Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-10-28
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 octobre 1889 28 octobre 1889
Description : 1889/10/28 (Numéro 7970). 1889/10/28 (Numéro 7970).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 28 Octobre 1889
N® 1970 Edition quotidienne
_ Lundi 28 Octobre 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an
Sis moi?. .
Trois mois. . .
PARIS
n département»
. 65 »
28 50
15 »
ETRÂIïSER
(union postais)
66 »
34 »
18 i
^^a&onnemenSs partent dos 1" et 16 de chaque mol*
UN NUMÉRO { Bé^temente! lo
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. CJ s .
Sixmo.i. . . .
Trois mois. . .
PARIS
1t départements
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(union postal!)
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Les abonnements partent des i« et le do claaqae juo M
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C", 6, place do la Bourse
mnmaisttma
FRÂriGR
PARIS, 21 OCTOBRE 1889
Le ministère ne se retire pas ; il se
présentera tout entier devant les Cham
bres. Ainsi en a-t-il été décidé dans le
conseil des ministres tenuhier.Les jour
naux gouvernementaux triomphent; ils
félicitent MM.Tirard,Gonstans,Rouvier
Thévenet, Yves Guyot, deFreycinet,de
leur fermeté. Il n'y a réellement pas de
quoi. Des ministres, surtout des mi
nistres républicains, sont toujours
disposés à garder leurs portefeuilles,
et ceux-ci doivent d'autant moins hé :
siterà le faire, qu'ils savent n'avoir
rien à redouter de la majorité faite par
les soins de M. Gonstans.
On prétend que M. Tirard, toujours
fort ennuyé du rôle secondaire auquel
le réduisent les envahissements de
M. Constans, aurait voulu réellement
se retirer ; mais il s'est trouvé seul de
son avis, et il s'est gaillardement in
cliné devant la décision de ses collè
gues. Quant à M. Garnot, il continue
son rôle de président-soliveau.
Si nous en jugeons d'après ses dé
clarations à un rédacteur du Journa
des Débats, déclarations reproduites
plus loin, M., le docteur Desprès figu
rerait volontiers parmi les auxiliaires
de M. Léon Say dans sa politique d'a
paisement. L'Agence Bavas , qui en
tend parfois fort mal et traduit plus
mal encore, lui avait prêté des paroles
qui le posaient en antagoniste décidé
de la droite ; le député du VI 0 Jarron-
dissement, se rappelant peut-être qu'il
a dû en grande partie son succès aux
conservateurs qui auraient pu facile
ment donner la majorité à son concur
rent boulangiste, le docteur Aubœuf,
a fourni de ses paroles une version
qui ne cadre guères avec celle de l'A
gence-Havas; Il préférerait une concen
tration à gauche, mais à défaut de cette
concentration à laquelle il croit peu, il
accepterait une entente avec la frac
tion « modérée » de la minorité con
servatrice.
Même avec M. Germain, j cela ne
constitue pas encore un parti pour M.
Léon Say.
Sans être aussi mauvaises que le
prétendent divers journaux fort op
posés à l'occupation, les nouvelles du
Tonkin ne manquent pas de gravité.
Des opérations militaires récentes
nous ont causé des pertes sensibles, et
les Chinois entreraient de nouveau en
ligne. Pour faciliter les opérations de
l'autorité militaire, on aurait proclamé
dans les districts agités un espèce
d'état de siège.
Il n'y a rien là qui doive étonner.
Pendant combien d'années en Algérie,*
alors que la conquête-était 1 assurée et
la grande lutte terminée, des agita
tions assez graves se sont produites.
■ Le député hongrois Iranyi a déposé
sa demande de mise en accusation du
ministre Fejervary ; la discussion
aura-lieu le 6 novembre. On ne croit
{tas que la demande soit acceptée par
a Chambre hongroise. Le fait seul du
dépôt n'en témoigne pas moins que
1rs radicaux sont décidés à faire: tous
leurs efforts pour renverser le minis
tère Tisza.
On s'étonnerait que l'Estafette ne fût
point, parmi les feuilles opportunistes,'
la plus ardente à réclamer de la nou
velle Chambre des mesures contre la
liberté de la presse. Le journal de M.
Jules Ferry n'admet pas, on le sait,
qu'on parle de revision. Il est une re
vision qu'il accepte pourtant, qu'il
demande, qu'il exige, c'est celle de la
loi votée en 18.81 sur la. presse. La
République française , elle-même, ne
poursuit pas cette réforme avec autant
de frénésie. Elle a, du moins, la pu
deur de mettre en avant la nécessité,
urgente, dit-elle, de sauvegarder la
bonne tenue, le bon renom, la dignité
de la presse. L'Estafette ne daigne pas
invoquer ce vain prétexte. Elle dirait
volontiers simplement, comme le cy
nique Madier-Montjau : Débarrassons-
nous de ce qui nous gêne !
Et le Journal des Débats , pour n'avoir
point paru aussi pressé, s'attire les
vertes admonestations de l'organe du
blackboulé des Vosges. Le Journal des
Débats s'est avisé de dire, en effet,
qu'évidemment certaines-violences de
langage étaient fort regrettables ;
mais qu'il ne lui semblait pas qu'elles
portassent bonheur à la cause de ceux
qui les employaient; que, par exemple,
à son sentiment, les articles de MM.
Paul de Gassagnac et Henri de Roche*
fort avaient, loin de les servir, plutôt
nui aux conservateurs et aux boulan-
gistes. En conséquence, ajoutait-il;
peut-être.n'^ a-t-il pas lieu d'inaugurer
les travaux de la nouvelle Chambre
par une refonte des lois sur la presse.
Là-dessus, l'Estafette se fâche. Elles
se fâche même tout rouge, ce qui ne
sied guère à un organe se disant
modéré. Elle demande au Journal des
Débats s'il a perdu la mémoire. 11 oublie
donc tout le mal que les violences de
la presse ennemie ont fait au grand
parti républicain. Les illustrations
de ce parti ont été victimes, toutes,
plus ou moins, des fureurs et des
calomnies de la presse. L'Estafette ne
nomme . pas M. Jules Ferry; mais
on sent bien que c'est à son patron
qu'elle songe. Car, pour l'Estafette, si
M. Jules Ferry n'a pu se faire réélire
dans les Vosges, ce n'est point la faute
de,M. Jules ; Ferry; non certes! Ce
n'est point davantage la faute de l'ad
ministration, n'est-ce pas? C'est donc
la faute à la presse ! Par conséquent,
vous voyez bien qu'il faut d'urgence
reviser la loi sur la presse, afin de ne
plus permettre à celle-ci d'empêcher
une seconde fois la réélection du chef
des opportunistes, lorsque la nouvelle
Chambre aura invalidé M«4e comman
dant Picot.
Voilà qui est clair. Et le Journal des
Débats doit se rendre.
P. V.
Tunisie et Abyssinia
Quand il entreprit l'expédition qui
devait aboutir à l'établissement du
protectorat de la France en Tunisie,
M. Jules Ferry semontra-t-il, à l'égard
de l'Italie, d'une loyauté irréprocha
ble? Le Caffaro, de Gênes, et le Pen-
siero, de Nice, l'ont nié; M. Jules
Ferry l'affirme: Qui croire ? >
,L'Univers a déjà fait connaître son
sentiment sur ce point, et l'ancien
ministre ne peut s'en plaindre, car les
journaux conservateurs sont loin d'être
tous aussi prompts que l'Univers à dé
clarer çu'on peut, dans l'espèce, don
ner raison au vaincu de r Saint-Dié.
A: notre ,sëns, il y aurait, pour la
politique française, une attitude meil
leure à prendre que celle à laquelle
M.Jules Ferry s'en est tenu dans sa
lettre à l'Estafette . N'est-il pas évident,
en effet, que, dans la pensée des gal-
lophobès italiens, ce souvenir de l'ex
pédition de Tunis, exploité à propos.,
pourra servir d'argument contre nous
quand on voudra mobiliser les armées
de la triple alliance ? Il faut donc tout
faire pour enlever à l'Italie un prétexte
dont elle abuserait si volontiers.- Or,
pour y parvenir, là défensive servira
peu, et c'est à l'offensive qu'il importe
de recourir. Au lieu de nous borner à
plaider les circonstances atténuantes,
et à demander à l'Italie pardon pour
la liberté grande dont nous avons usé
en convoitant Tunis, que ne lui re
prochons-nous de s'être montrée pour
le moins aussi gourmande que nous-
mêmes, dan£ les actes qu'elle vient
de poser sur le littoral africain de la
mer Rouge ?
Dans le discours que M. Grispi pro
nonçait l'autre jour à Palerme, on a
relevé la plupart des propos tenus par
cet outrecuidant personnage : ni ses
prétentions è la « mégalomanie », ni
ses outrages à la Papauté, ni ses expli
cations sur les tarifs franco-italiens
n'ont passé inaperçus pour la presse
française. Ce qu'il a dit sur la politi
que italienne en Afrique a "seul béné
ficié d'une inattention que nous esti*
mons fâcheuse. II convenait, en effet,
de prendre acte des déclarations de
M. Grispi sur ce point, et sans exami
ner, ce qu'elles ont peut-être de témé
raire, il fallait les retenir pour les op
poser aux gallophobes subalpins le
jour, qui_pourrait être prochain, où ils
rééditeraient le grief qu'ils tirent con
tre nous de notre présence à Tunis.
Certes, l'installation des Italiens en
Ethiopie n'est pas encore aussi affer
mie qu'il leur plaît de le dire. Quand
M. Grispi se flatte d'avoir séduit Méné-
lick, d'avoir ouvert aux émigrants
italiens l'un des plus riches plateaux
du monde, d'être prêt à Contracter un
emprunt^ qui fortifiera le crédit italien
tout en réorganisant les finances abys
sines; quand enfin M. Grispi fait savoir
à l'Europe qu'à l'avenir la politique
extérieure du nouveau négus sera tout
entière aux mains de l'Italie et con^
duite au nom de cette dernière puis
sance, il n'est pas défendu de faire,
en ce langage, la part des nécessités
parlementaires. Trop d'échecs passés
obligent ce ministre à payer d'audace
et, à persuader à ; ses commettants
qu'il a cause gagnée dans l'Afrique
orientale. Admettons cependant que
ce « mégalomane »'n'ait rien exagéré..
Oublions que la politique coloniale
n'a pas aussi promptement réussi' à
d'autres peuples, pourtant moins jeu
nes. Acceptons enfin comme, irrévo
cables les sentiments italophiles que
déclare professer aujourd'hui Méné-
lick, naguère si heureux d'offrir à la
France des fusils et des chevaux qui
figurèrent à l'Elysée, mais qu'on n'y a
plus vus depuis la déconfiture de la
famille Grévy-Wilson.
_ Du moins nous permettra-t-on, ces
diverses concessions faites, d'affirmer
que l'Italie n'a plus désormais à se
plaindre, et que le protectorat de
l'Abyssinia devrait bien compenser à
ses yeux les regrets que lui inspire le
protectorat français de Tunisie. Eh
quoi! Voilà un peuple dont l'unité,
toute récente, n'est pas encore indis
cutée: sans parler des catholiques du
monde entier, pour qui la question
romaine demeure ouverte, il est des
italianissim.es aux yeux desquels la
nationalité n'est pas « rachetée » tout
entière, et qui réclament sans cesse
Trieste etle Trentin;et ce peuple, à
peine établi sur le continent, voit déjà
son pavillon flotter au delà des mers !
Johannès avait d'abord fait la grimace,
mais Menélick, qui lui succède, se li
vre sans conditions! Et tel est ce sin
cère abandon, qu'on n'éprouve par le
besoin, pour lui, de promulguer une
« loi.des garanties » comme on le fit
quand on eut spolié le Pape-Roi!... En
vérité, que veulent de plus les Italiens
les plus avides de gloire, et n'est-ce
pas assez pour leur appétit, que ce
gros morceau qui vient de leur échoir
au prix de sacrifices si minces?
Mais non ! Leur esprit inquiet ne
veut pas voir ces résultats brillants et
tangibles, et ils ne se souviennent que
d'une chose, à savoir l'injure que la
France leur fit, à les en croire, en
imposant au bey le traité du Bardo.
Ce traité, vieux pourtant de huit ans,
leur a laissé des rancunes qui subsis
tent encore, et que le moindre inci
dent suffit à raviver : Manet alla mente
repostum... Cependant, si nous vou
lions raisonner pour l'Abyssinie
comme ils raisonnent, pour Tunis,
cela serait-il malaisé ?
Nous avions, d'après eux,^ moins
d'attaches qu'eux dans la Régence.
En avaient-ils dans l'Amharah, dans
le Tigré, dans le Ghoah ?
Déjà, sur la mer Rouge, ils avaient
Assab. — N'avions-nous pas Obock, et
Tadjourah, et Djiboutil, et Sàgallo
(précisément célèbre par le tort que
nous fîmes aux Russes, un jour que
nous eûmes trop à cœur de ne pàs ir
riter l'Italie) ?
Au service de l'Italie, le comte An-
tonelli et deux autres explorateurs
avaient gravi les contreforts du pla
teau abyssin. Depuis bien plus longr
temps, Henry Lambert, Arnoux, l'ami
ral Fleuriot de Langle, Paul Soleillet,
Denys de Rivoyre, Georges Richard,
n'ont-ils pas fait de même, et stipulé
parfois au nom de la France avec des
chefs indigènes, y compris Ménéliclt,
ce. dernier-né de la famille italienne ?
Des Italiens revendiquent le cardinal
Massaïa, bien que ce glorieux capucin,
dévoué avant tout à l'Eglise, n'ait ja
mais songé à travailler là-bas pour le
profit de l'Italie-ûne. Mais ne pouvons-
nous pas citer, p^rmi les missionnai
res français qui ont évangélisé ces
contrées/:Mgr de Jacobis et Mgr Tau-
rin-Cahagne, qu'aucun scrupule ne
retenait, eux* de favoriser ouvertement
la France ?...
Au total, si nous avons pris à Tunis
la place des Italiens, il est tout aussi
vrai de dire qu'ils ont pris la nôtre en
Abyssinie. S'il.y a une différence, elle
gît uniquement en ceci, que nous
avons à peine pris garde à l'établisse
ment du protectorat italien dans des
contrées où des Français avaient ce
pendant posé plus d'un jalon naguère,
tandis que les Italiens, attentifs à
prendre acte de l'établissement du
nôtre en Tunisie, n'ont cessé de nous
en faire un crime, en attendant que
leur âpre jalousie y trouve un prétexte
à rupture. Cette différence fait plus
d'honneur à notre loyauté qu'à notre
perspicacité. Car, si nous avions pris
la peine de surveiller les agissements
des Italiens en Abyssinie comme ils
ont épié les nôtres dans l'Afrique sep
tentrionale, nous n'eussions pas man
qué d'affirmer" couramment que, si
nous avons usurpé ici, l'Italie mérite
là-bas le même reproche.
Dans ces conditions, les arguments
sont loin de faire défaut, on le voit, à
quiconque éprouvera le besoin de ré
pondre aux criailleries des journaux
italiens que la gallophobie tourmente.
Sans doute, M. Grispi se réserve d'u
tiliser ces feuilles quandM.deBismarck
lui en donnera licence. Mais aussitôt
qu'il leur reprendra fantaisie d'atta
quer notre conduite à Tunis, n'hési
tons plus à leur dire que les Italiens,
depuis qu'ils ont débarqué à Mas-
saouah, ont sur la conscience un poids
non moins lourd à porter. Et lorsque
ces feuilles gallopobes4evront justifier
les agrandissements dont nous les
laissons se vanter, tout porte à croire
qu'elles seront moins hardies à incri
miner les nôtres.
Pour l'instant, il est piquant de voir
M. Jules Ferry puni cette fois encore
par où il a péché. Lui qui, pour battre
en brèche les catholiques, ne craignait
pas, au temps de sa puissance, de dé
naturer odieusement l'histoire et la
doctrine de l'Eglise, il se voit aujour
d'hui réduit à se débattre contre des
récits qu'il estime, sans doute à bon
droit, calomnieux. N'est-ce pas le ta
lion? M. Jules Ferry est ainsi amené
à écrire : « Je sais par expérience qu'il
« n'est point de mensonge, si grossier
« qu'il soit, qui ne puisse s'accréditer
« avec de l'audace. » Cette défense de
sa politique extérieure n'est-elle pas la
condamnation de sa politique inté
rieure? : ,
. P aul T aillez.
Cette Gazette de France est éton
nante. Elle s'avise d'enrégimenter
l'Espérance, Courrier de Nancy t dans les
journaux absolument hostiles à L'idée
d'un parti catholique,et nous lui mon
trons tout un long article qui met à
néant son affirmation trop hardie;
Reconnaît-elle son- erreur? Jamais !
Elle fouille^ avec sa manie des citations
incomplètes, dans de vieux numéros
de Y Espérance, en extrait des frag
ments contre le rouviérisme, le 1 bou-
langismc, la politique de l'équivoque^ et
s'écrie : Voilà qui prouve que l'Espé
rance condamne ou a condamné le
parti catholique. Gela vaut la démons
tration de Sganarelle : Voilà pourquoi
votre fille est muette ; mais c'est moins
gai. '
La même Gazette use de procédés
identiques pour établir que le parti
catholique pose des principes qui écar
teraient de la Chambre MgrFreppel.
Laissons la se livrer à ce jeu, qui
veut être méchant et n'est qu'inno
cent.
La Persécution
: ... LETTRE
D'UN- 8ATH0LIQUE A M, LE;COMTE Ï)E MUN
; Deuxième article
« Au plus fort de la défaite, un cava
lier français, démonté—un cuiras
sier, même, je crois — maintient
debout, contre sa poitrine, un officier
dont la vie coule, par flots rouges,
d'une large plaie. Le soldat, blessé
lui aussi,- enlace du bras gauche ce
jeune homme qui fut son chef et qui
va mourir, et de la main droite il fait
feu, sans cesse, avec la bravoure folle
des désespérés, sur l'ennemi invisible
que l'on devine... Où est le drapeau?...
Ici ! Il tremble, déchiquété, bleu de
poudre,, blanc de poussière, rouge de
sang, entre les doigts frêles du mori
bond.- 1 •
« Et ce soldat, cé héros,va donner son
existence, ses amours, ses espoirs , pour
rester jusqu'à la minute suprême
fidèle à son chef et à son drapeau! ■
« M. de Mun est ce cuirassier-là.
« Alors que l'on a « décloué Jésus-
Christ » pour faire, avec sa croix du
bois pour la laïque, M. de Mun a ra
massé son maître vivant, il l'étreint
contre sa large poitrine, où bat un
cœur plein de loyauté vaillante; il
dédaigne sa propre défense dans la
bataille de la vie, ses intérêts, les gloi
res de ce monde, pour ne songer (ju'au
martyr dont la sueur et le sang l'inon
dent, et à l'étendard sacré dont les
plis retombent sur eux ainsi qu'un lin
ceul.
« Ah! la belle lutte, le noble combat!
Et comme ceux-là mêmes qui ne sont
ni les amis ni les disciples de M. de
Mun saluent dé grand cœur ce chevar
lier qui défend sa France et son
Dieu!...
« Il ne défend pas que cela !
« Il est le tenant — et c'est par là
qu'il est cher à quelques-uns de ses
ennemis — il est le tenant de l'huma
nité tout entière, celui qui pourrait
dire, comme l'écrivain antique : «Je
suis homme, et rien de ce qui est hu
main ne m'est étranger..... »
« ..... Le rôle de M. de Mun dans
l'avenir, je l'ignore.
« Je sais seulement, et ma science
veut s'en tenir là, qu'il sera toujours
bon aux malheureux, pitoyable aux
vaincus, qu'il défendra envers et con
tre tous ses frères en humanité. ?>
Ce portrait du député de Pontivy,
portrait dont nous avons retranché
quelques traits des plus chauds, cha
cun sait qu'il a été buriné dans
les rangs du parti socialiste, par là
main de Mme Séverine. Si les hautes
qualités d'intelligence et de cœur qui
font du comte de Mun une personna
lité si brillante et si attachante tout
ensemble, sont ainsi appréciés même
au camp libre-penseur, s'étonnera-t
on de la confiance enthousiaste qu'el
les provoquent, nous ne dirons pas au
camp des catholiques, qui n'existe pas
encore, mais à ceux qui attendent uu
chef pour en tracer et en occuper l'en
ceinte ?
Nous pouvons l'affirmer avec une
légitime fierté: nous catholiques, nous
avons des hommes. Chacun de nous en
nomme à l'envi, qui par l'élévation de
leur caractère, la portée de leur intel
ligence, l'intensité deleur dévouement,
l'ardeur de leur foi, l'importance et le
nombre des services rendus à la reli
gion et à la patrie, pourraient légiti
mement briguer le grand honneur
et la lourde charge de la direction du
parti catholique. Si leur modestie dé
fend à ces nobles lutteurs une telle
ambition, il est très concevable que
les témoins et les admirateurs de leurs
travaux la conçoivent pour eux.
Mais ce qui importe ici, ce n'est
point de savoir qui a le mieux.mérité
de l'Eglise et de la France, mais qui
est mieux à même de former le parti
catholique et de le conduire.
L'auteur de la brochure : « La Per
sécution » estime que c'est M. le comte
de Mun, et il en donne des raisons
que nous voulons à la fois résumer et
compléter.
La première de ces raisons est la
valeur personnelle de M. de Mun ; la
seconde, c'est la carrière que la Pro
vidence a ouverte devant lui ; la troi
sième est la situation qu'il s'est créée
à la Chambre des députés, où il est le
porte-voix toujours acclamé des catho
liques.
Rappelant la harangue fameuse du
8 juin, après avoir cité la mordante
apostrophé à la gauche : « Vous vou
drez, comme moi, saluer en M. Jules
Ferry le représentant incontestable et
autorisé de la majorité républicaine »,
l'écrivain dit à bon droit à l'orateur :
« Dans ce discours, vous avez parlé
au nom des catholiques, et ils étaient
FEUILLETON DE L'UNIVERS
nu 28 octobre 1889
CAUSERIE SCIENTIFIQUE
C'est un phénomène connu que l'esprit,
en France, court les rues. Il faut l'arrêter
aa passage, ne jamais le poursuivre ; car
alors il fuit, se dérobe, s'évapore.
Telle est, du moins, l'opinion des ex
perts. ;
Que de braves gens, pour avoir quelque
fois rencontré la Fée locale qui court par
les rués de Gastel-Sarrazin ou de Montéli-
mart, sont venus à Paris pour visiter l'Ex
position et lier connaissance avec l'Egérie
de M. Albert Millaud, sur la deuxième
plateforme de la tour Eiffel !
Il suffit de jeter un coup d'œil sur le re
gistre du Figaro de la Jour pour voir
quelle nymphe ont rencontrée là-haut ces
représentants de l'esprit français dans nos
divers chefs-lieux.
Le persévérant échec de tant de bonnes
volontés doit tenir à la tour elle-même ou
& certaines influences magnétiques, élec
triques ou atmosphériques ; à moins qu'il
suffise de pénétrer dans le bureau figariste
pour déraisonner comme un simple Saint-
Genest.
Voici un monsieur qui ne signe pas, ne
vise point à la gloire, veut simplement éton
ner en instruisant.
Il écrit:
« La tour Eiffel, si elle pouvait être figu-
« rée sur le globe terrestre de 40 mètres
< de circonférence situé près de sa base,
« aurait moins d'un millimètre de hauteur,
« exactement 0 m , 003 millièmes , ou l'épais-
< seur d'un cheveu.
a Si ce globe était mille fois plus gros, il
a mesurerait 40 kilomètres de contour, soit
« plus que la Ville dé Paris, et les 300 mè-
« très de la tour y seraient représentés par
« une hauteur de 30 centimètres seule-
« ment.
« Faut-il que nous soyons petits pour la
« trouver si grande I »
Et nous voilà bien renseignés I
Disons d'abord que le globe en question
n'a pas été construit pour avoir 40 mètres
de circonférence, mais pour être à l'échelle
de un millionnième,ce qui correspond à un
contour équatorial de 40 m 06, à quelques
millimètres près.
A cette échelle, 1 millimètre représentant
1 kilomètre, la tour serait figurée, non par
0 m 003 millièmes, ce qui est faux ou ne veut
rien dire, mais par 0 a 0003, à peu de chose
près un tiers de millimètre. Un cheveu!
deux ou trois gros crins de cheyal, oui.
« Si le globe était mille fois'plus gros»...!
Le mot « gros » veut dire, en langage vul«.
gaire, volumineux. Dans ce cas, la circon
férence du globe serait de 400 mètres et
non de 40 kilomètres, puisque les volumes
de deux sphères sont entre eux comme les
cubes des rayons ou des circonférences mé
ridiennes. Mais l'auteur a voulu dire : « Si
le globe était à une échelle 1,000 fois plus
grande » ; ce qui n'est pas du totft la même
chose.
Il est très exact, d'ailleurs, que dans ce
cas, c'est-à-dire avec 40 kilomètres de tour,
le globe serait plus grand que la ville de
Paris, qui n'en a que 27.
Quant à la réflexion qui termine ce petit
mémorandum géométrique, elle rentre
dans la catégorie des saintgenestades. Il
y a beau temps, en effet, qu'une tour de
300 mètres est à peu près 187 fois plus
haute qu'un homme. Ce qui peut nous con
soler, c'est de savoir que le Gaorisankar est
29 fois et demie plus élevé que la tour
Eiffel et que l'homme jouit du même avan
tage h. l'égard du rat d'égout.
Pour des raisons tout aussi concluantes,
le pont des Saint-Pères est environ 300 fois
moins long que
LE PONT PROJETÉ SUR LA MANCHE
- J'ai parlé ici même de ce grand projet au
moment où il venait de recevoir un com
mencement d'exécution. Toutes les études
préliminaires étaient terminées ; les ingé
nieurs connaissaient admirablement le fond
da détroit, étaient prêts à jurer que la ro
che compacte et épaisse ne laisserait ja
mais filtrer une goutte d'eau. On avait tout
calculé, le temps et l'argent nécessaires ;
mais on avait compté sans les Anglais.
Les Anglais ne voulaient pas du tunnel ;
ils tremblaient à la pensée qu'un beau ma-
tin la furia francese pouvait déboucher par
la pçrte britannique et mettre à feu et. à
sang la vieille Angleterre. Les partisans
anglais du tunnel — et ils étaient nombreux
—- riaient de ces folles terreurs. Ils objec
taient qu'on n'était plus ,au temps de la ba
taille d'Hastings, qu'un peuple, n'envahit
pas son voisin sans crier gare, que la France
n'enverrait pas quelques dizaines de mille
guerriers par ce grand tuyau sans qu'on en
Sût quelque chose en Angleterre, que rien
n'était plus facile alors que d'enlever les
rails sur une longueur d'un kilomètre ou
deux, ou même de faire sauter le tunnel .à
son débouché, ou encore de l'inonder. Rien
n'y fit, la peur fut la plus forte et le bill
autorisant les travaux fut rejeté une pre
mière fois le 3 août 1887, une seconde le-27
juin 1888, et tout dernièrement enfin le 13 ;
août 1889.
Mais l'imagination des ingénieurs ne
s'était pas butée à la seule idée du perce
ment d'un tunnel.
Le lecteur n'a pas oublié peut-être le
singulier projet d'un tunnel en tôle d'acier
franchissant le détroit . & 10 ou 15 mètres
au-dessous du niveau, le. plus. bas de la
mer; ce tube gigantesque, véritable, corps
flottant, devait être maintenu sous l'eau à
une hauteur invariable, par. des. chaînes
fixées à des ancres ou à des. blocs de ro
cher. .-Ce système était. moins dangereux
que le premier pour le repos et l'indépen
dance de la fière Albion.
Il tomba, cependant dans l'eau, son élé
ment, sans que je puisse vous dire pour
quoi.
Un ancien projet, longuement et amou
reusement étudié autrefois par Thoméde
Gamond, fut alors repris par MM. Schnei
der, du Greuzot; Hersent, entrepreneur
de travaux publics; Fowler et Baker, ingé
nieurs en chefs des ponts sur le ForLh en
Angleterre.
Il s'agit cette fois d'un pont, d'un vrai
pont, à jeter sur le détroit.
Une société, au capital de 5 millions,
sous le nom de The Channel Bridge and
Railwag Company (Compagnie du pont
et du chemin de fer de la Manche) fut
fondée en 1884. Son conseil d'administra
tion est composé de MM. le comte de
Ghaudordy, ancien ambassadeur ; Philipp
Stanhope, membre de la Chambre des
Communes et frère du ministre i de la
guerre d'Angleterre ; Euverte, ingénieur
métallurgiste ; l'amiral Lagé ; Gay du
Pallaud, directeur de la Société d'étu
des.
La société vient de terminer les travaux
préparatoires. Les immenses progrès ac
complis, dans ces dernières années, par
l'industrie métallurgique rendent facile au
jourd'hui l'exécution d'une, œuvre qui, du
temps > de Thomé de Gamond, — il y a
trente ans à peine devait paraître irré
alisable. ,
La distance à franchir est de 38 kilomè
tres. De France le: pont partira du point
appelé le Cran-aux-QEufs, entre Andres-
selles et le cap Gris-Nez, pour aboutir, en
Angleterre, à Folkestone.
Il s'infléchirait d'abord légèrement vers
l'ouest afin d'utiliser les hauts fonds des
deux bancs de Golbart et de Varne, où la
profondeur n'est que de 7 à 8 mètres. Ces
bancs sont séparés par -une fosse large de
6 kilomètres avec une profondeur de 25 à
27 mètres. Entre le Varne et la côte an
glaise, la profondeur moyenne est de 24
mètres ; elle s'abaisse jusqu'à 55 mètres
entre le Colbart et le Gran-aux-OEafs.
Les piles seront au nombre de 118 ; leur
écartement est fixé à 500 et 300 mètres
pour les grandes travées, à 250 et 100 pour
les petites.
C'est M. Hersent qui a étudié toutes les
questions relatives à la construction et & la
pose des piles.
De ces 118 piles, 14 sont à 5 mètres de
profondeur,86 à. des profondeurs variant|de
10 à 40 mètres, 18 atteignent de 45 à 55
mètres au-dessous du niveau de la mer.
Toutes s'élèveront à 20 mètres au-dessus
des plus hautes marées ; elles auront, au
sommet, 45 mètres de longueur sur 20 de
largeur. Une fois construites, elles seront
entourées d'un enrochement pour éviter les
affouillements.
Le cube total, calculé par M. Hersent,
sera, pour la maçonnerie, de 3,939,600 mè
tres, et pour les caissons de fondation en '
fer et en acier, de 76,309,800 mètres.
La dépense totale, pour les piles seule
ment, a été évaluée à 380 millions ; les tra
vaux dureront dix années.
Les études de superstructure du pont,
c'est-à-dire de la construction et de la pose
des travées métalliques, ont été faites par
M. Schneider, du Greusot.
Les travaux seront exécutés parallèle
ment & ceux de l'infrastructure , qui com
prend tout ce qui regarde les piles.
• Sur les piles en maçonnerie seront fixées
d'autres piles cylindriques en acier, dont
la hauteur variera de 40 à 42 mètres et qui
porteront le tablier. Il y aura ainsi, entre la
mer et le tablier, une hauteur de 60 mèlres,
suffisante pour laisser passer les plus,
grands navires à voiles. Sur ces piles se-;
ront fixées les grandes poutres principales
dont la distance, d'axe en axe, a été fixée
& 25 mètres pour assurer la stabilité du
pont contre la violence des vents. Le ta
blier proprement dit n'aura que 8 mètres
de largeur et portera deux voies, dont les
rails seront enfoncés dans des ornières pour
parer à tout danger de déraillement.
Enfin, le projet va au devant des suscep
tibilités de la craintive Angleterre : les
travées de chaque extrémité seront tour-,
nantes.
Le poids de la superstructure sera de
1 million de t tonnes environ et la dépense
de 480 millions. Avec les 380 millions des
piles, le pont tout entier coûtera donc 860
millions, auxquels il faut ajouter 30 à 40
millions pour les abords et les raccorde *
ments avec les lignes terrestres.
« L'auteur d'un article , qui a paru le 10
courant dans le Correspondant et qui nousi
a fourni les renseignements qui précèdent,
évalue à 4 millions de voyageurs et à
9 millions de tonnes de marchandises
le trafic annuel de la future voie aérienne.
; Ces 9 millions da tonnes correspou-
idraient à un mouvement annuel de 1 million
800,000 wagons, portant chacun 5 tonnes
en moyenne, soit à 57,600 trains de 31
wagons chacun, à raison do 4 trains par
heure, partant de chaque extrémité, pen
dant 300 jours.
Quant à la question financière dans celte,
colossale entrepris, je me garderai d'en
dire un mot, d'abord parce que je n'y en
tends rien..., et cette raison me dispense
d'en avoir d'autres.
N® 1970 Edition quotidienne
_ Lundi 28 Octobre 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an
Sis moi?. .
Trois mois. . .
PARIS
n département»
. 65 »
28 50
15 »
ETRÂIïSER
(union postais)
66 »
34 »
18 i
^^a&onnemenSs partent dos 1" et 16 de chaque mol*
UN NUMÉRO { Bé^temente! lo
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. CJ s .
Sixmo.i. . . .
Trois mois. . .
PARIS
1t départements
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Les abonnements partent des i« et le do claaqae juo M
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C", 6, place do la Bourse
mnmaisttma
FRÂriGR
PARIS, 21 OCTOBRE 1889
Le ministère ne se retire pas ; il se
présentera tout entier devant les Cham
bres. Ainsi en a-t-il été décidé dans le
conseil des ministres tenuhier.Les jour
naux gouvernementaux triomphent; ils
félicitent MM.Tirard,Gonstans,Rouvier
Thévenet, Yves Guyot, deFreycinet,de
leur fermeté. Il n'y a réellement pas de
quoi. Des ministres, surtout des mi
nistres républicains, sont toujours
disposés à garder leurs portefeuilles,
et ceux-ci doivent d'autant moins hé :
siterà le faire, qu'ils savent n'avoir
rien à redouter de la majorité faite par
les soins de M. Gonstans.
On prétend que M. Tirard, toujours
fort ennuyé du rôle secondaire auquel
le réduisent les envahissements de
M. Constans, aurait voulu réellement
se retirer ; mais il s'est trouvé seul de
son avis, et il s'est gaillardement in
cliné devant la décision de ses collè
gues. Quant à M. Garnot, il continue
son rôle de président-soliveau.
Si nous en jugeons d'après ses dé
clarations à un rédacteur du Journa
des Débats, déclarations reproduites
plus loin, M., le docteur Desprès figu
rerait volontiers parmi les auxiliaires
de M. Léon Say dans sa politique d'a
paisement. L'Agence Bavas , qui en
tend parfois fort mal et traduit plus
mal encore, lui avait prêté des paroles
qui le posaient en antagoniste décidé
de la droite ; le député du VI 0 Jarron-
dissement, se rappelant peut-être qu'il
a dû en grande partie son succès aux
conservateurs qui auraient pu facile
ment donner la majorité à son concur
rent boulangiste, le docteur Aubœuf,
a fourni de ses paroles une version
qui ne cadre guères avec celle de l'A
gence-Havas; Il préférerait une concen
tration à gauche, mais à défaut de cette
concentration à laquelle il croit peu, il
accepterait une entente avec la frac
tion « modérée » de la minorité con
servatrice.
Même avec M. Germain, j cela ne
constitue pas encore un parti pour M.
Léon Say.
Sans être aussi mauvaises que le
prétendent divers journaux fort op
posés à l'occupation, les nouvelles du
Tonkin ne manquent pas de gravité.
Des opérations militaires récentes
nous ont causé des pertes sensibles, et
les Chinois entreraient de nouveau en
ligne. Pour faciliter les opérations de
l'autorité militaire, on aurait proclamé
dans les districts agités un espèce
d'état de siège.
Il n'y a rien là qui doive étonner.
Pendant combien d'années en Algérie,*
alors que la conquête-était 1 assurée et
la grande lutte terminée, des agita
tions assez graves se sont produites.
■ Le député hongrois Iranyi a déposé
sa demande de mise en accusation du
ministre Fejervary ; la discussion
aura-lieu le 6 novembre. On ne croit
{tas que la demande soit acceptée par
a Chambre hongroise. Le fait seul du
dépôt n'en témoigne pas moins que
1rs radicaux sont décidés à faire: tous
leurs efforts pour renverser le minis
tère Tisza.
On s'étonnerait que l'Estafette ne fût
point, parmi les feuilles opportunistes,'
la plus ardente à réclamer de la nou
velle Chambre des mesures contre la
liberté de la presse. Le journal de M.
Jules Ferry n'admet pas, on le sait,
qu'on parle de revision. Il est une re
vision qu'il accepte pourtant, qu'il
demande, qu'il exige, c'est celle de la
loi votée en 18.81 sur la. presse. La
République française , elle-même, ne
poursuit pas cette réforme avec autant
de frénésie. Elle a, du moins, la pu
deur de mettre en avant la nécessité,
urgente, dit-elle, de sauvegarder la
bonne tenue, le bon renom, la dignité
de la presse. L'Estafette ne daigne pas
invoquer ce vain prétexte. Elle dirait
volontiers simplement, comme le cy
nique Madier-Montjau : Débarrassons-
nous de ce qui nous gêne !
Et le Journal des Débats , pour n'avoir
point paru aussi pressé, s'attire les
vertes admonestations de l'organe du
blackboulé des Vosges. Le Journal des
Débats s'est avisé de dire, en effet,
qu'évidemment certaines-violences de
langage étaient fort regrettables ;
mais qu'il ne lui semblait pas qu'elles
portassent bonheur à la cause de ceux
qui les employaient; que, par exemple,
à son sentiment, les articles de MM.
Paul de Gassagnac et Henri de Roche*
fort avaient, loin de les servir, plutôt
nui aux conservateurs et aux boulan-
gistes. En conséquence, ajoutait-il;
peut-être.n'^ a-t-il pas lieu d'inaugurer
les travaux de la nouvelle Chambre
par une refonte des lois sur la presse.
Là-dessus, l'Estafette se fâche. Elles
se fâche même tout rouge, ce qui ne
sied guère à un organe se disant
modéré. Elle demande au Journal des
Débats s'il a perdu la mémoire. 11 oublie
donc tout le mal que les violences de
la presse ennemie ont fait au grand
parti républicain. Les illustrations
de ce parti ont été victimes, toutes,
plus ou moins, des fureurs et des
calomnies de la presse. L'Estafette ne
nomme . pas M. Jules Ferry; mais
on sent bien que c'est à son patron
qu'elle songe. Car, pour l'Estafette, si
M. Jules Ferry n'a pu se faire réélire
dans les Vosges, ce n'est point la faute
de,M. Jules ; Ferry; non certes! Ce
n'est point davantage la faute de l'ad
ministration, n'est-ce pas? C'est donc
la faute à la presse ! Par conséquent,
vous voyez bien qu'il faut d'urgence
reviser la loi sur la presse, afin de ne
plus permettre à celle-ci d'empêcher
une seconde fois la réélection du chef
des opportunistes, lorsque la nouvelle
Chambre aura invalidé M«4e comman
dant Picot.
Voilà qui est clair. Et le Journal des
Débats doit se rendre.
P. V.
Tunisie et Abyssinia
Quand il entreprit l'expédition qui
devait aboutir à l'établissement du
protectorat de la France en Tunisie,
M. Jules Ferry semontra-t-il, à l'égard
de l'Italie, d'une loyauté irréprocha
ble? Le Caffaro, de Gênes, et le Pen-
siero, de Nice, l'ont nié; M. Jules
Ferry l'affirme: Qui croire ? >
,L'Univers a déjà fait connaître son
sentiment sur ce point, et l'ancien
ministre ne peut s'en plaindre, car les
journaux conservateurs sont loin d'être
tous aussi prompts que l'Univers à dé
clarer çu'on peut, dans l'espèce, don
ner raison au vaincu de r Saint-Dié.
A: notre ,sëns, il y aurait, pour la
politique française, une attitude meil
leure à prendre que celle à laquelle
M.Jules Ferry s'en est tenu dans sa
lettre à l'Estafette . N'est-il pas évident,
en effet, que, dans la pensée des gal-
lophobès italiens, ce souvenir de l'ex
pédition de Tunis, exploité à propos.,
pourra servir d'argument contre nous
quand on voudra mobiliser les armées
de la triple alliance ? Il faut donc tout
faire pour enlever à l'Italie un prétexte
dont elle abuserait si volontiers.- Or,
pour y parvenir, là défensive servira
peu, et c'est à l'offensive qu'il importe
de recourir. Au lieu de nous borner à
plaider les circonstances atténuantes,
et à demander à l'Italie pardon pour
la liberté grande dont nous avons usé
en convoitant Tunis, que ne lui re
prochons-nous de s'être montrée pour
le moins aussi gourmande que nous-
mêmes, dan£ les actes qu'elle vient
de poser sur le littoral africain de la
mer Rouge ?
Dans le discours que M. Grispi pro
nonçait l'autre jour à Palerme, on a
relevé la plupart des propos tenus par
cet outrecuidant personnage : ni ses
prétentions è la « mégalomanie », ni
ses outrages à la Papauté, ni ses expli
cations sur les tarifs franco-italiens
n'ont passé inaperçus pour la presse
française. Ce qu'il a dit sur la politi
que italienne en Afrique a "seul béné
ficié d'une inattention que nous esti*
mons fâcheuse. II convenait, en effet,
de prendre acte des déclarations de
M. Grispi sur ce point, et sans exami
ner, ce qu'elles ont peut-être de témé
raire, il fallait les retenir pour les op
poser aux gallophobes subalpins le
jour, qui_pourrait être prochain, où ils
rééditeraient le grief qu'ils tirent con
tre nous de notre présence à Tunis.
Certes, l'installation des Italiens en
Ethiopie n'est pas encore aussi affer
mie qu'il leur plaît de le dire. Quand
M. Grispi se flatte d'avoir séduit Méné-
lick, d'avoir ouvert aux émigrants
italiens l'un des plus riches plateaux
du monde, d'être prêt à Contracter un
emprunt^ qui fortifiera le crédit italien
tout en réorganisant les finances abys
sines; quand enfin M. Grispi fait savoir
à l'Europe qu'à l'avenir la politique
extérieure du nouveau négus sera tout
entière aux mains de l'Italie et con^
duite au nom de cette dernière puis
sance, il n'est pas défendu de faire,
en ce langage, la part des nécessités
parlementaires. Trop d'échecs passés
obligent ce ministre à payer d'audace
et, à persuader à ; ses commettants
qu'il a cause gagnée dans l'Afrique
orientale. Admettons cependant que
ce « mégalomane »'n'ait rien exagéré..
Oublions que la politique coloniale
n'a pas aussi promptement réussi' à
d'autres peuples, pourtant moins jeu
nes. Acceptons enfin comme, irrévo
cables les sentiments italophiles que
déclare professer aujourd'hui Méné-
lick, naguère si heureux d'offrir à la
France des fusils et des chevaux qui
figurèrent à l'Elysée, mais qu'on n'y a
plus vus depuis la déconfiture de la
famille Grévy-Wilson.
_ Du moins nous permettra-t-on, ces
diverses concessions faites, d'affirmer
que l'Italie n'a plus désormais à se
plaindre, et que le protectorat de
l'Abyssinia devrait bien compenser à
ses yeux les regrets que lui inspire le
protectorat français de Tunisie. Eh
quoi! Voilà un peuple dont l'unité,
toute récente, n'est pas encore indis
cutée: sans parler des catholiques du
monde entier, pour qui la question
romaine demeure ouverte, il est des
italianissim.es aux yeux desquels la
nationalité n'est pas « rachetée » tout
entière, et qui réclament sans cesse
Trieste etle Trentin;et ce peuple, à
peine établi sur le continent, voit déjà
son pavillon flotter au delà des mers !
Johannès avait d'abord fait la grimace,
mais Menélick, qui lui succède, se li
vre sans conditions! Et tel est ce sin
cère abandon, qu'on n'éprouve par le
besoin, pour lui, de promulguer une
« loi.des garanties » comme on le fit
quand on eut spolié le Pape-Roi!... En
vérité, que veulent de plus les Italiens
les plus avides de gloire, et n'est-ce
pas assez pour leur appétit, que ce
gros morceau qui vient de leur échoir
au prix de sacrifices si minces?
Mais non ! Leur esprit inquiet ne
veut pas voir ces résultats brillants et
tangibles, et ils ne se souviennent que
d'une chose, à savoir l'injure que la
France leur fit, à les en croire, en
imposant au bey le traité du Bardo.
Ce traité, vieux pourtant de huit ans,
leur a laissé des rancunes qui subsis
tent encore, et que le moindre inci
dent suffit à raviver : Manet alla mente
repostum... Cependant, si nous vou
lions raisonner pour l'Abyssinie
comme ils raisonnent, pour Tunis,
cela serait-il malaisé ?
Nous avions, d'après eux,^ moins
d'attaches qu'eux dans la Régence.
En avaient-ils dans l'Amharah, dans
le Tigré, dans le Ghoah ?
Déjà, sur la mer Rouge, ils avaient
Assab. — N'avions-nous pas Obock, et
Tadjourah, et Djiboutil, et Sàgallo
(précisément célèbre par le tort que
nous fîmes aux Russes, un jour que
nous eûmes trop à cœur de ne pàs ir
riter l'Italie) ?
Au service de l'Italie, le comte An-
tonelli et deux autres explorateurs
avaient gravi les contreforts du pla
teau abyssin. Depuis bien plus longr
temps, Henry Lambert, Arnoux, l'ami
ral Fleuriot de Langle, Paul Soleillet,
Denys de Rivoyre, Georges Richard,
n'ont-ils pas fait de même, et stipulé
parfois au nom de la France avec des
chefs indigènes, y compris Ménéliclt,
ce. dernier-né de la famille italienne ?
Des Italiens revendiquent le cardinal
Massaïa, bien que ce glorieux capucin,
dévoué avant tout à l'Eglise, n'ait ja
mais songé à travailler là-bas pour le
profit de l'Italie-ûne. Mais ne pouvons-
nous pas citer, p^rmi les missionnai
res français qui ont évangélisé ces
contrées/:Mgr de Jacobis et Mgr Tau-
rin-Cahagne, qu'aucun scrupule ne
retenait, eux* de favoriser ouvertement
la France ?...
Au total, si nous avons pris à Tunis
la place des Italiens, il est tout aussi
vrai de dire qu'ils ont pris la nôtre en
Abyssinie. S'il.y a une différence, elle
gît uniquement en ceci, que nous
avons à peine pris garde à l'établisse
ment du protectorat italien dans des
contrées où des Français avaient ce
pendant posé plus d'un jalon naguère,
tandis que les Italiens, attentifs à
prendre acte de l'établissement du
nôtre en Tunisie, n'ont cessé de nous
en faire un crime, en attendant que
leur âpre jalousie y trouve un prétexte
à rupture. Cette différence fait plus
d'honneur à notre loyauté qu'à notre
perspicacité. Car, si nous avions pris
la peine de surveiller les agissements
des Italiens en Abyssinie comme ils
ont épié les nôtres dans l'Afrique sep
tentrionale, nous n'eussions pas man
qué d'affirmer" couramment que, si
nous avons usurpé ici, l'Italie mérite
là-bas le même reproche.
Dans ces conditions, les arguments
sont loin de faire défaut, on le voit, à
quiconque éprouvera le besoin de ré
pondre aux criailleries des journaux
italiens que la gallophobie tourmente.
Sans doute, M. Grispi se réserve d'u
tiliser ces feuilles quandM.deBismarck
lui en donnera licence. Mais aussitôt
qu'il leur reprendra fantaisie d'atta
quer notre conduite à Tunis, n'hési
tons plus à leur dire que les Italiens,
depuis qu'ils ont débarqué à Mas-
saouah, ont sur la conscience un poids
non moins lourd à porter. Et lorsque
ces feuilles gallopobes4evront justifier
les agrandissements dont nous les
laissons se vanter, tout porte à croire
qu'elles seront moins hardies à incri
miner les nôtres.
Pour l'instant, il est piquant de voir
M. Jules Ferry puni cette fois encore
par où il a péché. Lui qui, pour battre
en brèche les catholiques, ne craignait
pas, au temps de sa puissance, de dé
naturer odieusement l'histoire et la
doctrine de l'Eglise, il se voit aujour
d'hui réduit à se débattre contre des
récits qu'il estime, sans doute à bon
droit, calomnieux. N'est-ce pas le ta
lion? M. Jules Ferry est ainsi amené
à écrire : « Je sais par expérience qu'il
« n'est point de mensonge, si grossier
« qu'il soit, qui ne puisse s'accréditer
« avec de l'audace. » Cette défense de
sa politique extérieure n'est-elle pas la
condamnation de sa politique inté
rieure? : ,
. P aul T aillez.
Cette Gazette de France est éton
nante. Elle s'avise d'enrégimenter
l'Espérance, Courrier de Nancy t dans les
journaux absolument hostiles à L'idée
d'un parti catholique,et nous lui mon
trons tout un long article qui met à
néant son affirmation trop hardie;
Reconnaît-elle son- erreur? Jamais !
Elle fouille^ avec sa manie des citations
incomplètes, dans de vieux numéros
de Y Espérance, en extrait des frag
ments contre le rouviérisme, le 1 bou-
langismc, la politique de l'équivoque^ et
s'écrie : Voilà qui prouve que l'Espé
rance condamne ou a condamné le
parti catholique. Gela vaut la démons
tration de Sganarelle : Voilà pourquoi
votre fille est muette ; mais c'est moins
gai. '
La même Gazette use de procédés
identiques pour établir que le parti
catholique pose des principes qui écar
teraient de la Chambre MgrFreppel.
Laissons la se livrer à ce jeu, qui
veut être méchant et n'est qu'inno
cent.
La Persécution
: ... LETTRE
D'UN- 8ATH0LIQUE A M, LE;COMTE Ï)E MUN
; Deuxième article
« Au plus fort de la défaite, un cava
lier français, démonté—un cuiras
sier, même, je crois — maintient
debout, contre sa poitrine, un officier
dont la vie coule, par flots rouges,
d'une large plaie. Le soldat, blessé
lui aussi,- enlace du bras gauche ce
jeune homme qui fut son chef et qui
va mourir, et de la main droite il fait
feu, sans cesse, avec la bravoure folle
des désespérés, sur l'ennemi invisible
que l'on devine... Où est le drapeau?...
Ici ! Il tremble, déchiquété, bleu de
poudre,, blanc de poussière, rouge de
sang, entre les doigts frêles du mori
bond.- 1 •
« Et ce soldat, cé héros,va donner son
existence, ses amours, ses espoirs , pour
rester jusqu'à la minute suprême
fidèle à son chef et à son drapeau! ■
« M. de Mun est ce cuirassier-là.
« Alors que l'on a « décloué Jésus-
Christ » pour faire, avec sa croix du
bois pour la laïque, M. de Mun a ra
massé son maître vivant, il l'étreint
contre sa large poitrine, où bat un
cœur plein de loyauté vaillante; il
dédaigne sa propre défense dans la
bataille de la vie, ses intérêts, les gloi
res de ce monde, pour ne songer (ju'au
martyr dont la sueur et le sang l'inon
dent, et à l'étendard sacré dont les
plis retombent sur eux ainsi qu'un lin
ceul.
« Ah! la belle lutte, le noble combat!
Et comme ceux-là mêmes qui ne sont
ni les amis ni les disciples de M. de
Mun saluent dé grand cœur ce chevar
lier qui défend sa France et son
Dieu!...
« Il ne défend pas que cela !
« Il est le tenant — et c'est par là
qu'il est cher à quelques-uns de ses
ennemis — il est le tenant de l'huma
nité tout entière, celui qui pourrait
dire, comme l'écrivain antique : «Je
suis homme, et rien de ce qui est hu
main ne m'est étranger..... »
« ..... Le rôle de M. de Mun dans
l'avenir, je l'ignore.
« Je sais seulement, et ma science
veut s'en tenir là, qu'il sera toujours
bon aux malheureux, pitoyable aux
vaincus, qu'il défendra envers et con
tre tous ses frères en humanité. ?>
Ce portrait du député de Pontivy,
portrait dont nous avons retranché
quelques traits des plus chauds, cha
cun sait qu'il a été buriné dans
les rangs du parti socialiste, par là
main de Mme Séverine. Si les hautes
qualités d'intelligence et de cœur qui
font du comte de Mun une personna
lité si brillante et si attachante tout
ensemble, sont ainsi appréciés même
au camp libre-penseur, s'étonnera-t
on de la confiance enthousiaste qu'el
les provoquent, nous ne dirons pas au
camp des catholiques, qui n'existe pas
encore, mais à ceux qui attendent uu
chef pour en tracer et en occuper l'en
ceinte ?
Nous pouvons l'affirmer avec une
légitime fierté: nous catholiques, nous
avons des hommes. Chacun de nous en
nomme à l'envi, qui par l'élévation de
leur caractère, la portée de leur intel
ligence, l'intensité deleur dévouement,
l'ardeur de leur foi, l'importance et le
nombre des services rendus à la reli
gion et à la patrie, pourraient légiti
mement briguer le grand honneur
et la lourde charge de la direction du
parti catholique. Si leur modestie dé
fend à ces nobles lutteurs une telle
ambition, il est très concevable que
les témoins et les admirateurs de leurs
travaux la conçoivent pour eux.
Mais ce qui importe ici, ce n'est
point de savoir qui a le mieux.mérité
de l'Eglise et de la France, mais qui
est mieux à même de former le parti
catholique et de le conduire.
L'auteur de la brochure : « La Per
sécution » estime que c'est M. le comte
de Mun, et il en donne des raisons
que nous voulons à la fois résumer et
compléter.
La première de ces raisons est la
valeur personnelle de M. de Mun ; la
seconde, c'est la carrière que la Pro
vidence a ouverte devant lui ; la troi
sième est la situation qu'il s'est créée
à la Chambre des députés, où il est le
porte-voix toujours acclamé des catho
liques.
Rappelant la harangue fameuse du
8 juin, après avoir cité la mordante
apostrophé à la gauche : « Vous vou
drez, comme moi, saluer en M. Jules
Ferry le représentant incontestable et
autorisé de la majorité républicaine »,
l'écrivain dit à bon droit à l'orateur :
« Dans ce discours, vous avez parlé
au nom des catholiques, et ils étaient
FEUILLETON DE L'UNIVERS
nu 28 octobre 1889
CAUSERIE SCIENTIFIQUE
C'est un phénomène connu que l'esprit,
en France, court les rues. Il faut l'arrêter
aa passage, ne jamais le poursuivre ; car
alors il fuit, se dérobe, s'évapore.
Telle est, du moins, l'opinion des ex
perts. ;
Que de braves gens, pour avoir quelque
fois rencontré la Fée locale qui court par
les rués de Gastel-Sarrazin ou de Montéli-
mart, sont venus à Paris pour visiter l'Ex
position et lier connaissance avec l'Egérie
de M. Albert Millaud, sur la deuxième
plateforme de la tour Eiffel !
Il suffit de jeter un coup d'œil sur le re
gistre du Figaro de la Jour pour voir
quelle nymphe ont rencontrée là-haut ces
représentants de l'esprit français dans nos
divers chefs-lieux.
Le persévérant échec de tant de bonnes
volontés doit tenir à la tour elle-même ou
& certaines influences magnétiques, élec
triques ou atmosphériques ; à moins qu'il
suffise de pénétrer dans le bureau figariste
pour déraisonner comme un simple Saint-
Genest.
Voici un monsieur qui ne signe pas, ne
vise point à la gloire, veut simplement éton
ner en instruisant.
Il écrit:
« La tour Eiffel, si elle pouvait être figu-
« rée sur le globe terrestre de 40 mètres
< de circonférence situé près de sa base,
« aurait moins d'un millimètre de hauteur,
« exactement 0 m , 003 millièmes , ou l'épais-
< seur d'un cheveu.
a Si ce globe était mille fois plus gros, il
a mesurerait 40 kilomètres de contour, soit
« plus que la Ville dé Paris, et les 300 mè-
« très de la tour y seraient représentés par
« une hauteur de 30 centimètres seule-
« ment.
« Faut-il que nous soyons petits pour la
« trouver si grande I »
Et nous voilà bien renseignés I
Disons d'abord que le globe en question
n'a pas été construit pour avoir 40 mètres
de circonférence, mais pour être à l'échelle
de un millionnième,ce qui correspond à un
contour équatorial de 40 m 06, à quelques
millimètres près.
A cette échelle, 1 millimètre représentant
1 kilomètre, la tour serait figurée, non par
0 m 003 millièmes, ce qui est faux ou ne veut
rien dire, mais par 0 a 0003, à peu de chose
près un tiers de millimètre. Un cheveu!
deux ou trois gros crins de cheyal, oui.
« Si le globe était mille fois'plus gros»...!
Le mot « gros » veut dire, en langage vul«.
gaire, volumineux. Dans ce cas, la circon
férence du globe serait de 400 mètres et
non de 40 kilomètres, puisque les volumes
de deux sphères sont entre eux comme les
cubes des rayons ou des circonférences mé
ridiennes. Mais l'auteur a voulu dire : « Si
le globe était à une échelle 1,000 fois plus
grande » ; ce qui n'est pas du totft la même
chose.
Il est très exact, d'ailleurs, que dans ce
cas, c'est-à-dire avec 40 kilomètres de tour,
le globe serait plus grand que la ville de
Paris, qui n'en a que 27.
Quant à la réflexion qui termine ce petit
mémorandum géométrique, elle rentre
dans la catégorie des saintgenestades. Il
y a beau temps, en effet, qu'une tour de
300 mètres est à peu près 187 fois plus
haute qu'un homme. Ce qui peut nous con
soler, c'est de savoir que le Gaorisankar est
29 fois et demie plus élevé que la tour
Eiffel et que l'homme jouit du même avan
tage h. l'égard du rat d'égout.
Pour des raisons tout aussi concluantes,
le pont des Saint-Pères est environ 300 fois
moins long que
LE PONT PROJETÉ SUR LA MANCHE
- J'ai parlé ici même de ce grand projet au
moment où il venait de recevoir un com
mencement d'exécution. Toutes les études
préliminaires étaient terminées ; les ingé
nieurs connaissaient admirablement le fond
da détroit, étaient prêts à jurer que la ro
che compacte et épaisse ne laisserait ja
mais filtrer une goutte d'eau. On avait tout
calculé, le temps et l'argent nécessaires ;
mais on avait compté sans les Anglais.
Les Anglais ne voulaient pas du tunnel ;
ils tremblaient à la pensée qu'un beau ma-
tin la furia francese pouvait déboucher par
la pçrte britannique et mettre à feu et. à
sang la vieille Angleterre. Les partisans
anglais du tunnel — et ils étaient nombreux
—- riaient de ces folles terreurs. Ils objec
taient qu'on n'était plus ,au temps de la ba
taille d'Hastings, qu'un peuple, n'envahit
pas son voisin sans crier gare, que la France
n'enverrait pas quelques dizaines de mille
guerriers par ce grand tuyau sans qu'on en
Sût quelque chose en Angleterre, que rien
n'était plus facile alors que d'enlever les
rails sur une longueur d'un kilomètre ou
deux, ou même de faire sauter le tunnel .à
son débouché, ou encore de l'inonder. Rien
n'y fit, la peur fut la plus forte et le bill
autorisant les travaux fut rejeté une pre
mière fois le 3 août 1887, une seconde le-27
juin 1888, et tout dernièrement enfin le 13 ;
août 1889.
Mais l'imagination des ingénieurs ne
s'était pas butée à la seule idée du perce
ment d'un tunnel.
Le lecteur n'a pas oublié peut-être le
singulier projet d'un tunnel en tôle d'acier
franchissant le détroit . & 10 ou 15 mètres
au-dessous du niveau, le. plus. bas de la
mer; ce tube gigantesque, véritable, corps
flottant, devait être maintenu sous l'eau à
une hauteur invariable, par. des. chaînes
fixées à des ancres ou à des. blocs de ro
cher. .-Ce système était. moins dangereux
que le premier pour le repos et l'indépen
dance de la fière Albion.
Il tomba, cependant dans l'eau, son élé
ment, sans que je puisse vous dire pour
quoi.
Un ancien projet, longuement et amou
reusement étudié autrefois par Thoméde
Gamond, fut alors repris par MM. Schnei
der, du Greuzot; Hersent, entrepreneur
de travaux publics; Fowler et Baker, ingé
nieurs en chefs des ponts sur le ForLh en
Angleterre.
Il s'agit cette fois d'un pont, d'un vrai
pont, à jeter sur le détroit.
Une société, au capital de 5 millions,
sous le nom de The Channel Bridge and
Railwag Company (Compagnie du pont
et du chemin de fer de la Manche) fut
fondée en 1884. Son conseil d'administra
tion est composé de MM. le comte de
Ghaudordy, ancien ambassadeur ; Philipp
Stanhope, membre de la Chambre des
Communes et frère du ministre i de la
guerre d'Angleterre ; Euverte, ingénieur
métallurgiste ; l'amiral Lagé ; Gay du
Pallaud, directeur de la Société d'étu
des.
La société vient de terminer les travaux
préparatoires. Les immenses progrès ac
complis, dans ces dernières années, par
l'industrie métallurgique rendent facile au
jourd'hui l'exécution d'une, œuvre qui, du
temps > de Thomé de Gamond, — il y a
trente ans à peine devait paraître irré
alisable. ,
La distance à franchir est de 38 kilomè
tres. De France le: pont partira du point
appelé le Cran-aux-QEufs, entre Andres-
selles et le cap Gris-Nez, pour aboutir, en
Angleterre, à Folkestone.
Il s'infléchirait d'abord légèrement vers
l'ouest afin d'utiliser les hauts fonds des
deux bancs de Golbart et de Varne, où la
profondeur n'est que de 7 à 8 mètres. Ces
bancs sont séparés par -une fosse large de
6 kilomètres avec une profondeur de 25 à
27 mètres. Entre le Varne et la côte an
glaise, la profondeur moyenne est de 24
mètres ; elle s'abaisse jusqu'à 55 mètres
entre le Colbart et le Gran-aux-OEafs.
Les piles seront au nombre de 118 ; leur
écartement est fixé à 500 et 300 mètres
pour les grandes travées, à 250 et 100 pour
les petites.
C'est M. Hersent qui a étudié toutes les
questions relatives à la construction et & la
pose des piles.
De ces 118 piles, 14 sont à 5 mètres de
profondeur,86 à. des profondeurs variant|de
10 à 40 mètres, 18 atteignent de 45 à 55
mètres au-dessous du niveau de la mer.
Toutes s'élèveront à 20 mètres au-dessus
des plus hautes marées ; elles auront, au
sommet, 45 mètres de longueur sur 20 de
largeur. Une fois construites, elles seront
entourées d'un enrochement pour éviter les
affouillements.
Le cube total, calculé par M. Hersent,
sera, pour la maçonnerie, de 3,939,600 mè
tres, et pour les caissons de fondation en '
fer et en acier, de 76,309,800 mètres.
La dépense totale, pour les piles seule
ment, a été évaluée à 380 millions ; les tra
vaux dureront dix années.
Les études de superstructure du pont,
c'est-à-dire de la construction et de la pose
des travées métalliques, ont été faites par
M. Schneider, du Greusot.
Les travaux seront exécutés parallèle
ment & ceux de l'infrastructure , qui com
prend tout ce qui regarde les piles.
• Sur les piles en maçonnerie seront fixées
d'autres piles cylindriques en acier, dont
la hauteur variera de 40 à 42 mètres et qui
porteront le tablier. Il y aura ainsi, entre la
mer et le tablier, une hauteur de 60 mèlres,
suffisante pour laisser passer les plus,
grands navires à voiles. Sur ces piles se-;
ront fixées les grandes poutres principales
dont la distance, d'axe en axe, a été fixée
& 25 mètres pour assurer la stabilité du
pont contre la violence des vents. Le ta
blier proprement dit n'aura que 8 mètres
de largeur et portera deux voies, dont les
rails seront enfoncés dans des ornières pour
parer à tout danger de déraillement.
Enfin, le projet va au devant des suscep
tibilités de la craintive Angleterre : les
travées de chaque extrémité seront tour-,
nantes.
Le poids de la superstructure sera de
1 million de t tonnes environ et la dépense
de 480 millions. Avec les 380 millions des
piles, le pont tout entier coûtera donc 860
millions, auxquels il faut ajouter 30 à 40
millions pour les abords et les raccorde *
ments avec les lignes terrestres.
« L'auteur d'un article , qui a paru le 10
courant dans le Correspondant et qui nousi
a fourni les renseignements qui précèdent,
évalue à 4 millions de voyageurs et à
9 millions de tonnes de marchandises
le trafic annuel de la future voie aérienne.
; Ces 9 millions da tonnes correspou-
idraient à un mouvement annuel de 1 million
800,000 wagons, portant chacun 5 tonnes
en moyenne, soit à 57,600 trains de 31
wagons chacun, à raison do 4 trains par
heure, partant de chaque extrémité, pen
dant 300 jours.
Quant à la question financière dans celte,
colossale entrepris, je me garderai d'en
dire un mot, d'abord parce que je n'y en
tends rien..., et cette raison me dispense
d'en avoir d'autres.
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