Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-09-16
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 septembre 1889 16 septembre 1889
Description : 1889/09/16 (Numéro 7928). 1889/09/16 (Numéro 7928).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 1$ Septembre igg$
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l'DWERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C'«, 6, place de la Boursa
francs
PARIS, 15 SEPTEMBRE 1839
Encore une circulaire et cette fois,
c'est M. Faye, ministre de l'agricul
ture, un des modérés du cabinet. La
modération apparaît un peu dans la
forme, mais pour le tond c'est toujours
la même inspiration : il faut que les
fonctionnaires, même les plus étran
gers à la politique, marchent sous la
direction des préfets, et ils marche
ront. On ne leur passe même pas dans
les élections la neutralité bienveil
lante ; ils doivent se jeter résolument
dans la mêlée électorale sous la ban
nière du radicalisme et de l'opportu
nisme réunis.
Comme les ministres même les plus
militants des régimes précédents sont
dépassés I
• Nous serions fort surpris si M, Thé-
venet se déclarait satisfait des résul
tats de sa fameuse circulaire. Certai
nement lorsqu'il la publiait, de l'aveu
de ses collègues, il ne pensait pas
qu'elle passerait inaperçue, mais il ne
se doutait pas de la nature de l'effet
qu'il allait produire. Ignorant ce qu'est
un prêtre, un évêque, et jugeant tout
à son aune, le médiocre avocat dont
la République opportuniste^ fait un
garde des sceaux et un ministre des
cultes, s'imaginait qu'avec quelques
menaces il aurait raison du clergé ; il
peut voir maintenant ce qu'il eu est.
Loin de s'arrêter devant les foudres
ministérielles, les évêques tiennent à
honneur de remplir les devoirs de
leur charge et de rappeler aux fidèles
les graves obligations que leur impose
la situation de l'Eglise en France.
Nous n'avons cessé depuis la circu
laire d'enregistrer leurs paroles, et
nous n'avons pas fini. Cela gêne fort
les républicains, surtout les modérés,
mais leurs arguties n'y pourront rien.
Nous avons déjà signalé le caractère
de violence que prend la campagne
électorale ; la faute en est autant à
l'administration dont l'attitude ferait
parfois croire à une complicité avec
les auteurs des désordres, qu'aux jour
naux gouvernementaux qui se sen
tant ou se croyant appuyés poussent
presque ouvertement aux violences.
Les journaux n'ont même pas la pu
deur de condamner ces violences lors
que la victime est un candidat bou-
langiste ou conservateur. Ainsi, un
honorable candidat de Meurthe-et-
Moselle, M. Michaut, qui est respecté
dans tout lé pays, a été blessé, et des
journaux même modérés comme le
Temps et les Débats, au lieu de protes
ter, cherchent à établir que la bles
sure n'est pas grave et que par suite
il n'y a pas à s'en occuper. Et ces mê
mes journaux ne trouveraient pas
d'expressions assez énergiques s'il
s'agissait de M. Ferry et même de M.
Thévenet.
C'est ainsi que la république est en
France le gouvernement qui nous di
vise le moins.
On a parlé de la venue en France
du czarewitch, et à cette occasion, la
plupart des journaux autrichiens ont
affecté une grande indignation. Com
ment l'héritier de la couronne de Rus
sie, l'arrière-petit fils du czar Nicolas
viendrait en France comme pour pren
dre part à la célébration du cente
naire de 1789
Cette indignation n'a pas paru bien
sincère à la presse russe, et le Nord,
y répond par une note que nous re
produisons plus loin. Ce journal, dont
on connaît les attaches avec la chan
cellerie russe, dit assez dédaigneuse
ment qu'il ne s'agit nullement de s'as
socier à une glorification de la Ré
volution ; mais, distinguant la France
de son gouvernement, il rappelle qu'on
peut et doit encore compter avec elle.
On trouvera aux informations un
manifeste du comité central de la
ligue balkanique siégeant à Athènes,
au sujet des affaires de Crète. Sans
exagérer l'importance de ce comité,
plus hellénique que balkanique et cré-
tois, et de ses manifestations, on peut
rapprocher cette publication des nou
velles données au sujet de la mission
de Ghakir-pacha. Il ressort de là que
la situation est encore inquiétante en
Crète.
La Koelnische Velltszeitung de Colo
gne reçoit de Berlin une dépêche an
nonçant que le gouvernement présen
tera un projet de loi, en vertu duquel
les traitements du clergé et les reve
nus des menses épiscopales, séques
trés lors du kulturkampf, seront res
titués à l'Eglise. L'épiscopat serait
invité à en faire la distribution d'ac
cord avec le gouvernement.
La prussianisation des petits ét^ts
allemands progresse toujours. Déjà
les Bavarois'avaient perdu leur casque
à chenille et adopté le casque à pointe;
c'est maintenant le tour des Hano-
vriens. On a profité de la présence de
l'empereur Guillaume pour donner la
tunique prussienne aux soldats déta
chés pour le service impérial ; c'est
évidemment un acheminement à la
transformation générale.
A propos de la circulaire du minis
tre de l'instruction publique sur le
rôle des instituteursdans les élections,
un. organe ministériel fait remarquer
qu'il n'y a pas de neutralité sans quel
que trahison. Ce journal, comme son
ministre, veut que les instituteurs
prennent part activement à la lutte
électorale, sous peine de forfaire à
leur devoir en s'abstenant.
Et cependant c'est la neutralité que
lé collègue de M, Fallières enjoint aux
évêques et aux prêtres. N'y aurait-il
donc pas aussi quelque trahison dans
la neutralité prescrite au clergé ? Or,
que peut trahir le clergé en observant
dans les élections l'attitude que lui
prescrit le ministre des cultes ? Ce
n'est évidemment pas l'Etat, puisque
c'est en son nom que parle l'agent du
gouvernement. C'est donc l'Eglise que
le ministre des cultes ordonne au
clergé de trahir par sa neutralité dans
les élections.
Et, en effet, il la trahirait. Si, en
d'autres temps,alors qu'il n'y a que des
intérêts politiques engagés, la réserve
et même l'abstention pouvaient être
la règle de conduite du clergé au mi
lieu des partis, il n'en est pas de même
aujourd'hui. Aux prochaines élections,
c'est le sort du clergé et plus encore
celui de la religion qui se décidera.
Tous les soutiens du régime, tous les
adversaires du catholicisme procla
ment que la cause électorale est en
core plus religieuse que politique. Ce
n'est pas pour la république qu'ils
luttent, puisque leurs compétiteurs,
boulangistes et conservateurs ralliés
au parti national, en promettent
comme eux le maintien. La république
n'est point en cause. Il s'agit seule
ment de savoir si elle continuera
d'être ce qu'elle est,ou si elle changera
en mieux. Si elle continue, c'est la
persécution et ce ne sera que cela.
Répétons-le : les réformes économi
ques et financières, à plus forte raison
les réformes socialistes,annoncées dans
les programmes, ne sont pas encore
réalisables. De toutes les promesses,
opportunistes ou radicales, il n'y en a
qu'une qui s'exécutera: ce sera la sé
paration de l'Eglise et de l'Etat, avec
son accessoire de lois d'exclusion et
de violence.
Le parti républicain qui triomphera
par la défaite jdes divers candidats de
l'opposition, ne se propose bien qu'une
chose : c'est d'affermir la république
par l'achèvement de la laïcisation,
c'est d'opprimer l'Eglise pour en finir
avec les résistances des partis qui se
rattachent à elle. Tel est le programme
commun. _ _____
Quelqu'un peut-il dire qu'il soit in
différent au clergé que ce programme
s'exécute ou non ? Et s'il lui importe
que le plan échoue, peut-il rester neu
tre dans la lutte?
Des hommes d'un zèle qu'on dit exa
géré, mais comme il en faut cepen
dant pour stimuler parfois celui des
plus sages, ont pu trouver qu'on ne
sentait pas le clergé assez ému au mi
lieu des destructions qui s'accomplis
sent et des ruines plus grandes encore
gui se préparent. Mais en ce moment
il est impossible que tout lé corps sa
cerdotal ne ressente l'émotion de la
lutte qui va s'engager. Le triomphe
du parti républicain gouvernemental,
c'est le clergé à la caserne, le clergé
mis entre la loi civile qui le fait mili
taire et la loi canonique qui lui inter
dit de porter les armes, le clergé déci
mé, dénaturé, déconsidéré ; c'est le
culte interrompu dans un grand nom
bre de paroisses et les églises fermées ;
d'est l'abolition du Concordat, la rupture
avec Rome, la guerre du pouvoir civil
contre le pouvoir religieux, la lutte avec
les consciences ; c'est la suppression
du budget des cultes et le clergé à la
mendicité ; c'est la laïcisation à ou
trance dans toutes les écoles, dans
tous les établissements publics ; c'est
une seconde expulsion des congréga
tions religieuses et la suppression de
tout enseignement libre chrétien; c'est
l'asservissement de l'Eglise, la ruine
de la religion.
Dans une cause de ce genre, le cler
gé pourrait-il demeurer neutre, sans
se trahir lui-même et sans trahir l'E
glise ? C'est ce qu'on lui demande ce
pendant. Avant de le faire périr,on lui
enjoint de se déshonorer. Et c'est un
Thévenet qui lui donne cet ordre I
Non, le clergé ne peut pas rester et
ne restera pas neutre. Il sait quel est
l'intérêt, et surtout quel est le devoir.
Le malheur, c'est que la circulaire du
ministre des cultes recevra par le fait
des circonstances une partie, une trop
grande partie de [son exécution. De
puis dix ans que sévit le régime de la
persécution, le clergé et les catholi
ques ont été, vis-à-vis de leurs enne
mis, jusqu'au bout de la condescen
dance. On a voulu être conciliant,
éviter tout ce gui aurait pu paraître
de la provocation, on a cherché à
donner tous les gages possible de
fiatience et de bonne volonté dans
'espoir d'apaiser le conflit, de dé
sarmer l'adversaire, d'user la violence
par la modération et maintenant,
il faut lé reconnaître, on n'est pas
préparé pour la résistance, on n'est
pas organisé pour la lutte. Par le fait,
le clergé, pris au dépourvu, avec le
parti catholique, se trouve impuissant
pour agir à la dernière heure. Un
ffrand nombre de prêtres, des meil-
eurs, des plus zélés, ne feront, rien,
parce qu'ils ne pourront rien faire. M.
Thévenet ne sera que trop obéi. On
ne sent que trop déjà que l'action du
clergé manquera, qu'il ne sera point
là pour éveiller les consciences, pour
donner l'alarme, pour diriger la résis
tance. Cependant, le peu qu'il est en
core possible de faire, il faut le faire.
La neutralité, nos ennemis nous le
font entendre et un évêque nous l'a
dit, ce serait de la trahison.
Arthur Loth.
Le Journal des Débats ne peut nier la
correction, au point de vue légal, de
l'attitude des évêques recommandant
aux fidèles la sollicitude des intérêts
religieux pour déterminer les choix
qu'ils auront à faire aux prochaines
élections. Il reconnaît que, dans au
cune de leurs lettres jpastorales, les
évêques n'ont fait d'incursion injus
tifiée dans le domaine politique, à
moins que la politique n'ait elle-même,
au préalable, envahi le domaine reli
gieux. Pourtant le Journal des Débats
n'est pas satisfait. Il voudrait que les
évêques s'abstinssent même de toute
intervention légitime.
On ressent quelque regret en voyant les
évêques donner ainsi leur avis sur les ques
tions que soulève la bataille électorale. Il
est très naturel que ces questions leur tien
nent à cœur. Il est très naturel anssi que
cerlaines mesures prises au cours des der
nières années aient encouru de leur part la
réprobation la plus sévère. Nous les avons
blâmées et combattues ici; nous ne pouvons
pas trouver mauvais qu'elles aient blessé,
froissé et indigné les chefs du clergé catho
lique. Mais ces sentiments, qu'ils ont le
droit d'éprouver, nous nous demandons
s'ils ont le droit, et surtout s'ils ont raison,
de les exprimer dans des documents pu
blics, et à l'occasion, des élections.
La distinction qu'ils essayent de faire
entre la politique et la législation ne se
laisse pas d'être assez subtile, surtout au
temps où nous sommes. Qu'il s'agisse de
lois scolaires ou de lois administratives, ou
même de lois militaires, c'est surtout sur
les questions religieuses que les partis se
divisent et se battent. Traiter ces questions
du haut de la chaire, c'est, qu'on le veuille
ou non, parlej de politique.
Les ministres du culte feraient mieux, à
notre avis, d'éviter entièrement ce genre de
sujets. C'est l'opinion que nous avons émise
la semaine dernière, à propos de certaines
lettres de M. l'évêque de Séez. Elle a attiré
sur notre tête les foudres de la Gazette de
France, qui nous a accusé, bien entendu,
d'être des radicaux.
Si nous méritions cette cruelle épilhète,
nous ne pourrions que nous réjouir eu en
tendant les archevêques et les évêques
s'occuper de politique et donner des con
signes électorales. Mais nous voulons la
pacification religieuse. Nous voulons la fin
de cette odieuse et stupide campagne de
tracasseries engagée depuis dix ans contre
les croyances d'une partie de la population.
Et c'est pour cela que nous préférerions
voir les chefs de l'Eglise catholique ne don
ner àu radicalisme aucune arme, aucun
prétexte, aucune apparence d'excuse. Nous
reconnaissons que leur intervention est dis
crète et modérée. Mais il nous semble que
l'abstention complète vaudrait encore mieux.
C'est aussi l'avis de M. l'archevêque de
Tours, dont nous avons reproduit hier
l'excellente pastorale, et, si la Gazette de
France nous excommunie, nous serons en
bonne société pour subir ses anathèmes.
Dans ce qui précède, nous ne relè
verons que le passage où le Journal
des Débats confesse que c'est surtout
sur les questions religieuses que les
partis se divisent et se battent. Com
ment veut-il, dès lors, que les minis
tres du culte, à moins de trahir leurs
devoirs, évitent entièrement ce genre
de sujets !
Est-ce leur faute s'ils sont nécessai
rement amenés à en parler, et la dis
tinction que le Journal des Débats re
grette de leur voir pratiquer n'est-elle
pas exigée par la confusion systématiquement les politiciens du
jour entre ces deux ordres de choses.
Il est vraiment curieux que ce soit
aux évêques et, aux prêtres qu'on de
mande de se taire, quand ils ne par
lent que pour se défendre sur leur
propre terrain! Les objurgations du
Journal des Débats se trompent d'a
dresse; c'est à ses amis plus ou moins
proches — car plusieurs d'entre eux
ont trempé dans les mesures de per
sécution — qu'il devrait prêcher le re
pentir et la modération. Lui qui se pi
que de mener fermement la guerre
contre le radicalisme, que dirait-il si
les radicaux, en lui reconnaissant le
droit d'être mécontent, lui interdi
saient le droit d'en parler !
Augustb Roussel.
La république est en train de sup
primer absolument une liberté, bonne
en elle-même, et à laquelle sous les
régimes monarchiques elle prétendait
tenir beaucoup : la liberté de réunion.
Dès qu'il fut le maître, Louis Napo
léon supprima cette liberté, dont déjà
les républicains faisaient mauvais
usage; mais trois ans avant de sombrer,
lorsqu'il eût la singulière idée de cher
cher un renouveau de force dans le li
béralisme, il la rétablit. Il y mit cer
taines conditions ou entraves qui pa
raissaient sages et furent à peu près
impuissantes.
L'esprit révolutionnaire souffla, en
effet, tout de suite dans les réunions
et elles devinrent des lieux de désor
dre. Ce fut une grande déception pour
l'école libérale de ce temps-là. Cette
école, où figurait la fraction de la
jeunesse catholique particulièrement
soumise à l'influence de Montalembert,
de Lacordaire, de Mgr Dupanloup, du
P. Hyacinthe, s'était promis merveil
le de la liberté nouvelle. L'Univers
ayant vite vu et dit que la chose tour
nerait mal, fut, pour cette clairvoyan
ce, accablé de reproches et de sarcas
mes par les catholiques libéraux. Il
ne fallait pas, nous disait-on, douter
ainsi du bon sens et de l'équité du peu
ple. Il pourrait y avoir quelques ora
ges, mais le respect de la liberté
prévaudrait et de ces luttes, où des
cœurs vaillants et chrétiens devaient
se complaire, sortiraient des triom
phes pour la vérité. Cette confian
ce fut trompée. Les orateurs catholi
ques, bien que très libéraux en
leurs discours, excitèrent d'abord des
murmures, puis des huées et, malgré
un petit groupe d'amis déterminés,
durent reculer devant les violences.
Depuis lors les réunions publiques
et contradictoires, celles où l'on pour
rait faire entendre la vérité à des ad
versaires et éclairer des ignorants,nous
ont été à peu près fermées. Le mal n'a
pas été grand car on était terriblement
porté, pour s'y faire entendre,à voiler,
sinon à fausser les principes. :
Après avoir fermé les réunions aux
catholiques, même libéraux, les révo
lutionnaires n'ont plus voulu entendre
les modérés de leur propre parti. Le
droit de réunion n'a donc plus existé
en fait que pour lés démagogues.
Maintenant, c est fini ; il n'existe plus
pour personne. On se réunit encore,
mais c'est pour hurler, pour se battre.
Les réunions privées elles-mêmes, dès
qu'elles ont un caractère politique, de
viennent fort souvent des occasions de
grossier tapage et de bataille.
Eh bien, tout cela est logique. Du
moment, en effet, où la révolution rè
gne, la violence et par conséquent le
désordre prennent nécessairement en
toute chose le dessus. La lie au lieu
d'aller au fond, monte. C'est en vertu
de cette loi que nous voyons MM. Thé
venet, Constans etd'autres au pouvoir,
et que les prochaines élections nous
menacent à la fois du césarisme et de
la Commune.
Eugène Veuillot.
On lit dans la Correspondance minis
térielle ;
Il est temps que la Haute-Cour de justice
rouvre ses assises et fasse comparaître les
citoyens perturbateurs pour envoyer à l'é
tranger, puisqu'ils ne trouvent pas la so
ciété républicaine à leur goût, les Cassa-
gnac, les Hervé, les Mermeix, les Freppel,
créer un gouvernement de leur choix.
Il serait bon de savoir si la susdite
correspondance a quelque droit à se
dire ministérielle.
M. Constans, ministre de l'intérieur,
candidat de |la première circonscrip
tion de .Toulouse, vient d'adresser de
Paris le télégramme suivant au co
mité républicain de sa circonscrip
tion :
Mes chers amis,
J'avais annoncé mon arrivée & Toulouse
pour aujourd'hui samedi. Les circonstan
ces où nous nous trouvons ne me permet
tent pas de tenir ma promesse.
Obligé par mes fonctions de veiller aux
intérêts généraux de la République, je ne
puis que confier à mes amis le soin de dé
fendre mes intérêts personnels potr me
consacrer exclusivement aux devoirs de ma
charge. Je sais que ces intérêts sont en
bonnes mains. Les électeurs de Toulouse
n'ont Jamais manqué à la République, et
ils affirmeront encore leur foi républicaine
eri écartant la dictature, et en votant pouç,
leur ancien député.
Après le triomphe de la république, qui
dès aujourd'hui est assuré dans toute la
France et auquel vous contribuerez par vo
tre discipline, j'aurai le grand plaisir de
venir vous remercier du nouveau témoi
gnage de confiance que vous aurez ac
cordé à votre vieil ami et tout dévoué com
patriote.
M. Constans, en évitant d'aller à
Toulouse, ne chercherait-il pas plutôt
à éviter certaines manifestations dé
sagréables qui auraient pu lui être
adressées ?
Réponses épiscopales
Voici la lettre adressée par Mgr l'é
vêque de Vannes, au ministre de la
justice et des cultes.
Vannes, le 6 septembre 1889.
Monsieur le Ministre,
J'aime à croire qu'aucun prêtre de mon
diocèse n'abusera, durant la période élec
torale, du crédit et de l'autorité dont, grâce
à Dieu, le Clergé jouit auprès de nos reli
gieuses populations.
J'ai toujours recommandé, sous l'Empire
comme sous le régime qui lui a succédé, à
mes chers Coopérateurs, de s'abstenir de
toute politique dans l'exercice de leur minis
tère. Si, comme je l'espère, ils se confor
ment & mes instructions, ils ne sortiront de
la légalité ni dans l'usage de leurs droits,
ni dans l'accomplissement de leurs devoirs
de citoyens. Ils vous épargneront ainsi la
peine de recourir aux mesures rigoureuses
dont Votre Excellence nous menace dans sa
circulaire n° 551, en date du 4 courant.
Permettez-moi, monsieur le ministre,
d'ajouter que la neutralité indispensable,
selon votre juste observation, dans l'inté
rêt de l'Eglise comme dans celui de l'Etat,
n'a peut-être point été observée chez nous,
aux électiocs départementales, par ceux
qui nous font un crime de vouloir confier
nos intérêts religieux et sociaux à des hom
mes partageant nos croyances. Puissent-ils
nous donner à l'avenir l'exemple de la li
berté de conscience et de la loyauté du
vote, au lieu de nous imputer des paroles
et des actes auxquels l'honnêteté défend de
recourir !
En tout cas, monsieur ïe ministre, ne
dontez pas plus de notre patriotisme que
notre religion. La France et l'Eglise auront
toujours en nous des serviteurs fidèles,
désintéressés, disposés à tous les dévoue
ments, et, s'il le fallait, aux plus durs sa
crifices.
Je vous prie, monsieur le ministre, d'a
gréer l'assurance de ma haute considé
ration.
f Jean-Marie,
évêque de Vannes.
Cette lettre a été communiquée aux
prêtres du diocès par la lettre-circu
laire que voici :
Messieurs et chers coopérateurs,
Il me revient de tous côtés que vous dé
sirez savoir comment j'accueillis la circu
laire adressée officiellement, le 4 de ce
mois, à l'épiscopat français.
N'en doutez pas, elle me causa, comme &
vous, une très vive affliction. Elle était,
d'ailleurs, de nature à émouvoir profondé
ment les moins suspects d'opposition systé
matique. J'y répondis immédiatement. Si
je ne vous ai pas communiqué plutôt ma
réponse, c'est qu'il est toujours pénible à
un évêque, même en cas de légitime dé
fense, de s'en prendre publiquement aux
représentants de l'autorité.
Le bruit qui s'est fait dans la presse au
tour du document ministériel, m'autorise à
rompre le silence. Je me plais à penser que
ma lettre à M. le ministre des cultes vous
consolera de cette attaque.
Quelles que soient les luttes que le pré
sent nous porte à redouter dans un avenir
prochain, je m'appliquerai toujours à vous
donner l'exemple de la modération, de la
charité et de la patience, qui n'excluent ni
la fermeté, ni le courage, ni les énergiques
revendications de la vérité et de la jus
tice.
Lorsqu'il y a quelques années, la traite
ment des évêques fut diminué de six mille
francs, y compris l'indemnité relative aux
visites pastorales, ils se résignèrent sans
réclamations, à cette mesure rigoureuse,
qui leur ôtait le moyen de secourir de
grandes infortunes. Mais une preuve de
désintéressement n'est point une renoncia
tion à des droits acquis et incontestables,
encore moins un gage d'assentiment ulté
rieur à des conditions auxquelles l'amour
de l'Eglise et de la France nous défen
drait de souscrire.
Vous vous efforcerez tous, en ces dou
loureuses circonstances, de justifier la con
fiance que j'ai mise en vous. Montrons la
prudence et la dignité que nous imposent
à la fois notre périlleuse situation et les
saintes causes que nous avons à soutenir,
an nom de Dieu et de la patrie. Usons,
sans peur et sans reproche, de nos droits;
remplissons en conscience nos devoirs;
prions avec ferveur et avec persévérance.
Nous ne compterons pas eu vain sur le se
cours du Ciel, sur l'estime et le respect de
tous les honnêtes gens.
A l'occasion des élections législatives,
le Veni Creator et le Sub tuum prxsidium,
avec et or. correspondants, seront chan
tés le dimanche 22 septembre, dans toutes
les églises et chapelles de communauté du
diocèse, avant ou après l'office principal.
A ces mêmes fins, les personnes qui vi
vent en communauté et toutes celles qui
aiment sincèrement l'ERlise et la France,
ne manqueront pas d'adresser à Dieu d'ar
dentes prières et de faire de ferventes com
munions.
Donné àBeignon, le 12 septembre 1889.
■f Jean-Marie,
évêque de Vannes.
Voici en quels termes, dans son der
nier bulletin politique, la Revue des
Deux-Mondes parle de la circulaire de
M. Thévenet à l'épiscopat :
M. le garde des sceaux Thévenet adresse
aux évêques une circulaire qui est certes
un des documents électoraux les plus ex
traordinaires. M. le ministre des cultes n'y
va pas de main légère. Il impose au clergé
la plus sévère neutralité, il lui interdit
toutejmanifestation d'une préférence poli
tique, fût-ce dans un intérêt religieux; il
va même jusqu'à menacer les prêtres plus
ou moins suspects d'une hostilité systéma-
tiqne, d'une « radiation des cadres du
clergé ^rétribué par l'Etat ». M. le ministre
des cnltes s'est tout bonnement exposé à
provoquer une réponse comme celle de M.
l'évêque de Séez, Mgr Trégaro, qui lui a
demandé si les prêtres étaient désormais
« des ilotes et des parias » en France.
Qu'estce à dire en effet ? Assurément
il est toujours vrai que la conduite la plus
sage pour le clergé est de rester étranger
aux luttes politiques, et en toute justice on
peut ajouter que, parmi les récentes lettres
pastorales des évêques, il n'y en a pas une
seule où la république soit mise en cause ;
mais cette réserve inhérente au sacerdoce
n'exclut point évidemment pour un prêtre
le fdroit d'exprimer une opinion, de donner
un conseil dans l'intérêt de la religion dont
il est le ministre. Serait-ce parce qu'il est
rétribué par l'Etat que le clergé serait con
damné au silence, à une abstention rigou
reuse?. Mais les instituteurs sont aussi
rétribués par l'Etat, et M. le ministre de
l'instruction publique leur a fait un devoir de
se jeter tête baissée dans la mêlée. Serait-
ce parce que les prêtres sontdans une situa»
tion privilégiée qu'ils cesseraient d'avoir
leurs droits de citoyens? Mais ils n'ont plus
le dernier privilège qu'ils gardaient encore.
Ils subissent comme les autres la loi mili
taire, et, s'ils sont soumis aux obligations
communes, ils ont les droits de tous les
Français. Est-ce en vertu du Concordat que
M. le ministre des cultes s'attribue un droit
de radiation à l'égard des membres du
clergé suspects? On a pu le faire sans doute,
on l'a fait même ; ce n'est pas moins un
acte arbitraire, discrétionnaire. Et c'est
ainsi que M. le garde des sceaux Thévenet
travaille à la paix religieuse dans l'intérêt
de la république !
Lorsque M. le ministre des affaires étran
gères, Spuller, parlait récemment dans ses
programmes d'une république tolérante,
libérale, où en avait-il pris le modèle et de
quelle république vonlait-il parler? Est-ce
de celle de M. Thévenet, qui fait ses cir
culaires pour la paix religieuse aux évê
ques? Est-ce de celle de M. Constans, qui
fait de tous les fonctionnaires des soldats au
service de ses candidatures officielles? Est-
de la république qui menace déjà ses ad
versaires d'invalidations systématiques ?
Cette recrudescence de la passion de parti
est tout simplement le gage de l'alliance
nouvelie des opportunistes et des radicaux
dans la lutte qui est ouverte. Et quand les
uns et les antres réussiraient, quand même
ils retrouveraient ensemble une majorité,
qu'en serait-il de plus? Ils sont plus ou
moins unis avant le scrutin, ils se divise
raient le lendemain, ils redeviendraient
inévitablement des frères ennemis, et la
république qu'ils prétendent sauver ne
s'en trouverait pas mieux — ni le pays non
plus. Quelles garanties offrirait au pays le
succès électoral de cette prétendue con
centration républicaine, qui s'est à sa ma
nière qu'une coalition incohérent?
LETTRE PASTORALE
de
S. Em. le cardinal Richard
Archevêque de Paris
Pour la publication de l'encyclique de Notre
Saint-Père le Pape Léon XIIJ, recom
mandant aux fidèles l'invocation de la
très, sainte Vierge Marie et de saint Jo*
seph dans les difficultés des temps actuels.
François-Marie-Benjamin Richard, pai?
la grâce de Dieu et du Saint-Siège aposto
lique, cardinal-prêtre de la sainte Eglise
romaine, archevêque de Paris, au clergé et
aux fidèles de notre diocèse, salut et bé-»
nédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Nos très chers frères,
Notre Saint-Père le Pape Léon XIII vient
de publier, le jour même de l'Assomption
de la glorieuse Vierge Marie, etjjd'adresser
à tous les évêques da monde catholique
nne lettre encyclique pour exhorter les fi
dèles à recourir au patronage de la très
sainte Mère de Dieu et de saint Joseph
dans les difficultés des temps actuels.
Nous vous communiquons avec bonheur
cette lettre, qui sera lue en chaire dans ton-
tes les églises de notre diocèse. Mais nous
croyons nécessaire d'en faire précéder.la
lecture par quelques considérations qui
vous aideront à comprendre la pensée du
Souverain Pontife et vous rendront, nous
l'espérons de la bonté de Dieu, plus atten
tifs à la parole du Vicaire de Jésus-Christ,
plus dociles à sa voix.
Lorsque nous considérons l'œuvre pour
suivie par Léon XIII durant les douze an
nées de son pontificat, nous remarquons
deux choses : la sollicitude avec laquelle il
ne cesse de donner à l'Eglise et au monde
l'enseignement de là doctrine ; l'insistance
avec laquelle il invite les fidèles à la prière.
Ce sont en effet les deux ehoses dont notre
société inquiète et troublée a besoin : la Yé?
rité qui apporte la lumière et la paix dan?
les intelligences, la prière qui en rappro
chant l'homme de Dieu son créateur lut
rend la confiance et l'énergie pour lë bien. :
Léon XIII, avec une persévérance infati
gable, nous a successivement exposé dan?
ses admirables encycliques les principe®
qui doivent diriger l'esprit humain dans les
études scientifiques et philosophiques ; les
règles établies par la sagesse divine pour
l'institution et la conservation de la famille,
base etfondement de toute société humaine;
les vérités qui doivent présider à la cons
titution des Etats, quelles que soient les for
mes politiques qui se succèdent chez les
tris sur la philosophie de saint Thomas ;
puis dans l'encyclique Arcanum divinse sur
le mariage chrétien; et enfin dans les deux
encycliques Immortale Dei et Libertas sur
la constitution chrétienne des Etats et sur
la liberté humaine. Une autre encyclique,
Humanum genus, plus digne pèut-être en
core de la méditation des hommes soucieux
du salut des âmes et de la société, nous a
signalé le grand péril des temps actuels : la
lutte entreprise depuis plus d'un siècle par
les sociétés secrètes qui se cachent sous des
noms divers, et que la voix publique dési
gne le plus souvent par l'appellation géné
rale d'associations maçonniques; lutte diri
gée non-seulement contre l'Eglise, mais con
tre toute idée religieuse.
Lorsqu'au milieu du siècle dernier, les
Pontifes romains élevèrent la voix et dé
noncèrent, au monde le péril qui allait naî
tre pour la société tout entière de la franc-
maçonnerie, ils se montrèrent, suivant la
belle figure employée par le prophète Ezé-
chiei (1), les sentinelles vigilantes chargées
par Dieu d'avertir les hommes des dangers
qui les menacent. Les événements accom
plis depuis lors ont justifié la vigilance des
pasteurs suprêmes.
C'est qu'en effet, N. T. C. F., la lutte en
gagée aujourd'hui dans le monde arrive à
ces deux termes, que beaucoup d'hommes,
préoccupés par les questions secondaires
d'ordre économique ou politique, n'ont pas
encore suffisamment compris. Il s'agit dé
savoir si la société moderne née de l'Evan
gile restera chrétienne,ou si elle cessera de
l'être pour être remplacée par une société
d'où le nom de Dieu et celui de Notre-Sei
gneur Jésus-Christ seront bannis. Nous di
sons la société : car la question posée en
ces termes n'est pas une question particu
lière à la France ; elle est posée d'une ma
nière plus ou moins expresse pour toutes
les nations.
« Vous connaissez les temps actuels,
« nous dit Léon XIII, dans le préambule
« de l'Encyclique que nous vous annonçons
« aujourd'hui, temps aussi calamiteux pour
« la société chrétienne qu'il n'en fût ja
mais. Nous voyons la foi, principe de
« toutes les vertus, périr chez un grand
« nombre ; la charité se refroidir; la jeu-
< nesse grandir sons l'influence de aoc-
€ trines et de mœurs perverses ; l'Eglise
« de Jésus-Christ attaquée de toutes parts
a par la ruse et par la violence ; une
« guerre acharnée poursuivie contre
« le Souverain Pontife ; les fondements de
«la religion ébranlés avec une audace qui
a croit chaque jour. Dans quel abîme, nous
» sommes déjà tombés, quels sont les pro
fil Ezech., 111, 17 et seq.
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTKAtfSER
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l'DWERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C'«, 6, place de la Boursa
francs
PARIS, 15 SEPTEMBRE 1839
Encore une circulaire et cette fois,
c'est M. Faye, ministre de l'agricul
ture, un des modérés du cabinet. La
modération apparaît un peu dans la
forme, mais pour le tond c'est toujours
la même inspiration : il faut que les
fonctionnaires, même les plus étran
gers à la politique, marchent sous la
direction des préfets, et ils marche
ront. On ne leur passe même pas dans
les élections la neutralité bienveil
lante ; ils doivent se jeter résolument
dans la mêlée électorale sous la ban
nière du radicalisme et de l'opportu
nisme réunis.
Comme les ministres même les plus
militants des régimes précédents sont
dépassés I
• Nous serions fort surpris si M, Thé-
venet se déclarait satisfait des résul
tats de sa fameuse circulaire. Certai
nement lorsqu'il la publiait, de l'aveu
de ses collègues, il ne pensait pas
qu'elle passerait inaperçue, mais il ne
se doutait pas de la nature de l'effet
qu'il allait produire. Ignorant ce qu'est
un prêtre, un évêque, et jugeant tout
à son aune, le médiocre avocat dont
la République opportuniste^ fait un
garde des sceaux et un ministre des
cultes, s'imaginait qu'avec quelques
menaces il aurait raison du clergé ; il
peut voir maintenant ce qu'il eu est.
Loin de s'arrêter devant les foudres
ministérielles, les évêques tiennent à
honneur de remplir les devoirs de
leur charge et de rappeler aux fidèles
les graves obligations que leur impose
la situation de l'Eglise en France.
Nous n'avons cessé depuis la circu
laire d'enregistrer leurs paroles, et
nous n'avons pas fini. Cela gêne fort
les républicains, surtout les modérés,
mais leurs arguties n'y pourront rien.
Nous avons déjà signalé le caractère
de violence que prend la campagne
électorale ; la faute en est autant à
l'administration dont l'attitude ferait
parfois croire à une complicité avec
les auteurs des désordres, qu'aux jour
naux gouvernementaux qui se sen
tant ou se croyant appuyés poussent
presque ouvertement aux violences.
Les journaux n'ont même pas la pu
deur de condamner ces violences lors
que la victime est un candidat bou-
langiste ou conservateur. Ainsi, un
honorable candidat de Meurthe-et-
Moselle, M. Michaut, qui est respecté
dans tout lé pays, a été blessé, et des
journaux même modérés comme le
Temps et les Débats, au lieu de protes
ter, cherchent à établir que la bles
sure n'est pas grave et que par suite
il n'y a pas à s'en occuper. Et ces mê
mes journaux ne trouveraient pas
d'expressions assez énergiques s'il
s'agissait de M. Ferry et même de M.
Thévenet.
C'est ainsi que la république est en
France le gouvernement qui nous di
vise le moins.
On a parlé de la venue en France
du czarewitch, et à cette occasion, la
plupart des journaux autrichiens ont
affecté une grande indignation. Com
ment l'héritier de la couronne de Rus
sie, l'arrière-petit fils du czar Nicolas
viendrait en France comme pour pren
dre part à la célébration du cente
naire de 1789
Cette indignation n'a pas paru bien
sincère à la presse russe, et le Nord,
y répond par une note que nous re
produisons plus loin. Ce journal, dont
on connaît les attaches avec la chan
cellerie russe, dit assez dédaigneuse
ment qu'il ne s'agit nullement de s'as
socier à une glorification de la Ré
volution ; mais, distinguant la France
de son gouvernement, il rappelle qu'on
peut et doit encore compter avec elle.
On trouvera aux informations un
manifeste du comité central de la
ligue balkanique siégeant à Athènes,
au sujet des affaires de Crète. Sans
exagérer l'importance de ce comité,
plus hellénique que balkanique et cré-
tois, et de ses manifestations, on peut
rapprocher cette publication des nou
velles données au sujet de la mission
de Ghakir-pacha. Il ressort de là que
la situation est encore inquiétante en
Crète.
La Koelnische Velltszeitung de Colo
gne reçoit de Berlin une dépêche an
nonçant que le gouvernement présen
tera un projet de loi, en vertu duquel
les traitements du clergé et les reve
nus des menses épiscopales, séques
trés lors du kulturkampf, seront res
titués à l'Eglise. L'épiscopat serait
invité à en faire la distribution d'ac
cord avec le gouvernement.
La prussianisation des petits ét^ts
allemands progresse toujours. Déjà
les Bavarois'avaient perdu leur casque
à chenille et adopté le casque à pointe;
c'est maintenant le tour des Hano-
vriens. On a profité de la présence de
l'empereur Guillaume pour donner la
tunique prussienne aux soldats déta
chés pour le service impérial ; c'est
évidemment un acheminement à la
transformation générale.
A propos de la circulaire du minis
tre de l'instruction publique sur le
rôle des instituteursdans les élections,
un. organe ministériel fait remarquer
qu'il n'y a pas de neutralité sans quel
que trahison. Ce journal, comme son
ministre, veut que les instituteurs
prennent part activement à la lutte
électorale, sous peine de forfaire à
leur devoir en s'abstenant.
Et cependant c'est la neutralité que
lé collègue de M, Fallières enjoint aux
évêques et aux prêtres. N'y aurait-il
donc pas aussi quelque trahison dans
la neutralité prescrite au clergé ? Or,
que peut trahir le clergé en observant
dans les élections l'attitude que lui
prescrit le ministre des cultes ? Ce
n'est évidemment pas l'Etat, puisque
c'est en son nom que parle l'agent du
gouvernement. C'est donc l'Eglise que
le ministre des cultes ordonne au
clergé de trahir par sa neutralité dans
les élections.
Et, en effet, il la trahirait. Si, en
d'autres temps,alors qu'il n'y a que des
intérêts politiques engagés, la réserve
et même l'abstention pouvaient être
la règle de conduite du clergé au mi
lieu des partis, il n'en est pas de même
aujourd'hui. Aux prochaines élections,
c'est le sort du clergé et plus encore
celui de la religion qui se décidera.
Tous les soutiens du régime, tous les
adversaires du catholicisme procla
ment que la cause électorale est en
core plus religieuse que politique. Ce
n'est pas pour la république qu'ils
luttent, puisque leurs compétiteurs,
boulangistes et conservateurs ralliés
au parti national, en promettent
comme eux le maintien. La république
n'est point en cause. Il s'agit seule
ment de savoir si elle continuera
d'être ce qu'elle est,ou si elle changera
en mieux. Si elle continue, c'est la
persécution et ce ne sera que cela.
Répétons-le : les réformes économi
ques et financières, à plus forte raison
les réformes socialistes,annoncées dans
les programmes, ne sont pas encore
réalisables. De toutes les promesses,
opportunistes ou radicales, il n'y en a
qu'une qui s'exécutera: ce sera la sé
paration de l'Eglise et de l'Etat, avec
son accessoire de lois d'exclusion et
de violence.
Le parti républicain qui triomphera
par la défaite jdes divers candidats de
l'opposition, ne se propose bien qu'une
chose : c'est d'affermir la république
par l'achèvement de la laïcisation,
c'est d'opprimer l'Eglise pour en finir
avec les résistances des partis qui se
rattachent à elle. Tel est le programme
commun. _ _____
Quelqu'un peut-il dire qu'il soit in
différent au clergé que ce programme
s'exécute ou non ? Et s'il lui importe
que le plan échoue, peut-il rester neu
tre dans la lutte?
Des hommes d'un zèle qu'on dit exa
géré, mais comme il en faut cepen
dant pour stimuler parfois celui des
plus sages, ont pu trouver qu'on ne
sentait pas le clergé assez ému au mi
lieu des destructions qui s'accomplis
sent et des ruines plus grandes encore
gui se préparent. Mais en ce moment
il est impossible que tout lé corps sa
cerdotal ne ressente l'émotion de la
lutte qui va s'engager. Le triomphe
du parti républicain gouvernemental,
c'est le clergé à la caserne, le clergé
mis entre la loi civile qui le fait mili
taire et la loi canonique qui lui inter
dit de porter les armes, le clergé déci
mé, dénaturé, déconsidéré ; c'est le
culte interrompu dans un grand nom
bre de paroisses et les églises fermées ;
d'est l'abolition du Concordat, la rupture
avec Rome, la guerre du pouvoir civil
contre le pouvoir religieux, la lutte avec
les consciences ; c'est la suppression
du budget des cultes et le clergé à la
mendicité ; c'est la laïcisation à ou
trance dans toutes les écoles, dans
tous les établissements publics ; c'est
une seconde expulsion des congréga
tions religieuses et la suppression de
tout enseignement libre chrétien; c'est
l'asservissement de l'Eglise, la ruine
de la religion.
Dans une cause de ce genre, le cler
gé pourrait-il demeurer neutre, sans
se trahir lui-même et sans trahir l'E
glise ? C'est ce qu'on lui demande ce
pendant. Avant de le faire périr,on lui
enjoint de se déshonorer. Et c'est un
Thévenet qui lui donne cet ordre I
Non, le clergé ne peut pas rester et
ne restera pas neutre. Il sait quel est
l'intérêt, et surtout quel est le devoir.
Le malheur, c'est que la circulaire du
ministre des cultes recevra par le fait
des circonstances une partie, une trop
grande partie de [son exécution. De
puis dix ans que sévit le régime de la
persécution, le clergé et les catholi
ques ont été, vis-à-vis de leurs enne
mis, jusqu'au bout de la condescen
dance. On a voulu être conciliant,
éviter tout ce gui aurait pu paraître
de la provocation, on a cherché à
donner tous les gages possible de
fiatience et de bonne volonté dans
'espoir d'apaiser le conflit, de dé
sarmer l'adversaire, d'user la violence
par la modération et maintenant,
il faut lé reconnaître, on n'est pas
préparé pour la résistance, on n'est
pas organisé pour la lutte. Par le fait,
le clergé, pris au dépourvu, avec le
parti catholique, se trouve impuissant
pour agir à la dernière heure. Un
ffrand nombre de prêtres, des meil-
eurs, des plus zélés, ne feront, rien,
parce qu'ils ne pourront rien faire. M.
Thévenet ne sera que trop obéi. On
ne sent que trop déjà que l'action du
clergé manquera, qu'il ne sera point
là pour éveiller les consciences, pour
donner l'alarme, pour diriger la résis
tance. Cependant, le peu qu'il est en
core possible de faire, il faut le faire.
La neutralité, nos ennemis nous le
font entendre et un évêque nous l'a
dit, ce serait de la trahison.
Arthur Loth.
Le Journal des Débats ne peut nier la
correction, au point de vue légal, de
l'attitude des évêques recommandant
aux fidèles la sollicitude des intérêts
religieux pour déterminer les choix
qu'ils auront à faire aux prochaines
élections. Il reconnaît que, dans au
cune de leurs lettres jpastorales, les
évêques n'ont fait d'incursion injus
tifiée dans le domaine politique, à
moins que la politique n'ait elle-même,
au préalable, envahi le domaine reli
gieux. Pourtant le Journal des Débats
n'est pas satisfait. Il voudrait que les
évêques s'abstinssent même de toute
intervention légitime.
On ressent quelque regret en voyant les
évêques donner ainsi leur avis sur les ques
tions que soulève la bataille électorale. Il
est très naturel que ces questions leur tien
nent à cœur. Il est très naturel anssi que
cerlaines mesures prises au cours des der
nières années aient encouru de leur part la
réprobation la plus sévère. Nous les avons
blâmées et combattues ici; nous ne pouvons
pas trouver mauvais qu'elles aient blessé,
froissé et indigné les chefs du clergé catho
lique. Mais ces sentiments, qu'ils ont le
droit d'éprouver, nous nous demandons
s'ils ont le droit, et surtout s'ils ont raison,
de les exprimer dans des documents pu
blics, et à l'occasion, des élections.
La distinction qu'ils essayent de faire
entre la politique et la législation ne se
laisse pas d'être assez subtile, surtout au
temps où nous sommes. Qu'il s'agisse de
lois scolaires ou de lois administratives, ou
même de lois militaires, c'est surtout sur
les questions religieuses que les partis se
divisent et se battent. Traiter ces questions
du haut de la chaire, c'est, qu'on le veuille
ou non, parlej de politique.
Les ministres du culte feraient mieux, à
notre avis, d'éviter entièrement ce genre de
sujets. C'est l'opinion que nous avons émise
la semaine dernière, à propos de certaines
lettres de M. l'évêque de Séez. Elle a attiré
sur notre tête les foudres de la Gazette de
France, qui nous a accusé, bien entendu,
d'être des radicaux.
Si nous méritions cette cruelle épilhète,
nous ne pourrions que nous réjouir eu en
tendant les archevêques et les évêques
s'occuper de politique et donner des con
signes électorales. Mais nous voulons la
pacification religieuse. Nous voulons la fin
de cette odieuse et stupide campagne de
tracasseries engagée depuis dix ans contre
les croyances d'une partie de la population.
Et c'est pour cela que nous préférerions
voir les chefs de l'Eglise catholique ne don
ner àu radicalisme aucune arme, aucun
prétexte, aucune apparence d'excuse. Nous
reconnaissons que leur intervention est dis
crète et modérée. Mais il nous semble que
l'abstention complète vaudrait encore mieux.
C'est aussi l'avis de M. l'archevêque de
Tours, dont nous avons reproduit hier
l'excellente pastorale, et, si la Gazette de
France nous excommunie, nous serons en
bonne société pour subir ses anathèmes.
Dans ce qui précède, nous ne relè
verons que le passage où le Journal
des Débats confesse que c'est surtout
sur les questions religieuses que les
partis se divisent et se battent. Com
ment veut-il, dès lors, que les minis
tres du culte, à moins de trahir leurs
devoirs, évitent entièrement ce genre
de sujets !
Est-ce leur faute s'ils sont nécessai
rement amenés à en parler, et la dis
tinction que le Journal des Débats re
grette de leur voir pratiquer n'est-elle
pas exigée par la confusion
jour entre ces deux ordres de choses.
Il est vraiment curieux que ce soit
aux évêques et, aux prêtres qu'on de
mande de se taire, quand ils ne par
lent que pour se défendre sur leur
propre terrain! Les objurgations du
Journal des Débats se trompent d'a
dresse; c'est à ses amis plus ou moins
proches — car plusieurs d'entre eux
ont trempé dans les mesures de per
sécution — qu'il devrait prêcher le re
pentir et la modération. Lui qui se pi
que de mener fermement la guerre
contre le radicalisme, que dirait-il si
les radicaux, en lui reconnaissant le
droit d'être mécontent, lui interdi
saient le droit d'en parler !
Augustb Roussel.
La république est en train de sup
primer absolument une liberté, bonne
en elle-même, et à laquelle sous les
régimes monarchiques elle prétendait
tenir beaucoup : la liberté de réunion.
Dès qu'il fut le maître, Louis Napo
léon supprima cette liberté, dont déjà
les républicains faisaient mauvais
usage; mais trois ans avant de sombrer,
lorsqu'il eût la singulière idée de cher
cher un renouveau de force dans le li
béralisme, il la rétablit. Il y mit cer
taines conditions ou entraves qui pa
raissaient sages et furent à peu près
impuissantes.
L'esprit révolutionnaire souffla, en
effet, tout de suite dans les réunions
et elles devinrent des lieux de désor
dre. Ce fut une grande déception pour
l'école libérale de ce temps-là. Cette
école, où figurait la fraction de la
jeunesse catholique particulièrement
soumise à l'influence de Montalembert,
de Lacordaire, de Mgr Dupanloup, du
P. Hyacinthe, s'était promis merveil
le de la liberté nouvelle. L'Univers
ayant vite vu et dit que la chose tour
nerait mal, fut, pour cette clairvoyan
ce, accablé de reproches et de sarcas
mes par les catholiques libéraux. Il
ne fallait pas, nous disait-on, douter
ainsi du bon sens et de l'équité du peu
ple. Il pourrait y avoir quelques ora
ges, mais le respect de la liberté
prévaudrait et de ces luttes, où des
cœurs vaillants et chrétiens devaient
se complaire, sortiraient des triom
phes pour la vérité. Cette confian
ce fut trompée. Les orateurs catholi
ques, bien que très libéraux en
leurs discours, excitèrent d'abord des
murmures, puis des huées et, malgré
un petit groupe d'amis déterminés,
durent reculer devant les violences.
Depuis lors les réunions publiques
et contradictoires, celles où l'on pour
rait faire entendre la vérité à des ad
versaires et éclairer des ignorants,nous
ont été à peu près fermées. Le mal n'a
pas été grand car on était terriblement
porté, pour s'y faire entendre,à voiler,
sinon à fausser les principes. :
Après avoir fermé les réunions aux
catholiques, même libéraux, les révo
lutionnaires n'ont plus voulu entendre
les modérés de leur propre parti. Le
droit de réunion n'a donc plus existé
en fait que pour lés démagogues.
Maintenant, c est fini ; il n'existe plus
pour personne. On se réunit encore,
mais c'est pour hurler, pour se battre.
Les réunions privées elles-mêmes, dès
qu'elles ont un caractère politique, de
viennent fort souvent des occasions de
grossier tapage et de bataille.
Eh bien, tout cela est logique. Du
moment, en effet, où la révolution rè
gne, la violence et par conséquent le
désordre prennent nécessairement en
toute chose le dessus. La lie au lieu
d'aller au fond, monte. C'est en vertu
de cette loi que nous voyons MM. Thé
venet, Constans etd'autres au pouvoir,
et que les prochaines élections nous
menacent à la fois du césarisme et de
la Commune.
Eugène Veuillot.
On lit dans la Correspondance minis
térielle ;
Il est temps que la Haute-Cour de justice
rouvre ses assises et fasse comparaître les
citoyens perturbateurs pour envoyer à l'é
tranger, puisqu'ils ne trouvent pas la so
ciété républicaine à leur goût, les Cassa-
gnac, les Hervé, les Mermeix, les Freppel,
créer un gouvernement de leur choix.
Il serait bon de savoir si la susdite
correspondance a quelque droit à se
dire ministérielle.
M. Constans, ministre de l'intérieur,
candidat de |la première circonscrip
tion de .Toulouse, vient d'adresser de
Paris le télégramme suivant au co
mité républicain de sa circonscrip
tion :
Mes chers amis,
J'avais annoncé mon arrivée & Toulouse
pour aujourd'hui samedi. Les circonstan
ces où nous nous trouvons ne me permet
tent pas de tenir ma promesse.
Obligé par mes fonctions de veiller aux
intérêts généraux de la République, je ne
puis que confier à mes amis le soin de dé
fendre mes intérêts personnels potr me
consacrer exclusivement aux devoirs de ma
charge. Je sais que ces intérêts sont en
bonnes mains. Les électeurs de Toulouse
n'ont Jamais manqué à la République, et
ils affirmeront encore leur foi républicaine
eri écartant la dictature, et en votant pouç,
leur ancien député.
Après le triomphe de la république, qui
dès aujourd'hui est assuré dans toute la
France et auquel vous contribuerez par vo
tre discipline, j'aurai le grand plaisir de
venir vous remercier du nouveau témoi
gnage de confiance que vous aurez ac
cordé à votre vieil ami et tout dévoué com
patriote.
M. Constans, en évitant d'aller à
Toulouse, ne chercherait-il pas plutôt
à éviter certaines manifestations dé
sagréables qui auraient pu lui être
adressées ?
Réponses épiscopales
Voici la lettre adressée par Mgr l'é
vêque de Vannes, au ministre de la
justice et des cultes.
Vannes, le 6 septembre 1889.
Monsieur le Ministre,
J'aime à croire qu'aucun prêtre de mon
diocèse n'abusera, durant la période élec
torale, du crédit et de l'autorité dont, grâce
à Dieu, le Clergé jouit auprès de nos reli
gieuses populations.
J'ai toujours recommandé, sous l'Empire
comme sous le régime qui lui a succédé, à
mes chers Coopérateurs, de s'abstenir de
toute politique dans l'exercice de leur minis
tère. Si, comme je l'espère, ils se confor
ment & mes instructions, ils ne sortiront de
la légalité ni dans l'usage de leurs droits,
ni dans l'accomplissement de leurs devoirs
de citoyens. Ils vous épargneront ainsi la
peine de recourir aux mesures rigoureuses
dont Votre Excellence nous menace dans sa
circulaire n° 551, en date du 4 courant.
Permettez-moi, monsieur le ministre,
d'ajouter que la neutralité indispensable,
selon votre juste observation, dans l'inté
rêt de l'Eglise comme dans celui de l'Etat,
n'a peut-être point été observée chez nous,
aux électiocs départementales, par ceux
qui nous font un crime de vouloir confier
nos intérêts religieux et sociaux à des hom
mes partageant nos croyances. Puissent-ils
nous donner à l'avenir l'exemple de la li
berté de conscience et de la loyauté du
vote, au lieu de nous imputer des paroles
et des actes auxquels l'honnêteté défend de
recourir !
En tout cas, monsieur ïe ministre, ne
dontez pas plus de notre patriotisme que
notre religion. La France et l'Eglise auront
toujours en nous des serviteurs fidèles,
désintéressés, disposés à tous les dévoue
ments, et, s'il le fallait, aux plus durs sa
crifices.
Je vous prie, monsieur le ministre, d'a
gréer l'assurance de ma haute considé
ration.
f Jean-Marie,
évêque de Vannes.
Cette lettre a été communiquée aux
prêtres du diocès par la lettre-circu
laire que voici :
Messieurs et chers coopérateurs,
Il me revient de tous côtés que vous dé
sirez savoir comment j'accueillis la circu
laire adressée officiellement, le 4 de ce
mois, à l'épiscopat français.
N'en doutez pas, elle me causa, comme &
vous, une très vive affliction. Elle était,
d'ailleurs, de nature à émouvoir profondé
ment les moins suspects d'opposition systé
matique. J'y répondis immédiatement. Si
je ne vous ai pas communiqué plutôt ma
réponse, c'est qu'il est toujours pénible à
un évêque, même en cas de légitime dé
fense, de s'en prendre publiquement aux
représentants de l'autorité.
Le bruit qui s'est fait dans la presse au
tour du document ministériel, m'autorise à
rompre le silence. Je me plais à penser que
ma lettre à M. le ministre des cultes vous
consolera de cette attaque.
Quelles que soient les luttes que le pré
sent nous porte à redouter dans un avenir
prochain, je m'appliquerai toujours à vous
donner l'exemple de la modération, de la
charité et de la patience, qui n'excluent ni
la fermeté, ni le courage, ni les énergiques
revendications de la vérité et de la jus
tice.
Lorsqu'il y a quelques années, la traite
ment des évêques fut diminué de six mille
francs, y compris l'indemnité relative aux
visites pastorales, ils se résignèrent sans
réclamations, à cette mesure rigoureuse,
qui leur ôtait le moyen de secourir de
grandes infortunes. Mais une preuve de
désintéressement n'est point une renoncia
tion à des droits acquis et incontestables,
encore moins un gage d'assentiment ulté
rieur à des conditions auxquelles l'amour
de l'Eglise et de la France nous défen
drait de souscrire.
Vous vous efforcerez tous, en ces dou
loureuses circonstances, de justifier la con
fiance que j'ai mise en vous. Montrons la
prudence et la dignité que nous imposent
à la fois notre périlleuse situation et les
saintes causes que nous avons à soutenir,
an nom de Dieu et de la patrie. Usons,
sans peur et sans reproche, de nos droits;
remplissons en conscience nos devoirs;
prions avec ferveur et avec persévérance.
Nous ne compterons pas eu vain sur le se
cours du Ciel, sur l'estime et le respect de
tous les honnêtes gens.
A l'occasion des élections législatives,
le Veni Creator et le Sub tuum prxsidium,
avec et or. correspondants, seront chan
tés le dimanche 22 septembre, dans toutes
les églises et chapelles de communauté du
diocèse, avant ou après l'office principal.
A ces mêmes fins, les personnes qui vi
vent en communauté et toutes celles qui
aiment sincèrement l'ERlise et la France,
ne manqueront pas d'adresser à Dieu d'ar
dentes prières et de faire de ferventes com
munions.
Donné àBeignon, le 12 septembre 1889.
■f Jean-Marie,
évêque de Vannes.
Voici en quels termes, dans son der
nier bulletin politique, la Revue des
Deux-Mondes parle de la circulaire de
M. Thévenet à l'épiscopat :
M. le garde des sceaux Thévenet adresse
aux évêques une circulaire qui est certes
un des documents électoraux les plus ex
traordinaires. M. le ministre des cultes n'y
va pas de main légère. Il impose au clergé
la plus sévère neutralité, il lui interdit
toutejmanifestation d'une préférence poli
tique, fût-ce dans un intérêt religieux; il
va même jusqu'à menacer les prêtres plus
ou moins suspects d'une hostilité systéma-
tiqne, d'une « radiation des cadres du
clergé ^rétribué par l'Etat ». M. le ministre
des cnltes s'est tout bonnement exposé à
provoquer une réponse comme celle de M.
l'évêque de Séez, Mgr Trégaro, qui lui a
demandé si les prêtres étaient désormais
« des ilotes et des parias » en France.
Qu'estce à dire en effet ? Assurément
il est toujours vrai que la conduite la plus
sage pour le clergé est de rester étranger
aux luttes politiques, et en toute justice on
peut ajouter que, parmi les récentes lettres
pastorales des évêques, il n'y en a pas une
seule où la république soit mise en cause ;
mais cette réserve inhérente au sacerdoce
n'exclut point évidemment pour un prêtre
le fdroit d'exprimer une opinion, de donner
un conseil dans l'intérêt de la religion dont
il est le ministre. Serait-ce parce qu'il est
rétribué par l'Etat que le clergé serait con
damné au silence, à une abstention rigou
reuse?. Mais les instituteurs sont aussi
rétribués par l'Etat, et M. le ministre de
l'instruction publique leur a fait un devoir de
se jeter tête baissée dans la mêlée. Serait-
ce parce que les prêtres sontdans une situa»
tion privilégiée qu'ils cesseraient d'avoir
leurs droits de citoyens? Mais ils n'ont plus
le dernier privilège qu'ils gardaient encore.
Ils subissent comme les autres la loi mili
taire, et, s'ils sont soumis aux obligations
communes, ils ont les droits de tous les
Français. Est-ce en vertu du Concordat que
M. le ministre des cultes s'attribue un droit
de radiation à l'égard des membres du
clergé suspects? On a pu le faire sans doute,
on l'a fait même ; ce n'est pas moins un
acte arbitraire, discrétionnaire. Et c'est
ainsi que M. le garde des sceaux Thévenet
travaille à la paix religieuse dans l'intérêt
de la république !
Lorsque M. le ministre des affaires étran
gères, Spuller, parlait récemment dans ses
programmes d'une république tolérante,
libérale, où en avait-il pris le modèle et de
quelle république vonlait-il parler? Est-ce
de celle de M. Thévenet, qui fait ses cir
culaires pour la paix religieuse aux évê
ques? Est-ce de celle de M. Constans, qui
fait de tous les fonctionnaires des soldats au
service de ses candidatures officielles? Est-
de la république qui menace déjà ses ad
versaires d'invalidations systématiques ?
Cette recrudescence de la passion de parti
est tout simplement le gage de l'alliance
nouvelie des opportunistes et des radicaux
dans la lutte qui est ouverte. Et quand les
uns et les antres réussiraient, quand même
ils retrouveraient ensemble une majorité,
qu'en serait-il de plus? Ils sont plus ou
moins unis avant le scrutin, ils se divise
raient le lendemain, ils redeviendraient
inévitablement des frères ennemis, et la
république qu'ils prétendent sauver ne
s'en trouverait pas mieux — ni le pays non
plus. Quelles garanties offrirait au pays le
succès électoral de cette prétendue con
centration républicaine, qui s'est à sa ma
nière qu'une coalition incohérent?
LETTRE PASTORALE
de
S. Em. le cardinal Richard
Archevêque de Paris
Pour la publication de l'encyclique de Notre
Saint-Père le Pape Léon XIIJ, recom
mandant aux fidèles l'invocation de la
très, sainte Vierge Marie et de saint Jo*
seph dans les difficultés des temps actuels.
François-Marie-Benjamin Richard, pai?
la grâce de Dieu et du Saint-Siège aposto
lique, cardinal-prêtre de la sainte Eglise
romaine, archevêque de Paris, au clergé et
aux fidèles de notre diocèse, salut et bé-»
nédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Nos très chers frères,
Notre Saint-Père le Pape Léon XIII vient
de publier, le jour même de l'Assomption
de la glorieuse Vierge Marie, etjjd'adresser
à tous les évêques da monde catholique
nne lettre encyclique pour exhorter les fi
dèles à recourir au patronage de la très
sainte Mère de Dieu et de saint Joseph
dans les difficultés des temps actuels.
Nous vous communiquons avec bonheur
cette lettre, qui sera lue en chaire dans ton-
tes les églises de notre diocèse. Mais nous
croyons nécessaire d'en faire précéder.la
lecture par quelques considérations qui
vous aideront à comprendre la pensée du
Souverain Pontife et vous rendront, nous
l'espérons de la bonté de Dieu, plus atten
tifs à la parole du Vicaire de Jésus-Christ,
plus dociles à sa voix.
Lorsque nous considérons l'œuvre pour
suivie par Léon XIII durant les douze an
nées de son pontificat, nous remarquons
deux choses : la sollicitude avec laquelle il
ne cesse de donner à l'Eglise et au monde
l'enseignement de là doctrine ; l'insistance
avec laquelle il invite les fidèles à la prière.
Ce sont en effet les deux ehoses dont notre
société inquiète et troublée a besoin : la Yé?
rité qui apporte la lumière et la paix dan?
les intelligences, la prière qui en rappro
chant l'homme de Dieu son créateur lut
rend la confiance et l'énergie pour lë bien. :
Léon XIII, avec une persévérance infati
gable, nous a successivement exposé dan?
ses admirables encycliques les principe®
qui doivent diriger l'esprit humain dans les
études scientifiques et philosophiques ; les
règles établies par la sagesse divine pour
l'institution et la conservation de la famille,
base etfondement de toute société humaine;
les vérités qui doivent présider à la cons
titution des Etats, quelles que soient les for
mes politiques qui se succèdent chez les
tris sur la philosophie de saint Thomas ;
puis dans l'encyclique Arcanum divinse sur
le mariage chrétien; et enfin dans les deux
encycliques Immortale Dei et Libertas sur
la constitution chrétienne des Etats et sur
la liberté humaine. Une autre encyclique,
Humanum genus, plus digne pèut-être en
core de la méditation des hommes soucieux
du salut des âmes et de la société, nous a
signalé le grand péril des temps actuels : la
lutte entreprise depuis plus d'un siècle par
les sociétés secrètes qui se cachent sous des
noms divers, et que la voix publique dési
gne le plus souvent par l'appellation géné
rale d'associations maçonniques; lutte diri
gée non-seulement contre l'Eglise, mais con
tre toute idée religieuse.
Lorsqu'au milieu du siècle dernier, les
Pontifes romains élevèrent la voix et dé
noncèrent, au monde le péril qui allait naî
tre pour la société tout entière de la franc-
maçonnerie, ils se montrèrent, suivant la
belle figure employée par le prophète Ezé-
chiei (1), les sentinelles vigilantes chargées
par Dieu d'avertir les hommes des dangers
qui les menacent. Les événements accom
plis depuis lors ont justifié la vigilance des
pasteurs suprêmes.
C'est qu'en effet, N. T. C. F., la lutte en
gagée aujourd'hui dans le monde arrive à
ces deux termes, que beaucoup d'hommes,
préoccupés par les questions secondaires
d'ordre économique ou politique, n'ont pas
encore suffisamment compris. Il s'agit dé
savoir si la société moderne née de l'Evan
gile restera chrétienne,ou si elle cessera de
l'être pour être remplacée par une société
d'où le nom de Dieu et celui de Notre-Sei
gneur Jésus-Christ seront bannis. Nous di
sons la société : car la question posée en
ces termes n'est pas une question particu
lière à la France ; elle est posée d'une ma
nière plus ou moins expresse pour toutes
les nations.
« Vous connaissez les temps actuels,
« nous dit Léon XIII, dans le préambule
« de l'Encyclique que nous vous annonçons
« aujourd'hui, temps aussi calamiteux pour
« la société chrétienne qu'il n'en fût ja
mais. Nous voyons la foi, principe de
« toutes les vertus, périr chez un grand
« nombre ; la charité se refroidir; la jeu-
< nesse grandir sons l'influence de aoc-
€ trines et de mœurs perverses ; l'Eglise
« de Jésus-Christ attaquée de toutes parts
a par la ruse et par la violence ; une
« guerre acharnée poursuivie contre
« le Souverain Pontife ; les fondements de
«la religion ébranlés avec une audace qui
a croit chaque jour. Dans quel abîme, nous
» sommes déjà tombés, quels sont les pro
fil Ezech., 111, 17 et seq.
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