Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1890-01-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1890 13 janvier 1890
Description : 1890/01/13 (Numéro 8044). 1890/01/13 (Numéro 8044).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 13 Janvier 1890
N* 8044 ^ Edition quotidiênas
Lundi 13 Janvier 1890
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION S SSHI-QUOTIDIENNB
ïJn an. ; . .
Six mol?. . . •
Trois mois. . .
PARIS
ET DÉPARTEMENT*
.65 »
23 50
45 »
ÉTRAKSER
(ttmON POSTAL!)
66 »
34 »
18 s
'^•bonnement* partent des 1" et 16 de cliotino moM
UN NUMÉRO [ Départements,
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gosù, 8
Paris ...... 15 cent.
20 —
Un an. . I
Sixmoib'. .
Trois mois.
PARIS
ET BKPARTE11ENT3
. 30 »
46 »
8 50
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• •
Èmkmm
(UNION POSTAL!)
33 »
£9 0
10 s
. tes abonnements partent des 4" et iS de chaque gttf
L'UNIVERS no répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C 1 », 6, place de la Bourse
FRANGE
PARIS, 12 JANVIER 1890
Encore une déception pour les nou
vellistes politiques : le conseil des
ministres tenu hier et dont on atten
dait les résultats avec un© certaine
impatience, a été d'une banalité abso
lue, au moins d'après les comptes-
rendus publiés dans les journaux ré
publicains. On pourra en juger par
celui que nous empruntons au Jour
nal des Débats et que les autres confir
ment. En somme, les ministres ont
décidé que l'examen des dernières
élections contestées terminé, ils de
manderaient à la Chambre de s'occu
per « des projets de loi d'ordre éco
nomique et social » dont elle est
saisiè. Rien de moins compromettant,
et M. Ranc sera peu exigeant s'il
trouve, dans cette décision, le pro
gramme qu'il prétendait imposer à M.
Tirard.
De ce que le conseil des ministres
impuissant n'a. pas arrêté de » pro
gramme, il ne s'ensuivrait pas néces
sairement qu'il n'y aura aucun inci
dent à la rentrée. On annonce de
divers côtés des interpellations dont
quelques-unes sont de nature à sou
lever des débats assez importants.
Mais ces interpellations seront-elles
déposées par des membres de la gau
che? C'est là un point capital, car
venues de droite, elles seraient vrai
semblablement renvoyées à un mois
ou tout au moins ne constitueraient
aucun danger pour le ministère.
Ces jours derniers nous signalions
l'odieuse conduite des francs-maçons
de Pontoise qui s'étaient imposés à la
famille de M. Billoin et avaient empê
ché l'enterrement religieux de ce der
nier ; le même fait, dans des circons
tances non moins odieuses, vient de
se produire à Grenoble pour le préfet
Delatte. Mgr l'évêque de Grenoble a
fait respecter les droits de l'Eglise.
Naturellement les journaux de la
secte maçonnique essayent de dénatu
rer les faits et d'incriminer le vaillant
•évêque ; ils ne réussiront pas à trom
per toujours l'opinion, et un jour
tiendra où les populatiods éclairées
secoueront le joug maçonnique.
Nous sommes heureux de reproduire
la belle lettre que S. Em. le cardinal
Desprez vient d'adresser au ministre
des cultes pour protester contre la
nouvelle loi militaire. Nous n'espérons
pas que cette ferme protestation soit
entendue, mais il n'est pas moins bon
que la vérité soit dite à nos ministres,
surtout avec tant d'autorité. S'ils ne
veulent pas entendre, d'autres entèn-
dront.
Un télégramme officiel annonce
que des négociants français établis
depuis longtemps auTonkin, les frères
Roques, ont été victimes d'une agres
sion. Est-ce uns « vengeance person
nelles », comme l'assurent certains
journaux, est-ce un acte de piraterie?
La vérité se fera sans doute bientôt,
mais quel que soit le mobile des as
saillants, il n'est pas moins regretta
bles que des attaques semblables puis
sent se produire, et cela montre qu'il
n'est pas encore temps de désarmer
&u Tonkin.
Pas de changement dans l'état de
ganté du jeune roi et dans la situation
en Espagne- On n'a guère d'espoir.
L'apaisement s'affirme dans le con
flit anglo -portugais ; on croit de moins
en moins à ti.ne issue violente.
Le mouvement agraire (i)
Ce mouvement se propage en Eu
rope et dans le nouveau monde. MM.
Meyer et Ardant, qui ont consa
cré à cette question d'importants
travaux, publient un second volume
qui nous initie aux antécédents peu
connus du régime agraire. Ils remon
tent aux clans celtiques. Dans le pays
de Galles, en Ecosse, en Irlande, dans
la Gaule, en Germanie, ils retrouvent
cette loi du clan : tous les ans, la dis
tribution des terres se fait par le chef
' «du clan ou par le eort à toutes les fa
milles, de façon à ce que chaque fa
mille ne puisse atteindre à la stabilité
de la propriété.
C'est la tribu, le clan qui possède.
On reconnaît là, les habitudes de la
famille patriarcale issue de l'Asie. La vie
nomade est étrangère à l'idée de stabi
lité et de propriéié. Le nomade abesoin
de grands espaces pour vivre avec pa
resse de son bétail. Une épizootie, une
famine pousse facilement le nomade
à. être conquérant. Les nomades entre
croisse, se disputent le territoire.
Ils portent ailleurs leurs habitudes
instables. C'est ainsi qu'ils ont peuplé
la Germanie, et de là l'Angleterre et la
Gaule.
Le gouvernement des clans n'a pas
(i) £e mouvement agraire. — La péninsule des
Balcans. — L'Angleterre et ses colonies. —
plaine saxonne. —- Les Etats-Upis, par Meyer
et Ardant, chez Retaux-Sray.
prospéré, l'instabilité des familles y
engendrant une anarchie perpétuelle.
C'est leur histoire en Anglèterre ; ils
ne purent résister à la famille nor
mande. Il est à remarquer que notre
loi de succession se rapproche de la
loi des clans. Elle en représente le prin
cipe dans des partages périodiques
qui dissolvent la famille à peine for
mée. Du restera durée de nos gouver
nements est celle d'une famille ordi
naire. La France est redevenue un vaste
clan celtique.
A côté du communisme des clans
s'est développé dans le bas-empire un
régime de communautés rurales qui
ressemblent aux sociétés taisibles du
Nivernais décrites par nos juristes du
seizième siècle. L'influence de l'Eglise
est visible dans cette transformation.
L'Eglise, par la perpétuité du mariage
chrétien, tendait à la perpétuité des
intérêts de famille. Ces communautés
rurales sous le nom de zudrugas, fu
rent conservées par les Turcs-, elles
sont menacées par les financiers des
pays chrétiens qui y importent leurs
principes économiques et s'emparent
du patrimoine des familles par l'usure.
La Hongrie a vu parle même procédé,
après 1848, disparaître plus de
cent mille domaines de paysans. Et le
paupérisme et le vagabondage, autre
fois inconuus, ont envahi le pays.
Les politiciens ont inventé à ce pro
pos une théorie, la liberté des con
trats. Pourquoi ne serait-il pas permis
de se ruiner? On supposait que les
chefs de famille étaient maîtres du do
maine. Mais ce domaine, par une pres
cription centenaire, était devenu un
domaine de famille, il échappait à l'a-
liénabilité, et le père n'en était plus
que l'administrateur. On n'a pu lui
donner le droit d'en disposer qu'en dé
pouillant la femme et les enfants. La
coutume s'était librement établie par
le consentement successif des généra
tions. D'ailleurs la liberté des contrats
n'a jamais existé d'une manière ab
solue ; et précisément, c'est sur le
droit de propriété que pèsent les in
jonctions du législateur. La coutume
est une législation naturelle où tous
prennent part et qui. est un suffrage
universel plus sûr que celui que nous
connaissons. Il s'agit de savoir si la
famille peut être propriétaire. Si cette
question est résolue par l'affirmative,
nul doute que l'inaliénabilité du bien de
famille n'en soit la conséquence, en
vertu même delà volonté des parties
intéressées.,
Les liens sociaux n'entravent pas
la liberté humaine : ils l'étendent et
la fortifient, puisque l'homme réduit
à l'individualité serait la plus miséra
ble des créatures. La société se forme
de toutes les inégalités humaines, et
le droit pour chacune d'elles est divers^
c'sst ainsi que l'inaliénabilité du do
maine rural protège la liberté de la
femme et de l'enfant. Elle protège de
plus la liberté générale et l'ordre pu
blic, en créant des intérêts conserva
teurs. La liberté de tester exprime le
droit du propriétaire, elle ne saurait
empiéter sur ses droits de propriété
distincts. Il est facile de constater dans
la propriété rurale, à côté de la pro
priété nue, un droit de culture consa
cré par un long usage ou institué par
la volonté du propriétaire; ce n'est que
par la liberté de tester qu'il peut ainsi
disposer de son bien. Et dès lors, il le
transmet à son successeur, modifié
par sa volonté.
Ce n'est pas par le principe de liber
té que les anciennes institutions ru
rales ont été renversées. Les princes et
les légistes ont invoqué le droit césa-
rien en le décorant souvent du nom
de liberté, mais il faut ajouter que
pour eux la liberté consistait à se dé
barrasser de l'influence de l'Eglise et
des propriétaires.Aujourd'huil'Europe,
effrayée des populations instables qui
menacent sans cesse l'Etat, songe à
favoriser un retour à la stabilité ru
rale. Ce retour n'est pas inspiré par la
doctrine du droit romain. L eServusad-
seriptus glebse est remplacé par le gle-
ba adscripta colono. Les légistes ne sont
pour rien dans le mouvement qui se
prépare. Les princes, les grands pro
priétaires semblent d'accord pour sou
tenir en Europe les revendications
des classes rurales, car le mouvement
part de petits propriétaires, cultiva
teurs ou paysans,qui voient, sous l'in
fluence du droit romain ou du code
civil s'émietter et disparaître leur bien
et leur famille.
L'évolution qui s'opère dans les
conditions d'existence des classes ru
rales coïncide avec la faveur que re
prend au point de vue politique l'E
glise catholique dans les Etats protes
tants. Le dernier chapitre de ce vo
lume nous donne un aperçu sur l'E
glise et la propriété. M. Gabriel Ardant
noua annonce un prochain volume
sous ce titre : « Papes et Paysans, ou
la Question agraire en Italie. » En at
tendant,il nous indique par un impor
tant document la sollicitude constante
des Papes pour la classe rurale. Ce do
cument émane de Pie VII. Par une
constitution du 18 septembre 1802,
Pie VII voulut obliger les grands
propriétaires de la campagne romain©
de mettre en culture leurs immenses
pâturages, afin de donner du travail et
du pain à de nombreux colons. Les
propriétaires qui avaient sur ce point
résisté à ses prédécesseurs n'obtempé
rèrent pas à ses injonctions. Les Pa
pes cependant avalent un droit sur les
grandes propriétés de la noblesse ro
maine. Elles avaient été constituées
en fiefs, non en propriétés de droit ro
main. Et les possesseurs étaient tenus
au serment de fidélité envers les Sou
verains Pontifes. '
Les troubles dont Rome fut sou
vent le théâtre mirent obstacle aux
intentions des Papes: Rome fut en
vahie par le code civil : mais Pie VII,
rentré dans ses Etats en 1814, fit affi
cher à Rome une proclamation où
on lisait : « Le code civil est aboli à ja
mais ! » Plus tard, Louis-Napoléon, re
prenant Rome, écrivait à son ami
Edgard Ney: « Établissez le code civil à
Rome! » La noblesse profitait du code
civil. Si les Papes avaient pu établir
dans la campagne romaine une popu
lation de tenanciers héréditaires, ils
l'auraient trouvée au jour du péril, ou
plutôt le péril ne serait pas venu. Cette
masse solide aurait prévalu contre les
politiciens du dehors. La révolution
-rendait le gouvernement du Pape im
possible par ce^ principe fondamental
du code civil qui interdit toute asso-
ciatiou perpétuelle, tant urbaine que
rurale.
Coquille.
La loi militaire
et l'épiscopat
La lettre suivante a été adressée par
S. Em. le cardinal Desprez à M. le pré
sident de la République :
Archsvêchê de Toulouse
^Toulouse, le 5 janvier 1890.
Monsieur le Président,
Le délai fixé pour l'application de la loi
qui impose aux jeunes clercs le service
militaire expirera le 15 janvier courant.
Permettez au doyen d'âge des cardinaux
français de vous exprimer la profonde tris
tesse et la cruelle déception qu'il éprouve
au moment où l'Eglise de France va rece
voir lo coup le plus désastreux qui lui ait
été porté depuis que les pouvoirs publics
semblent la traiter en suspacte, pour ne
pas dire en ennemie. J'espérais, pour
l'honneur et la sécurité de mon pays, qne
cette innovation regrettable à tant de titres
ne serait jamais inscrite dans notre code.
Je l'espérais d'autant plus qua je me di
sais, avec les orateurs qui ont défendu au
Sénat et à la Chambre les droits de l'Eglise,
avec les organes de la presse catholique et
avec mes vénérés collègues dans l'épisco-
pat : le nouveau projet de loi snr le recru
tement de l'armée ne peut obtenir la sanc
tion du Parlement. Il porte atteinte au prin
cipe de l'immunité ecclésiastique ; il mé
connaît l'esprit et il viole la lettre du Con
cordat ; il se trouve en désaccord avec la
tradition de la France chrétienne, et avec
le droit public de la plupart des nations
civilisées ; il ne procure aucun gain à l'ar
mée, pour la force de laquelle le nombre
importe moins que la qualité ; et il cause
des pertes irréparables à la religion par
suite des entraves qu'il met au recrutement
et à la formation du clergé. Poursuivant la
justification de ma religieuse et patriotique
espérance, je me disais encore : « Le nou
veau projet de loi militaire doit être re
poussé par les principes mêmes au nom
desquels on chercha à le faire revêtir de
la sanction législative.La liberté religieuse,
qui est la base de toutes les autres,y contre
dit parce qu'il blesse les droits de l'Eglise
et de la conscience chrétienne. La fraternité
y contredit, parce qu'il diminue, en attendant
qu'il la détruise tout à fait,l'action du clergé,
la seule qui pousse efficacement les hom
mes à s'aimer et à s'entr'aider comme les
membres d'une même famille. L'égalité y
contredit enfin parce que, sous prétexte de
ramener au droit commun les élèves ec
clésiastiques, on leur fait une condition pire
que celle des autres citoyens. Le service
militaire des laïques ne durera que trois
ans, après lesquels ils recouvront leur li
berté. En obligeant les jeunes clercs à ser
vir quelque temps la patrie à la caserne, on
paraîtrait oublier qu'ils auront à la servir
toute leur vie dans le sanctuaire. La
France elle-même, si le projet était voté,
ne tarderait pas à ressentir les tristes ef
fets de cette innovation législative. Les fa
milles hésiteraient à s'imposer des sacri
fices pour soutenir des vocations qu'un mo
ment de vertige pourrait faire sombrer au
milieu des licences de la caserne ; il y au
rait dès lors moins d'aspirants au sacer
doce et, par suite,[moins d'élus; la pé
nurie de prêtres dont souffrent la plupart
de nos diocèses s'accentuerait de plus
en plus; bien des services paroissiaux
demeureraient vacants ; pendant le veu
vage des Eglises, le sentiment reli
gieux, qui réclame des soins si attentifs
pour ne pas languir, perdrait toute son
énergie, et alors que deviendrait la société
française ? Elle serait comme nos pères la
virent, il y a un siècle, après qu'elle eut
fermé ses temples et proscrit ses prêtres.
Battue par les passions que l'on aurait im
prudemment déchaînées, elle s'écroulerait
dans le sang et dans la boue. Quoi qu'en
disent les théoriciens de la morale indépen
dante et les partisans de l'Etat laïque, il
devient tôt ou tard impossible, même à la
force publique, de faire respecter les droits
de l'homme là oft l'on foule aux pieds les
droits de Dieu. »
Ces graves cousidérations, que l'on a dé
veloppées avec tant d'énergie et d'éloquen
ce à la tribune française, n'ont pu toucher
la majorité des membres du Parlement. La
loi a été votée, et naguère, quand je par
courais le décret qui en réglemente les
dispositions, j'ai eu la douleur de voir
que l'article relatif aux séminaristes
allait être appliqué dans les conditions
les plus défavorables pour leur avenir. ■
Leurs études souffriront comme partout
ailleurs d'avoir été interrompues par des
exercices qui sont loin de favoriser lo tra
vail de l'intelligence. Da reste, on fait plus
que s'instruire dans nos maisons ecclésias
tiques, on se forme à la pratique des ver
tus sacerdotales, et cette formation, qui se
perd vite quand elle n'est pas complète,
■exige des habitudes de piété et de recueil
lement que les jeunes lévites auront à peine
le temps de retrouver, en rentrant au sémi
naire, l'esprit et peut-être le cœur rempli
des souvenirs du monde.
Les inconvénients que je. signale regar
dent les aspirants au sacerdoce, qui vou
dront, à la sortie de la caserne, poursuivre
la carrière ecclésiastique. Il en existe d'au
tres pour les étudiants en théologie dont la
' vie militaire aura changé les aspirations. Il
faudra qu'ils songent à un autre avenir, et
en présence des retards qu'entraîne fatale
ment le choix d'un nouvel état de vie, il
leur sera difficile de ne pas trouver rigou
reuse une loi qui les aura obligés à passer
par le séminaire avant d'entrer à la caserne,
et à consacrer à des travaux devenus inu.
tiles deux ou trois des meilleures années
de leur jeunesse. -
Aussi, monsieur lo président, je vous
prie de vouloir bien user de votre haute
influence pour que l'on n'inaugure pas un
régime si contraire aux franchises des uas,
aux promesses des autres et aux intérêts
de tous. Sans crainte de paraître téméraire,
puisque je m'adresse à. votre patriotisme
et à votre loyauté, je demande qu'il soit
sursis à l'application de la loi militaire
jusqu'à ce que les pouvoirs compétents la
revisent, après s'être convaincus, l'histoire
■ *de la France chrétienne à la main, qu'on ne
sert jamais mieux le pays que lorsqu'on
tâche d'y faire prévaloir l'influence tou
jours si nécessaire de la religion.
Veuillez agréer, monsieur le président,
l'assurance de ma haute et respectueuese
considération.
f Pl . card. Desprez,
archevêque de Toulouse.
L'incident de Grenoble
^ Les dépêches de Y Agence Ilavas , en
signalant dès hier cet incident, n'ont
pas très exactement rapporté ce qui
l'a motivé. Il importe donc d'exposer
nettement la vérité.
La vérité, c'est que, dans une feuille
imprimée que nous avons sous les
yeux et qui a été répandue dans le pu
blic, l'ordre du cortège pour les funé
railles du préfet indiquait nettement
les Loges maçonniques comme devant
occuper dans ce cortège une place
spéciale. Or, le même imprimé dési
gnait Mgr l'évêque de Grenoble et le
clergé de la ville comme figurant dans
le même cortège, non loin des francs-
maçons.
Devant une pareille inconvenance,
Mgr l'évêque de Grenoble ne pouvait
se dispenser d'intervenir. Il le fit par
la lettre ci-après adressée à M. le curé
de la paroisse Saint-Joseph :
Evéché
de
Grenoble Grenoble, le 10 janvier, 1890.
Monsieur le curé,
J'apprends que dans la cortège qui ac
compagnera le corps de M. Delatte de la
préfecture à l'église Saint-Joseph et de l'é
glise à la gare, les loges maçonniques au
ront leur place désignées et que cela sera
publié dans les journaux : Je le regrette vi
vement. Le clergé, averti dès aujourd'hui
de cette mesure contraire aux lois et pres
criptions ecclésiastiques ne peut en cette
circonstance prêter son ministère sans
manquer à son devoir. Je vous engage à
voir qui de droit, afin -d'arranger cette af
faire.
Si on vous accorde de ne pas faire paraî
tre la franc-maçonnerie dans la liste des
corporations du cortège, vous pourrez faire
la levée du corps et la conduite à la gare,
sinon vous attendrez le corps à la porte de
votre église, où les francs-maçons ne pour
ront entrer comme corporation et vous le
conduirez de même, en sortant jusqu'à la
porte de l'église seulement.
Je regrette que les log's maçonniques
comprennent si peu que nous devons obéir
aux règlements que l'Eglise nous impose,
et que dans une circonstance comme celle-
ci, elles nous suscitent, sans raison, pareil
embarras,
Rececez, monsieur le curé, l'expression
de mon dévouement.
(Signé) •{• Armand-Joseph,
Evêque de Grenoble.
Après l'envoi de cette lettre,
M. Perret, chef de division à la pré
fecture se rendit à l'évêché ; cette dé
marche amena Mgr Fava dans la ma
tinée du 11, à s'adresser de nouveau
à M. le curé de Saint-Joseph. Sa Gran
deur le fit en ces termes :
Evêché
de
Grenoble
Grenoble, 11 janvier, 7 h, malin.
Monsieur le curé,
M. Perret, chef de division à la péfec-
ture, est venu à l'évêché, la nuit dernière,
pour me parler des funérailles de M. De
latte.
J'ai fait comprendre à M. Perret qu'on a
eu grand tort de faire figurer dans le cor
tège funèbre l'évêque et le clergé, sans mê
me m'en avoir parlé, ni écrit. J'ai protesté
contre cet oubli de toutes les dispositions
réglementaires, et de toutes les convenan
ces. Ces messieurs m'ont mis dans l'im
possibilité de prendre part, comme je l'a
vais résolu, à la cérémonie.
Pour vous, monsieur le curé, vous savez
que dans les cérémonies extérieures du
culte, vous avez le droit d'exercer la police.
Vous pouvez donc et vous devez user de ce
droit dans la circonstance présente, si vous
y paraissez.
Vous pourrez y parailre, si M. Perret
vous donne l'assurance ques les franc-ma
çons ne marcheront pas dans le cortège, en
corps mais individuellement.
Ces messieurs peuvent se plaindre des
règlements ecclésiastiques, s'ils le veulent;
mais ils ne peuvent en nier l'existence, ni
trouver mauvais que nous nous y confor-
formions : les soldats du Christ ont aussi
leur consigne.
Tout voire, monsieur le curé,
Signé : f Armand-Joseph,
Evêque de Grenoble.
Trois heures plus tard, apprenant
que les conditions posées par lui se
raient remplies, Mgr Fava écrivait en
core à M. le curé de Saint-Joseph.
Evêché
de
Grenoble Grenoble, le 11 janvier 1890
— 10 lu matin.
Monsieur le Curé,
Puisque les conditions dont parlait ma
lettre de ce matin sont remplies, vous pour
rez prêter votre ministère aux funérailles
de M. Delatle.
Tout votre,
(Signé) f Amand -Joseph
Evêque de Grenoble.
Or, tout à coup, l'on apprenait que
les promesses faites à Mgr l'évêque de
Grenoble ne seraient pas tenues. C'est
ce qu'expose la lettre suivante de M.
le curé de Saint-Joseph écrite à onze
heures du matin.
Grenoble, 11 janvier 1890
onze heures un quart.
Monseigneur,
Au moment où le clergé de Saint-Joseph
quittait la sacristie pour se rendre à la pré
lecture, M. Perret (chef de division) est
venu m'informer à la hâte que les organi
satenrs du convoi de M. le préfet ne rati
fiaient pas l'acceptation de la condition im
posée par Monseigneur ; que par conséquent
les francs-maçons seraientappe/éspourpren
dre place dans le cortège ; que de plus ils y
paraîtraient aveclenrs insignes. Devant cette
déclaration, je n'avais qu'à me conformer
aux premières instructions de Votre Gran
deur et à m'abstenir, c'est ce que j'ai fait.
Veuillez agréer, Monseigneur, l'hommage
de mon profond respect.
(Signé) Ginon,
curé de Saint-Joseph.
La seule lecture de ces lettres suffit
à justifier pleinement la résolution
imposée au clergé parle fait des or
donnateurs des obsèques préfectora
les. Elle suffit non moins pour répon
dre très éloquemment aux attaques
furibondes d'une certaine presse qui,
comme la République Française , par
exemple, va jusqu'à sommer le gou
vernement de tirer de Mgr l'évêque
de Grenoble un châtiment exem
plaire. Seulement ces échauffés ne di
sent pas comment le gouvernement
pourra s'y prendre, ni sur quel argu
ment un pouvoir qui se proclame laï-
cisateur se fondera pour contraindre
l'Eglise à ouvrir les portes de ses égli
ses aux cadavres dont on veut se ser
vir pour insulter à ses lois.
Si cette exploitation du scandale
par ses auteurs responsables n'était si
triste, on serait tenté de dire que le
spectacle est plaisant de ces énergu-
mènes acharnés contre toute religion
et, tout comme faisaient les anciens
Parlements, quand ils .voulaient faire
administrer par force les sacrements,
émettant la prétention de faire rendre
aussi par force les honneurs de la sé
pulture ecclésiastique à ceux qui
ont tout fait pour écarter ce suprême
honneur.
Auguste Roussel.
On vient de voir ce qu'est l'incident
de Grenoble.
Quoique puissent dire à ce sujet les
feuilles libérales qui ont déjà com
mencé de clamer contre le « fanatisme »
de Mgr. Fava, l'attitude du clergé ca
tholique est facile à justifier. Et ce qui
le prouve, c'est que nous n'avons,
pour cela qu'à citer le Journal des
Débats où nous lisons.
Deux hypothèses doivent être distin
guées : les francs'maçons étaient-ils en
corps, et revêtus de leurs insignes, ou bien
se présentaient-ils en simples particuliers
et sans afficher aucun emblème ? Les deux
cas, il faut -en convenir, ne sont pas les
mêmes. La franc maçonnerie, qui n'a pas
été toujours et qui n'est pas partout une
société antireligieuse, en a incontestable
ment pris le caractère en France depuis
quelques années, Elle a, d'ailieurs, été con
damnée par le Pape. Nous n'avons pas à
rechercher si le Pape a eu tort ou raison :
les catholiques, et le clergé surtout, doi
vent respecter sa décision et s'y conformer.
On comprend donc que l'évêque de Gre
noble ait tenu à savoir dans quelles condi
tions les francs-maçons assisteraient aux
obsèques de M. Delatte, et qu'il ait donné
au curé de Saint-Joseph des instructions
différentes, suivant les cas.
S'il est vrai, comme quelques-uns de nos
confrères le racontent, que la famille avait
donné l'assurance que les francs-maçons ne
seraient pas en corps et n'auraieni pas d'in
signes, et si cette promesse n'a pas été te
nue, il faut convenir que l'évêque était tout
à fait dans son droit en s'abstenant. La
franc-maçonnerie étant devenue, suivant
l'idéal de M. Cardinal, une religion pure
ment laïque, mais enfin une religion ayant
ses rites, sa hiérarchie, ses symboles, ses
emblèmes, on comprend très bien que le
clergé catholique ne veuille pas mêler ses
propres emblèmes, non ptes que ses prê
très, à ceux d'une secte dont l'hostilité lui
est connue.
Une grande émotion règne à Gre
noble, disent le ï dépêches. Nous le
croyons sans peine, mais à qui la
faute ? Il est aisé de constater que ce
n'est pas celle de Mgr Fava.
La franc-maçonnerie a conservé
encore, de sa situation dans le passé,
diverses habitudes, les unes parfaite*
ment grotesques, les autres quelque
peu redoutables, de dissimulation et
de mystère.
Cependant, elle agit de plus en plus
au grand jour; elle-cache de moins
en moins son jeu et son but. La pré-
sence de ses humbles valets dans les
suprêmes conseils du gouvernement
lui donne une hardiesse grandissante ;
Aussi voit-on disparaître une à une
les pratiques ténébreuses de la franc-
maçonnerie. Bientôt cette ancienne
puissance occulte sera une puissance
publique, officielle, qui ne dissimulera
plus rien. Elle dissimule déjà si peu !
A preuve ce que nous lisons dans le
Siècle.
Un journal, parlant de la franc-ma^
çonnerie, avait publié la note sui^
vante :
Un certain nombre d'esprits modérés
voudraient que l'on atténuât le caractèra
politique qui a été donné depuis quelques
années à cette institution, pour en revenir
à ses vrais principes,qui étaient l'assistanca
et la charité.
Là-dessus, le Siècle , — vous enten^
dez bien : le Siècle , et non pas quel»
que journal réactionnaire, suspect
par conséquent, et qu'on pourrait croi->
re désireux de jouer un mauvais tour à
la franc-maçonnerie, en lui faisant
avouer, par surprise, ce qu'elle a n^â
avec obstination si longtemps, — la
Siècle a envoyé l'un de ses rédacteurs
chez « un franc-maçon fort bien placé
pour répondre en toute connaissance
de cause, » et voici ce que le franc-»
maçon a répondu, en toute connais^
sance de cause, foi de Siècle :
Non, il n'a jamais été question d'atté
nuer le caractère politique de la franc-ma«
çonnerie, comme si c'était d'hier que cette
institution s'occupait de politique.
On sait bien que c'est à elle que nous
dévons la Révolution. Ceux qui l'ont prêt
parée en faisaient partie pour la plupart,
Voltaire en tête ; et ceux qui l'ont accom
plie en étaient également, Mirabeau, Dan*
ton, Robespierre, Saint-Just, par exemple.:
Oui, elle continue et elle continuera son'
oeuvre. Car, ayant commencé de la sorte,
pourquoi s'arrêterait-elle ? Certes, il exista
dans ses principes d'exercer la charité, de
ne pas refuser son assistance; mais il exista
aussi dans ses traditions d'affranchir, au*
tant que faire se peut, l'esprit humain. Elle
est la barrière la plus forte que les idées
modernes puisent opposer au retour des
idées du passé.
C'est à vrai dire le seul centre autour
duquel se groupent les libres penseurs da
toutes les classes de la société, et que l'oa
puisse mettre en ligne contre les innom
brables confréries enrégimentées par les
partisans de l'obseurantisme. Aussi na
faut-il pas s'étonner que, de temps à autre,'
quelque vague et risible tentative soit faita
pour entraver notre action. Vous pouvez
donc hardiment démentir l'information qua
vous venez de me communiquer.
« Dieux, rendez-nous la lumière, et
combattez contre nous ! » s'écrie Dio-.
mède dans l 'Iliade. Cette demande,'
adressée aux fabuleux habitants de
l'Olympe, il nous semble qu'il con
vient de la reprendre pour l'adresser
aux trop réels représentants du diable
sur la terre, les francs-maçons. Que
la franc-maçonnerie redouble de rage,
et combatte avec plus de fureur que
jamais l'Eglise, soit, pourvu qu'elle le
fasse à visage découvert, en plein jour.
Au service de la grande puissance oc-j
culte, la franc-maçonnerie, on effet,"
perdra les^ trois quarts de sa force en
cessant d'être occulte elle-même. On ne
pouvait lui arracher son masque ; elle
I'ôte spontanément ; on va la bien con-»
naître enfin. Tant mieux 1
P. V.
L'Affaire de Dôle
par lequel le maire de Dôle a interdit
les processions catholiques.
Le Journal des_ Débats s'est chargé
dé montrer combien peu sensées sont
les conclusions de M. Sarcey. Il le fait
en ces termes :
M. Francisque Sarcey, dans sa chroni
que du XIX* Siècle, prend la défense do
1 arrêts du maire de Dôle, dont nous avons
parlé il y a quelques jours. Selon lui, nous
avons mal compris la pensée à laquelle M.
le maire a obéi. Il n'a pas voulu priver les
catholiques de processions, par mesure da
punition générale, parce que le Courrier du
Jura avait mal parlé des enterrements ci
vils. Mais il existait à Dôle une situation
inquiétante, que la polémique du Courrier
du Jura avait aggravée, et qui rendait les
processions dangereuses pour la paix pu
blique.
C'est uniquement pour cette raison qua
M. le maire a pris son arrêté et prononcé
une interdiction qui, du reste, M. Sarcey
nous l'assure, ne doit être que momenta
née. S'il en est ainsi, il faut avouer que M.
le maire de Dôle a fait tout ce qu'il fallait
pour que le public se méprît snr ses inten
tions. D'abord, il n'est question tout le long
de son arrêté que du Ceurrier du Jura %
« organe accrédité des catholiques de la
région », et de ses articles sur les enterre
ments civils. A lire les considérants de cet
arrêté, on est persuade que c'est ce journal
qui est en cause.On s'attend à lire à la fin :
« Le Courrier_ du Jura est supprimé »I
Mais on y voit que « les processions du
cuite catholique sontinterdites..,» Et chacun
ne manque pas de se dire que M. le maire,
n'ayant ças la pouvoir de supprimer la
N* 8044 ^ Edition quotidiênas
Lundi 13 Janvier 1890
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION S SSHI-QUOTIDIENNB
ïJn an. ; . .
Six mol?. . . •
Trois mois. . .
PARIS
ET DÉPARTEMENT*
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18 s
'^•bonnement* partent des 1" et 16 de cliotino moM
UN NUMÉRO [ Départements,
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gosù, 8
Paris ...... 15 cent.
20 —
Un an. . I
Sixmoib'. .
Trois mois.
PARIS
ET BKPARTE11ENT3
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10 s
. tes abonnements partent des 4" et iS de chaque gttf
L'UNIVERS no répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C 1 », 6, place de la Bourse
FRANGE
PARIS, 12 JANVIER 1890
Encore une déception pour les nou
vellistes politiques : le conseil des
ministres tenu hier et dont on atten
dait les résultats avec un© certaine
impatience, a été d'une banalité abso
lue, au moins d'après les comptes-
rendus publiés dans les journaux ré
publicains. On pourra en juger par
celui que nous empruntons au Jour
nal des Débats et que les autres confir
ment. En somme, les ministres ont
décidé que l'examen des dernières
élections contestées terminé, ils de
manderaient à la Chambre de s'occu
per « des projets de loi d'ordre éco
nomique et social » dont elle est
saisiè. Rien de moins compromettant,
et M. Ranc sera peu exigeant s'il
trouve, dans cette décision, le pro
gramme qu'il prétendait imposer à M.
Tirard.
De ce que le conseil des ministres
impuissant n'a. pas arrêté de » pro
gramme, il ne s'ensuivrait pas néces
sairement qu'il n'y aura aucun inci
dent à la rentrée. On annonce de
divers côtés des interpellations dont
quelques-unes sont de nature à sou
lever des débats assez importants.
Mais ces interpellations seront-elles
déposées par des membres de la gau
che? C'est là un point capital, car
venues de droite, elles seraient vrai
semblablement renvoyées à un mois
ou tout au moins ne constitueraient
aucun danger pour le ministère.
Ces jours derniers nous signalions
l'odieuse conduite des francs-maçons
de Pontoise qui s'étaient imposés à la
famille de M. Billoin et avaient empê
ché l'enterrement religieux de ce der
nier ; le même fait, dans des circons
tances non moins odieuses, vient de
se produire à Grenoble pour le préfet
Delatte. Mgr l'évêque de Grenoble a
fait respecter les droits de l'Eglise.
Naturellement les journaux de la
secte maçonnique essayent de dénatu
rer les faits et d'incriminer le vaillant
•évêque ; ils ne réussiront pas à trom
per toujours l'opinion, et un jour
tiendra où les populatiods éclairées
secoueront le joug maçonnique.
Nous sommes heureux de reproduire
la belle lettre que S. Em. le cardinal
Desprez vient d'adresser au ministre
des cultes pour protester contre la
nouvelle loi militaire. Nous n'espérons
pas que cette ferme protestation soit
entendue, mais il n'est pas moins bon
que la vérité soit dite à nos ministres,
surtout avec tant d'autorité. S'ils ne
veulent pas entendre, d'autres entèn-
dront.
Un télégramme officiel annonce
que des négociants français établis
depuis longtemps auTonkin, les frères
Roques, ont été victimes d'une agres
sion. Est-ce uns « vengeance person
nelles », comme l'assurent certains
journaux, est-ce un acte de piraterie?
La vérité se fera sans doute bientôt,
mais quel que soit le mobile des as
saillants, il n'est pas moins regretta
bles que des attaques semblables puis
sent se produire, et cela montre qu'il
n'est pas encore temps de désarmer
&u Tonkin.
Pas de changement dans l'état de
ganté du jeune roi et dans la situation
en Espagne- On n'a guère d'espoir.
L'apaisement s'affirme dans le con
flit anglo -portugais ; on croit de moins
en moins à ti.ne issue violente.
Le mouvement agraire (i)
Ce mouvement se propage en Eu
rope et dans le nouveau monde. MM.
Meyer et Ardant, qui ont consa
cré à cette question d'importants
travaux, publient un second volume
qui nous initie aux antécédents peu
connus du régime agraire. Ils remon
tent aux clans celtiques. Dans le pays
de Galles, en Ecosse, en Irlande, dans
la Gaule, en Germanie, ils retrouvent
cette loi du clan : tous les ans, la dis
tribution des terres se fait par le chef
' «du clan ou par le eort à toutes les fa
milles, de façon à ce que chaque fa
mille ne puisse atteindre à la stabilité
de la propriété.
C'est la tribu, le clan qui possède.
On reconnaît là, les habitudes de la
famille patriarcale issue de l'Asie. La vie
nomade est étrangère à l'idée de stabi
lité et de propriéié. Le nomade abesoin
de grands espaces pour vivre avec pa
resse de son bétail. Une épizootie, une
famine pousse facilement le nomade
à. être conquérant. Les nomades entre
Ils portent ailleurs leurs habitudes
instables. C'est ainsi qu'ils ont peuplé
la Germanie, et de là l'Angleterre et la
Gaule.
Le gouvernement des clans n'a pas
(i) £e mouvement agraire. — La péninsule des
Balcans. — L'Angleterre et ses colonies. —
plaine saxonne. —- Les Etats-Upis, par Meyer
et Ardant, chez Retaux-Sray.
prospéré, l'instabilité des familles y
engendrant une anarchie perpétuelle.
C'est leur histoire en Anglèterre ; ils
ne purent résister à la famille nor
mande. Il est à remarquer que notre
loi de succession se rapproche de la
loi des clans. Elle en représente le prin
cipe dans des partages périodiques
qui dissolvent la famille à peine for
mée. Du restera durée de nos gouver
nements est celle d'une famille ordi
naire. La France est redevenue un vaste
clan celtique.
A côté du communisme des clans
s'est développé dans le bas-empire un
régime de communautés rurales qui
ressemblent aux sociétés taisibles du
Nivernais décrites par nos juristes du
seizième siècle. L'influence de l'Eglise
est visible dans cette transformation.
L'Eglise, par la perpétuité du mariage
chrétien, tendait à la perpétuité des
intérêts de famille. Ces communautés
rurales sous le nom de zudrugas, fu
rent conservées par les Turcs-, elles
sont menacées par les financiers des
pays chrétiens qui y importent leurs
principes économiques et s'emparent
du patrimoine des familles par l'usure.
La Hongrie a vu parle même procédé,
après 1848, disparaître plus de
cent mille domaines de paysans. Et le
paupérisme et le vagabondage, autre
fois inconuus, ont envahi le pays.
Les politiciens ont inventé à ce pro
pos une théorie, la liberté des con
trats. Pourquoi ne serait-il pas permis
de se ruiner? On supposait que les
chefs de famille étaient maîtres du do
maine. Mais ce domaine, par une pres
cription centenaire, était devenu un
domaine de famille, il échappait à l'a-
liénabilité, et le père n'en était plus
que l'administrateur. On n'a pu lui
donner le droit d'en disposer qu'en dé
pouillant la femme et les enfants. La
coutume s'était librement établie par
le consentement successif des généra
tions. D'ailleurs la liberté des contrats
n'a jamais existé d'une manière ab
solue ; et précisément, c'est sur le
droit de propriété que pèsent les in
jonctions du législateur. La coutume
est une législation naturelle où tous
prennent part et qui. est un suffrage
universel plus sûr que celui que nous
connaissons. Il s'agit de savoir si la
famille peut être propriétaire. Si cette
question est résolue par l'affirmative,
nul doute que l'inaliénabilité du bien de
famille n'en soit la conséquence, en
vertu même delà volonté des parties
intéressées.,
Les liens sociaux n'entravent pas
la liberté humaine : ils l'étendent et
la fortifient, puisque l'homme réduit
à l'individualité serait la plus miséra
ble des créatures. La société se forme
de toutes les inégalités humaines, et
le droit pour chacune d'elles est divers^
c'sst ainsi que l'inaliénabilité du do
maine rural protège la liberté de la
femme et de l'enfant. Elle protège de
plus la liberté générale et l'ordre pu
blic, en créant des intérêts conserva
teurs. La liberté de tester exprime le
droit du propriétaire, elle ne saurait
empiéter sur ses droits de propriété
distincts. Il est facile de constater dans
la propriété rurale, à côté de la pro
priété nue, un droit de culture consa
cré par un long usage ou institué par
la volonté du propriétaire; ce n'est que
par la liberté de tester qu'il peut ainsi
disposer de son bien. Et dès lors, il le
transmet à son successeur, modifié
par sa volonté.
Ce n'est pas par le principe de liber
té que les anciennes institutions ru
rales ont été renversées. Les princes et
les légistes ont invoqué le droit césa-
rien en le décorant souvent du nom
de liberté, mais il faut ajouter que
pour eux la liberté consistait à se dé
barrasser de l'influence de l'Eglise et
des propriétaires.Aujourd'huil'Europe,
effrayée des populations instables qui
menacent sans cesse l'Etat, songe à
favoriser un retour à la stabilité ru
rale. Ce retour n'est pas inspiré par la
doctrine du droit romain. L eServusad-
seriptus glebse est remplacé par le gle-
ba adscripta colono. Les légistes ne sont
pour rien dans le mouvement qui se
prépare. Les princes, les grands pro
priétaires semblent d'accord pour sou
tenir en Europe les revendications
des classes rurales, car le mouvement
part de petits propriétaires, cultiva
teurs ou paysans,qui voient, sous l'in
fluence du droit romain ou du code
civil s'émietter et disparaître leur bien
et leur famille.
L'évolution qui s'opère dans les
conditions d'existence des classes ru
rales coïncide avec la faveur que re
prend au point de vue politique l'E
glise catholique dans les Etats protes
tants. Le dernier chapitre de ce vo
lume nous donne un aperçu sur l'E
glise et la propriété. M. Gabriel Ardant
noua annonce un prochain volume
sous ce titre : « Papes et Paysans, ou
la Question agraire en Italie. » En at
tendant,il nous indique par un impor
tant document la sollicitude constante
des Papes pour la classe rurale. Ce do
cument émane de Pie VII. Par une
constitution du 18 septembre 1802,
Pie VII voulut obliger les grands
propriétaires de la campagne romain©
de mettre en culture leurs immenses
pâturages, afin de donner du travail et
du pain à de nombreux colons. Les
propriétaires qui avaient sur ce point
résisté à ses prédécesseurs n'obtempé
rèrent pas à ses injonctions. Les Pa
pes cependant avalent un droit sur les
grandes propriétés de la noblesse ro
maine. Elles avaient été constituées
en fiefs, non en propriétés de droit ro
main. Et les possesseurs étaient tenus
au serment de fidélité envers les Sou
verains Pontifes. '
Les troubles dont Rome fut sou
vent le théâtre mirent obstacle aux
intentions des Papes: Rome fut en
vahie par le code civil : mais Pie VII,
rentré dans ses Etats en 1814, fit affi
cher à Rome une proclamation où
on lisait : « Le code civil est aboli à ja
mais ! » Plus tard, Louis-Napoléon, re
prenant Rome, écrivait à son ami
Edgard Ney: « Établissez le code civil à
Rome! » La noblesse profitait du code
civil. Si les Papes avaient pu établir
dans la campagne romaine une popu
lation de tenanciers héréditaires, ils
l'auraient trouvée au jour du péril, ou
plutôt le péril ne serait pas venu. Cette
masse solide aurait prévalu contre les
politiciens du dehors. La révolution
-rendait le gouvernement du Pape im
possible par ce^ principe fondamental
du code civil qui interdit toute asso-
ciatiou perpétuelle, tant urbaine que
rurale.
Coquille.
La loi militaire
et l'épiscopat
La lettre suivante a été adressée par
S. Em. le cardinal Desprez à M. le pré
sident de la République :
Archsvêchê de Toulouse
^Toulouse, le 5 janvier 1890.
Monsieur le Président,
Le délai fixé pour l'application de la loi
qui impose aux jeunes clercs le service
militaire expirera le 15 janvier courant.
Permettez au doyen d'âge des cardinaux
français de vous exprimer la profonde tris
tesse et la cruelle déception qu'il éprouve
au moment où l'Eglise de France va rece
voir lo coup le plus désastreux qui lui ait
été porté depuis que les pouvoirs publics
semblent la traiter en suspacte, pour ne
pas dire en ennemie. J'espérais, pour
l'honneur et la sécurité de mon pays, qne
cette innovation regrettable à tant de titres
ne serait jamais inscrite dans notre code.
Je l'espérais d'autant plus qua je me di
sais, avec les orateurs qui ont défendu au
Sénat et à la Chambre les droits de l'Eglise,
avec les organes de la presse catholique et
avec mes vénérés collègues dans l'épisco-
pat : le nouveau projet de loi snr le recru
tement de l'armée ne peut obtenir la sanc
tion du Parlement. Il porte atteinte au prin
cipe de l'immunité ecclésiastique ; il mé
connaît l'esprit et il viole la lettre du Con
cordat ; il se trouve en désaccord avec la
tradition de la France chrétienne, et avec
le droit public de la plupart des nations
civilisées ; il ne procure aucun gain à l'ar
mée, pour la force de laquelle le nombre
importe moins que la qualité ; et il cause
des pertes irréparables à la religion par
suite des entraves qu'il met au recrutement
et à la formation du clergé. Poursuivant la
justification de ma religieuse et patriotique
espérance, je me disais encore : « Le nou
veau projet de loi militaire doit être re
poussé par les principes mêmes au nom
desquels on chercha à le faire revêtir de
la sanction législative.La liberté religieuse,
qui est la base de toutes les autres,y contre
dit parce qu'il blesse les droits de l'Eglise
et de la conscience chrétienne. La fraternité
y contredit, parce qu'il diminue, en attendant
qu'il la détruise tout à fait,l'action du clergé,
la seule qui pousse efficacement les hom
mes à s'aimer et à s'entr'aider comme les
membres d'une même famille. L'égalité y
contredit enfin parce que, sous prétexte de
ramener au droit commun les élèves ec
clésiastiques, on leur fait une condition pire
que celle des autres citoyens. Le service
militaire des laïques ne durera que trois
ans, après lesquels ils recouvront leur li
berté. En obligeant les jeunes clercs à ser
vir quelque temps la patrie à la caserne, on
paraîtrait oublier qu'ils auront à la servir
toute leur vie dans le sanctuaire. La
France elle-même, si le projet était voté,
ne tarderait pas à ressentir les tristes ef
fets de cette innovation législative. Les fa
milles hésiteraient à s'imposer des sacri
fices pour soutenir des vocations qu'un mo
ment de vertige pourrait faire sombrer au
milieu des licences de la caserne ; il y au
rait dès lors moins d'aspirants au sacer
doce et, par suite,[moins d'élus; la pé
nurie de prêtres dont souffrent la plupart
de nos diocèses s'accentuerait de plus
en plus; bien des services paroissiaux
demeureraient vacants ; pendant le veu
vage des Eglises, le sentiment reli
gieux, qui réclame des soins si attentifs
pour ne pas languir, perdrait toute son
énergie, et alors que deviendrait la société
française ? Elle serait comme nos pères la
virent, il y a un siècle, après qu'elle eut
fermé ses temples et proscrit ses prêtres.
Battue par les passions que l'on aurait im
prudemment déchaînées, elle s'écroulerait
dans le sang et dans la boue. Quoi qu'en
disent les théoriciens de la morale indépen
dante et les partisans de l'Etat laïque, il
devient tôt ou tard impossible, même à la
force publique, de faire respecter les droits
de l'homme là oft l'on foule aux pieds les
droits de Dieu. »
Ces graves cousidérations, que l'on a dé
veloppées avec tant d'énergie et d'éloquen
ce à la tribune française, n'ont pu toucher
la majorité des membres du Parlement. La
loi a été votée, et naguère, quand je par
courais le décret qui en réglemente les
dispositions, j'ai eu la douleur de voir
que l'article relatif aux séminaristes
allait être appliqué dans les conditions
les plus défavorables pour leur avenir. ■
Leurs études souffriront comme partout
ailleurs d'avoir été interrompues par des
exercices qui sont loin de favoriser lo tra
vail de l'intelligence. Da reste, on fait plus
que s'instruire dans nos maisons ecclésias
tiques, on se forme à la pratique des ver
tus sacerdotales, et cette formation, qui se
perd vite quand elle n'est pas complète,
■exige des habitudes de piété et de recueil
lement que les jeunes lévites auront à peine
le temps de retrouver, en rentrant au sémi
naire, l'esprit et peut-être le cœur rempli
des souvenirs du monde.
Les inconvénients que je. signale regar
dent les aspirants au sacerdoce, qui vou
dront, à la sortie de la caserne, poursuivre
la carrière ecclésiastique. Il en existe d'au
tres pour les étudiants en théologie dont la
' vie militaire aura changé les aspirations. Il
faudra qu'ils songent à un autre avenir, et
en présence des retards qu'entraîne fatale
ment le choix d'un nouvel état de vie, il
leur sera difficile de ne pas trouver rigou
reuse une loi qui les aura obligés à passer
par le séminaire avant d'entrer à la caserne,
et à consacrer à des travaux devenus inu.
tiles deux ou trois des meilleures années
de leur jeunesse. -
Aussi, monsieur lo président, je vous
prie de vouloir bien user de votre haute
influence pour que l'on n'inaugure pas un
régime si contraire aux franchises des uas,
aux promesses des autres et aux intérêts
de tous. Sans crainte de paraître téméraire,
puisque je m'adresse à. votre patriotisme
et à votre loyauté, je demande qu'il soit
sursis à l'application de la loi militaire
jusqu'à ce que les pouvoirs compétents la
revisent, après s'être convaincus, l'histoire
■ *de la France chrétienne à la main, qu'on ne
sert jamais mieux le pays que lorsqu'on
tâche d'y faire prévaloir l'influence tou
jours si nécessaire de la religion.
Veuillez agréer, monsieur le président,
l'assurance de ma haute et respectueuese
considération.
f Pl . card. Desprez,
archevêque de Toulouse.
L'incident de Grenoble
^ Les dépêches de Y Agence Ilavas , en
signalant dès hier cet incident, n'ont
pas très exactement rapporté ce qui
l'a motivé. Il importe donc d'exposer
nettement la vérité.
La vérité, c'est que, dans une feuille
imprimée que nous avons sous les
yeux et qui a été répandue dans le pu
blic, l'ordre du cortège pour les funé
railles du préfet indiquait nettement
les Loges maçonniques comme devant
occuper dans ce cortège une place
spéciale. Or, le même imprimé dési
gnait Mgr l'évêque de Grenoble et le
clergé de la ville comme figurant dans
le même cortège, non loin des francs-
maçons.
Devant une pareille inconvenance,
Mgr l'évêque de Grenoble ne pouvait
se dispenser d'intervenir. Il le fit par
la lettre ci-après adressée à M. le curé
de la paroisse Saint-Joseph :
Evéché
de
Grenoble Grenoble, le 10 janvier, 1890.
Monsieur le curé,
J'apprends que dans la cortège qui ac
compagnera le corps de M. Delatte de la
préfecture à l'église Saint-Joseph et de l'é
glise à la gare, les loges maçonniques au
ront leur place désignées et que cela sera
publié dans les journaux : Je le regrette vi
vement. Le clergé, averti dès aujourd'hui
de cette mesure contraire aux lois et pres
criptions ecclésiastiques ne peut en cette
circonstance prêter son ministère sans
manquer à son devoir. Je vous engage à
voir qui de droit, afin -d'arranger cette af
faire.
Si on vous accorde de ne pas faire paraî
tre la franc-maçonnerie dans la liste des
corporations du cortège, vous pourrez faire
la levée du corps et la conduite à la gare,
sinon vous attendrez le corps à la porte de
votre église, où les francs-maçons ne pour
ront entrer comme corporation et vous le
conduirez de même, en sortant jusqu'à la
porte de l'église seulement.
Je regrette que les log's maçonniques
comprennent si peu que nous devons obéir
aux règlements que l'Eglise nous impose,
et que dans une circonstance comme celle-
ci, elles nous suscitent, sans raison, pareil
embarras,
Rececez, monsieur le curé, l'expression
de mon dévouement.
(Signé) •{• Armand-Joseph,
Evêque de Grenoble.
Après l'envoi de cette lettre,
M. Perret, chef de division à la pré
fecture se rendit à l'évêché ; cette dé
marche amena Mgr Fava dans la ma
tinée du 11, à s'adresser de nouveau
à M. le curé de Saint-Joseph. Sa Gran
deur le fit en ces termes :
Evêché
de
Grenoble
Grenoble, 11 janvier, 7 h, malin.
Monsieur le curé,
M. Perret, chef de division à la péfec-
ture, est venu à l'évêché, la nuit dernière,
pour me parler des funérailles de M. De
latte.
J'ai fait comprendre à M. Perret qu'on a
eu grand tort de faire figurer dans le cor
tège funèbre l'évêque et le clergé, sans mê
me m'en avoir parlé, ni écrit. J'ai protesté
contre cet oubli de toutes les dispositions
réglementaires, et de toutes les convenan
ces. Ces messieurs m'ont mis dans l'im
possibilité de prendre part, comme je l'a
vais résolu, à la cérémonie.
Pour vous, monsieur le curé, vous savez
que dans les cérémonies extérieures du
culte, vous avez le droit d'exercer la police.
Vous pouvez donc et vous devez user de ce
droit dans la circonstance présente, si vous
y paraissez.
Vous pourrez y parailre, si M. Perret
vous donne l'assurance ques les franc-ma
çons ne marcheront pas dans le cortège, en
corps mais individuellement.
Ces messieurs peuvent se plaindre des
règlements ecclésiastiques, s'ils le veulent;
mais ils ne peuvent en nier l'existence, ni
trouver mauvais que nous nous y confor-
formions : les soldats du Christ ont aussi
leur consigne.
Tout voire, monsieur le curé,
Signé : f Armand-Joseph,
Evêque de Grenoble.
Trois heures plus tard, apprenant
que les conditions posées par lui se
raient remplies, Mgr Fava écrivait en
core à M. le curé de Saint-Joseph.
Evêché
de
Grenoble Grenoble, le 11 janvier 1890
— 10 lu matin.
Monsieur le Curé,
Puisque les conditions dont parlait ma
lettre de ce matin sont remplies, vous pour
rez prêter votre ministère aux funérailles
de M. Delatle.
Tout votre,
(Signé) f Amand -Joseph
Evêque de Grenoble.
Or, tout à coup, l'on apprenait que
les promesses faites à Mgr l'évêque de
Grenoble ne seraient pas tenues. C'est
ce qu'expose la lettre suivante de M.
le curé de Saint-Joseph écrite à onze
heures du matin.
Grenoble, 11 janvier 1890
onze heures un quart.
Monseigneur,
Au moment où le clergé de Saint-Joseph
quittait la sacristie pour se rendre à la pré
lecture, M. Perret (chef de division) est
venu m'informer à la hâte que les organi
satenrs du convoi de M. le préfet ne rati
fiaient pas l'acceptation de la condition im
posée par Monseigneur ; que par conséquent
les francs-maçons seraientappe/éspourpren
dre place dans le cortège ; que de plus ils y
paraîtraient aveclenrs insignes. Devant cette
déclaration, je n'avais qu'à me conformer
aux premières instructions de Votre Gran
deur et à m'abstenir, c'est ce que j'ai fait.
Veuillez agréer, Monseigneur, l'hommage
de mon profond respect.
(Signé) Ginon,
curé de Saint-Joseph.
La seule lecture de ces lettres suffit
à justifier pleinement la résolution
imposée au clergé parle fait des or
donnateurs des obsèques préfectora
les. Elle suffit non moins pour répon
dre très éloquemment aux attaques
furibondes d'une certaine presse qui,
comme la République Française , par
exemple, va jusqu'à sommer le gou
vernement de tirer de Mgr l'évêque
de Grenoble un châtiment exem
plaire. Seulement ces échauffés ne di
sent pas comment le gouvernement
pourra s'y prendre, ni sur quel argu
ment un pouvoir qui se proclame laï-
cisateur se fondera pour contraindre
l'Eglise à ouvrir les portes de ses égli
ses aux cadavres dont on veut se ser
vir pour insulter à ses lois.
Si cette exploitation du scandale
par ses auteurs responsables n'était si
triste, on serait tenté de dire que le
spectacle est plaisant de ces énergu-
mènes acharnés contre toute religion
et, tout comme faisaient les anciens
Parlements, quand ils .voulaient faire
administrer par force les sacrements,
émettant la prétention de faire rendre
aussi par force les honneurs de la sé
pulture ecclésiastique à ceux qui
ont tout fait pour écarter ce suprême
honneur.
Auguste Roussel.
On vient de voir ce qu'est l'incident
de Grenoble.
Quoique puissent dire à ce sujet les
feuilles libérales qui ont déjà com
mencé de clamer contre le « fanatisme »
de Mgr. Fava, l'attitude du clergé ca
tholique est facile à justifier. Et ce qui
le prouve, c'est que nous n'avons,
pour cela qu'à citer le Journal des
Débats où nous lisons.
Deux hypothèses doivent être distin
guées : les francs'maçons étaient-ils en
corps, et revêtus de leurs insignes, ou bien
se présentaient-ils en simples particuliers
et sans afficher aucun emblème ? Les deux
cas, il faut -en convenir, ne sont pas les
mêmes. La franc maçonnerie, qui n'a pas
été toujours et qui n'est pas partout une
société antireligieuse, en a incontestable
ment pris le caractère en France depuis
quelques années, Elle a, d'ailieurs, été con
damnée par le Pape. Nous n'avons pas à
rechercher si le Pape a eu tort ou raison :
les catholiques, et le clergé surtout, doi
vent respecter sa décision et s'y conformer.
On comprend donc que l'évêque de Gre
noble ait tenu à savoir dans quelles condi
tions les francs-maçons assisteraient aux
obsèques de M. Delatte, et qu'il ait donné
au curé de Saint-Joseph des instructions
différentes, suivant les cas.
S'il est vrai, comme quelques-uns de nos
confrères le racontent, que la famille avait
donné l'assurance que les francs-maçons ne
seraient pas en corps et n'auraieni pas d'in
signes, et si cette promesse n'a pas été te
nue, il faut convenir que l'évêque était tout
à fait dans son droit en s'abstenant. La
franc-maçonnerie étant devenue, suivant
l'idéal de M. Cardinal, une religion pure
ment laïque, mais enfin une religion ayant
ses rites, sa hiérarchie, ses symboles, ses
emblèmes, on comprend très bien que le
clergé catholique ne veuille pas mêler ses
propres emblèmes, non ptes que ses prê
très, à ceux d'une secte dont l'hostilité lui
est connue.
Une grande émotion règne à Gre
noble, disent le ï dépêches. Nous le
croyons sans peine, mais à qui la
faute ? Il est aisé de constater que ce
n'est pas celle de Mgr Fava.
La franc-maçonnerie a conservé
encore, de sa situation dans le passé,
diverses habitudes, les unes parfaite*
ment grotesques, les autres quelque
peu redoutables, de dissimulation et
de mystère.
Cependant, elle agit de plus en plus
au grand jour; elle-cache de moins
en moins son jeu et son but. La pré-
sence de ses humbles valets dans les
suprêmes conseils du gouvernement
lui donne une hardiesse grandissante ;
Aussi voit-on disparaître une à une
les pratiques ténébreuses de la franc-
maçonnerie. Bientôt cette ancienne
puissance occulte sera une puissance
publique, officielle, qui ne dissimulera
plus rien. Elle dissimule déjà si peu !
A preuve ce que nous lisons dans le
Siècle.
Un journal, parlant de la franc-ma^
çonnerie, avait publié la note sui^
vante :
Un certain nombre d'esprits modérés
voudraient que l'on atténuât le caractèra
politique qui a été donné depuis quelques
années à cette institution, pour en revenir
à ses vrais principes,qui étaient l'assistanca
et la charité.
Là-dessus, le Siècle , — vous enten^
dez bien : le Siècle , et non pas quel»
que journal réactionnaire, suspect
par conséquent, et qu'on pourrait croi->
re désireux de jouer un mauvais tour à
la franc-maçonnerie, en lui faisant
avouer, par surprise, ce qu'elle a n^â
avec obstination si longtemps, — la
Siècle a envoyé l'un de ses rédacteurs
chez « un franc-maçon fort bien placé
pour répondre en toute connaissance
de cause, » et voici ce que le franc-»
maçon a répondu, en toute connais^
sance de cause, foi de Siècle :
Non, il n'a jamais été question d'atté
nuer le caractère politique de la franc-ma«
çonnerie, comme si c'était d'hier que cette
institution s'occupait de politique.
On sait bien que c'est à elle que nous
dévons la Révolution. Ceux qui l'ont prêt
parée en faisaient partie pour la plupart,
Voltaire en tête ; et ceux qui l'ont accom
plie en étaient également, Mirabeau, Dan*
ton, Robespierre, Saint-Just, par exemple.:
Oui, elle continue et elle continuera son'
oeuvre. Car, ayant commencé de la sorte,
pourquoi s'arrêterait-elle ? Certes, il exista
dans ses principes d'exercer la charité, de
ne pas refuser son assistance; mais il exista
aussi dans ses traditions d'affranchir, au*
tant que faire se peut, l'esprit humain. Elle
est la barrière la plus forte que les idées
modernes puisent opposer au retour des
idées du passé.
C'est à vrai dire le seul centre autour
duquel se groupent les libres penseurs da
toutes les classes de la société, et que l'oa
puisse mettre en ligne contre les innom
brables confréries enrégimentées par les
partisans de l'obseurantisme. Aussi na
faut-il pas s'étonner que, de temps à autre,'
quelque vague et risible tentative soit faita
pour entraver notre action. Vous pouvez
donc hardiment démentir l'information qua
vous venez de me communiquer.
« Dieux, rendez-nous la lumière, et
combattez contre nous ! » s'écrie Dio-.
mède dans l 'Iliade. Cette demande,'
adressée aux fabuleux habitants de
l'Olympe, il nous semble qu'il con
vient de la reprendre pour l'adresser
aux trop réels représentants du diable
sur la terre, les francs-maçons. Que
la franc-maçonnerie redouble de rage,
et combatte avec plus de fureur que
jamais l'Eglise, soit, pourvu qu'elle le
fasse à visage découvert, en plein jour.
Au service de la grande puissance oc-j
culte, la franc-maçonnerie, on effet,"
perdra les^ trois quarts de sa force en
cessant d'être occulte elle-même. On ne
pouvait lui arracher son masque ; elle
I'ôte spontanément ; on va la bien con-»
naître enfin. Tant mieux 1
P. V.
L'Affaire de Dôle
par lequel le maire de Dôle a interdit
les processions catholiques.
Le Journal des_ Débats s'est chargé
dé montrer combien peu sensées sont
les conclusions de M. Sarcey. Il le fait
en ces termes :
M. Francisque Sarcey, dans sa chroni
que du XIX* Siècle, prend la défense do
1 arrêts du maire de Dôle, dont nous avons
parlé il y a quelques jours. Selon lui, nous
avons mal compris la pensée à laquelle M.
le maire a obéi. Il n'a pas voulu priver les
catholiques de processions, par mesure da
punition générale, parce que le Courrier du
Jura avait mal parlé des enterrements ci
vils. Mais il existait à Dôle une situation
inquiétante, que la polémique du Courrier
du Jura avait aggravée, et qui rendait les
processions dangereuses pour la paix pu
blique.
C'est uniquement pour cette raison qua
M. le maire a pris son arrêté et prononcé
une interdiction qui, du reste, M. Sarcey
nous l'assure, ne doit être que momenta
née. S'il en est ainsi, il faut avouer que M.
le maire de Dôle a fait tout ce qu'il fallait
pour que le public se méprît snr ses inten
tions. D'abord, il n'est question tout le long
de son arrêté que du Ceurrier du Jura %
« organe accrédité des catholiques de la
région », et de ses articles sur les enterre
ments civils. A lire les considérants de cet
arrêté, on est persuade que c'est ce journal
qui est en cause.On s'attend à lire à la fin :
« Le Courrier_ du Jura est supprimé »I
Mais on y voit que « les processions du
cuite catholique sontinterdites..,» Et chacun
ne manque pas de se dire que M. le maire,
n'ayant ças la pouvoir de supprimer la
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