Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-10-07
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 07 octobre 1889 07 octobre 1889
Description : 1889/10/07 (Numéro 7949). 1889/10/07 (Numéro 7949).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706769q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 7 Octobre
R' lôiQ «— £â!klôB qcotiâlôaa*
Lundi 7 Octobre Ï8S&
SHSsasseniasEKSMPa.
ÉDITION QUOTIDIENNE
PAÎWS ÉTRÀK3Ï»
II BÉPARTEÏENI8 (CSI6N POETALd
Çn an 55 > 63 »
Six mois. . , , 23 50 34 »
Trois mois. ; . 15 » 43 s
*^H*&«n»emeiite partout dei 1" et 16 de chai)ne raola
■»*»» f Paria 15 cent.
UN NUMÉRO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonae à Rome, place du Geaù. 8
ÉDITION EEMI-QUOTIDXENNB
PARIS ÉTRANGER
ST DÈPAKIEURTλ (BKÎOH FOSTALS)
tin an. „ , . 30 » 36 »
Six mo.d. ... £6 » 19 •
Trois mois. . . 8 50 10 »
Les cbonncmcnis partent des i ,! et te de chaque Biotr
L'DNIYERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressé»
ANNONCES
MM. Ch. LÂGRAN'GE, CERF et G", 6, place de la Bourse
FRAHCB
PARIS, « OCTOBRE i8S9
Les scrutins de ballottage sont com
mencés ; quels en sefont les résultats?
Les opportunistes affectent uns grande
confiance ; ils annoncent à l'avance le
triomphe complet du gouvernement
et l'écrasement définitif du boulan-
gisme et de la réaction. Ils se font
sans doute quelques illusions ; il est
vrai qu'ils comptent sur l'habileté
sans scrupule d® M. Gonstanset sur le
sèle de fonctionnaires qui payeraient
cher un peu de tiédeur. Ce sont là de
grands avantages en effet, mais ils
triompheraient presque partout, que
la république opportunisto-radicale ne
resterait pas moins atteinte du coup
que lui ont porté les élections du 22
feëptembre. Les vaincus, et notam
ment MM. Jules Ferry et Goblet, ne
reviendraient pas pour cela.
Jusqu'à la dernière heure, la pres
sion administrative et les violences de
la rue auront continué; M. Gonstans
en sentait le besoin, et il n'était pas
homme à s'en priver. Aucune élection
mieux que celle-ci n'aura montré ce
que valent les déclamations des répu
blicains en faveur de la liberté élec
torale. Vainement les journaux offi
cieux et le gouvernement lui-même
essayeront de donner le change, en
incriminant des candidats conser
vateurs même battus (les minisires
l'ont fait hier pour M. Gastambide); ils
ne tromperont personne.
Nous avons opposé le calme un peu
dédaigneux de M. Jules Ferry, aux ai
gres récriminations do son" confrère
d'infortune, M. Goblet ; nous n'aurions
plus lé droit de le faire. U Estafette pu
blie une note évidemment inspirée, si
non rédigée, par M. Jules Ferry,et qui
témoigne de fort peu de calme. On la
trouvera plus loin.
Toujours la même situation à Bel
grade ; les régents et les ministres
n'ont pas compris qu'il aurait été habile
de ne pas empêcher la reine Nathalie
de voir son fils ; cela leur aurait donné
le beau rôle et ils pouvaient toujours
empêcher la reine d'abuser de son in
fluence maternelle, si elle le tentait.
On attend ce que fera la Skouph-
china où dominent les radicaux, fort
hostiles à l'Autriche et à l'ex-roi Mi
lan.
Le nombre a toujours été grand des
conservateurs très modérés, qui ne re
doutent rien autant que les crises,
dussent-elles avoir l'influence la plus
salutaire. Ils diraient volontiers qu'il
est avec le diable même des accom
modements. Les obstacles, à les en
tendre, ne sont pas faits pour Être
franchis ; les obstacles sont faits pour
être tournés. Qu'importe qu'on n'en
aperçoive point les deux bouts I On
n'arrivera jamais peut-être ; mais, en
tout cas, on ne se sera rien rompu.
. Et ces modérés très modérés nous
reprochent, de haut, sans trace de
modération, d'être toujours prêts à
casser quelque chose. Quelle politique!
s'écrient-ils avec une indignation sin
cère. Nous, au moins, gens sérieux,
nous cherchons à résoudre un pro
blème intéressant, nous poursuivons
un but pratique, nous voulons arriver
à faire une omelette sans casser les
œufs. Assez du vieux système, il n'est
plus à la hauteur des progrès de l'es
prit moderne !
Gela dit, nous tournant le dos, ils
examinent d'un coup d'œil rapide la
situation. Ils voient que les républi
cains seront encore, dans la nouvelle
Chambre, en majorité. C'est, pensent-
ils, le bon moment pour faire la paix.
Et, en gens pratiques, ils s'avancent
les mains tendues vers l'ennemi, sans
attendre qu'il ait désarmé, sans atten
dre qu'il ait relevé les canons de ses
fusils, sans attendre même qu'il ait
cessé le feu. Suivez-nous donc, nous
disent-ils, suivez-nous !
Merci! Nous avons de la méfiance!
Ces fusils toujours chargés, abaissés,
pointés contre nous par de3 républi
cains habitués depuis longtemps à
nous combattre, et qui, comme les
soldats espagnols, « font face féroce »
à l'ennemi, ne nous rassurent pas le
moins du monde. Au risque de soule
ver les mépris des gens pratiques,
nous gardons nos armes, et nous con
tinuons à nous en servir. Ca n'est
point que nous refusions la paix ; non
certes! Seulement, cessez les premiers
de tirer, messieurs les républicains !
Or, il faut bien le reconnaître, les
républicains, pour la plupart, si du
moins l'on en croit leurs journaux, ne
sont pas disposés du tout à cesser le
feu. Est-ce que les conservateurs mo
dérés, qui crient avec tant d'énergie :
La paix! la paix! ne s'en aperçoivent
point? En ce cas, nous leur recom
mandons la lecture de Y Estafette.
L'Estafette , c'est, nul ne l'ignore,
l'organe dans la presse de M. Jules
Ferry. M. Jules Ferry ne sera pas de
la nouvelle Chambre, tout au moins
pendant quelque temps. Mais il serait
puéril de nier qu'il conservera, sur la
plus importante fraction de la majo
rité républicaine, une grande influen
ce. On prête à M. Léon Say l'ambition
d'inaugurer une politique pacifica
trice; il espère ainsi grouper derrière
lui un nombre suffisant de modérés
des deux camps, droite et gauche,
pour être à même de gouverner. Les
résolutions de M. Léon Say, homme
du centre, sont-elles bien sérieuses et
fermes ? Ce n'est pas certain. Mais ce
qui est certain, c'est qu'il ne pourra
chercher à les mettre à exécution
que si M. Jules Ferry daigne y con
sentir.
Or il faut voir comme Y Estafette le
prend de haut avec les conservateurs
qui disent avoir envie de venir à la Ré
publique ! — Nous n'avons aucun be
soin de vous, leur déclare-t elle en
substance; mais venez tout de même,
puisque^ vous le désirez tant. Nous
consentirons peut-être à vous rece
voir. Par exemple, sachez bien que
nous n'admettrons pas que vous nous
fassiez l'ombre d'une condition; sa
chez aussi que vous n'obtiendrez pas
de nous l'ombre d'une concession !
Voilà comment parfe YEstafette ;
voilà où en sont lés opportunistes ! Ils
n'ont pas compris, ils ne veulent pas
comprendre que c'est leur politique
néfaste, dépensière, tracassière, anti
religieuse, de ces dix dernières années,
qui a failli perdre cette fois la Répu
blique, et qui, continuée, la perdrait
certainement, quçind viendra la pro
chaine crise.
PlERïtS Y EUILLGÎ.
_ Dans le Rappel, M. Auguste Vaeque-
rie y va d'un aernier et virulent arti
cle pour décider les électeurs de Paris
à ne pas voter pour les candidats de
« la Boulange ».
Pour la circonstance, Vacquerie
cherche à imiter Hugo. Il essaie d'être
grand, pathétique, sublime ; il apos
trophe Pétris, son Paris, le grand Paris,
le Paris de Victor Hugo, le Paris Ville-
Lumière; il l'adjure, il le presse, il le
supplie de bien voter, de voter pour la
République. M. Victor Hugo n'eût pas
été plus beau, plus persuasif, plus en
traînant. Ecoutez plutôt :
Allons, Paris, redeviens Paris !
Toi qui
Toi qui
Toi qui.....
Non, mon grand Paris, tu ne feras pas
cela. Ta Délaisseras pas à la province l'hon-
nenr d 'avoir seule détendu et sauvé la Ré
publique, d 'avoir seule tenu tôte* à. la
royauté, à l'empire et à la dictature, d'avoir
seule représenté le patriotisme et l'honnê-
teté. Ta vas aujourd'hui môme reprendre
la place qui t 'appartient, la première. Ta
vas te remettre à. éclairer la marche. Tu vas
mériter encore une fois que Victor Hugo
t'ait nommé la Yille-Lumiôre. Le 27 jan
vier n'aura été qu'une éclipse, et l'astre n'en
brillera que plus après.
Si le grotesque pouvait persuader,
Paris suivrait certainement les conseils
de M. Vacquerie.
M. JulesFerryne garderas le calme
qu'il affectait au lendemain de sa dé
faite; le bruit ayant couru qu'on lui
avait offert l'ambassade de Berlin, son
journal Y Estafette répond au Matin,
qui n'est cependant pas anti-ferryste,
sur un ton que ne désavouerait pas le
grincheux M. Goblet lui-même :
L î Matin publiait hier une dépêche de
son correspondant de Berlin, lui annon
çant que l'ambassade de France près ia
cour impériale venait d'être offerte à M.
Jules Ferry.
Le correspondant du Matin ajoutait que
M. Jules Ferry serait persona g'rata à Ber
lin.
Il serait superflu, pensons-nous, de dé
mentir toutes les nouvelles qui circulent au
sujet de M. Jules Ferry. En toute autre oc
casion, nous n'aurions rien dit de la nou
velle du Malin, qui n'est qu'une fantaisie,
laissant aux faits de la démentir dans un
avenir prochain.
Mais, outre l'autorité qui s'attache aux
informations da Matin, déjà les ennemis de
la République et les ennemis de M. Joies
Ferry ont accueilli cette dernière nouvelle,
la plus invraisemblable de toutes, avec
tous les outrages et tous les sarcasmes de
la haine. Qaelques valets de la coalition
boulangiste en ont pris l'occasion de réé
diter les vieilles légendes, les perfidies et
les calomnies de l'inepte Rochefort et des
politiciens de l'intransigeance.
Il faudrait en finir avec des outrages qui
déshonorent la presse et dont l'Europe s'é
tonne. On se hâte trop, d'ailleurs, de fairè
disparaître M. Jules Ferry, en l'envoyant
taniôt en Indo Chine, tantôt à Berlin. Et,
vraiment, les ennemis da la république
triomphent si bruyamment de sa disgrâce,
qu'ils en viennent à trahir 1a crainte que le
vaincu de Saint-Dié leur inspire.
M. J ules Ferry n'ira ni en Indo-Chine ni
à Berlin. Son échec à Saint-Dié n'a diminué
en rien la grande situation que, depuis
vingt ans, il occupe dans le parti républi
cain. Sde l'abandonner. Il ne l'abandonnera pas.
Co n'est pas précisément d'un hom
me sûr de lui et, par suite, calme.
Puisque nous citons Y Estafette, nous
reproduirons sa réponse à l'anecdote
racontée par M. Déroulède et que nous
avons donnée hier :
M. Déroulède, interviewé par un rédac
teur du Gaulois, loi a affirmé avoir entendu
de ses propres oreilles M. Jules Ferry s'é
crier, dans les couloirs du palais de jus
tice, quelque temps avant le 4 septembre :
« Enfin, les armées impériales viennent d'être
battues. »
La mémoire de M. Déroulède le sert mal;
à cette époque, M. Jules Ferry, déjà dé
puté, ne mettait plus les pieds au palais de
justice, non plus que M. Gambetta ou M.
Jules Favre.
Le patriotisme de M. Jules Ferry n'est
pas à la merci de la mémoire problémati
que de M. Déroulède.
On pourrait désirer quelque chose
de plus net, et la caution de YEsta-
fette pour le patriotisme de M. Jules
Ferry est insuffisante. Son patron
était alor3, comme nous l'avons rap
pelé, l'homme des « destructions né
cessaires », dit le journal de M. Ernest
Picard, interprêtait bien la pensée de
la plupart des hommes du 4 septembre
lorsqu'il disait que la chute de l'em
pire et la proclamation de leur répu
blique valaient bien deux provinces.
Ls cas da M. Le Hérissé
Devons-nous avoir, après le cas de
M. Laisant, celui de M. Le Hérissé,
également officier dans l'armée terri
toriale? On pouvait le croire, à la. suite
d'une note du journal du jeune Lau
rent, le Paris, un officieux do première
ligne, qui déclarait « le ministre de la
guerre disposé à prendre une mesure
analogue (à celle priss contre M. Lai
sant, cité devant un conseil d'en
quête) contre M. Le Hérissé pour un
discours prononcé rue Ghomel ». Les
journaux antiboulangistes ont natu
rellement reproduit et commenté la
nouvelle. Or, il parait qu'il n'y aura
pas de nouvelle poursuite et qu'une
fois de plus, le Paris, du jeune Lau
rent, se sera livréjt une petite délation
sans fondement. "
Voici la réponse de M. Le Hérissé
dans la Cocarde :
J'apprends, en rentrant à Paris, que
j'aurais commenté dans une réunion pu
blique, tenue rue Chomel, les déclarations
faites par mon collègue et ami Laisant à. la
réunion du Château-d'Eau.
Les feuilles ministérielles annoncent
même que, pour ce fait, je vais ètrè déféré
à un conseil d'enquête.
J'avoue bien franchement ne rien com
prendre à tous ces racontars.
J'ai toujours évité de mêler les ques
tions militaires à nos discussions politi
ques.
Aussi bien dans les réunions que dans ce
journal, je n'ai jamais usé de mon titre
d'officier de réserve ou de territoriale, pour
apprécier les actes ou les décisions da mi
nistre de la guerre.
Je mets au défi mes adversaires politi
ques de relever contre moi un acte quelcon
que, dans ce sens, pouvant- m'être repro
ché. — R. Le Hérissé.
De cette dénégation très nette, on
peut rapprocher les explications don
nées par M. Le Hérissé à deux repor
ters, l'un du Gaulois, l'autre du
XIX* Siècle, qui l'avaient interrogé au
sujet de la nouvelle donnée par le Pa
ris :
Jamais, a dit M. Le Hérissé au rédacteur
du Gaulois, je n'ai mêlé les choses de l'ar
mée à celles de la politique ; c'est chez moi
un principe dont en aucune .occasion je ne
me suis départi.
Lorsque, il y a quelques mois, une déci
sion ministérielle m'a mis « à la suite», j'en
ai été péniblement affecté, mais je professe
à un tel point le respect de la hiérarchie
militaire que je me suis abstenu de toute
protestation,, et que j'ai désapprouvé un ar
ticle paru dans la Cocarde, en mon absence
de Paris, et qui blâmait la mesure prise à
mon égard.
Depuis, je n'ai jamais varié dans mon
attitude. Aussi suis-je bien convaincu que
le bruit, dont plusieurs de vos confrères se
sont faits l'écho, n'était qu'un ballon d'essai
lancé par des adversaires peu scrupuleux
sur le choix de leurs procédés de polémique,
et qui, d'ailleurs, leur a crevé dans la
main.
. Je suis absolument tranquille de ce côté,
et je puis vous affirmer qu'aucun conseil
d'enquête n'aura k s'occuper da moi.
La note du XIX' Siècle, fort peu bou
langiste comme l'on sait, n'est pas
moins nette :
Nous avons justement rencontré hier soir
M. Le Hérissé, et nous lui avons naturelle
ment demandé s'il avait reçu un avis du
ministère à cet égard.
— Nullement, nous a-t-il réponds, et je
pense bien n'en pas recevoir.
Je n'ai pas parlé, en effet, rue Ghomel,
des paroles prononcées par M. Laisant, et
cela pour une bonne raison, c'est que je ne
suis pas de ceux qui approuvent son lan
gage.
Au contraire, j ai toujours pensé que
l'armée devait rester au-dessus des ques
tions de parti. Je ne puis donc que regret
ter l'attitude prise en cette circonstance
par mon ami Laisant, et si j'excuse son
exaltation, ce n'est pas une raison pour que
je l'approuve.
Nous avons signalé l'émotion soule
vée par l'article de la Contemporary lie-
view sur la triple alliance, article at
tribué à M. Gladstone. Un autre bruit
voudrait que l'auteur soit M. Labou-
chères, ce qui réduirait singulière
ment l'importance de la manifestation.
Mais, d'autre part, voici une dépêche
qui semblerait confirmer les premiers
bruits :
Milan, 5 octobre.
Le correspondant politique du Secolo à
Londres ayant télégraphié à M. Glarlstone
pour le prier de l'autoriser à dire s'il est,
ou non. l'auteur de l'article de la Contempo
rary Review , a reçu la réponse suivante :
« Merci. Je ne puis rien ajouter à ce que
j'ai dit, c'est-à-dire que le Daûy News n'a
vait pas été autorisé à m'en déclarer l'au
teur. »
Cette réponse laisse supposer plus que
jamais que M. Gladstone est bien l'auteur
de l'article en question.
Le Berliner Tageblatt attaque M. Glad
stone, l'accusant d'encourager, par cet ar
ticle, la campagne du Secolo contre la tri
ple alliance ; il attaque aussi violemment le
Secolo.
Le Temps a, contre la religion ca
tholique, une haine persistante qui ne
manque pas une occasion de s'expri
mer doucereusement; il lui faut ce
pendant reconnaître, comme le fonda
teur de l'opportunisme, que l'anticlé-
ricalistae n'est pas un article d'expor
tation. Son correspondant d'Indo-
Ghine lui adresse en effet des lettres
qui rendent hommage aux services
rendus à la France et à la civilisation
par les religieuses, et le Temps ouvre
ses colonnes à des communications
qui sont cependant la condamnation
vivante de la politique opportuniste.
Voici un extrait significatif de sa
dernière lettre d'Indo-Ghine :
Je viens de visiter nne installation qui
donne la mesure de ce qu'il est possible de
faire avec de l'énergie et de la persévé
rance. A vingt minutes à cheval environ, au
nord de la citadelle, sur la. rive gauche de
la rivière, se trouve un établissement créé
il y a six mois par la sœur Ignace, de
l'œuvre de la Sainte-Enfance, ordre de
Chartres. Là, en plein milieu annamite,
cette femme intelligente et dévouée a fait
débroussailler et remblayer nn immense
terrain acheté par les missionnaires, et a
fait élever sur cet emplacement une série
de pavillons destinés à recevoir les mal
heureux et les enfants abandonnés. Il n'est
établi aucune distinction entre les chrétiens
et ceux que soeur Ignace appelle des
« païens » ; tous sont soignés et nourris au
même titre.
J'ai vu là des hommes couverts d'ulcères
et de plaies répugnantes, des lépreux, des
jeunes gens abîmés par des maladies hon
teuses ; on les accueille tous.
Un jeune médecin de la marine, le doc
teur Descous, qui est chargé dè l'hôpital
annamite, indépendamment de l'établisse
ment de la Sainte-Eafance, donne, dans les
moments de loisirs que lui laisse son ser
vice, son aide à sa sœur Ignace ; celle-ci a,
pour la seconder, une religieuse euro
péenne et cinq religieuses saïgonnaises. Ici
les Annamites — jeparledubaspeupla, bien
entendu — paraissent encore plus sales et
plus déguenillés qu'au Tonkin ; sœur
Ignace est arrivée à imposer à ses pen
sionnaires une très grande propreté. Sur
ce point, elle est inflexible ; aussi obtient-
elle un résultat surprenant.
Mais où il faut la voir, c'est au milieu
de petits enfanta qu'elle a recueillis et mô
me parfois, achetés. Une première salle
marque la crèche. Dans des paniers en
bambou tressé, suspendus au plafond au
moyen d'une longue corde, s'agitent des
petits êtres dont quelques-uns ont deux ou
trois jours à peine; les femmes viennent
faire leurs couches à la Sainte-Enfance et
partent en y laissant leur3 rejeton?.
Une Aanamite est chargée de daux pa
niers, berçant alternativement les deux pe
tits « ngiaoûs » confiés à sa garde ; ces
femmes sont étroitement surveillées, on les
oblige à nettoyer et à ranger, soas peine
d'exclusion, et, au sommet do leurs nattes,
elles ont une sorte de pupitre, leur servant
d'oreiller, dans lequel elles ramassent leur
bétel, leur noix d'arec et leur tabac. i
Dans d'autres salles jouent des enfants
plus grands, si propres, si bien tenus,
qu'on a plaisir à les embrasser. Cette dé
monstration des visiteurs met sœur Ignace
au comble de la joie ; elle se croit positive
ment la mère de tout ce petit monde.
Les Annamites « païens » ont un grand
respect pour la vaillante religieuse, mais
je crois bien qu'ils l'exploitent parfois.
Ainsi ils lui apportent des enfants ago
nisants qu'elle paye, suivant les exigences
des parents, depuis vingt sous jusqu'à dix
francs.
« Souvent, nous a-t-elle dit, j'ai à peine
le temps de les baptiser (monseigneur
m'ayant donné les pouvoirs nécessaires)
pour les expédier au ciel 1 »
Aussi bien cette touchante naïveté, sus»
ceptible d'engendrer un pareil dévouement,
mérite qu'on l'admire.
Dans cette dernière phrase, qui n'est
{tas « naïve », le bout de l 'oreille da
ibre-peuseur perce ; cela donne en-;
core plus de valeur à son témoignage.
Lettres de Berlin
Visites souveraines. — Voyages impériaux. -»
M. Miquel, candidat au ministère des finan
ces. — Situation économique ds Vempire. —r
Cosas de Bavière. — Aveux allemands. —
Mysticisme impérial. — Lss rédacteurs de la
Germania. — Nouvelles diverses.
Berlin, le 3 octobre 1889.
L'empereur et l'impératrice sont revenus
de leur course dans le Mecklembourg. La
Gazette de Cologne avait affirmé, il y a quel
ques semaines, que cette course était laite
pour donner à l'impératrice l'occasion de se
rencontrer avec sa cousine la czarine, qui est
aussi une princesse de la maison de Sles-
wig-Holstein. La czarine n'est pas venue;
il paraît que la rencontre a été ajournée
pour des raisons assez plausibles.
On se demande à quelle époque le czar
rendra sa visite à l'empereur Guillaume; s'il
veut faire coïncider cette visite avec son
séjour à Copenhague, il faudrait qu'il se
hâte, car l'empereur Guillaume va se re
ine tire en route.
Depuis son avènement au trône, .en juin
1888, le jeune empereur a fait trente-sept
voyages, an cours desquels il a visité les
principales villes de l'empire allemand, la
Russie, la Suède, la Norvège, le Danemark,
l'Autriche, l'Italie, l'Angleterre.
Sous peu do jours il se remettra en route
pour retourner en Italie. Après avoir passé
avec l'impératrice quarante-huit heures à
Monza, dans l'ancien palais des archiducs,
l'ancienne résidence de la reine lombard»
Théodelinde, le couple impérial se rendra
à Naples et de là dans un por!. de la Pouille,
oh il s'embarquera pour le Pirée. L'empe
reur y aura été précédée par sa mère et
par sa sœur, la fiancée du prince royal de
Grèoe.
On assure quo les fêtes nuptiales d'Athè*
nés dépasseront en splendeur tout ce qu'on
a vu jusqu'à présent. La municipalité d'A
thènes dépense des sommes considérables
et les néo-Athéniens semblent vouloir
bien faire les choses . Mais l'empereur né
restera pas longtemps dans la cité de Pal-
las ; après y avoir marié sa sœur, il se
rendra dans l'Argolide et dans l'Arcadie,
et visitera les champs de bataille de Maa?
tinée et de Platée. De là il retournera à
Athènes, d'où il s'embarquera pour Cons-
tantinople ; l'impératrice sera de ce voyage
et il sera donné, pour la seconde fois, à
une sultane validé de faire, au nom de son
fils, la souverain ottoman, les honneurs da
harem à une impératrice d'Occident.
L'empereur rentrera alors à Berlin, mais
n'y restera que quelques jours ; il repartira
pour se rendre dans une partie tout opposée
do l'Europe, à Lisbonne, où il arrivera
par le Tage. Du Portugal, le souverain alle
mand irait en Espagne pour revenir par
l'Italie. Mais la mort du frèrô du roi de Por
tugal, survenue ces jours-ci, pourrait bien
modifier ces projets de voyage.
Les nationaux-libéraux se flattent de
l'espoir de voir bientôt un des leurs pren
dre le portefeuille des finances ; les juifs
exultent, car ce ministre in spe est un
enfant d'Israël, et déjà sans doute ils
sssssrîssa
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 7 OCTOBRE 1889
ES NOUVEAUX VITRAUX
DB
X Eglise de Beaupréau
Nous avons eu la bonne f ortune de voir
Î63 deux nouveaux vitraux dont l'église de
Beaupréau vient de s'enrichir. Ils sont pla
cés à droite et à gauche en entrant par la
porte principale, et ils mesurent 4 mètres
da hauteur sur une largeur de 2 mètres 30.
Ce sont les premiers de cette admirable
nef qui, après lss gloires chères au pays,
doit grouper successivement les illnstra-
tions principales de l'Eglise de France.
Nous avons entendu murmurer tout bas
ïes noms de Ciovis et d» Clotilde, de Char-
lemagne, da saint Bernard, de saint Louis,
de Jeanne d'Arc, de Patay et des zouaves
pontificaux, les volontaires de Charctte ;
véritable avenue de triomphe, qui conduira
jusqu'à l'autel et qui communiquera à l'é
glise de Noire Dame_. un éclat incompa
rable.
Ces vitraux sont vraiment dignes des
plus grands maîtres, et leur contraste pro
duit un effet saisissant. A droits, les por
traits des chefs vendéens rappellent les
nouveaux Machabées, ces défenseurs hé
roïques de la foi combattant pour leurs au
tels, le Sacré-Cœur sur la poitrine et le
chapelet à la ceinture, arme de la prière
qui viendra si souvent dans leurs mains
vaillantes remplacer l'arme de combat. Vis-
à vis, la sainte et douce figure de M. Mon-
gazon, le restaurateur des études, le père
du clergé, ouvrant son collège ici même, à
quelques pas de l'église, et communiquant
à l'Anjou tout entier son zèle de .fondateur
et sa fécondité.
Je ne croîs pas qu'il y ait au monde une
paroisse qui puisse montrer à ses enfants
de semblables héros de courage et de
vertu.
Beaupréau, en effet, fut bien le centre de
la résistance à l'impiété révolutionnaire à
la fin du dernier siècle. Cathelineau est né
à quelques lieues d'ici, au Pin-en-Mauges ;
d'Elbée à quelques pas, et l'on voit encore
son habitation près du bourg de Saint-
MartiD. Beaupréau se trouve à égale dis
tance de Cholet, où se livra la plus san
glante et la plus désastreuse bataille du
Bocage, et de Saint-Florent où Bonchamps
rendit le dernier soupir. C'est bien ici que
devaient se grouper tous les chefs glorieux
de la grande armée vendéenne comme dans
un dernier rendez-vous.
Après ce premier coup d'œil, nous ne
regretterons certainement pas d'examiner
un peu en détail ces magnifiques vitraux,
et do voir comment l'artiste a su rendre et
développer ces figures et. ces tableaux.
Voyez d'abord au centre cette grande et
vivante figure de soldat. Quel pose noble
et imposante! Comme il est bien drapé dans
son manteau de guerre, le pistolet à la cein
ture et l'épée à la main[l A sa droite, la
croix qui protège son village 1 Cathelineau !
C'est lui, le pauvre colporteur des Manges,
qui s'est levé le premier, qui a organisé la
résistance, groupé les premières forces, pris
les premières positions. Quand, cédant aux
sollicitations des paysans, les gentilshom
mes du Bocage viendront le rejoindre, ils
admireront son génie dans le conseil, son
intrépidité froide au combat, son empire*
irrésistible sur les troupes. Au bout. de
quelques mois, ils le choisiront à l'unani
mité pour général en chef. Que fut-il deve
nu s'il n'avait fait, hélas I qu'apparaître
dans cette guerre de géants ?
A sa droite, c'est d'Elbée, son successeur
au commandement des troupes catholiques :
d'Elbée, dont le corps, criblé de blessures,
semblera ne se soutenir que par miracle :
c'est Bonchamps, nom si cher au pays et
dont la dernière parole : Grâce aux prison-
niers\ calmera aussitôt l'effervescence bien
naturelle de ses soldats après le désastre
de Cholet, et sanvera la vie à six mille pri
sonniers. Bonchamps, immortalisé dans
l'église de Saint-Florent par le génie recon
naissant de David, dont le père lui dut en
ce jour d'échapper à la mort.
A sa gauche, voyez ce visage si jeune et
si martial à la fois ! 11 Quel feu dans le re
gard, quelle énergie dans la pose ! Vous
avez reconnu le héros légendaire, le chef le
plus aimé des Vendôes, Henri de la Roohe-
jaquelein, vainqueur si souvent, dans ces
luttes gigantesques, de Kléber et da Mar
ceau, pendant la campagne d'oulro-Loire.
Ne le dirait-on pas à la poursuite de l'enne
mi, le soir de la victoire de Laval ; ce mê
me soir où Kléber, indigné, répondait au
général républicain de l'Echelle, qui de
mandait où l'on pourrait rassembler les dé
bris de son armée vaincue : Mais il n'y a
plus d'armée !
Monsieur Henri, comme l'appelaient ses
gens émerveillés, mort victime de sa géné
rosité, à peine âgé de 21 ans ! A ses côtés,
la douce figure du saint du Poitou, le
vaillant, le pieux Léscure, dont la lente
agonie, après îe passage de la Loire, sem
bla. consacrer les derniers triomphes de
ses compagnons d'armes 1
Tous les personnages sont en pied, et
rendus d'une manière saisissante. Au-des
sus d'eux, on aperçoit, en médaillons, les
deux lutteurs les plus obstinés, les derniers
frappés : l'héroïque, l'indomptable Cha-
rette, dont le nom s'est revêtu de nos jours
encore d'un éclat incomparable dans uu ne
veu digne de lui ; et l'intrépide Stofflet, fils
de l'Alsace, le garde-chasse des Colbertau
château da Maulevrier, .le fier soldat dont
le rude langage étonnait parfois ces braves
paysans.
Stofflet, nous le trouvons encore dans un
médaillon du bas, braquant au château de
Beaupréau la fameuse Marie-Jeanne, le
premier canon enlevé à l'ennemi et regardé
si longtemps comme le palladium de l'ar
mée tout entière. Au milieu, un paysan du
Bocage, agenouillé devant l'autel de la
Sainte Vierge, implore pour lui et pour ses
armes la puissante protection de la Reine
du Ciel. Le monument de Bonchamps, à
Saiut-Florent-le-Vieil, vient clore de la
façon la plus heureuse cette grande épo
pée, en nous rappelant avec quelle généro
sité les soldats de la Vendée appliquaient
les lois de la guerre et traitaient les prison
niers.
Cette grande page est dominée par la
noble figure de M. le marquis de Civrac,
véritable providence de Beaupréau pendant
de si longues années. Uni à l'illustre fa
mille de Sesmaisons, il était digne de réunir
autour de lui les illustrations si pures de
son pay3 et de les présenter à l'admiration
publique. Ses traits rappellent aux habi
tants celui qui les aima le mieux, qui les
secourut dans toutes leurs infortunes, «t
dont le nom si dignement porté restera im
périssable dans la mémoire de tous. On
regrette que la place ait manqué dans cette
partie supérieure et qu'on ne puisse aper
cevoir^ côté de son frère,Vangélique figure
de Mlle Elisabeth, personnification la plus
touchante de la charité, de la distinction,
unie à toutes les vertus.
Mai3 s'il est beau de défendre sa foi et
de verser son sang pour cette cause sa
crée, n'est-ce pas un spectacle aussi des
plus consolants de voir avec quel zèle on
se mit à rétablir la religion si longtemps
persécutée, à ressusciter les œuvres, à jfon-
der surtout l'œuvre par excellence, les col
lèges ecclésiastiques, au moment où l'an
cien clergé, décimé par la persécution,
était complètement incapable de combler
les vides et de répondre aux besoins des
populations. Ce ne fat pas l'œuvre d'un
jour, sans aucun doute ; mais ce spectacle,
unique peut-être dans les annales de l'his
toire, la France l'aura donné au commen
cement de ce siècle.
Dans chaque diocèse, et surtout dans
nos paroisses de l'Ouest, on vit de saints
prêtres, presque dénués de ressources, sa
dévouer à susciter, à former partout de3
vocations de jeunes lévites pour les parois
ses, de religieuses pour l'éducation des en
fants de la campagne et le soin des mala
des. Et c'est à eux que nous devons cet
épanouissement incomparable des œuvres,
qui n'a fait que se développer et s'étendre
jusqu'à nos jours. Non seulement, au bout
de quelques années, on est parvenu à
combler les plus nécessaires lacunes; mais
dans d'heureux diocèses, dans le nôtre en
particulier, l'état présent de l'Eglise l'em
porte de beaucoup sur le passé parle nom
bre des établissements et par celui des vo
cations.
Beaupréau fat encore, sous ce rapport,
la partie la plus privilégiée de notre cher
pays, et M. Mongazon doit être regardé à
juste titre comme le père de ce nouveau
clergé qui, au sortir des ruines de la Révo
lution, se mit résolument et immédiatement
à l'œuvre si nécessaire de la régénération
religieuse. M. Mongazon! Vieux et jeunes,
tous les prêtres da l'Anjou ne peuvent pro
noncer son nom qu'avec l'accent de la plus
profonde reconnaissance, de la vénéra
tion la plus tendre et la plus respectueuse.
Dans une intéressante brochure qui data
déjà de longues années, M. l'abbé .Ber-
nier, alors vicaire général, nous a raconté
aveo charme les débuts, les difficultés du
R' lôiQ «— £â!klôB qcotiâlôaa*
Lundi 7 Octobre Ï8S&
SHSsasseniasEKSMPa.
ÉDITION QUOTIDIENNE
PAÎWS ÉTRÀK3Ï»
II BÉPARTEÏENI8 (CSI6N POETALd
Çn an 55 > 63 »
Six mois. . , , 23 50 34 »
Trois mois. ; . 15 » 43 s
*^H*&«n»emeiite partout dei 1" et 16 de chai)ne raola
■»*»» f Paria 15 cent.
UN NUMÉRO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonae à Rome, place du Geaù. 8
ÉDITION EEMI-QUOTIDXENNB
PARIS ÉTRANGER
ST DÈPAKIEURTλ (BKÎOH FOSTALS)
tin an. „ , . 30 » 36 »
Six mo.d. ... £6 » 19 •
Trois mois. . . 8 50 10 »
Les cbonncmcnis partent des i ,! et te de chaque Biotr
L'DNIYERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressé»
ANNONCES
MM. Ch. LÂGRAN'GE, CERF et G", 6, place de la Bourse
FRAHCB
PARIS, « OCTOBRE i8S9
Les scrutins de ballottage sont com
mencés ; quels en sefont les résultats?
Les opportunistes affectent uns grande
confiance ; ils annoncent à l'avance le
triomphe complet du gouvernement
et l'écrasement définitif du boulan-
gisme et de la réaction. Ils se font
sans doute quelques illusions ; il est
vrai qu'ils comptent sur l'habileté
sans scrupule d® M. Gonstanset sur le
sèle de fonctionnaires qui payeraient
cher un peu de tiédeur. Ce sont là de
grands avantages en effet, mais ils
triompheraient presque partout, que
la république opportunisto-radicale ne
resterait pas moins atteinte du coup
que lui ont porté les élections du 22
feëptembre. Les vaincus, et notam
ment MM. Jules Ferry et Goblet, ne
reviendraient pas pour cela.
Jusqu'à la dernière heure, la pres
sion administrative et les violences de
la rue auront continué; M. Gonstans
en sentait le besoin, et il n'était pas
homme à s'en priver. Aucune élection
mieux que celle-ci n'aura montré ce
que valent les déclamations des répu
blicains en faveur de la liberté élec
torale. Vainement les journaux offi
cieux et le gouvernement lui-même
essayeront de donner le change, en
incriminant des candidats conser
vateurs même battus (les minisires
l'ont fait hier pour M. Gastambide); ils
ne tromperont personne.
Nous avons opposé le calme un peu
dédaigneux de M. Jules Ferry, aux ai
gres récriminations do son" confrère
d'infortune, M. Goblet ; nous n'aurions
plus lé droit de le faire. U Estafette pu
blie une note évidemment inspirée, si
non rédigée, par M. Jules Ferry,et qui
témoigne de fort peu de calme. On la
trouvera plus loin.
Toujours la même situation à Bel
grade ; les régents et les ministres
n'ont pas compris qu'il aurait été habile
de ne pas empêcher la reine Nathalie
de voir son fils ; cela leur aurait donné
le beau rôle et ils pouvaient toujours
empêcher la reine d'abuser de son in
fluence maternelle, si elle le tentait.
On attend ce que fera la Skouph-
china où dominent les radicaux, fort
hostiles à l'Autriche et à l'ex-roi Mi
lan.
Le nombre a toujours été grand des
conservateurs très modérés, qui ne re
doutent rien autant que les crises,
dussent-elles avoir l'influence la plus
salutaire. Ils diraient volontiers qu'il
est avec le diable même des accom
modements. Les obstacles, à les en
tendre, ne sont pas faits pour Être
franchis ; les obstacles sont faits pour
être tournés. Qu'importe qu'on n'en
aperçoive point les deux bouts I On
n'arrivera jamais peut-être ; mais, en
tout cas, on ne se sera rien rompu.
. Et ces modérés très modérés nous
reprochent, de haut, sans trace de
modération, d'être toujours prêts à
casser quelque chose. Quelle politique!
s'écrient-ils avec une indignation sin
cère. Nous, au moins, gens sérieux,
nous cherchons à résoudre un pro
blème intéressant, nous poursuivons
un but pratique, nous voulons arriver
à faire une omelette sans casser les
œufs. Assez du vieux système, il n'est
plus à la hauteur des progrès de l'es
prit moderne !
Gela dit, nous tournant le dos, ils
examinent d'un coup d'œil rapide la
situation. Ils voient que les républi
cains seront encore, dans la nouvelle
Chambre, en majorité. C'est, pensent-
ils, le bon moment pour faire la paix.
Et, en gens pratiques, ils s'avancent
les mains tendues vers l'ennemi, sans
attendre qu'il ait désarmé, sans atten
dre qu'il ait relevé les canons de ses
fusils, sans attendre même qu'il ait
cessé le feu. Suivez-nous donc, nous
disent-ils, suivez-nous !
Merci! Nous avons de la méfiance!
Ces fusils toujours chargés, abaissés,
pointés contre nous par de3 républi
cains habitués depuis longtemps à
nous combattre, et qui, comme les
soldats espagnols, « font face féroce »
à l'ennemi, ne nous rassurent pas le
moins du monde. Au risque de soule
ver les mépris des gens pratiques,
nous gardons nos armes, et nous con
tinuons à nous en servir. Ca n'est
point que nous refusions la paix ; non
certes! Seulement, cessez les premiers
de tirer, messieurs les républicains !
Or, il faut bien le reconnaître, les
républicains, pour la plupart, si du
moins l'on en croit leurs journaux, ne
sont pas disposés du tout à cesser le
feu. Est-ce que les conservateurs mo
dérés, qui crient avec tant d'énergie :
La paix! la paix! ne s'en aperçoivent
point? En ce cas, nous leur recom
mandons la lecture de Y Estafette.
L'Estafette , c'est, nul ne l'ignore,
l'organe dans la presse de M. Jules
Ferry. M. Jules Ferry ne sera pas de
la nouvelle Chambre, tout au moins
pendant quelque temps. Mais il serait
puéril de nier qu'il conservera, sur la
plus importante fraction de la majo
rité républicaine, une grande influen
ce. On prête à M. Léon Say l'ambition
d'inaugurer une politique pacifica
trice; il espère ainsi grouper derrière
lui un nombre suffisant de modérés
des deux camps, droite et gauche,
pour être à même de gouverner. Les
résolutions de M. Léon Say, homme
du centre, sont-elles bien sérieuses et
fermes ? Ce n'est pas certain. Mais ce
qui est certain, c'est qu'il ne pourra
chercher à les mettre à exécution
que si M. Jules Ferry daigne y con
sentir.
Or il faut voir comme Y Estafette le
prend de haut avec les conservateurs
qui disent avoir envie de venir à la Ré
publique ! — Nous n'avons aucun be
soin de vous, leur déclare-t elle en
substance; mais venez tout de même,
puisque^ vous le désirez tant. Nous
consentirons peut-être à vous rece
voir. Par exemple, sachez bien que
nous n'admettrons pas que vous nous
fassiez l'ombre d'une condition; sa
chez aussi que vous n'obtiendrez pas
de nous l'ombre d'une concession !
Voilà comment parfe YEstafette ;
voilà où en sont lés opportunistes ! Ils
n'ont pas compris, ils ne veulent pas
comprendre que c'est leur politique
néfaste, dépensière, tracassière, anti
religieuse, de ces dix dernières années,
qui a failli perdre cette fois la Répu
blique, et qui, continuée, la perdrait
certainement, quçind viendra la pro
chaine crise.
PlERïtS Y EUILLGÎ.
_ Dans le Rappel, M. Auguste Vaeque-
rie y va d'un aernier et virulent arti
cle pour décider les électeurs de Paris
à ne pas voter pour les candidats de
« la Boulange ».
Pour la circonstance, Vacquerie
cherche à imiter Hugo. Il essaie d'être
grand, pathétique, sublime ; il apos
trophe Pétris, son Paris, le grand Paris,
le Paris de Victor Hugo, le Paris Ville-
Lumière; il l'adjure, il le presse, il le
supplie de bien voter, de voter pour la
République. M. Victor Hugo n'eût pas
été plus beau, plus persuasif, plus en
traînant. Ecoutez plutôt :
Allons, Paris, redeviens Paris !
Toi qui
Toi qui
Toi qui.....
Non, mon grand Paris, tu ne feras pas
cela. Ta Délaisseras pas à la province l'hon-
nenr d 'avoir seule détendu et sauvé la Ré
publique, d 'avoir seule tenu tôte* à. la
royauté, à l'empire et à la dictature, d'avoir
seule représenté le patriotisme et l'honnê-
teté. Ta vas aujourd'hui môme reprendre
la place qui t 'appartient, la première. Ta
vas te remettre à. éclairer la marche. Tu vas
mériter encore une fois que Victor Hugo
t'ait nommé la Yille-Lumiôre. Le 27 jan
vier n'aura été qu'une éclipse, et l'astre n'en
brillera que plus après.
Si le grotesque pouvait persuader,
Paris suivrait certainement les conseils
de M. Vacquerie.
M. JulesFerryne garderas le calme
qu'il affectait au lendemain de sa dé
faite; le bruit ayant couru qu'on lui
avait offert l'ambassade de Berlin, son
journal Y Estafette répond au Matin,
qui n'est cependant pas anti-ferryste,
sur un ton que ne désavouerait pas le
grincheux M. Goblet lui-même :
L î Matin publiait hier une dépêche de
son correspondant de Berlin, lui annon
çant que l'ambassade de France près ia
cour impériale venait d'être offerte à M.
Jules Ferry.
Le correspondant du Matin ajoutait que
M. Jules Ferry serait persona g'rata à Ber
lin.
Il serait superflu, pensons-nous, de dé
mentir toutes les nouvelles qui circulent au
sujet de M. Jules Ferry. En toute autre oc
casion, nous n'aurions rien dit de la nou
velle du Malin, qui n'est qu'une fantaisie,
laissant aux faits de la démentir dans un
avenir prochain.
Mais, outre l'autorité qui s'attache aux
informations da Matin, déjà les ennemis de
la République et les ennemis de M. Joies
Ferry ont accueilli cette dernière nouvelle,
la plus invraisemblable de toutes, avec
tous les outrages et tous les sarcasmes de
la haine. Qaelques valets de la coalition
boulangiste en ont pris l'occasion de réé
diter les vieilles légendes, les perfidies et
les calomnies de l'inepte Rochefort et des
politiciens de l'intransigeance.
Il faudrait en finir avec des outrages qui
déshonorent la presse et dont l'Europe s'é
tonne. On se hâte trop, d'ailleurs, de fairè
disparaître M. Jules Ferry, en l'envoyant
taniôt en Indo Chine, tantôt à Berlin. Et,
vraiment, les ennemis da la république
triomphent si bruyamment de sa disgrâce,
qu'ils en viennent à trahir 1a crainte que le
vaincu de Saint-Dié leur inspire.
M. J ules Ferry n'ira ni en Indo-Chine ni
à Berlin. Son échec à Saint-Dié n'a diminué
en rien la grande situation que, depuis
vingt ans, il occupe dans le parti républi
cain. Sde l'abandonner. Il ne l'abandonnera pas.
Co n'est pas précisément d'un hom
me sûr de lui et, par suite, calme.
Puisque nous citons Y Estafette, nous
reproduirons sa réponse à l'anecdote
racontée par M. Déroulède et que nous
avons donnée hier :
M. Déroulède, interviewé par un rédac
teur du Gaulois, loi a affirmé avoir entendu
de ses propres oreilles M. Jules Ferry s'é
crier, dans les couloirs du palais de jus
tice, quelque temps avant le 4 septembre :
« Enfin, les armées impériales viennent d'être
battues. »
La mémoire de M. Déroulède le sert mal;
à cette époque, M. Jules Ferry, déjà dé
puté, ne mettait plus les pieds au palais de
justice, non plus que M. Gambetta ou M.
Jules Favre.
Le patriotisme de M. Jules Ferry n'est
pas à la merci de la mémoire problémati
que de M. Déroulède.
On pourrait désirer quelque chose
de plus net, et la caution de YEsta-
fette pour le patriotisme de M. Jules
Ferry est insuffisante. Son patron
était alor3, comme nous l'avons rap
pelé, l'homme des « destructions né
cessaires », dit le journal de M. Ernest
Picard, interprêtait bien la pensée de
la plupart des hommes du 4 septembre
lorsqu'il disait que la chute de l'em
pire et la proclamation de leur répu
blique valaient bien deux provinces.
Ls cas da M. Le Hérissé
Devons-nous avoir, après le cas de
M. Laisant, celui de M. Le Hérissé,
également officier dans l'armée terri
toriale? On pouvait le croire, à la. suite
d'une note du journal du jeune Lau
rent, le Paris, un officieux do première
ligne, qui déclarait « le ministre de la
guerre disposé à prendre une mesure
analogue (à celle priss contre M. Lai
sant, cité devant un conseil d'en
quête) contre M. Le Hérissé pour un
discours prononcé rue Ghomel ». Les
journaux antiboulangistes ont natu
rellement reproduit et commenté la
nouvelle. Or, il parait qu'il n'y aura
pas de nouvelle poursuite et qu'une
fois de plus, le Paris, du jeune Lau
rent, se sera livréjt une petite délation
sans fondement. "
Voici la réponse de M. Le Hérissé
dans la Cocarde :
J'apprends, en rentrant à Paris, que
j'aurais commenté dans une réunion pu
blique, tenue rue Chomel, les déclarations
faites par mon collègue et ami Laisant à. la
réunion du Château-d'Eau.
Les feuilles ministérielles annoncent
même que, pour ce fait, je vais ètrè déféré
à un conseil d'enquête.
J'avoue bien franchement ne rien com
prendre à tous ces racontars.
J'ai toujours évité de mêler les ques
tions militaires à nos discussions politi
ques.
Aussi bien dans les réunions que dans ce
journal, je n'ai jamais usé de mon titre
d'officier de réserve ou de territoriale, pour
apprécier les actes ou les décisions da mi
nistre de la guerre.
Je mets au défi mes adversaires politi
ques de relever contre moi un acte quelcon
que, dans ce sens, pouvant- m'être repro
ché. — R. Le Hérissé.
De cette dénégation très nette, on
peut rapprocher les explications don
nées par M. Le Hérissé à deux repor
ters, l'un du Gaulois, l'autre du
XIX* Siècle, qui l'avaient interrogé au
sujet de la nouvelle donnée par le Pa
ris :
Jamais, a dit M. Le Hérissé au rédacteur
du Gaulois, je n'ai mêlé les choses de l'ar
mée à celles de la politique ; c'est chez moi
un principe dont en aucune .occasion je ne
me suis départi.
Lorsque, il y a quelques mois, une déci
sion ministérielle m'a mis « à la suite», j'en
ai été péniblement affecté, mais je professe
à un tel point le respect de la hiérarchie
militaire que je me suis abstenu de toute
protestation,, et que j'ai désapprouvé un ar
ticle paru dans la Cocarde, en mon absence
de Paris, et qui blâmait la mesure prise à
mon égard.
Depuis, je n'ai jamais varié dans mon
attitude. Aussi suis-je bien convaincu que
le bruit, dont plusieurs de vos confrères se
sont faits l'écho, n'était qu'un ballon d'essai
lancé par des adversaires peu scrupuleux
sur le choix de leurs procédés de polémique,
et qui, d'ailleurs, leur a crevé dans la
main.
. Je suis absolument tranquille de ce côté,
et je puis vous affirmer qu'aucun conseil
d'enquête n'aura k s'occuper da moi.
La note du XIX' Siècle, fort peu bou
langiste comme l'on sait, n'est pas
moins nette :
Nous avons justement rencontré hier soir
M. Le Hérissé, et nous lui avons naturelle
ment demandé s'il avait reçu un avis du
ministère à cet égard.
— Nullement, nous a-t-il réponds, et je
pense bien n'en pas recevoir.
Je n'ai pas parlé, en effet, rue Ghomel,
des paroles prononcées par M. Laisant, et
cela pour une bonne raison, c'est que je ne
suis pas de ceux qui approuvent son lan
gage.
Au contraire, j ai toujours pensé que
l'armée devait rester au-dessus des ques
tions de parti. Je ne puis donc que regret
ter l'attitude prise en cette circonstance
par mon ami Laisant, et si j'excuse son
exaltation, ce n'est pas une raison pour que
je l'approuve.
Nous avons signalé l'émotion soule
vée par l'article de la Contemporary lie-
view sur la triple alliance, article at
tribué à M. Gladstone. Un autre bruit
voudrait que l'auteur soit M. Labou-
chères, ce qui réduirait singulière
ment l'importance de la manifestation.
Mais, d'autre part, voici une dépêche
qui semblerait confirmer les premiers
bruits :
Milan, 5 octobre.
Le correspondant politique du Secolo à
Londres ayant télégraphié à M. Glarlstone
pour le prier de l'autoriser à dire s'il est,
ou non. l'auteur de l'article de la Contempo
rary Review , a reçu la réponse suivante :
« Merci. Je ne puis rien ajouter à ce que
j'ai dit, c'est-à-dire que le Daûy News n'a
vait pas été autorisé à m'en déclarer l'au
teur. »
Cette réponse laisse supposer plus que
jamais que M. Gladstone est bien l'auteur
de l'article en question.
Le Berliner Tageblatt attaque M. Glad
stone, l'accusant d'encourager, par cet ar
ticle, la campagne du Secolo contre la tri
ple alliance ; il attaque aussi violemment le
Secolo.
Le Temps a, contre la religion ca
tholique, une haine persistante qui ne
manque pas une occasion de s'expri
mer doucereusement; il lui faut ce
pendant reconnaître, comme le fonda
teur de l'opportunisme, que l'anticlé-
ricalistae n'est pas un article d'expor
tation. Son correspondant d'Indo-
Ghine lui adresse en effet des lettres
qui rendent hommage aux services
rendus à la France et à la civilisation
par les religieuses, et le Temps ouvre
ses colonnes à des communications
qui sont cependant la condamnation
vivante de la politique opportuniste.
Voici un extrait significatif de sa
dernière lettre d'Indo-Ghine :
Je viens de visiter nne installation qui
donne la mesure de ce qu'il est possible de
faire avec de l'énergie et de la persévé
rance. A vingt minutes à cheval environ, au
nord de la citadelle, sur la. rive gauche de
la rivière, se trouve un établissement créé
il y a six mois par la sœur Ignace, de
l'œuvre de la Sainte-Enfance, ordre de
Chartres. Là, en plein milieu annamite,
cette femme intelligente et dévouée a fait
débroussailler et remblayer nn immense
terrain acheté par les missionnaires, et a
fait élever sur cet emplacement une série
de pavillons destinés à recevoir les mal
heureux et les enfants abandonnés. Il n'est
établi aucune distinction entre les chrétiens
et ceux que soeur Ignace appelle des
« païens » ; tous sont soignés et nourris au
même titre.
J'ai vu là des hommes couverts d'ulcères
et de plaies répugnantes, des lépreux, des
jeunes gens abîmés par des maladies hon
teuses ; on les accueille tous.
Un jeune médecin de la marine, le doc
teur Descous, qui est chargé dè l'hôpital
annamite, indépendamment de l'établisse
ment de la Sainte-Eafance, donne, dans les
moments de loisirs que lui laisse son ser
vice, son aide à sa sœur Ignace ; celle-ci a,
pour la seconder, une religieuse euro
péenne et cinq religieuses saïgonnaises. Ici
les Annamites — jeparledubaspeupla, bien
entendu — paraissent encore plus sales et
plus déguenillés qu'au Tonkin ; sœur
Ignace est arrivée à imposer à ses pen
sionnaires une très grande propreté. Sur
ce point, elle est inflexible ; aussi obtient-
elle un résultat surprenant.
Mais où il faut la voir, c'est au milieu
de petits enfanta qu'elle a recueillis et mô
me parfois, achetés. Une première salle
marque la crèche. Dans des paniers en
bambou tressé, suspendus au plafond au
moyen d'une longue corde, s'agitent des
petits êtres dont quelques-uns ont deux ou
trois jours à peine; les femmes viennent
faire leurs couches à la Sainte-Enfance et
partent en y laissant leur3 rejeton?.
Une Aanamite est chargée de daux pa
niers, berçant alternativement les deux pe
tits « ngiaoûs » confiés à sa garde ; ces
femmes sont étroitement surveillées, on les
oblige à nettoyer et à ranger, soas peine
d'exclusion, et, au sommet do leurs nattes,
elles ont une sorte de pupitre, leur servant
d'oreiller, dans lequel elles ramassent leur
bétel, leur noix d'arec et leur tabac. i
Dans d'autres salles jouent des enfants
plus grands, si propres, si bien tenus,
qu'on a plaisir à les embrasser. Cette dé
monstration des visiteurs met sœur Ignace
au comble de la joie ; elle se croit positive
ment la mère de tout ce petit monde.
Les Annamites « païens » ont un grand
respect pour la vaillante religieuse, mais
je crois bien qu'ils l'exploitent parfois.
Ainsi ils lui apportent des enfants ago
nisants qu'elle paye, suivant les exigences
des parents, depuis vingt sous jusqu'à dix
francs.
« Souvent, nous a-t-elle dit, j'ai à peine
le temps de les baptiser (monseigneur
m'ayant donné les pouvoirs nécessaires)
pour les expédier au ciel 1 »
Aussi bien cette touchante naïveté, sus»
ceptible d'engendrer un pareil dévouement,
mérite qu'on l'admire.
Dans cette dernière phrase, qui n'est
{tas « naïve », le bout de l 'oreille da
ibre-peuseur perce ; cela donne en-;
core plus de valeur à son témoignage.
Lettres de Berlin
Visites souveraines. — Voyages impériaux. -»
M. Miquel, candidat au ministère des finan
ces. — Situation économique ds Vempire. —r
Cosas de Bavière. — Aveux allemands. —
Mysticisme impérial. — Lss rédacteurs de la
Germania. — Nouvelles diverses.
Berlin, le 3 octobre 1889.
L'empereur et l'impératrice sont revenus
de leur course dans le Mecklembourg. La
Gazette de Cologne avait affirmé, il y a quel
ques semaines, que cette course était laite
pour donner à l'impératrice l'occasion de se
rencontrer avec sa cousine la czarine, qui est
aussi une princesse de la maison de Sles-
wig-Holstein. La czarine n'est pas venue;
il paraît que la rencontre a été ajournée
pour des raisons assez plausibles.
On se demande à quelle époque le czar
rendra sa visite à l'empereur Guillaume; s'il
veut faire coïncider cette visite avec son
séjour à Copenhague, il faudrait qu'il se
hâte, car l'empereur Guillaume va se re
ine tire en route.
Depuis son avènement au trône, .en juin
1888, le jeune empereur a fait trente-sept
voyages, an cours desquels il a visité les
principales villes de l'empire allemand, la
Russie, la Suède, la Norvège, le Danemark,
l'Autriche, l'Italie, l'Angleterre.
Sous peu do jours il se remettra en route
pour retourner en Italie. Après avoir passé
avec l'impératrice quarante-huit heures à
Monza, dans l'ancien palais des archiducs,
l'ancienne résidence de la reine lombard»
Théodelinde, le couple impérial se rendra
à Naples et de là dans un por!. de la Pouille,
oh il s'embarquera pour le Pirée. L'empe
reur y aura été précédée par sa mère et
par sa sœur, la fiancée du prince royal de
Grèoe.
On assure quo les fêtes nuptiales d'Athè*
nés dépasseront en splendeur tout ce qu'on
a vu jusqu'à présent. La municipalité d'A
thènes dépense des sommes considérables
et les néo-Athéniens semblent vouloir
bien faire les choses . Mais l'empereur né
restera pas longtemps dans la cité de Pal-
las ; après y avoir marié sa sœur, il se
rendra dans l'Argolide et dans l'Arcadie,
et visitera les champs de bataille de Maa?
tinée et de Platée. De là il retournera à
Athènes, d'où il s'embarquera pour Cons-
tantinople ; l'impératrice sera de ce voyage
et il sera donné, pour la seconde fois, à
une sultane validé de faire, au nom de son
fils, la souverain ottoman, les honneurs da
harem à une impératrice d'Occident.
L'empereur rentrera alors à Berlin, mais
n'y restera que quelques jours ; il repartira
pour se rendre dans une partie tout opposée
do l'Europe, à Lisbonne, où il arrivera
par le Tage. Du Portugal, le souverain alle
mand irait en Espagne pour revenir par
l'Italie. Mais la mort du frèrô du roi de Por
tugal, survenue ces jours-ci, pourrait bien
modifier ces projets de voyage.
Les nationaux-libéraux se flattent de
l'espoir de voir bientôt un des leurs pren
dre le portefeuille des finances ; les juifs
exultent, car ce ministre in spe est un
enfant d'Israël, et déjà sans doute ils
sssssrîssa
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 7 OCTOBRE 1889
ES NOUVEAUX VITRAUX
DB
X Eglise de Beaupréau
Nous avons eu la bonne f ortune de voir
Î63 deux nouveaux vitraux dont l'église de
Beaupréau vient de s'enrichir. Ils sont pla
cés à droite et à gauche en entrant par la
porte principale, et ils mesurent 4 mètres
da hauteur sur une largeur de 2 mètres 30.
Ce sont les premiers de cette admirable
nef qui, après lss gloires chères au pays,
doit grouper successivement les illnstra-
tions principales de l'Eglise de France.
Nous avons entendu murmurer tout bas
ïes noms de Ciovis et d» Clotilde, de Char-
lemagne, da saint Bernard, de saint Louis,
de Jeanne d'Arc, de Patay et des zouaves
pontificaux, les volontaires de Charctte ;
véritable avenue de triomphe, qui conduira
jusqu'à l'autel et qui communiquera à l'é
glise de Noire Dame_. un éclat incompa
rable.
Ces vitraux sont vraiment dignes des
plus grands maîtres, et leur contraste pro
duit un effet saisissant. A droits, les por
traits des chefs vendéens rappellent les
nouveaux Machabées, ces défenseurs hé
roïques de la foi combattant pour leurs au
tels, le Sacré-Cœur sur la poitrine et le
chapelet à la ceinture, arme de la prière
qui viendra si souvent dans leurs mains
vaillantes remplacer l'arme de combat. Vis-
à vis, la sainte et douce figure de M. Mon-
gazon, le restaurateur des études, le père
du clergé, ouvrant son collège ici même, à
quelques pas de l'église, et communiquant
à l'Anjou tout entier son zèle de .fondateur
et sa fécondité.
Je ne croîs pas qu'il y ait au monde une
paroisse qui puisse montrer à ses enfants
de semblables héros de courage et de
vertu.
Beaupréau, en effet, fut bien le centre de
la résistance à l'impiété révolutionnaire à
la fin du dernier siècle. Cathelineau est né
à quelques lieues d'ici, au Pin-en-Mauges ;
d'Elbée à quelques pas, et l'on voit encore
son habitation près du bourg de Saint-
MartiD. Beaupréau se trouve à égale dis
tance de Cholet, où se livra la plus san
glante et la plus désastreuse bataille du
Bocage, et de Saint-Florent où Bonchamps
rendit le dernier soupir. C'est bien ici que
devaient se grouper tous les chefs glorieux
de la grande armée vendéenne comme dans
un dernier rendez-vous.
Après ce premier coup d'œil, nous ne
regretterons certainement pas d'examiner
un peu en détail ces magnifiques vitraux,
et do voir comment l'artiste a su rendre et
développer ces figures et. ces tableaux.
Voyez d'abord au centre cette grande et
vivante figure de soldat. Quel pose noble
et imposante! Comme il est bien drapé dans
son manteau de guerre, le pistolet à la cein
ture et l'épée à la main[l A sa droite, la
croix qui protège son village 1 Cathelineau !
C'est lui, le pauvre colporteur des Manges,
qui s'est levé le premier, qui a organisé la
résistance, groupé les premières forces, pris
les premières positions. Quand, cédant aux
sollicitations des paysans, les gentilshom
mes du Bocage viendront le rejoindre, ils
admireront son génie dans le conseil, son
intrépidité froide au combat, son empire*
irrésistible sur les troupes. Au bout. de
quelques mois, ils le choisiront à l'unani
mité pour général en chef. Que fut-il deve
nu s'il n'avait fait, hélas I qu'apparaître
dans cette guerre de géants ?
A sa droite, c'est d'Elbée, son successeur
au commandement des troupes catholiques :
d'Elbée, dont le corps, criblé de blessures,
semblera ne se soutenir que par miracle :
c'est Bonchamps, nom si cher au pays et
dont la dernière parole : Grâce aux prison-
niers\ calmera aussitôt l'effervescence bien
naturelle de ses soldats après le désastre
de Cholet, et sanvera la vie à six mille pri
sonniers. Bonchamps, immortalisé dans
l'église de Saint-Florent par le génie recon
naissant de David, dont le père lui dut en
ce jour d'échapper à la mort.
A sa gauche, voyez ce visage si jeune et
si martial à la fois ! 11 Quel feu dans le re
gard, quelle énergie dans la pose ! Vous
avez reconnu le héros légendaire, le chef le
plus aimé des Vendôes, Henri de la Roohe-
jaquelein, vainqueur si souvent, dans ces
luttes gigantesques, de Kléber et da Mar
ceau, pendant la campagne d'oulro-Loire.
Ne le dirait-on pas à la poursuite de l'enne
mi, le soir de la victoire de Laval ; ce mê
me soir où Kléber, indigné, répondait au
général républicain de l'Echelle, qui de
mandait où l'on pourrait rassembler les dé
bris de son armée vaincue : Mais il n'y a
plus d'armée !
Monsieur Henri, comme l'appelaient ses
gens émerveillés, mort victime de sa géné
rosité, à peine âgé de 21 ans ! A ses côtés,
la douce figure du saint du Poitou, le
vaillant, le pieux Léscure, dont la lente
agonie, après îe passage de la Loire, sem
bla. consacrer les derniers triomphes de
ses compagnons d'armes 1
Tous les personnages sont en pied, et
rendus d'une manière saisissante. Au-des
sus d'eux, on aperçoit, en médaillons, les
deux lutteurs les plus obstinés, les derniers
frappés : l'héroïque, l'indomptable Cha-
rette, dont le nom s'est revêtu de nos jours
encore d'un éclat incomparable dans uu ne
veu digne de lui ; et l'intrépide Stofflet, fils
de l'Alsace, le garde-chasse des Colbertau
château da Maulevrier, .le fier soldat dont
le rude langage étonnait parfois ces braves
paysans.
Stofflet, nous le trouvons encore dans un
médaillon du bas, braquant au château de
Beaupréau la fameuse Marie-Jeanne, le
premier canon enlevé à l'ennemi et regardé
si longtemps comme le palladium de l'ar
mée tout entière. Au milieu, un paysan du
Bocage, agenouillé devant l'autel de la
Sainte Vierge, implore pour lui et pour ses
armes la puissante protection de la Reine
du Ciel. Le monument de Bonchamps, à
Saiut-Florent-le-Vieil, vient clore de la
façon la plus heureuse cette grande épo
pée, en nous rappelant avec quelle généro
sité les soldats de la Vendée appliquaient
les lois de la guerre et traitaient les prison
niers.
Cette grande page est dominée par la
noble figure de M. le marquis de Civrac,
véritable providence de Beaupréau pendant
de si longues années. Uni à l'illustre fa
mille de Sesmaisons, il était digne de réunir
autour de lui les illustrations si pures de
son pay3 et de les présenter à l'admiration
publique. Ses traits rappellent aux habi
tants celui qui les aima le mieux, qui les
secourut dans toutes leurs infortunes, «t
dont le nom si dignement porté restera im
périssable dans la mémoire de tous. On
regrette que la place ait manqué dans cette
partie supérieure et qu'on ne puisse aper
cevoir^ côté de son frère,Vangélique figure
de Mlle Elisabeth, personnification la plus
touchante de la charité, de la distinction,
unie à toutes les vertus.
Mai3 s'il est beau de défendre sa foi et
de verser son sang pour cette cause sa
crée, n'est-ce pas un spectacle aussi des
plus consolants de voir avec quel zèle on
se mit à rétablir la religion si longtemps
persécutée, à ressusciter les œuvres, à jfon-
der surtout l'œuvre par excellence, les col
lèges ecclésiastiques, au moment où l'an
cien clergé, décimé par la persécution,
était complètement incapable de combler
les vides et de répondre aux besoins des
populations. Ce ne fat pas l'œuvre d'un
jour, sans aucun doute ; mais ce spectacle,
unique peut-être dans les annales de l'his
toire, la France l'aura donné au commen
cement de ce siècle.
Dans chaque diocèse, et surtout dans
nos paroisses de l'Ouest, on vit de saints
prêtres, presque dénués de ressources, sa
dévouer à susciter, à former partout de3
vocations de jeunes lévites pour les parois
ses, de religieuses pour l'éducation des en
fants de la campagne et le soin des mala
des. Et c'est à eux que nous devons cet
épanouissement incomparable des œuvres,
qui n'a fait que se développer et s'étendre
jusqu'à nos jours. Non seulement, au bout
de quelques années, on est parvenu à
combler les plus nécessaires lacunes; mais
dans d'heureux diocèses, dans le nôtre en
particulier, l'état présent de l'Eglise l'em
porte de beaucoup sur le passé parle nom
bre des établissements et par celui des vo
cations.
Beaupréau fat encore, sous ce rapport,
la partie la plus privilégiée de notre cher
pays, et M. Mongazon doit être regardé à
juste titre comme le père de ce nouveau
clergé qui, au sortir des ruines de la Révo
lution, se mit résolument et immédiatement
à l'œuvre si nécessaire de la régénération
religieuse. M. Mongazon! Vieux et jeunes,
tous les prêtres da l'Anjou ne peuvent pro
noncer son nom qu'avec l'accent de la plus
profonde reconnaissance, de la vénéra
tion la plus tendre et la plus respectueuse.
Dans une intéressante brochure qui data
déjà de longues années, M. l'abbé .Ber-
nier, alors vicaire général, nous a raconté
aveo charme les débuts, les difficultés du
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.22%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.22%.
- Collections numériques similaires Bixio Jacques Alexandre Bixio Jacques Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bixio Jacques Alexandre" or dc.contributor adj "Bixio Jacques Alexandre")Beaussire Ludovic Beaussire Ludovic /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Beaussire Ludovic" or dc.contributor adj "Beaussire Ludovic")
- Auteurs similaires Bixio Jacques Alexandre Bixio Jacques Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bixio Jacques Alexandre" or dc.contributor adj "Bixio Jacques Alexandre")Beaussire Ludovic Beaussire Ludovic /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Beaussire Ludovic" or dc.contributor adj "Beaussire Ludovic")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k706769q/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k706769q/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k706769q/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k706769q/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k706769q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k706769q
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k706769q/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest