Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-12-17
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 décembre 1889 17 décembre 1889
Description : 1889/12/17 (Numéro 8019). 1889/12/17 (Numéro 8019).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7068390
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 17 Décembre 1889
N* 8019 ^ Edition quotidienné
Mardi 17 Décembre 1889
S ditioh ouoxzdiennb
édition besîi-ouotidiennb
Un an. ï ; . .
Six mois. . . ,
Trois mois. . .
paris
R DÉPARTEMENT®
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exrak3er
(UNION POSTAL!)
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13 s
lonnements partent des i« et ts de chaque mon
UN NUMÉRO { Eép'artVmente:
15 cent.
20 -
SUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. ?
SixmoJ. .
Trois mois.
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étranger
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On s'abonne & Rome, plaça du Gesù, i
-aœmm&Mmmmammtm
L'UKIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C'°, 6, place de la Bourse
fifiTR-rahoii
FRANCE
PARIS, 16 DECEMBRE 1889
D 'après l'ordre du jour, la Chambre
des députés, aprè3 avoir expédié un
certain nombre de projets de lois d'in
térêt local, reprendrait la discussion
des élections contestées; la première
est celle de M. Paulin Méry, un bou-
langiste radical, à Paris. Mais il y a la
question de M. Laguerre au sujet du
couchage et de la nourriture des sol
dats de deux mois, question que M. Le
Provost de Launay se propose detrans-
former^ en interpellation. Elle a été
ajournée samedi pour' cause de grippe
ou influenza. Ne viendra-t-elle pas au
jourd'hui?
Le conflit anglo-portugais, en Mo
zambique, préoccupe la presse, non
seulement en Angleterre et en Portu
gal, mais partout. En général, on ne
se montre guère favorable, dans les
pays étrangers, à l'Angleterre, dont
l'arrogance vis-à-vis des faibles est
connue. On trouvera plus loin des dé
tails.
A quelque pays....qu'ils appartien
nent, les révolutionnaires sont" bien
étranges dès qu'il s'agit de questions
religieuses ; il ne cessent de réclamer
bien haut la séparation de l'Eglise et
de l'Etat ; mais ils montrent en même
temps que, dans ces réclamations, ils
poursuivent non l'Eglise libre dans
l'Etat libre, ce programme menteur de
Cavour, mais l'asservissement de l'E
glise à l'Etat et sa destruction. S'ils
haïssent les concordats, ce n'est nul
lement par amour de la liberté, de la
tolérance; mais parce que les concor
dats, même interprétés avec une habi
leté de mauvais aloi, comme nous le
voyons faire en France, ne permet
tent pas l'écrasement absolu de l'E
glise catholique. C'est ainsi que les
révolutionnaires du Brésil, d'après une
dépêche du Matin qu'on trouvera plus
loin, doivent « décréter la laïcisation
de:; cimetières et la séparation de l'E
glise et de l'Etat », et en même temps
créent un ministère des cultes qui
serait confié au plus mauvais des
membres du gouvernement provi
soire, M. Benjamin Constant de Ma-
galhaes. A quoi servirait ce minis
tère, sinon à persécuter l'Eglise ?
Le Rsichstag allemand a commencé
ses vacances de Noël ; un de ses der
niers votes aura été celui par lequel,
sur la proposition d'un député du Cen
tre, M. de Huene, il a accordé aux étu
diants en théologie les immunités
militaires que nous avons fait con
naître. Ce vote produit en Allemagne
et même en France une grande im
pression ; le Temps s'en occupe lon
guement. La feuille protestante, qui
n'a jamais osé se prononcer carré
ment contre le service militaire des
séminaristes, qu'en réalité elle con
damne, fait ressortir l'attitude dans
cette question du gouvernement et
des diverses fractions du Reichstag;
elle constate avec raison que l'on est
maintenant à Berlin bien loin du
culturkampf. M. de Bismarck, qui
jadis disait si superbement qu'il n'i
rait jamais à Canossa, a bien fait
quelque chemin sur la route qui y
mène. Il y a là un exemple pour nos
gouvernants ; ils ne le comprendront
pas, ou du moins ils n'auront pas le
courage de l'imiter.
Le dimanche est passé et la grève
générale n'a pas éclaté dans les dis
tricts houillers des provinces rhéna
nes. Les négociations poursuivies en
tre les délégués des mineurs et les ad
ministrations des mines, surtout avec
l 'intervention du gouvernement, fai
saient espérer ce résultat. Toutefois,
le calme n'est pas encore bien assuré,
l 'agitation reste dans les esprits et les
négociations se continueront; il est
probable, non certain, qu'elles abou
tiront. Les mineurs accordent un cré
dit d'un mois aux administrations mi
nières.
On sait ce qu'a été la discussion du
crédit des fonds secrets, à la Chambre.
A peine une escarmouche. L'occasion
s'offrait belle, cependant, pour la
droite. C'était l'heure de se montrer et
de dire au pays, en donnant les preu
ves (elles ne manquent point), quel
usage honteux le gouvernement ne
craint pas de faire des fonds secrets,
Surtout par les temps d'élections. Mais
la droite a préféré se taire. Elle a eu
peur de causer, peut-être, l'invalidation
de trois ou quatre, en plus, de ses mem
bres. N'agaçons point les gauches !
voilà, pour l'instant, le mot d'ordre,
voilà toute la politique de la droite.
Cela permet aux journaux républi
cains d'écrire, avec une entière mau
vaise foi, comme le Temps : « Si les
réactionnaires avaient eu quelques
faits précis, quelques documents posi
tifs à mettre sous les déclamations de
leurs journaux, il faut croire qu'ils
n'auraient pas manqué de les pro
duire è la tribune. » Et, dans le
pays, peu à peu chacun se persuade
quô ce qu'il connaît, les exemples
locaux, les incidents de sa commune,
du canton, de l'arrondissement, cons
tituent simplement des exceptions fâ
cheuses, et que, sur l'ensemble du
territoire, les élections législatives
se sont faites, en général, avec la
plus libre régularité. Mais, que cette
opinion erronée se répande partout,
consolidant le régime actuel, l'af
fermissant dans ses pratiques, l'y
enhardissant, il n'importe guère, pa
raît-il, aux yeux de la droite. Ce qui
importe beaucoup plus^c'est de tâcher
d'obtenir, au prix d'un mutisme hum
ble et résigné, que les gauches in^
valident seulement seize députés |con-
servateurs ou boulangistes, au lieu
d'en invalider dix-neuf.
Après, l'on verra.
Après, l'on reprendra toute sa li
berté! Alors, avec une énergie d'au
tant plus vive qu'il sera bien clair et
bien établi que l'on n'a rien gagné à
l'effacement, on dira leur fait aux mi
nistres.
Mais, sera-t-il temps çncore? Les
ministres et ceux qui les suivent n'au-
ront-ils pas pris, ou, mieux, repris
l'habitude, instinctive et républicaine,
de regarder la droite comme une
quantité négligeable ? Ils seront reve
nus fermement à leur ancienne poli
tique, sur les mérites de laquelle ils
avaient conçu des doutes au lende
main des élections, et qui consista à
tout refuser aux membres de la droite.
Et les'justes colères de ceux-ci, trop
tardives, succédant à l'humble rési
gnation des premiers mois, irriteront
mpis n'intimideront point.
Qui profitera de cette situation dé
plorable ? Les radicaux. Ils s'en ren
dent compte, d'ailleurs, et se prépa
rent, quoique moins nombreux, à
prendre, comme dans l'ancienne Cham
bre, les centres à la remorque. Ils sa
vent, par expérience, que c'est aisé.
Pour que, troupeau soumis, les cen
tres suivent, il suffît de leur montrer
les dents. La droite, non seulement
n'a pas montré les siennes, mais s'est
même plu à laisser croire qu'elle n'en
avait pas. Les radicaux ne commet
tront point cette faute. Ils annoncent
déjà l'intention d'interpeller le gou
vernement sur la politique générale.
On leur a permis de prendre les de
vants; ils les prennent. Habilement
faite par la droite, cette interpellation
pouvait avoir de bons résultats. Vigou
reusement faite par les radicaux, elle
en aura de mauvais. Intimidés, le mi
nistère et les opportunistes promet
tront à la gauche avancée tout ce
qu'elle voudra. Quand ils ne tien
draient que la moitié de leurs promes
ses, déjà ce serait trop. Et ils en tien
dront les trois quarts.
Pierre Veuillot.
Le Temps publiait hier la petite note
que voici :
On se souvient du congrès international
des œuvres d'enseignement populaire par
l'initiative privée qui, organisé par M. Jean
Macé, sous les auspices de la Ligne fran
çaise de l'enseignement, a siégé à Paris
les 5 et 6 août 1889.
De ce congrès est née la Ligue interna
tionale de l'enseignement, dont le premier
bulletin vient de paraître. Ce document, qui
résume les travaux du congrès, contient
les éléments d'une statistique rudimenlaire,
mais déjà fort intéressante, de ce que l'ini
tiative privée a fait jusqu'à ce jour sur le
terrain de l'enseignement populaire, tant en
France qu'à l'étranger.
Les prochains congrès se chargeront de
compléter graduellement l'œuvre dont les
premiers jalons ont été posés. Au reste, en
prenant l'initiative de ce premier congrès,
la ligue française de l'enseignement voulait
avant tout, disait M. Jean Macé, « faire
appel à la coopération du dehors : et peut-
être aurait-elle éveillé des susceptibilités
si elle avait entrepris d'entamer, de son
chef, le groupement des grandes sociétés
qui travaillent à côté d'elle, mais qui au
raient pu se croire groupées derrière elle.
La situation sera tout autre le jour où l'ap-:
pel viendra d'une ligue Internationale en
voie de formation. »
En somme, le bulletin par lequel la ligue
internationale de l'enseignement affirme son
existence sera lu avec fruit par tous ceux
qui s'intéressent aux questions d'instruction
populaire.
Le Voltaire est un peu plus expli
cite. Nous y lisons :
Ce bulletin de la ligue internationale de
l'enseignement est un grand in-8° de 196
pages à. deux colonnes, contenant cinquante-
cinq rapports sur tous les pays représen
tés, dont la collection sera d'un vif intérêt
pour tous ceux qui prennent à cœur les
questions d'instruction populaire. Son prix
est de deux francs, plus les frais de poste.
Dire qu'il est mis en vente dans les bureaux
de la ligue française ne serait pas exact,
car ce n'est pas précisément une vente. Qui
l'achète se fait inscrire sur la liste de la
nouvelle ligue, à laquelle il est juste que la
France apporte un. contingent sérieux,
puisque c'est d'elle qu'est venue l'initiative,
et dans un but que ses promoteurs n'ont
pas caché.
Quel est ce but? Le président de la
réunion préparatoire, tenue le 14 avril,
l'a exposé comme il suit :
Si vous voulez que je vous livre le fond
de ma pensée, c'est à une vraie ligue de
la paix que nous travaillons ici, sur le
meilleur terrain qu'il soit possible de choi
sir, parce qu'il justifie l'oubli du reste. La
confraternité s'y impose d'elle-même, d'un
pays à l'autre, par la communauté d'action,
d'une action dirigée partout vers le même
but, dictée partout par le même sentiment.
Et quels hommes peuvent avoir dans un
pays une meilleure influence, pins univer
sellement respectée que ceux qui se dé
vouent au développement intellectuel de
leurs concitoyens? Confédérer ces hom
mes d'an bout de la terre à l'autre, ce se
rait créer dens le monde une puissance dont
la voix se fera toujours écouter.
N'oublions pas qu'il s'agit ici d'un
enseignement athée, et que c'esfr-dn
développement par le monde entier
d'un enseignement pareil que les li
gueurs internationaux attendent la
confédération où ils entrevoient une
solide garantie de la paix.
Or, c'est un fait d'expérience con
firmant un principe déraison que la
foi religieuse est la meilleure assise du
patriotisme. On peut deviner, dès lors,
ce que deviendrait le patriotisme des
ligueurs si le programme qu'ils pour
suivent pouvait jamais aboutir. La
paix dont il s'agit serait, dans ce cas,
le résultat d'un cosmopolitisme de
mauvais aloi, supprimant les frontiè
res et sacrifiant l'amour de la patrie
à la profession d'un matérialisme uni
versel, conséquence inévitable de l'en
seignement tel que le veut procurer
partout la ligue internationale formée
sur le modèle de la ligue française du
fameux franc-maçon Jean Macé.
Ce n'est donc pas seulement au point
de vue religieux, c'est encore au point
de vue du véritable amour de la patrie
française qu'il faut dénoncer comme
une indignité coupable l'entreprise
dont il s'agit. Nous serions bien sur
pris siles cinquante-cinq rapports in
sérés au premier numéro du Bulletin
de la Ligue internationale de l enseigne
ment ne justifiaient pas amplement les
remarques qui nous sont inspirées à ce
propos par le souvenir du mal réel
qu'a propagé en France la ligue diabo
lique de l'enseignement athée obliga
toire.
Auguste Roussel.
Nous recevons communication de
l'appel suivant aux conservateurs, au
quel nous donnons notre pleine adhé
sion; nous transmettrons au comité de
la droite les fonds qui nous seront en
voyés :
Le comité de la droite a résolu de faire
un appel aux conservateurs de France.
Il s'agit de venir en aide aux victimes de
l'intolérance républicaine, aux députés con
servateurs invalidés, qui ont à se représen
ter devant le suffrage universel.
La comité sait quels sabrifices le parti
conservateur vient de s'imposer durant la
dernière période électorale.
Cette œuvre ne saurait rester inachevée;
un dernier effort est nécessaire.
En conséquence,une souscription est ou
verte au secrétarial général des droites,
rue de Bourgogne, 3.
Nous prions nos amis d'adresser leur of
frande, si modeste qu'elle soit, à. M. le
marquis d'Auray, secrétaire général, qui en
accusera réception.
Les noms ne seront pas publiés.
L'amiral d'Hornoy, président; Pli-
chon, secrétaire; -fEm. Freppel,
Comte Armand, Cassagnac, Lan-
juinais. Comte de Maillé, E. de
Cazenove de Pradines, Gusman
Serph, Général de Frescheville, de
la Bassetière.
Le succès que le Centre catholique
vient de remporter au Reichstag alle
mand par le vote de la proposition
Huene n'a pas passé inaperçue dans
la presse libérale italienne. Le journal
l'Italie, devenu un officieux deCrispi,
dit notamment :
La proposition Huene a une portée qu'on
ne saurait méconnaître... Ce que les cléri-
CiUx ont inutilement demandé en France
et en Italie, ils ont réussi à l'obtenir en
Allemagne sans aucune difficulté.
Sur quoi Y Osservaiore Romano fait la
remarqua suivante *.
C'est vrai ; la conditioa de l'Eglise ca
tholique est telle aujourd'hui qu'elle est
plus combattue là où elle devrait être plus
favorisée et protégée.
Pour mieux apprécier ce contraste,
il n'est pas inutile de rappeler quel
était le texte de la proposition Huene.
Les étudiants de théologie seront, sur
leur demande, renvoyés en temps de paix,
pendant la durée de leurs études, jusqu'au
1" avril de la septième année du service
militaire.
Si, à cette époque, ils ont reçu le sous-
diaconat, ils seront, sur leur demande,
renvoyés à la réserve et exemptés des exer
cices militaires.
Il est ànoter que pas un orateur du
gouvernement prussien n'a pris la
parole contre cette disposition.
Qn'on compare avec ce qui s'est
fait en France par rapport à la même
question.
On sait que le Saint-Père, voulant
poursuivre, au grand avantage de la
science, la fondation d'un nouvel ob
servatoire au Vatican, a daigné récem
ment approuver toutes les dépenses
nécessitées par ce projet, en particu
lier pour l'achat du grand équatorial
destiné à la photographie du ciel, dont
la fabrication aura lieu à Paris.
Le R. P. Denza ayant donné com
munication de ce fait au directeur de
l'observatoire de Paris, l'amiral Mou
chez,qui est en même temps président
du comité international permanent de
la carte du ciel, en a reçu la réponse
que voici :
Observatoire de Paris,
7 décembre 1889.
Cher collègue,
J'ai été très heureux d'apprendre la bonne
nouvelle que vous me donnez de la fonda
tion, certaine aujourd'hui, d'un observa
toire au Vatican par l'application des pro
grès les plus récents de la science à
l'oeuvre considérable que nous allons en
treprendre.
-Celte fondation fera grand honneur à
l'esprit si éclairé da Pape Léon XIII.
Je n'ai pas besoin do vous répéter que
l'observatoire de Paris et son personnel
restent entièrement à votre disposition pour
vous assister, autant que possible, dans vos
travaux d'organisation...
Votre ami et affectueux collègue,
E. M ouchez.
L'Osservatore Romano, qui publie ce
document, ajoute qu'à l'observatoire
de Paris on a été si content de la nou
velle,qu'avant même la conclusion de
tout contrat l'on s'est mis immédia
tement à l'œuvre pour la construction
de la machine qui, entre beaucoup
d'autres, comme le dit le journal ro
main, « sera un. nouveau monument
des multiples énergies du grand
Pape « qui gouverne l'Eglise.
. Il nous semble qu'en cherchant au
Portugal cette nouvelle querelle afri
caine, l'Angleterre est en train de se
mettre une peu glorieuse affaire sur
les bras.
Nous avons donné la version an
glaise sur les exploits du major Serpa
Pinto. Nous donnons aujourd'hui d'a
près l'Indépendance belge le résumé des
explications portugaises.
. Entre les deux, le lecteur choisira.
« Ce sont les Anglais, dit l'Angleterre,
qui ont « découvert » et exploré cette
région comprise entre le Zambèse et
le Nyassa... » — « Pas du tout, ré
pondent les Portugais, nos explora
teurs sont venus deux siècles avant
les vôtres. Et quand votre Livingstone
a visité ces régions, il n'a pas cru
pouvoir se passer de l'autorisation des
autorités portugaises de Mozambi
que. »
« Mais, reprennent les Anglais, nous
avons des traités avec les chefs indi
gènes. » « Sans doute, dit le Portugal.
Mais avant vous nous avions des trai
tés pareils, et nous ne voyons pas pour
quoi ils ne vaudraient pas les vôtres. »
Bref, sur le terrain des faits histo
riques, la cause de l'Angleterre paraît
mauvaise. Elle le sent si bien qu'elle
plaide « l'argument civilisateur » qui,
on le sait, së prête aisément aux mau
vaises causes :
« Le Portugal n'a jamais rien fait da
bon de ces magnifiques et prospères
régions. Nous, nous en ferons une co
lonie superbe. L'intérêt de ces popu
lations demande que nous nous ins
tallions au millieu d'elles.» L'argument
a son prix pour les Anglais ; mais on
comprend qu'il touche fort peu les
Portugais. Il ne faut donc pas s'éton
ner de l'ardeur avec laquelle le major
Serpa Pinto, autorisé sans doute par
son gouvernement, s'est chargé de
rappeler les Makololos au respect de
la domination portugaise.
Les Anglais paraissent fort surpris
de ce qu'ils appellent les procédés
hautains et vifs du major Serpa Pinto.
Mais ils n'en sont pas au fond aussi
surpris qu'ils le paraissent. Quand la
charte qui concédait au nom de l'An
gleterre, à la Compagnie de l'Afrique
méridionale l'administration et l'ex
ploitation du Nyastaland (territoire
du Nyassa) fut publiée, on pensa bien
qu'on rencontrerait des difficultés du
côté du Portugal. Nous nous rappelons
encore un numéro original de la Pall
Mail Gazette d'il y a environ un mois
et où, à deux colonnes de distance, ce
journal s'attristait de voir le Pape ré
signé peut-être à l'idée ]de recouvrer
le pouvoir temporel après une guerre
nouvelle, pour menacer ensuite le
Portugal des griffes du léopard bri
tannique s'il osait se mettre en travers
des nouvelles annexions en Afrique.
C'est là l'éternelle opposition qu'il y a
entre les principes et les actes de la
politique anglaise.
Le pouvoir temporel, l'indépendance
du Pape, a beau représenter, pour
l'Europe chrétienne, le droit le plus
inattaquable, le principe le plus sacré.
Sa violation n'est point pour le journa
liste anglais une cause de guerre. Et
il applaudira l'homme d'Etat qui,
comme lord Salisbury, promet aux-
spoliateurs de la Consulta et du Quiri-
nal la protection des cuirassés anglais
et le maintien de la paix. Par contre,
il applaudira non moins vivement lord
Salisbury si, pour augmenter de quel
ques kilomètres carrés l'immense do
maine colonial de l'Angleterre, il ac
cule une puissance comme le Portu
gal à la guerre ou à la soumission.
Mais il est à espérer que le peuple
anglais n'encouragera point une pa
reille prouesse. Déjà la fureur journa
listique du premier jour est tombée. On
n© parle plus d'envoyer la flotte à
Lisbonne, ni d'envahir Goa. On attend
des explications, qui finiront sans
doute par un arrangement auquel
l'Angleterre ne perdra rien.
L. Nemours Godrè.
Le Journal des Débats publie, au su
jet du conflit anglo-portugais au Mo
zambique, l'importante dépêche que
voici.
Bruxelles, le li décembre.
VIndépendance belge publie dans son
édition de nuit la dépêche suivante :
Lisbonne, Je 15 déoembro.
La nouvelle d'une bataille livrée par
Serpa-Pinto aux Makolos, auxquels il a tué
beaucoup de monde et enlevé leurs dra
peaux anglais, a causé ici une émotion
d'autant plus vive que les Anglais mena
cent d'y répondre par une rupture des re
lations diplomatiques avec le Portugal,
voire par une déclaration de guerre.
Voici, d'après des renseignements que je
viens de recueillir avec soin dans les mi
lieux les plus sûrement informés, la version
portugaise de ces graves incidents et les
points principaux de la réplique qui sera
faite à la demande d'explications du gou
vernement anglais :
« La région située entre la rive nord du
Zambèze et le lac Nyassa, région que re
vendique la nouvelle Compagnie du Sud
africain en vertu des soi-disant découvertes
de Livingstone et des traités récemment
conclus avec les chefs indigènes, a été re
vendiquée de tout temps par le Portugal,
dont les explorateurs l'ont parcourue et
fait connaître il y a déjà plus de deux siè
cles.
« Livingstone a déclaré lni-même dans
ses ouvrages qu'il devait aux Portugais les
premières notions sur ces régions, et il crut
devoir demander leur consentement aux
autorités portugaises pour visiter la con
trée, comme les premières missions écos -
saises s'adressaient au Portugal pour être
autorisées à créer des établissements sur
les bords du lac Nyassa.
» Qoand, il y a quelques mois, le major
Serpa-Pinto quitta Quinimane sur la côte
pour le Nyassaland, son but n'était pas,
comme le prétendent les Anglais, de con
quérir le pays, puisqu'il appartient au Por
tugal. La Compagnie d'ingénieurs avait
pour mission d'étudier le tracé des che
mins de fer destinés à relier Quinimane à
l'embouchure du Chiré, puis dans le haut
Chiré, là où le fleuve cesse d'être navigable
(l'Afrique des cataractes). Elle devait étu
dier le tracé des nouveaux chemins de fer
pour compléter la chaîne dos communica
tions terrestres et fluviales à la côte et au
lac Nyassa.
« C'est au cours de cette mission toute
scientifique qu'elle a rencontré, de la part
des indigènes du Maltololand des résistan
ces qui l'ont obligée à se frayer une voie
par les armes. Ces résistances ont été ame
nées par les longues et constantes intrigues
de l'Angletsrre contre la domination légi
time du Portugal.
« Dès qu'il eut vent de la mission da ma
jor Serpa-Pinto, M. Johnstone, l'une des
voyageurs anglais qui visitèrent naguère
le Congo et le Kinima-Njaro, a abusé de sa
situation de consul britannique auprès de
la colonie portugaise de Mozambique, pour
demander aux autorités portugaise un sauf-
conduit vers la région visée par Serpa-Piuto
et qu'il prétendait pouvoir parcourir en
curieux.
« Muni de ce sauf-conduit, M. Johnstone
a précédé l'expédition de Serpa Pinto, se
mant partout la méfiance contre l'expédi
tion portugaise et imposant le drapsau an
glais aux indigènes.
, « De là, une violente résistance que
Serpa-Pinto a rencontrée sur son passage
et qui l'a obligé à tirer le canon.
« La saisie du drapeau anglais ne peut
être considérée comme une atteinte à l'hon
neur britannique, ce drapeau n'étant pas
défendu par des Anglais sur territoire an
glais Il était simplement l'emblème d'une
rébellion de sujets noirs contre l'autorité
portugaise dans un pay3 appartenant au
Portugal. »
Le correspondant de l'Indépendance con
tinue ainsi :
« Je crois savoir que le Portugal ap
puiera cette version de deux documents
importants : 1° de la copie d'une ordon
nance lancée, le 12 août dernier, par le gou
vernement de Mozambique et prouvant
que, dès cette époque, le gouverneur avait
connaissance des entreprises poursuivies
par l'Angleterre pour déposséder le Portu
gal du Nyassaland. Dans cette ordonnance,
le gouverneur de Mozambique constatait
qu'on cherchait à inciter des chefs indigè
nes contre le Portugal. Il déclarait que les
auteurs de ces instigations seraient traités
comme coupables de haute trahison, fus
sent-ils étrangers. L'ordonnance dont il
s'agit disait en propres termes ; « Les in-
c trigues anglaises dans le Matchanaland,
« le Mokolona, etc. » ; 2" d'un document
jusqu'à présent tout à fait inédit, qui con
tient une accusation des plus graves con
tre les Anglais. Il teni à établir que le
voyageur Hinkelmann, assassiné, en 1886,
par les indigènes thikoussé sur les bords
du lac Nyassa, a été mis à mort à l'instiga
tion des missionnaires anglais de Blandyre,
sur les bords du lac Nyassa. Les Anglais
envisageaient Hinkelmann comme un ami du
Portugal dont il était nécessaire d'entraver
les opérations, dans l'mtérêt de l'Angleterre.
Le document contenait tous les détails d'une
enquête judiciaire faite par les autorités
portugaises. Elle conclut à la culpabilité des
Anglais. Le Portugal va probablement la
livrer à la publicité. Elle prouvera que les
Anglais ont poussé les indigènes à la révolte
et aux actes les plus inhumains pour con
trarier l'action du Portugal. »
Tout ce qui précède résume les éléments
de la réponse que va recevoir la demande
d'explications du gouvernement anglais. Le
gouvernement portugais est décidé à sou
tenir énergiquement ses prétentions sur le
Nyassaland conire l'Angleterre, si mena
çante que puisse être son attitude.
Les missionnaires en Afrique
Le dernier numéro du Bulletin des
Missions d'Afrique publie la lettre sui
vante, adressée à S. Em. le cardinal
Lavigerie par Mgr Bridoux, vicaire
apostolique du Tanganika :
L&vigerie-Ville, le 26 février 1889.
Eminentissime Seigneur et Très
Vénéré Père, *
Dans ma dernière lettre, j'avais l'hon
neur d'annoncer à Votre Eminence notre
arrivée à Kibanga. J'étais alors un peu
souffrant de la fièvre ; mais, quoique assez
forte, elle n'a duré que cinq jours, et de
puis je me sens aussi vaillant qu'à Car
tilage : il est vrai de dire que je n'ai pas
été très épargné en route. J'envoie à votre
Eminence, sous un autre pli, le récit de
notre voyage de Tabora à Kibanga.
Je resterai ici jusqu'à ce que ie bateau
de Karéma vienne me chercher, en ame
nant la part qui revient è la mission de Ki
banga de la caravane de ravitaillement,
c'est-à-dire probablement jusque vers Pâ
ques. J'emmènerai avec moi le P. Guil-
lemé, comme supérieur de M'pala, en.
remplacement du P. Moinet. A ce sujet,
j'ai écrit au T. R. P. Deguerry pour lo
supplier de nous envoyer prochainement un
renfort de missionnaires. Nous avons l'in
tention de rétablir, dès que de nouveaux:
confrères nous arriveront, la station de
l'Oarighi, au nord du lac, car Kibanga est
trop isolé des autres missions, avec les
quelles il communique jusqu'ici par Kipa-
lapala; peut-être, sans la mort du
P. Vyncke, aurions nous tenté de le faire
maintenant.
Nous sommes sans nouvelles d'Europe
depuis le commencement de novembre, et
notre bateau est allé inutilement chercher
le dernier, courrier à Oujiji. Nous n'en
sommes pas trop surpris, car les chemins
sont peu sûrs par le temps qui court, et
nous nous demandons comment se termi
nera la guerre des Allemands à la côte. Nos
marins, qui sont allés à Onj'ji pour le der
nier courrier, nous ont appris qu'un groupe
de nos anciens porteurs avait été Attaqué en
retournant dans l'Ounyanyembé et que trois
hommes avaient été massacrés. Nous ne
savons s'il sera possible de nous ravitailler
cette année, et même de,nous envoyer de
nouveaux missionnaires sans les exposer,
grandement.
La mission de Lavigerie-Villo me parait
bien prospère, tant au point de vue spiri
tuel qu'au point de vue matériel ; malhea- -
reusement on y* est toujours un peu, 4 '
comme dans les autres stations, ainsi que ;
l'oiseau sur la branche. Puisse ia grande
œuvre entreprise par Votre Eminence se
réaliser bientôt et procurer à nos pauvres
noirs, avec le salùt, la tranquillité et le
paix 1 Ils sont, il faut l'avouer, tombés
bien bas et sont souvent causa eux-mêmes
de leur propre malheur. Il n'y a partout,
au Tanganiiia, que de petits chefs toujours
en guerre les uns avec les autres, et appe
lant presque toujours aussi les Wanguanas
à leur secours pour être victorieux. Ceux-
ci accourent aussitôt, mettent tout à fou et
à sang, se procurent le plus d'esclaves pos
sible, et en exigent encore, comme récom
pense, des chefs qu'ils ont aidés.
Les Arabes ont bien compris que, pour
dominer le pays, il leur suffisait d'y établir
de distance en distance quelques-uns, et
quelquefois un seul de leurs hommes, au
quel viennent s'adjoindre tous les vaga
bonds du pays. Ceux-ci, en se fixant auprès
du maître, et en en recevant un fusil et
une lcanzie, prennent eux-mêmes le nom
de Wanguana et deviennent alors plus fé
roces et plus inhumains que les Arabes
eux-mêmes. Hier encore, dans une tournée
que nous faisions chez les sauvages de li
montagne, à trois lieues d'ici, on nous ap
prenait que deux fils du chef Poré, voulant
se débarrasser d'un grand du pays qui lunr
portait ombrage, appelèrent simplement
deux Wanguanas, qui tuèrent avec leur
fusil ca pauvre noir. Tous ces sauvages
wanguanas ne peuvent vivre d'ailleurs que
de pillage, car jamais ils ne travaillent.
La mission aurait ici le plus grand ave
nir, si nous étions débarrassés des Arabes
et des Wanguanas.
A Lavigerie-Ville, les orphelins et les
orphelines, au nombre de plus de trois
cents, donnent beaucoup d'espérances, et
les enfants mariés, des consolations par
leurs progrès dans le bien et leur bonne
volonté. Tous ne sont pas encore parfaits,
sans doute ; mais il ne faut pas les juger
d'après leurs seules qualités et leurs seuls
défauts. Un fait qui m'a frappé, c'est que,
dans l'immense jardin de la mission, qui
produit toutes sortes de fruits et de légu
mes, et où les enfants, grands et petits,
passent ou travaillent du matin au soir,
il est presque inouï que le moindre voi
soit constaté. A côté des orphelinats et des
villages des enfants, se trouvent de nom
breuses bourgades de suivants, postulants
ou catéchumènes, villages dont la popula
tion varie de 10 à 100 habitants. Ce sont
surtout des indigènes venus s'établir sur
la propriété de la mission pour y trouver
la tranquillité ; ils sont déjà au nombre de
sept ou huit cents, et ils peuvent se multi
plier jusqu'à cent mille sur ma propriété
de 22 à 28,000 hectares.
Ce qui caractérise surtout ces sauvages,
c'estl'indifférence. Ils savent, en très grand
nombre, leurs prières et l'essentiel du ca
téchisme, car ils viennent assez régulière
ment assister le dimanche aux instructions,
et dans les nombreuses visites qu'on leur
fait, ils reçoivent encore, ordinairement,
une leçon de catéchisme. Plusieurs villa
ges ont même construit un barza pour cet
effet et pour la prière ; et cependant, peu
d'adultes demandent d'eux mômes le bap
tême. Quand leurs petits enfants sont ma
lades,ils ne manquent pas d'appeler le mis
sionnaire pour le leur donner; le chef de
village ou tout autre désigné pour cela
manquera aussi rarement de l'appeler
quand un homme est dangereusement ma
lade, et ce dernier répondra volontiers à
la demande du Père, qu'il désire êlro bap
tisé; mais d'eux-mêmes, quand ils sont
bien portants, c'est chose presque inouïe.
Il est à supposer que les obligations de no
tre sainte religion les effrayent et que tout
n'est pas à rejeter sur l'indifférence.
Les enfants mariés se sont mis avec ar
deur au travail ; 11 a fallu pour cela user un
peu'de violence au début, mais ils en re
mercient les Pères, maintenant qu'ils voient
leurs champs couverts de riz, de manioc
et de sorgho.
J'ai réellement admiré les belles rizières
et les vastes champs qui s'étendent à perte
de vue dans la plaine. Les cultures et le
jardin do la mission aident en grande par
tie à nourrir tous les orphelins de la mis
sion : Kibanga est une petite oasis telle
qu'il n'en existe pas de semblable sur tou
tes les rives du Tanganika.
J'ai déjà exploré tous les environs de la
station ; car chaque soir je fais une longue
course en compagnie du R. P. Goulbois ou
du P. Guillemé : c'est la coursa d'évangé-
lisation. Nous allons aussi de temps en
temps chez les sauvages qui sont plus
éloignés de la mission, et alorn nous
partons le matin pour ne rentrer que le
soir.
Le 19 mars, nous aurons une grande
cérémonie: baptême solennel d'adultes,
première communion, confirmation et' ma
riages.
Joseph, notre médecin noir, qui a été
désigné pour cette station, songe i se ma-
N* 8019 ^ Edition quotidienné
Mardi 17 Décembre 1889
S ditioh ouoxzdiennb
édition besîi-ouotidiennb
Un an. ï ; . .
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L'UKIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C'°, 6, place de la Bourse
fifiTR-rahoii
FRANCE
PARIS, 16 DECEMBRE 1889
D 'après l'ordre du jour, la Chambre
des députés, aprè3 avoir expédié un
certain nombre de projets de lois d'in
térêt local, reprendrait la discussion
des élections contestées; la première
est celle de M. Paulin Méry, un bou-
langiste radical, à Paris. Mais il y a la
question de M. Laguerre au sujet du
couchage et de la nourriture des sol
dats de deux mois, question que M. Le
Provost de Launay se propose detrans-
former^ en interpellation. Elle a été
ajournée samedi pour' cause de grippe
ou influenza. Ne viendra-t-elle pas au
jourd'hui?
Le conflit anglo-portugais, en Mo
zambique, préoccupe la presse, non
seulement en Angleterre et en Portu
gal, mais partout. En général, on ne
se montre guère favorable, dans les
pays étrangers, à l'Angleterre, dont
l'arrogance vis-à-vis des faibles est
connue. On trouvera plus loin des dé
tails.
A quelque pays....qu'ils appartien
nent, les révolutionnaires sont" bien
étranges dès qu'il s'agit de questions
religieuses ; il ne cessent de réclamer
bien haut la séparation de l'Eglise et
de l'Etat ; mais ils montrent en même
temps que, dans ces réclamations, ils
poursuivent non l'Eglise libre dans
l'Etat libre, ce programme menteur de
Cavour, mais l'asservissement de l'E
glise à l'Etat et sa destruction. S'ils
haïssent les concordats, ce n'est nul
lement par amour de la liberté, de la
tolérance; mais parce que les concor
dats, même interprétés avec une habi
leté de mauvais aloi, comme nous le
voyons faire en France, ne permet
tent pas l'écrasement absolu de l'E
glise catholique. C'est ainsi que les
révolutionnaires du Brésil, d'après une
dépêche du Matin qu'on trouvera plus
loin, doivent « décréter la laïcisation
de:; cimetières et la séparation de l'E
glise et de l'Etat », et en même temps
créent un ministère des cultes qui
serait confié au plus mauvais des
membres du gouvernement provi
soire, M. Benjamin Constant de Ma-
galhaes. A quoi servirait ce minis
tère, sinon à persécuter l'Eglise ?
Le Rsichstag allemand a commencé
ses vacances de Noël ; un de ses der
niers votes aura été celui par lequel,
sur la proposition d'un député du Cen
tre, M. de Huene, il a accordé aux étu
diants en théologie les immunités
militaires que nous avons fait con
naître. Ce vote produit en Allemagne
et même en France une grande im
pression ; le Temps s'en occupe lon
guement. La feuille protestante, qui
n'a jamais osé se prononcer carré
ment contre le service militaire des
séminaristes, qu'en réalité elle con
damne, fait ressortir l'attitude dans
cette question du gouvernement et
des diverses fractions du Reichstag;
elle constate avec raison que l'on est
maintenant à Berlin bien loin du
culturkampf. M. de Bismarck, qui
jadis disait si superbement qu'il n'i
rait jamais à Canossa, a bien fait
quelque chemin sur la route qui y
mène. Il y a là un exemple pour nos
gouvernants ; ils ne le comprendront
pas, ou du moins ils n'auront pas le
courage de l'imiter.
Le dimanche est passé et la grève
générale n'a pas éclaté dans les dis
tricts houillers des provinces rhéna
nes. Les négociations poursuivies en
tre les délégués des mineurs et les ad
ministrations des mines, surtout avec
l 'intervention du gouvernement, fai
saient espérer ce résultat. Toutefois,
le calme n'est pas encore bien assuré,
l 'agitation reste dans les esprits et les
négociations se continueront; il est
probable, non certain, qu'elles abou
tiront. Les mineurs accordent un cré
dit d'un mois aux administrations mi
nières.
On sait ce qu'a été la discussion du
crédit des fonds secrets, à la Chambre.
A peine une escarmouche. L'occasion
s'offrait belle, cependant, pour la
droite. C'était l'heure de se montrer et
de dire au pays, en donnant les preu
ves (elles ne manquent point), quel
usage honteux le gouvernement ne
craint pas de faire des fonds secrets,
Surtout par les temps d'élections. Mais
la droite a préféré se taire. Elle a eu
peur de causer, peut-être, l'invalidation
de trois ou quatre, en plus, de ses mem
bres. N'agaçons point les gauches !
voilà, pour l'instant, le mot d'ordre,
voilà toute la politique de la droite.
Cela permet aux journaux républi
cains d'écrire, avec une entière mau
vaise foi, comme le Temps : « Si les
réactionnaires avaient eu quelques
faits précis, quelques documents posi
tifs à mettre sous les déclamations de
leurs journaux, il faut croire qu'ils
n'auraient pas manqué de les pro
duire è la tribune. » Et, dans le
pays, peu à peu chacun se persuade
quô ce qu'il connaît, les exemples
locaux, les incidents de sa commune,
du canton, de l'arrondissement, cons
tituent simplement des exceptions fâ
cheuses, et que, sur l'ensemble du
territoire, les élections législatives
se sont faites, en général, avec la
plus libre régularité. Mais, que cette
opinion erronée se répande partout,
consolidant le régime actuel, l'af
fermissant dans ses pratiques, l'y
enhardissant, il n'importe guère, pa
raît-il, aux yeux de la droite. Ce qui
importe beaucoup plus^c'est de tâcher
d'obtenir, au prix d'un mutisme hum
ble et résigné, que les gauches in^
valident seulement seize députés |con-
servateurs ou boulangistes, au lieu
d'en invalider dix-neuf.
Après, l'on verra.
Après, l'on reprendra toute sa li
berté! Alors, avec une énergie d'au
tant plus vive qu'il sera bien clair et
bien établi que l'on n'a rien gagné à
l'effacement, on dira leur fait aux mi
nistres.
Mais, sera-t-il temps çncore? Les
ministres et ceux qui les suivent n'au-
ront-ils pas pris, ou, mieux, repris
l'habitude, instinctive et républicaine,
de regarder la droite comme une
quantité négligeable ? Ils seront reve
nus fermement à leur ancienne poli
tique, sur les mérites de laquelle ils
avaient conçu des doutes au lende
main des élections, et qui consista à
tout refuser aux membres de la droite.
Et les'justes colères de ceux-ci, trop
tardives, succédant à l'humble rési
gnation des premiers mois, irriteront
mpis n'intimideront point.
Qui profitera de cette situation dé
plorable ? Les radicaux. Ils s'en ren
dent compte, d'ailleurs, et se prépa
rent, quoique moins nombreux, à
prendre, comme dans l'ancienne Cham
bre, les centres à la remorque. Ils sa
vent, par expérience, que c'est aisé.
Pour que, troupeau soumis, les cen
tres suivent, il suffît de leur montrer
les dents. La droite, non seulement
n'a pas montré les siennes, mais s'est
même plu à laisser croire qu'elle n'en
avait pas. Les radicaux ne commet
tront point cette faute. Ils annoncent
déjà l'intention d'interpeller le gou
vernement sur la politique générale.
On leur a permis de prendre les de
vants; ils les prennent. Habilement
faite par la droite, cette interpellation
pouvait avoir de bons résultats. Vigou
reusement faite par les radicaux, elle
en aura de mauvais. Intimidés, le mi
nistère et les opportunistes promet
tront à la gauche avancée tout ce
qu'elle voudra. Quand ils ne tien
draient que la moitié de leurs promes
ses, déjà ce serait trop. Et ils en tien
dront les trois quarts.
Pierre Veuillot.
Le Temps publiait hier la petite note
que voici :
On se souvient du congrès international
des œuvres d'enseignement populaire par
l'initiative privée qui, organisé par M. Jean
Macé, sous les auspices de la Ligne fran
çaise de l'enseignement, a siégé à Paris
les 5 et 6 août 1889.
De ce congrès est née la Ligue interna
tionale de l'enseignement, dont le premier
bulletin vient de paraître. Ce document, qui
résume les travaux du congrès, contient
les éléments d'une statistique rudimenlaire,
mais déjà fort intéressante, de ce que l'ini
tiative privée a fait jusqu'à ce jour sur le
terrain de l'enseignement populaire, tant en
France qu'à l'étranger.
Les prochains congrès se chargeront de
compléter graduellement l'œuvre dont les
premiers jalons ont été posés. Au reste, en
prenant l'initiative de ce premier congrès,
la ligue française de l'enseignement voulait
avant tout, disait M. Jean Macé, « faire
appel à la coopération du dehors : et peut-
être aurait-elle éveillé des susceptibilités
si elle avait entrepris d'entamer, de son
chef, le groupement des grandes sociétés
qui travaillent à côté d'elle, mais qui au
raient pu se croire groupées derrière elle.
La situation sera tout autre le jour où l'ap-:
pel viendra d'une ligue Internationale en
voie de formation. »
En somme, le bulletin par lequel la ligue
internationale de l'enseignement affirme son
existence sera lu avec fruit par tous ceux
qui s'intéressent aux questions d'instruction
populaire.
Le Voltaire est un peu plus expli
cite. Nous y lisons :
Ce bulletin de la ligue internationale de
l'enseignement est un grand in-8° de 196
pages à. deux colonnes, contenant cinquante-
cinq rapports sur tous les pays représen
tés, dont la collection sera d'un vif intérêt
pour tous ceux qui prennent à cœur les
questions d'instruction populaire. Son prix
est de deux francs, plus les frais de poste.
Dire qu'il est mis en vente dans les bureaux
de la ligue française ne serait pas exact,
car ce n'est pas précisément une vente. Qui
l'achète se fait inscrire sur la liste de la
nouvelle ligue, à laquelle il est juste que la
France apporte un. contingent sérieux,
puisque c'est d'elle qu'est venue l'initiative,
et dans un but que ses promoteurs n'ont
pas caché.
Quel est ce but? Le président de la
réunion préparatoire, tenue le 14 avril,
l'a exposé comme il suit :
Si vous voulez que je vous livre le fond
de ma pensée, c'est à une vraie ligue de
la paix que nous travaillons ici, sur le
meilleur terrain qu'il soit possible de choi
sir, parce qu'il justifie l'oubli du reste. La
confraternité s'y impose d'elle-même, d'un
pays à l'autre, par la communauté d'action,
d'une action dirigée partout vers le même
but, dictée partout par le même sentiment.
Et quels hommes peuvent avoir dans un
pays une meilleure influence, pins univer
sellement respectée que ceux qui se dé
vouent au développement intellectuel de
leurs concitoyens? Confédérer ces hom
mes d'an bout de la terre à l'autre, ce se
rait créer dens le monde une puissance dont
la voix se fera toujours écouter.
N'oublions pas qu'il s'agit ici d'un
enseignement athée, et que c'esfr-dn
développement par le monde entier
d'un enseignement pareil que les li
gueurs internationaux attendent la
confédération où ils entrevoient une
solide garantie de la paix.
Or, c'est un fait d'expérience con
firmant un principe déraison que la
foi religieuse est la meilleure assise du
patriotisme. On peut deviner, dès lors,
ce que deviendrait le patriotisme des
ligueurs si le programme qu'ils pour
suivent pouvait jamais aboutir. La
paix dont il s'agit serait, dans ce cas,
le résultat d'un cosmopolitisme de
mauvais aloi, supprimant les frontiè
res et sacrifiant l'amour de la patrie
à la profession d'un matérialisme uni
versel, conséquence inévitable de l'en
seignement tel que le veut procurer
partout la ligue internationale formée
sur le modèle de la ligue française du
fameux franc-maçon Jean Macé.
Ce n'est donc pas seulement au point
de vue religieux, c'est encore au point
de vue du véritable amour de la patrie
française qu'il faut dénoncer comme
une indignité coupable l'entreprise
dont il s'agit. Nous serions bien sur
pris siles cinquante-cinq rapports in
sérés au premier numéro du Bulletin
de la Ligue internationale de l enseigne
ment ne justifiaient pas amplement les
remarques qui nous sont inspirées à ce
propos par le souvenir du mal réel
qu'a propagé en France la ligue diabo
lique de l'enseignement athée obliga
toire.
Auguste Roussel.
Nous recevons communication de
l'appel suivant aux conservateurs, au
quel nous donnons notre pleine adhé
sion; nous transmettrons au comité de
la droite les fonds qui nous seront en
voyés :
Le comité de la droite a résolu de faire
un appel aux conservateurs de France.
Il s'agit de venir en aide aux victimes de
l'intolérance républicaine, aux députés con
servateurs invalidés, qui ont à se représen
ter devant le suffrage universel.
La comité sait quels sabrifices le parti
conservateur vient de s'imposer durant la
dernière période électorale.
Cette œuvre ne saurait rester inachevée;
un dernier effort est nécessaire.
En conséquence,une souscription est ou
verte au secrétarial général des droites,
rue de Bourgogne, 3.
Nous prions nos amis d'adresser leur of
frande, si modeste qu'elle soit, à. M. le
marquis d'Auray, secrétaire général, qui en
accusera réception.
Les noms ne seront pas publiés.
L'amiral d'Hornoy, président; Pli-
chon, secrétaire; -fEm. Freppel,
Comte Armand, Cassagnac, Lan-
juinais. Comte de Maillé, E. de
Cazenove de Pradines, Gusman
Serph, Général de Frescheville, de
la Bassetière.
Le succès que le Centre catholique
vient de remporter au Reichstag alle
mand par le vote de la proposition
Huene n'a pas passé inaperçue dans
la presse libérale italienne. Le journal
l'Italie, devenu un officieux deCrispi,
dit notamment :
La proposition Huene a une portée qu'on
ne saurait méconnaître... Ce que les cléri-
CiUx ont inutilement demandé en France
et en Italie, ils ont réussi à l'obtenir en
Allemagne sans aucune difficulté.
Sur quoi Y Osservaiore Romano fait la
remarqua suivante *.
C'est vrai ; la conditioa de l'Eglise ca
tholique est telle aujourd'hui qu'elle est
plus combattue là où elle devrait être plus
favorisée et protégée.
Pour mieux apprécier ce contraste,
il n'est pas inutile de rappeler quel
était le texte de la proposition Huene.
Les étudiants de théologie seront, sur
leur demande, renvoyés en temps de paix,
pendant la durée de leurs études, jusqu'au
1" avril de la septième année du service
militaire.
Si, à cette époque, ils ont reçu le sous-
diaconat, ils seront, sur leur demande,
renvoyés à la réserve et exemptés des exer
cices militaires.
Il est ànoter que pas un orateur du
gouvernement prussien n'a pris la
parole contre cette disposition.
Qn'on compare avec ce qui s'est
fait en France par rapport à la même
question.
On sait que le Saint-Père, voulant
poursuivre, au grand avantage de la
science, la fondation d'un nouvel ob
servatoire au Vatican, a daigné récem
ment approuver toutes les dépenses
nécessitées par ce projet, en particu
lier pour l'achat du grand équatorial
destiné à la photographie du ciel, dont
la fabrication aura lieu à Paris.
Le R. P. Denza ayant donné com
munication de ce fait au directeur de
l'observatoire de Paris, l'amiral Mou
chez,qui est en même temps président
du comité international permanent de
la carte du ciel, en a reçu la réponse
que voici :
Observatoire de Paris,
7 décembre 1889.
Cher collègue,
J'ai été très heureux d'apprendre la bonne
nouvelle que vous me donnez de la fonda
tion, certaine aujourd'hui, d'un observa
toire au Vatican par l'application des pro
grès les plus récents de la science à
l'oeuvre considérable que nous allons en
treprendre.
-Celte fondation fera grand honneur à
l'esprit si éclairé da Pape Léon XIII.
Je n'ai pas besoin do vous répéter que
l'observatoire de Paris et son personnel
restent entièrement à votre disposition pour
vous assister, autant que possible, dans vos
travaux d'organisation...
Votre ami et affectueux collègue,
E. M ouchez.
L'Osservatore Romano, qui publie ce
document, ajoute qu'à l'observatoire
de Paris on a été si content de la nou
velle,qu'avant même la conclusion de
tout contrat l'on s'est mis immédia
tement à l'œuvre pour la construction
de la machine qui, entre beaucoup
d'autres, comme le dit le journal ro
main, « sera un. nouveau monument
des multiples énergies du grand
Pape « qui gouverne l'Eglise.
. Il nous semble qu'en cherchant au
Portugal cette nouvelle querelle afri
caine, l'Angleterre est en train de se
mettre une peu glorieuse affaire sur
les bras.
Nous avons donné la version an
glaise sur les exploits du major Serpa
Pinto. Nous donnons aujourd'hui d'a
près l'Indépendance belge le résumé des
explications portugaises.
. Entre les deux, le lecteur choisira.
« Ce sont les Anglais, dit l'Angleterre,
qui ont « découvert » et exploré cette
région comprise entre le Zambèse et
le Nyassa... » — « Pas du tout, ré
pondent les Portugais, nos explora
teurs sont venus deux siècles avant
les vôtres. Et quand votre Livingstone
a visité ces régions, il n'a pas cru
pouvoir se passer de l'autorisation des
autorités portugaises de Mozambi
que. »
« Mais, reprennent les Anglais, nous
avons des traités avec les chefs indi
gènes. » « Sans doute, dit le Portugal.
Mais avant vous nous avions des trai
tés pareils, et nous ne voyons pas pour
quoi ils ne vaudraient pas les vôtres. »
Bref, sur le terrain des faits histo
riques, la cause de l'Angleterre paraît
mauvaise. Elle le sent si bien qu'elle
plaide « l'argument civilisateur » qui,
on le sait, së prête aisément aux mau
vaises causes :
« Le Portugal n'a jamais rien fait da
bon de ces magnifiques et prospères
régions. Nous, nous en ferons une co
lonie superbe. L'intérêt de ces popu
lations demande que nous nous ins
tallions au millieu d'elles.» L'argument
a son prix pour les Anglais ; mais on
comprend qu'il touche fort peu les
Portugais. Il ne faut donc pas s'éton
ner de l'ardeur avec laquelle le major
Serpa Pinto, autorisé sans doute par
son gouvernement, s'est chargé de
rappeler les Makololos au respect de
la domination portugaise.
Les Anglais paraissent fort surpris
de ce qu'ils appellent les procédés
hautains et vifs du major Serpa Pinto.
Mais ils n'en sont pas au fond aussi
surpris qu'ils le paraissent. Quand la
charte qui concédait au nom de l'An
gleterre, à la Compagnie de l'Afrique
méridionale l'administration et l'ex
ploitation du Nyastaland (territoire
du Nyassa) fut publiée, on pensa bien
qu'on rencontrerait des difficultés du
côté du Portugal. Nous nous rappelons
encore un numéro original de la Pall
Mail Gazette d'il y a environ un mois
et où, à deux colonnes de distance, ce
journal s'attristait de voir le Pape ré
signé peut-être à l'idée ]de recouvrer
le pouvoir temporel après une guerre
nouvelle, pour menacer ensuite le
Portugal des griffes du léopard bri
tannique s'il osait se mettre en travers
des nouvelles annexions en Afrique.
C'est là l'éternelle opposition qu'il y a
entre les principes et les actes de la
politique anglaise.
Le pouvoir temporel, l'indépendance
du Pape, a beau représenter, pour
l'Europe chrétienne, le droit le plus
inattaquable, le principe le plus sacré.
Sa violation n'est point pour le journa
liste anglais une cause de guerre. Et
il applaudira l'homme d'Etat qui,
comme lord Salisbury, promet aux-
spoliateurs de la Consulta et du Quiri-
nal la protection des cuirassés anglais
et le maintien de la paix. Par contre,
il applaudira non moins vivement lord
Salisbury si, pour augmenter de quel
ques kilomètres carrés l'immense do
maine colonial de l'Angleterre, il ac
cule une puissance comme le Portu
gal à la guerre ou à la soumission.
Mais il est à espérer que le peuple
anglais n'encouragera point une pa
reille prouesse. Déjà la fureur journa
listique du premier jour est tombée. On
n© parle plus d'envoyer la flotte à
Lisbonne, ni d'envahir Goa. On attend
des explications, qui finiront sans
doute par un arrangement auquel
l'Angleterre ne perdra rien.
L. Nemours Godrè.
Le Journal des Débats publie, au su
jet du conflit anglo-portugais au Mo
zambique, l'importante dépêche que
voici.
Bruxelles, le li décembre.
VIndépendance belge publie dans son
édition de nuit la dépêche suivante :
Lisbonne, Je 15 déoembro.
La nouvelle d'une bataille livrée par
Serpa-Pinto aux Makolos, auxquels il a tué
beaucoup de monde et enlevé leurs dra
peaux anglais, a causé ici une émotion
d'autant plus vive que les Anglais mena
cent d'y répondre par une rupture des re
lations diplomatiques avec le Portugal,
voire par une déclaration de guerre.
Voici, d'après des renseignements que je
viens de recueillir avec soin dans les mi
lieux les plus sûrement informés, la version
portugaise de ces graves incidents et les
points principaux de la réplique qui sera
faite à la demande d'explications du gou
vernement anglais :
« La région située entre la rive nord du
Zambèze et le lac Nyassa, région que re
vendique la nouvelle Compagnie du Sud
africain en vertu des soi-disant découvertes
de Livingstone et des traités récemment
conclus avec les chefs indigènes, a été re
vendiquée de tout temps par le Portugal,
dont les explorateurs l'ont parcourue et
fait connaître il y a déjà plus de deux siè
cles.
« Livingstone a déclaré lni-même dans
ses ouvrages qu'il devait aux Portugais les
premières notions sur ces régions, et il crut
devoir demander leur consentement aux
autorités portugaises pour visiter la con
trée, comme les premières missions écos -
saises s'adressaient au Portugal pour être
autorisées à créer des établissements sur
les bords du lac Nyassa.
» Qoand, il y a quelques mois, le major
Serpa-Pinto quitta Quinimane sur la côte
pour le Nyassaland, son but n'était pas,
comme le prétendent les Anglais, de con
quérir le pays, puisqu'il appartient au Por
tugal. La Compagnie d'ingénieurs avait
pour mission d'étudier le tracé des che
mins de fer destinés à relier Quinimane à
l'embouchure du Chiré, puis dans le haut
Chiré, là où le fleuve cesse d'être navigable
(l'Afrique des cataractes). Elle devait étu
dier le tracé des nouveaux chemins de fer
pour compléter la chaîne dos communica
tions terrestres et fluviales à la côte et au
lac Nyassa.
« C'est au cours de cette mission toute
scientifique qu'elle a rencontré, de la part
des indigènes du Maltololand des résistan
ces qui l'ont obligée à se frayer une voie
par les armes. Ces résistances ont été ame
nées par les longues et constantes intrigues
de l'Angletsrre contre la domination légi
time du Portugal.
« Dès qu'il eut vent de la mission da ma
jor Serpa-Pinto, M. Johnstone, l'une des
voyageurs anglais qui visitèrent naguère
le Congo et le Kinima-Njaro, a abusé de sa
situation de consul britannique auprès de
la colonie portugaise de Mozambique, pour
demander aux autorités portugaise un sauf-
conduit vers la région visée par Serpa-Piuto
et qu'il prétendait pouvoir parcourir en
curieux.
« Muni de ce sauf-conduit, M. Johnstone
a précédé l'expédition de Serpa Pinto, se
mant partout la méfiance contre l'expédi
tion portugaise et imposant le drapsau an
glais aux indigènes.
, « De là, une violente résistance que
Serpa-Pinto a rencontrée sur son passage
et qui l'a obligé à tirer le canon.
« La saisie du drapeau anglais ne peut
être considérée comme une atteinte à l'hon
neur britannique, ce drapeau n'étant pas
défendu par des Anglais sur territoire an
glais Il était simplement l'emblème d'une
rébellion de sujets noirs contre l'autorité
portugaise dans un pay3 appartenant au
Portugal. »
Le correspondant de l'Indépendance con
tinue ainsi :
« Je crois savoir que le Portugal ap
puiera cette version de deux documents
importants : 1° de la copie d'une ordon
nance lancée, le 12 août dernier, par le gou
vernement de Mozambique et prouvant
que, dès cette époque, le gouverneur avait
connaissance des entreprises poursuivies
par l'Angleterre pour déposséder le Portu
gal du Nyassaland. Dans cette ordonnance,
le gouverneur de Mozambique constatait
qu'on cherchait à inciter des chefs indigè
nes contre le Portugal. Il déclarait que les
auteurs de ces instigations seraient traités
comme coupables de haute trahison, fus
sent-ils étrangers. L'ordonnance dont il
s'agit disait en propres termes ; « Les in-
c trigues anglaises dans le Matchanaland,
« le Mokolona, etc. » ; 2" d'un document
jusqu'à présent tout à fait inédit, qui con
tient une accusation des plus graves con
tre les Anglais. Il teni à établir que le
voyageur Hinkelmann, assassiné, en 1886,
par les indigènes thikoussé sur les bords
du lac Nyassa, a été mis à mort à l'instiga
tion des missionnaires anglais de Blandyre,
sur les bords du lac Nyassa. Les Anglais
envisageaient Hinkelmann comme un ami du
Portugal dont il était nécessaire d'entraver
les opérations, dans l'mtérêt de l'Angleterre.
Le document contenait tous les détails d'une
enquête judiciaire faite par les autorités
portugaises. Elle conclut à la culpabilité des
Anglais. Le Portugal va probablement la
livrer à la publicité. Elle prouvera que les
Anglais ont poussé les indigènes à la révolte
et aux actes les plus inhumains pour con
trarier l'action du Portugal. »
Tout ce qui précède résume les éléments
de la réponse que va recevoir la demande
d'explications du gouvernement anglais. Le
gouvernement portugais est décidé à sou
tenir énergiquement ses prétentions sur le
Nyassaland conire l'Angleterre, si mena
çante que puisse être son attitude.
Les missionnaires en Afrique
Le dernier numéro du Bulletin des
Missions d'Afrique publie la lettre sui
vante, adressée à S. Em. le cardinal
Lavigerie par Mgr Bridoux, vicaire
apostolique du Tanganika :
L&vigerie-Ville, le 26 février 1889.
Eminentissime Seigneur et Très
Vénéré Père, *
Dans ma dernière lettre, j'avais l'hon
neur d'annoncer à Votre Eminence notre
arrivée à Kibanga. J'étais alors un peu
souffrant de la fièvre ; mais, quoique assez
forte, elle n'a duré que cinq jours, et de
puis je me sens aussi vaillant qu'à Car
tilage : il est vrai de dire que je n'ai pas
été très épargné en route. J'envoie à votre
Eminence, sous un autre pli, le récit de
notre voyage de Tabora à Kibanga.
Je resterai ici jusqu'à ce que ie bateau
de Karéma vienne me chercher, en ame
nant la part qui revient è la mission de Ki
banga de la caravane de ravitaillement,
c'est-à-dire probablement jusque vers Pâ
ques. J'emmènerai avec moi le P. Guil-
lemé, comme supérieur de M'pala, en.
remplacement du P. Moinet. A ce sujet,
j'ai écrit au T. R. P. Deguerry pour lo
supplier de nous envoyer prochainement un
renfort de missionnaires. Nous avons l'in
tention de rétablir, dès que de nouveaux:
confrères nous arriveront, la station de
l'Oarighi, au nord du lac, car Kibanga est
trop isolé des autres missions, avec les
quelles il communique jusqu'ici par Kipa-
lapala; peut-être, sans la mort du
P. Vyncke, aurions nous tenté de le faire
maintenant.
Nous sommes sans nouvelles d'Europe
depuis le commencement de novembre, et
notre bateau est allé inutilement chercher
le dernier, courrier à Oujiji. Nous n'en
sommes pas trop surpris, car les chemins
sont peu sûrs par le temps qui court, et
nous nous demandons comment se termi
nera la guerre des Allemands à la côte. Nos
marins, qui sont allés à Onj'ji pour le der
nier courrier, nous ont appris qu'un groupe
de nos anciens porteurs avait été Attaqué en
retournant dans l'Ounyanyembé et que trois
hommes avaient été massacrés. Nous ne
savons s'il sera possible de nous ravitailler
cette année, et même de,nous envoyer de
nouveaux missionnaires sans les exposer,
grandement.
La mission de Lavigerie-Villo me parait
bien prospère, tant au point de vue spiri
tuel qu'au point de vue matériel ; malhea- -
reusement on y* est toujours un peu, 4 '
comme dans les autres stations, ainsi que ;
l'oiseau sur la branche. Puisse ia grande
œuvre entreprise par Votre Eminence se
réaliser bientôt et procurer à nos pauvres
noirs, avec le salùt, la tranquillité et le
paix 1 Ils sont, il faut l'avouer, tombés
bien bas et sont souvent causa eux-mêmes
de leur propre malheur. Il n'y a partout,
au Tanganiiia, que de petits chefs toujours
en guerre les uns avec les autres, et appe
lant presque toujours aussi les Wanguanas
à leur secours pour être victorieux. Ceux-
ci accourent aussitôt, mettent tout à fou et
à sang, se procurent le plus d'esclaves pos
sible, et en exigent encore, comme récom
pense, des chefs qu'ils ont aidés.
Les Arabes ont bien compris que, pour
dominer le pays, il leur suffisait d'y établir
de distance en distance quelques-uns, et
quelquefois un seul de leurs hommes, au
quel viennent s'adjoindre tous les vaga
bonds du pays. Ceux-ci, en se fixant auprès
du maître, et en en recevant un fusil et
une lcanzie, prennent eux-mêmes le nom
de Wanguana et deviennent alors plus fé
roces et plus inhumains que les Arabes
eux-mêmes. Hier encore, dans une tournée
que nous faisions chez les sauvages de li
montagne, à trois lieues d'ici, on nous ap
prenait que deux fils du chef Poré, voulant
se débarrasser d'un grand du pays qui lunr
portait ombrage, appelèrent simplement
deux Wanguanas, qui tuèrent avec leur
fusil ca pauvre noir. Tous ces sauvages
wanguanas ne peuvent vivre d'ailleurs que
de pillage, car jamais ils ne travaillent.
La mission aurait ici le plus grand ave
nir, si nous étions débarrassés des Arabes
et des Wanguanas.
A Lavigerie-Ville, les orphelins et les
orphelines, au nombre de plus de trois
cents, donnent beaucoup d'espérances, et
les enfants mariés, des consolations par
leurs progrès dans le bien et leur bonne
volonté. Tous ne sont pas encore parfaits,
sans doute ; mais il ne faut pas les juger
d'après leurs seules qualités et leurs seuls
défauts. Un fait qui m'a frappé, c'est que,
dans l'immense jardin de la mission, qui
produit toutes sortes de fruits et de légu
mes, et où les enfants, grands et petits,
passent ou travaillent du matin au soir,
il est presque inouï que le moindre voi
soit constaté. A côté des orphelinats et des
villages des enfants, se trouvent de nom
breuses bourgades de suivants, postulants
ou catéchumènes, villages dont la popula
tion varie de 10 à 100 habitants. Ce sont
surtout des indigènes venus s'établir sur
la propriété de la mission pour y trouver
la tranquillité ; ils sont déjà au nombre de
sept ou huit cents, et ils peuvent se multi
plier jusqu'à cent mille sur ma propriété
de 22 à 28,000 hectares.
Ce qui caractérise surtout ces sauvages,
c'estl'indifférence. Ils savent, en très grand
nombre, leurs prières et l'essentiel du ca
téchisme, car ils viennent assez régulière
ment assister le dimanche aux instructions,
et dans les nombreuses visites qu'on leur
fait, ils reçoivent encore, ordinairement,
une leçon de catéchisme. Plusieurs villa
ges ont même construit un barza pour cet
effet et pour la prière ; et cependant, peu
d'adultes demandent d'eux mômes le bap
tême. Quand leurs petits enfants sont ma
lades,ils ne manquent pas d'appeler le mis
sionnaire pour le leur donner; le chef de
village ou tout autre désigné pour cela
manquera aussi rarement de l'appeler
quand un homme est dangereusement ma
lade, et ce dernier répondra volontiers à
la demande du Père, qu'il désire êlro bap
tisé; mais d'eux-mêmes, quand ils sont
bien portants, c'est chose presque inouïe.
Il est à supposer que les obligations de no
tre sainte religion les effrayent et que tout
n'est pas à rejeter sur l'indifférence.
Les enfants mariés se sont mis avec ar
deur au travail ; 11 a fallu pour cela user un
peu'de violence au début, mais ils en re
mercient les Pères, maintenant qu'ils voient
leurs champs couverts de riz, de manioc
et de sorgho.
J'ai réellement admiré les belles rizières
et les vastes champs qui s'étendent à perte
de vue dans la plaine. Les cultures et le
jardin do la mission aident en grande par
tie à nourrir tous les orphelins de la mis
sion : Kibanga est une petite oasis telle
qu'il n'en existe pas de semblable sur tou
tes les rives du Tanganika.
J'ai déjà exploré tous les environs de la
station ; car chaque soir je fais une longue
course en compagnie du R. P. Goulbois ou
du P. Guillemé : c'est la coursa d'évangé-
lisation. Nous allons aussi de temps en
temps chez les sauvages qui sont plus
éloignés de la mission, et alorn nous
partons le matin pour ne rentrer que le
soir.
Le 19 mars, nous aurons une grande
cérémonie: baptême solennel d'adultes,
première communion, confirmation et' ma
riages.
Joseph, notre médecin noir, qui a été
désigné pour cette station, songe i se ma-
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