Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-08-18
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 18 août 1892 18 août 1892
Description : 1892/08/18 (Numéro 8874). 1892/08/18 (Numéro 8874).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k707795h
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 18 Août 1892
N* 8874. — Edition quctidienûé
Jeudi 18 Août 1892
mosM
ÉDITION
On an . . .
Six mois . .
Trois mois.
QUOTIDIENNE
ÉTRANGER
(union pôstalb)
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS
ST DÉPARTEMENT»
. . 55 »
. . 28 50
. . 15 »
66 »
34 »
18 »
Les abonnements parten t des 1 » et 16 de' chaque mois
un numéro ( £? ri3 oent ''
( Départéménts . . , 20 —
BUREAUX î Paris, 10, rue des Saints-Pères
On «'abonne i. Rome, place du Ge »ù, 8
Un an . . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
■I DÉPARTEMENTS
» i ' 30' u
. . 16 »
. . 8 50
ÉTRANGER.
(union post&li)
• 86 ' »
19 »
10 »
Les abonnements partent des 1» et 16 de chaque moîe
AWYIRS ni répond pas des moscriisp lui sont adressai
ANNONCES
. LAGRANGE, CERF et C'», 6> plaoe de là Bourse *
FRANCE
PARIS, 17 AOUT 1398
Les nouvelles des grèves ne laissent
jusqu'ici aucun espoir de les voir tout
de suite apaisées. Celles d'Amérique se
distinguent, nous l'avons déjà dit, par
une sauvagerie peu commune, de la
quelle on doit espérer que ne se rap
procheront pas celles du Tarn ou du
Pas-de-Galais. A Paris, la grève des
employés d'omnibus paraît écartée,
mais celle des cochers prend plus d'é
tendue. Il y a en outre une grève de
cordonniers plus ou moins en pers
pective.
Conformément" à ses traditions, le
parti impérialiste a banqueté le 15 août
a Paris sous la présidence de M. En-
gerand, député du Calvados,qui a pro
noncé une sorte de discours-pro
gramme dont s'occupent quelques
journaux. Après avoir dit que lé gé
néral Boulanger eût triomphé s'il avait
suivi les conseils de M. Georges Thié-
baud, l'orateur a signalé la question
antisémite comme devant être désor
mais l'article principal du programme
impérialiste.
Nous reproduisons ailleurs une let
tre de sir Charles Dilke au Matin, où. il
est dit que la : convention de 1887 rela
tive à l'Egypte n'a échoué « que parce
que la France souleva de3 difficultés
en ce qui concerne la forme de la ré
daction » de cet acte. A cet égard, il
nous semble que les souvenirs de sir
Charles Dilke le servent malr Les ré
sistances de la France ont porté sur
une question qui n'était pas seulement
de forme. Par conséquent, il faudrait,
pour la faire revenir aujourd'hui sur
son refus d'alors, autre chose qu'un
simple changement de rédaction.
VIndépendance. Belge constate que
les Salutistes sont loin de gagner du
terrain dans les sympathies de la po
pulation belge.
Dimanche, à l'occasion de l'arrivée
du major Booth, fils du général en chef
de l'Armée du salut, la section bruxel
loise avait organisé une manifesta
tion. Précédés d'une fanfare, les salu
tistes, vêtus de rouge, ont parcouru
Plusieurs rues de la ville au milieu
es huées et des quolibets de la foule.
A certain moment, le tumulte est de
venu tellement intense que la police
dut intervenir pour protéger les mani
festants contre l'hostilité de la foule.
.Voyant l'insuccès de leur tournée, les
"Salutistes sont rentrés dans leur local
du boulevard Baudouin', poursuivis
par des centaines de personnes qui
ont stationné jusqu'au soir en mani
festant leur hostilité.
Il vient de se tenir à Ancône un
congrès de syndics (nous dirions des
maires) soi-disant réformateurs, qui
{irétendent enlever de haute lutte, par
eur pression sur le monde parlemen
taire, le vote de l'autonomie munici
pale. Pour donner une idée de ce que
serait cette autonomie à leurs yeux,
dans les questions religieuses, il suffit
de noter que les congressistes ont
surtout insisté sur la laïcisation du
budget communal, qui devrait être
dispensé à l'avenir de toute contribu
tion pécuniaire non seulement aux
œuvres pies, mais à l'entretien des
édifices, du culte et de ses cérémonies!.
Un autre vœu demande la suppression
de toutes les fondations de.charité^ou
autres qui n'auraient.pas .un caractère
purement civil ; enfin le congrès in-
qUè TEtât prenne aès me
sures sévères contre les prêtres qui
célébreraient le mariage religieux
avant le mariage civil. Il n'est pas
jusqu'au choix de la ville où se tien
dra le prochain congrès qui ne soit un
indice de l'esprit antireligieux et ré-
> volutionnaire des congressistes. En
effet, entre Pise, Rome et Forli, ils
ont, par 62 voix contre 15 attribuées à
Pise et 37 à Rome,donné la préférence
à Forli. Or, nul n'ignore que Forli est
l'un des plus actifs foyers révolution
naires de l'Italie, à ce point qu'on y
célèbre encore chaque année l'anni
versaire de la Commune de Paris.
M. Gladstone^ définitivement charge
par la reine de former un cabinet, a
fait choix des membre^de son minis
tère; nous en donnons la liste plus
loin et parmi eux l'on remarquera
spécialement le nom de lord Ripon,
ancien vice-roi des Indes et fervent
converti au catholicisme.
S'il faut en croire une dépêche de ;
Buda-Pesth à la Wiener Allgemein Zéi-
tung, le sultan aurait déclaré à
M. Stambouloff qu'il éprouverait un
grand plaisir à recevoir la visite du
prince Ferdinand., Pour donner satis
faction au vœu de son suzerain, le
prince viendrait de se décider à se
rendre à Gonstantinof)le au mois de
septembre, et il profiterait de cette oc
casion pour solliciter dû sultan sa re
connaissance comme prince de Bul
garie et l'investiture comme gouver
neur général delà Roumélie orientale.
La nouvelle administration de
M. Gladstone, dont nous connaissons
aujourd'hui le personnel, répond en
somme à ce, qu'on attendait. M. John
Morley était tout indiqué pour le poste
de secrétaire en chet d'Irlande. Nul
parmi les lieutenants de M. Gladstone
n'a plus persévéramment, plus cou
rageusement lutté pour le Home Rule.
Il est très populaire en Irlande où il a
de sa personne fait campagne contre
le régime de la coercition si cher aux
tories.
La présence de lord Roseberry au
ministère des affaires étrangères a le
don de plaire aux tories, parce qu'on le
sait lié avec la famille de Bismarck.
Mais ce n'est pas une raison pour
croire que lord Roseberry puisse
adopter au Foreign Office une attitude
qui jure avec le programme et les
engagements du parti libéral.
Un choix particulièrement heureux
est celui de lord Ripon pour le minis
tère des colonies. Lord Ripon a laissé
d'inoubliables souvenirs ae son pas
sage au gouvernement vice-royal de
l'Inde. Nul homme d'Etat n'a su mieux
que lui gagner la confiance et l'affec
tion des populations indiennes; Il
n'est pas homme à oublier la justice
au profit de l'intérêt anglais. Nos lec
teurs savent que lord Ripon est catho
lique.
C'est cette qualité de catholique qui-
aura empêché lord Ripon d'être nom
mé vice-roi d'Irlande avec siège dans
le cabinet, comme elle empêche sir
Charles Russell, nommé de nouveau
attorney général, d'être lord chance
lier. Mais il est probable que M. Glads
tone/profitera de son. arrivée au pou
voir pour demander à la Chambre des
cjpmmûneà l'abrogation des dernières
incapacités diviles qui pèsent sur les'
catholiqueg»d.'Aftg.l§,terre,et qui les em
pêchent d'atteindre à la vice-royauté
d'Irlande et à la chancellerie.
Sir William. Harcourt, qui' malgré
son poids est toujours l'homme d'a-
vànt-garde du. parti libéral, prend la
chancellèriô de l'échiquier. C'est lui
qui, en cas d'absenbé dë M. Gladstone,
partagera, avec M. John' Morley, la
direction dè : la majorité gouverne
mentale à la Chambre dés communes.
Citons enfin,parmi les membres du
nouveau cabinet, M. Asquith, que
M. Gladstone met au ministère de l'in
térieur.
M. Asquith fait partie de ce qu'on
appelle la jeune école du parti libéral.
Il passe d'ailleurs pour un homme très
capable et est bon orateur. On avait
pu prévoir.sa fortune quand on avait
vu M. Gladstone le désigner pour pro
poser et soutenir le vote de défiance
contre le cabinet Salisbury. Il n'a pas
attendu longtemps sa part des dé
pouilles opimes du pouvoir.
Nous avons publié les débats'de l'af
fairé dite de la Pouilleuse, mais ilcon-
vient d'en faire ressortir quelques
particularités; Le première est la sin
gulière attitude du personnage qu'on
s'accordait à désigner comme le plus
responsable, M. Herbette, et qui a fini
par être cité comme témoin. On avait
même annoncé que sa dignité devait
lui interdire de comparaître, fût-ce en
cette qualité.Mais, au dernier moment,
l'on a pris peur de l'opinion et l'on
s'est ravisé.
L'opinion n'en a pas été satisfaite
pour autant, car elle n'a pas été sans
remarquer que la déposition de M. Her
bette n'a été qu'une apologie, soit de
l'institution où avaient opéré les deux
accusées principales, soit de ces ac
cusées elles-mêmes. Il a même cru
devoir, vers la fin, constater que dette
apologie était un peu longue, mais il
avait une excuse : « Depuis six mois,
je me tais. »
Et qui donc l'empêchait de parler,
sinon la crainte de voir tourner à sa
confusion le dialogue entre sa per
sonne et certains témoins dont on a.
fermé la bouche, ou peut s'en faut,
dans l'audience du tribunal?-L'un de
ces témoins, on ne l'ignore pas, est
l'inspecteur Groslier, dont le rapport a
été en partie publié avant le procès
et qui, chose curieuse, n'a pas été ad
mis à entretenir le tribunal des faits
observés par lui. Pendant que M. Her
bette débitait à sa guise tout ce qu'il
jugeait bon, sans être jamais arrêté ou
ramené à la question par le président,
celui-ci surveillait avec la dernière
rigueur les paroles de l'inspecteur,
bridant avec soin la marche de son
discours et le retenant dans les mail
les d'un interrogatoire qui n'aurait
pas été conduit autrement si l'on
avait eu le parti pris d'étouffer l'af
faire..En vain l'inspecteur, questionné
sur de menus faits, choisis à dessein,
tentait un écart dans l'intérêt de la
pleine lumière. « Mais, disait-il, je
vous assure, monsieur le président,
que j'ai relevé dans mon rapport des
faits bien plus graves. » Et il indi
quait, en passant, les violations les
Elus graves des- règles de la compta-
ilité publique et des règlements ad
ministratifs. Invariablement le prési
dent l'arrêtait net : « Ceci n'est pas
le procès actuel ; vous n'avez pas à
parler de cela ; le tribunal n'est pas
saisi de cette question. » Bref, ainsi,
quejt&dit le Figaro, « il semble que
le procès- intenté à deux comparses
n'ait eu d'autre but, en réalité, que de
permettre à M. Herbette de répondre
aux accusations portées contré lui ».
Ce à quoi il faut ajouter qu'à ces ac
cusations M. Harbette n'a nullement
répondu, puisqu'il a prudemment es-
Suivétous les faits dont M. le prési-
ent du tribunal de Versailles n'a pas
permis au témoin Groslier de dire un
traître mot. Aussi un journal républi
cain n'a-t-il pas craint de dire qu'on
n'avait eu qu un « semblant » de pro
cès, ét un autre a prononcé nettement
le nom de comédie.
Ce qui n'est pas une comédie et ne
prête pas à rire, c'est un mot de l'un
des témoins, Mme Hubert, ex-direc
trice de la Fouilleuse : « J'ai passé
sept années à organiser des œuvres
laïques, a-t-elle dit, je sais maintenant
ce qu'il en coûte : on y laisse sa vie,
sa santé et quelquefois son honneur. »
N'est-il pas saisissant, ce jugement de
l'œuvre laïcisatrice par l'une de ses
plus dévouées auxiliaires?
Et pour que rien ne manquât à l'é-
trangeté de ce procès, voici que, pour
finir, le tribunal, ayant condamné les
inculpées à des peines dérisoires, les
fait en outre bénéficier de la loi Bé-
renger. Si l'on se rappelle que na-
guères,à Paris, l'on a vu se multiplier
des faits du même genre et la loi Bé-
renger invoquée pour mettre hors de
cause de hideux pornographes, l'on
comprendra qu'il vienne à l'esprit de
bien des gens d'en demander la sup
pression. Assurément, nous ne con
testons pas que, dans la pensée de son
auteur, cette loi s'inspirait du désir
d'aider au repentir et de faciliter la
réhabilitation de malheureux qui, en
un jour de tentation trop forte, avaient
cédé plus à l'entraînement qu'au vice.
Mais,pour réaliser cette pensée, il fau
drait une magistrature inaccessible à
toute autre considération que l'inté
rêt moral des accusés. Que si, au con
traire, la loi Bérenger est au service
d'influences personnelles ou de conve
nances politiques, elle n'est plus qu'un
moyen d'escamoter la justice et d'en
courager le vice. Mieux vaudrait la
supprimer.
Auguste Roussel.
Nous avons déjà parlé de la fusion
dû Nouvelliste de Rouen avec le Pa
triote de Normandie. C'est avant-hier
que le Nouvelliste a cessé de paraître,
cédant ses abonnés au Patriote de Nor
mandie. Dans le numéro d'hier, M. le
baron Piérard, député, donne de cette
fusion des explications qui nous disent
la ligne de conduite que se propose de
suivre ce journal, ligne de conduite
conforme aux intentions du Saint-
Père. Voici donc, en résumé, * ce que
se proposera le Patriote de Normandie :
Grouper, en vue d'une action commune,
tous ceux qui veulent substituer à un sys
tème de gouvernement entaché de parti pris
de persécution et d'exolusivisme, une poli
tique vraiment libérale, résolument conser
vatrice, tel est le but que nous voulons
poursuivre et que nous comptons atteindre,
grft.ce aux efforts de ceux qui voudront bien
nous prêter leur concours.
Nous ne demandons à personne de déser
ter son drapeau.
Nous demandons seulement & ceux qui
estiment que le régime actuel n'est ni un
régime de liberté, puisqu'il accorde cette
liberté à ceux-là seuls qui sanctionnent
tous ses actes, ni un régime d'égalité, puis
qu'il se refuse à toutes réclamations de la
minorité, ni un régime de fraternité, puis
que les conservateurs et les catholiques
sont considérés comme des ennemis^ de. se
joindre à nous pour que nous obtenions
légalement le plein exercice de nos droits
méconnus.
Notre voix sera entendue, nous en som
mes certains, car sur le terrain que nous
venons de délimiter, et que nous n'aban
donnerons pas, l'entente est naturelle avec
tous ceux qui aspirent, comme nous, à l'a
vènement d'une politique de concorde et de
vraie liberté.
Nous faisons appel à . toutes les bonnçs
volontés, parce que, fidèles aux principes
qui nous sont chers; comme nous l'avons
déjà dit, comme nous l'avons fait, comme
nous le ferons toujours, noiis plaçons avant
tout l'intérêt supérieur de la patrie.
Rouen, 15 août 1892.
Baron Piérard,
député.
Vacances parlementaires
III
Parlottier . — Je vous préviens
qu'aujourd'hui je vais me rattraper.
Les autres fois vous m'avez battu par
surprise ; car depuis longtemps je
n'avais pas réfléchi à la plupart des
choses que nous discutions. J'avoue
qu'il faut une philosophie pour réunir
les sciences et pour que la raison se
connaisse elle-même. Mais l'argument
que vous ne réfuterez pas, c'est celui-
ci : que la science, généralisée, abou
tisse ou non à la métaphysique, en
tout cas elle est limitée désormais à la
simple nature; et il n'est plus ques
tion de forces surnaturelles.
Le curé . —- Qu'appelez-vous la na
ture ?
Parlottier . — Vous voilà encore
avec vos définitions 1 Vous voulez me
déconcerter. Trouver une formule qui
contient la puissance universelle !
Vous exigez de moi des explications
que les plus grands philosophes n^ont
fiu fournir. Vous abusez de ma doci-
ité.
Le curé . —. Non, je m'efforce seu
lement de vous amener à une bonne
habitude, qui est de faire attention à
ce que l'on dit.
Assurément, c'est un rude travail de
fournir des définitions. Celle qui con r
viendrait à la « nature » est au-dessus
de la puissance du génie...
Parlottier . — Eh bien, alors?...
Le curé . —Attendez... Il y a un mi
lieu entre la connaissance parfaite des"
choses et le bavardage incohérent.
Par instinct et ensuite par raison,
nous jugeons que nous resterons tou
jours infiniment au-dessous du but
qui nous attire, et cependant nous
nous épuisons comme si nous espé
rions l'atteindre. Les vrais savants
sont bien sûrs (ils le disent assez sou
vent) de ne connaître qu'une partie
insignifiante des , phénomènes qui
nous entourent ; néanmoins, ils pour
suivent leurs recherches comme s'ils
{»ouvaient conquérir l'immensité,
'emporter dans leurs bras, l'enfermer
dans leurs vitrines ou dans leurs car
tons; Je vous propoëe d'imitèr cet
exemple, de loin seulement et pais
même tous les jours. Je ne suis pas
exigeant, vous le voyez. Je m'en tiens
aux devoirs élémentaires. Un peu de
sérieux, un peu de réflexion, ce n'est
pas trop demander de vous, législa
teur, gardien de la raison, protecteur
des sciences.
Or, vous et vos amis, vous êtes vic
times d'une demi-douzaine de mots '
dont vous vous servez comme de ta
lismans. Qu'il s'agisse de morale ou
de liberté, vos voix résonnent en par
faite harmonie, bien que vos esprits
ne soient' pas d'accord. Chacun de
vous donne à ces mots le sens qui lui
plaît; selon son humeur, ses g®ûts,
son passé, ses relations, la piété ou la
coquetterie de sa femme, la carrière
rêvée pour les enfants, les crises mi
nistérielles, les nécessités de la. lutte
électorale. Du haut en bas l'équivoque
s'établit et chacun y contribue. Quant
à la « nature », vous agissez d'une fa
çon encore plus curieuse : ce ne sont
pas des opinions ou des tendances;
différentes que vous rassemblez sou»
la même étiquette, ce sont des formes
vides. Là on ne voit pas4e pêle-mêle-
des idées; on constate l'absence de
toute idée. Vous n'avez que le mot M
quel, dépourvu du moindre sens, et.
vous voilà en extase. 0 nature, nar ,
ture, nature ! Bonne? On ne sait pas.
Intelligente? On l'ignore. Gloire à la
nature, dont la nature est d'être na
turellement conforme à la nature. Le
naturel explique tout, et il ne s'expln,
que pas. Il est tellement naturel qu'il
en devient surnaturel sans cesser d'être'
naturel; ce qui paraît le comble du
naturel !
Voyons, à quoi pensez-vous lorsque
vous dites que tous les phénomènes
sont naturels?
Parlottier . — J'entends qu'ils sont
produits par les forces de... '
Le curé . — Les forces de la na
ture?
Parlottier . — Ma foi, oui.
Le curé . — Et la nature?
Parlottier . — La nature..., c'est
l'ensemble de... des... phénomènes.
Le curé . — Bravo ! La nature c'est
le phénomène, et le phénomène c'est
la nature! Phénomène, nature ; na
ture, phénomène. Oirpeut aller long
temps de ce train. On n'avance guère,
il est vrai, mais on n'en a pas besoin :
le spectacle est si beau ! Nous sommes
dans le cirque triomphal de la raison
humaine. Quelles cabrioles ! C'est na
turellement phénoménal et phéno-
ménalement naturel.
Parlottier . — Vous ne vous gênez
pas.
Le curé . — En apparence. Au fond,
je prends moins de libertés que vous.
Vous n'avez plus envie de railler.
Soit. Consultons de nouveau Littré :
« Nature : ensemble de tous les êtres
« qui composent l'univers... Ordre
« établi dans l'univers ou système de
« lois qui président à l'existence des
« choses et à là succession des êtres..,
« Personnification de l'ensemble des
« lois naturelles..... Ce qui constitue
« tout être en général,soit incréé, soit
« créé— L'essence, les attributs, la
« condition propre d'un être ou d'une
« chose..... La nature des choses en
« général, la nécessité qui résulte de
« la constitution des choses En-
« semble des propriétés qu'un être
« vivant tient de sa naissance, de son
« organisation, de, sa . conformation
« primitive par opposition à celles:
<< qu'il peut devoir à l'art..... »... En
résumé, la nature désigné un ensem
ble de lois, c'est-à-dire l'ordre. Elle
est pleine d'ordre.
Parlottier . — Et après?
FEUILLETON DE UUMVERS
du 18 août 1892
CAUSERIE SCIENTIFIQUE
Gelées et sécheresses.
En cette première moitié de l'année 1892,
les éléments se sont moqués du calendrier
comme nos ministres du Concordat. En
mars et avril, chaleurs intenses et préma
turées ; on se croyait au mois d'août.
En mai, gelée meurtrière; puis séche
resses longues et énervantes. Quand enfin
1& pluie daigne arroser nos « guérôts », elle
est acoompagnée de tonnerres et de grêles.
Hier, la foudre démolissait deux olochera
voisins de mon village; aujourd'hui ,
3, août, un® mauvaise honte m'a seule em-
pêohé de faire du feu dans mon bureau.
Et puis c'est l'Etna qui remplit les airs de
flammes et de roches incandescentes, ou le
mont Blanc qui engloutit les vallées sous
des; torrents de glaces fondues. Là-bas,
dans les parages effrayants, vers Bornéo,'
Java, Sumatra, noms qui terrifient, une île
entière s'effondre dans les abîmes de la
mer la plus redoutable.
Et que faire pour conjurer tant de fléaux?
Demander d'abord au bon Dieu qu'il nous
les épargne; puis se mettre résolûment à la
besogne quand on le peut.
Il parait impossible de se préserver de la
grêle. J'ai parlé, ici môme, d'un projet con
sistant à munir de paratonnerres les pi
quets télégraphiques qui bordent les voies
ferrées. On paralyserait ainsi quelques
nuages orageux. Mais combien d'autres
échapperaient à leur action préservatrice 1
Il est plus facile de se garantir des funes
tes effets des gelé as et de la sécheresse.
Dans une note qu'il a lue à l'académie des
sciences, M. Chambrelent constate que les
efforts tentés cette année pour oombaitre
les effets des gelées ont été les ans cou
ronnés de succès, les autres infructueux.
* Et il explique ainsi la différënoe des ré
sultats obtenus.
On a employé le procédé des nuages arti
ficiels, préconisé par Boussingault. Le re
gretté savant avait été frappé; au cours dé ;
son grand voyage en Amérique, de3 ré
sultats qu'obtenaient les Indiens centre les
gelées : nocturnes, en. brûlant des tas de
paille humide et en produisant ainsi d'épais
nuages de filmée et de vapeur d'eau au-
dessus des récoltes à protéger.
« Toutes les causes, dit-il, qui agitent
l'air, qui troublent sa transparence, qui
masquent ou. rétrécissent le ohamp de
l'hémisphère visible, nuisent au refroidis
sement nocturne. Un nuage comme un
écran compense en tout ou en partie, se-'
Ion sa température propre, la perte de
chaleur qu'un oorps terrestre eût éprouvée
en rayonnant vers l'espace. »
Pourquoi les nuages artificiels, auxquels
tant d'agriculteurs ont eu recours cette an
née, n'ont-ils pas donné tous des résultats
satisfaisants ? Il y a à cela plusieurs causes :
« Le froid ne s'est pas produit seule
ment par rayonnement, il y a eu un abais
sement général de la température, qui
aurait maintenu l'atmosphère au-dessous
de zéro, même dans le rayonnement'd'un
temps serein.
« D'un autre côté, on a souvent employé
pour les nuages des huiles minérales dont
la combustion donne une fumée assez
abondante, mais beaucoup moins efficace,
pour agir comme écran, quela vapeur d'eau
elle-même.
« Les nuages que l'on fait, comme dit
Boussingault, en brûlant de la paille hu-
humide, des broussailles, des branches de
pin que l'on arrose constamment avec de
l'eau très divisée, présentent plusieurs avan
tages très marqués sur les autres.Ils agissent
comme de véritables nuages naturels pour
détruire tout rayonnement ; ils produisent
dans l'air, par la 'flamme des broussailles
en combusticn sur lesquelles tombe l'eau,
une agitation considérable de l'atmosphère,
qui contribue sensiblement à empêcher les
effets du refroidissement. Et enfin, un point
qu'il ne faut pas négliger, c'est que cette
grande quantité dé vapeur d'eau," en se con
duisant peu à peu dans l'amosphère, pro
duit une certaine quantité de chaleur qui
n'est pas moindre de 600 calories par kilo
gramme et qui diminue d'autant le refroi
dissement du milieu ambiant ».
Deux autres circonstances ont nui à l'effet
préservateur des nuages dans un certain
nombre de vignobles.
Dans la nuit du 21 avril, qui a été la nuit
néfaste, le froid a commencé & se faire sen
tir de très bonne heure ; le matin, au lever
du soleil, le ciel était d'une pureté parfaite
et les rayons solaires, déjà chauds à cette
saison, brûlèrent les plans. Il ne faut pas
perdre de vue, en effet,, oe point impor
tant .-après la gelée de la nuit, c'est sur
tout par la brusque élévation de tempéra
ture que produit le soleil, qu'un prompt
dégel amène la désorganisation; des tissus
de la plante, et produit ainsi le plus grand
mal. Exemple :
Dans la commune d'Avensan (Médoc),
où les propriétaires s'étaient syndiqués et
avaient fait des nuages dans de bonnes
conditions, on avait arrêté les feux à sept
heures. Voici comment l'un des propriétai
res a rendu compte de l'opération :
« Nos nuages artificiels avaient été ad
mirablement produits, quand le soleil a
paru ; pas un rayon n'a pu d'abord les pé
nétrer, et jusqu'à près de 8 heures nous
avons conservé la plus grande espérance,
« La glace fondait lentement ; les boutons
et les pousses étaient verts et roses tant que
les nuages ont oonservé leur intensité.
« Mais, bientôt après la disparition des
nuages, le soleil brillant de tout son éclat
avait tout brûlé ; pas un bouton qui ne fût
flétri et noirci ; nous aurions été préservés
si nous avions fait de nouveaux feux à
7 heures. »
Le même propriétaire ajoute qu'en 1890,
après une nuit de gelée, le soleil ne parut
qu'à 9 heures 3.0 minutes, par suite de l'état
nuageux.de l'atmosphère, et que ce jour-là
la vigne ne fut pas atteinte.
.Une autre constatation, non moins signi
ficative, a été faite cette année, dans la ma
tinée du 21 avril.
Toutes les vignes qui se trouvaient natu
rellement préservées du soleil levant par
un mur ou par tout autre abri, ont été
moins frappées que celles qui ont dû subir
les premières flèches de l'astre.
Conclusion : les nuages de vapeur d'eau
sont d'une efficacité admirable pour préser
ver les récoltes de la gelée nocturne, à con
dition qu'on allume les feux avant que la
température soit descendue au-dessous de
zéro, et à condition surtout dé les mainte
nir assez longtemps après le lever du soleil
pour que les plantes n'aient pas à souffrir
d'iin changement trop brusque de tempéra-
ture.
Ces moyens de préservation ne sont pas
sans dépenses. Mais quoi I Ne vaut-il pas
mieux dissiper quelques éous en fumée que
de perdre toute une récolte et, souvent, de
compromettre les récoltes à venir? Cette
dépense, d'ailleurs, n'est pas exorbitante.
Elle s'est élevée, dans un de nos vignobles
préservés, à 17 fr. 50 par hectare.
Ce ne sont pas seulement les vignes mais
encore les prairies qui ont eu à souffrir des
gelées printannières cette année. La séche
resse a mis le comble au désastre.
Quel remède? Il n'y en a qu'un, les irri
gations.
Pendant que l'agriculture se plaint par
tout de la pénurie de foin cette année, les
prairies irriguées de la Camargue ont
donné, en première coupe, 5,000 kilogram-
mes de foin sec à l'hectare", et la seconde
récolte s'annonce aussi bien.
M. Chambrelent, dans, un mémoire pré
senté à l'aoadémie en 1888, constatait que
de 1860 à 1880 la surface des prairies irri
guées avait augmenté de 552,000 hectares,
et le rendement des cultures fourragères de,
176 millions de quintaux par an. Ces irri
gations nouvelles n'avaient exigé que 550
mètres cubesjd'eau, et il en restait 7,000 mè-,
très pour arroser d'autres surfaces bien
plus étendues.
Mais depuis dix ans, rien n'a été fait
dans ce sens; nos prairies souffrent de laj
sécheresse, et personne ne songe à utiliser
ces grandes massés d'eau disponibles, les
quelles, faute d'emploi sont souvent nui
sibles. .
On préfère dilapider l'argent des contri
buables en stupides et ruineuses laïcisa»
tions.
Les Réfrigérants
Je vous ai conté jadis que, grâce aux tra
vaux de MM. Cailletet et Pictet,on pouvait
assez facilement aujourd'hui liquéfier et
même solidifier des gaz réputés autrefois
permanents. C'est ainsi que ces deux sa-,
vants ont pu liquéfier l'hydrogène, par
exemple. .
Ces résultats, d'une importance capitale
pour l'étude des lois physiques, sont ob
tenus par la combinaison de pressions;
énormes et de froids intenses.
« Après quinze années de travaux,dit la.
Nature, M. Pictet a pu enfin se donner la
satisfaction et l'infinie jouissance, pour un,
savant, de pouvoir réaliser son rêve », et,
il possède depuis deux ans un véritable
laboraioire frigorifique industriel. t
En discutant un à un tous les moyens
connus aujourd'hui d'enlever la chaleur,
aux corps : dilatation de l'air et des gaz,,
évaporation des liquides volatiles, mélanges^
réfrigérants basés sur les dissolutions'des
sels, M. Pictet. est arrivé à cette conclusion
qu'il faut partager l'échelle des tempéra
tures en trois cycles au moins, et se servir
exclusivement des liquides volatiles comme
agents frigorifiques. .
Cycle. M. Pictet emploie un mélange
d'acide carbonique et d'acide sulfureux. II
obtient avec ce liquide dans les petits ré
servoirs une température de — 110° dans 1
les grands réfrigérants, une température
de — 100° à—105*. Avec l'acide sulfureux
seul, on ne dépasse pas — 70°.
.3' Cycle.. M. Pictet noie dans le réfri
gérant à —100°, un oondenseur ou tube
très résistant, dans lequel il comprime du
protoxyle d'azote qui s'est liquéfié. Le li-
' quide est envoyé dans un second réfrigé
rant où, on fait le vide ;. par évaporation, la
température tombe, à — 150° ou 155° etle'
protoxyde d'azote se solidifie.
3* Cycle. Pour ce troisième cycle, on
pourrait employer l'oxygène pur, l'azote,;
l'oxyde de carbone. M. Piotet a choisi l'air
atmosphérique. Il le comprime dans un
tube très résistant noyé dans ,1e protoxyde
d'azote solide (température-r- 150°) ; sous
une pression de 50 à 60 atmosphères, l'air
sa liquéfie ; il passe liquide dans un der
nier réfrigérant,où, par ^évaporation, la
température tombe à — 210°.
L'air liquide, en s'échappant du réci
pient où il est comprimé, présente une su
perbe couleur bleu de ciel.
Les températures sont mesurées en pre
nant pour étalon le thermomètre à hydro
gène sec sous une pression faible de 400 mil
limètres de mercure. Pratiquement, on fait
usage de thermomètres, à alcool et à éther
sulfurique étalonnés sur le thermomètre à
hydrogène.
Les corps se présentent à nous sous trois,
aspects: solide, liquide et gazeux; Pendant
des siècles, on a cru que seuls, les oorps li-y
quides pouvaient tous changer d'état et
passer à l'état liquide ou à l'état solide, sui
vent la température. Même dans cette caté
gorie, il y avait des exceptions; l'alcool,
par exemple, n'a, je crois, jamais été soli
difié. Mais il est difficile d'admettre aujour
d'hui qu'il ne puisse pas l'être. Les corps
solides ne sont pas non plus tous liquéfia-,
bles, du moins avec les moyens dont nous
disposons. Le carbone est particulièrement
N* 8874. — Edition quctidienûé
Jeudi 18 Août 1892
mosM
ÉDITION
On an . . .
Six mois . .
Trois mois.
QUOTIDIENNE
ÉTRANGER
(union pôstalb)
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS
ST DÉPARTEMENT»
. . 55 »
. . 28 50
. . 15 »
66 »
34 »
18 »
Les abonnements parten t des 1 » et 16 de' chaque mois
un numéro ( £? ri3 oent ''
( Départéménts . . , 20 —
BUREAUX î Paris, 10, rue des Saints-Pères
On «'abonne i. Rome, place du Ge »ù, 8
Un an . . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
■I DÉPARTEMENTS
» i ' 30' u
. . 16 »
. . 8 50
ÉTRANGER.
(union post&li)
• 86 ' »
19 »
10 »
Les abonnements partent des 1» et 16 de chaque moîe
AWYIRS ni répond pas des moscriisp lui sont adressai
ANNONCES
. LAGRANGE, CERF et C'», 6> plaoe de là Bourse *
FRANCE
PARIS, 17 AOUT 1398
Les nouvelles des grèves ne laissent
jusqu'ici aucun espoir de les voir tout
de suite apaisées. Celles d'Amérique se
distinguent, nous l'avons déjà dit, par
une sauvagerie peu commune, de la
quelle on doit espérer que ne se rap
procheront pas celles du Tarn ou du
Pas-de-Galais. A Paris, la grève des
employés d'omnibus paraît écartée,
mais celle des cochers prend plus d'é
tendue. Il y a en outre une grève de
cordonniers plus ou moins en pers
pective.
Conformément" à ses traditions, le
parti impérialiste a banqueté le 15 août
a Paris sous la présidence de M. En-
gerand, député du Calvados,qui a pro
noncé une sorte de discours-pro
gramme dont s'occupent quelques
journaux. Après avoir dit que lé gé
néral Boulanger eût triomphé s'il avait
suivi les conseils de M. Georges Thié-
baud, l'orateur a signalé la question
antisémite comme devant être désor
mais l'article principal du programme
impérialiste.
Nous reproduisons ailleurs une let
tre de sir Charles Dilke au Matin, où. il
est dit que la : convention de 1887 rela
tive à l'Egypte n'a échoué « que parce
que la France souleva de3 difficultés
en ce qui concerne la forme de la ré
daction » de cet acte. A cet égard, il
nous semble que les souvenirs de sir
Charles Dilke le servent malr Les ré
sistances de la France ont porté sur
une question qui n'était pas seulement
de forme. Par conséquent, il faudrait,
pour la faire revenir aujourd'hui sur
son refus d'alors, autre chose qu'un
simple changement de rédaction.
VIndépendance. Belge constate que
les Salutistes sont loin de gagner du
terrain dans les sympathies de la po
pulation belge.
Dimanche, à l'occasion de l'arrivée
du major Booth, fils du général en chef
de l'Armée du salut, la section bruxel
loise avait organisé une manifesta
tion. Précédés d'une fanfare, les salu
tistes, vêtus de rouge, ont parcouru
Plusieurs rues de la ville au milieu
es huées et des quolibets de la foule.
A certain moment, le tumulte est de
venu tellement intense que la police
dut intervenir pour protéger les mani
festants contre l'hostilité de la foule.
.Voyant l'insuccès de leur tournée, les
"Salutistes sont rentrés dans leur local
du boulevard Baudouin', poursuivis
par des centaines de personnes qui
ont stationné jusqu'au soir en mani
festant leur hostilité.
Il vient de se tenir à Ancône un
congrès de syndics (nous dirions des
maires) soi-disant réformateurs, qui
{irétendent enlever de haute lutte, par
eur pression sur le monde parlemen
taire, le vote de l'autonomie munici
pale. Pour donner une idée de ce que
serait cette autonomie à leurs yeux,
dans les questions religieuses, il suffit
de noter que les congressistes ont
surtout insisté sur la laïcisation du
budget communal, qui devrait être
dispensé à l'avenir de toute contribu
tion pécuniaire non seulement aux
œuvres pies, mais à l'entretien des
édifices, du culte et de ses cérémonies!.
Un autre vœu demande la suppression
de toutes les fondations de.charité^ou
autres qui n'auraient.pas .un caractère
purement civil ; enfin le congrès in-
qUè TEtât prenne aès me
sures sévères contre les prêtres qui
célébreraient le mariage religieux
avant le mariage civil. Il n'est pas
jusqu'au choix de la ville où se tien
dra le prochain congrès qui ne soit un
indice de l'esprit antireligieux et ré-
> volutionnaire des congressistes. En
effet, entre Pise, Rome et Forli, ils
ont, par 62 voix contre 15 attribuées à
Pise et 37 à Rome,donné la préférence
à Forli. Or, nul n'ignore que Forli est
l'un des plus actifs foyers révolution
naires de l'Italie, à ce point qu'on y
célèbre encore chaque année l'anni
versaire de la Commune de Paris.
M. Gladstone^ définitivement charge
par la reine de former un cabinet, a
fait choix des membre^de son minis
tère; nous en donnons la liste plus
loin et parmi eux l'on remarquera
spécialement le nom de lord Ripon,
ancien vice-roi des Indes et fervent
converti au catholicisme.
S'il faut en croire une dépêche de ;
Buda-Pesth à la Wiener Allgemein Zéi-
tung, le sultan aurait déclaré à
M. Stambouloff qu'il éprouverait un
grand plaisir à recevoir la visite du
prince Ferdinand., Pour donner satis
faction au vœu de son suzerain, le
prince viendrait de se décider à se
rendre à Gonstantinof)le au mois de
septembre, et il profiterait de cette oc
casion pour solliciter dû sultan sa re
connaissance comme prince de Bul
garie et l'investiture comme gouver
neur général delà Roumélie orientale.
La nouvelle administration de
M. Gladstone, dont nous connaissons
aujourd'hui le personnel, répond en
somme à ce, qu'on attendait. M. John
Morley était tout indiqué pour le poste
de secrétaire en chet d'Irlande. Nul
parmi les lieutenants de M. Gladstone
n'a plus persévéramment, plus cou
rageusement lutté pour le Home Rule.
Il est très populaire en Irlande où il a
de sa personne fait campagne contre
le régime de la coercition si cher aux
tories.
La présence de lord Roseberry au
ministère des affaires étrangères a le
don de plaire aux tories, parce qu'on le
sait lié avec la famille de Bismarck.
Mais ce n'est pas une raison pour
croire que lord Roseberry puisse
adopter au Foreign Office une attitude
qui jure avec le programme et les
engagements du parti libéral.
Un choix particulièrement heureux
est celui de lord Ripon pour le minis
tère des colonies. Lord Ripon a laissé
d'inoubliables souvenirs ae son pas
sage au gouvernement vice-royal de
l'Inde. Nul homme d'Etat n'a su mieux
que lui gagner la confiance et l'affec
tion des populations indiennes; Il
n'est pas homme à oublier la justice
au profit de l'intérêt anglais. Nos lec
teurs savent que lord Ripon est catho
lique.
C'est cette qualité de catholique qui-
aura empêché lord Ripon d'être nom
mé vice-roi d'Irlande avec siège dans
le cabinet, comme elle empêche sir
Charles Russell, nommé de nouveau
attorney général, d'être lord chance
lier. Mais il est probable que M. Glads
tone/profitera de son. arrivée au pou
voir pour demander à la Chambre des
cjpmmûneà l'abrogation des dernières
incapacités diviles qui pèsent sur les'
catholiqueg»d.'Aftg.l§,terre,et qui les em
pêchent d'atteindre à la vice-royauté
d'Irlande et à la chancellerie.
Sir William. Harcourt, qui' malgré
son poids est toujours l'homme d'a-
vànt-garde du. parti libéral, prend la
chancellèriô de l'échiquier. C'est lui
qui, en cas d'absenbé dë M. Gladstone,
partagera, avec M. John' Morley, la
direction dè : la majorité gouverne
mentale à la Chambre dés communes.
Citons enfin,parmi les membres du
nouveau cabinet, M. Asquith, que
M. Gladstone met au ministère de l'in
térieur.
M. Asquith fait partie de ce qu'on
appelle la jeune école du parti libéral.
Il passe d'ailleurs pour un homme très
capable et est bon orateur. On avait
pu prévoir.sa fortune quand on avait
vu M. Gladstone le désigner pour pro
poser et soutenir le vote de défiance
contre le cabinet Salisbury. Il n'a pas
attendu longtemps sa part des dé
pouilles opimes du pouvoir.
Nous avons publié les débats'de l'af
fairé dite de la Pouilleuse, mais ilcon-
vient d'en faire ressortir quelques
particularités; Le première est la sin
gulière attitude du personnage qu'on
s'accordait à désigner comme le plus
responsable, M. Herbette, et qui a fini
par être cité comme témoin. On avait
même annoncé que sa dignité devait
lui interdire de comparaître, fût-ce en
cette qualité.Mais, au dernier moment,
l'on a pris peur de l'opinion et l'on
s'est ravisé.
L'opinion n'en a pas été satisfaite
pour autant, car elle n'a pas été sans
remarquer que la déposition de M. Her
bette n'a été qu'une apologie, soit de
l'institution où avaient opéré les deux
accusées principales, soit de ces ac
cusées elles-mêmes. Il a même cru
devoir, vers la fin, constater que dette
apologie était un peu longue, mais il
avait une excuse : « Depuis six mois,
je me tais. »
Et qui donc l'empêchait de parler,
sinon la crainte de voir tourner à sa
confusion le dialogue entre sa per
sonne et certains témoins dont on a.
fermé la bouche, ou peut s'en faut,
dans l'audience du tribunal?-L'un de
ces témoins, on ne l'ignore pas, est
l'inspecteur Groslier, dont le rapport a
été en partie publié avant le procès
et qui, chose curieuse, n'a pas été ad
mis à entretenir le tribunal des faits
observés par lui. Pendant que M. Her
bette débitait à sa guise tout ce qu'il
jugeait bon, sans être jamais arrêté ou
ramené à la question par le président,
celui-ci surveillait avec la dernière
rigueur les paroles de l'inspecteur,
bridant avec soin la marche de son
discours et le retenant dans les mail
les d'un interrogatoire qui n'aurait
pas été conduit autrement si l'on
avait eu le parti pris d'étouffer l'af
faire..En vain l'inspecteur, questionné
sur de menus faits, choisis à dessein,
tentait un écart dans l'intérêt de la
pleine lumière. « Mais, disait-il, je
vous assure, monsieur le président,
que j'ai relevé dans mon rapport des
faits bien plus graves. » Et il indi
quait, en passant, les violations les
Elus graves des- règles de la compta-
ilité publique et des règlements ad
ministratifs. Invariablement le prési
dent l'arrêtait net : « Ceci n'est pas
le procès actuel ; vous n'avez pas à
parler de cela ; le tribunal n'est pas
saisi de cette question. » Bref, ainsi,
quejt&dit le Figaro, « il semble que
le procès- intenté à deux comparses
n'ait eu d'autre but, en réalité, que de
permettre à M. Herbette de répondre
aux accusations portées contré lui ».
Ce à quoi il faut ajouter qu'à ces ac
cusations M. Harbette n'a nullement
répondu, puisqu'il a prudemment es-
Suivétous les faits dont M. le prési-
ent du tribunal de Versailles n'a pas
permis au témoin Groslier de dire un
traître mot. Aussi un journal républi
cain n'a-t-il pas craint de dire qu'on
n'avait eu qu un « semblant » de pro
cès, ét un autre a prononcé nettement
le nom de comédie.
Ce qui n'est pas une comédie et ne
prête pas à rire, c'est un mot de l'un
des témoins, Mme Hubert, ex-direc
trice de la Fouilleuse : « J'ai passé
sept années à organiser des œuvres
laïques, a-t-elle dit, je sais maintenant
ce qu'il en coûte : on y laisse sa vie,
sa santé et quelquefois son honneur. »
N'est-il pas saisissant, ce jugement de
l'œuvre laïcisatrice par l'une de ses
plus dévouées auxiliaires?
Et pour que rien ne manquât à l'é-
trangeté de ce procès, voici que, pour
finir, le tribunal, ayant condamné les
inculpées à des peines dérisoires, les
fait en outre bénéficier de la loi Bé-
renger. Si l'on se rappelle que na-
guères,à Paris, l'on a vu se multiplier
des faits du même genre et la loi Bé-
renger invoquée pour mettre hors de
cause de hideux pornographes, l'on
comprendra qu'il vienne à l'esprit de
bien des gens d'en demander la sup
pression. Assurément, nous ne con
testons pas que, dans la pensée de son
auteur, cette loi s'inspirait du désir
d'aider au repentir et de faciliter la
réhabilitation de malheureux qui, en
un jour de tentation trop forte, avaient
cédé plus à l'entraînement qu'au vice.
Mais,pour réaliser cette pensée, il fau
drait une magistrature inaccessible à
toute autre considération que l'inté
rêt moral des accusés. Que si, au con
traire, la loi Bérenger est au service
d'influences personnelles ou de conve
nances politiques, elle n'est plus qu'un
moyen d'escamoter la justice et d'en
courager le vice. Mieux vaudrait la
supprimer.
Auguste Roussel.
Nous avons déjà parlé de la fusion
dû Nouvelliste de Rouen avec le Pa
triote de Normandie. C'est avant-hier
que le Nouvelliste a cessé de paraître,
cédant ses abonnés au Patriote de Nor
mandie. Dans le numéro d'hier, M. le
baron Piérard, député, donne de cette
fusion des explications qui nous disent
la ligne de conduite que se propose de
suivre ce journal, ligne de conduite
conforme aux intentions du Saint-
Père. Voici donc, en résumé, * ce que
se proposera le Patriote de Normandie :
Grouper, en vue d'une action commune,
tous ceux qui veulent substituer à un sys
tème de gouvernement entaché de parti pris
de persécution et d'exolusivisme, une poli
tique vraiment libérale, résolument conser
vatrice, tel est le but que nous voulons
poursuivre et que nous comptons atteindre,
grft.ce aux efforts de ceux qui voudront bien
nous prêter leur concours.
Nous ne demandons à personne de déser
ter son drapeau.
Nous demandons seulement & ceux qui
estiment que le régime actuel n'est ni un
régime de liberté, puisqu'il accorde cette
liberté à ceux-là seuls qui sanctionnent
tous ses actes, ni un régime d'égalité, puis
qu'il se refuse à toutes réclamations de la
minorité, ni un régime de fraternité, puis
que les conservateurs et les catholiques
sont considérés comme des ennemis^ de. se
joindre à nous pour que nous obtenions
légalement le plein exercice de nos droits
méconnus.
Notre voix sera entendue, nous en som
mes certains, car sur le terrain que nous
venons de délimiter, et que nous n'aban
donnerons pas, l'entente est naturelle avec
tous ceux qui aspirent, comme nous, à l'a
vènement d'une politique de concorde et de
vraie liberté.
Nous faisons appel à . toutes les bonnçs
volontés, parce que, fidèles aux principes
qui nous sont chers; comme nous l'avons
déjà dit, comme nous l'avons fait, comme
nous le ferons toujours, noiis plaçons avant
tout l'intérêt supérieur de la patrie.
Rouen, 15 août 1892.
Baron Piérard,
député.
Vacances parlementaires
III
Parlottier . — Je vous préviens
qu'aujourd'hui je vais me rattraper.
Les autres fois vous m'avez battu par
surprise ; car depuis longtemps je
n'avais pas réfléchi à la plupart des
choses que nous discutions. J'avoue
qu'il faut une philosophie pour réunir
les sciences et pour que la raison se
connaisse elle-même. Mais l'argument
que vous ne réfuterez pas, c'est celui-
ci : que la science, généralisée, abou
tisse ou non à la métaphysique, en
tout cas elle est limitée désormais à la
simple nature; et il n'est plus ques
tion de forces surnaturelles.
Le curé . —- Qu'appelez-vous la na
ture ?
Parlottier . — Vous voilà encore
avec vos définitions 1 Vous voulez me
déconcerter. Trouver une formule qui
contient la puissance universelle !
Vous exigez de moi des explications
que les plus grands philosophes n^ont
fiu fournir. Vous abusez de ma doci-
ité.
Le curé . —. Non, je m'efforce seu
lement de vous amener à une bonne
habitude, qui est de faire attention à
ce que l'on dit.
Assurément, c'est un rude travail de
fournir des définitions. Celle qui con r
viendrait à la « nature » est au-dessus
de la puissance du génie...
Parlottier . — Eh bien, alors?...
Le curé . —Attendez... Il y a un mi
lieu entre la connaissance parfaite des"
choses et le bavardage incohérent.
Par instinct et ensuite par raison,
nous jugeons que nous resterons tou
jours infiniment au-dessous du but
qui nous attire, et cependant nous
nous épuisons comme si nous espé
rions l'atteindre. Les vrais savants
sont bien sûrs (ils le disent assez sou
vent) de ne connaître qu'une partie
insignifiante des , phénomènes qui
nous entourent ; néanmoins, ils pour
suivent leurs recherches comme s'ils
{»ouvaient conquérir l'immensité,
'emporter dans leurs bras, l'enfermer
dans leurs vitrines ou dans leurs car
tons; Je vous propoëe d'imitèr cet
exemple, de loin seulement et pais
même tous les jours. Je ne suis pas
exigeant, vous le voyez. Je m'en tiens
aux devoirs élémentaires. Un peu de
sérieux, un peu de réflexion, ce n'est
pas trop demander de vous, législa
teur, gardien de la raison, protecteur
des sciences.
Or, vous et vos amis, vous êtes vic
times d'une demi-douzaine de mots '
dont vous vous servez comme de ta
lismans. Qu'il s'agisse de morale ou
de liberté, vos voix résonnent en par
faite harmonie, bien que vos esprits
ne soient' pas d'accord. Chacun de
vous donne à ces mots le sens qui lui
plaît; selon son humeur, ses g®ûts,
son passé, ses relations, la piété ou la
coquetterie de sa femme, la carrière
rêvée pour les enfants, les crises mi
nistérielles, les nécessités de la. lutte
électorale. Du haut en bas l'équivoque
s'établit et chacun y contribue. Quant
à la « nature », vous agissez d'une fa
çon encore plus curieuse : ce ne sont
pas des opinions ou des tendances;
différentes que vous rassemblez sou»
la même étiquette, ce sont des formes
vides. Là on ne voit pas4e pêle-mêle-
des idées; on constate l'absence de
toute idée. Vous n'avez que le mot M
quel, dépourvu du moindre sens, et.
vous voilà en extase. 0 nature, nar ,
ture, nature ! Bonne? On ne sait pas.
Intelligente? On l'ignore. Gloire à la
nature, dont la nature est d'être na
turellement conforme à la nature. Le
naturel explique tout, et il ne s'expln,
que pas. Il est tellement naturel qu'il
en devient surnaturel sans cesser d'être'
naturel; ce qui paraît le comble du
naturel !
Voyons, à quoi pensez-vous lorsque
vous dites que tous les phénomènes
sont naturels?
Parlottier . — J'entends qu'ils sont
produits par les forces de... '
Le curé . — Les forces de la na
ture?
Parlottier . — Ma foi, oui.
Le curé . — Et la nature?
Parlottier . — La nature..., c'est
l'ensemble de... des... phénomènes.
Le curé . — Bravo ! La nature c'est
le phénomène, et le phénomène c'est
la nature! Phénomène, nature ; na
ture, phénomène. Oirpeut aller long
temps de ce train. On n'avance guère,
il est vrai, mais on n'en a pas besoin :
le spectacle est si beau ! Nous sommes
dans le cirque triomphal de la raison
humaine. Quelles cabrioles ! C'est na
turellement phénoménal et phéno-
ménalement naturel.
Parlottier . — Vous ne vous gênez
pas.
Le curé . — En apparence. Au fond,
je prends moins de libertés que vous.
Vous n'avez plus envie de railler.
Soit. Consultons de nouveau Littré :
« Nature : ensemble de tous les êtres
« qui composent l'univers... Ordre
« établi dans l'univers ou système de
« lois qui président à l'existence des
« choses et à là succession des êtres..,
« Personnification de l'ensemble des
« lois naturelles..... Ce qui constitue
« tout être en général,soit incréé, soit
« créé— L'essence, les attributs, la
« condition propre d'un être ou d'une
« chose..... La nature des choses en
« général, la nécessité qui résulte de
« la constitution des choses En-
« semble des propriétés qu'un être
« vivant tient de sa naissance, de son
« organisation, de, sa . conformation
« primitive par opposition à celles:
<< qu'il peut devoir à l'art..... »... En
résumé, la nature désigné un ensem
ble de lois, c'est-à-dire l'ordre. Elle
est pleine d'ordre.
Parlottier . — Et après?
FEUILLETON DE UUMVERS
du 18 août 1892
CAUSERIE SCIENTIFIQUE
Gelées et sécheresses.
En cette première moitié de l'année 1892,
les éléments se sont moqués du calendrier
comme nos ministres du Concordat. En
mars et avril, chaleurs intenses et préma
turées ; on se croyait au mois d'août.
En mai, gelée meurtrière; puis séche
resses longues et énervantes. Quand enfin
1& pluie daigne arroser nos « guérôts », elle
est acoompagnée de tonnerres et de grêles.
Hier, la foudre démolissait deux olochera
voisins de mon village; aujourd'hui ,
3, août, un® mauvaise honte m'a seule em-
pêohé de faire du feu dans mon bureau.
Et puis c'est l'Etna qui remplit les airs de
flammes et de roches incandescentes, ou le
mont Blanc qui engloutit les vallées sous
des; torrents de glaces fondues. Là-bas,
dans les parages effrayants, vers Bornéo,'
Java, Sumatra, noms qui terrifient, une île
entière s'effondre dans les abîmes de la
mer la plus redoutable.
Et que faire pour conjurer tant de fléaux?
Demander d'abord au bon Dieu qu'il nous
les épargne; puis se mettre résolûment à la
besogne quand on le peut.
Il parait impossible de se préserver de la
grêle. J'ai parlé, ici môme, d'un projet con
sistant à munir de paratonnerres les pi
quets télégraphiques qui bordent les voies
ferrées. On paralyserait ainsi quelques
nuages orageux. Mais combien d'autres
échapperaient à leur action préservatrice 1
Il est plus facile de se garantir des funes
tes effets des gelé as et de la sécheresse.
Dans une note qu'il a lue à l'académie des
sciences, M. Chambrelent constate que les
efforts tentés cette année pour oombaitre
les effets des gelées ont été les ans cou
ronnés de succès, les autres infructueux.
* Et il explique ainsi la différënoe des ré
sultats obtenus.
On a employé le procédé des nuages arti
ficiels, préconisé par Boussingault. Le re
gretté savant avait été frappé; au cours dé ;
son grand voyage en Amérique, de3 ré
sultats qu'obtenaient les Indiens centre les
gelées : nocturnes, en. brûlant des tas de
paille humide et en produisant ainsi d'épais
nuages de filmée et de vapeur d'eau au-
dessus des récoltes à protéger.
« Toutes les causes, dit-il, qui agitent
l'air, qui troublent sa transparence, qui
masquent ou. rétrécissent le ohamp de
l'hémisphère visible, nuisent au refroidis
sement nocturne. Un nuage comme un
écran compense en tout ou en partie, se-'
Ion sa température propre, la perte de
chaleur qu'un oorps terrestre eût éprouvée
en rayonnant vers l'espace. »
Pourquoi les nuages artificiels, auxquels
tant d'agriculteurs ont eu recours cette an
née, n'ont-ils pas donné tous des résultats
satisfaisants ? Il y a à cela plusieurs causes :
« Le froid ne s'est pas produit seule
ment par rayonnement, il y a eu un abais
sement général de la température, qui
aurait maintenu l'atmosphère au-dessous
de zéro, même dans le rayonnement'd'un
temps serein.
« D'un autre côté, on a souvent employé
pour les nuages des huiles minérales dont
la combustion donne une fumée assez
abondante, mais beaucoup moins efficace,
pour agir comme écran, quela vapeur d'eau
elle-même.
« Les nuages que l'on fait, comme dit
Boussingault, en brûlant de la paille hu-
humide, des broussailles, des branches de
pin que l'on arrose constamment avec de
l'eau très divisée, présentent plusieurs avan
tages très marqués sur les autres.Ils agissent
comme de véritables nuages naturels pour
détruire tout rayonnement ; ils produisent
dans l'air, par la 'flamme des broussailles
en combusticn sur lesquelles tombe l'eau,
une agitation considérable de l'atmosphère,
qui contribue sensiblement à empêcher les
effets du refroidissement. Et enfin, un point
qu'il ne faut pas négliger, c'est que cette
grande quantité dé vapeur d'eau," en se con
duisant peu à peu dans l'amosphère, pro
duit une certaine quantité de chaleur qui
n'est pas moindre de 600 calories par kilo
gramme et qui diminue d'autant le refroi
dissement du milieu ambiant ».
Deux autres circonstances ont nui à l'effet
préservateur des nuages dans un certain
nombre de vignobles.
Dans la nuit du 21 avril, qui a été la nuit
néfaste, le froid a commencé & se faire sen
tir de très bonne heure ; le matin, au lever
du soleil, le ciel était d'une pureté parfaite
et les rayons solaires, déjà chauds à cette
saison, brûlèrent les plans. Il ne faut pas
perdre de vue, en effet,, oe point impor
tant .-après la gelée de la nuit, c'est sur
tout par la brusque élévation de tempéra
ture que produit le soleil, qu'un prompt
dégel amène la désorganisation; des tissus
de la plante, et produit ainsi le plus grand
mal. Exemple :
Dans la commune d'Avensan (Médoc),
où les propriétaires s'étaient syndiqués et
avaient fait des nuages dans de bonnes
conditions, on avait arrêté les feux à sept
heures. Voici comment l'un des propriétai
res a rendu compte de l'opération :
« Nos nuages artificiels avaient été ad
mirablement produits, quand le soleil a
paru ; pas un rayon n'a pu d'abord les pé
nétrer, et jusqu'à près de 8 heures nous
avons conservé la plus grande espérance,
« La glace fondait lentement ; les boutons
et les pousses étaient verts et roses tant que
les nuages ont oonservé leur intensité.
« Mais, bientôt après la disparition des
nuages, le soleil brillant de tout son éclat
avait tout brûlé ; pas un bouton qui ne fût
flétri et noirci ; nous aurions été préservés
si nous avions fait de nouveaux feux à
7 heures. »
Le même propriétaire ajoute qu'en 1890,
après une nuit de gelée, le soleil ne parut
qu'à 9 heures 3.0 minutes, par suite de l'état
nuageux.de l'atmosphère, et que ce jour-là
la vigne ne fut pas atteinte.
.Une autre constatation, non moins signi
ficative, a été faite cette année, dans la ma
tinée du 21 avril.
Toutes les vignes qui se trouvaient natu
rellement préservées du soleil levant par
un mur ou par tout autre abri, ont été
moins frappées que celles qui ont dû subir
les premières flèches de l'astre.
Conclusion : les nuages de vapeur d'eau
sont d'une efficacité admirable pour préser
ver les récoltes de la gelée nocturne, à con
dition qu'on allume les feux avant que la
température soit descendue au-dessous de
zéro, et à condition surtout dé les mainte
nir assez longtemps après le lever du soleil
pour que les plantes n'aient pas à souffrir
d'iin changement trop brusque de tempéra-
ture.
Ces moyens de préservation ne sont pas
sans dépenses. Mais quoi I Ne vaut-il pas
mieux dissiper quelques éous en fumée que
de perdre toute une récolte et, souvent, de
compromettre les récoltes à venir? Cette
dépense, d'ailleurs, n'est pas exorbitante.
Elle s'est élevée, dans un de nos vignobles
préservés, à 17 fr. 50 par hectare.
Ce ne sont pas seulement les vignes mais
encore les prairies qui ont eu à souffrir des
gelées printannières cette année. La séche
resse a mis le comble au désastre.
Quel remède? Il n'y en a qu'un, les irri
gations.
Pendant que l'agriculture se plaint par
tout de la pénurie de foin cette année, les
prairies irriguées de la Camargue ont
donné, en première coupe, 5,000 kilogram-
mes de foin sec à l'hectare", et la seconde
récolte s'annonce aussi bien.
M. Chambrelent, dans, un mémoire pré
senté à l'aoadémie en 1888, constatait que
de 1860 à 1880 la surface des prairies irri
guées avait augmenté de 552,000 hectares,
et le rendement des cultures fourragères de,
176 millions de quintaux par an. Ces irri
gations nouvelles n'avaient exigé que 550
mètres cubesjd'eau, et il en restait 7,000 mè-,
très pour arroser d'autres surfaces bien
plus étendues.
Mais depuis dix ans, rien n'a été fait
dans ce sens; nos prairies souffrent de laj
sécheresse, et personne ne songe à utiliser
ces grandes massés d'eau disponibles, les
quelles, faute d'emploi sont souvent nui
sibles. .
On préfère dilapider l'argent des contri
buables en stupides et ruineuses laïcisa»
tions.
Les Réfrigérants
Je vous ai conté jadis que, grâce aux tra
vaux de MM. Cailletet et Pictet,on pouvait
assez facilement aujourd'hui liquéfier et
même solidifier des gaz réputés autrefois
permanents. C'est ainsi que ces deux sa-,
vants ont pu liquéfier l'hydrogène, par
exemple. .
Ces résultats, d'une importance capitale
pour l'étude des lois physiques, sont ob
tenus par la combinaison de pressions;
énormes et de froids intenses.
« Après quinze années de travaux,dit la.
Nature, M. Pictet a pu enfin se donner la
satisfaction et l'infinie jouissance, pour un,
savant, de pouvoir réaliser son rêve », et,
il possède depuis deux ans un véritable
laboraioire frigorifique industriel. t
En discutant un à un tous les moyens
connus aujourd'hui d'enlever la chaleur,
aux corps : dilatation de l'air et des gaz,,
évaporation des liquides volatiles, mélanges^
réfrigérants basés sur les dissolutions'des
sels, M. Pictet. est arrivé à cette conclusion
qu'il faut partager l'échelle des tempéra
tures en trois cycles au moins, et se servir
exclusivement des liquides volatiles comme
agents frigorifiques. .
Cycle. M. Pictet emploie un mélange
d'acide carbonique et d'acide sulfureux. II
obtient avec ce liquide dans les petits ré
servoirs une température de — 110° dans 1
les grands réfrigérants, une température
de — 100° à—105*. Avec l'acide sulfureux
seul, on ne dépasse pas — 70°.
.3' Cycle.. M. Pictet noie dans le réfri
gérant à —100°, un oondenseur ou tube
très résistant, dans lequel il comprime du
protoxyle d'azote qui s'est liquéfié. Le li-
' quide est envoyé dans un second réfrigé
rant où, on fait le vide ;. par évaporation, la
température tombe, à — 150° ou 155° etle'
protoxyde d'azote se solidifie.
3* Cycle. Pour ce troisième cycle, on
pourrait employer l'oxygène pur, l'azote,;
l'oxyde de carbone. M. Piotet a choisi l'air
atmosphérique. Il le comprime dans un
tube très résistant noyé dans ,1e protoxyde
d'azote solide (température-r- 150°) ; sous
une pression de 50 à 60 atmosphères, l'air
sa liquéfie ; il passe liquide dans un der
nier réfrigérant,où, par ^évaporation, la
température tombe à — 210°.
L'air liquide, en s'échappant du réci
pient où il est comprimé, présente une su
perbe couleur bleu de ciel.
Les températures sont mesurées en pre
nant pour étalon le thermomètre à hydro
gène sec sous une pression faible de 400 mil
limètres de mercure. Pratiquement, on fait
usage de thermomètres, à alcool et à éther
sulfurique étalonnés sur le thermomètre à
hydrogène.
Les corps se présentent à nous sous trois,
aspects: solide, liquide et gazeux; Pendant
des siècles, on a cru que seuls, les oorps li-y
quides pouvaient tous changer d'état et
passer à l'état liquide ou à l'état solide, sui
vent la température. Même dans cette caté
gorie, il y avait des exceptions; l'alcool,
par exemple, n'a, je crois, jamais été soli
difié. Mais il est difficile d'admettre aujour
d'hui qu'il ne puisse pas l'être. Les corps
solides ne sont pas non plus tous liquéfia-,
bles, du moins avec les moyens dont nous
disposons. Le carbone est particulièrement
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.62%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.62%.
- Collections numériques similaires Marevéry Yves Marevéry Yves /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Marevéry Yves" or dc.contributor adj "Marevéry Yves")[Germaine Reuver et Gaston Silvestre dans "Zizi Pam Pam's" de Henry de Gorsse / dessin de Yves Marevéry] /ark:/12148/btv1b53142087v.highres [Mona Delza, Max Dearly et Georges Mauloy dans "Mon bébé" de Margaret Mayo, adapté par Maurice Hennequin / dessin de Yves Marevéry] /ark:/12148/btv1b531299408.highres
- Auteurs similaires Marevéry Yves Marevéry Yves /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Marevéry Yves" or dc.contributor adj "Marevéry Yves")[Germaine Reuver et Gaston Silvestre dans "Zizi Pam Pam's" de Henry de Gorsse / dessin de Yves Marevéry] /ark:/12148/btv1b53142087v.highres [Mona Delza, Max Dearly et Georges Mauloy dans "Mon bébé" de Margaret Mayo, adapté par Maurice Hennequin / dessin de Yves Marevéry] /ark:/12148/btv1b531299408.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k707795h/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k707795h/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k707795h/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k707795h/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k707795h
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k707795h
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k707795h/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest