Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-10-26
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 octobre 1889 26 octobre 1889
Description : 1889/10/26 (Numéro 7968). 1889/10/26 (Numéro 7968).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 26 Octobre iSSf
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRAÎÎ5ER
_ *T BÉPARTSMKNIi (UNION POSTAL!)
Un an. , . . . 55 » 66 »
Six moi», ... 28 50 34 »
Trois mois. . ; 15 » 18 i
^^abonnements partent des i« et 16 de chaque mol*
UN NUMÉRO { Eé^iem 0 ni 3 :
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
R' 706^ J-»".CdWon qv«tlâieBi«
Samedi 26 Octobre ÎSS8
ÉDITION BEMI-OUOTIDIENNB
Un an. ,
Sixmo.j, .
Trois mois.
PARIS
CT DÉPARTEMENTS
, . 30 »
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(UNION POSTAll)
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Les abonnements partent des 1" et 10 de chaque moM
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÀ.NGE, CEllF et G 1 ', 6, place de la Bouts?
niimiwimnii i m iiiiiiirt n nniinm» ihuihiih lOTurwTttini H*ni
FRÀflCl
PARIS, 25 OCTOBRE 1889
C'est bien, comme on l'avait^ an
noncé, le 12 novembre que se réuni
ront les deux Chambres; le conseil
des ministres en a décidé ainsi hier, et
le décret de convocation a. été publié
ce matin par le Journal officiel.
Donc, dans une vingtaine de jours,
la vie parlementaire va recommencer ;
nous ne croyons pas que cette pers
pective cause un grand enthousiasme;
nous ne sommes pas payés en France
{jour avoir grande confiance dans nos
égislateurs de la seconde comme de
la première Chambre.
Si le jeune juif Reinach aime qu'on
parle de lui, il doit être satisfait ; tous
les journaux s'occupent de son impor
tante personne. Seulement, ce n'est
jas purement un concert d'éloges que
)eut entendre le rédacteur en chef de
a République française. Ses projets con-
,re la presse, qu'il veut bâillonner
maintenant qu'il est au pouvoir, lui
valent de vertes-attaques. Il ne fau
drait pas qu'il compte sur ce projet
Ïiour lui donner la succession du. tlé-
unt Gambetta, qu'il a peut-ê^re rêvée
depuis qu'il a trouvé un bourg pourri
dans les Alpes.
Comme on pouvait le prévoir, la
réunion des députés de la droite qui a
eu lieu hier n'a pas eu de résultats *,
ce n'était qu'une réunion prépara
toire. Une autre réunion, plus impor
tante, aura lieu le lendemain de la ren
trée des Chambres. La question de la
suppression des groupes, qui feraient
place à une réunion plénière, a été
posée.
Les républicains affectent de triom
pher des résultats négatifs de la réu
nion ; ils voient déjà la minorité en
pleine division. Ils vont un peu vite et
prennent leurs désirs pour des réalités.
Avant de plaisanter la droite sur ses
divisions, ils devraient constituer leur
grande réunion, toujours vainement
poursuivie.
Quant M. Léon Say fera-t-il son dis
cours-programme? Il faut qu'il se
hâte s'il ne veut pas être lâché par
avance par . tous ceux qui semblaient
devoir marcher avec lui. Ces jours
derniers, c'était M. Ribot qui affichait
un opportuniste de mauvais aloi; hier,
c'est M. Berger qui répudiait la modé
ration qu'on lui avait attribuée. Pour
peu que M. Léon Say tarde, il se trou
vera seul ; or, il n'est pas de taille à
pouvoir dire comme Médée:
Moi seul, et c'est assez.
Les alliés qu'il rêve de recruter dans
la minorité conservatrice ne trouve
raient certainement pas que ce soit
assez.
Aurait-on pu croire qu'en rema
niant et augmentant le3 pensions de
retraite militaire, on était arrivé à
cet étrange résultat que les généraux
de cadre de réserve, encore tenus à
certaines obligations, avaient moins
que les généraux en retraite ? Cette
anomalie va disparaître : M. de Frey-
cinet a préparé un projet de loi pour
cela.
C'est un des rares actes dont nous
{ïouvons féliciter le ministre civil de
a guerre.
Témoignage touchant de l'affection :
de l'Italie pour l'Autriche, son alliée
il est question de délivrer au révolu
tionnaire hongrois Kossuth des lettres
de grande naturalisation, pour en faire
ensuite un sénateur du royaume ita
lien. Pourquoi s'arrêter en si beau
train? Que ne l'envoie-t-on comme
ambassadeur à Vienne ?
Les Tchèques ne renoncent pas à
leurs idées particularismes ; le succès
de M. Tisza, ayant obtenu de substi
tuer l'armée impériale et royale à l'ar
mée autrichienne est bien fait pour
encourager les Tchèques dans leurs
revendications. On verra, par une dé
pêche du Journal des Débats que nous
reproduisons plus loin, qu'un accord
momentané semble s'être fait à ce su
jet entre les vieux et les jeunes Tchè
ques.
C'est une grande manifestation, celle
dont 'l'Univers Tend compté avec un
soin particulier sous ce titre : La France
du travail à Rome. M. Léon Harmel est
bien récompensé du zèle qu'il a mis à
l'organiser. Quand en décembre 1887
le Saint-Père daigna nous dire : « Le
pèlerinage des deux mille ouvriers
français conduit par M. le comte Albert
de Mun et M. Harmel, m'a causé
une vive satisfaction, et je n'oublie
pas que M. Harmel m'en a promis un
autre beaucoup plus nombreux en
core : cinq mille au moins »; nous ré
pondîmes: « Cette promesse sera certai
nement tenue. » Mais, vraiment, nous
n'espérions pas que le « bon père »
pourrait faire les choses aussi bien.
Dix mille pèlerins ouvriers; c'est un
gros chiffre! Si M. Thiers vivait en
core, il devrait reconnaître que les
pèlerinages sont rentrés dans nos
mœurs.
Cette manifestation n'est pas grande
seulement par le nombre des mani
festants et par l'esprit de foi, l'amour
du Saint-Siège dont elle resplendit:
elle l'est ' aussi par sa portée sociale.
L'action catholique, indépendante des
partis politiques, qui devra montrer au
peuple de quel côté le pays et les in
dividus trouveront l'appui nécessaire,
cette action nous la voyons à l'oeuvre
en ce moment à Rome, et au retour
nous la verrons grandir.
Certes, ce n'est pas en vue de former
le parti catholique et de nous donner
celte force que le pèlerinage de la
France du travail s'est organisé. Il est
né d'un élan de piété envers le chef de
l'Eglise, du désir de porter à Léon XIII
des preuves de dévouement et des con
solations. Mais par son caractère pro
pre, par la situation où se trouvent
en France les partis politiques, par les
idées et les besoins sur lesquels néces
sairement il appelle l'attention, il
vient puissamment en aide à l'action
catholique sur tous les terrains.
Il y aura lieu d'examiner de près ces
questions. Pour aujourd'hui, nous vou
lons seulement remercier S. Em. le
cardinal Langénieux de la fermeté avec
laquelle, dans l'adresse qu'il a lue au
Saint-Père, il a indiqué à grands
traits la situation « du monde du tra
vail » et dénoncé « la peste morale qui
l'envahit ». En même temps qu'il a
courageusement, dans un noble lan
gage, flétri le mal, l'éminent prince
de l'Eglise a montré de quelles réfor
mes doit sortir le remède. Ce langage
épiscopal a reçu tout de suite sa
récompense par la réponse du Pape.
Souhaitons qu'il soit connu de la
masse des ouvriers et compris des
classes dirigeantes.-
Dans cette décadence, dans cet
abaissement de tous les partis, que
les catholiques seraient forts s'ils sa
vaient être, avant tout, eux-mêmes et
marcher du même pas!
E ugène V euillot-
Il y aurait bien à dire sur la ma
nière dont l'Estafette, l'organe de M.
Jules Ferry, entend la neutralité de
l'Etat vis-à-vis de l'Eglise. Par « l'école
neutre » nous avons un échantillon du
système. *
^ Toutefois, en parlant de la sépara
tion du domaine civil et du domaine
religieux, Y Estafette déclare qu'elle
n'a pas en vue la séparation de l'E
glise et de l'Etat. Ce serait une bonne
parole si elle était sincère ; quoique,
en fait, la séparation du domaine ci
vil et du domaine religieux ne puisse
aller sans une séparation de l'Eglise et
de l'Etat.
Si l'Estafette voulait seulement dire
distinction du domaine civil et du do
maine religieux, au lieu de séparation,
nous serions d'accord.
Cette distinction,nécessaire en prin
cipe et admise de tout temps, n'en
traîne aucunement, en effet, l'idée
d'une séparation de l'Eglise et de l'E
tat. VEstafette a. raison de dire que la
loi concordataire fournit les conditions
essentielles d'un accord pratique.
C'est, selon son expression, affaire de
bonne volonté réciproque et de bonne
foi. — Rien de plus vrai. — Mais alors,
pourquoi la paix et l'union entre l'E
glise et l'Etat ont-elles été troublées
en France ? Pourquoi y a-t-il conflit,
et non accord ?
L'Estafette doit en savoir quelque
chose. Voilà douze ans que ses amis
sont au pouvoir. Elle les.a vus à l'œu
vre. Tandis qu'elle ne pourrait allér
guer un seul cas dans lequel l'Eglise
aurait violé en quoi que ce soit un
seul des dix-sept articles du Concordat,
nous serions en mesure de lui citer
vingt lois ou mesures émanant du
gouvernement républicain qui sont
autant de violations du Concordat.
Si l'accord est rompu entre l'Eglise
et l'Etat, si la paix est troublée, à qui
la faute, si ce n'est à celle des deux
parties contractantes qui a violé la
convention? :
La Gazette de France s'en va de plus
en plus en guerre contre l'organisa
tion des forces catholiques. Tout lui
est bon pour montrer qu'un parti ca
tholique serait une œuvre détestable
et est, d'ailleurs, une impossibilité.
Si la chose est impossible, pourquoi
tant d'alarme ?
Dans son zèle, qui tient de l'affole
ment et de la plaisanterie,la Gazette en
arrive à démontrer, par de puissants
syllogismes de sa façon, que nous
empêcherions par notre parti catholi
que,: Mgr Freppel d'être élu député.
Cela l'irrite et elle s'écrie :
Ne pas voter pour Mgr Freppel parce
que Mgr Freppel n'est pas pour le pro
gramme de Mun, et voter pour Mermeix
contre Cochin : voilà une politique qui n'est
certes pas « banale » 1
Voilà comment on discute à la Ga
zette ; et rien que dans son dernier
numéro il y a trois ou quatre colonnes
de pareils raisonnements.
députés sont convoqués en session extraor
dinaire pour le 12 novembre 1889.
Art. 2. — Le président du conseil, mi
nistre du commerce, de l'industrie et des
colonies, et lé ministre de l'intérieur sont
chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent décret.
La réunion annoncée des députés
de la minorité conservatrice a eu lieu
hier ; voici le procès-verbal qui nous
est communiqué par le secrétariat
général des droites :
Sur la convocation de son secrétariat gé
néral, la droite• s'est réunie aujourd'hui, à
deux heures, rue de Bourgogne, 3.
Soixante députés étaient présents ; le
secrétariat a déposé en outre sur le bureau
un grand nombre dejlettres d'excuses, uni
quement motivées par des circonstances
locales et l'éloignement de Paris.
La réunion a été présidée par M. de So-
land, doyen d'âge, assisté de MM. le comte
de Luçay, le marquis d'Auray, Sénart et
Dureau, secrétaires généraux, et de Gossel-
lin, secrétaire-adjoint.
• Plusieurs membres ont pris la parole ;
tous ont exprimé la volonté arrêtée de res
ter unis, et leurs déclarations ont recueilli
l'assentiment unanime de leurs collègues.
Il a été décidé qu'une réunion plénière
de la minorité conservatrice aurait lieu le
lendemain de la rentrée des Chambres.
Voici quelques détails complément
taires sur la réunion :
. Parmi les députés présents, on comptait
vingt-trois députés ayant fait partie .de la
dernière Chambre et réélus aux dernières
élections : MM. de Mackau, d'Aillières,
de Lévis-Mirepoix, Taillandier, de La Fer-
ronays, Louis Passy, Du Mesnildot, géné
ral de Frescheville, de Soland, Paulmier,
Mgr Freppel, Delafosse, Bigot, de Mun,
Thellier de Poncheville, de L'Aigle, baron
Reille, Fairé, Daynaud, de Benoist, Blin de
Bourdon, de Larochefoncauld.
Parmi les nouveaux députés se trou
vaient : MM. La Chambre, de Villebois-
Mareuil, Balsan, Hély-d'Oissel, etc.
Mgr Freppel a tout d'abord émis l'avis
que la minorité devait se présenter com
pacte, unie, à la Chambre. En ce qui con
cerne la question des groupes, l'honorable
évôque d'Angers a déclaré qu'un roulement
tout au moins devra être établie en vue de
la composition du bureau du groupe de la
droite. Mgr Freppel estime, en effet, que la
droite ne doit plus former, à l'avenir, qu'un
seul groupe.
M. le duc de La Rochefoucauld, sur ce
dernier point, a formulé quelques réserves,
tout en approuvant le roulement proposé
par Mgr Freppel. ■
La réunion s'est occupée également de
la question des invalidations. Mais, en
l'absence de plus des deux tiers des dépu
tés de la droite, elle a ajourné toute déci
sion.
La réunion a décidé de maintenir le se
crétariat extraparlementaire des droites
tel qu'il existait dans l'ancienne Chambre.
Soixante députés qui avaient été invités
à la réunion tenue aujourd'hui se sont ex
cusés par lettre de ne pouvoir y assister.
Voici le texte du décret de convo
cation des Chambres, qui a paru ce
matin dans le Journal officiel :
Le président de la République française,
Vu l'article 2 de la loi constitutionnelle
da 16 juillet 1875,
Décrète :
Art. 1". — Le Sénat et la Chambre des
Dans le conseil des ministres tenu
hier, on s'est occupé de relever le trai
tement des officiers généraux du ca
dre de réserve.
M. de Freycinet, ministre de la guerre,
disent les journaux officieux, a soumis au
conseil un projet de loi aux termes duquel
les officiers généraux qui entreront dans
le cadre de réserve toucheront une solde
égale au taux de la pension de retraite.
Les "officiers généraux en retraite tou
chent actuellement 1,800 fr. de plus que
ceux placés dans le cadre de réserve. Le
projet de loi élaboré par M. de Freycinet
a pour objet d'égaliser cette situation.
Comme nos affaires sont bien con
duites et nos lois bien faites ? Les offi
ciers généraux en retraite sont absolu
ment libérés de toute obligation envers
l'Etat; ce sont des « créanciers » du
budget; créanciers certes dont les
titres sont des plus respectables, des
mieux fondés. Les généraux de la ré
serve, au contraire, restent à la dis
position du ministre de la guerre ; ils
peuvent, en cas de guerre, être appe
lés à des commandements, même ac
tifs. C'est à un général du cadre de
réserve, d'Aurelles de Paladines, que
la France a dû la victoire de Coul-
miers, et deux généraux de la réserve,
Ladreyt de la Charrière et Camou,
sont glorieusement tombés sous les
murs de Paris.
Or lorsqu'on a augmenté — et l'on a
eu raison de le faire—la pension de re
traite des officiers généraux, on n'a
pas songé au cadre de réserve, de sorte
que des généraux auxquels incom
baient encore des obligations mili
taires se trouvaient dans une position
pécuniaire notablement inférieure à
ceux qui étaient absolument libérés.
Cela explique pourquoi de nombreux
généraux prenaient leur retraite, ce
qui était jadis très rare.
Le ministre civil de la guerre veut
mettre fin à cette situation ; il a raison,
mais elle n'en montre pas moins avec
quelle légèreté se font les lois, même
importantes. ,
Toujours prompte et absolue dans
ses affirmations, la Gazette de France a
fait figurer l'Espérance, Courrier, de
Nancy , parmi les journaux hostiles à
la formation d'un parti catholique.
C'est tout le contraire de la vérité.
Voici le remarquable article que la
feuille catholique de Nancy a publié
sur cette grave question :
Le Parti catholique
Une grosse question s'agite, depuis quel
que temps, déjà, dans la presse religieuse :
Convient-il, est-il possible, est-il urgent,
d'organiser en France un parti catho
lique ?
Avant d'aller plus loin, expliquons en
deux mots ce qu'il faut entendre par les
deux mots que nous soulignons.
C'est un parti qui, sans se désintéresser
le moins du monde de la sécurité, de l'in
fluence et de la prospérité de la patrie, —
sans jamais négliger l'étude et l'application
des réformes sociales, se désintéresserait
des querelles de la politique proprement
dite — et revendiquerait, avant tout, les
droits des familles et des consciences.
Ce parti a déjà existé, sous le gouverne
ment de juillet, et a rendu de grands ser
vices. S'il n'a pu obtenir, pendant ce régi
me, la suppression du monopole universi
taire et la liberté de la vie monacale, il a
préparé les esprits à ce double progrès qui,
sons la république de 1848, s'est facilement
réalisé.
On voit, par ces courtes explications,
combien, dan3 les circonstances présentes,
ce parti est redevenu nécessaire, et quels
obstacles il faut commencer par écarter, si
on veut le rendre possible.
La grande difficulté, nous l'avons dit ré
cemment, vient de nos divisions politiques.
En Belgique, en Allemagne, en Hollande,
dans presque tous les antres pays, un parti
catholique peut se constituer aisément,
parce que. dans tous ces pays, les catholi
ques s'entendent sur la forme du gouver
nement. Leur opposition ne vise jamais
cette forme, mais seulement les hommes
ou les lois, qu'il est toujours facile de chan
ger.
Il n'en est pas de même en France ; et il
a suffi du simple énoncé du projet qui nous
occupe, pour susciter de nombreuses oppo
sitions.
Ce sont les royalistes avant tout qui ré
sistent au mouvement.
A leur avis, la première, ou plutôt la
seule chose à faire, est de ramener la mo
narchie et le roi. Cala fait, disent-ils, tout
le reste suivra.
Le reste suivrait peut-être; mais com*
ment ramener le roi?
On compte les voix obtenues aux récen
tes élections, et l'on trouve que les répu
blicains ont triomphé seulement à 200 ou
300,000 suffrages.
— Vous voyez bien, conclut on de là,
que nous touchons à la victoire. En 1885, il
nous aurait fallu 500,000 voix ; il ne nous
en faut plus que 300,000, malgré l'effrayante
pression officielle de ces derniers jours. En
core un effort, et le but est atteint.
Ce raisonnement manque de base. Tons;
les suffrages donnés anx opposants ne sont
pas des suffrages royalistes. Les candidats
boulangistes se sont dits républicains, et
beaucoup do conservateurs ont été élus,
non pas comme monarchistes, mais parce
qu'ils se sont déclarés résolus à donner an
pays un gouvernement, quel qu'il fût, plus
honnête, plus juste, plus libéral et pins
économe.
Le but est donc pins loin et plus haut
qu'il ne paraît aux esprits intéressés.
Mais, en attendant, le mal se fait ei s'étend.
L'Eglise est privée de sa liberté, la reli
gion de son action, et les âmes se perdent.
Les âmes, l'Eglise, la religion ne. doi
vent-elles point passer avant la politique ?
Quelle est, après tout,''la chose essen
tielle? Que la France vive en paix, honorée,
respectée, grande et glorieuse, et que dans
la France, ainsi remise à sa hauteur, les
Français jouissent de tons leurs droits in
violables et de toutes les libertés légi
times. ......
■ Et voilà précisément ce que le parti
catholique s'efforcerait de leur faire resti
tuer.
A côté des royalistes, des catholiques se
rencontrent qui, libres de toute attache po
litique, hésitent à s'engager en présence
des difficultés qu'ils prévoient.
Un parti catholique, ? d'après ; eux, doit
être placé sous la direction de l'autorité
ecclésiastique. Cela se* peut-il en France?
Nous croyons que cela se pourrait diffi
cilement, pour des motifs inutiles à expo
ser ; mais nous croyons aussi que rien ne
peut empêcher des citoyens et des pères da
famille do s'entendre pour réclameret obte
nir le libre exercice de leurs naturelles
prérogatives. Le parti catholique n'aura
jamais la prétention d'être un parti dogma
tique ou théologique. Il n'empiétera jamais
sur les terres réservées à l'autorité doctri
nale on disciplinaire.
La question se réduit à ceci : le père a-t-
il le droit de défendre l'âme de son enfant?
— le citoyen a-t-il le droit de revendiquer
sa place au foyer de la patrie ?
La seconde observation des hésitants est
plus grave : c'est celle que nous avons rap
pelée nous-mêmes, et qui revient à ceci :
Dans un pays divisé comme le nôtre, en
quatre on cinq partis, dont trois au moins
renferme des catholiques, un parti catho
lique peut-il surgir, vivre et durer ?
Il ne le peut qu'en acceptant sans réserve
et sans arrière-pensée la forme existante
du gouvernement — Ja forme, et non pas
les hommes. C'est ainsi que les choses se
sont passées vers 1840. et c'est encore ainsi
qu'elles devront se passer en 1889, si le
parti catholique entend remplir le rôle au
quel il est appelé, et rendre les services
qu'on peut attendre de lni.
Voici pourquoi : par la force des choses,
le gouvernement républicain étant ce qu'il
est aujourd'hui, hostile aux catholiques iet
à l'Eglise, servilement soumis aux francs-
maçons, le parti catholique devra combattre
beauconp de ses projets et beaucoup de ses
lois. Il est donc essentiel quo le terrain de
la lutte soit nettement délimité. Si on pou
vait nous soupçonner de viser le gouverne
ment lui même, c'est-à-dire le régime, au
lieu de viser exclusivement ses politiciens
incapables et coupables, sa mauvaise et
inique législation scolaire et militaire, notre
inflaence s'en trouverait fort amoindrie, et
les populations hésiteraient à nous suivre.
Pourquoi, aux scrutins des 22 septembre
et 6 octobre, tant d'électeurs chrétiens ont-
ils encore voté pour des candidats libre-
penseurs? C'est que, d'eux-mêmes ou
trompés, ils ont cru en péril la République,
à laquelle ils tiennent toujours. C'est que,
derrière les candidats révisionnistes, leur
apparaissaient, à tort ou à. raison, les can
didats royalistes.
Il importe donc essentiellement de bien
s'expliquer sur ce point.
Un parti catholique est nécessaire, mais
ne se formera, ne vivra et n'exercera une
sérieuse influence qu'en se désintéressant
des luttes politiques. '
Si ce parti s'était ainsi formé il y a un
an^ ou six mois seulement, le résultat des
élections eût été tout autre.
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 26 OCTOBRE 1889
UH ROMAH CHRÉTIEN
Aveu suprême, par M. Alphonse Poirieb,
(Retaux-Bray.)
Si la société française, démoralisée et
découragée par les insolents triomphes de
la démocratie révolutionnaire et du ja
cobinisme athée, ne se laissait pas tom-
. ber en pourriture, l'impnnité républi
caine du roman obscène, pornographique,
infâme, dont les excès s'aggravent d'an
née en année et que les journaux dits
conservateurs ne cessent de porter aux
nues, devrait tourner au profit du roman
chrétien. Il existe — je le croyais du moins
— une limite an delà de laquelle les hon
nêtes gens aperçoivent enfin les effets de
leur curiosité et de leur complaisance; à
peu près comme les conservateurs opti
mistes, sous prétexte d'un essai loyal du
régime républicain, se sont laissé mener
de la république de MM. Thiers et Jules
Simon à celle de MM. Constans et Théve-
net, par cinq ou six de ces gradations que
l'on observe dans les maladies chroniques,
et dont le malade ne se doute que lorsqu'il
meurt.
Les femmes surtout, les femmes que le
sentiment religieux abandonne si rarement,
et qui, même dans leurs faiblesses, sup
pléent & la vertu par la pudeur, devraient,
en présence des ignominies de cette littéra
ture, ressentir un malaise pareil à celui
qu'éprouverait une élégante maîtresse de
maison si,par crânerie de Modernisme, ayant
toléré le fumoir, le cigare et la conversation
entre hommes, elle entendait ses convives,
mal élevés, un peu gris, oubliant qu'elle
les préside et dédaigneux dés nuances,
passer de la liberté à la licence et delà li
cence à l'anarchie, dn sel attique au poivre
de Cayenne, de l'anecdote risquée au gros
mot et du gros mot aux propos de corps
de garde.
Il semblerait naturel que, dans cet état
d'âme, comme on dit aujourd'hui, l'hon
nête femme, chrétienne d'intention et même
de fait, mesurant avec effroi le chemin
parcouru, se demandât comment elle a pu
en arriver là. Elle ne tarderait pas à re
connaître que la morale sans religion est
comme une place démantelée, comme une
ville ouverte, où les assiégés, faute d'être
défendus, finissent par devenir complices
des assiégeants. Se remémorant, un à un,
les livres qu'elle a eu le tort de lire, elle
verrait qu'il est bien rare que les obsénités
n'y soient pas entremêlées de grossières
impiétés ; car le vice est lâche ; il a be
soin d'être incrédule pour ne pas avoir
peur. Dès lors, elle se dirait, pourvu qu'elle
eût quelques facultés d'analyse, — et qui
en a plus que les femmes, presque toujours
forcées de vivre, de penser, de rêver dans
la demi-teinte, de se laisser deviner quand
elle craignent de ne pas être comprises,
d'observer en .dessous lorsqu'elles n'osent
regarder en face, de se replier sur elles-
mêmes et de prendre, dans le monde inté
rieur, leur revanche de ce qui leur manque
au dehors ?— « puisque notre époque et
notre société frivole ne peuvent se passer de
romans, est il donc absolument impossible
que la religion accorde d'une part aux ro
manciers ce qu'elle leur interdit de l'autre?
Elle proscrit la passion coupable et triom
phante, mais non pas la lutte de cette pas
sion contre le devoir, pourvu qu'elle soit
vaincue. Elle subordonne l'amour à la loi
divine; est-ce une raison pour qu'elle le
supprime ? Ne possède-t-elle pas, cent fois
mieux que le roman, brutal, licencieux et
matérialiste, la casuistique de la conscience
et du cœur, le secret de ces délicatesses de
sentiment qui ont tant de charme pour les
natures d'élite, et dont les mauvaises lec
tures m'ont fait perdre l'habitude ? Si elle
prohibe les peintures lascives, l'étalage du
nu et les scènes érotiques, n'est-ce pas un
immense service qu'elle nous rend, même
au point de vue littéraire ou mondain, et
ne devons-nous pas être fières qu'elle re
fuse de nous mettre au même régime que
les libertins blasés, les drôlesses, les cher
cheurs de truffes et les étudiants de quin
zième année ?»
D'ailleurs, la religion est-elle si exi
geante ? Demande-t-elle à dominer le ro
man au point de l'absorber tont entier, de lui
imposer ses cérémonies,ses dogmes,ses mys
tères, ses sacrements, ses miracles? Non, si
elle est souveraine quand elle parle en chaire,
par la voix de ses prédicateurs, si elle a
inspiré toute une bibliothèque de livres,
dont bien des pages, par parenthèse, se
raient intéressantes et instructives même
pour les lecteurs laïques, elle sait que, dans
le domaine du roman, elle sera d'autant
plus persuasive qu'elle sera plus discrète
à peu près comme ces femmes pieuses qui
font et reçoivent des visites, vont dans le
monde, causent avec leurs amie, ne dédai
gnent pas d'avoir de l'esprit, sans qu'on se
doute que, le matin, elles sont allées enten
dre la première messe, soigner les malades
et visiter les pauvres. Il suffit que l'on de
vine, & chaque page, sa présence, comme
se devine, à son parfum, la fleur cachée
sous le gazon. On sait qu'elle est là, gar
dienne vigilante de la sécurité du lecteur,
attentive à écarter tous les éléments d'inté
rêt empruntés aux sources impures où s'a
breuve le roman moderne. Si un des per
sonnages a la conscience tourmentée par une
faute grave, soyez certain que ce n'est pas
de celles que l'on ne pourrait expliquer sans
troubler les imaginations virginales ; s'il a
commis cette faute, s'il a indéfiniment retardé
l'heure de l 'aveu c'est qu'il s'était détourné
de la religion qui aurait purifié ses remords
changés en repentir. Si un autre acteur du
drame pratique -, dans toute son austère
beauté, l'esprit de sacrifice et renonce au
bonheur par dévouement à son ami, vous
n'aurez pas à chercher bien loin le secret
de cette abnégation héroïque. Est-ce à dire
que,dans ces conditions, le roman sera
ennuyeux ? Non, mille fois non ; et je
n'en veux pour preuve qu'Aveu suprême , de
M. Alphonse Poirier.
Nous sommes & Saint-Feuillac, une de
ces modestes plages que dédaignent les
élégants habitués de Dieppe ou de Trou-
ville, et où de petits rentiers, des bourgeois
économes, des capitaines en retraite, des
mamans en quête de maris pour des filles
sans dot, vont chercher, à peu de frais, un
air pur, de vastes horizons, des bains de
mer, des distractions modérées, le plai
sir de voir des figures nouvelles, et souvent
le plaisir non moins vif d'être hors de chez
eux. Cette fois pourtant, deux jeunes gens,
Sylvain Dordand et Norbert Lestrange, se
détachent en relief sur le personnel ordi
naire et très ordinaire de ces rendez-vous
aquatiques. Sylvain est un paysagiste;
Norbert, dilettante plutôt qu'artiste, est
supérieur & son ami par la culture de l'es
prit, l'éducation, les qualités de l'intelli
gence et de l'âme.
L'auteur décrit à merveille les divers
membres de la colonie rassemhlée dans
l'unique hôtel de Saint-Feuillac, — l'hôtel
du Pot d'Etain. Voici d'abord Mme Le-
brouffais, flanquée de ses deux filles, la su
perbe Athénaïs et l'humble Cécile, la tulipe
et la violette ; la vieille fille au carlin, les
deux Anglais à mâchoires de requin, etc.,
etc., etc... Mme Lebrouffais, prétentieuse,
fardée, plâtrée, maquillée, minaudière,
habillée de couleurs voyantes, n'a pas re
noncé à plaire ; mais, pour le moment, sa
grande affaire est de marier Athénaïs ; après
quelques essais malheureux, elle a enfin
rencontré le phénix des futurs maris en la
personne de haut et puissant hidalgo mar
quis de Tres-Villas, <* très joli garçon, vêtu
à la dernière mode, un œillet rouge à la
boutonnière », possédant, disait-on, palais
et châteaux de l'autre côté des Pyrénées,
et heureux de mettre tous ses trésors aux
pieds de la belle Athénaïs, qui, provisoire
ment, en abuse pour flirter avec un entrain
compromettant.
A quelques kilomètres de l'établissement
de bains, voici un chalet habité par le doc
teur Nevers et par sa fille Madeleine.
Elle est exquise, cette Madeleine, et je
lui dois d'avoir compris, en avançant dans
ma lecture, qu 'Aveu suprême n'est pas seu
lement un roman [honnête, irréprochable,
mais aussi un roman chrétien. La beauté
de Madeleine n'est que le reflet de sa belle
âme, et cette âme mêle un sentiment re
ligieux à ses tendresses filiales, à ses
amours virginales, à tous les actes de sa
vie. Sa piété prête un rayonnement à son
doux visage. C'est comme une lumière con
tenue dans l'albâtre et éclairant à la fois
la lampe qui la renferme et les objets qui
l'entourent. Plus tard, quand viendront les
heures d'épreuve, c'est la prière qui lui
donnera la résignation et le courage. En
saluant ohaque trait de ce délicieux carac
tère, je me disais pour la centième fois : « Si
le Roman était ce qu'il doit être, la plus
précieuse de ses [prérogatives, le plus en
viable de ses privilèges serait de nous faire
vivre dans un monde préférable au nôtre,
au milieu de figures plus aimables, dans
une atmosphère plus pure et plus saine.
Nous avons beau choisir avec scru
pule nos amis et connaissances, éviter de
notre mieux les conversations scabreuses,
offensives on vulgaires. A chaque instant,
dans la vie ordinaire, nous nous heurtons
à quelque détail désagréable, à quelque
laideur morale, à un de ces défauts de ca
ractère beaucoup moins fâcheux pour leur
propriétaire que pour leurs victimes. Nous
sommes froissés par un propos grossier,
une plaisanterie banale. Nous souffrons,
comme souffre un mélomane délicat forcé
d'entendre de la mauvaise musique, ou ce
qui est pire, de la bonne mnsique mal
chantée. C'est alors que le roman, s'il était
fidèle à ses attributions,—je dirai presque
à l'étymologie de son nom, — viendrait à
notre aide ; la fiction nous indemniserait do
la réalité. Pourquoi pas? quand vous qua
lifiez une personne de romanesque, cette
épithète signifie-t-elle que, se trouvant trop
heureuse en ce monde, environnée de trop
de vertus, d'âmes d'élite, de modèles de
sensibilité et de bonté, d'esprits supérieurs
ou chevaleresques attentifs à lui plaire,
elle promène son imagination vers les excès
contraires, que constamment nourrie de
friandises, elle rêve d'un morceau de pain
noir, moisi, trempé dans la boue pour lui
donner plus de saveur? qu'elle demande à
la destinée pourquoi elle ne l'a pas fait
naître parmi les voleurs, les escrocs, les
souteneurs, les - escarpes, les faussaires et
les filles de trottoir ? Nous-mêmes, si nous
étouffons dans notre chambre et si noua
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRAÎÎ5ER
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Un an. , . . . 55 » 66 »
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÀ.NGE, CEllF et G 1 ', 6, place de la Bouts?
niimiwimnii i m iiiiiiirt n nniinm» ihuihiih lOTurwTttini H*ni
FRÀflCl
PARIS, 25 OCTOBRE 1889
C'est bien, comme on l'avait^ an
noncé, le 12 novembre que se réuni
ront les deux Chambres; le conseil
des ministres en a décidé ainsi hier, et
le décret de convocation a. été publié
ce matin par le Journal officiel.
Donc, dans une vingtaine de jours,
la vie parlementaire va recommencer ;
nous ne croyons pas que cette pers
pective cause un grand enthousiasme;
nous ne sommes pas payés en France
{jour avoir grande confiance dans nos
égislateurs de la seconde comme de
la première Chambre.
Si le jeune juif Reinach aime qu'on
parle de lui, il doit être satisfait ; tous
les journaux s'occupent de son impor
tante personne. Seulement, ce n'est
jas purement un concert d'éloges que
)eut entendre le rédacteur en chef de
a République française. Ses projets con-
,re la presse, qu'il veut bâillonner
maintenant qu'il est au pouvoir, lui
valent de vertes-attaques. Il ne fau
drait pas qu'il compte sur ce projet
Ïiour lui donner la succession du. tlé-
unt Gambetta, qu'il a peut-ê^re rêvée
depuis qu'il a trouvé un bourg pourri
dans les Alpes.
Comme on pouvait le prévoir, la
réunion des députés de la droite qui a
eu lieu hier n'a pas eu de résultats *,
ce n'était qu'une réunion prépara
toire. Une autre réunion, plus impor
tante, aura lieu le lendemain de la ren
trée des Chambres. La question de la
suppression des groupes, qui feraient
place à une réunion plénière, a été
posée.
Les républicains affectent de triom
pher des résultats négatifs de la réu
nion ; ils voient déjà la minorité en
pleine division. Ils vont un peu vite et
prennent leurs désirs pour des réalités.
Avant de plaisanter la droite sur ses
divisions, ils devraient constituer leur
grande réunion, toujours vainement
poursuivie.
Quant M. Léon Say fera-t-il son dis
cours-programme? Il faut qu'il se
hâte s'il ne veut pas être lâché par
avance par . tous ceux qui semblaient
devoir marcher avec lui. Ces jours
derniers, c'était M. Ribot qui affichait
un opportuniste de mauvais aloi; hier,
c'est M. Berger qui répudiait la modé
ration qu'on lui avait attribuée. Pour
peu que M. Léon Say tarde, il se trou
vera seul ; or, il n'est pas de taille à
pouvoir dire comme Médée:
Moi seul, et c'est assez.
Les alliés qu'il rêve de recruter dans
la minorité conservatrice ne trouve
raient certainement pas que ce soit
assez.
Aurait-on pu croire qu'en rema
niant et augmentant le3 pensions de
retraite militaire, on était arrivé à
cet étrange résultat que les généraux
de cadre de réserve, encore tenus à
certaines obligations, avaient moins
que les généraux en retraite ? Cette
anomalie va disparaître : M. de Frey-
cinet a préparé un projet de loi pour
cela.
C'est un des rares actes dont nous
{ïouvons féliciter le ministre civil de
a guerre.
Témoignage touchant de l'affection :
de l'Italie pour l'Autriche, son alliée
il est question de délivrer au révolu
tionnaire hongrois Kossuth des lettres
de grande naturalisation, pour en faire
ensuite un sénateur du royaume ita
lien. Pourquoi s'arrêter en si beau
train? Que ne l'envoie-t-on comme
ambassadeur à Vienne ?
Les Tchèques ne renoncent pas à
leurs idées particularismes ; le succès
de M. Tisza, ayant obtenu de substi
tuer l'armée impériale et royale à l'ar
mée autrichienne est bien fait pour
encourager les Tchèques dans leurs
revendications. On verra, par une dé
pêche du Journal des Débats que nous
reproduisons plus loin, qu'un accord
momentané semble s'être fait à ce su
jet entre les vieux et les jeunes Tchè
ques.
C'est une grande manifestation, celle
dont 'l'Univers Tend compté avec un
soin particulier sous ce titre : La France
du travail à Rome. M. Léon Harmel est
bien récompensé du zèle qu'il a mis à
l'organiser. Quand en décembre 1887
le Saint-Père daigna nous dire : « Le
pèlerinage des deux mille ouvriers
français conduit par M. le comte Albert
de Mun et M. Harmel, m'a causé
une vive satisfaction, et je n'oublie
pas que M. Harmel m'en a promis un
autre beaucoup plus nombreux en
core : cinq mille au moins »; nous ré
pondîmes: « Cette promesse sera certai
nement tenue. » Mais, vraiment, nous
n'espérions pas que le « bon père »
pourrait faire les choses aussi bien.
Dix mille pèlerins ouvriers; c'est un
gros chiffre! Si M. Thiers vivait en
core, il devrait reconnaître que les
pèlerinages sont rentrés dans nos
mœurs.
Cette manifestation n'est pas grande
seulement par le nombre des mani
festants et par l'esprit de foi, l'amour
du Saint-Siège dont elle resplendit:
elle l'est ' aussi par sa portée sociale.
L'action catholique, indépendante des
partis politiques, qui devra montrer au
peuple de quel côté le pays et les in
dividus trouveront l'appui nécessaire,
cette action nous la voyons à l'oeuvre
en ce moment à Rome, et au retour
nous la verrons grandir.
Certes, ce n'est pas en vue de former
le parti catholique et de nous donner
celte force que le pèlerinage de la
France du travail s'est organisé. Il est
né d'un élan de piété envers le chef de
l'Eglise, du désir de porter à Léon XIII
des preuves de dévouement et des con
solations. Mais par son caractère pro
pre, par la situation où se trouvent
en France les partis politiques, par les
idées et les besoins sur lesquels néces
sairement il appelle l'attention, il
vient puissamment en aide à l'action
catholique sur tous les terrains.
Il y aura lieu d'examiner de près ces
questions. Pour aujourd'hui, nous vou
lons seulement remercier S. Em. le
cardinal Langénieux de la fermeté avec
laquelle, dans l'adresse qu'il a lue au
Saint-Père, il a indiqué à grands
traits la situation « du monde du tra
vail » et dénoncé « la peste morale qui
l'envahit ». En même temps qu'il a
courageusement, dans un noble lan
gage, flétri le mal, l'éminent prince
de l'Eglise a montré de quelles réfor
mes doit sortir le remède. Ce langage
épiscopal a reçu tout de suite sa
récompense par la réponse du Pape.
Souhaitons qu'il soit connu de la
masse des ouvriers et compris des
classes dirigeantes.-
Dans cette décadence, dans cet
abaissement de tous les partis, que
les catholiques seraient forts s'ils sa
vaient être, avant tout, eux-mêmes et
marcher du même pas!
E ugène V euillot-
Il y aurait bien à dire sur la ma
nière dont l'Estafette, l'organe de M.
Jules Ferry, entend la neutralité de
l'Etat vis-à-vis de l'Eglise. Par « l'école
neutre » nous avons un échantillon du
système. *
^ Toutefois, en parlant de la sépara
tion du domaine civil et du domaine
religieux, Y Estafette déclare qu'elle
n'a pas en vue la séparation de l'E
glise et de l'Etat. Ce serait une bonne
parole si elle était sincère ; quoique,
en fait, la séparation du domaine ci
vil et du domaine religieux ne puisse
aller sans une séparation de l'Eglise et
de l'Etat.
Si l'Estafette voulait seulement dire
distinction du domaine civil et du do
maine religieux, au lieu de séparation,
nous serions d'accord.
Cette distinction,nécessaire en prin
cipe et admise de tout temps, n'en
traîne aucunement, en effet, l'idée
d'une séparation de l'Eglise et de l'E
tat. VEstafette a. raison de dire que la
loi concordataire fournit les conditions
essentielles d'un accord pratique.
C'est, selon son expression, affaire de
bonne volonté réciproque et de bonne
foi. — Rien de plus vrai. — Mais alors,
pourquoi la paix et l'union entre l'E
glise et l'Etat ont-elles été troublées
en France ? Pourquoi y a-t-il conflit,
et non accord ?
L'Estafette doit en savoir quelque
chose. Voilà douze ans que ses amis
sont au pouvoir. Elle les.a vus à l'œu
vre. Tandis qu'elle ne pourrait allér
guer un seul cas dans lequel l'Eglise
aurait violé en quoi que ce soit un
seul des dix-sept articles du Concordat,
nous serions en mesure de lui citer
vingt lois ou mesures émanant du
gouvernement républicain qui sont
autant de violations du Concordat.
Si l'accord est rompu entre l'Eglise
et l'Etat, si la paix est troublée, à qui
la faute, si ce n'est à celle des deux
parties contractantes qui a violé la
convention? :
La Gazette de France s'en va de plus
en plus en guerre contre l'organisa
tion des forces catholiques. Tout lui
est bon pour montrer qu'un parti ca
tholique serait une œuvre détestable
et est, d'ailleurs, une impossibilité.
Si la chose est impossible, pourquoi
tant d'alarme ?
Dans son zèle, qui tient de l'affole
ment et de la plaisanterie,la Gazette en
arrive à démontrer, par de puissants
syllogismes de sa façon, que nous
empêcherions par notre parti catholi
que,: Mgr Freppel d'être élu député.
Cela l'irrite et elle s'écrie :
Ne pas voter pour Mgr Freppel parce
que Mgr Freppel n'est pas pour le pro
gramme de Mun, et voter pour Mermeix
contre Cochin : voilà une politique qui n'est
certes pas « banale » 1
Voilà comment on discute à la Ga
zette ; et rien que dans son dernier
numéro il y a trois ou quatre colonnes
de pareils raisonnements.
députés sont convoqués en session extraor
dinaire pour le 12 novembre 1889.
Art. 2. — Le président du conseil, mi
nistre du commerce, de l'industrie et des
colonies, et lé ministre de l'intérieur sont
chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent décret.
La réunion annoncée des députés
de la minorité conservatrice a eu lieu
hier ; voici le procès-verbal qui nous
est communiqué par le secrétariat
général des droites :
Sur la convocation de son secrétariat gé
néral, la droite• s'est réunie aujourd'hui, à
deux heures, rue de Bourgogne, 3.
Soixante députés étaient présents ; le
secrétariat a déposé en outre sur le bureau
un grand nombre dejlettres d'excuses, uni
quement motivées par des circonstances
locales et l'éloignement de Paris.
La réunion a été présidée par M. de So-
land, doyen d'âge, assisté de MM. le comte
de Luçay, le marquis d'Auray, Sénart et
Dureau, secrétaires généraux, et de Gossel-
lin, secrétaire-adjoint.
• Plusieurs membres ont pris la parole ;
tous ont exprimé la volonté arrêtée de res
ter unis, et leurs déclarations ont recueilli
l'assentiment unanime de leurs collègues.
Il a été décidé qu'une réunion plénière
de la minorité conservatrice aurait lieu le
lendemain de la rentrée des Chambres.
Voici quelques détails complément
taires sur la réunion :
. Parmi les députés présents, on comptait
vingt-trois députés ayant fait partie .de la
dernière Chambre et réélus aux dernières
élections : MM. de Mackau, d'Aillières,
de Lévis-Mirepoix, Taillandier, de La Fer-
ronays, Louis Passy, Du Mesnildot, géné
ral de Frescheville, de Soland, Paulmier,
Mgr Freppel, Delafosse, Bigot, de Mun,
Thellier de Poncheville, de L'Aigle, baron
Reille, Fairé, Daynaud, de Benoist, Blin de
Bourdon, de Larochefoncauld.
Parmi les nouveaux députés se trou
vaient : MM. La Chambre, de Villebois-
Mareuil, Balsan, Hély-d'Oissel, etc.
Mgr Freppel a tout d'abord émis l'avis
que la minorité devait se présenter com
pacte, unie, à la Chambre. En ce qui con
cerne la question des groupes, l'honorable
évôque d'Angers a déclaré qu'un roulement
tout au moins devra être établie en vue de
la composition du bureau du groupe de la
droite. Mgr Freppel estime, en effet, que la
droite ne doit plus former, à l'avenir, qu'un
seul groupe.
M. le duc de La Rochefoucauld, sur ce
dernier point, a formulé quelques réserves,
tout en approuvant le roulement proposé
par Mgr Freppel. ■
La réunion s'est occupée également de
la question des invalidations. Mais, en
l'absence de plus des deux tiers des dépu
tés de la droite, elle a ajourné toute déci
sion.
La réunion a décidé de maintenir le se
crétariat extraparlementaire des droites
tel qu'il existait dans l'ancienne Chambre.
Soixante députés qui avaient été invités
à la réunion tenue aujourd'hui se sont ex
cusés par lettre de ne pouvoir y assister.
Voici le texte du décret de convo
cation des Chambres, qui a paru ce
matin dans le Journal officiel :
Le président de la République française,
Vu l'article 2 de la loi constitutionnelle
da 16 juillet 1875,
Décrète :
Art. 1". — Le Sénat et la Chambre des
Dans le conseil des ministres tenu
hier, on s'est occupé de relever le trai
tement des officiers généraux du ca
dre de réserve.
M. de Freycinet, ministre de la guerre,
disent les journaux officieux, a soumis au
conseil un projet de loi aux termes duquel
les officiers généraux qui entreront dans
le cadre de réserve toucheront une solde
égale au taux de la pension de retraite.
Les "officiers généraux en retraite tou
chent actuellement 1,800 fr. de plus que
ceux placés dans le cadre de réserve. Le
projet de loi élaboré par M. de Freycinet
a pour objet d'égaliser cette situation.
Comme nos affaires sont bien con
duites et nos lois bien faites ? Les offi
ciers généraux en retraite sont absolu
ment libérés de toute obligation envers
l'Etat; ce sont des « créanciers » du
budget; créanciers certes dont les
titres sont des plus respectables, des
mieux fondés. Les généraux de la ré
serve, au contraire, restent à la dis
position du ministre de la guerre ; ils
peuvent, en cas de guerre, être appe
lés à des commandements, même ac
tifs. C'est à un général du cadre de
réserve, d'Aurelles de Paladines, que
la France a dû la victoire de Coul-
miers, et deux généraux de la réserve,
Ladreyt de la Charrière et Camou,
sont glorieusement tombés sous les
murs de Paris.
Or lorsqu'on a augmenté — et l'on a
eu raison de le faire—la pension de re
traite des officiers généraux, on n'a
pas songé au cadre de réserve, de sorte
que des généraux auxquels incom
baient encore des obligations mili
taires se trouvaient dans une position
pécuniaire notablement inférieure à
ceux qui étaient absolument libérés.
Cela explique pourquoi de nombreux
généraux prenaient leur retraite, ce
qui était jadis très rare.
Le ministre civil de la guerre veut
mettre fin à cette situation ; il a raison,
mais elle n'en montre pas moins avec
quelle légèreté se font les lois, même
importantes. ,
Toujours prompte et absolue dans
ses affirmations, la Gazette de France a
fait figurer l'Espérance, Courrier, de
Nancy , parmi les journaux hostiles à
la formation d'un parti catholique.
C'est tout le contraire de la vérité.
Voici le remarquable article que la
feuille catholique de Nancy a publié
sur cette grave question :
Le Parti catholique
Une grosse question s'agite, depuis quel
que temps, déjà, dans la presse religieuse :
Convient-il, est-il possible, est-il urgent,
d'organiser en France un parti catho
lique ?
Avant d'aller plus loin, expliquons en
deux mots ce qu'il faut entendre par les
deux mots que nous soulignons.
C'est un parti qui, sans se désintéresser
le moins du monde de la sécurité, de l'in
fluence et de la prospérité de la patrie, —
sans jamais négliger l'étude et l'application
des réformes sociales, se désintéresserait
des querelles de la politique proprement
dite — et revendiquerait, avant tout, les
droits des familles et des consciences.
Ce parti a déjà existé, sous le gouverne
ment de juillet, et a rendu de grands ser
vices. S'il n'a pu obtenir, pendant ce régi
me, la suppression du monopole universi
taire et la liberté de la vie monacale, il a
préparé les esprits à ce double progrès qui,
sons la république de 1848, s'est facilement
réalisé.
On voit, par ces courtes explications,
combien, dan3 les circonstances présentes,
ce parti est redevenu nécessaire, et quels
obstacles il faut commencer par écarter, si
on veut le rendre possible.
La grande difficulté, nous l'avons dit ré
cemment, vient de nos divisions politiques.
En Belgique, en Allemagne, en Hollande,
dans presque tous les antres pays, un parti
catholique peut se constituer aisément,
parce que. dans tous ces pays, les catholi
ques s'entendent sur la forme du gouver
nement. Leur opposition ne vise jamais
cette forme, mais seulement les hommes
ou les lois, qu'il est toujours facile de chan
ger.
Il n'en est pas de même en France ; et il
a suffi du simple énoncé du projet qui nous
occupe, pour susciter de nombreuses oppo
sitions.
Ce sont les royalistes avant tout qui ré
sistent au mouvement.
A leur avis, la première, ou plutôt la
seule chose à faire, est de ramener la mo
narchie et le roi. Cala fait, disent-ils, tout
le reste suivra.
Le reste suivrait peut-être; mais com*
ment ramener le roi?
On compte les voix obtenues aux récen
tes élections, et l'on trouve que les répu
blicains ont triomphé seulement à 200 ou
300,000 suffrages.
— Vous voyez bien, conclut on de là,
que nous touchons à la victoire. En 1885, il
nous aurait fallu 500,000 voix ; il ne nous
en faut plus que 300,000, malgré l'effrayante
pression officielle de ces derniers jours. En
core un effort, et le but est atteint.
Ce raisonnement manque de base. Tons;
les suffrages donnés anx opposants ne sont
pas des suffrages royalistes. Les candidats
boulangistes se sont dits républicains, et
beaucoup do conservateurs ont été élus,
non pas comme monarchistes, mais parce
qu'ils se sont déclarés résolus à donner an
pays un gouvernement, quel qu'il fût, plus
honnête, plus juste, plus libéral et pins
économe.
Le but est donc pins loin et plus haut
qu'il ne paraît aux esprits intéressés.
Mais, en attendant, le mal se fait ei s'étend.
L'Eglise est privée de sa liberté, la reli
gion de son action, et les âmes se perdent.
Les âmes, l'Eglise, la religion ne. doi
vent-elles point passer avant la politique ?
Quelle est, après tout,''la chose essen
tielle? Que la France vive en paix, honorée,
respectée, grande et glorieuse, et que dans
la France, ainsi remise à sa hauteur, les
Français jouissent de tons leurs droits in
violables et de toutes les libertés légi
times. ......
■ Et voilà précisément ce que le parti
catholique s'efforcerait de leur faire resti
tuer.
A côté des royalistes, des catholiques se
rencontrent qui, libres de toute attache po
litique, hésitent à s'engager en présence
des difficultés qu'ils prévoient.
Un parti catholique, ? d'après ; eux, doit
être placé sous la direction de l'autorité
ecclésiastique. Cela se* peut-il en France?
Nous croyons que cela se pourrait diffi
cilement, pour des motifs inutiles à expo
ser ; mais nous croyons aussi que rien ne
peut empêcher des citoyens et des pères da
famille do s'entendre pour réclameret obte
nir le libre exercice de leurs naturelles
prérogatives. Le parti catholique n'aura
jamais la prétention d'être un parti dogma
tique ou théologique. Il n'empiétera jamais
sur les terres réservées à l'autorité doctri
nale on disciplinaire.
La question se réduit à ceci : le père a-t-
il le droit de défendre l'âme de son enfant?
— le citoyen a-t-il le droit de revendiquer
sa place au foyer de la patrie ?
La seconde observation des hésitants est
plus grave : c'est celle que nous avons rap
pelée nous-mêmes, et qui revient à ceci :
Dans un pays divisé comme le nôtre, en
quatre on cinq partis, dont trois au moins
renferme des catholiques, un parti catho
lique peut-il surgir, vivre et durer ?
Il ne le peut qu'en acceptant sans réserve
et sans arrière-pensée la forme existante
du gouvernement — Ja forme, et non pas
les hommes. C'est ainsi que les choses se
sont passées vers 1840. et c'est encore ainsi
qu'elles devront se passer en 1889, si le
parti catholique entend remplir le rôle au
quel il est appelé, et rendre les services
qu'on peut attendre de lni.
Voici pourquoi : par la force des choses,
le gouvernement républicain étant ce qu'il
est aujourd'hui, hostile aux catholiques iet
à l'Eglise, servilement soumis aux francs-
maçons, le parti catholique devra combattre
beauconp de ses projets et beaucoup de ses
lois. Il est donc essentiel quo le terrain de
la lutte soit nettement délimité. Si on pou
vait nous soupçonner de viser le gouverne
ment lui même, c'est-à-dire le régime, au
lieu de viser exclusivement ses politiciens
incapables et coupables, sa mauvaise et
inique législation scolaire et militaire, notre
inflaence s'en trouverait fort amoindrie, et
les populations hésiteraient à nous suivre.
Pourquoi, aux scrutins des 22 septembre
et 6 octobre, tant d'électeurs chrétiens ont-
ils encore voté pour des candidats libre-
penseurs? C'est que, d'eux-mêmes ou
trompés, ils ont cru en péril la République,
à laquelle ils tiennent toujours. C'est que,
derrière les candidats révisionnistes, leur
apparaissaient, à tort ou à. raison, les can
didats royalistes.
Il importe donc essentiellement de bien
s'expliquer sur ce point.
Un parti catholique est nécessaire, mais
ne se formera, ne vivra et n'exercera une
sérieuse influence qu'en se désintéressant
des luttes politiques. '
Si ce parti s'était ainsi formé il y a un
an^ ou six mois seulement, le résultat des
élections eût été tout autre.
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 26 OCTOBRE 1889
UH ROMAH CHRÉTIEN
Aveu suprême, par M. Alphonse Poirieb,
(Retaux-Bray.)
Si la société française, démoralisée et
découragée par les insolents triomphes de
la démocratie révolutionnaire et du ja
cobinisme athée, ne se laissait pas tom-
. ber en pourriture, l'impnnité républi
caine du roman obscène, pornographique,
infâme, dont les excès s'aggravent d'an
née en année et que les journaux dits
conservateurs ne cessent de porter aux
nues, devrait tourner au profit du roman
chrétien. Il existe — je le croyais du moins
— une limite an delà de laquelle les hon
nêtes gens aperçoivent enfin les effets de
leur curiosité et de leur complaisance; à
peu près comme les conservateurs opti
mistes, sous prétexte d'un essai loyal du
régime républicain, se sont laissé mener
de la république de MM. Thiers et Jules
Simon à celle de MM. Constans et Théve-
net, par cinq ou six de ces gradations que
l'on observe dans les maladies chroniques,
et dont le malade ne se doute que lorsqu'il
meurt.
Les femmes surtout, les femmes que le
sentiment religieux abandonne si rarement,
et qui, même dans leurs faiblesses, sup
pléent & la vertu par la pudeur, devraient,
en présence des ignominies de cette littéra
ture, ressentir un malaise pareil à celui
qu'éprouverait une élégante maîtresse de
maison si,par crânerie de Modernisme, ayant
toléré le fumoir, le cigare et la conversation
entre hommes, elle entendait ses convives,
mal élevés, un peu gris, oubliant qu'elle
les préside et dédaigneux dés nuances,
passer de la liberté à la licence et delà li
cence à l'anarchie, dn sel attique au poivre
de Cayenne, de l'anecdote risquée au gros
mot et du gros mot aux propos de corps
de garde.
Il semblerait naturel que, dans cet état
d'âme, comme on dit aujourd'hui, l'hon
nête femme, chrétienne d'intention et même
de fait, mesurant avec effroi le chemin
parcouru, se demandât comment elle a pu
en arriver là. Elle ne tarderait pas à re
connaître que la morale sans religion est
comme une place démantelée, comme une
ville ouverte, où les assiégés, faute d'être
défendus, finissent par devenir complices
des assiégeants. Se remémorant, un à un,
les livres qu'elle a eu le tort de lire, elle
verrait qu'il est bien rare que les obsénités
n'y soient pas entremêlées de grossières
impiétés ; car le vice est lâche ; il a be
soin d'être incrédule pour ne pas avoir
peur. Dès lors, elle se dirait, pourvu qu'elle
eût quelques facultés d'analyse, — et qui
en a plus que les femmes, presque toujours
forcées de vivre, de penser, de rêver dans
la demi-teinte, de se laisser deviner quand
elle craignent de ne pas être comprises,
d'observer en .dessous lorsqu'elles n'osent
regarder en face, de se replier sur elles-
mêmes et de prendre, dans le monde inté
rieur, leur revanche de ce qui leur manque
au dehors ?— « puisque notre époque et
notre société frivole ne peuvent se passer de
romans, est il donc absolument impossible
que la religion accorde d'une part aux ro
manciers ce qu'elle leur interdit de l'autre?
Elle proscrit la passion coupable et triom
phante, mais non pas la lutte de cette pas
sion contre le devoir, pourvu qu'elle soit
vaincue. Elle subordonne l'amour à la loi
divine; est-ce une raison pour qu'elle le
supprime ? Ne possède-t-elle pas, cent fois
mieux que le roman, brutal, licencieux et
matérialiste, la casuistique de la conscience
et du cœur, le secret de ces délicatesses de
sentiment qui ont tant de charme pour les
natures d'élite, et dont les mauvaises lec
tures m'ont fait perdre l'habitude ? Si elle
prohibe les peintures lascives, l'étalage du
nu et les scènes érotiques, n'est-ce pas un
immense service qu'elle nous rend, même
au point de vue littéraire ou mondain, et
ne devons-nous pas être fières qu'elle re
fuse de nous mettre au même régime que
les libertins blasés, les drôlesses, les cher
cheurs de truffes et les étudiants de quin
zième année ?»
D'ailleurs, la religion est-elle si exi
geante ? Demande-t-elle à dominer le ro
man au point de l'absorber tont entier, de lui
imposer ses cérémonies,ses dogmes,ses mys
tères, ses sacrements, ses miracles? Non, si
elle est souveraine quand elle parle en chaire,
par la voix de ses prédicateurs, si elle a
inspiré toute une bibliothèque de livres,
dont bien des pages, par parenthèse, se
raient intéressantes et instructives même
pour les lecteurs laïques, elle sait que, dans
le domaine du roman, elle sera d'autant
plus persuasive qu'elle sera plus discrète
à peu près comme ces femmes pieuses qui
font et reçoivent des visites, vont dans le
monde, causent avec leurs amie, ne dédai
gnent pas d'avoir de l'esprit, sans qu'on se
doute que, le matin, elles sont allées enten
dre la première messe, soigner les malades
et visiter les pauvres. Il suffit que l'on de
vine, & chaque page, sa présence, comme
se devine, à son parfum, la fleur cachée
sous le gazon. On sait qu'elle est là, gar
dienne vigilante de la sécurité du lecteur,
attentive à écarter tous les éléments d'inté
rêt empruntés aux sources impures où s'a
breuve le roman moderne. Si un des per
sonnages a la conscience tourmentée par une
faute grave, soyez certain que ce n'est pas
de celles que l'on ne pourrait expliquer sans
troubler les imaginations virginales ; s'il a
commis cette faute, s'il a indéfiniment retardé
l'heure de l 'aveu c'est qu'il s'était détourné
de la religion qui aurait purifié ses remords
changés en repentir. Si un autre acteur du
drame pratique -, dans toute son austère
beauté, l'esprit de sacrifice et renonce au
bonheur par dévouement à son ami, vous
n'aurez pas à chercher bien loin le secret
de cette abnégation héroïque. Est-ce à dire
que,dans ces conditions, le roman sera
ennuyeux ? Non, mille fois non ; et je
n'en veux pour preuve qu'Aveu suprême , de
M. Alphonse Poirier.
Nous sommes & Saint-Feuillac, une de
ces modestes plages que dédaignent les
élégants habitués de Dieppe ou de Trou-
ville, et où de petits rentiers, des bourgeois
économes, des capitaines en retraite, des
mamans en quête de maris pour des filles
sans dot, vont chercher, à peu de frais, un
air pur, de vastes horizons, des bains de
mer, des distractions modérées, le plai
sir de voir des figures nouvelles, et souvent
le plaisir non moins vif d'être hors de chez
eux. Cette fois pourtant, deux jeunes gens,
Sylvain Dordand et Norbert Lestrange, se
détachent en relief sur le personnel ordi
naire et très ordinaire de ces rendez-vous
aquatiques. Sylvain est un paysagiste;
Norbert, dilettante plutôt qu'artiste, est
supérieur & son ami par la culture de l'es
prit, l'éducation, les qualités de l'intelli
gence et de l'âme.
L'auteur décrit à merveille les divers
membres de la colonie rassemhlée dans
l'unique hôtel de Saint-Feuillac, — l'hôtel
du Pot d'Etain. Voici d'abord Mme Le-
brouffais, flanquée de ses deux filles, la su
perbe Athénaïs et l'humble Cécile, la tulipe
et la violette ; la vieille fille au carlin, les
deux Anglais à mâchoires de requin, etc.,
etc., etc... Mme Lebrouffais, prétentieuse,
fardée, plâtrée, maquillée, minaudière,
habillée de couleurs voyantes, n'a pas re
noncé à plaire ; mais, pour le moment, sa
grande affaire est de marier Athénaïs ; après
quelques essais malheureux, elle a enfin
rencontré le phénix des futurs maris en la
personne de haut et puissant hidalgo mar
quis de Tres-Villas, <* très joli garçon, vêtu
à la dernière mode, un œillet rouge à la
boutonnière », possédant, disait-on, palais
et châteaux de l'autre côté des Pyrénées,
et heureux de mettre tous ses trésors aux
pieds de la belle Athénaïs, qui, provisoire
ment, en abuse pour flirter avec un entrain
compromettant.
A quelques kilomètres de l'établissement
de bains, voici un chalet habité par le doc
teur Nevers et par sa fille Madeleine.
Elle est exquise, cette Madeleine, et je
lui dois d'avoir compris, en avançant dans
ma lecture, qu 'Aveu suprême n'est pas seu
lement un roman [honnête, irréprochable,
mais aussi un roman chrétien. La beauté
de Madeleine n'est que le reflet de sa belle
âme, et cette âme mêle un sentiment re
ligieux à ses tendresses filiales, à ses
amours virginales, à tous les actes de sa
vie. Sa piété prête un rayonnement à son
doux visage. C'est comme une lumière con
tenue dans l'albâtre et éclairant à la fois
la lampe qui la renferme et les objets qui
l'entourent. Plus tard, quand viendront les
heures d'épreuve, c'est la prière qui lui
donnera la résignation et le courage. En
saluant ohaque trait de ce délicieux carac
tère, je me disais pour la centième fois : « Si
le Roman était ce qu'il doit être, la plus
précieuse de ses [prérogatives, le plus en
viable de ses privilèges serait de nous faire
vivre dans un monde préférable au nôtre,
au milieu de figures plus aimables, dans
une atmosphère plus pure et plus saine.
Nous avons beau choisir avec scru
pule nos amis et connaissances, éviter de
notre mieux les conversations scabreuses,
offensives on vulgaires. A chaque instant,
dans la vie ordinaire, nous nous heurtons
à quelque détail désagréable, à quelque
laideur morale, à un de ces défauts de ca
ractère beaucoup moins fâcheux pour leur
propriétaire que pour leurs victimes. Nous
sommes froissés par un propos grossier,
une plaisanterie banale. Nous souffrons,
comme souffre un mélomane délicat forcé
d'entendre de la mauvaise musique, ou ce
qui est pire, de la bonne mnsique mal
chantée. C'est alors que le roman, s'il était
fidèle à ses attributions,—je dirai presque
à l'étymologie de son nom, — viendrait à
notre aide ; la fiction nous indemniserait do
la réalité. Pourquoi pas? quand vous qua
lifiez une personne de romanesque, cette
épithète signifie-t-elle que, se trouvant trop
heureuse en ce monde, environnée de trop
de vertus, d'âmes d'élite, de modèles de
sensibilité et de bonté, d'esprits supérieurs
ou chevaleresques attentifs à lui plaire,
elle promène son imagination vers les excès
contraires, que constamment nourrie de
friandises, elle rêve d'un morceau de pain
noir, moisi, trempé dans la boue pour lui
donner plus de saveur? qu'elle demande à
la destinée pourquoi elle ne l'a pas fait
naître parmi les voleurs, les escrocs, les
souteneurs, les - escarpes, les faussaires et
les filles de trottoir ? Nous-mêmes, si nous
étouffons dans notre chambre et si noua
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