Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-10-17
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 octobre 1892 17 octobre 1892
Description : 1892/10/17 (Numéro 8934). 1892/10/17 (Numéro 8934).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 17 Octobre 1892
H* 8934- —■ Edition qaotidLiaun»
Lundi 17 Octobre 1892
édition
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Trois mois.
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W LAGRANGE, CERF et G", 6, place de la Bouts# '
FRANCE
PARIS, 16 OGTOBRE 1890
Nous avans aujourd'hui deux élec
tions sénatoriales, l'une dans le Cal
vados, l'autre dans la Haute^Vieïme ;
il s'agit de remplacer deux républi
cains assez modérés, MM. Lavalley et
Teisserenc de Bort.
Dans le Calvados, quatre candidats
sont en présence, tous républicains :
MM. le général Fay, ancien comman
dant du 12* corps d'armée ; Duchés
nes-Fournel, ancien député républi
cain de Pont-l'Evêque ; Anne, conseil
ler général de Bourguebus, et Legoux-
Longpré.
Dans la Haute-Vienne, cinq candi
dats, également républicains, se
trouvent en présence : M. Albert Le
Play, fils de l'économiste radical bien
connu ; Jean Godet, ancien député de
Rochechouard ; Pierre Leyssenne,
inspecteur général de l'instruction
publique ; Jules Martin, inspecteur
général des ponts et chaussées ; Au
bin Ghaussade, avocat à Limoges. On
peut espérer que M. Albert Le Play
s'inspirerait des enseignements de
son illustre père, ét cela seul suffit à
le faire préférer à ses concurrents de
nuances plu9 ou moins mauvaises.
On avait raison de ne pâs croire à
uo Conflit entre M. Rouvier et la com
mission du budget; l'accord s'est fait
hier, et la commission a « bouclé le
budget », suivant l'expression connue.
Seulement, l'équilibre obtenu est-il
bien réel? Il ést permis d'en douter.
Avec une complaisance peu méri
toire, le ministre das finances a sacri
fié son budget, ajournant les réfor
mes qu'il avait annoncées avec un
certain tapage. G'est à ce prix qu'on
garde son portefeuille.
D'après certains nouvellistes, la
question de Garmaux viendrait dès
mardi à la Chambre des députés ; d'a
près d'autres, M. Dupuy-Dutemps de
manderait la discussion pour jeudi,
afin de permettre le retour des dépu
tés qui font de- si belle besogne auprès,
des mineurs.
Nous devons signaler que même des
députés et sénateurs radicaux ou au
moins bien près du radicalisme com
mencent à trouver qu'on va bien loin
dans les encouragements donnés aux
grévistes de Carmaux; nous publions
plus loin une lettre de M. Marquis, sé
nateur de Meurthe-et-Moselle, qui re
fuse son concours à une' réunion en
l'honneur desdits grévistes parce que
cela ne le regarde'pas et qu'il n'admet
pas qu'il s'agisse à Carmaux d'une
question intéressant les droits des syn
dicats ouvriers. Une dépêche nous
avait déjà signalé un refus analogue
de M. Yollant.
Est-ce que la question du Panama
viendrait prochainement s'éclairer
devant la justice? On annonce que
M. le procureur général, Quesnay de
Beaurepaire, a remis au ministre de la
justice son rapport et celui du juge
d'instruction. Les conclusions des
deux rapports seraient absolument
contraires : pendant que le juge d'ins
truction se prononcerait pour l'aban
don de l'affaire, M. le procureur gé
néral réclamerait énergiquement des
poursuites.
On dit même qué, dans le conseil
de cabinet tenu hier, les ministres se
seraient occupés de cette grave ques
tion. Toutefois rien ne l'indique dans
les comptes rendus donnés par les
agences et journaux officieux.
A en croire les dépêches de Y Agence
Havas, on serait fort mécontent à
Berne des difficultés que rencontre
l'approbation du traité franco-suisse ;
on irait jusqu'à menacer la France
d'un tarif spécial. Nous doutons que
la Suisse s'engage dans cette lutte de
tarifs qui pourrait bien tourner contre
elle ; l'exempie de l'Italie l'éclairera.
Nous verrions volontiers, dans ces dé
pêches quelque peu exagérées d'une
agence officieuse, un moyen de peser
sur les décisions de la Chambre et de
servir le ministère que M.Jules Roche
a engagé un peu trop vite.
L'esprit conservateur
Une des grandes difficultés que la
situation impose au parti des hon
nêtes gens consiste à trouver une as
siette électorale. Il ne faut pas s'y
tromper : les programmes ne sont
jamais difficiles à faire ; le difficile
est d'en dégager l'essence et de les
présenter au peuple sous une formule
claire, courte et séduisante. Disons
plus : il faut trouver des mots. Autre
fois c'étaient les chansons. Le parti
républicain a excelîé, de tous temps,
dans ces trouvailles ; les conservateurs
n'ont jamais fait que le suivre dans
cette voie, reprenant pour leur
compte, dix ans après, des mots de
ralliement dont leurs adversaires ne
se servaient déjà plus.
Déjà peut-être ont-ils mal fait de
s'intituler conservateurs. Le mot aura
un sens demain ; hier, il était nébu
leux. Remarquez que de toutes les
choses que nous étions ouvertement
résolus à conserver, la seule que le
parti républicain ait non moins ou
vertement attaquée* c'est la religion.
A ce point de vue, catholique eût
sonné plus fier et plus clair que con
servateur. Pour le reste, administra
tion, finances, magistrature, l'action
du parti a été plutôt dissolvante, et, il
faut bien le dire, la démocratie élfec-
torale n'a nullement le sens du dissol
vant.
Relativement à la propriété, syn
thèse des intérêts matériels, il y a eu,
à la charge du personnel gouvernant
et légiférant, des imprudences, des
faiblesses, voire quelques mauvaises
intentions : de menace directe, pas
encore. Le sol est miné, la surface
nette. Or, encore un coup, l'électeur
ne regarde pas ce qui se passe sous
terre. Il a vu la République et la pro
priété vivre en bonne intelligence,
au grand soleil, et celle-ci même
compter sur celle-là. Pour beaucoup,
le perturbateur, l'homme qui devait
bouleverser les conditions économi
que, par le contre-coup d'une com
motion politique, c'était le candidat
de l'opposition. Dans les circonscrip
tions qui ont conservé le véritable
esprit opportuniste, l'ordre continue
à être incarné par le ministère. Et
démontrer à tous ces électeurs que le
ministère, par sa filiation, par ses
tendances, par sa passion anticléri
cale, est l'adversaire inconscient de
l'ordre même matériel, c'est lui faire
un cours de philosophie que la briè
veté des affiches électorales ne com
porte pas.
Le parti républicain, à ses débuts,
n'a pas commis la faute de se dire
ami de l'ordre. Ce mot lui eût fait
perdre le# électeurs révolutionnaires,
dont il avait besoin; il eût plutôt ef
farouché que rassuré le petit proprié
taire. Le respect des biens, de tout ce
qui constitue et prolonge la liberté in
dividuelle, est si intimement lié,'pour
celui-ci,à la notion du gouvernement,
que toute déclaration à cet égard lui
paraît superflue et le porte même à
soupçonner son auteur d'arrière-peif-
sée. Il est souvent dangereux, avec
l'électeur, de pérorer sur l'évidence.
Protestez-lui d'opinions qu'il n'a ja
mais supposées contestables, c'est le
dialogue d'Harpagon et de La Flèche :
HARPAGON
J ô tremble qu'il n'ait soupçonné quelque
chose de mon argent... Ne serais-tu pas
homme à faire oourir le bruit que j'ai de
l'argent caché ?
LA FLÈCHE
Vous avez de l'argent oaché ?
La conclusion est méfiante, et rien
de plus naturel.
Le parti conservateur, lui, a com
mencé par crier à l'ordre. Il avait rai
son, au fond; les apparences lui don
naient tort. Sur le tard, il s'est récla
mé de la liberté, et l'a énergiquement
promise, alors que, la voyant débor
der, personne n'en demandait plus. Il
a aussi protesté contre les violations
du droit, dans les congrégations, dans
la magistrature, etc. Mon Dieu, comme
nous connaissions peu la masse ! quel
degré d'affinement nous lui prêtions,
en nous imaginant que de pareils
éclats pouvaient devenir populaires !
— Je me souviens avoir entendu un
procureur démissionnaire, honnête
homme et suffisant parleur, tenir deux
heures une réunion publique sous le
charme d'une, théorie concluant à l'il
légalité des décrets! On l'écouta, car
le peuple aime entendre parler, et le
roulement continu des mots lui char
me l'oreille. Mais à la sortie, un in
connu cria : « Vive la République ! —
« Vive la République ! » fut-il répondu
en chœur. Le procureur était réfuté.
Il est incontestable, toutefois, qu'en
fait de tactique électorale, les conser
vateurs n'en sont plus aux innocences
de ce temps-là. On peut juger diver
sement et sévèrement l'attitude de la
droite parlementaire. Mais quiconque
a vu « travailler » une élection, —
surtout dans les départements dont le
Èarti républicain a pris possession de
onne heure et où il a eu le temps de
se faire juger — reconnaîtra aux ca
dres de l'armée conservatrice une
sorte d'éducation technique au moins
égale à celle de 1 eurs adversaires. Ce
n'est pas tout à fait naître à la vie po
litique : c'èst à coup sûr s'éveiller à la
science du scrutin. Et ce qui prouve
combien, dans le peuple, on a l'intel
ligence de cette petite guerre, c'est
que de simples paysans, sentant très
bien toute l'infériorité que leur in
fligeait l'ondoyante formule con
servatrice, ont ramené — et avec
succès — les questions politiques au
cadre des questions de clocher. Dans
l'état de flottement où nous laissaient
nos programmes, groupés autour d^un
drapeau aussi honorable qu'indécis,
c'est tout ce qu'il y avait à faire, et
c'est ce qui a été fait. La vie munici
pale, les conflits dont elle est l'occa
sion, les ambitions vulgaires qu'elle
éveille, ont fourni aux conservateurs
intelligents le terrain sur lequel il
Convenait d'attirer leurs adversaires.
Règle générale, quand, dans un vil
lage, un parti a été organisé solide
ment en vue des élections communa
les, ses chefs le portent en avant, au
moment des élections législatives, et
le font voter, non pour un principe,
mais contre le concurrent du candidat
des autres.
Qui ne tient pas compte — faute
de le connaître — de ce double élé
ment : décentralisation de la stratégie
électorale, caractère purement négatif
de certains votes, ne s'expliquera ja
mais que, dans des régions profondé
ment imbues de l'idée républicaine
la lutte contre la République ait pu
dlifer si longtemps. Au fond c'est du
procédé, et je reste convaincu que
ceux-là mêmes qui l'ont employé aVed
succès seraient bien embarrassés d'en
expliquer le fin du fin, le squelette
philosophique. Gar, s'ils étaient philo
sophes, assurément ils n'auraient pas
trouvé un aussi bon tour.
Ce qu'on peut dire, c'est qu'en adop
tant cette tactique, la démocratie
honnête a cédé à l'instinct conserva
teur, se serrant, pendant l'orage, au
tour d'intérêts étroits, mais bien défi
nis ; ne cherchant pas à battre, sur
leur propre terrain, les théoriciens et
les hâbleurs ; et conservant, en somme,
au corps électoral de l'avenir, un
noyau raisonnable et discipliné. Nom
bre d'esprits,, parmi lesquels beaucoup
d'esprits chrétiens , sont présente
ment portés vers les réformes socia
les, les jugent nécessaires et les défi
nissent. Eh bien pour que la révolution
morale et économique ne manque pas
son but et se développe aveeunmtm-
mum de heurts, il faut qu'elle s'opère
derrière un rideau de bonnes élections.
L'erreur commune à tous les hommes
de théorie consiste à croire qu'ils tra
vaillent sur une matière neuve et que le
monde cesse de marcher pendant
qu'ils délibèrent. Ils sont tout étonnés,
quand ils apportent leur système,
qu'en cours ae préparation, et sou
vent à leur insu, ce système ait été
déjà essayé, ou dénaturé, ou rendu
inopportun par les circonstances. Ce
lui qui joue le rôle de mécanicien so
cial est sur une machine en mouve
ment : il faut que d'autres, destinés
par la Providence à ce but plus hum
ble, assurent la sécurité de la voie.
Ces autres, dans un temps de suffrage
universel et dans un pays perpétuel
lement remué par les élections, ce
sont des hommes d'action, rompus à
la tactique du scrutin, de très fins et
de très ignorés diplomates de village,
tout à fait incapables de concevoir et
lents à approuver un nouveau sys
tème, mais prédestinés à en faciliter
la mise en œuvre. Et, pour parler franc,
c'est le vieil élément conservateur,
bourgeois ou peuple, qui, contre
vents et marée, fait campagne depuis
vingt ans.
Le moment semble approcher, du
reste, où les événements donneront
un sens à l'étiquette indécise qu'il
portait jusqu'à ce jour. Le mot « con
servateur » aura une signification très
nette pour la masse le jour où, soit
par la loi, soit par le fait, le droit de
propriété subira un premier assaut.
Il s'idenlifiera alors avec le titre de
défenseur de la propriété, qui n'est
nullement discrédité, comme prud'-
hommesque, chez les populations ru
rales. A ce moment, le candidat con
servateur ne sera plus seulement
l'homme d'une tendance honnête,
mais d'une idée précise, avantage
considérable qui, jusqu'à présent, lui
a échappé. Ce sont les radicaux, les
outranciérs qui se trouveront em
broussaillés dans leurs systèmes et
que le cri de « Vive la République ! »
ne dispensera pas d'explication. Alors,
enfin, il ne sera plus superflu ds se
dire candidat de l 'ordre, et on décou
vrira ce qu'il y avait de caché sous
cette terminologie si décriée du
Seize-Mai, parce qu'alors la relation
entre l'ordre et la poche sera établie,
et la vulgarité de cette pauvre nature
humaine souffre que l'entrain re
monte de la poche au cœur.
On ne saurait nier que les mineurs
de Garmaux, ou plutôt les énergumè-
nes qui les dirigent, ne travaillent ac
tivement à refaire à la notion et à l'é-
pithète conservatrice cette virginité
dont elles ont besoin. Là, le choc en
tre la souveraineté et la propriété, si
bien préparé par les doctrines de 89,
est retentissant. La souveraineté choi
sit pour maire qui bon lui semble. Qui
bon lui semble aussi la propriété en
tend employer et salarier. Toutes
deux étant adossées à des principes
— et à des principes que la masse des
électeurs tient également pour axio
mes, — le tort de la souveraineté, de
vant l'opinion, est de quitter les re
tranchements du sien pour assaillir
l'autre. Devant l'opinion, habituée à
la coexistence paisible de la souverai
neté et la propriété, qui constitue à
peu près tout son évangile politique,
c'est acte de perturbateur. Un Référen
dum là-dessus, chez les ruraux, don
nerait un résultat presque unanime.
Et si l'on parvenait à leur mettre en
tête que le conservateur est précisé
ment celui qui n'entend pas mettre la
propriété à la discrétion du suffrage
universel, l'étiquette conservatrice
deviendrait aussi prestigieuse qu'elle
est impopulaire depuis longtemps.
On trouve des syptômes de cet état
d'esprit dans la presse opportuniste,
confinant même au radicalisme pru
dent, laquelle, plus encore en province
qu'à Paris, commence à gronder et
flaire le péril. Dans un journal qui me
tombe sous les yeux,et qui est l'un des
organes de la démocratie du Haut-
Jura, je relève ces lignes significa
tives :
Du reste, la charge de maire n'est jpas
obligatoire, si M. Galvigaac ne peut la rem
plir sans vivre aux crochets de quelqu'un, il
est moins indépendant que le domestique
attaché à la personne (auquel les fonctions
municipales ssnt interdites) et il a pour pre-
cmier devoir de démissionner.
Voilà une solution, et c'est lin dé
mocrate qui la donne, l'élu de Morez,
ville de réputation avancée. Si vous
n'êtes pas assez riche pour être maire,
cherchez des rentes ! C'est à faire
bondir un théoricien : le bon sens ru
ral n'est pas du tout scandalisé.
J'ai entendu exprimer lafcrainte que,
le jour où le socialisme commencera à
passer dans les faits, les « braves
gens » courberont la tête une fois de
plus, et ne se montreront pas des
gens braves. Là-dessus, on cite l'his
toire, et on gémit. Il ne faut pas s'y
fier. Dans la lutte contre le socialisme,
qui doit être le premier souci de tous
les hcmmes d'action, les braves gens
apporteront une certaine expérience
de la vie publique qui leur manquait
autrefois ; de plus, ils ne seront pas
seuls. Il est permis d'espérer qu'atti
rant dans leur orbite une foule d'é
chauffés de la politique qui sont, au
fond, des conservateurs sociaux, ils
donneront aux justes réformes le
temps d'aboutir et répondront aux au
tres de façon péremptoire. Tel nous
paraissent être l'avenir et le rôle de l'es
prit conservateur, indépendant de
toutes les formes de gouvernement,
et peut-être plus nécessaire à la Répu
blique qu'à toutautre.
CHARLBS LOISEÀU.
Une dépêche d'Espagne nous a fait
savoir que le gouvernement de ce
pays avait dissous le congrès interna
tional des libre-penseurs, qui s'étaient
rassemblés à Madrid pour y faire
assaut de blasphèmes, et que des pour
suites étaient ordonnées contre les
orateurs.qui ont péroré dans ledit
congrès.
On ne peut qu'applaudir à cette dé
cision, tout en regrettant qu'une me
sure beaucoup plus simple encore et
plus efficace, celle de l'interdiction ne
l'ait pas rendue inutile. On eût ainsi
évité, avec le scandale de la publica
tion des discours incriminés, leur fâ
cheux retentissement. Il est bien dif
ficile, en effet, d'éviter la publicité ju
diciaire qui sera donnée forcément à
ces discours, et dont la peine infligée
à leurs auteurs ne sera toujours
qu'une insuffisante compensation.
Naturellement, les journaux impies
crient à l'intolérance et, comme il s'a
git de l'Espagne,à l'Inquisition. « L'Es
pagne, s'écrie Y Intransigeant, voudrait-
elle nous rappeler qu'elle est le pays
d'origine de l'Inquisition? » Et, par
cette question, l'organe du citoyen
Rochefort s'imagine apparemment
qu'il embarrassera beaucoup les Espa
gnols. Or s'il est un souvenir dont
l'Espagne ait sujet, à bon droit, d'être
fière, c'est précisément celui dont Y In
transigeant prétend lui faire honte.
On doit même constater que tous
les historiens impartiaux — et plu
sieurs sont loin d'être catholiques —
sont d'accord pour féliciter les Espa
gnols d'une institution qui. malgré
des abus inévitables, a rendu tant d'é-
minents services à leur pays. Mais
l'on sait trop que Y Intransigeant n'a
nul souci des leçons de l'histoire.
Aussi, passe t-il à côté de cette ques
tion pour s'exclamer encore sur l'in
tolérance dont fait preuve le gouver
nement madrilène. « On chercherait
vainement, dit-il, à la fin du XIX* siè
cle, une nation civilisée osant prendre
dépareilles "mesurs à l'égard :de con
gressistes réunies pour discuter des
questions purement philosophiques. »
S'il ne s'agissait que de « questions
purement philosophiques », on pour
rait, en effet, discuter l'opportunité
d'une mesure qui les interdirait com
plètement. Maïs tout le monde sait
qu'il s'agit de bien autre chose, et si
Y Intransigeant, qui ne l'ignore pas,
éprouve le besoin de dissimuler le
véritable caractère des discours pro
noncés au congrès libre-penseur, c'est
qu'il sent à merveille —et comme
d'instinct — que s'il le découvrait, son
exclamation pourrait facilement se re
tourner contre lui.
De fait, comment une nation peut-
elle se dire civilisée quand elle tolère
la négation publique de l'existence
de Dieu ? N'est-ce point plutôt un té
moignage de véritable sauvagerie
qu'une pareille tolérance puisque de
tels blasphèmes s'attaquent au fond
même de tout ordre social? A coup
sûr, le gouvernement espagnol de
M. Canovas ne passe point pour s'ins
pirer d'un catholicisme intransigeant;
plus d'une fois même, les catholiques
ont eu et auront encore à lui faire
des reproches assez sévères sur
l'abandon qu'il fait d'un trop grand
nombre des devoirs qui incombent au
pouvoir, dans une nation catholique.
Si donc il a pris la mesure dont il s'a
git, c'est que l'audace des blasphé
mateurs avait réellement dépassé
toute mesure. D'ailleurs, nou3 le ré
pétons, c'est faire acte de civilisation
au premierjchef que de prendre, contre
les négations insolentes de l'impiété,
la défense des vérités sans lesquelles
nulle société ne saurait vivre et
bien triste, à ce point de vue, est (l'état
de l'Europe s'il ne se trouve qu'un
pays où les gouvernants sachent com
prendre et remplir leur devoir à ce
sujet. Quand clotîô, donnant pour ral
liement aux libres-penseurs le mot de
Voltaire : Ecrasons l'infâme, Y Intran
sigeant ajoute que « si les cléricaux
éiaient les plus forts, ce qui se passe
aujourd'hui à Madrid se passerait de
main à Paris », il ne se trompe pas.
Oui, certes, si les catholiques étaient
les plus forts, ils interdiraient ou ré
primeraient les manifestations du
genre de celles qui viennent de dé
shonorer Madrid et l'on ne suppose
pas que nous éprouvions le moindre
embarras à le déclarer. Ajoutons,
pour répondre aussi à la Lanterne,
qu'on ne tolérerait pas davantage des
manifestations comme celles des étu
diants de Madrid qui, en prenant tu
multueusement parti pour les con
gressistes libres-penseurs, montrent
de surcroit combien il est nécessaire
de réprimer un enseignement où la
jeunesse va puiser de pareilles leçons.
A uguste R oussel.
Nous lisons dans le Matin :
On se souvient qu'à la suite de certaine
interview de M. Dumay, directeur des
cultes, relative à l'archevêque de Paris et
publiée par le Malin , le bruit courut que
M- Duraay allait être remplacé.
Ce bruit fut démenti et, de fait, M. Du
may est demeuré directeur des cultes.
Mais si ce dernier n'est point tombé en
disgrâce, le gouvernement n'en parait pas
moins résolu à lui retirer la direction des
cultes, dès qu'il sera possible de lui donner
une honorable compensation.
Nous croyons savoir, en effet, que le nom
de M. Dumay figure actuellement parmi
ceux des candidats à l'un des deux sièges
de conseillers en service ordinaire présen
tement vacants au Conseil d'Etat, et dont
l'autre est hiérarchiquement réservé à ua
maître des requêtes. Ajoutons que ce der
nier semble devoir être M. Camille Lyon,
aujourd'hui chef de cabinet de M- Ricard,
garde des sceaux.
Il n'est point certain, cependant, que M.
Dumay soit nommé cette fois, car il a des
concurrents les plus sérieux, parmi lesquels
on cite notamment M< Bouffet , directeur
des affaires départementales çt communales
au ministère de l'intérieur.
Une autre information, publiée par
divers journaux, porte qu'il serait
question de nommer M. Dumay, non
pas conseiller d'Etat, mais trésorier-
payeur général.
Quoiqu'il en soit, il semble que le
ministère ait compris la nécessité de
remplacer à la direction des cultes, un
personnage dont les grossièretés de
langage à l'endroit de l'èpiscopat et
du clergé sont devenues absolu
ment intolérables.
Mais, comme ces grossières mêmes
le recommandent aux radicaux qui,
depuis deux jours, dans toutes les
feuilles du parti, lui en font honneur et
le déclarent, de ce chef, inamovible
dans le poste qu'il occupe, on s'étudie
à les satisfaire, en dotant leur protégé
d'une fonction supérieure à la sienne.
Reste à savoir si les conseillers
d'Etat et les trésoriers-payeurs géné
raux, encore qu'ils aient été singuliè
rement recrutés depuis plusieurs an
nées, se trouveront bien satisfaits du
nouveau collègue qu'on songe à leur
donner. Il e3t de fait que les propos
prêtés à M. Dumay, sans qu'il les ait
démentis, lui donnent la figure d'un
de ces personnages que met à l'index
toute compagnie qui se respecte. Au-
rait : il quelque droit de se plaindre
s'il était traité de la sorte, lui qui, à en
croire un récit dont on n'a rien con
tredit, se plait à donner couramment
aux évêques des qualificatifs ramassés
dans les porcheries.
Tout le monde — même dans les ré
gions officielles — en est venu à com
prendre qu'un fonctionnaire si mal
embouché ne saurait plus longtemps
rester directeur des cultes. Gomment
se fait-il qu'on ne comprenne pas
qu'il ne peut davantage devenir con
seiller d'Etat ou trésorier général !
Etant données ses habitudes de lan
gage, on ne voit guère que le minis
tère de l'agriculture où l'on pourrait
peut-être trouver l'emploi de ses con
naissances, au service du bétail dont f
le nom revient si souvent sur ses
lèvres.
A uguste R oussel.
Nous lisons dans la Justice :
IL FAUT RÉPONDRE '
M. Paul de Cassagnac vient de poser à
M. de Mackau, — l'ami ancien du silence,
et l'ami nouveau de la République, — une
question qui a son intérêt.
M. Paul de Cassagnac affirme qu'au
temps du boulangisme, M. de Mackau a
encouragé le « brav' général » à tenter un
coup d'Etat militaire.
Nous attendons une dénégation de M. de
Mackau.
Nous l'attendons... et si nous attendons
trop longtemps, nous prendrons la liberté
d'être impatients.
Il peut être commode de jouer les rôles
de muets. Mais ici ce rôle serait hors de
raison. M. de Cassagnac a quelque autorité
dans )a réaction. Si M. de Mackau peut
nier, qu'il nie !
S'il ne peut pas, la tranquillité de son
silence sera troublée !
Nous prenons la liberté d'en diro autant
à M. de Mun, également mis en cause par
M. de Cassagnac. — Camille Pelletan.
Nous croyons que M. Pelletan et la
Justice se proposnt beaucoup plus ici
d'embarrasser M. de Cassagnac que
M. de Mackau.
Mais pourquoi M. Pelletan n'invite--
t-il pas aussi M. Rouvier à s'expliquer
sur la part que lui a donnée M. de Cas-
sagnac dans un autre complot qui
devait également étrangler « la,
gueuse » ?
On lit dans la Semaine Religieuse, du
diocèse de Glermont :
A l'issue des dernières retraites pasto
rales, Mgr l'évêque se fit un devoir de re
dire au Très Saint-Père avec quelle fidélité
et avec quelle consolation, en nos tristes
jours, ces saints exercices sont suivis par la
si digne clergé de notre diocèse ; — il pla
çait, en même temps, sous les yeux du
Pape, le texte de quelques avis plus parti
culiers, donnés alors et acceptés par tous
avec une filiale obéissance ; —■ il communia
quait aussi au Maître suprême de la doc
trine catholique les thèses soutenues pu
bliquement par les élèves du grand sémi
naire, à la fin de la dernière année scolaire ;
— et il exprimait le désir de pouvoir sa
rendre de nouveau à Rome, à l'occasion du
proohain jubilé pontifical.
Sa Sainteté a daigné répondre aussitôt
Elle-même à notre évêque par la lettre sui
vante, que nous sommes heureux de pu
blier :
A Notre Vénérable Frère Jean-Pierrt Boyer f
évêque de Clermont
LÉON XIII, PAPE
Vénérable Frère, salut et bénédiction
apostolique. Nous avonslu aveo une grande
consolation la lettre si pleine d'affectueux
dévouement que vous Nous avez récemment^
envoyée. Elle Nous a permis de constater
le soin vigilant avec lequel vous travaillez,
dans la sainte solitude des retraites, non
seulement à ranimer le zèle de ■votre clergé
dans l'accomplissement de ses devoirs sa
cerdotaux, mais encore à lui donner les
conseils les plus propres à procurer le plus
grand bien des peuples qui lui sont confiés»
Par là, vous répondez parfaitement aux
avis, aux exhortations et aux ordres que
Notre particulière dilection pour là fille aî
née de l'Eglise et l'accomplissement des de
voirs de Nos fonctions apostoliques Noua
ont inspirés. Aussi sommes-Nous grande
ment consolé en apprenant avec quelle
filiale dévotion Nos conseils ont été accep
té» par votre clergé de ce diocèse de Cler
mont, qu9 son esprit religieux place parmi
les premiers diooèses de France. C'est pour
quoi Nous demandons ardemment au Dieu
tout-puissant de daigner conserver toujours
vos fidèles dans la fermeté de leur obéis
sance et de leur soumission envers l'Eglise
et les autres pouvoirs.
Nous vous félicitons du zèle avec lequel
vous poursuivez la propagation des saifltes
pratiques du Rosaire de Marie et des doc
trines de saint Thomas d'Aquin.
Nous bénissons l'espérance que vous
Nous donnez de pouvoir vous renouveler
l'expression de Notre paternelle affection,
l'année prochaine, à l'occasion du cinquan
tième anniversaire de Notre consécration
épiscopale, et Nous vous accordons du fond
du cœur, à vous, à votre clergé et â yotre
peuple, Notre bénédiction apostolique.
Donné à Rome, .près Saint-Pierre, le
2 octobre 1892, la quinzième année de
Notre Pontificat.
LÉON XIII, PAPE.
Nouvelles tendances en religion et en
littérature. — Sous ce titre, M. l'abbé
Félix Klein, professeur de philosophie
à l'école Saint-Etienne à Meaux, va
publier, chez l'éditeur Lecoffre, un
volume dont M. l'abbé Joiniot, vicaire
général de Meaux, a fait la préface.
L'auteur a pris pour épigraphe des
vers de Longfellow, le poète améri
cain, dont voici la traduction :
« Laisse le passé mort ensevelir ses
morts. Agis, agis dans le présent qui
est la vie, ton cœur dans ta poitrine,
Dieu au-dessus de ta tête ».
Nous ne saurions mieux faire con
naître ce volume, d'une saisissante
actualité, qu'en reproduisant quelques
pages de la préface de M. l'abbé Joi
niot. Après avoir dit que l'auteur
avait au moins le mérite « d'être jeune
et d'espérer, ce qui n'est plus banal ;
d'être prêtre et pourtant sympathique
à son siècle ; de chercher, avec un es
prit renouvelé, à le comprendre dans
ce qu'il a de noblement inquiet ; de
découvrir le divin qui palpite encore
en lui et le trouble ; de l'aimer, sans
méconnaître ses défauts, dans tout ce
qu'il a de bon ; d'être ébranlé de ses
aspirations, d'être ému de ses souf
frances », il continue ainsi:
Dans notre monde d'aujourd'hui il y a
deux camps, les croyants et les incroyants ;
et dans chaque camp la même foi ou la
même absence de foi se manifeste aveo des
tendances bien opposées, en formant
comme deux légions disttnctes.
Parmi les croyants, il y a ceux qui, s'en-
fermant dans le passé, derrière les vieilles
murailles, ne conçoivent pas l'Eglise sous
une autre forme que la forme ancienne,
semblent n'avoir pas le sens de cette vérité,
que l'Eglise est un organisme vivant et que,
sans changer dans ses dogmes, dans sa
structure intime, dans son fond divin, elle a
toujours dû et devra toujours se renouveler
selon les nécessités du moment, se faire à
la contingence des choses, s'adapter au mi
lieu, et façonner, quelle qu'en soit la qua
lité, sans jamais ea faire fi. l'argile humaine
qui s'offre à ses doigts d'ouvrière divine.
Ces espi'its lô, aux époques de renouvelle
ment comme la nôtre, sont facilement dé
concertés, scandalisés : ils refusent à tout
ce qui surgit le droit à l'existence ; ils es
saient, en analhématisant ce-qui na}t, de
galvaniser ce qui se meurt, et, les yeux
fermés, la désespérance au cœur, crient
que c'est la fin de tout.
Mais il en est d'autres qui ne se troublent
H* 8934- —■ Edition qaotidLiaun»
Lundi 17 Octobre 1892
édition
Cn an . „ .
Six mois . .
Trois mois.
QÛ OTID IENNÊ
ÉTRANGER
(UNION' POSTALB)
69 »
ÉDITIOM BEUUQXtçmSSMKKK
PARIS
II DÉPARTEMENTS
. . 56 »
. . 28 50
. . 15 »
34
té
iLes abonnements partent des 1« et 16 de cltaque mois
tIN NUMÉRO f * 5ar 'i s • 13 cent.
WUMBRO 1 D éparté ménts . . . 20 —
ÊUftÈAUX î Parisf 10, rue des Saints-Pères
On «'abonne à Rome, place dtt Qesù, 8
PARIS
• ■ Bï DÉPARTEMENTS
On- an . 30 »
Six mois. . . . , 16 »
Trois mois. ... 8 50
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i'OIYIilS ne refond pas des manuscrits p loi sost adressât
annonces
W LAGRANGE, CERF et G", 6, place de la Bouts# '
FRANCE
PARIS, 16 OGTOBRE 1890
Nous avans aujourd'hui deux élec
tions sénatoriales, l'une dans le Cal
vados, l'autre dans la Haute^Vieïme ;
il s'agit de remplacer deux républi
cains assez modérés, MM. Lavalley et
Teisserenc de Bort.
Dans le Calvados, quatre candidats
sont en présence, tous républicains :
MM. le général Fay, ancien comman
dant du 12* corps d'armée ; Duchés
nes-Fournel, ancien député républi
cain de Pont-l'Evêque ; Anne, conseil
ler général de Bourguebus, et Legoux-
Longpré.
Dans la Haute-Vienne, cinq candi
dats, également républicains, se
trouvent en présence : M. Albert Le
Play, fils de l'économiste radical bien
connu ; Jean Godet, ancien député de
Rochechouard ; Pierre Leyssenne,
inspecteur général de l'instruction
publique ; Jules Martin, inspecteur
général des ponts et chaussées ; Au
bin Ghaussade, avocat à Limoges. On
peut espérer que M. Albert Le Play
s'inspirerait des enseignements de
son illustre père, ét cela seul suffit à
le faire préférer à ses concurrents de
nuances plu9 ou moins mauvaises.
On avait raison de ne pâs croire à
uo Conflit entre M. Rouvier et la com
mission du budget; l'accord s'est fait
hier, et la commission a « bouclé le
budget », suivant l'expression connue.
Seulement, l'équilibre obtenu est-il
bien réel? Il ést permis d'en douter.
Avec une complaisance peu méri
toire, le ministre das finances a sacri
fié son budget, ajournant les réfor
mes qu'il avait annoncées avec un
certain tapage. G'est à ce prix qu'on
garde son portefeuille.
D'après certains nouvellistes, la
question de Garmaux viendrait dès
mardi à la Chambre des députés ; d'a
près d'autres, M. Dupuy-Dutemps de
manderait la discussion pour jeudi,
afin de permettre le retour des dépu
tés qui font de- si belle besogne auprès,
des mineurs.
Nous devons signaler que même des
députés et sénateurs radicaux ou au
moins bien près du radicalisme com
mencent à trouver qu'on va bien loin
dans les encouragements donnés aux
grévistes de Carmaux; nous publions
plus loin une lettre de M. Marquis, sé
nateur de Meurthe-et-Moselle, qui re
fuse son concours à une' réunion en
l'honneur desdits grévistes parce que
cela ne le regarde'pas et qu'il n'admet
pas qu'il s'agisse à Carmaux d'une
question intéressant les droits des syn
dicats ouvriers. Une dépêche nous
avait déjà signalé un refus analogue
de M. Yollant.
Est-ce que la question du Panama
viendrait prochainement s'éclairer
devant la justice? On annonce que
M. le procureur général, Quesnay de
Beaurepaire, a remis au ministre de la
justice son rapport et celui du juge
d'instruction. Les conclusions des
deux rapports seraient absolument
contraires : pendant que le juge d'ins
truction se prononcerait pour l'aban
don de l'affaire, M. le procureur gé
néral réclamerait énergiquement des
poursuites.
On dit même qué, dans le conseil
de cabinet tenu hier, les ministres se
seraient occupés de cette grave ques
tion. Toutefois rien ne l'indique dans
les comptes rendus donnés par les
agences et journaux officieux.
A en croire les dépêches de Y Agence
Havas, on serait fort mécontent à
Berne des difficultés que rencontre
l'approbation du traité franco-suisse ;
on irait jusqu'à menacer la France
d'un tarif spécial. Nous doutons que
la Suisse s'engage dans cette lutte de
tarifs qui pourrait bien tourner contre
elle ; l'exempie de l'Italie l'éclairera.
Nous verrions volontiers, dans ces dé
pêches quelque peu exagérées d'une
agence officieuse, un moyen de peser
sur les décisions de la Chambre et de
servir le ministère que M.Jules Roche
a engagé un peu trop vite.
L'esprit conservateur
Une des grandes difficultés que la
situation impose au parti des hon
nêtes gens consiste à trouver une as
siette électorale. Il ne faut pas s'y
tromper : les programmes ne sont
jamais difficiles à faire ; le difficile
est d'en dégager l'essence et de les
présenter au peuple sous une formule
claire, courte et séduisante. Disons
plus : il faut trouver des mots. Autre
fois c'étaient les chansons. Le parti
républicain a excelîé, de tous temps,
dans ces trouvailles ; les conservateurs
n'ont jamais fait que le suivre dans
cette voie, reprenant pour leur
compte, dix ans après, des mots de
ralliement dont leurs adversaires ne
se servaient déjà plus.
Déjà peut-être ont-ils mal fait de
s'intituler conservateurs. Le mot aura
un sens demain ; hier, il était nébu
leux. Remarquez que de toutes les
choses que nous étions ouvertement
résolus à conserver, la seule que le
parti républicain ait non moins ou
vertement attaquée* c'est la religion.
A ce point de vue, catholique eût
sonné plus fier et plus clair que con
servateur. Pour le reste, administra
tion, finances, magistrature, l'action
du parti a été plutôt dissolvante, et, il
faut bien le dire, la démocratie élfec-
torale n'a nullement le sens du dissol
vant.
Relativement à la propriété, syn
thèse des intérêts matériels, il y a eu,
à la charge du personnel gouvernant
et légiférant, des imprudences, des
faiblesses, voire quelques mauvaises
intentions : de menace directe, pas
encore. Le sol est miné, la surface
nette. Or, encore un coup, l'électeur
ne regarde pas ce qui se passe sous
terre. Il a vu la République et la pro
priété vivre en bonne intelligence,
au grand soleil, et celle-ci même
compter sur celle-là. Pour beaucoup,
le perturbateur, l'homme qui devait
bouleverser les conditions économi
que, par le contre-coup d'une com
motion politique, c'était le candidat
de l'opposition. Dans les circonscrip
tions qui ont conservé le véritable
esprit opportuniste, l'ordre continue
à être incarné par le ministère. Et
démontrer à tous ces électeurs que le
ministère, par sa filiation, par ses
tendances, par sa passion anticléri
cale, est l'adversaire inconscient de
l'ordre même matériel, c'est lui faire
un cours de philosophie que la briè
veté des affiches électorales ne com
porte pas.
Le parti républicain, à ses débuts,
n'a pas commis la faute de se dire
ami de l'ordre. Ce mot lui eût fait
perdre le# électeurs révolutionnaires,
dont il avait besoin; il eût plutôt ef
farouché que rassuré le petit proprié
taire. Le respect des biens, de tout ce
qui constitue et prolonge la liberté in
dividuelle, est si intimement lié,'pour
celui-ci,à la notion du gouvernement,
que toute déclaration à cet égard lui
paraît superflue et le porte même à
soupçonner son auteur d'arrière-peif-
sée. Il est souvent dangereux, avec
l'électeur, de pérorer sur l'évidence.
Protestez-lui d'opinions qu'il n'a ja
mais supposées contestables, c'est le
dialogue d'Harpagon et de La Flèche :
HARPAGON
J ô tremble qu'il n'ait soupçonné quelque
chose de mon argent... Ne serais-tu pas
homme à faire oourir le bruit que j'ai de
l'argent caché ?
LA FLÈCHE
Vous avez de l'argent oaché ?
La conclusion est méfiante, et rien
de plus naturel.
Le parti conservateur, lui, a com
mencé par crier à l'ordre. Il avait rai
son, au fond; les apparences lui don
naient tort. Sur le tard, il s'est récla
mé de la liberté, et l'a énergiquement
promise, alors que, la voyant débor
der, personne n'en demandait plus. Il
a aussi protesté contre les violations
du droit, dans les congrégations, dans
la magistrature, etc. Mon Dieu, comme
nous connaissions peu la masse ! quel
degré d'affinement nous lui prêtions,
en nous imaginant que de pareils
éclats pouvaient devenir populaires !
— Je me souviens avoir entendu un
procureur démissionnaire, honnête
homme et suffisant parleur, tenir deux
heures une réunion publique sous le
charme d'une, théorie concluant à l'il
légalité des décrets! On l'écouta, car
le peuple aime entendre parler, et le
roulement continu des mots lui char
me l'oreille. Mais à la sortie, un in
connu cria : « Vive la République ! —
« Vive la République ! » fut-il répondu
en chœur. Le procureur était réfuté.
Il est incontestable, toutefois, qu'en
fait de tactique électorale, les conser
vateurs n'en sont plus aux innocences
de ce temps-là. On peut juger diver
sement et sévèrement l'attitude de la
droite parlementaire. Mais quiconque
a vu « travailler » une élection, —
surtout dans les départements dont le
Èarti républicain a pris possession de
onne heure et où il a eu le temps de
se faire juger — reconnaîtra aux ca
dres de l'armée conservatrice une
sorte d'éducation technique au moins
égale à celle de 1 eurs adversaires. Ce
n'est pas tout à fait naître à la vie po
litique : c'èst à coup sûr s'éveiller à la
science du scrutin. Et ce qui prouve
combien, dans le peuple, on a l'intel
ligence de cette petite guerre, c'est
que de simples paysans, sentant très
bien toute l'infériorité que leur in
fligeait l'ondoyante formule con
servatrice, ont ramené — et avec
succès — les questions politiques au
cadre des questions de clocher. Dans
l'état de flottement où nous laissaient
nos programmes, groupés autour d^un
drapeau aussi honorable qu'indécis,
c'est tout ce qu'il y avait à faire, et
c'est ce qui a été fait. La vie munici
pale, les conflits dont elle est l'occa
sion, les ambitions vulgaires qu'elle
éveille, ont fourni aux conservateurs
intelligents le terrain sur lequel il
Convenait d'attirer leurs adversaires.
Règle générale, quand, dans un vil
lage, un parti a été organisé solide
ment en vue des élections communa
les, ses chefs le portent en avant, au
moment des élections législatives, et
le font voter, non pour un principe,
mais contre le concurrent du candidat
des autres.
Qui ne tient pas compte — faute
de le connaître — de ce double élé
ment : décentralisation de la stratégie
électorale, caractère purement négatif
de certains votes, ne s'expliquera ja
mais que, dans des régions profondé
ment imbues de l'idée républicaine
la lutte contre la République ait pu
dlifer si longtemps. Au fond c'est du
procédé, et je reste convaincu que
ceux-là mêmes qui l'ont employé aVed
succès seraient bien embarrassés d'en
expliquer le fin du fin, le squelette
philosophique. Gar, s'ils étaient philo
sophes, assurément ils n'auraient pas
trouvé un aussi bon tour.
Ce qu'on peut dire, c'est qu'en adop
tant cette tactique, la démocratie
honnête a cédé à l'instinct conserva
teur, se serrant, pendant l'orage, au
tour d'intérêts étroits, mais bien défi
nis ; ne cherchant pas à battre, sur
leur propre terrain, les théoriciens et
les hâbleurs ; et conservant, en somme,
au corps électoral de l'avenir, un
noyau raisonnable et discipliné. Nom
bre d'esprits,, parmi lesquels beaucoup
d'esprits chrétiens , sont présente
ment portés vers les réformes socia
les, les jugent nécessaires et les défi
nissent. Eh bien pour que la révolution
morale et économique ne manque pas
son but et se développe aveeunmtm-
mum de heurts, il faut qu'elle s'opère
derrière un rideau de bonnes élections.
L'erreur commune à tous les hommes
de théorie consiste à croire qu'ils tra
vaillent sur une matière neuve et que le
monde cesse de marcher pendant
qu'ils délibèrent. Ils sont tout étonnés,
quand ils apportent leur système,
qu'en cours ae préparation, et sou
vent à leur insu, ce système ait été
déjà essayé, ou dénaturé, ou rendu
inopportun par les circonstances. Ce
lui qui joue le rôle de mécanicien so
cial est sur une machine en mouve
ment : il faut que d'autres, destinés
par la Providence à ce but plus hum
ble, assurent la sécurité de la voie.
Ces autres, dans un temps de suffrage
universel et dans un pays perpétuel
lement remué par les élections, ce
sont des hommes d'action, rompus à
la tactique du scrutin, de très fins et
de très ignorés diplomates de village,
tout à fait incapables de concevoir et
lents à approuver un nouveau sys
tème, mais prédestinés à en faciliter
la mise en œuvre. Et, pour parler franc,
c'est le vieil élément conservateur,
bourgeois ou peuple, qui, contre
vents et marée, fait campagne depuis
vingt ans.
Le moment semble approcher, du
reste, où les événements donneront
un sens à l'étiquette indécise qu'il
portait jusqu'à ce jour. Le mot « con
servateur » aura une signification très
nette pour la masse le jour où, soit
par la loi, soit par le fait, le droit de
propriété subira un premier assaut.
Il s'idenlifiera alors avec le titre de
défenseur de la propriété, qui n'est
nullement discrédité, comme prud'-
hommesque, chez les populations ru
rales. A ce moment, le candidat con
servateur ne sera plus seulement
l'homme d'une tendance honnête,
mais d'une idée précise, avantage
considérable qui, jusqu'à présent, lui
a échappé. Ce sont les radicaux, les
outranciérs qui se trouveront em
broussaillés dans leurs systèmes et
que le cri de « Vive la République ! »
ne dispensera pas d'explication. Alors,
enfin, il ne sera plus superflu ds se
dire candidat de l 'ordre, et on décou
vrira ce qu'il y avait de caché sous
cette terminologie si décriée du
Seize-Mai, parce qu'alors la relation
entre l'ordre et la poche sera établie,
et la vulgarité de cette pauvre nature
humaine souffre que l'entrain re
monte de la poche au cœur.
On ne saurait nier que les mineurs
de Garmaux, ou plutôt les énergumè-
nes qui les dirigent, ne travaillent ac
tivement à refaire à la notion et à l'é-
pithète conservatrice cette virginité
dont elles ont besoin. Là, le choc en
tre la souveraineté et la propriété, si
bien préparé par les doctrines de 89,
est retentissant. La souveraineté choi
sit pour maire qui bon lui semble. Qui
bon lui semble aussi la propriété en
tend employer et salarier. Toutes
deux étant adossées à des principes
— et à des principes que la masse des
électeurs tient également pour axio
mes, — le tort de la souveraineté, de
vant l'opinion, est de quitter les re
tranchements du sien pour assaillir
l'autre. Devant l'opinion, habituée à
la coexistence paisible de la souverai
neté et la propriété, qui constitue à
peu près tout son évangile politique,
c'est acte de perturbateur. Un Référen
dum là-dessus, chez les ruraux, don
nerait un résultat presque unanime.
Et si l'on parvenait à leur mettre en
tête que le conservateur est précisé
ment celui qui n'entend pas mettre la
propriété à la discrétion du suffrage
universel, l'étiquette conservatrice
deviendrait aussi prestigieuse qu'elle
est impopulaire depuis longtemps.
On trouve des syptômes de cet état
d'esprit dans la presse opportuniste,
confinant même au radicalisme pru
dent, laquelle, plus encore en province
qu'à Paris, commence à gronder et
flaire le péril. Dans un journal qui me
tombe sous les yeux,et qui est l'un des
organes de la démocratie du Haut-
Jura, je relève ces lignes significa
tives :
Du reste, la charge de maire n'est jpas
obligatoire, si M. Galvigaac ne peut la rem
plir sans vivre aux crochets de quelqu'un, il
est moins indépendant que le domestique
attaché à la personne (auquel les fonctions
municipales ssnt interdites) et il a pour pre-
cmier devoir de démissionner.
Voilà une solution, et c'est lin dé
mocrate qui la donne, l'élu de Morez,
ville de réputation avancée. Si vous
n'êtes pas assez riche pour être maire,
cherchez des rentes ! C'est à faire
bondir un théoricien : le bon sens ru
ral n'est pas du tout scandalisé.
J'ai entendu exprimer lafcrainte que,
le jour où le socialisme commencera à
passer dans les faits, les « braves
gens » courberont la tête une fois de
plus, et ne se montreront pas des
gens braves. Là-dessus, on cite l'his
toire, et on gémit. Il ne faut pas s'y
fier. Dans la lutte contre le socialisme,
qui doit être le premier souci de tous
les hcmmes d'action, les braves gens
apporteront une certaine expérience
de la vie publique qui leur manquait
autrefois ; de plus, ils ne seront pas
seuls. Il est permis d'espérer qu'atti
rant dans leur orbite une foule d'é
chauffés de la politique qui sont, au
fond, des conservateurs sociaux, ils
donneront aux justes réformes le
temps d'aboutir et répondront aux au
tres de façon péremptoire. Tel nous
paraissent être l'avenir et le rôle de l'es
prit conservateur, indépendant de
toutes les formes de gouvernement,
et peut-être plus nécessaire à la Répu
blique qu'à toutautre.
CHARLBS LOISEÀU.
Une dépêche d'Espagne nous a fait
savoir que le gouvernement de ce
pays avait dissous le congrès interna
tional des libre-penseurs, qui s'étaient
rassemblés à Madrid pour y faire
assaut de blasphèmes, et que des pour
suites étaient ordonnées contre les
orateurs.qui ont péroré dans ledit
congrès.
On ne peut qu'applaudir à cette dé
cision, tout en regrettant qu'une me
sure beaucoup plus simple encore et
plus efficace, celle de l'interdiction ne
l'ait pas rendue inutile. On eût ainsi
évité, avec le scandale de la publica
tion des discours incriminés, leur fâ
cheux retentissement. Il est bien dif
ficile, en effet, d'éviter la publicité ju
diciaire qui sera donnée forcément à
ces discours, et dont la peine infligée
à leurs auteurs ne sera toujours
qu'une insuffisante compensation.
Naturellement, les journaux impies
crient à l'intolérance et, comme il s'a
git de l'Espagne,à l'Inquisition. « L'Es
pagne, s'écrie Y Intransigeant, voudrait-
elle nous rappeler qu'elle est le pays
d'origine de l'Inquisition? » Et, par
cette question, l'organe du citoyen
Rochefort s'imagine apparemment
qu'il embarrassera beaucoup les Espa
gnols. Or s'il est un souvenir dont
l'Espagne ait sujet, à bon droit, d'être
fière, c'est précisément celui dont Y In
transigeant prétend lui faire honte.
On doit même constater que tous
les historiens impartiaux — et plu
sieurs sont loin d'être catholiques —
sont d'accord pour féliciter les Espa
gnols d'une institution qui. malgré
des abus inévitables, a rendu tant d'é-
minents services à leur pays. Mais
l'on sait trop que Y Intransigeant n'a
nul souci des leçons de l'histoire.
Aussi, passe t-il à côté de cette ques
tion pour s'exclamer encore sur l'in
tolérance dont fait preuve le gouver
nement madrilène. « On chercherait
vainement, dit-il, à la fin du XIX* siè
cle, une nation civilisée osant prendre
dépareilles "mesurs à l'égard :de con
gressistes réunies pour discuter des
questions purement philosophiques. »
S'il ne s'agissait que de « questions
purement philosophiques », on pour
rait, en effet, discuter l'opportunité
d'une mesure qui les interdirait com
plètement. Maïs tout le monde sait
qu'il s'agit de bien autre chose, et si
Y Intransigeant, qui ne l'ignore pas,
éprouve le besoin de dissimuler le
véritable caractère des discours pro
noncés au congrès libre-penseur, c'est
qu'il sent à merveille —et comme
d'instinct — que s'il le découvrait, son
exclamation pourrait facilement se re
tourner contre lui.
De fait, comment une nation peut-
elle se dire civilisée quand elle tolère
la négation publique de l'existence
de Dieu ? N'est-ce point plutôt un té
moignage de véritable sauvagerie
qu'une pareille tolérance puisque de
tels blasphèmes s'attaquent au fond
même de tout ordre social? A coup
sûr, le gouvernement espagnol de
M. Canovas ne passe point pour s'ins
pirer d'un catholicisme intransigeant;
plus d'une fois même, les catholiques
ont eu et auront encore à lui faire
des reproches assez sévères sur
l'abandon qu'il fait d'un trop grand
nombre des devoirs qui incombent au
pouvoir, dans une nation catholique.
Si donc il a pris la mesure dont il s'a
git, c'est que l'audace des blasphé
mateurs avait réellement dépassé
toute mesure. D'ailleurs, nou3 le ré
pétons, c'est faire acte de civilisation
au premierjchef que de prendre, contre
les négations insolentes de l'impiété,
la défense des vérités sans lesquelles
nulle société ne saurait vivre et
bien triste, à ce point de vue, est (l'état
de l'Europe s'il ne se trouve qu'un
pays où les gouvernants sachent com
prendre et remplir leur devoir à ce
sujet. Quand clotîô, donnant pour ral
liement aux libres-penseurs le mot de
Voltaire : Ecrasons l'infâme, Y Intran
sigeant ajoute que « si les cléricaux
éiaient les plus forts, ce qui se passe
aujourd'hui à Madrid se passerait de
main à Paris », il ne se trompe pas.
Oui, certes, si les catholiques étaient
les plus forts, ils interdiraient ou ré
primeraient les manifestations du
genre de celles qui viennent de dé
shonorer Madrid et l'on ne suppose
pas que nous éprouvions le moindre
embarras à le déclarer. Ajoutons,
pour répondre aussi à la Lanterne,
qu'on ne tolérerait pas davantage des
manifestations comme celles des étu
diants de Madrid qui, en prenant tu
multueusement parti pour les con
gressistes libres-penseurs, montrent
de surcroit combien il est nécessaire
de réprimer un enseignement où la
jeunesse va puiser de pareilles leçons.
A uguste R oussel.
Nous lisons dans le Matin :
On se souvient qu'à la suite de certaine
interview de M. Dumay, directeur des
cultes, relative à l'archevêque de Paris et
publiée par le Malin , le bruit courut que
M- Duraay allait être remplacé.
Ce bruit fut démenti et, de fait, M. Du
may est demeuré directeur des cultes.
Mais si ce dernier n'est point tombé en
disgrâce, le gouvernement n'en parait pas
moins résolu à lui retirer la direction des
cultes, dès qu'il sera possible de lui donner
une honorable compensation.
Nous croyons savoir, en effet, que le nom
de M. Dumay figure actuellement parmi
ceux des candidats à l'un des deux sièges
de conseillers en service ordinaire présen
tement vacants au Conseil d'Etat, et dont
l'autre est hiérarchiquement réservé à ua
maître des requêtes. Ajoutons que ce der
nier semble devoir être M. Camille Lyon,
aujourd'hui chef de cabinet de M- Ricard,
garde des sceaux.
Il n'est point certain, cependant, que M.
Dumay soit nommé cette fois, car il a des
concurrents les plus sérieux, parmi lesquels
on cite notamment M< Bouffet , directeur
des affaires départementales çt communales
au ministère de l'intérieur.
Une autre information, publiée par
divers journaux, porte qu'il serait
question de nommer M. Dumay, non
pas conseiller d'Etat, mais trésorier-
payeur général.
Quoiqu'il en soit, il semble que le
ministère ait compris la nécessité de
remplacer à la direction des cultes, un
personnage dont les grossièretés de
langage à l'endroit de l'èpiscopat et
du clergé sont devenues absolu
ment intolérables.
Mais, comme ces grossières mêmes
le recommandent aux radicaux qui,
depuis deux jours, dans toutes les
feuilles du parti, lui en font honneur et
le déclarent, de ce chef, inamovible
dans le poste qu'il occupe, on s'étudie
à les satisfaire, en dotant leur protégé
d'une fonction supérieure à la sienne.
Reste à savoir si les conseillers
d'Etat et les trésoriers-payeurs géné
raux, encore qu'ils aient été singuliè
rement recrutés depuis plusieurs an
nées, se trouveront bien satisfaits du
nouveau collègue qu'on songe à leur
donner. Il e3t de fait que les propos
prêtés à M. Dumay, sans qu'il les ait
démentis, lui donnent la figure d'un
de ces personnages que met à l'index
toute compagnie qui se respecte. Au-
rait : il quelque droit de se plaindre
s'il était traité de la sorte, lui qui, à en
croire un récit dont on n'a rien con
tredit, se plait à donner couramment
aux évêques des qualificatifs ramassés
dans les porcheries.
Tout le monde — même dans les ré
gions officielles — en est venu à com
prendre qu'un fonctionnaire si mal
embouché ne saurait plus longtemps
rester directeur des cultes. Gomment
se fait-il qu'on ne comprenne pas
qu'il ne peut davantage devenir con
seiller d'Etat ou trésorier général !
Etant données ses habitudes de lan
gage, on ne voit guère que le minis
tère de l'agriculture où l'on pourrait
peut-être trouver l'emploi de ses con
naissances, au service du bétail dont f
le nom revient si souvent sur ses
lèvres.
A uguste R oussel.
Nous lisons dans la Justice :
IL FAUT RÉPONDRE '
M. Paul de Cassagnac vient de poser à
M. de Mackau, — l'ami ancien du silence,
et l'ami nouveau de la République, — une
question qui a son intérêt.
M. Paul de Cassagnac affirme qu'au
temps du boulangisme, M. de Mackau a
encouragé le « brav' général » à tenter un
coup d'Etat militaire.
Nous attendons une dénégation de M. de
Mackau.
Nous l'attendons... et si nous attendons
trop longtemps, nous prendrons la liberté
d'être impatients.
Il peut être commode de jouer les rôles
de muets. Mais ici ce rôle serait hors de
raison. M. de Cassagnac a quelque autorité
dans )a réaction. Si M. de Mackau peut
nier, qu'il nie !
S'il ne peut pas, la tranquillité de son
silence sera troublée !
Nous prenons la liberté d'en diro autant
à M. de Mun, également mis en cause par
M. de Cassagnac. — Camille Pelletan.
Nous croyons que M. Pelletan et la
Justice se proposnt beaucoup plus ici
d'embarrasser M. de Cassagnac que
M. de Mackau.
Mais pourquoi M. Pelletan n'invite--
t-il pas aussi M. Rouvier à s'expliquer
sur la part que lui a donnée M. de Cas-
sagnac dans un autre complot qui
devait également étrangler « la,
gueuse » ?
On lit dans la Semaine Religieuse, du
diocèse de Glermont :
A l'issue des dernières retraites pasto
rales, Mgr l'évêque se fit un devoir de re
dire au Très Saint-Père avec quelle fidélité
et avec quelle consolation, en nos tristes
jours, ces saints exercices sont suivis par la
si digne clergé de notre diocèse ; — il pla
çait, en même temps, sous les yeux du
Pape, le texte de quelques avis plus parti
culiers, donnés alors et acceptés par tous
avec une filiale obéissance ; —■ il communia
quait aussi au Maître suprême de la doc
trine catholique les thèses soutenues pu
bliquement par les élèves du grand sémi
naire, à la fin de la dernière année scolaire ;
— et il exprimait le désir de pouvoir sa
rendre de nouveau à Rome, à l'occasion du
proohain jubilé pontifical.
Sa Sainteté a daigné répondre aussitôt
Elle-même à notre évêque par la lettre sui
vante, que nous sommes heureux de pu
blier :
A Notre Vénérable Frère Jean-Pierrt Boyer f
évêque de Clermont
LÉON XIII, PAPE
Vénérable Frère, salut et bénédiction
apostolique. Nous avonslu aveo une grande
consolation la lettre si pleine d'affectueux
dévouement que vous Nous avez récemment^
envoyée. Elle Nous a permis de constater
le soin vigilant avec lequel vous travaillez,
dans la sainte solitude des retraites, non
seulement à ranimer le zèle de ■votre clergé
dans l'accomplissement de ses devoirs sa
cerdotaux, mais encore à lui donner les
conseils les plus propres à procurer le plus
grand bien des peuples qui lui sont confiés»
Par là, vous répondez parfaitement aux
avis, aux exhortations et aux ordres que
Notre particulière dilection pour là fille aî
née de l'Eglise et l'accomplissement des de
voirs de Nos fonctions apostoliques Noua
ont inspirés. Aussi sommes-Nous grande
ment consolé en apprenant avec quelle
filiale dévotion Nos conseils ont été accep
té» par votre clergé de ce diocèse de Cler
mont, qu9 son esprit religieux place parmi
les premiers diooèses de France. C'est pour
quoi Nous demandons ardemment au Dieu
tout-puissant de daigner conserver toujours
vos fidèles dans la fermeté de leur obéis
sance et de leur soumission envers l'Eglise
et les autres pouvoirs.
Nous vous félicitons du zèle avec lequel
vous poursuivez la propagation des saifltes
pratiques du Rosaire de Marie et des doc
trines de saint Thomas d'Aquin.
Nous bénissons l'espérance que vous
Nous donnez de pouvoir vous renouveler
l'expression de Notre paternelle affection,
l'année prochaine, à l'occasion du cinquan
tième anniversaire de Notre consécration
épiscopale, et Nous vous accordons du fond
du cœur, à vous, à votre clergé et â yotre
peuple, Notre bénédiction apostolique.
Donné à Rome, .près Saint-Pierre, le
2 octobre 1892, la quinzième année de
Notre Pontificat.
LÉON XIII, PAPE.
Nouvelles tendances en religion et en
littérature. — Sous ce titre, M. l'abbé
Félix Klein, professeur de philosophie
à l'école Saint-Etienne à Meaux, va
publier, chez l'éditeur Lecoffre, un
volume dont M. l'abbé Joiniot, vicaire
général de Meaux, a fait la préface.
L'auteur a pris pour épigraphe des
vers de Longfellow, le poète améri
cain, dont voici la traduction :
« Laisse le passé mort ensevelir ses
morts. Agis, agis dans le présent qui
est la vie, ton cœur dans ta poitrine,
Dieu au-dessus de ta tête ».
Nous ne saurions mieux faire con
naître ce volume, d'une saisissante
actualité, qu'en reproduisant quelques
pages de la préface de M. l'abbé Joi
niot. Après avoir dit que l'auteur
avait au moins le mérite « d'être jeune
et d'espérer, ce qui n'est plus banal ;
d'être prêtre et pourtant sympathique
à son siècle ; de chercher, avec un es
prit renouvelé, à le comprendre dans
ce qu'il a de noblement inquiet ; de
découvrir le divin qui palpite encore
en lui et le trouble ; de l'aimer, sans
méconnaître ses défauts, dans tout ce
qu'il a de bon ; d'être ébranlé de ses
aspirations, d'être ému de ses souf
frances », il continue ainsi:
Dans notre monde d'aujourd'hui il y a
deux camps, les croyants et les incroyants ;
et dans chaque camp la même foi ou la
même absence de foi se manifeste aveo des
tendances bien opposées, en formant
comme deux légions disttnctes.
Parmi les croyants, il y a ceux qui, s'en-
fermant dans le passé, derrière les vieilles
murailles, ne conçoivent pas l'Eglise sous
une autre forme que la forme ancienne,
semblent n'avoir pas le sens de cette vérité,
que l'Eglise est un organisme vivant et que,
sans changer dans ses dogmes, dans sa
structure intime, dans son fond divin, elle a
toujours dû et devra toujours se renouveler
selon les nécessités du moment, se faire à
la contingence des choses, s'adapter au mi
lieu, et façonner, quelle qu'en soit la qua
lité, sans jamais ea faire fi. l'argile humaine
qui s'offre à ses doigts d'ouvrière divine.
Ces espi'its lô, aux époques de renouvelle
ment comme la nôtre, sont facilement dé
concertés, scandalisés : ils refusent à tout
ce qui surgit le droit à l'existence ; ils es
saient, en analhématisant ce-qui na}t, de
galvaniser ce qui se meurt, et, les yeux
fermés, la désespérance au cœur, crient
que c'est la fin de tout.
Mais il en est d'autres qui ne se troublent
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