication que des lois supérieures et
permanentes. Pour nous, fini et infini,
relatif et absolu ne se séparent point.
Confondre ces deux ordres dans la,
même sature, c'est inventer une na
ture surnaturelle.
Tant que nos adversaires ne se se
ront pas expliqués sur ce mot, leurs
plus hardis blasphèmes se réduiront
en enfantillages. L'équivoque, qui fut
de tout temps exploitée, est devenue
à présent la grande ressource des in
crédules. Il en résulte que l'esprit
est faussé dans ses fondements.
L'atteinte portée au patrimoine intel
lectuel est si énorme qu'elle paraît
invraisemblable. Est-il croyable qu'à
l'époque où s'étalent l'amour de la
science et le respect de la raison, tant
de gens aient répudié les notions élé
mentaires ? Le prodige, en quelque
sorte impossible, est réalisé. Lés argu
ments trente-six fois nuls qui ravissent
le boulevard prévalent dans les aca
démies, dans les Chambres, dans les
cafés, dans les écoles officielles. Un
peuple vit là-dessus ! Si M. Aurélien
Scholl se décidait à y réfléchir quel
quefois, il serait confondu de l'étourde-
rie qui règne sur un immense public
et il lâcherait toute sa verve pour railler
cette humanité, qui jamais ne fut à
ce point ridicule.
Eugène Tavernier. •
Les adversaires que l'on recom
mande à ses amis de combattre
avant tout , ce sont bien ceux, n'est-ce
pas? auxquels on fait l'honneur de les
redouter plus que les autres.
M. Bourgeois, ministre de l'instruc
tion publique et des beaux-arts, l'un
de ceux qui représentent dans le ca
binet l'élement radical, était hier à
Tours. Il a parlé, naturellement. Il a
dit de quelle manière il comprenait
la République, et cette manière est la
seule bonne, la seule admissible, à
son avis. Quand en désire pour la
République des gouvernants animés
d'un autre esprit que M. Bourgeois,
on ne peut être qu'un faux républi
cain. Tels sont les catholiques et les
conservateurs qui se viennent placer
sur le terrain constitutionnel. Ils ne
sont pas sincères. Ils sont très dan
gereux. On doit les combattre avec un
acharnement tout particulier.
« Je vous demande », s'est, écrié le
ministre, « de vous défendre avant
tout de ceux qui ont un masque au
visage. »
Ce cri de guerre, et d'alarme,
poussé par M. Bourgeois, est pour
nous un encouragement précieux. On
nous permettra bien de l'enregistrer
avec une certaine satisfaction. La
haine, la rage dont nous honorent les
sectaires, le soin qu'ils ont de nous
désigner en toute circonstance à leurs
bandes comme le pire ennemi, sont
la preuve que nous avons choisi pour
triompher d'eux le meilleur terrain
de combat.
On nous permettra aussi de faire
observer à quel point le langage que
tiennent contre nous les sectaires de
la gauche, exemple : M. Bourgeois,
ressemble au langage dont usent à
notre adresse les réfractaires de la
droite, exemple : M. de Cassagnac.
Fraternellement, ils s'empruntent les
mêmes armes ; ils se repassent, pour
nous en accabler, les mêmes accusa
tions. Le discours ministériel d'hier
n'est qu'un écho fidèle du récent article
de Y Autorité.
— Les constitutionnels veulent re
commencer le coup du « fameux che
val de Troie » ; s'ils entrent dans la
République, c'est afin de nous la li
vrer ! s'écriait, samedi, le député du
Gers.
— Les constitutionnels ont « un
masque au visage » ; s'ils entrent dans
la République, c'est « pour en faire
sortir la République elle-même » ! ré
pète dès le lendemain le ministre
radical.
M. Bourgeois, du reste, imite ici la
presse de gauche, manifestement fort
aise du concours que lui apportent
M. de Gassagnac et d'autres, qu'elle ne
redoute évidemment plus comme ad
versaires, qu'elle paraît même pres
que regarder maintenant comme des
alliés.
Si nous avions eu le malheur, in
dociles aux prescriptions du Souve
rain Pontife, d'avoir pris rang parmi
les réfractaires de la droite, il nous
semble que cette attitude des sectaires
de la gauche, cet empressement qu'ils
montrent à puiser leurs arguments
dans les colonnes de la Gazette , du
Moniteur et de Y Autorité, cette fureur
qu'ils mettent à combattre avant tout
les catholiques et les conservateurs
placés sur le terrain constitutionnel,
nous donneraient fort à réfléchir.
Pierre Veuillot.
Conformément au programme pu
blié dans les journaux catholiques, le
quatrième centenaire de la découverte
au Nouveau Monde a été célébré so
lennellement hier à Notre-Dame, au
milieu d'une assistance considérable.
A la messe, S. Em. le cardinal
officiait, entouré des membres du
chapitre. Dans le chœur avaient pris
place, en outre, des représentants de
tous les ordres religieux qui ont des
missions en Amérique. Aux premiers
rangs de l'assistance on remarquait
Mme la comtesse d'Eu, M le duc de
Mandas, ambassadeur d'Espagne, et
tout le personnel de l'ambassade, dont
la présence faisait contraste avec l'ab
sence de tout représentant officiel de
notre gouvernement. Pourtant, nous
étions représentés aux fêtes d'Espagne
en l'honneur de Christophe Golomb,
et l'on sait que ces fêtes ont eu partout
un caractère religieux. Une fois de
{>lus, il est donc constaté que si
'anticléricalisme n'est pas encore
considéré comme un article d'ex
portation, à l'intérieur il est plus
que jamais à l'ordre du jour. Ne
compreadra-t-on donc jamais l'ab
surdité de ce dualisme, au double
point de vue des intérêts du pouvoir
et de ceux de la France? Ou croit-on,
par hasard, qu'on arrive jamais à con
quérir l'estime des gouvernements
européens, quand on se laisse guider
ainsi, en toutes circonstances, par les
pires inspirations de l'esprit sectaire?
On sait que Christophe Colomb était
membre du tiers ordre. Les tertiaires
de Paris, hommes et femmes, avec
leurs bannières, avaient voulu se réu
nir à Notre-Dame pour honorer d'une
façon toute spéciale l'illustre membre
de leur confrérie. Avee la foule des
fidèles venus isolément de tous les
points de Paris, ils formaient un au
ditoire immense, devant lequel la voix
éloquente du P. Feuillette a célébré
avec puissance les gloires de Chris
tophe Colomb. Grand homme et grand
chrétien, c'est sous ces deux aspects,
qui n'en font qu'un en réalité, que
l'orateur a considéré le pieux naviga
teur. Résumant à grands traits sa vie
marquée par tant de traverses avant
le triomphe final,qui ne l'empêcha pas
de mourir obscurément dans une sorte
d'oubli, le R." P. Feuillette a mis en
pleine lumière la noble figure de cet
homme héroïque, de ce saint peut-on
dire, sous réserve du jugement de
l'Eglise, lequel, pour n'avoir pas été
chanté dans les gazettes, ni enterré
aux frais de l'Etat, ni porté dans au
cun Panthéon, n'en a pas moins con
quis une gloire plus solide, parce
qu'elle participe de l'immortalité du
catholicisme pour lequel il a tant souf
fert en ses hardies entreprises.
L'orateur, après ce bel éloge de Co
lomb, dont nous ne pouvons donner
qu'une pâle idée, n'a pas négligé de
dire quels étaient les titres particu
liers de la France à prendre part aux
fêtes du centenaire. Ne tient-elle pas
dans l'histoire le rôle que Christophe
Colomb eut dans sa sphère '. celui de
chevalier de l'Eglise ? Au prix de mille
sacrifices et de leur sang même, ses
missionnaires n'ont-ils pas été conti
nuateurs de l'apostolat de Colomb?
Dans une partie du sol qu'il a décou
vert, la France n'a-t-elle pas fondé
des colonies où sa religion, sa langue
et ses mœurs ont survécu à la dispa
rition de son autorité? C'est donc à bon
droit que,dans nos églises comme dans
celles d'Italie, d'Espagne ou d'Améri
que, des chants s'élèvent avéc des
prières pour remercier le Dieu de Co
lomb d'avoir donné aumonde ce décou
vreur de mondes.
Aussi, quelle ferveur dé la prière
et quel élan de3 âmes sur le passage
de la belle procession du Saint-Sacre
ment qui a terminé la cérémonie ! Le
cardinal, sous le dais, portait la Sainte
Eucharistie, précédé d'une double file
d'adorateurs qui faisait serpenter les
lumières de leurs flambeaux d'un bout
à l'autre de la cathédrale. Et pendant
ce temps retentissait YAve maris
Stella, cette hymne en l'honneur de la
Vierge, Etoile de la mer, que, tous les
jours, Golomb faisait chanter à se3
matelots comme un appel suprême
pour le succès de son entreprise. Et
bientôt le Te Deum, répété par toute
l'assistance, faisait remonter jusqu'à
Dieu la gloire des découvertes qui ont
apporté de si grands changements
dans le monde. Fasse Dieu que des
cérémonies si belles, multipliées par
tout sous l'influence du Pape'qui les a
désirées, rallument parmi les peuples
un peu de l'esprit si profondément
chrétien qui respire dans tous les
actes de Christophe Colomb ! La
France, qui en a tant besoin, ne se
rait, certes pas, la dernière à en bé
néficier !
Au&ustb Roussel.
A l'occasion de la rentrée des cours
et tribunaux, le Rappel s'indigne d'a
voir à parler encore de « la vieille
rengaine cléricale connue sous le
nom de « messe rouge » ou dé « messe
du Saint-Esprit », et qui, à notre épo
que de démocratie et de laïcisation,
constitue un véritable anachronis
me. » Heureusement, il entrevoit un
mouvement venant de la province
« qui emportera ce dernier vestige de
la royauté ». Déjà, dit-il, « quelques
cours d'appel en France ont supprimé
la messe rouge. Patientons. La cour
d'appel de Paris se fera tirer l'oreille;
elle subira encore des assauts sans
broncher, mais elle finira par s'exé
cuter. »
Ces prévisions se réaliseront-élles ?
Il serait téméraire de le nier, après
qu'on a vu un magistrat, il y a plu
sieurs années déjà, qualifier de
« vieilles balançoires » les idées de re
ligion, de famille et de propriété. Seu
lement, nous avertissons le Rappel
que sa caisse ne sera plus longtemps
protégée par la magistrature, du jour
où la magistrature sera définitivement
affranchie de tout ce qu'on nomme
« vieilles rengaines cléricales ». Les
■bandits ont leur logique, et déjà
leurs raisonnements ont retenti
jusque dans le prétoire. Si l'on sup
prime le Christ, en présence et au
au nom duquel on comprenait jadis
3u'il faut rendre la justice pour lui
onner un haut caractère d autorité,
en vertu de quel principe pourra-t-on
démontrer que ce ne sont pas les pro
priétaires qui sont des voleurs ? Et à,
quelle sanction, autre que le droit
brutal du plus fort, aura-t-on recours
en vue de maintenir un ordre ou une
sécurité quelconque dans une société
livrée sans défense morale aux as
sauts furieux de tous les appétits dé
chaînés?
Une dépêche nous annonce l'élec
tion. comme prieur de la Grande-
Chartreuse et général des chartreux,
de dom Michel, prieur de la Char
treuse de Valbonne.
; Dom Michel est originaire du dio
cèse de Laval; de son nom de famille,
il s'appelle Baglin.
La République française
ET SA LÉGISLATION
(Traduit de la Giviltà Cattolioa) (1)
III
; S'il est une chose reconnue. par tous et
qui n'est que trop confirmée par l'évidence
des faits, c'est que, depuis plusieurs _ an
nées, en France, divers actes de la législa
tion sont inspirés par des tendances hos
tiles à la religion et, conséquemment,
hostiles aux intérêts de la nation. « Nous-
même, a dit le Saint-Père, obéissant à un
devoir sacré, Nous avons adressé des plain
tes vivement senties à celui qui se trouvait
alors à la tête de . la République. Ces ten
dances, néanmoins, ont duré avec persis
tance, le mal s'est aggravé, et l'on ne sau
rait s'étonner que les membres de l'épisco
pat français, placés par le daint-Esprit pour
en gouverner les diverses et illustres Egli
ses, aient estimé tout réoemment encore
qu'il était de leur strict devoir d'exprimer
publiquement leur douleur au sujet de la
condition faite en France à l'Eglise catho
lique (2). »
Par où il apparaît clairement que le même
très sage Pontife, qui veut et commande
que les catholiques français acceptent la
République, condamne avec l'épiscopat
français la législation antireligieuse de cette
République ; qu'il veut et commande qua
cette législation soit légalement combattue
par ses lila dévoués et par tous ceux qui,
en France, sont des hommes de bon sens
et de jugement droit.
Donc, autre chose est la République, et
autre chose sa législation. Le bon sens suffit
à le faire comprendre. Il est facile à tous de
reconnaître qu'on ne peut nier cette distinc
tion , sans tomber dans l'absurdité qui
consiste à confondre le pouvoir avec l'usage
ou Y abus qu'eû peuvent faire ceux qui en
sont investis.
En outre, nos lecteurs n'ignorent pas le
fait, tant de fois attesté par l'histoire, à
savoir qu'en pratique, la qualité de la lé
gislation (îépôtid plus de la qualité des
■hommes investis du pouvoir que de la forme
du gouvernement. La législation d'une Ré
publique ou d'une monarchie sera bdriiîe
ou mauvaise, selon que les législateurs ré
publicains ou monarchiques auront l'esprit
imbu de bons ou de mauvais principes.
Une mauvaise législation implique un
grave abus de pouvoir et constitue un véri
table despotisme. Aussi est-ce â bon droit
que de Haller a dit : « Le despôlistïle ne
diffère pas de l'injustice, et comme abus de
pouvoir il psut très Bieil sa trouver sous
tous les gouvernements, dans les républi
ques comme dans les monarchies (3) ».
De même donc et pour la môme raison
qu'il y a eu et qu'il y a des monarchies
absolues ou constitutionnelles dont la lé
gislation a été bonne et parfois détestable,
de même il y a eu et il pourra y avoir des
républiques sous le régime desquelles on
trouve une législation mauvais^, Comme il
peut y en avoir qui méritent éloge et appro
bation.
Et puisque la bonté d'une législation,
comme de tel ou tel gouvernement pris
d'une façon concrète, dépend surtout de la
bonté des législateurs -, puisque le choix d9
ceux-ci dans une république dépend uni
quement des éleœteurs, qui ne voit que de
ceux-ci dépend également le fait d'avoir
una bonne législation et, partant, un bon
gouvernement?
Les électeurs catholiques français sont la
plus grande partie de la nation. Non seule
ment l'Eglise ne défend pas, mais, pour le
bien de la religion, elle ordonne de prendre
part à l'administration publique, et elle les
avertit de ne favoriser, aux élections, que
les personnes d'uïie probité connue,ceux qui
permettent d'espérer qu'ils mériteront
bien de la cause catholique, attendu qu'il
est illicite de donner, pour quelque raison
que ce soit, la préférence aux hommes hos
tiles à la religion (4).
Si donc, en France, l'Eglise est en butte
aux attaques de ses ennemis, si la Républi
que est anti-chrétienne, si la France elle-
même se débat aujourd'hui, dans les an
goisses, contre la violence de ceux qui la
voudraient déchristianiser et l'avilir au re
gard de tous les peuples, si elle est affligée
de tous les maux que déplore avec tant d'é
loquence le comte d'Haussonville en son
malheureux discours, à qui la faute? Est-ce
par hasard et seulement aux électeurs fran
çais qui sont les ennemis de Dieu et de
l'Eglise?
Certainement non ! La faute en revient
principalement à ceux qui, comme le noble
comte et ses adhérents, tout en faisant
profession de catholicisme, sont réfractai
res à la direction imprimée par le chef de
l'Eglise ; à ceux qui, subordonnent tout,
même le bien religieux au triomphe préa
lable et éphémère de leur parti respectif
et ainsi préférant, de fait, la politique qui
divise à la religion qui unit, enlèvent aux
forces catholiques conservatrices du pays
l'unité et la concorde, sans lesquslles tous
les efforts, quel que soit le but qu'ils vi
sent, seront toujours vains et radicalement
stériles (5). Telle est la solennelle déclara
tion de Léon XIII. « Ce sera leur faute,
dit-il, si les ennemis de la religion, en pas
sant à travers leurs dvisions, comme ils
l'ont déjà fait trop de fois, aboutissent fina
lement à les chasser tous (6). »
L'idée-mère qui domine toute l'Ency
clique aux Français est exprimée par
Léon XIII comme il suit : « Qu'il n'y ait
plus de partis parmi vous, mais au contraire
qu'il y ait une union complète pour sou-
(1) V. l'Univers du 16 juillet.
(2) Encycliquè aux Français.
(3) Restauration de la science -politique . Introd.
c. xx.
(4) Encyclique Sapientix Christianx.
(5) Lettre du Pape aux cardinaux français.
(6) Lettre au? cardinaux français, 3 mars
1892.
tenir de concert ce qui surpasse tout intérêt
terrestre, à savoir la,religion et la cause do
Jésus-Christ. En elle comme en toute autre
chose, cherchez d'abord le royaume de Dieu
et la justice, et le reste vous sera donné
par surcroît (7). »
} Le sens absolument véritable et pratique
Àe ces paroles n'a pas échappé aux ennemis
de la religion catholique, les francs -maçons:,
Se France. Aussi, pour ampêcher que les
ëatholiques, en acceptant la République au
sens voulu par le Saint-Père, ne s'emparent
quelque jour de son gouvernement, ils ont
proclamé et proclament, de toutes les façons
possibles,que la République n'étant pas une
simple forme de gouvernement, mais l'en
semble de certaines doctrines déterminées et
de toutes les lois issues de la Révolution de
4 789, les catholiques, pour être d'accord à.
leurs principes, ne peuvent ni ne doivent
l'accepter; et que, s'ils l'acceptent, ils ne'
pourront plus combattre ses lois sans se
rendre coupables non-seulement d'une con
tradiction, mais d'une révolte ouverte contre
les pouvoirs constitués.
A ceux-là, tout catholique,' sincèrement
obéissant au Pape, devra répondre par les.
paroles dont s'est servi le très illustre Mgr
d'Hcûst, dans son éloquent et savant dis
cours prononcé à la Chambre des députés
dans la séance du 20 mars 1892 : « Notre
conscience nous permet d'accepter la Répu
blique, mais elle nous défend d'accepter les
doctrines révolutionnaires et les lois anti-,
religieuses, qui sont vôtres et que vous
voulez identifier avee la République. »
Qu'il en soit ainsi, c'est ce que nous
avons abondamment et pour ainsi dire ma
tériellement prouvé dans notre numéro du
3 septembre dernier. Nous avons vu là
comment la société maçonnique, qui, par
rapport à la nation, ne formé qu'une infime
minorité, s'arroge aujourd 'hui de person
nifier la France, de manière qu'elle aspire
à être tout et à exclure delà nationalité tout
ce qui ne lui appartient pas ou ne dépend
pas d'elle; ainsi elle n'admet pour répu
blicain le gouvernement du pays qu'autant
qu'elle le tient enchaîné à elle et qu'il lui
est soumis en tout.
Les coryphées de cette secte infâme qui,
investis du pouvoir, de fait gouvernent la
France, ne cachent ni ne dissimulent plus
leurs desseins. Ayant déclaré la guerre à
Jésus-Christ, ils s'appliquent, parleurs lois
et leurs doctrines, à anéantir le christia
nisme et à arracher de l'esprit et du coeur,
des Français la religion qui les a faits si
grands.
(A suivre.)
Le Gaulois nous donne comme
ayant été écrite sous la dictée de
M. de Mackau la réponse suivante,
faite par l'honorable député de l'Orne
aux commentaires et attaque^ dont
son discours de Carrouge a été
l'objet :
Je suis très surpris de l'étonnement causé
par mes déclarations de Carrouge, surtout
dans le milieu parlementaire. Mes collègues
de la droite savaient, en effet, parfaitement
qu'il y a plus de six mois, lors d'une réu
nion générale au secrétariat des droites,
j'ai dit que je croyais l'heure venue de se
placer, pour la défense des principes reli
gieux et sociaux, sur le terrain du gouver
nement légal.
C'est même une des raisons qui m'ont
empêché,d'aocepter, malgré l'insistsnoe de
mes collègues, la présidence de l'Union li
bérale des droites, tenant à conserver mon
entière liberté d'action, au moins jusqu'à
ee que je me sois complètement expliqué.
Quant aux motifs qui m'ont déterminé à
me mettre sur ce terrain et à prononcer la
discours de Carrouge, ils sont bien plus;
simples que ne paraissent le croire beau
coup de ceux qui ont apprécié ce discours.
Depuis vingt-cinq ans, sous l'Empire
oomme sous la République, j'ai toujours
combattu pour la liberté religieuse ; je
m'honore d'avoir été au Corps législatif, au.
début de ma carrière politique, un des si
gnataires de «l'interpellation des Cinq »,
développée par mon éminent ami M. Ghes-
nelong.
Je ne croisa pas qu'un pays puisse être,
véritablement grand et fort, s'il ne s'appuie
sur une foi religieuse véritable et sincère.
La Russie, l'Angleterre, l'Allemagne _en
sont des exemples frappants. Cette convio-
tion a été la règle de ma vie politique. Je
ne pouvais, dans cette situation, continuer
à laisser croire que j'étais en désaccord
avec tout l'épiscopat français, qui a adhéré
au manifeste des cardinaux français, et
avec les conseils donnés par le Pape aux
catholiques français.
Les chefs de l'Eglise ont, en effet, à moil
sens, plus que personne,qualité pour indi
quer ce qu'ils croient être les intérêts de
l'Eglise.
Je ne réfuterai aucune controverse, ne
répondrai à aucune, très résolu à ne sortir
si peu que ce soit de l'attitude qui a tou
jours été la mienne et de la réserve que
j'ai gardée depuis deux ans.
On me prête, m'assure-t-on, des projets
mystérieux et des combinaisons profondes.
Tout cela est du rêve.
J'ai fait, à mon heure, ce que ma cons
cience m'indiquait : je me suis placé sur
un terrain légal pour coatinuer les revendi
cations que la politique antireligieuse du
gouvernement ne justifie que trop. J'ai fait
côla, et rien que cela. Je nourris, d'ailleurs,
si peu les sombres projets dont on me fait
honneur, que je ne viendrai que rarement
à la Chambre pendant cette session d'au
tomne, retenu ici par des affections de fa
mille que je ne sacrifierai jamais à la poli
tique.
M. de Mackau a déclaré, en outre,
3ue de tous les points de son arron-
issement ses électeurs le félicitaient.
On sait que le gouvernement a sup
primé d'un seul coup le traitement de
tout le clergé paroissial de la com
mune d'Edern, petite localité du Finis
tère.
On devait supposer que c'était à la
requête des républicains du crû.
Le Gaulois affirme qu'il n'en est
rien.
(7) Lettre aux cardinaux français.
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