Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-09-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 septembre 1889 13 septembre 1889
Description : 1889/09/13 (Numéro 7925). 1889/09/13 (Numéro 7925).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706745h
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
ft* 7925 — Edition qaotidienat
Vendredi 13 SeptembFe 1880
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< PARIS étrakûer
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Un an. . . . ... 55 » 60 »
Six mois. ... 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 » ;
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un numéro { Départements".
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ÉDITION EEMI-QUOXIDIENNB
15 cent.
20 —
Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place dn Gesù, 8
PARIS
ti départements
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Six mois. ... 16 »
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étranger
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36 »,
19 »
10 »
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l 'UKIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et G", 6, place de la Bourse
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PARIS, 1« SEPTEMBRE 1839
On continue à s'occuper de la cir
culaire de M. Thévenet aux évêques;
mais plus on la discute et moins l'on
s'en montre satisfait, même dans les
journaux favorables au gouvernement.
Si.la peur du boulangisme ne forçait
pas les opportunistes et les radicaux à
une espèce de concentration, si même
nous n'étions pas à la veille de la ba
taille électorale, dont une dizaine de
jours seulement nous séparent, M. le
garde des sceaux, bien qu'il n'est pas
agi, nul n'en peut sérieusement douter
de lui-même, aurait bien pu payer
son inconvenante sottise de son por
tefeuille. Mais comment désorganiser
le ministère en ce moment, et qui vou
drait, devant une défaite imminente,
accepter une succession aussi chargée
que celle du sieur Thévenet?
Donc, le ministère restera ce qu'il
est, au moins jusqu'au lendemain des
élections. Il n'en est pas plus uni
pour cela, et personne ne prend au
sérieux 1© récit trop sommaire que
l'officieuse Agence Havas a donné du
dernier conseil des ministres. Nos
gouvernants ne se sont pas réunis
pendant trois heures, sous la prési
dence de M. Garnot, pour s'occuper
seulement de la remonte des officiers
supérieurs et généraux, et d'autres
questions de détail. Il y a eu de ehau-
des_ discussions, d'aucuns disent de
"véritables disputes, qui auraient
amené la dislocation de ce cabinet peu
homogène, n'étaient les élections du
22. ^
C'est nn spectacle curieux que celui
d'un ministère divisé faisant appel à
una concentration dont il est lui-
même incapable de donner l'exemple.
Le National serait-il bien informé ?
C'est l'un des rares journaux de la
coalition opportuniste- radicale -qui
parlent quelquefois avec une cer
taine indépendance ; il ne se croit
pas tenu, par discipline de parti, à
applaudir à tout ce que font les Thé
venet, les Rouvier et les Gonstans,
et à l'occasion il fait ses réserves.
Or, d'après lui, la rivalité qui exis
te entre M. Tirard, président no
minal du conseil, et M. Gonstans,
l'homme d'action, fort autocrate, au
rait fini par émouvoir le placide M.
Garnot lui-même. II « commencerait
à réfléchir sur les dangers de la voie
dans laquelle s'engage le gouverne
ment en l'y engageant lui-même per
sonnellement », et on aurait assuré au
National « que le président s'en serait
déjà ouvert à quelques-uns de ses in
times, en des termes que le journal n®
peut rapporter, mais qui sont des plus
significatifs».
Autre nouvelle du même journal,
et dont nous lui laissons la responsa
bilité : le général Brugère insisterait
pour se retirer. On sait que lorsqu'un
navire fait eau, certains de ses loca
taires l'abandonnent.
, Faudrait-il compter parmi les « dan
gers » de la voie dans laquelle on veut
engager M. Garnot une bien grosse
nouvelle donnée par la Presse ? « Un
de nos confrères, dit-elle, annonce te
nir d'une source sûre que le général
Saussier, gouverneur de Paris, a été
prévenu d'avoir à prendre ses disposi
tions afin que, en cas de besoin, Paris
puisse être mis en état de siège pen
dant les 18,19,20, 21, 22 et 23 sep
tembre. »
Naturellement la Presse, feuille d'op
position violente, accepte la nouvelle;
mais elle nous parait bien grosse,
d'autant qu'il y aurait peut-êtra à
compter avec le général Saussier. On
aura pu confondre des mesures de
précautions, même exagérées, avec la
proclamation de l'état de siège.
Les harangues électorales vont leur
train; la plupart ne méritent même
pas l'attention ; des appels à la con
centration républicaine, où chacun
offre son ours, déjà fastidieux par eux-
mêmes, le deviennent encore plus
par la médiocrité des orateurs, qui ne
savent pas relever, par une forme
quelque peu piquante, la banalité dù
fond. Et nous n'exceptons même pas
les chefs d'emploi, pour la plupart fort
médiocres.
Cependant, parmi les orateurs des
derniers jours, nous citerons, à cause
de leur position officielle, non de leur
mérite intrinsèque, M. Méline, l'ex-
président de la Chambre, et M. Théve
net, qui joue en ce moment les d'A-
guesseau. Du premier, nous donnons
plus loin les déclarations les plus im
portantes; du second nous nous borne
rons à dire qu'il a été aussi banal que
d'habitude ; il ne pouvait guère l'être
plus, et si les opportunistes lyonnais
sont satisfaits, c'est qu'ils ne sont pas
difficiles.
Voici qu'on parle de nouveau de la
dissolution de la Chambre italienne.
Une dépêche du Journal des Débats af
firme, « de source très sûre », que « le
gouvernement est décidé à dissoudre
la Chambre et à convoquer les élec
teurs pour le mois d'octobre prochain ».
Ce serait une nouvelle manœuvre de
M. Crispi, qui, « sentant sa popularité
menacée et craignant que le mouve
ment contre sa politique s'accentue,
brusquerait la situation ». Gomme il
s'agit d'une grosse partie, il sera pru
dent d'attendre la confirmation de ces
bruits par les faits; on n'attendra
pas longtemps.
Aucun changement dans la grève
des ouvriers des docks à Londres ; la
situation reste des plus tendues, et l'on
ne sait trop quand ni comment cela
finira.
En Crète également, l'apaisement
ne se fait pss vite; on dit que Ghakir
pacha a demandé des renforts ; il lui
faudrait, pour maintenir l'ordre,
30,000 hommes, une véritable armée.
D'autre part, deux ambassadeurs,
on désigne ceux d'Angleterre et d'Ita
lie, tourmentent fort le gouvernement
ottoman au sujet de l'Arménie. Certes,
les griefs des Arméniens contre les
Turcs sont nombreux et sérieux ; mais
ils ne sont pas d'hier, et il paraît qu'à
Gonstantinople on s'étonne un peu
de la recrudescence d'intérêt de l'Ita
lie et surtout de l'Angleterre pour
l'Arménie ; on se demande si ce beau
zèle ne cacherait pas quelque manœu
vre politique; si, par exemple, l'évoca
tion un peu bruyante de la question
arménienne n'aurait pas pour but de
peser sur le Grand Turc et de le rendre
plus favorable à la triple alliance. On
a déjà parlé en termes un peu vagues
de l'accession de la ^Turquie à cette
alliance.
La circulaire du ministre Thévenet
à nos évêques produit le résultat qu'il
en fallait attendre, et qu'un homme
d'honneur eût prévu : partout les catho
liques, prêtres et laïcs, indignés de cette
insolence, qui accuse tant de haine et
tant de sottise, veulent user résolu
ment, passionnément du droit électoral
contre le régime au nom ^duquel un
tel langage peut être tenu.
C'est très bien; mais il faut que cette
impression soit durable, fortifiée, et
aboutisse à l'action.
S'il est trop tard pour que les ca
tholiques aient dans toutes les circons
criptions des candidats dignes de toute
leur confiance, ils peuvent, au moins,
peser presque partout sur le scrutin.
Qu'ils s'entendent pour le faire, qu'ils
travaillent énergiquement en chaque
endroit contre le candidat du régime
actuel. La circulaire Thévenet est, en
dépit des versions contraires, l'œu
vre de tout le gouvernement, et, pour
les catholiques, quiconque l'accepte
est l'ennemi. C'est en ennemi qu'il
faut le traiter. Si le candidat répu
blicain a des paroles de blâme con
tre son ministre, s'il fait des
promesses, qu'on n'en tienne nul
compte à moins qu'il ne les signe et
qu'on ne puisse rien obtenir, rien es
pérer de son concurrent.
Si ce dernier, par ses antécédents
et ses déclarations, s'est rendu tout à
fait impossible, que le vote soit une
protestation contre tous deux et puisse
ouvrir la chance d'un second tour de
scrutin. Soyons bien convaincus,
nous catholiques, que le plus modéré
des ministériels ne saurait être pré
féré au plus violent des radicaux, au
plus discrédité des boulangistes, et
agissons en conséquence.
Que cette conduite puisse, en divers
endroits, profiter à des hommes sus
pects, à des ambitieux sans vergogne
et sans principes, promps à promettre
sans être décidés à tenir, c'est, dans
l'état présent des choses, fort à redou
ter. Mais, entre deux maux, il faut
choisir le moindre. Or, le candidat
dévoué au régime actuel, acceptant
son estampille et décidé à le mainte
nir, étant certainement mauvais,nous
devons désirer son échec, sauf, nous
le répétons, à ne pas venir directe
ment en aide à son adversaire. Il est
certain, par exemple, que nous ne
voterons pas pour M. Rochefort ou M.
Laisant, quel que soit l'opportuniste
ou le radical qu'ils combattront ; mais
mieux vaut le succès d'un boulangiste
sans parti pris contre l'Eglise, que
celui de M. Floquet ou de M. Glémen-
ceau. Encore une fois : l'homme du
régime actuel, c'est l'ennemi.
M. Thévenet, ses collègues et leur
chef nominal, M. Garnot, le savent
bien, et ne comprendraient pas que
dans cette lutte le prêtre restât indif
férent. Aussi ont-ils résolu de le para
lyser en lui faisant peur. Ils savent
déjà qu'ils ne lui ont pas fait peur, et
ils peuvent être sûrs que, sans sortir
de son rôle, sans abuser de sa situa
tion, sans attaquer leurs lois, il tra
vaillera contre eux. C'est, à la fois,
forcé et facile. Empêcheront-ils le
prêtre de prier tout haut pour la li
berté et les droits de l'Eglise; d'ensei
gner que le chrétien doit toujpurs agir
en chrétien ; de souhaiter, sans le
cacher à personne, que la nouvelle
Chambre comprenne ses devoirs en
vers le pays et envers la religion;
de dire à quiconque le consultera ou
voudra l'écouter, qu'il faut pour dé
putés d'honnêtes gens, respectant l'au
torité et sachant que l'autorité doit
respecter Dieu ?
Mais parler ainsi, c'est incontestable
ment parler contre le gouvernement ;
c'est condamner ses actes, conspuer
son personnel, démolir ses candidats.
Et, d'autre part, c'est aussi faire son
devoir de Français, d'électeur et de
prêtre.
Aucune circulaire n'empêchera cette
propagande, que ne défend aucune con
venance, aucune obligation, et que ne
peut atteindre aucune loi. La preuve
que le gouvernement n'a sur ce ter
rain d'autres armes que l'arbitraire,
c'est son silence sur les déclarations
et les conseils de nos évêques au sujet
des élections. Eût-il laissé passer bus
ces appels à l'action catholique s'ils
lui avaient donné prise? Non, certes!
Eh bien ! ce que les évêques ont con
seillé, les prêtres le feront. M. Théve
net.lui-même n'en doute pas.
Peut-être constate-t-on avec joie
dans les régions gouvernementales
que jusqu'ici bon nombre d'évêques
n'ont rien dit. Ce serait se réjouir à
bon compte. D'abord, la période élec
torale n'est pas terminée, puis on peut
tenir pour assuré que les membres de
l'épiscopat dont nous avons fait con
naître le langage, ont exprimé les
sentiments de tous. M. le ministre
des cultes doit en avoir des preuves
dans ses cartons.
Il n'ignore pas, non plus, que la vi
goureuse lettre de protestation de
Mgr Trégaro, contre la révoltante cir
culaire du 4 septembre, a donné sur.
cette pièce la pensée de tout l'épisco
pat et réjoui tout le clergé, tous les
catholiques dévoués à l'Eglise.
Ces dispositions, rien ne les chan
gera. Si nos gouvernants eu- doutent,
qu'ils méditent les paroles suivantes,
extraites d'une . récente circulaire de
Mgr l'évêque de Beauvais :
« On Nous trouvera toujours disposé
à rendre à César ce qui est à César, aux
pouvoirs publics ce qui leur est dii.
Mais jamais nous ne pourrons oublier
que nous devons aussi rendre à Dieu
ce qui est à Dieu ; jamais oh ne nous
fera courber la tête sous le joug des
exigences tyranniques, anti-chrétien
nes de la franc-maçonnerie. Nous ne
pouvons ici rester indifférent, l'indif
férence, la neutralité , comme le disait
récemment (quoique dans un autre
sens) une voix officielle, serait la plus
significative des manifestations contre la
religion. ».
Le devoir est donc d'agir ; on
agira.
E ugène V euillot-
Leur religion
Ils ont beau avoir promis de tout
laïciser. Quant ils en viannent à vou
loir donner quelque grand spectacle,
c'est encore à des fêtes ayant une ap
parence religieuse, fût-ce par une pa
rodie, qu'ils ont recours. C'est la ré
flexion qui sortait tout naturellement,
hier, du spectacle à grand orchestre
donné au palais de l'Industrie. D'ail
leurs, à l'avance, quelques-uns d'entre
eux confessaient naïvement que ce
qu'on allait donner au public, c'était
une réédition des ridicules tentatives
de La Reveillère-Lepaux. « La fête ci
vique, qui sera célébrée demain sous
les auspices du conseil municipal, di
sait le Soir, renouvellera les fastes ins
titués sous la première Révolution, à
l'époque du Directoire. La Réveillère-
Lepaux, en sa qualité de théophilan
thrope, devait s'éprendre de ces céré
monies pseudo-religieuses, où tout
l'appareil d'un culte théâtral se déploie
à la gloire d'une idée. Il fut, en effet,
l'ordonnateur et le prédicateur de ces
offices laïques, consacrés à la républi
que, à la raison, à l'agriculture, aux
arts »...
Voici comment on s'y est pris. C'est
un des journaux qui célèbrent la chose
avec le plus d'enthousiasme, le Vol
taire, qui donne cette description :
Le lever du rideau, coupé au milieu et
s'envolant des deux côtés de la scène, qu'il
découvre d'un seul coup en son entier, à
la manière du rideau du théâtre de Bay-
reuth, est précédé de longues et joyeuses
fanfares de trompettes qui s'appellent, se
répondent et s'unissent dans un enthou
siaste hosannah de cuivre. L'autel de la
patrie, ombragé d'un drapsau tricolore,
apparaît ensuite, tandis que l'orchestre, de
toutes ses voix, chante les larges et sonores
mesures d'une marche de fête. Autour des
trépieds fumants, dans le décor symbolique
élevé sur des estrades en pente douce et
fermé au fond par un bleuâtre horizon de
montagnes, les vignerons d'abord défilent
chantant le vin de France, le vin joyeux,
le vin des aïeux qui rend la vie et l'espé
rance. A leur chœur énergique et doux
tout ensemble répond le chœur des mois
sonneurs, exaltant les benheurs de la mois
son, et les deux groupes, unissant leurs
accents d'allégresse dans un ensemble d'une
solide tranquillité, offrent devant l'autel
patriotique le pain et le vin, sans qui tout
est vain, la chair et le sang de la France.
La chair et le sang, voici les soldats qui,
sur une ritournelle énergique, offrent à
leur tour de donner l'une et de verser l'au
tre pour la France, mère des épopées. Suc
cédant à leur mâle serment, les marins, sur
le rythme d'une barcarolle & la fois mar
tiale et tendre, font aussi & la France l'hom
mage de leurs périls et celui de leur cou
rage, car o'est vers elle sans cesse que se
tournent leurs pensées, alors qu'ils voguent
sur les flots gris de l'Océan sans bornes, et
ils disent en strophes de superbe tenue
quel orgueil conquérant ils ressentent de
semer, ainsi que des fleurs, les pavillons
aux trois couleurs dans le pays lointain où
les emporte l'onde.
Ils montent les praticables et se joignent
dans les hauteurs aux groupes des vigne
rons verts de pampres, aux groupes des
moissonneurs portant des gerbes d'or. Après
eux, après les héros de la guerre, voici
maintenant les héro9 de la paix. Travail
leurs et industriels, soutenus par un dessin
d'orchestre ferme comme leurs bras, iranc
autant que leurs corps, échangent des pa
roles de concorde et de fraternité. Ensem
ble,ils se promettent de construire le Tem
ple impérissable de la justice éternelle, et
s'il faut blâmer un peu le battement de fer
sur l'enclume, le bruit de la scie mordant
la pierre qui accompagne leurs dialogues,
encore que ces imitations soient discrète
ment faites, il convient aussi de louer sans
réserve l'élévation, la carrure et la sanorité
de ce chœur vraiment admirable de force et
de simplicité.
Du reste, nous touchons ici au point cul
minant de la partition. C'est dans l'entrée
suivante, celle des À.rts et des Sciences,
que, par une double fortune, Mlle Holmès
a écrit les meilleurs vers de son poème et
les meilleures pages de sa symphonie :
0 peuple, sois doux au Génie
, Qui, par l'image ou l'harmonie
Enseigne le,divin à ton humanité!
Si l'Art ne t'aide pas, tu bâtis sur le sable,
Et le plus pur renom est encor périssable
Si nous ne l'avons pas chanté.
Les Arts se taisent, et les Sciences, après
eux, chantent ces strophes magnifiques :
Du fond de l'Océan, jusqu'au delà des astres,
Nous avons frayé le chemin !
Qu'oublieux de la mort, dès guerres, des dé-
| sastres
Tu graviras, ô. genre humain.
Nous avons arraché de leur ciel illusoire,
Les faux dieux à l'homme pareils.
Et la vie a jailli de l'humanité noire
.. En myriades de soleils.
Vignerons et marins, travailleurs et sol
dats, se joignent aux Arts et aux Sciences
pour magnifier l'ascension de l'intelligence
humaine. L'orchestre, tout ensemble puis
sant par ses cuivres et doux par .ses cordes,
appuie de ses masses intrnmentales l'accla
mation sereine de masses chlorales, et c'est
alors un finale majestueux et splendide,
poussant les plus réservés des auditeurs à
l'applaudissement frénétique et à. l'ovation
forcenée, une page maîtresse et souveraine,
grandiose d'ordonnance, éclatante de mé
lodie, telle que bien peu de musiciens ont
eu le génie d'en rencontrer une, telle enfin
que, malgré les qualités du reste ds son
œuvre, Mlle Holmès même n'a pas su la
dépasser.
Voilà pour la première partie du
spectacle. Voici comment la Paix ra
conte la-dernière :
Entrent les jeunes gens précédés par l'A
mour. Le caractère de la musique suit pas
à pas le poème ; après les sublimes élans,
un gazouillement d'une indicible poésie,
frais et doux comme un sourire du prin
temps, accompagne le chœur.
Je t'aime !
Et te donnerai ma vie elle-même!
Je t'aime !
0 lever d'aurore ! 0 poème 1
0 roses du premier baiser !
Je t'aime
D'un amour qu'on ne peut briser.
Mais les chants d'allégresse cessent bien
tôt, la scène s'obscurcit. Un long murmure
se fait entendre dans l'orchestre, plein de
grondements farouches, et une marche fu
nèbre monte et grandit.
Devant l'orchestre surgit une figure voi
lée de noir, chargée de chaînes, aux longs
cheveux blonds dénoués.
Elle se dirige à pas lents vers l'autel, en
tendant désespérément les bras aux grou
pes divers échelonnés sur le théâtre. Les
enfants s'écartent en lui montrant l'autel
avec leurs épées entourées de fleurs. Elle
monte les degrés. L'Amour et la Jeunesse
se séparent pour la laisser passer.
T9us les choeurs , à voix basse.
A travers les-cités et les sombres forêts
Ont retenti des cris funèbres.
Le soleil s'est éteint ! Un voile de ténèbres
Répand le deuil sur nos apprêts !
Long crescendo à l'orchestre. La femme
voilée tombe à genoux en embrassant l'au
tel.
Apparais, déesse, apparais!
Viens 1 approche ! Sois là ! Surgis dans la lu-
— mière!
Ton peuple t'invoque à genoux !
0 terrible, â clémente, ô triomphante, ô fière,
0 République, apparais-nous !
Un éclair sillonne l'obscurité. Le drapeau
tricolore s'écarte, la République apparaît
au-dessus de l'autel, dans une clarté fulgu
rante. Elle porte le péplum d'azur, la tuni
que blanche et le bonnet phrygien cerclé
d'une ceuronne d'épis, d'une d'or. L'étoile
brille sur son front. Un glaive au fourreau
pend à sa ceinture. D'une main, elle s'ap
puie sur le sceptre souverain ; de l'autre,
elle tient des rameaux d'olivier.
Le peuple tombe à genoux. Aux strophes
de la République succède le chant final,
glorification de la République :
" Gloire à toi, fille de la Gloire !
Que nos cris triomphants ébranlent l'uni vera!
Que les cités et les déserts .
Retentissent de la victoire !
Trompettes, emportez jusqu'aux cieux grands
[ouverts
L'hymne de Joie et de Victoire !
Gloire à toi, fille de la Gloire !
La République étend sur la foule les ra
meaux d'olivier, en un geste de bénédic
tion. La figure en deuil arrache sss chaînes
et ses voiles et apparaît vêtue des couleurs
de la France. Une gerbe de blé incandes
cente croit et grandit au pied de l'autel.
Toute la feule tend vers la déesse des bras
chargés d'attributs, comme pour lui consa
crer les forces de la Patrie, avec un grand
cri de suprême enthousiasme.
Groire à toi, Liberté, soleil de l'univers !
Il est superflu d'insister sur le ca
ractère parodique de cette cérémonie
avec un autel sur lequel se dresse la
statue vivante de la Patrie, en atten
dant la déesse Raison, et devant lequel
on fait tomber à genoux la multitude
des exécutants figurant la France.
Tout cela est odieux et sacrilège
quant à l'intention ; qnant au fait,
malgré la richesse des décors, la gran
deur du théâtre, le luxe des costumes
et même la puissance de la musique,
le public n'est pas sincèrement ému,
parce que tout cela sonne faux et qu'il
ne comprend pas, Nous en. avions eu
l'impression très vive. Le Voltaire lui-
même en fait l'aveu :
Le sens allégorique de la composition se
trouble tout à fait quand, une marche |fu-
nèbre s,e faisant entendre à l'improviste,
une figure voilée , tend vers le peuple assem
blé ses bras en deuil et, laissant ignorer
qui elle est, ne permet pas de soupçonner
ce qu'elle implore. Faut-il voir lîi quelque
représentation symbolique de l'Alsace ?
L'interprétation est admissible, surtout si
l'on se souvient que dans le texte primitif,
deux femmes noirs surgissaient, représen
tant évidemment nos deux provinces per
dues. Mais pourquoi cette évocation gê
nante, sinon douloureuse? Qu'elle soit pa
triotique, j'y consens, mais quel rappert
l'Alsace ou la Lorraine ont-elles, même
d'une façon lointaine, avec 1789, dont l'ode
célèbre officiellement le Centenaire ?
. On voit bien que, après un chœur entre
coupé, fidèlement imité du chœur du Loliën •
grm au moment de l'apparition du cygne,
la République se montrant sous les rayons
dardants d'un réflecteur électrique, délivre
la femme voilée qui se montre tricolore et
débarrassée de ses chaînes, tandis que l'ar
mée entière des chœurs entonne un hymne
de reconnaissance et d'éloge; n'empêche
que cette conclusion n'est pas claire, et
l'oreille, en la circonstance, ne trouve guère
plus de satisfaction que l'esprit.
J'ai admiré assez hautement l'ensemble
véritablement magistral des Arts et des
Sciences, pour qu'il me soit permis de dire
que, dans la dernière partie de son ode,
Mlle Holmès a manqué de souffle. Sans,
doute, la progression était malaisée à con
tinuer; peut-être même était-il impossible
de l'augmenter. Quelques raisons que l'on
puisse ingénieusement trouver, n'empêche
que le finale du Triomphe de la République
n'a point l'envolée qu'on espérait.
Trois cent mille francs pour un ré
sultat pareil, on conviendra que c'est
cher et même exorbitant. Mais on sait
que le conseil municipal votera d'en
thousiasme toutes les augmentations
d'impôts dès qu'il s'agit de spectacles
qui par quelque côté, sont une atteinte
à la foi et aux sentiments des catho
liques
A uguste R oussel.
M Méline, président de la feue
Chambre, ancien ministre de l'agri
culture dans le cabinet Jules Ferry,
député sortant des Vosges, vient de
prononcer devant les électeurs de Re-
miremont, auxquels il demande le re
nouvellement de son mandat, un
grand discours. Gomme on ne peut
plus aujourd'hui parler politique sans
être amené à dire son mot sur la
question religieuse, devenue question
connexe et absorbante (ce qui prouve
bien que le clergé a le droit, le devoir
même de s'occuper des élections), M.
Méline a touché ce point.
En bon opportuniste, le président de
la feue Chambre a commencé par sou
tenir que la République n'a nullement
fait la guerre, dans le passé, à la reli
gion, et n'y songe pas du tout pour
l'avenir. Oui, vraiment!
Est-ce que le culte n'est pas libre en
France, a-t-il demandé, tellement libre
qu'on peut tenir, dans certaines chaires,
un langage que ne toléreraient certaine
ment pas beaucoup de gouvernements très
catholiques?
11 est certain qu'il est possible au
prêtre de dire en chaire ce qu'il pense
de notre gouvernement persécuteur,
comme il est possible à tout le monde,
évidemment, de se laisser mourir de
faim. Il n'y a qu'à vouloir. Seulement
le prêtre s'expose à la prison, et s'il y
échappe, il sera, au moins, privé de
ssn traitement, selon l'honnête sys
tème de vol inauguré précisément par
le ministère dont M. Méline fut mem
bre. En outre, il devra subir les gros
sières injures d'un Thévenet malap-
Eris et malfamé, qui le menacera de
} « rayer des cadres ». Mais enfin, il
est positif que la république ne met
pas encore, matériellement, un bâillon
au prêtre qui monte en chaire. Donc,
le prêtre est libre.
Il est libre, et on le paye. Ecoutons
là-dessus M. Méline :
Est-ce que le culte n'est pas largement
rémunéré par l'Etat, mieux rémunéré que
beaucoup de nos fonctions publiques ? Et
je ne m'en plains pas, car je ne suis nulle
ment partisan de la séparation de l'Eglise
et de l'Etat, ni de la suppression du bud
get des cultes, que je considérerais comme
un véritable danger pour la paix publique
et sociale.
M. Méline aurait bien dû préciser,
et nous dire quelles sont les fonctions
publiques, en France, qui sont < moins
rémunérées que le culte. D'ailleurs,
M. Méline sait parfaitement que cette
assimilation ne tient pas deboiit. Le
gouvernement rémunère les fonctions
publiques à son idée, à son gré. Il
donne aux fonctionnaires publics des
traitements. Mais il ne donne rien aux
prêtres. 11 ne les paye pas. Il leur
sert, en vertu d'engagements formels
et réitérés, une très maigre rente pour
les biens confisqués à l'Eglise il y a
cent ans. Si le gouvernement ne ser
vait plus cette rente, il ferait tout sim
plement banqueroute.
Du reste, il serait bien capable de
dire : Puisque c'est une banqueroute,
ce n'est donc pas de la persécution 1
Ne mêlons point les choses, s'il vous
plaît !
Exemple : foi de Méline, la République
ne persécute pas et ne persécutera ja
mais la religion ; néanmoins, le prési
dent de la feue Chambre veut bien
reconnaître (mais, dit-il, cela ne tou
che nullement â l'exercice du culte !)
qu'on a laïcisé trop vite et trop géné
ralement. Sur ce sujet, il s'exprime en
ces termes :
Et d'abord, je déclare que .je ne sois pas
du tout partisan des laïcisations des hôpi
taux. Elles n'ont pas : d'ailleurs donné de
bons résultats, de l'avis des médecins eux-
mêmes, qui sont les vrais juges :.en pareille
matière. Je trouve aussi très défectueuse la
loi dite des catéchismes, qui interdit d'une
façon absolue aux curés des paroisses-da.
mettre le pied dans l'école pour y donner"
l'enseignement du catéchisme. Elle a sa
raison d'être pour les villes et pour les po
pulations agglomérées ; mais dans les pays
de montagnes comme le nôtre, où l'églis
est très loin des familles, et l'école très près*
elle inflige aux enfants des fatigues exces
sives qu'on pourrait leur épargner. Pour
ma part, je ne vois pas le danger qu'il pour?
rait y avoir à permettre l'enseignement d.a
catéchisme à l'école, en dehors des heures
de classe, bien entendu, quand le conseil
municipal le demanderait et que le conseil
départemental de l'instruction publique n'y
verrait aucun inconvénient....
Je conviens que, dans certains départe
ments, on a fait des laïcisations que la loi
ne commandait pas, qu'on les a mal faites,
et qu'on n'a pas suffisamment ménagé dans
l'application les sentiments des habitants
de la commune. Je pense donc qu'on ne
doit plus faire que les laïcisations indispen
sables, qu'on doit y apporter toutes les at
ténuations possibles, et, je considérerais
comme une atténuation considérable, que,
la loi n'interdit nullement, de faire porter
les laïcisations non sur l'école où le'hasard
produit une vacance, mais sur l'ensemble
.des écoles du département. De cette façon,
l'autorité académique pourrait toujours
choisir pour la laïcisation la commune qui
y est la mieux préparée.
Nous espérons bien que MM. les
concurrents des opportunistes n'ou
blieront pas d'utiliser, durant les dix
derniers jours de la campagne élec
torale, ces aveux édifiants d'un de
leurs principaux adversaires !
Pour terminer, M. Méline, voulant
se montrer tout à fait conciliant, —1©
bon apôtre! — demande au clergé,
avec instance, de renoncer à son atti
tude hostile, inexplicable puisqu'on ne
le persécute pas. — Nous sommes ani
més envers vous des meilleurs senti
ments; croyez-nous sur parole et ve
nez à nous, dit-il en substance; remet
tez votre sort entre nos mains ; « ac
ceptez franchement la République. »
A cette proposition de désarmement,
le clergé, qui n'a jamais fait, d'ail
leurs, que se tenir sur la défensive,
répondra sans aucun doute :
Que messieurs les persécuteurs com
mencent !
P ierre V euillot
La brochure : La Persécution. — Let
tre d'un catholique à M. de Mun, est en
vente à la librairié Retaux-Bray, 82,
rue Bonaparte, au prix de un franc.
Les Elections
ET
L'ÉPISCOPAT
VI (I)
Nous recevons communication d'une
importante lettre de Mgr l'évêque
d'Autun, adressée aux fidèles de son
diocèse et prescrivant une neuvaine
de prières pour la France à l'occasion
des élections générales.
En voici la partie capitale :
C'est le plus détestable et le plus dange
reux des sophismes que de prétendre ins
tituer dans l'homme deux consciences, celle
du chrétien et celle du citoyen, dont, l'une
n'aurait rien à voir avec l'autre et qui pour
raient se contredire impunément. La même
loi de Dieu à l'égard de laquelle vous vous
sentez redevable quand vous obéissez à
tel et tel précepte de l'ordre moral et reli
gieux, ne perd rien de son empire et de ses
droits quand vous exercez la part de sou
veraineté politique dont vous êtes investi.
Chrétien baptisé et enfant de l'Eglise catho
lique, il ne vous suffit pas de remplir pour
votre compte personnel les devoirs qui dé.
coulent pour vous de ces sublimes préroga-
tiaes. Vous êtes encore strictement obligé
d'user de tous les moyens qui sont en votre
pouvoir (et le droit électoral est un des
plus efficaces), pour que la législation de
votre pays soit en harmonie avec les prin
cipes de l'Evangile et avec les vérités que
Dieu a daigné nous révéler.
Si vous croyez sur la parole de Jésus-
Christ que le mariage est indissoluble, vous
ne pouvez pas en conscience investir du
mandat législatif des hommes qui introdui
ront ou maintiendront le divorce dans le
code des lois nationales.
Si vous estimez que la religion a sa place
nécessaire dans l'œuvre de l'éducation rie
l'enfance, vous ne pouvez pas en conscience
vous faire représenter au Parlement par
des hommes qui excluent systématique
ment de l'école tout enseignement reli
gieux.
Si vous tenez pour vous, pour vos fa
milles, pour vos concitoyens, à ce que le
recrutement du clergé se fasse dans des
conditions normales et à ce que vos pa •
roisses soient pourvues d'un nombre suffi
sant de prêtres chargés de vous donner les
sacrements et de vous aider à remplir tous
vos devoirs de chrétiens, il ne vous est pas
permis de concourir par vos suffrages à
l'élection de députés qui méconnaîtront ces
besoins essentiels d'une ■ nation catholique
et obligeront les élèves du sanctuaire à
porter les armes.
Nous donnerons demain toute la
lettre de Mgr l'évêque d'Autun.
P. S. —■ A la dernière heure, nous
recevons une lettre de S. Em. le car
dinal Lavigerie au clergé français de
son diocèse, pour lui demander des
prières -en faveur de la France.
Nous la publierons demain.
(1) Voir l'Univers des 4, 6, 8,11 et 12 sep
tembre.
Vendredi 13 SeptembFe 1880
&3iti0n quotidienne
< PARIS étrakûer
__ bt CÉFARTBMIMTS (OMION POSTAlji
Un an. . . . ... 55 » 60 »
Six mois. ... 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 » ;
^Abonnements partent des «« c* l« de chaque mol»
un numéro { Départements".
bureaux
ÉDITION EEMI-QUOXIDIENNB
15 cent.
20 —
Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place dn Gesù, 8
PARIS
ti départements
Un an. . . . . 30 »
Six mois. ... 16 »
Trois mois. . . 8 50
étranger
(union p08talk)
36 »,
19 »
10 »
Les abonnements partent des 1" et 18 do chaque mot»
l 'UKIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et G", 6, place de la Bourse
■MMMMMMHMnHMMHMSMMMMMMSM
mm
francb
PARIS, 1« SEPTEMBRE 1839
On continue à s'occuper de la cir
culaire de M. Thévenet aux évêques;
mais plus on la discute et moins l'on
s'en montre satisfait, même dans les
journaux favorables au gouvernement.
Si.la peur du boulangisme ne forçait
pas les opportunistes et les radicaux à
une espèce de concentration, si même
nous n'étions pas à la veille de la ba
taille électorale, dont une dizaine de
jours seulement nous séparent, M. le
garde des sceaux, bien qu'il n'est pas
agi, nul n'en peut sérieusement douter
de lui-même, aurait bien pu payer
son inconvenante sottise de son por
tefeuille. Mais comment désorganiser
le ministère en ce moment, et qui vou
drait, devant une défaite imminente,
accepter une succession aussi chargée
que celle du sieur Thévenet?
Donc, le ministère restera ce qu'il
est, au moins jusqu'au lendemain des
élections. Il n'en est pas plus uni
pour cela, et personne ne prend au
sérieux 1© récit trop sommaire que
l'officieuse Agence Havas a donné du
dernier conseil des ministres. Nos
gouvernants ne se sont pas réunis
pendant trois heures, sous la prési
dence de M. Garnot, pour s'occuper
seulement de la remonte des officiers
supérieurs et généraux, et d'autres
questions de détail. Il y a eu de ehau-
des_ discussions, d'aucuns disent de
"véritables disputes, qui auraient
amené la dislocation de ce cabinet peu
homogène, n'étaient les élections du
22. ^
C'est nn spectacle curieux que celui
d'un ministère divisé faisant appel à
una concentration dont il est lui-
même incapable de donner l'exemple.
Le National serait-il bien informé ?
C'est l'un des rares journaux de la
coalition opportuniste- radicale -qui
parlent quelquefois avec une cer
taine indépendance ; il ne se croit
pas tenu, par discipline de parti, à
applaudir à tout ce que font les Thé
venet, les Rouvier et les Gonstans,
et à l'occasion il fait ses réserves.
Or, d'après lui, la rivalité qui exis
te entre M. Tirard, président no
minal du conseil, et M. Gonstans,
l'homme d'action, fort autocrate, au
rait fini par émouvoir le placide M.
Garnot lui-même. II « commencerait
à réfléchir sur les dangers de la voie
dans laquelle s'engage le gouverne
ment en l'y engageant lui-même per
sonnellement », et on aurait assuré au
National « que le président s'en serait
déjà ouvert à quelques-uns de ses in
times, en des termes que le journal n®
peut rapporter, mais qui sont des plus
significatifs».
Autre nouvelle du même journal,
et dont nous lui laissons la responsa
bilité : le général Brugère insisterait
pour se retirer. On sait que lorsqu'un
navire fait eau, certains de ses loca
taires l'abandonnent.
, Faudrait-il compter parmi les « dan
gers » de la voie dans laquelle on veut
engager M. Garnot une bien grosse
nouvelle donnée par la Presse ? « Un
de nos confrères, dit-elle, annonce te
nir d'une source sûre que le général
Saussier, gouverneur de Paris, a été
prévenu d'avoir à prendre ses disposi
tions afin que, en cas de besoin, Paris
puisse être mis en état de siège pen
dant les 18,19,20, 21, 22 et 23 sep
tembre. »
Naturellement la Presse, feuille d'op
position violente, accepte la nouvelle;
mais elle nous parait bien grosse,
d'autant qu'il y aurait peut-êtra à
compter avec le général Saussier. On
aura pu confondre des mesures de
précautions, même exagérées, avec la
proclamation de l'état de siège.
Les harangues électorales vont leur
train; la plupart ne méritent même
pas l'attention ; des appels à la con
centration républicaine, où chacun
offre son ours, déjà fastidieux par eux-
mêmes, le deviennent encore plus
par la médiocrité des orateurs, qui ne
savent pas relever, par une forme
quelque peu piquante, la banalité dù
fond. Et nous n'exceptons même pas
les chefs d'emploi, pour la plupart fort
médiocres.
Cependant, parmi les orateurs des
derniers jours, nous citerons, à cause
de leur position officielle, non de leur
mérite intrinsèque, M. Méline, l'ex-
président de la Chambre, et M. Théve
net, qui joue en ce moment les d'A-
guesseau. Du premier, nous donnons
plus loin les déclarations les plus im
portantes; du second nous nous borne
rons à dire qu'il a été aussi banal que
d'habitude ; il ne pouvait guère l'être
plus, et si les opportunistes lyonnais
sont satisfaits, c'est qu'ils ne sont pas
difficiles.
Voici qu'on parle de nouveau de la
dissolution de la Chambre italienne.
Une dépêche du Journal des Débats af
firme, « de source très sûre », que « le
gouvernement est décidé à dissoudre
la Chambre et à convoquer les élec
teurs pour le mois d'octobre prochain ».
Ce serait une nouvelle manœuvre de
M. Crispi, qui, « sentant sa popularité
menacée et craignant que le mouve
ment contre sa politique s'accentue,
brusquerait la situation ». Gomme il
s'agit d'une grosse partie, il sera pru
dent d'attendre la confirmation de ces
bruits par les faits; on n'attendra
pas longtemps.
Aucun changement dans la grève
des ouvriers des docks à Londres ; la
situation reste des plus tendues, et l'on
ne sait trop quand ni comment cela
finira.
En Crète également, l'apaisement
ne se fait pss vite; on dit que Ghakir
pacha a demandé des renforts ; il lui
faudrait, pour maintenir l'ordre,
30,000 hommes, une véritable armée.
D'autre part, deux ambassadeurs,
on désigne ceux d'Angleterre et d'Ita
lie, tourmentent fort le gouvernement
ottoman au sujet de l'Arménie. Certes,
les griefs des Arméniens contre les
Turcs sont nombreux et sérieux ; mais
ils ne sont pas d'hier, et il paraît qu'à
Gonstantinople on s'étonne un peu
de la recrudescence d'intérêt de l'Ita
lie et surtout de l'Angleterre pour
l'Arménie ; on se demande si ce beau
zèle ne cacherait pas quelque manœu
vre politique; si, par exemple, l'évoca
tion un peu bruyante de la question
arménienne n'aurait pas pour but de
peser sur le Grand Turc et de le rendre
plus favorable à la triple alliance. On
a déjà parlé en termes un peu vagues
de l'accession de la ^Turquie à cette
alliance.
La circulaire du ministre Thévenet
à nos évêques produit le résultat qu'il
en fallait attendre, et qu'un homme
d'honneur eût prévu : partout les catho
liques, prêtres et laïcs, indignés de cette
insolence, qui accuse tant de haine et
tant de sottise, veulent user résolu
ment, passionnément du droit électoral
contre le régime au nom ^duquel un
tel langage peut être tenu.
C'est très bien; mais il faut que cette
impression soit durable, fortifiée, et
aboutisse à l'action.
S'il est trop tard pour que les ca
tholiques aient dans toutes les circons
criptions des candidats dignes de toute
leur confiance, ils peuvent, au moins,
peser presque partout sur le scrutin.
Qu'ils s'entendent pour le faire, qu'ils
travaillent énergiquement en chaque
endroit contre le candidat du régime
actuel. La circulaire Thévenet est, en
dépit des versions contraires, l'œu
vre de tout le gouvernement, et, pour
les catholiques, quiconque l'accepte
est l'ennemi. C'est en ennemi qu'il
faut le traiter. Si le candidat répu
blicain a des paroles de blâme con
tre son ministre, s'il fait des
promesses, qu'on n'en tienne nul
compte à moins qu'il ne les signe et
qu'on ne puisse rien obtenir, rien es
pérer de son concurrent.
Si ce dernier, par ses antécédents
et ses déclarations, s'est rendu tout à
fait impossible, que le vote soit une
protestation contre tous deux et puisse
ouvrir la chance d'un second tour de
scrutin. Soyons bien convaincus,
nous catholiques, que le plus modéré
des ministériels ne saurait être pré
féré au plus violent des radicaux, au
plus discrédité des boulangistes, et
agissons en conséquence.
Que cette conduite puisse, en divers
endroits, profiter à des hommes sus
pects, à des ambitieux sans vergogne
et sans principes, promps à promettre
sans être décidés à tenir, c'est, dans
l'état présent des choses, fort à redou
ter. Mais, entre deux maux, il faut
choisir le moindre. Or, le candidat
dévoué au régime actuel, acceptant
son estampille et décidé à le mainte
nir, étant certainement mauvais,nous
devons désirer son échec, sauf, nous
le répétons, à ne pas venir directe
ment en aide à son adversaire. Il est
certain, par exemple, que nous ne
voterons pas pour M. Rochefort ou M.
Laisant, quel que soit l'opportuniste
ou le radical qu'ils combattront ; mais
mieux vaut le succès d'un boulangiste
sans parti pris contre l'Eglise, que
celui de M. Floquet ou de M. Glémen-
ceau. Encore une fois : l'homme du
régime actuel, c'est l'ennemi.
M. Thévenet, ses collègues et leur
chef nominal, M. Garnot, le savent
bien, et ne comprendraient pas que
dans cette lutte le prêtre restât indif
férent. Aussi ont-ils résolu de le para
lyser en lui faisant peur. Ils savent
déjà qu'ils ne lui ont pas fait peur, et
ils peuvent être sûrs que, sans sortir
de son rôle, sans abuser de sa situa
tion, sans attaquer leurs lois, il tra
vaillera contre eux. C'est, à la fois,
forcé et facile. Empêcheront-ils le
prêtre de prier tout haut pour la li
berté et les droits de l'Eglise; d'ensei
gner que le chrétien doit toujpurs agir
en chrétien ; de souhaiter, sans le
cacher à personne, que la nouvelle
Chambre comprenne ses devoirs en
vers le pays et envers la religion;
de dire à quiconque le consultera ou
voudra l'écouter, qu'il faut pour dé
putés d'honnêtes gens, respectant l'au
torité et sachant que l'autorité doit
respecter Dieu ?
Mais parler ainsi, c'est incontestable
ment parler contre le gouvernement ;
c'est condamner ses actes, conspuer
son personnel, démolir ses candidats.
Et, d'autre part, c'est aussi faire son
devoir de Français, d'électeur et de
prêtre.
Aucune circulaire n'empêchera cette
propagande, que ne défend aucune con
venance, aucune obligation, et que ne
peut atteindre aucune loi. La preuve
que le gouvernement n'a sur ce ter
rain d'autres armes que l'arbitraire,
c'est son silence sur les déclarations
et les conseils de nos évêques au sujet
des élections. Eût-il laissé passer bus
ces appels à l'action catholique s'ils
lui avaient donné prise? Non, certes!
Eh bien ! ce que les évêques ont con
seillé, les prêtres le feront. M. Théve
net.lui-même n'en doute pas.
Peut-être constate-t-on avec joie
dans les régions gouvernementales
que jusqu'ici bon nombre d'évêques
n'ont rien dit. Ce serait se réjouir à
bon compte. D'abord, la période élec
torale n'est pas terminée, puis on peut
tenir pour assuré que les membres de
l'épiscopat dont nous avons fait con
naître le langage, ont exprimé les
sentiments de tous. M. le ministre
des cultes doit en avoir des preuves
dans ses cartons.
Il n'ignore pas, non plus, que la vi
goureuse lettre de protestation de
Mgr Trégaro, contre la révoltante cir
culaire du 4 septembre, a donné sur.
cette pièce la pensée de tout l'épisco
pat et réjoui tout le clergé, tous les
catholiques dévoués à l'Eglise.
Ces dispositions, rien ne les chan
gera. Si nos gouvernants eu- doutent,
qu'ils méditent les paroles suivantes,
extraites d'une . récente circulaire de
Mgr l'évêque de Beauvais :
« On Nous trouvera toujours disposé
à rendre à César ce qui est à César, aux
pouvoirs publics ce qui leur est dii.
Mais jamais nous ne pourrons oublier
que nous devons aussi rendre à Dieu
ce qui est à Dieu ; jamais oh ne nous
fera courber la tête sous le joug des
exigences tyranniques, anti-chrétien
nes de la franc-maçonnerie. Nous ne
pouvons ici rester indifférent, l'indif
férence, la neutralité , comme le disait
récemment (quoique dans un autre
sens) une voix officielle, serait la plus
significative des manifestations contre la
religion. ».
Le devoir est donc d'agir ; on
agira.
E ugène V euillot-
Leur religion
Ils ont beau avoir promis de tout
laïciser. Quant ils en viannent à vou
loir donner quelque grand spectacle,
c'est encore à des fêtes ayant une ap
parence religieuse, fût-ce par une pa
rodie, qu'ils ont recours. C'est la ré
flexion qui sortait tout naturellement,
hier, du spectacle à grand orchestre
donné au palais de l'Industrie. D'ail
leurs, à l'avance, quelques-uns d'entre
eux confessaient naïvement que ce
qu'on allait donner au public, c'était
une réédition des ridicules tentatives
de La Reveillère-Lepaux. « La fête ci
vique, qui sera célébrée demain sous
les auspices du conseil municipal, di
sait le Soir, renouvellera les fastes ins
titués sous la première Révolution, à
l'époque du Directoire. La Réveillère-
Lepaux, en sa qualité de théophilan
thrope, devait s'éprendre de ces céré
monies pseudo-religieuses, où tout
l'appareil d'un culte théâtral se déploie
à la gloire d'une idée. Il fut, en effet,
l'ordonnateur et le prédicateur de ces
offices laïques, consacrés à la républi
que, à la raison, à l'agriculture, aux
arts »...
Voici comment on s'y est pris. C'est
un des journaux qui célèbrent la chose
avec le plus d'enthousiasme, le Vol
taire, qui donne cette description :
Le lever du rideau, coupé au milieu et
s'envolant des deux côtés de la scène, qu'il
découvre d'un seul coup en son entier, à
la manière du rideau du théâtre de Bay-
reuth, est précédé de longues et joyeuses
fanfares de trompettes qui s'appellent, se
répondent et s'unissent dans un enthou
siaste hosannah de cuivre. L'autel de la
patrie, ombragé d'un drapsau tricolore,
apparaît ensuite, tandis que l'orchestre, de
toutes ses voix, chante les larges et sonores
mesures d'une marche de fête. Autour des
trépieds fumants, dans le décor symbolique
élevé sur des estrades en pente douce et
fermé au fond par un bleuâtre horizon de
montagnes, les vignerons d'abord défilent
chantant le vin de France, le vin joyeux,
le vin des aïeux qui rend la vie et l'espé
rance. A leur chœur énergique et doux
tout ensemble répond le chœur des mois
sonneurs, exaltant les benheurs de la mois
son, et les deux groupes, unissant leurs
accents d'allégresse dans un ensemble d'une
solide tranquillité, offrent devant l'autel
patriotique le pain et le vin, sans qui tout
est vain, la chair et le sang de la France.
La chair et le sang, voici les soldats qui,
sur une ritournelle énergique, offrent à
leur tour de donner l'une et de verser l'au
tre pour la France, mère des épopées. Suc
cédant à leur mâle serment, les marins, sur
le rythme d'une barcarolle & la fois mar
tiale et tendre, font aussi & la France l'hom
mage de leurs périls et celui de leur cou
rage, car o'est vers elle sans cesse que se
tournent leurs pensées, alors qu'ils voguent
sur les flots gris de l'Océan sans bornes, et
ils disent en strophes de superbe tenue
quel orgueil conquérant ils ressentent de
semer, ainsi que des fleurs, les pavillons
aux trois couleurs dans le pays lointain où
les emporte l'onde.
Ils montent les praticables et se joignent
dans les hauteurs aux groupes des vigne
rons verts de pampres, aux groupes des
moissonneurs portant des gerbes d'or. Après
eux, après les héros de la guerre, voici
maintenant les héro9 de la paix. Travail
leurs et industriels, soutenus par un dessin
d'orchestre ferme comme leurs bras, iranc
autant que leurs corps, échangent des pa
roles de concorde et de fraternité. Ensem
ble,ils se promettent de construire le Tem
ple impérissable de la justice éternelle, et
s'il faut blâmer un peu le battement de fer
sur l'enclume, le bruit de la scie mordant
la pierre qui accompagne leurs dialogues,
encore que ces imitations soient discrète
ment faites, il convient aussi de louer sans
réserve l'élévation, la carrure et la sanorité
de ce chœur vraiment admirable de force et
de simplicité.
Du reste, nous touchons ici au point cul
minant de la partition. C'est dans l'entrée
suivante, celle des À.rts et des Sciences,
que, par une double fortune, Mlle Holmès
a écrit les meilleurs vers de son poème et
les meilleures pages de sa symphonie :
0 peuple, sois doux au Génie
, Qui, par l'image ou l'harmonie
Enseigne le,divin à ton humanité!
Si l'Art ne t'aide pas, tu bâtis sur le sable,
Et le plus pur renom est encor périssable
Si nous ne l'avons pas chanté.
Les Arts se taisent, et les Sciences, après
eux, chantent ces strophes magnifiques :
Du fond de l'Océan, jusqu'au delà des astres,
Nous avons frayé le chemin !
Qu'oublieux de la mort, dès guerres, des dé-
| sastres
Tu graviras, ô. genre humain.
Nous avons arraché de leur ciel illusoire,
Les faux dieux à l'homme pareils.
Et la vie a jailli de l'humanité noire
.. En myriades de soleils.
Vignerons et marins, travailleurs et sol
dats, se joignent aux Arts et aux Sciences
pour magnifier l'ascension de l'intelligence
humaine. L'orchestre, tout ensemble puis
sant par ses cuivres et doux par .ses cordes,
appuie de ses masses intrnmentales l'accla
mation sereine de masses chlorales, et c'est
alors un finale majestueux et splendide,
poussant les plus réservés des auditeurs à
l'applaudissement frénétique et à. l'ovation
forcenée, une page maîtresse et souveraine,
grandiose d'ordonnance, éclatante de mé
lodie, telle que bien peu de musiciens ont
eu le génie d'en rencontrer une, telle enfin
que, malgré les qualités du reste ds son
œuvre, Mlle Holmès même n'a pas su la
dépasser.
Voilà pour la première partie du
spectacle. Voici comment la Paix ra
conte la-dernière :
Entrent les jeunes gens précédés par l'A
mour. Le caractère de la musique suit pas
à pas le poème ; après les sublimes élans,
un gazouillement d'une indicible poésie,
frais et doux comme un sourire du prin
temps, accompagne le chœur.
Je t'aime !
Et te donnerai ma vie elle-même!
Je t'aime !
0 lever d'aurore ! 0 poème 1
0 roses du premier baiser !
Je t'aime
D'un amour qu'on ne peut briser.
Mais les chants d'allégresse cessent bien
tôt, la scène s'obscurcit. Un long murmure
se fait entendre dans l'orchestre, plein de
grondements farouches, et une marche fu
nèbre monte et grandit.
Devant l'orchestre surgit une figure voi
lée de noir, chargée de chaînes, aux longs
cheveux blonds dénoués.
Elle se dirige à pas lents vers l'autel, en
tendant désespérément les bras aux grou
pes divers échelonnés sur le théâtre. Les
enfants s'écartent en lui montrant l'autel
avec leurs épées entourées de fleurs. Elle
monte les degrés. L'Amour et la Jeunesse
se séparent pour la laisser passer.
T9us les choeurs , à voix basse.
A travers les-cités et les sombres forêts
Ont retenti des cris funèbres.
Le soleil s'est éteint ! Un voile de ténèbres
Répand le deuil sur nos apprêts !
Long crescendo à l'orchestre. La femme
voilée tombe à genoux en embrassant l'au
tel.
Apparais, déesse, apparais!
Viens 1 approche ! Sois là ! Surgis dans la lu-
— mière!
Ton peuple t'invoque à genoux !
0 terrible, â clémente, ô triomphante, ô fière,
0 République, apparais-nous !
Un éclair sillonne l'obscurité. Le drapeau
tricolore s'écarte, la République apparaît
au-dessus de l'autel, dans une clarté fulgu
rante. Elle porte le péplum d'azur, la tuni
que blanche et le bonnet phrygien cerclé
d'une ceuronne d'épis, d'une d'or. L'étoile
brille sur son front. Un glaive au fourreau
pend à sa ceinture. D'une main, elle s'ap
puie sur le sceptre souverain ; de l'autre,
elle tient des rameaux d'olivier.
Le peuple tombe à genoux. Aux strophes
de la République succède le chant final,
glorification de la République :
" Gloire à toi, fille de la Gloire !
Que nos cris triomphants ébranlent l'uni vera!
Que les cités et les déserts .
Retentissent de la victoire !
Trompettes, emportez jusqu'aux cieux grands
[ouverts
L'hymne de Joie et de Victoire !
Gloire à toi, fille de la Gloire !
La République étend sur la foule les ra
meaux d'olivier, en un geste de bénédic
tion. La figure en deuil arrache sss chaînes
et ses voiles et apparaît vêtue des couleurs
de la France. Une gerbe de blé incandes
cente croit et grandit au pied de l'autel.
Toute la feule tend vers la déesse des bras
chargés d'attributs, comme pour lui consa
crer les forces de la Patrie, avec un grand
cri de suprême enthousiasme.
Groire à toi, Liberté, soleil de l'univers !
Il est superflu d'insister sur le ca
ractère parodique de cette cérémonie
avec un autel sur lequel se dresse la
statue vivante de la Patrie, en atten
dant la déesse Raison, et devant lequel
on fait tomber à genoux la multitude
des exécutants figurant la France.
Tout cela est odieux et sacrilège
quant à l'intention ; qnant au fait,
malgré la richesse des décors, la gran
deur du théâtre, le luxe des costumes
et même la puissance de la musique,
le public n'est pas sincèrement ému,
parce que tout cela sonne faux et qu'il
ne comprend pas, Nous en. avions eu
l'impression très vive. Le Voltaire lui-
même en fait l'aveu :
Le sens allégorique de la composition se
trouble tout à fait quand, une marche |fu-
nèbre s,e faisant entendre à l'improviste,
une figure voilée , tend vers le peuple assem
blé ses bras en deuil et, laissant ignorer
qui elle est, ne permet pas de soupçonner
ce qu'elle implore. Faut-il voir lîi quelque
représentation symbolique de l'Alsace ?
L'interprétation est admissible, surtout si
l'on se souvient que dans le texte primitif,
deux femmes noirs surgissaient, représen
tant évidemment nos deux provinces per
dues. Mais pourquoi cette évocation gê
nante, sinon douloureuse? Qu'elle soit pa
triotique, j'y consens, mais quel rappert
l'Alsace ou la Lorraine ont-elles, même
d'une façon lointaine, avec 1789, dont l'ode
célèbre officiellement le Centenaire ?
. On voit bien que, après un chœur entre
coupé, fidèlement imité du chœur du Loliën •
grm au moment de l'apparition du cygne,
la République se montrant sous les rayons
dardants d'un réflecteur électrique, délivre
la femme voilée qui se montre tricolore et
débarrassée de ses chaînes, tandis que l'ar
mée entière des chœurs entonne un hymne
de reconnaissance et d'éloge; n'empêche
que cette conclusion n'est pas claire, et
l'oreille, en la circonstance, ne trouve guère
plus de satisfaction que l'esprit.
J'ai admiré assez hautement l'ensemble
véritablement magistral des Arts et des
Sciences, pour qu'il me soit permis de dire
que, dans la dernière partie de son ode,
Mlle Holmès a manqué de souffle. Sans,
doute, la progression était malaisée à con
tinuer; peut-être même était-il impossible
de l'augmenter. Quelques raisons que l'on
puisse ingénieusement trouver, n'empêche
que le finale du Triomphe de la République
n'a point l'envolée qu'on espérait.
Trois cent mille francs pour un ré
sultat pareil, on conviendra que c'est
cher et même exorbitant. Mais on sait
que le conseil municipal votera d'en
thousiasme toutes les augmentations
d'impôts dès qu'il s'agit de spectacles
qui par quelque côté, sont une atteinte
à la foi et aux sentiments des catho
liques
A uguste R oussel.
M Méline, président de la feue
Chambre, ancien ministre de l'agri
culture dans le cabinet Jules Ferry,
député sortant des Vosges, vient de
prononcer devant les électeurs de Re-
miremont, auxquels il demande le re
nouvellement de son mandat, un
grand discours. Gomme on ne peut
plus aujourd'hui parler politique sans
être amené à dire son mot sur la
question religieuse, devenue question
connexe et absorbante (ce qui prouve
bien que le clergé a le droit, le devoir
même de s'occuper des élections), M.
Méline a touché ce point.
En bon opportuniste, le président de
la feue Chambre a commencé par sou
tenir que la République n'a nullement
fait la guerre, dans le passé, à la reli
gion, et n'y songe pas du tout pour
l'avenir. Oui, vraiment!
Est-ce que le culte n'est pas libre en
France, a-t-il demandé, tellement libre
qu'on peut tenir, dans certaines chaires,
un langage que ne toléreraient certaine
ment pas beaucoup de gouvernements très
catholiques?
11 est certain qu'il est possible au
prêtre de dire en chaire ce qu'il pense
de notre gouvernement persécuteur,
comme il est possible à tout le monde,
évidemment, de se laisser mourir de
faim. Il n'y a qu'à vouloir. Seulement
le prêtre s'expose à la prison, et s'il y
échappe, il sera, au moins, privé de
ssn traitement, selon l'honnête sys
tème de vol inauguré précisément par
le ministère dont M. Méline fut mem
bre. En outre, il devra subir les gros
sières injures d'un Thévenet malap-
Eris et malfamé, qui le menacera de
} « rayer des cadres ». Mais enfin, il
est positif que la république ne met
pas encore, matériellement, un bâillon
au prêtre qui monte en chaire. Donc,
le prêtre est libre.
Il est libre, et on le paye. Ecoutons
là-dessus M. Méline :
Est-ce que le culte n'est pas largement
rémunéré par l'Etat, mieux rémunéré que
beaucoup de nos fonctions publiques ? Et
je ne m'en plains pas, car je ne suis nulle
ment partisan de la séparation de l'Eglise
et de l'Etat, ni de la suppression du bud
get des cultes, que je considérerais comme
un véritable danger pour la paix publique
et sociale.
M. Méline aurait bien dû préciser,
et nous dire quelles sont les fonctions
publiques, en France, qui sont < moins
rémunérées que le culte. D'ailleurs,
M. Méline sait parfaitement que cette
assimilation ne tient pas deboiit. Le
gouvernement rémunère les fonctions
publiques à son idée, à son gré. Il
donne aux fonctionnaires publics des
traitements. Mais il ne donne rien aux
prêtres. 11 ne les paye pas. Il leur
sert, en vertu d'engagements formels
et réitérés, une très maigre rente pour
les biens confisqués à l'Eglise il y a
cent ans. Si le gouvernement ne ser
vait plus cette rente, il ferait tout sim
plement banqueroute.
Du reste, il serait bien capable de
dire : Puisque c'est une banqueroute,
ce n'est donc pas de la persécution 1
Ne mêlons point les choses, s'il vous
plaît !
Exemple : foi de Méline, la République
ne persécute pas et ne persécutera ja
mais la religion ; néanmoins, le prési
dent de la feue Chambre veut bien
reconnaître (mais, dit-il, cela ne tou
che nullement â l'exercice du culte !)
qu'on a laïcisé trop vite et trop géné
ralement. Sur ce sujet, il s'exprime en
ces termes :
Et d'abord, je déclare que .je ne sois pas
du tout partisan des laïcisations des hôpi
taux. Elles n'ont pas : d'ailleurs donné de
bons résultats, de l'avis des médecins eux-
mêmes, qui sont les vrais juges :.en pareille
matière. Je trouve aussi très défectueuse la
loi dite des catéchismes, qui interdit d'une
façon absolue aux curés des paroisses-da.
mettre le pied dans l'école pour y donner"
l'enseignement du catéchisme. Elle a sa
raison d'être pour les villes et pour les po
pulations agglomérées ; mais dans les pays
de montagnes comme le nôtre, où l'églis
est très loin des familles, et l'école très près*
elle inflige aux enfants des fatigues exces
sives qu'on pourrait leur épargner. Pour
ma part, je ne vois pas le danger qu'il pour?
rait y avoir à permettre l'enseignement d.a
catéchisme à l'école, en dehors des heures
de classe, bien entendu, quand le conseil
municipal le demanderait et que le conseil
départemental de l'instruction publique n'y
verrait aucun inconvénient....
Je conviens que, dans certains départe
ments, on a fait des laïcisations que la loi
ne commandait pas, qu'on les a mal faites,
et qu'on n'a pas suffisamment ménagé dans
l'application les sentiments des habitants
de la commune. Je pense donc qu'on ne
doit plus faire que les laïcisations indispen
sables, qu'on doit y apporter toutes les at
ténuations possibles, et, je considérerais
comme une atténuation considérable, que,
la loi n'interdit nullement, de faire porter
les laïcisations non sur l'école où le'hasard
produit une vacance, mais sur l'ensemble
.des écoles du département. De cette façon,
l'autorité académique pourrait toujours
choisir pour la laïcisation la commune qui
y est la mieux préparée.
Nous espérons bien que MM. les
concurrents des opportunistes n'ou
blieront pas d'utiliser, durant les dix
derniers jours de la campagne élec
torale, ces aveux édifiants d'un de
leurs principaux adversaires !
Pour terminer, M. Méline, voulant
se montrer tout à fait conciliant, —1©
bon apôtre! — demande au clergé,
avec instance, de renoncer à son atti
tude hostile, inexplicable puisqu'on ne
le persécute pas. — Nous sommes ani
més envers vous des meilleurs senti
ments; croyez-nous sur parole et ve
nez à nous, dit-il en substance; remet
tez votre sort entre nos mains ; « ac
ceptez franchement la République. »
A cette proposition de désarmement,
le clergé, qui n'a jamais fait, d'ail
leurs, que se tenir sur la défensive,
répondra sans aucun doute :
Que messieurs les persécuteurs com
mencent !
P ierre V euillot
La brochure : La Persécution. — Let
tre d'un catholique à M. de Mun, est en
vente à la librairié Retaux-Bray, 82,
rue Bonaparte, au prix de un franc.
Les Elections
ET
L'ÉPISCOPAT
VI (I)
Nous recevons communication d'une
importante lettre de Mgr l'évêque
d'Autun, adressée aux fidèles de son
diocèse et prescrivant une neuvaine
de prières pour la France à l'occasion
des élections générales.
En voici la partie capitale :
C'est le plus détestable et le plus dange
reux des sophismes que de prétendre ins
tituer dans l'homme deux consciences, celle
du chrétien et celle du citoyen, dont, l'une
n'aurait rien à voir avec l'autre et qui pour
raient se contredire impunément. La même
loi de Dieu à l'égard de laquelle vous vous
sentez redevable quand vous obéissez à
tel et tel précepte de l'ordre moral et reli
gieux, ne perd rien de son empire et de ses
droits quand vous exercez la part de sou
veraineté politique dont vous êtes investi.
Chrétien baptisé et enfant de l'Eglise catho
lique, il ne vous suffit pas de remplir pour
votre compte personnel les devoirs qui dé.
coulent pour vous de ces sublimes préroga-
tiaes. Vous êtes encore strictement obligé
d'user de tous les moyens qui sont en votre
pouvoir (et le droit électoral est un des
plus efficaces), pour que la législation de
votre pays soit en harmonie avec les prin
cipes de l'Evangile et avec les vérités que
Dieu a daigné nous révéler.
Si vous croyez sur la parole de Jésus-
Christ que le mariage est indissoluble, vous
ne pouvez pas en conscience investir du
mandat législatif des hommes qui introdui
ront ou maintiendront le divorce dans le
code des lois nationales.
Si vous estimez que la religion a sa place
nécessaire dans l'œuvre de l'éducation rie
l'enfance, vous ne pouvez pas en conscience
vous faire représenter au Parlement par
des hommes qui excluent systématique
ment de l'école tout enseignement reli
gieux.
Si vous tenez pour vous, pour vos fa
milles, pour vos concitoyens, à ce que le
recrutement du clergé se fasse dans des
conditions normales et à ce que vos pa •
roisses soient pourvues d'un nombre suffi
sant de prêtres chargés de vous donner les
sacrements et de vous aider à remplir tous
vos devoirs de chrétiens, il ne vous est pas
permis de concourir par vos suffrages à
l'élection de députés qui méconnaîtront ces
besoins essentiels d'une ■ nation catholique
et obligeront les élèves du sanctuaire à
porter les armes.
Nous donnerons demain toute la
lettre de Mgr l'évêque d'Autun.
P. S. —■ A la dernière heure, nous
recevons une lettre de S. Em. le car
dinal Lavigerie au clergé français de
son diocèse, pour lui demander des
prières -en faveur de la France.
Nous la publierons demain.
(1) Voir l'Univers des 4, 6, 8,11 et 12 sep
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