Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1892-08-12
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 août 1892 12 août 1892
Description : 1892/08/12 (Numéro 8869). 1892/08/12 (Numéro 8869).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 12 Août 1SÔ2
N* 8869. — Edition quotidienne
Vendredi 12 Août 1892
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
it départements (union pqstjlll)
. . 65 » 66 »
• • 28 50 84 B
. . 15 » 18 »
Un an . • .
Six mois . .
Trois mois.
Xes abonnements parten t des ! "• et 16 de chaque mois
" UN NUMÉRO j Sé^témints'. *. il*-*'
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
È
9
Un an . . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
h département!
, . 30 ».
. 16 »
. . 8 50
ÉTRANGER
(union posxui)
36 »
19 »
10 »
Les abonnements partent des i" et 16 de chaque mois
,1'ffiTO ut répond pis des maouserits qui lui rat iduufa
ANNONCES
. LAGRANGE, CERF et C u , 6, place de la Bourse
On «'abonne II Rome, place du Gesù, 8
FRANCE
PARIS, 11 AOUT 1892
La célébration révolutionnaire du
40 août ne paraît pas avoir eu tout le
succès qu'en attendaient ses promo
teurs. Dans les divers arrondissements
où l'on a voulu fêter ce sanglant an
niversaire, l'écho des discours, des
bruyantes beuveries et des bals n'a
guère troublé que l'esprit ou l'estomac
du petit groupe des manifestants.
M. Camille Pelletan est le seul homme
politique en vue qui se soit associé à
ces démonstrations. On ne sera pas
surpris qu'au lieu de parler du 10 août
il ait surtout parlé du « cléricalisme ».
Il est hanté : comme Mathan,« le tem
ple l'importune » et son impiété dé
nonce furieusement l'Eglise comme
étant le principal ennemi dont la des
truction doit être célébrée dans les
10 août de l'avenir. Mais, tout en par?
lant ainsi, M. Pelletan, qui n'est pas
sot, devait se dire que l'Eglise, dans
plus ou moins d'années, l'enterrerait
lui-même après tant d'autres. C'est
donc une triste besogne que celle
jqu'il poursuit avec une si pitoyable
obstination. •*>
Les hostilités ont commencé au Da
homey. Des dépêches que nous pu
blions plus loin disent que la flottille
française a bombardé la côte daho
méenne. Une colonne, sortie de Koto-
nou, a eu un engagement avec les
dahoméens et, après leur avoir infligé
des pertes sérieuses, est rentrée dans
le fort. Il y aura évidemment des sui
tes à cette première escarmouche.
L 'Indépendance Belge publie une
singulière information. D'après ce
journal, la société du Haut-Congo,
se prévalant de la protection du gou
vernement belge, attestée par la sub
vention que celui-ci lui assure au
budget national, songerait à réclamer
son intervention contre les préten
tions insoutenables de l'Etat libre da
Congo. Dans ce cas, l'on se demande
ce que ferait le cabinet belge, placé
entre les intérêts du roi, souverain de
l'Etat libre, et les intérêts des natio
naux belges. S'il défend les Belges de
la société du Haut-Congo contre les
exigences du souverain de l'Etat
libre, que dira le roi ? S'il soutient le
roi et méconnaît les droits des Belges,
comment ceux-ci prendront-ils la
chose ?
Tout cela, sans compter les difficul
tés avec la France, maintenant que
notre gouvernement a officiel le me at
refusé l'arbitrage proposé par le roi
des Beiges.
On .mande de Londres que sir Henry
Ponsonby, secrétaire de la reine, s'est
mis en communication avec M. G'ad-
stone. On croit que la reine appellera
demain M. Gladstone à Osborne, où
lord Salisbury se rendra probable
ment aujourd'hui.
Nous avons annoncé l'ouverture du
congrès des catholiques autrichiens
tenu présentement à Linz. Parmi les
discours prononcés dans les deux pre
mières séances, on signale celui de M.
Orterer, membre du Reichstag alle
mand, qui a rappelé lesliens nombreux
et étroits qui unissent les catholiques
d'Allemagne etceux d'Autriche, et celui
de M. Ebenhock, qui a discuté les caur
ses de la décadence des populations
agricoles et proclamé que l'Eglise est la
mesure citadelle contre la eocia-
lismê de piu* plus envahissant. Le
congrès a adopté u- verses . RjQtWRS
relatives au repos dominicâi, aux
écoles chrétiennes, à la question so
ciale.
D'après une dépêche 4 de Saint-Pé-;
tersbourg adressée à l'Agence Havas,
certains journaux en Europe exagè
rent l'importance de l'expédition russe
du colonel Yonow au Pamir ; celle-ci
ne serait réellement qu'une simple
démonstration militaire, comme celle
qu'il fit déjà, sans graves conséquen
ces, l'année dernière. Il est vrai que
le colonel Yonow opère maintenant
avec un plus nombreux effectif, mais
c'est en vue d'empêcher l'accapare
ment par la Chine des territoires du
Pamir, dépendant de la Russie.
Le mouvement révolutionnaire
continue dans les républiques de
l'Amérique du Sud. D'après le Herali,
un soulèvement général est attendu
en Bolivie, où le parti libéral combat
le président élu, M. Baptista. On croit
en outre que le général Camacho
pourrait bien revenir dans le pays et
se mettre à la tête de l'oppostion.
D'autre part, une dépêche de Pana
ma dit que le nouveau ministère
colombien est formé. Le général Cuer-
vo a été nommé ministre de l'inté
rieur, et M. Bravo ministre des fi
nances.
Le grand procès du Home Rule vient
de recommencera Westminster. Home
rulers et unionistes se sont déjà bom
bardés de leurs premières harangues.
Il nous faut forcément négliger les
orateurs de seconde ligne.
C'est autour de M. Gladstone que
sont rangés les amis de l'Irlande. C'est
autour de M. Balfour, neveu de lord
Salisbury et chef du parti tory à la
Chambre des communes,que sont ran
gés tous les tenants de Yunionisme,
En nous occupant de ces deux person
nages du moment, nous dirons suffi
samment l'importance que cette ques
tion du Home Rule prend aujourd'hui
pour l'Angleterre.
La presse de Londres est unanime à !
constater le succès remporté par]
M.Gladstone. Rarement le vieil homme ]
d'Etat anglais a été mieux inspiré, j
plus pathétique, plus maître de sa !
pensée et de sa parole. Pour lui, la
victoire du Home Rule c'est la victoire
delà force morale. Et il veut espérer
que l'Angleterre saura reconnaître
cette victoire-là en rendant justice
aux revendications de l'Irlande.«C'est
le dernier espoir, la dernière ambi
tion de sa carrière. Et jamais l'Angle
terre n'eut question plus impérieuse,
plus grave a régler.
Mais aux adjurations éloquentes du
vieux Gladstone, M. Balfour répond
par les vieux arguments, les vieilles
plaisanteries de la politique tory : « La
force morale en Irlande? Quelle er
reur ! C'est la force immorale que de
vrait dire M- Gladstone ». Puis le ne
veu de lord Salisbury compte bien que
la froide province d'Ulster se lèvera
avec les orangistes pour faire avor
ter le Home Rule. Bref, ce serait très
grave, ce genre d'éloquence de M. Bal
four, s'il n'y fallait voir plutôt un ar
tifice électoral et parlementaire, qq'qn
appel déterminé à la guerre civile. Du
reste, le neveu de lord Salisbury a
une façon délicieuse de renfermer
dans une coquille de noix {in a nutshell)
comme on dit chez nos Voisins, toute
la question irlandaise. Voici s# thèse ;
« L'Angleterre et l'Irlande font partie
d'une association. Pour que 1 asso-
■ • « ■ r * t '
scrupule,et qui redemandant sa bourse ;
et sa liberté s'entendrait dire par son
hôte... involontaire : »
« Permettez ! Nos destinées, nos
bourses sont associées; nous ne pou
vons les séparer que par mutuel con
sentement," et je ne consens pas. »
La réponse enchanterait médiocre
ment le voyageur. line cacherait point
sa stupéfaction. Et, à moins d'un rare
empire sur lui-même, il ns cacherait
pas non plus son intention arrêtée
d'échapper à l'association le plus tôt
possible.
Ce voyageur, c'est l'Irlande; le ci
toyen de Thessalie, c'est M. Balfour,
qui prend si crânement à son compte i
« l'association » entreprise par les au
teurs de l'union, « association » que des
Anglais distingués ont eux-mêmes
qualifiée sévèrement. C'est « l'union
du requin avec sa proie » a dit jadis
lord Byron. L'union a été un « acte
frauduleux » disait hier encore John
Bright.
Seulement la réponse de M. Balfour
a un grand tort, celui de ne pas être
sans réplique. Et cette réplique l'Ir
lande Ta déjà donnée — en fournis
sant à M. Gladstone l'appoint de sama-
jorité. M. Balfour n'est plus neveu
que d'une ombre de premier ministre^
C'est M. Gladstone qui va avoir la si
gnature de l'Angleterre, et l'Irlande a
en poche une bonne promesse de rési
liation. <
L. N. G.
de la donation. Mais la secte laïcisa-
trice n'a pas d'entrailles. Plutôt que
de laisser aller aux pauvres dés secours
qui leur seraient donnés par les ad
mirables servantes de la charité chré
tienne, elle raie d'un trait la disposi
tion qui, à ces orphelins et à cés pau
vres, assurait la vie morale avec la
subsistance matérielle. Quels beaux
cris cependant n'ont-ils pas poussés,
jadis, les tenants actuels de la laïcisa
tion, quand l'histoire faussée mettait
à la charge de la religion catholique
la fameuse devise : « Crois ou meurs »
propagée par le cimeterre musulman 1
Or, les voici qui, eux, bien réellement
à la façon du commandeur de Don
Juan , disent aux orphelins et aux
pauvres : « Renie Dieu ou meurs. »
A uguste R oussel.
Sous ce titre : « M. de Mun et le
socialisme », le Figaro , où se trou
vaient, l'autre jour, mises en cause
les idées de l'éminent orateur catho
lique, publie l'importante lettre sui
vante que lui a communiquée M. le
comte ae Mun et qui est adressée à
M. Henri Schneider, directeur du
Creuzot et député de Saône-et-Loire :
Voré, 8 août 1892.
14 l^UU —
dation cesse, il fq.i;t qu§ les deux par
ties soient d'accord. Et l'Àngleterrè ne
consent pas. »
fUODliV " At
On imagine 1$ stupéfaction d un
. yoyageur qui, arrêté dans un repQvn
! P ap un Had^i Stavrqs sans
Nous signalions l'autre jour, d'après
YEmancipateur de Cambrai, une déci
sion vraiment monstrueuse de l'auto
rité administrative. Ayant à se pro
noncer sur l'acceptation de divers legs
dus à la générosité d'un testateur cam-
brésien,elle avait autorisé la municipa
lité à accepter, dans ces legs, celui qui
favorisait les écoles laïques, tandis
que les écoles libres, dotées, quoique
moins richement, par le même testa
ment, se voyaient refuser la même au v
torisation.
Un nouveau fait se présente au
jourd'hui çiui montre à. nouveau l'o
dieux parti-pris de l'administration en
ces matières, et qu'il importe non
moins de dénoncer à l'indignation de ;
tous les honnêtes gens. Il s'agit
d'un legs de 90,000 francs que les
Filles de la Charité de Saint-Vincent
de Paul demandaient l'autorisation
d'accepter, dans l'intérêt des pauvres
auxquels ce legs était fait en réalité.
La testatrice, Mlle Mérel, stipulait en
effet que, sur ces 90,000 francs, 70,000
seraient affectés à la fondation et à
l'entretien d'un orphelinat à la Guer-
che (Ille-et-Vilaine).
Eventuellement, les religieuses lé
gataires étaient en outre chargées
d'organiser un service de vente en
faveur des pauvres de la même pa
roisse de la Guerche. Les 20,00Q autres;
francs devaient être employés à l'en
tretien éventuel de l'orphelinat.
Le Temp$ } crui nQ^s informe du pe-r
fus opposé à la demande des reli
gieuses par l'autorité administrative,
omet de nous renseigner sur les mo
tifs de ce refus. Serait-il téméraire
dé dire qu'ils sont faciles à de
viner ? Légués à des francs-maçons
en vue de bâtir un orphelinat de là
secte, il n'y a'guère de doute que l'ati-
torisation 'eût 'été prpmptemènt $0-:
cordée. MaÎ3 offrir ainsi un nouveau
champ à ï'abnegation et qq dévoue
ment des religieuses, non Î)$3Î"
Les conséquences sont qn ne peut
plus faciles à Urep. Qui pâtira ae la
décision qu'on nous annonce? Les
pauvres, évidemment, puisqu'ils sont
nommément désignés comme éta$t,
, $yeb"le8 prpheli$», l ! pbj§t principal
Mon cher collègue,
Le fiigaro du 6 août publie sous le titre
« la Question sociale », un entretien de
M. Jules Huret aveo vous, dans lequel l'au
teur vous attribue, à mou sujet, des appré
ciations qui m'ont vivement surpris. Il est
arrivé souvent que mes opinions sur les
questions sociales ont été dénaturées dans
la presse, sans que j'aie cru nécessaire de
protester; mais l'autorité de votre nom
est trop grande, la place que vous occupez
dans l'industrie et dans le Parlement est
trop considérable, pour que je ne vous de
mande pas la permission de vous répondre
quelques mots.
M. Jules Huret cite, de vous, les paroles
suivantes:
« M. de Mun, qui est un de mes amis,
veut aussi supprimer les patrons. Je lui
ai dit un jour : Je n'entends pas être sup
primé ; je me défendrai, soyez-en sûr. »
Je n'ai pas le souvenir de la conversation
â laquelle ces paroles font allusion ; mais
elles me prêtent certainement une pensée
qui n'est pas la mienne. Sans doute, j'ai
plus d'une fois constaté, en la déplorant, la
transformation économique qui tend, de
plus en plus, à changer les conditions du
patronat, en substituant la société de capi
taux formée d'hommes le plus souvent in
connus des ouvriers; vivant loin d'eux et
dénués de compétence professionnelle, au
patron, homme du métier, mêlé effective
ment à la vie des travailleurs : je sais à
merveille que ce n'est pas le cas du Creuzot,
mais nul ne peut nier que ce ne soit celui
d'un nombre de plus en plu3 grand d'éta
blissements industriels ; c'est un social
dont la responsabilité n'irièombe à personne
en particulier, mais qui a pour effet de mo
difier profondément les rapports des ou
vriers aveo ceux qui les emploient. J'ai,
çoviyent, fait ressortir cet état de choses,
{iinsi que la nécessité, qui en découle, de
réforpier, sur beaucoup cje poinis, la légis
lation du travail, et j'ai cherché, en môme
lemps, à montrer, dans l'organisation cor
porative, le moyen, non seulement de dé
nouer pacifiquement les conflits qui nais
sent du choc des intérêts, mais d'offrir une
garantie efficace aux droits de chacun, et
de donner satisfaction aux légitimes aspira
tions des travailleurs vers une certaine pro
priété collective: o'est pourquoi j'ai tou-
jpurs appuyé, qumd je ne les ai pas propo
sées moi-même, toutes les mesures qui ten
dent à préparer cette organisation, en fa
vorisant la constitution et le développement
des associations ouvrières. De tout cela je
n'ai rien à retirer. Mais» je n'ai jamais de-
njandé,'ni indiqué oomme une solution so
ciale/la suppression des patrons.
Voulez-vous me permettre d'ajouter que
je crois, au contraire, en soutenant ces
idées, opposer 1$ getyle barrière sérieuse au
çoci^listne révolutionnaire qui les menace,
et qu'à mon avis si, comme VQ&3 le dites,
ils veulent se défendre, ils Je feront plus 1
utilement en secondant des réformes aussi
justes qu'inévitables, qu'en essayant de les
retarder par de vaines résistances ?
M. Jules Huret cite encore, un peu plus
loin, ces autres paroles de vous :
« C'est très amusant de voir M. de Mun,
qui se dit catholique et qui obéit au Pape
quand il s'agit de devenir républicain, se
mettre en dehors des prescriptions pontifi
cales pour devenir socialiste. »
Je me dis en effet catholique, mon cher
collègue, et je le suis. Mais je ne me suis
jamais dit socialiste : j'ai toujours repoussé
cette qualification, et je l'ai fait, en particu- :j
lier, d'une manière très catégorique, à la ;
tribune, dans la séance du 8 décembre 1891,
en répondant à M. Lafargue, dans les ter
mes que voici :
« Je ne me suis jamais qualifié de socia-
liste; je ne me qualifierai jamais ainsi,
parce que cette formule répond à. tout un ■
ordre d'idées absolument différentdu mien,
en particulier sur deux points prinoipaux :
le point de départ, qui est entièrement op
posé aux doctrines religieuses que je pro
fesse, et le point d'arrivée, c'est-à-dire la
conception collectiviste, que je réprouve
parce que je ne la crois ni juste m prati
que. »
Je crois ainsi avoir donné, dans cette cir
constance comme dans toutes les autres, le
témoignage de mon entière obéissanoe aux
enseignements et à la direotion du Saint-
Siège; et j'ai, d'ailleurs, la consoience de
ne m'ôtre mis en dehors des prescriptions
pontificales dans aucune des opinions que
j'ai soutenues sur les questions sociales :
bien au contraire, j'ai la joie très profonde
d'en avoir trouvé là pleine et entière justi
fication dans l'Enoyclique sur la Condition
des ouvriers.
M. Jules Huret rapporte que vous lui
avez répondu, lorsqu'il vous demandait
« ce qu'il était bon de faire, étant donnée la
situation présente » :
« L'Encyclique 1 lisez l'Encyolique l o'est
tout à fait cela. »
Je me réjouis, mon cher collègue, et j'ose
vous féliciter de cette déclaration. Il n'y a
dono plus de désaccord entre nous, ni sur
l'intervention des pouvoirs publics dans les
questions ouvrières, ni sur la réglementa
tion des heures du travail, ni sur l'interdic
tion du travail de nuit, ni sur le juste sa
laire, ni sur l'organisation des corps pro
fessionnels, oar l'Encyclique prévoit et
approuve tout oela. ,
En terminant cette lettre, je veux, mon
cher oollègue, invoquer le titre d'ami que
vous avez bien voulu me donner dans votre
conversation aveo M. Huret. Celte amitié,
qui m'honore, me pardonnera, j'en suis sûr,
de rendre publiques, comme l'a été votre
entretien, de« rectifications dont vous com
prendrez l'importance, et qui n 'allèrent on
rien les sentiments affectueux de
Votre bien cordialement dévoué,
A. de Mun.
ïà
Grcjide défaite des constitutionnels :
On nous écrit du Jura : « Quatre j
candidats se présentant sur le terrain :
de l'Encyclique ont passé ; deux au
tres, n'ayant pas fait de déclaration
constitutionnelle, ont été battus ».
On nous dit de Versailles : « M. Ru-
delle, que les agences officielles ont
donné comme républicain, est un ré
publicain comme il en faudrait des
centaines. Catholique avant tout, il a
déclaré hautement ses sentiments re
ligieux, et c'est en se plaçant sur le
terrain de l'Encyclique qu'il a gagné
un siège occupé depuis vingt ans par
des opportunistes et des francs-ma
çons ».
Toujours d'après les renseigne
ments officiels, c'est un républicain
qui triomphe à Thorens, dans la
Haute-Savoie. C'est peut-être vrai;
mais ce qu'il y a de plus vrai encore,
c'est que ce républicain est également
un catholique, qui a gagné un siège
sur les opportunistes en acceptant la
République. Nous avions d'ailleurs fait
prévoir ce succès, regrettant seule
ment que les catholiques n'aient pré
senté que deux candidats dans ce dé
partement. Leur double victoire les
encouragera sans doute à mieux faire
une autre fois. « ■.
Lisez les statistiques officielles, vous
verrez encore que c'est un républi
cain qui passe à Saint-Georges-de-
Couzan, dans la Loire. On oublie seu
lement d'ajouler que c'est un des
nôtres.
A Conches-les-Mines, en Saône-et-
Loire, c'est un constitutionnel catho
lique qui enlève un siège aux oppor
tunistes.
Dans le Puy-de-Dôme, à Clermont-
Ferrand, vous verrez, d'après les
agences officielles, que c'est un ré
publicain qui l'emporte. "Encore un •
républicain de la bonne marque.
En Vaucluse, M. Reynaud de Gar-
derette est donné comme républicain
par l'Agence Havas. C'est encore biea
possible, mais il est certain que c'est
un républicain conservateur.
Dans le Nord, à Lille, si de nom-^
breuses abstentions sont cause de l'in
succès d'un candidat, le canton Lille
sud-ouest est conquis par un catho
lique constitutionnel.
A Vizille, dans l'Isère, M. Peyron,,
donné comme républicain, est égale
ment un catholique. C'est encDre un
siège gagné sur les opportunistes,
comme à Voiron : et ces deux belles
victoires disent assez quel pas énorme
on vient de faire en Daupniné, grâce
à la politique constitutionnelle, et, ne
l'oublions pas, grâce à notre excellent
confrère la Croix de l'Isère, qui,
bien entendu, s'est toujours placé sup
le terrain de l'Encyclique.
Ces rectifications, ajoutées à celles
que nous avons déjà faites relative
ment au premier tour de scrutin, ne
sont là qu'à titre d'exemples, et nous
en aurions certainement bien d'autres
à y joindre, s'il nous était possible de
contrôler les résultats de toutes les
élections et de connaître exactement
l'opinion des candidats élus.
N'importe ! Aelles seules, ell^rs prou
vent quelle confiance limitée il con
vient d'accorder aux renseignements
officiels, qui persistent à nous donner
exactement les mêmes chiffres.
Qui donc le gouvernement appelle-
t-il conservateurs? Qui appelle t-il con
stitutionnels? Qui appelle -t -il républi
cains ?
La plupart de (jeux qu'il désigna
sous le nom. ie conservateurs sont des
con ^Viiutionnels, et il range parmi les
républicains de nombreux catholiques
constitutionnels, sans avoir tort d'ail
leurs, puisque c'est la vérité. Mais
alors, comment, dans ce dédale, re
connaître qui est vainqueur et qui est
battu ?
Les républicains sont bien et de
beaucoup les plus nombreux. Mai3
combien y a-t-il de catholiques par
mi eux ? Aucun, nous disait-on, et
voici que chaque jour nous en décou
vrons de nouveaux.
La gauche antireligieuse n'a donc
pas à crier si haut victoire. ,
A moins qu'elle ne compte pour des
succès décisifs ceux du socialiste con
damné Culine à Roubaix et de M.
Wilson à Montrésor, un nom prédes
tiné pour les pots-de-vin.
G abriel C olun.
En réponse à la thèse de M. Dupuy-
Dutemps, nous avons prouvé l'autre
jour qu'on faisait à tort une distinc
tion entre des évêchés qui seraient
concordataires et d'autres qui ne lè
seraient pas, vu qu'ils le sont tous au
même titre,
Tel est aussi l'avis de la Liberté t qui
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 12 août 1892
LÉON CLADEL
La semaine passée, quelques jours aprèa
la mort de Léon Cladel, son ami Clovis Hu
gues, ami plus encore du révolutionnaire»
que de l'écrivain, consacrait au romancier,
disparu une étude, d'ailleurs intéressante.
Dans cet article, M. Clovis Hugues s'effor
çait d'expliquer pourquoi Léon Cladel n'a
vait pas su capter la faveur du public et
conquérir la célébrité littéraire. M. Clovis
Hugues a pris un soin cruel pour la mé-;
moire de son ami : de cette étude, en effet,
ce qui ressort avant tout, c'est l'aveu de,
l'obscurité, de l'indifférence générale où
meurt Léon Cladel. Les causes de cette in
fortune semblent moins claires ; elles ne
sont autres d'ailleurs que les raisons éter
nellement invoquées parles écrivains qui se
croient incompris et se déclarent méconnus ;
Léon Cladel, d'après M. Clovis Hugues et
d'après ses autres admirateurs, n'a pas été
goûté du public parce qu'il n'a pas voulu
plier au goût du public son génie trop fier ot
trop élevé... Vaines explications 1 les véri
tables grands écrivains, n'ont pas besoin de
se rapetisser à la mesure des lecteurs; ils
savent hausser les lecteurs à la mesure de
leur génie.
Donc, ses amis eux-mômes sont forcés de
le reconnaître, Léon Cladel, après avoir
cru quelque temps qu'il atteindrait la gloire,
est mort oublié. Or, par un de ces engoue
ments ridicules qui s'emparent des
pnts comme un fléau dont on ne voit pas
l'origine; g; &ce aussi à la manie actuelle de
glorifier les hommes ayant un peu marqué
sur la banalité générale, Léon Cladel, de
puis sa mort, est porté au pinacle. Certains
journaux, très graves, le traitent couram
ment de célèbre écrivain, d'illustre maître,
à la vive surprise des lecteurs qui jusqu'ici
n'avaient guère entendu parler de ce grand
homme 1 Des amis, plus éohauffés que le
oommun des critiques, ont proposé d'élever
à Cladel, par souscription publique, une
statue de bronze ou de marbre.
La statue de Léon Cladel ! Franchement,
l'apothéose commence à tourner au vaude
ville 1
Toutefois, hâ.tons-nous de le dire, si le
romancier qui vient de mourir n'est pas
digne des fleurs et des lauriers qu'on
jette à profusion sur sa tombe, il ne méri
tait pas non plus l'indifférence où depuis
longtemps déjà le public l'avait laissé dis
paraître. Un coup d'œil sur sa vie et ses
œuvres nous permettra de remettre les
choses au point, de discerner le juste et
l'exagéré dans les éloges dont on le comblé
depuis qu'il n'est plus là pour les recevoir!
Léon Cladel n'avait pas encore soixante
ans. Né dans le Quercy, d'une honnête
famille de paysans,il s'en vint à Paris, vers
la vingtième année, hanté par des rêves de
succès littéraires et de gloire, persuadé, au
sortir de sa province perdue, que la capi
tale réali &erait, sans coup férir, tous ces
beaux songes. Aujourd'hui, ce person-«
nage de provincial naïf ne se voitplus guère
que dans les romans ou les contes fantasti-
çaeg; les contes nous le présentent tout frais
débarqué à Paris, rencontrant juste & point
de merveilleuses aventures qui le poussent
aussitôt jusqu'aux sommets de la célé
brité ; dans les romans, au oontraire, dans
les réalistes romans d'aujourd'hui, le
pauvre paysan voit lambeau par lambeau
s'évanouir toutes ses brillantes illusions et
disparaître les quelques écus apportés dans
un coin de son grand mouchoir ; bientôt
il tombe dans une misère noire, qui très
souvent l'entraîne au crime.
Léon Cladel ne fut héros de eonte ni
de roman : beaucoup s'envolèrent de ses
rêves de gloire, un petit nombre de ses
espérances fut réalisé ; s'il ne prit point
rang à côté des grandes célébrités litté
raires, il ne resta pas perdu au milieu
du commun des gens de lettres. Après
quelques essais enfouis dans les révues de
« jeunes » — il y en avait déjà — il fut re
marqué par Beaudelaire, qui lança le pre
mier,ouvrage du nouvel écrivain, en plan
tant à l'entrée du volume une préface si
gnée d'un nom, retentissant alors dans les
petits cénacles et sur le boulevard. Ce
livre et les suivants plongèrent dans l'ad
miration les rimailleurs et littérateurs de
la jeune école ; les critiques sérieux en con
çurent de l'espoir. LéonCladel continua d'é-
crire et ne dépassa point le niveau atteint du
premier bond ; les espérances de la oritique
se changèrent bientôt en déceptions; l'en
thousiasme des jeunes,quidéjà du reste pre
naient des rides et perdaient leurs cheveux,
serefroidit sensiblement.Sauf un petit nom
bre d'adorateurs persévérants,qui donnaient
toujours quelques coups d'encensoir à cha
que nouvelle œuvre du maître, on finit par
mettre Cladel au rancart; nous avons dit
en commençant que depuis sa mort, oq l'a
tiré de son coin pour le hisser sur un pié- !
destal.
Voilà toute la biographie du romancier.
Quand les critiques veulent noircir plu
sieurs feuillets d'éloges, il ne leur suffit pas
de dire que Léon Cladel fut un grand écri
vain, de répéter qu'il est un grand écrivain
et de conclure en déclarant qu'il restera tou
jours un grand écrivain. Pour faroir un peu
la viande creuse des dithyrambes, on a d'a
bord inventé que Cladel fut un paysan. La
chose est exacte, au moins par l'origine ;
mais l'écrivain qui, dans son cabinet, tra
vaillait ses ouvrages, n'avait plus du paysan
que la naissance.
Il est vrai- qu'en déoernant cet éloge à
Cladel, on entend qu'il fut non un paysan
lui-même, mais un peintre profond et vi
goureux des paysans, ou plutôt de ses
paysans à lui, ceux du Quercy ; car il ne
veut point connaître les autres.
L'éloge, ainsi mis au point, n'est pas im
mérité : Léon Cladel a connu le paysan et
l'a fixé dans ses livres,comme sur une toile;
ên traits énergiques et vrais. Il a connu le
pajsan ; nous n'ajoutons pas : il l'a aimé;
ainsi que disent tous les critiques les uns
après les autres (le premier l'ayant déclaré,
il faut bien que le jugement soit répété par
tou^); ou .bien, s'il l'a aimé, o'esl à la ma
nière dont le paysagiste aime un site pitto
resque et sauvage, où l'horrible même a
pour lui sa beauté. Aussi Léon Cladel n'a-
t-il pas fait riante et douce la peinture de
« ses » paysans.
D'ailleurs, à ce propos,nous préférons ci
ter le jugement que Louis Veuillot portait
sur un des premiers livres de Léon Cla
del ; en môçne temps on y verra les espé-
ranoes que faisait concevoir à Louis Veuil
lot le style du jeune romancier.
L'article d'où sont tirées ces lignes est
du 5 novembre 1869 ; il a pour titre : le
Paysan :
Utt écrivain du Constitutionnel nous le dé
peint (te paysan) par des traits que La Bruyère
pourrait avouer et même envier, car ils vont
plus au fond: La Bruyère en est rssté à la
ferme, triste et repoussante. Sans négliger la
forme, qui n'a pas embelli, M. Léon Cladel, le
nouveau peintre, va sous la bloase et sous la
"peau saisir le vioe principal du paysan mo
derne, qui est, dit-il, l'avarice. En cherchant
davantage, il trouverait un autre vioe, princi
pal aussi, qui est l'envie ; et un autre encore,
principal encore, l'orgueil. Mais pour saisir
l'orgueil et pour savoir que l'orgueil est vice,
il faut une science de l'homme que peut être
le peintre ne possède pas. Voici ce portrait du
paysan moderne. M. Duruy a décoré beaucoup
de gens de lettres qui n'écriront jamais une
pareille page :
« A les voir aller par monts et par vaux, bla
fards et recroquevillés aujourd'hui comme de-
m»in, ayant tous un air de famille, oscillant
comme dt s ivrognes, incertains comme des
aveugles, pliant sous le faix d'une honteuse
inquiétude, accabléB d'une sorte de tristesse qui
repousse, sourds aux voix charmantes et gran
dioses de la nature, ne disant jamais : « Merci,
mère l » à oette terre qu'ils éventrent sans cesse
avidement, et qui leur livre avec tant de géné-<
rositô les fruits périodiques de ses entrailles;
toujours inquiets sous un ciel serein, toujours
grimauds en dépit des rires lumineux du soleil,
fétides et patibulaires, on les prendrait tantôt
pour des crétins perdus en d'obscures songeries,
tantôt pour des meurtriers errants,poursuivis,
flamme aux reins, par le remords ; tels quels,
les voilà I Et le chaBcre qui les corrode se trans
met aveo le sang, de génération en génération:
les corps passent, l'âme reste, le dernier xÀ
continue l'aïeul, » .
On ne çBut nier, ajouté Louis Veuillot, que
cela est vu d'œil observateur et fait, comme di
sait La Bruyère « de main d'ouvrier ».
Louis Veuillot montre ensuite que La
Bruyère et Léon Cladel n'ont vu qu'une es
pèce de paysan ; l'esprit amer du grand
peintre de caractères comme les tendanoeà
impies du romanoier moderne, les ont éga^
lement empêchés d'étudier et de connaître
le paysan chrétien. Et l'article de Louis
Veuillot se termine par le portrait de oà
paysan ohrétien, portrait qui constitue une
page superbe.
En somme, ces restrictions étant posées,
on peut appeler Cladel un peintre asse?
vrai du paysan moderne et sans religion,
de cet être si courbé vers la terre qu'il n'a
plus seulement la force de tourner ses re?
gards au ciel. On peut dire enoore que ce
paysan, le romancier l'a aimé à sa manière,
qu'il en a fouillé tous les vioes et les plaies^
et toutes les misères aussi. Il est un ca^
ractère du paysan contemporain que l'his
torien futur de notre époque ne connaîtra
qu'à moitié, s'il n'a parcouru ces romans
aux noms étranges comme le style dont îl^,
sont écrits : La fête votive de Saint-Barto-
lomêo-Porte-glaive. Les Va-nu-pieds, ft'a~
quun-œil, Montauban-Tu-ne-l't~sœurai-pas,
et bien d'autres... Mais, pour les historiens
futurs, les livres de Léon Cladel exista
ront-ils enoore ?
Le peintre des Va~nu-Pieds écrivait d'un
style aussi étrange, avons-nous dit, que les
titres de ses romans. Ce style d'ailleurs a
du caractère : en 1869, Louis Veuillot l'es
timait plus haut que celui de bien des
gens da lettres ; recannaissons, pour êtra
juste, que M, Léon Cladel aurait pu dé-.
N* 8869. — Edition quotidienne
Vendredi 12 Août 1892
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
it départements (union pqstjlll)
. . 65 » 66 »
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Un an . • .
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BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
È
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Un an . . .
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ÉTRANGER
(union posxui)
36 »
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,1'ffiTO ut répond pis des maouserits qui lui rat iduufa
ANNONCES
. LAGRANGE, CERF et C u , 6, place de la Bourse
On «'abonne II Rome, place du Gesù, 8
FRANCE
PARIS, 11 AOUT 1892
La célébration révolutionnaire du
40 août ne paraît pas avoir eu tout le
succès qu'en attendaient ses promo
teurs. Dans les divers arrondissements
où l'on a voulu fêter ce sanglant an
niversaire, l'écho des discours, des
bruyantes beuveries et des bals n'a
guère troublé que l'esprit ou l'estomac
du petit groupe des manifestants.
M. Camille Pelletan est le seul homme
politique en vue qui se soit associé à
ces démonstrations. On ne sera pas
surpris qu'au lieu de parler du 10 août
il ait surtout parlé du « cléricalisme ».
Il est hanté : comme Mathan,« le tem
ple l'importune » et son impiété dé
nonce furieusement l'Eglise comme
étant le principal ennemi dont la des
truction doit être célébrée dans les
10 août de l'avenir. Mais, tout en par?
lant ainsi, M. Pelletan, qui n'est pas
sot, devait se dire que l'Eglise, dans
plus ou moins d'années, l'enterrerait
lui-même après tant d'autres. C'est
donc une triste besogne que celle
jqu'il poursuit avec une si pitoyable
obstination. •*>
Les hostilités ont commencé au Da
homey. Des dépêches que nous pu
blions plus loin disent que la flottille
française a bombardé la côte daho
méenne. Une colonne, sortie de Koto-
nou, a eu un engagement avec les
dahoméens et, après leur avoir infligé
des pertes sérieuses, est rentrée dans
le fort. Il y aura évidemment des sui
tes à cette première escarmouche.
L 'Indépendance Belge publie une
singulière information. D'après ce
journal, la société du Haut-Congo,
se prévalant de la protection du gou
vernement belge, attestée par la sub
vention que celui-ci lui assure au
budget national, songerait à réclamer
son intervention contre les préten
tions insoutenables de l'Etat libre da
Congo. Dans ce cas, l'on se demande
ce que ferait le cabinet belge, placé
entre les intérêts du roi, souverain de
l'Etat libre, et les intérêts des natio
naux belges. S'il défend les Belges de
la société du Haut-Congo contre les
exigences du souverain de l'Etat
libre, que dira le roi ? S'il soutient le
roi et méconnaît les droits des Belges,
comment ceux-ci prendront-ils la
chose ?
Tout cela, sans compter les difficul
tés avec la France, maintenant que
notre gouvernement a officiel le me at
refusé l'arbitrage proposé par le roi
des Beiges.
On .mande de Londres que sir Henry
Ponsonby, secrétaire de la reine, s'est
mis en communication avec M. G'ad-
stone. On croit que la reine appellera
demain M. Gladstone à Osborne, où
lord Salisbury se rendra probable
ment aujourd'hui.
Nous avons annoncé l'ouverture du
congrès des catholiques autrichiens
tenu présentement à Linz. Parmi les
discours prononcés dans les deux pre
mières séances, on signale celui de M.
Orterer, membre du Reichstag alle
mand, qui a rappelé lesliens nombreux
et étroits qui unissent les catholiques
d'Allemagne etceux d'Autriche, et celui
de M. Ebenhock, qui a discuté les caur
ses de la décadence des populations
agricoles et proclamé que l'Eglise est la
mesure citadelle contre la eocia-
lismê de piu* plus envahissant. Le
congrès a adopté u- verses . RjQtWRS
relatives au repos dominicâi, aux
écoles chrétiennes, à la question so
ciale.
D'après une dépêche 4 de Saint-Pé-;
tersbourg adressée à l'Agence Havas,
certains journaux en Europe exagè
rent l'importance de l'expédition russe
du colonel Yonow au Pamir ; celle-ci
ne serait réellement qu'une simple
démonstration militaire, comme celle
qu'il fit déjà, sans graves conséquen
ces, l'année dernière. Il est vrai que
le colonel Yonow opère maintenant
avec un plus nombreux effectif, mais
c'est en vue d'empêcher l'accapare
ment par la Chine des territoires du
Pamir, dépendant de la Russie.
Le mouvement révolutionnaire
continue dans les républiques de
l'Amérique du Sud. D'après le Herali,
un soulèvement général est attendu
en Bolivie, où le parti libéral combat
le président élu, M. Baptista. On croit
en outre que le général Camacho
pourrait bien revenir dans le pays et
se mettre à la tête de l'oppostion.
D'autre part, une dépêche de Pana
ma dit que le nouveau ministère
colombien est formé. Le général Cuer-
vo a été nommé ministre de l'inté
rieur, et M. Bravo ministre des fi
nances.
Le grand procès du Home Rule vient
de recommencera Westminster. Home
rulers et unionistes se sont déjà bom
bardés de leurs premières harangues.
Il nous faut forcément négliger les
orateurs de seconde ligne.
C'est autour de M. Gladstone que
sont rangés les amis de l'Irlande. C'est
autour de M. Balfour, neveu de lord
Salisbury et chef du parti tory à la
Chambre des communes,que sont ran
gés tous les tenants de Yunionisme,
En nous occupant de ces deux person
nages du moment, nous dirons suffi
samment l'importance que cette ques
tion du Home Rule prend aujourd'hui
pour l'Angleterre.
La presse de Londres est unanime à !
constater le succès remporté par]
M.Gladstone. Rarement le vieil homme ]
d'Etat anglais a été mieux inspiré, j
plus pathétique, plus maître de sa !
pensée et de sa parole. Pour lui, la
victoire du Home Rule c'est la victoire
delà force morale. Et il veut espérer
que l'Angleterre saura reconnaître
cette victoire-là en rendant justice
aux revendications de l'Irlande.«C'est
le dernier espoir, la dernière ambi
tion de sa carrière. Et jamais l'Angle
terre n'eut question plus impérieuse,
plus grave a régler.
Mais aux adjurations éloquentes du
vieux Gladstone, M. Balfour répond
par les vieux arguments, les vieilles
plaisanteries de la politique tory : « La
force morale en Irlande? Quelle er
reur ! C'est la force immorale que de
vrait dire M- Gladstone ». Puis le ne
veu de lord Salisbury compte bien que
la froide province d'Ulster se lèvera
avec les orangistes pour faire avor
ter le Home Rule. Bref, ce serait très
grave, ce genre d'éloquence de M. Bal
four, s'il n'y fallait voir plutôt un ar
tifice électoral et parlementaire, qq'qn
appel déterminé à la guerre civile. Du
reste, le neveu de lord Salisbury a
une façon délicieuse de renfermer
dans une coquille de noix {in a nutshell)
comme on dit chez nos Voisins, toute
la question irlandaise. Voici s# thèse ;
« L'Angleterre et l'Irlande font partie
d'une association. Pour que 1 asso-
■ • « ■ r * t '
scrupule,et qui redemandant sa bourse ;
et sa liberté s'entendrait dire par son
hôte... involontaire : »
« Permettez ! Nos destinées, nos
bourses sont associées; nous ne pou
vons les séparer que par mutuel con
sentement," et je ne consens pas. »
La réponse enchanterait médiocre
ment le voyageur. line cacherait point
sa stupéfaction. Et, à moins d'un rare
empire sur lui-même, il ns cacherait
pas non plus son intention arrêtée
d'échapper à l'association le plus tôt
possible.
Ce voyageur, c'est l'Irlande; le ci
toyen de Thessalie, c'est M. Balfour,
qui prend si crânement à son compte i
« l'association » entreprise par les au
teurs de l'union, « association » que des
Anglais distingués ont eux-mêmes
qualifiée sévèrement. C'est « l'union
du requin avec sa proie » a dit jadis
lord Byron. L'union a été un « acte
frauduleux » disait hier encore John
Bright.
Seulement la réponse de M. Balfour
a un grand tort, celui de ne pas être
sans réplique. Et cette réplique l'Ir
lande Ta déjà donnée — en fournis
sant à M. Gladstone l'appoint de sama-
jorité. M. Balfour n'est plus neveu
que d'une ombre de premier ministre^
C'est M. Gladstone qui va avoir la si
gnature de l'Angleterre, et l'Irlande a
en poche une bonne promesse de rési
liation. <
L. N. G.
de la donation. Mais la secte laïcisa-
trice n'a pas d'entrailles. Plutôt que
de laisser aller aux pauvres dés secours
qui leur seraient donnés par les ad
mirables servantes de la charité chré
tienne, elle raie d'un trait la disposi
tion qui, à ces orphelins et à cés pau
vres, assurait la vie morale avec la
subsistance matérielle. Quels beaux
cris cependant n'ont-ils pas poussés,
jadis, les tenants actuels de la laïcisa
tion, quand l'histoire faussée mettait
à la charge de la religion catholique
la fameuse devise : « Crois ou meurs »
propagée par le cimeterre musulman 1
Or, les voici qui, eux, bien réellement
à la façon du commandeur de Don
Juan , disent aux orphelins et aux
pauvres : « Renie Dieu ou meurs. »
A uguste R oussel.
Sous ce titre : « M. de Mun et le
socialisme », le Figaro , où se trou
vaient, l'autre jour, mises en cause
les idées de l'éminent orateur catho
lique, publie l'importante lettre sui
vante que lui a communiquée M. le
comte ae Mun et qui est adressée à
M. Henri Schneider, directeur du
Creuzot et député de Saône-et-Loire :
Voré, 8 août 1892.
14 l^UU —
dation cesse, il fq.i;t qu§ les deux par
ties soient d'accord. Et l'Àngleterrè ne
consent pas. »
fUODliV " At
On imagine 1$ stupéfaction d un
. yoyageur qui, arrêté dans un repQvn
! P ap un Had^i Stavrqs sans
Nous signalions l'autre jour, d'après
YEmancipateur de Cambrai, une déci
sion vraiment monstrueuse de l'auto
rité administrative. Ayant à se pro
noncer sur l'acceptation de divers legs
dus à la générosité d'un testateur cam-
brésien,elle avait autorisé la municipa
lité à accepter, dans ces legs, celui qui
favorisait les écoles laïques, tandis
que les écoles libres, dotées, quoique
moins richement, par le même testa
ment, se voyaient refuser la même au v
torisation.
Un nouveau fait se présente au
jourd'hui çiui montre à. nouveau l'o
dieux parti-pris de l'administration en
ces matières, et qu'il importe non
moins de dénoncer à l'indignation de ;
tous les honnêtes gens. Il s'agit
d'un legs de 90,000 francs que les
Filles de la Charité de Saint-Vincent
de Paul demandaient l'autorisation
d'accepter, dans l'intérêt des pauvres
auxquels ce legs était fait en réalité.
La testatrice, Mlle Mérel, stipulait en
effet que, sur ces 90,000 francs, 70,000
seraient affectés à la fondation et à
l'entretien d'un orphelinat à la Guer-
che (Ille-et-Vilaine).
Eventuellement, les religieuses lé
gataires étaient en outre chargées
d'organiser un service de vente en
faveur des pauvres de la même pa
roisse de la Guerche. Les 20,00Q autres;
francs devaient être employés à l'en
tretien éventuel de l'orphelinat.
Le Temp$ } crui nQ^s informe du pe-r
fus opposé à la demande des reli
gieuses par l'autorité administrative,
omet de nous renseigner sur les mo
tifs de ce refus. Serait-il téméraire
dé dire qu'ils sont faciles à de
viner ? Légués à des francs-maçons
en vue de bâtir un orphelinat de là
secte, il n'y a'guère de doute que l'ati-
torisation 'eût 'été prpmptemènt $0-:
cordée. MaÎ3 offrir ainsi un nouveau
champ à ï'abnegation et qq dévoue
ment des religieuses, non Î)$3Î"
Les conséquences sont qn ne peut
plus faciles à Urep. Qui pâtira ae la
décision qu'on nous annonce? Les
pauvres, évidemment, puisqu'ils sont
nommément désignés comme éta$t,
, $yeb"le8 prpheli$», l ! pbj§t principal
Mon cher collègue,
Le fiigaro du 6 août publie sous le titre
« la Question sociale », un entretien de
M. Jules Huret aveo vous, dans lequel l'au
teur vous attribue, à mou sujet, des appré
ciations qui m'ont vivement surpris. Il est
arrivé souvent que mes opinions sur les
questions sociales ont été dénaturées dans
la presse, sans que j'aie cru nécessaire de
protester; mais l'autorité de votre nom
est trop grande, la place que vous occupez
dans l'industrie et dans le Parlement est
trop considérable, pour que je ne vous de
mande pas la permission de vous répondre
quelques mots.
M. Jules Huret cite, de vous, les paroles
suivantes:
« M. de Mun, qui est un de mes amis,
veut aussi supprimer les patrons. Je lui
ai dit un jour : Je n'entends pas être sup
primé ; je me défendrai, soyez-en sûr. »
Je n'ai pas le souvenir de la conversation
â laquelle ces paroles font allusion ; mais
elles me prêtent certainement une pensée
qui n'est pas la mienne. Sans doute, j'ai
plus d'une fois constaté, en la déplorant, la
transformation économique qui tend, de
plus en plus, à changer les conditions du
patronat, en substituant la société de capi
taux formée d'hommes le plus souvent in
connus des ouvriers; vivant loin d'eux et
dénués de compétence professionnelle, au
patron, homme du métier, mêlé effective
ment à la vie des travailleurs : je sais à
merveille que ce n'est pas le cas du Creuzot,
mais nul ne peut nier que ce ne soit celui
d'un nombre de plus en plu3 grand d'éta
blissements industriels ; c'est un social
dont la responsabilité n'irièombe à personne
en particulier, mais qui a pour effet de mo
difier profondément les rapports des ou
vriers aveo ceux qui les emploient. J'ai,
çoviyent, fait ressortir cet état de choses,
{iinsi que la nécessité, qui en découle, de
réforpier, sur beaucoup cje poinis, la légis
lation du travail, et j'ai cherché, en môme
lemps, à montrer, dans l'organisation cor
porative, le moyen, non seulement de dé
nouer pacifiquement les conflits qui nais
sent du choc des intérêts, mais d'offrir une
garantie efficace aux droits de chacun, et
de donner satisfaction aux légitimes aspira
tions des travailleurs vers une certaine pro
priété collective: o'est pourquoi j'ai tou-
jpurs appuyé, qumd je ne les ai pas propo
sées moi-même, toutes les mesures qui ten
dent à préparer cette organisation, en fa
vorisant la constitution et le développement
des associations ouvrières. De tout cela je
n'ai rien à retirer. Mais» je n'ai jamais de-
njandé,'ni indiqué oomme une solution so
ciale/la suppression des patrons.
Voulez-vous me permettre d'ajouter que
je crois, au contraire, en soutenant ces
idées, opposer 1$ getyle barrière sérieuse au
çoci^listne révolutionnaire qui les menace,
et qu'à mon avis si, comme VQ&3 le dites,
ils veulent se défendre, ils Je feront plus 1
utilement en secondant des réformes aussi
justes qu'inévitables, qu'en essayant de les
retarder par de vaines résistances ?
M. Jules Huret cite encore, un peu plus
loin, ces autres paroles de vous :
« C'est très amusant de voir M. de Mun,
qui se dit catholique et qui obéit au Pape
quand il s'agit de devenir républicain, se
mettre en dehors des prescriptions pontifi
cales pour devenir socialiste. »
Je me dis en effet catholique, mon cher
collègue, et je le suis. Mais je ne me suis
jamais dit socialiste : j'ai toujours repoussé
cette qualification, et je l'ai fait, en particu- :j
lier, d'une manière très catégorique, à la ;
tribune, dans la séance du 8 décembre 1891,
en répondant à M. Lafargue, dans les ter
mes que voici :
« Je ne me suis jamais qualifié de socia-
liste; je ne me qualifierai jamais ainsi,
parce que cette formule répond à. tout un ■
ordre d'idées absolument différentdu mien,
en particulier sur deux points prinoipaux :
le point de départ, qui est entièrement op
posé aux doctrines religieuses que je pro
fesse, et le point d'arrivée, c'est-à-dire la
conception collectiviste, que je réprouve
parce que je ne la crois ni juste m prati
que. »
Je crois ainsi avoir donné, dans cette cir
constance comme dans toutes les autres, le
témoignage de mon entière obéissanoe aux
enseignements et à la direotion du Saint-
Siège; et j'ai, d'ailleurs, la consoience de
ne m'ôtre mis en dehors des prescriptions
pontificales dans aucune des opinions que
j'ai soutenues sur les questions sociales :
bien au contraire, j'ai la joie très profonde
d'en avoir trouvé là pleine et entière justi
fication dans l'Enoyclique sur la Condition
des ouvriers.
M. Jules Huret rapporte que vous lui
avez répondu, lorsqu'il vous demandait
« ce qu'il était bon de faire, étant donnée la
situation présente » :
« L'Encyclique 1 lisez l'Encyolique l o'est
tout à fait cela. »
Je me réjouis, mon cher collègue, et j'ose
vous féliciter de cette déclaration. Il n'y a
dono plus de désaccord entre nous, ni sur
l'intervention des pouvoirs publics dans les
questions ouvrières, ni sur la réglementa
tion des heures du travail, ni sur l'interdic
tion du travail de nuit, ni sur le juste sa
laire, ni sur l'organisation des corps pro
fessionnels, oar l'Encyclique prévoit et
approuve tout oela. ,
En terminant cette lettre, je veux, mon
cher oollègue, invoquer le titre d'ami que
vous avez bien voulu me donner dans votre
conversation aveo M. Huret. Celte amitié,
qui m'honore, me pardonnera, j'en suis sûr,
de rendre publiques, comme l'a été votre
entretien, de« rectifications dont vous com
prendrez l'importance, et qui n 'allèrent on
rien les sentiments affectueux de
Votre bien cordialement dévoué,
A. de Mun.
ïà
Grcjide défaite des constitutionnels :
On nous écrit du Jura : « Quatre j
candidats se présentant sur le terrain :
de l'Encyclique ont passé ; deux au
tres, n'ayant pas fait de déclaration
constitutionnelle, ont été battus ».
On nous dit de Versailles : « M. Ru-
delle, que les agences officielles ont
donné comme républicain, est un ré
publicain comme il en faudrait des
centaines. Catholique avant tout, il a
déclaré hautement ses sentiments re
ligieux, et c'est en se plaçant sur le
terrain de l'Encyclique qu'il a gagné
un siège occupé depuis vingt ans par
des opportunistes et des francs-ma
çons ».
Toujours d'après les renseigne
ments officiels, c'est un républicain
qui triomphe à Thorens, dans la
Haute-Savoie. C'est peut-être vrai;
mais ce qu'il y a de plus vrai encore,
c'est que ce républicain est également
un catholique, qui a gagné un siège
sur les opportunistes en acceptant la
République. Nous avions d'ailleurs fait
prévoir ce succès, regrettant seule
ment que les catholiques n'aient pré
senté que deux candidats dans ce dé
partement. Leur double victoire les
encouragera sans doute à mieux faire
une autre fois. « ■.
Lisez les statistiques officielles, vous
verrez encore que c'est un républi
cain qui passe à Saint-Georges-de-
Couzan, dans la Loire. On oublie seu
lement d'ajouler que c'est un des
nôtres.
A Conches-les-Mines, en Saône-et-
Loire, c'est un constitutionnel catho
lique qui enlève un siège aux oppor
tunistes.
Dans le Puy-de-Dôme, à Clermont-
Ferrand, vous verrez, d'après les
agences officielles, que c'est un ré
publicain qui l'emporte. "Encore un •
républicain de la bonne marque.
En Vaucluse, M. Reynaud de Gar-
derette est donné comme républicain
par l'Agence Havas. C'est encore biea
possible, mais il est certain que c'est
un républicain conservateur.
Dans le Nord, à Lille, si de nom-^
breuses abstentions sont cause de l'in
succès d'un candidat, le canton Lille
sud-ouest est conquis par un catho
lique constitutionnel.
A Vizille, dans l'Isère, M. Peyron,,
donné comme républicain, est égale
ment un catholique. C'est encDre un
siège gagné sur les opportunistes,
comme à Voiron : et ces deux belles
victoires disent assez quel pas énorme
on vient de faire en Daupniné, grâce
à la politique constitutionnelle, et, ne
l'oublions pas, grâce à notre excellent
confrère la Croix de l'Isère, qui,
bien entendu, s'est toujours placé sup
le terrain de l'Encyclique.
Ces rectifications, ajoutées à celles
que nous avons déjà faites relative
ment au premier tour de scrutin, ne
sont là qu'à titre d'exemples, et nous
en aurions certainement bien d'autres
à y joindre, s'il nous était possible de
contrôler les résultats de toutes les
élections et de connaître exactement
l'opinion des candidats élus.
N'importe ! Aelles seules, ell^rs prou
vent quelle confiance limitée il con
vient d'accorder aux renseignements
officiels, qui persistent à nous donner
exactement les mêmes chiffres.
Qui donc le gouvernement appelle-
t-il conservateurs? Qui appelle t-il con
stitutionnels? Qui appelle -t -il républi
cains ?
La plupart de (jeux qu'il désigna
sous le nom. ie conservateurs sont des
con ^Viiutionnels, et il range parmi les
républicains de nombreux catholiques
constitutionnels, sans avoir tort d'ail
leurs, puisque c'est la vérité. Mais
alors, comment, dans ce dédale, re
connaître qui est vainqueur et qui est
battu ?
Les républicains sont bien et de
beaucoup les plus nombreux. Mai3
combien y a-t-il de catholiques par
mi eux ? Aucun, nous disait-on, et
voici que chaque jour nous en décou
vrons de nouveaux.
La gauche antireligieuse n'a donc
pas à crier si haut victoire. ,
A moins qu'elle ne compte pour des
succès décisifs ceux du socialiste con
damné Culine à Roubaix et de M.
Wilson à Montrésor, un nom prédes
tiné pour les pots-de-vin.
G abriel C olun.
En réponse à la thèse de M. Dupuy-
Dutemps, nous avons prouvé l'autre
jour qu'on faisait à tort une distinc
tion entre des évêchés qui seraient
concordataires et d'autres qui ne lè
seraient pas, vu qu'ils le sont tous au
même titre,
Tel est aussi l'avis de la Liberté t qui
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 12 août 1892
LÉON CLADEL
La semaine passée, quelques jours aprèa
la mort de Léon Cladel, son ami Clovis Hu
gues, ami plus encore du révolutionnaire»
que de l'écrivain, consacrait au romancier,
disparu une étude, d'ailleurs intéressante.
Dans cet article, M. Clovis Hugues s'effor
çait d'expliquer pourquoi Léon Cladel n'a
vait pas su capter la faveur du public et
conquérir la célébrité littéraire. M. Clovis
Hugues a pris un soin cruel pour la mé-;
moire de son ami : de cette étude, en effet,
ce qui ressort avant tout, c'est l'aveu de,
l'obscurité, de l'indifférence générale où
meurt Léon Cladel. Les causes de cette in
fortune semblent moins claires ; elles ne
sont autres d'ailleurs que les raisons éter
nellement invoquées parles écrivains qui se
croient incompris et se déclarent méconnus ;
Léon Cladel, d'après M. Clovis Hugues et
d'après ses autres admirateurs, n'a pas été
goûté du public parce qu'il n'a pas voulu
plier au goût du public son génie trop fier ot
trop élevé... Vaines explications 1 les véri
tables grands écrivains, n'ont pas besoin de
se rapetisser à la mesure des lecteurs; ils
savent hausser les lecteurs à la mesure de
leur génie.
Donc, ses amis eux-mômes sont forcés de
le reconnaître, Léon Cladel, après avoir
cru quelque temps qu'il atteindrait la gloire,
est mort oublié. Or, par un de ces engoue
ments ridicules qui s'emparent des
pnts comme un fléau dont on ne voit pas
l'origine; g; &ce aussi à la manie actuelle de
glorifier les hommes ayant un peu marqué
sur la banalité générale, Léon Cladel, de
puis sa mort, est porté au pinacle. Certains
journaux, très graves, le traitent couram
ment de célèbre écrivain, d'illustre maître,
à la vive surprise des lecteurs qui jusqu'ici
n'avaient guère entendu parler de ce grand
homme 1 Des amis, plus éohauffés que le
oommun des critiques, ont proposé d'élever
à Cladel, par souscription publique, une
statue de bronze ou de marbre.
La statue de Léon Cladel ! Franchement,
l'apothéose commence à tourner au vaude
ville 1
Toutefois, hâ.tons-nous de le dire, si le
romancier qui vient de mourir n'est pas
digne des fleurs et des lauriers qu'on
jette à profusion sur sa tombe, il ne méri
tait pas non plus l'indifférence où depuis
longtemps déjà le public l'avait laissé dis
paraître. Un coup d'œil sur sa vie et ses
œuvres nous permettra de remettre les
choses au point, de discerner le juste et
l'exagéré dans les éloges dont on le comblé
depuis qu'il n'est plus là pour les recevoir!
Léon Cladel n'avait pas encore soixante
ans. Né dans le Quercy, d'une honnête
famille de paysans,il s'en vint à Paris, vers
la vingtième année, hanté par des rêves de
succès littéraires et de gloire, persuadé, au
sortir de sa province perdue, que la capi
tale réali &erait, sans coup férir, tous ces
beaux songes. Aujourd'hui, ce person-«
nage de provincial naïf ne se voitplus guère
que dans les romans ou les contes fantasti-
çaeg; les contes nous le présentent tout frais
débarqué à Paris, rencontrant juste & point
de merveilleuses aventures qui le poussent
aussitôt jusqu'aux sommets de la célé
brité ; dans les romans, au oontraire, dans
les réalistes romans d'aujourd'hui, le
pauvre paysan voit lambeau par lambeau
s'évanouir toutes ses brillantes illusions et
disparaître les quelques écus apportés dans
un coin de son grand mouchoir ; bientôt
il tombe dans une misère noire, qui très
souvent l'entraîne au crime.
Léon Cladel ne fut héros de eonte ni
de roman : beaucoup s'envolèrent de ses
rêves de gloire, un petit nombre de ses
espérances fut réalisé ; s'il ne prit point
rang à côté des grandes célébrités litté
raires, il ne resta pas perdu au milieu
du commun des gens de lettres. Après
quelques essais enfouis dans les révues de
« jeunes » — il y en avait déjà — il fut re
marqué par Beaudelaire, qui lança le pre
mier,ouvrage du nouvel écrivain, en plan
tant à l'entrée du volume une préface si
gnée d'un nom, retentissant alors dans les
petits cénacles et sur le boulevard. Ce
livre et les suivants plongèrent dans l'ad
miration les rimailleurs et littérateurs de
la jeune école ; les critiques sérieux en con
çurent de l'espoir. LéonCladel continua d'é-
crire et ne dépassa point le niveau atteint du
premier bond ; les espérances de la oritique
se changèrent bientôt en déceptions; l'en
thousiasme des jeunes,quidéjà du reste pre
naient des rides et perdaient leurs cheveux,
serefroidit sensiblement.Sauf un petit nom
bre d'adorateurs persévérants,qui donnaient
toujours quelques coups d'encensoir à cha
que nouvelle œuvre du maître, on finit par
mettre Cladel au rancart; nous avons dit
en commençant que depuis sa mort, oq l'a
tiré de son coin pour le hisser sur un pié- !
destal.
Voilà toute la biographie du romancier.
Quand les critiques veulent noircir plu
sieurs feuillets d'éloges, il ne leur suffit pas
de dire que Léon Cladel fut un grand écri
vain, de répéter qu'il est un grand écrivain
et de conclure en déclarant qu'il restera tou
jours un grand écrivain. Pour faroir un peu
la viande creuse des dithyrambes, on a d'a
bord inventé que Cladel fut un paysan. La
chose est exacte, au moins par l'origine ;
mais l'écrivain qui, dans son cabinet, tra
vaillait ses ouvrages, n'avait plus du paysan
que la naissance.
Il est vrai- qu'en déoernant cet éloge à
Cladel, on entend qu'il fut non un paysan
lui-même, mais un peintre profond et vi
goureux des paysans, ou plutôt de ses
paysans à lui, ceux du Quercy ; car il ne
veut point connaître les autres.
L'éloge, ainsi mis au point, n'est pas im
mérité : Léon Cladel a connu le paysan et
l'a fixé dans ses livres,comme sur une toile;
ên traits énergiques et vrais. Il a connu le
pajsan ; nous n'ajoutons pas : il l'a aimé;
ainsi que disent tous les critiques les uns
après les autres (le premier l'ayant déclaré,
il faut bien que le jugement soit répété par
tou^); ou .bien, s'il l'a aimé, o'esl à la ma
nière dont le paysagiste aime un site pitto
resque et sauvage, où l'horrible même a
pour lui sa beauté. Aussi Léon Cladel n'a-
t-il pas fait riante et douce la peinture de
« ses » paysans.
D'ailleurs, à ce propos,nous préférons ci
ter le jugement que Louis Veuillot portait
sur un des premiers livres de Léon Cla
del ; en môçne temps on y verra les espé-
ranoes que faisait concevoir à Louis Veuil
lot le style du jeune romancier.
L'article d'où sont tirées ces lignes est
du 5 novembre 1869 ; il a pour titre : le
Paysan :
Utt écrivain du Constitutionnel nous le dé
peint (te paysan) par des traits que La Bruyère
pourrait avouer et même envier, car ils vont
plus au fond: La Bruyère en est rssté à la
ferme, triste et repoussante. Sans négliger la
forme, qui n'a pas embelli, M. Léon Cladel, le
nouveau peintre, va sous la bloase et sous la
"peau saisir le vioe principal du paysan mo
derne, qui est, dit-il, l'avarice. En cherchant
davantage, il trouverait un autre vioe, princi
pal aussi, qui est l'envie ; et un autre encore,
principal encore, l'orgueil. Mais pour saisir
l'orgueil et pour savoir que l'orgueil est vice,
il faut une science de l'homme que peut être
le peintre ne possède pas. Voici ce portrait du
paysan moderne. M. Duruy a décoré beaucoup
de gens de lettres qui n'écriront jamais une
pareille page :
« A les voir aller par monts et par vaux, bla
fards et recroquevillés aujourd'hui comme de-
m»in, ayant tous un air de famille, oscillant
comme dt s ivrognes, incertains comme des
aveugles, pliant sous le faix d'une honteuse
inquiétude, accabléB d'une sorte de tristesse qui
repousse, sourds aux voix charmantes et gran
dioses de la nature, ne disant jamais : « Merci,
mère l » à oette terre qu'ils éventrent sans cesse
avidement, et qui leur livre avec tant de géné-<
rositô les fruits périodiques de ses entrailles;
toujours inquiets sous un ciel serein, toujours
grimauds en dépit des rires lumineux du soleil,
fétides et patibulaires, on les prendrait tantôt
pour des crétins perdus en d'obscures songeries,
tantôt pour des meurtriers errants,poursuivis,
flamme aux reins, par le remords ; tels quels,
les voilà I Et le chaBcre qui les corrode se trans
met aveo le sang, de génération en génération:
les corps passent, l'âme reste, le dernier xÀ
continue l'aïeul, » .
On ne çBut nier, ajouté Louis Veuillot, que
cela est vu d'œil observateur et fait, comme di
sait La Bruyère « de main d'ouvrier ».
Louis Veuillot montre ensuite que La
Bruyère et Léon Cladel n'ont vu qu'une es
pèce de paysan ; l'esprit amer du grand
peintre de caractères comme les tendanoeà
impies du romanoier moderne, les ont éga^
lement empêchés d'étudier et de connaître
le paysan chrétien. Et l'article de Louis
Veuillot se termine par le portrait de oà
paysan ohrétien, portrait qui constitue une
page superbe.
En somme, ces restrictions étant posées,
on peut appeler Cladel un peintre asse?
vrai du paysan moderne et sans religion,
de cet être si courbé vers la terre qu'il n'a
plus seulement la force de tourner ses re?
gards au ciel. On peut dire enoore que ce
paysan, le romancier l'a aimé à sa manière,
qu'il en a fouillé tous les vioes et les plaies^
et toutes les misères aussi. Il est un ca^
ractère du paysan contemporain que l'his
torien futur de notre époque ne connaîtra
qu'à moitié, s'il n'a parcouru ces romans
aux noms étranges comme le style dont îl^,
sont écrits : La fête votive de Saint-Barto-
lomêo-Porte-glaive. Les Va-nu-pieds, ft'a~
quun-œil, Montauban-Tu-ne-l't~sœurai-pas,
et bien d'autres... Mais, pour les historiens
futurs, les livres de Léon Cladel exista
ront-ils enoore ?
Le peintre des Va~nu-Pieds écrivait d'un
style aussi étrange, avons-nous dit, que les
titres de ses romans. Ce style d'ailleurs a
du caractère : en 1869, Louis Veuillot l'es
timait plus haut que celui de bien des
gens da lettres ; recannaissons, pour êtra
juste, que M, Léon Cladel aurait pu dé-.
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