Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-09-06
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 septembre 1889 06 septembre 1889
Description : 1889/09/06 (Numéro 7918). 1889/09/06 (Numéro 7918).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7067389
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 6 Septembre i§S0
ÏV 7913 - Êdi.Ion quotidiens»
Vendredi 6 Septembre 1889-
SBZTIOM QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
IT DÉPARTEMENT# (OKION POETAIJSj
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ANNONCES
MM. Ch. LA.GRA.NGEj CERF et G 1 ', 6, place de la Boursa •
FRANCE
PARIS, 5 SEPTEMBRE 1839
Le conseil des ministres, annoncé
pour hier, non seulement n'a pas été
tenu à Fontainebleau, comme le bruit
en avait couru obstinément, mais il
n'a pas eu lieu du tout. On l'a remis
à aujourd'hui, et il n'y sera question,
paraît-il, que des affaires courantes.
C'est un peu plus tard qu'aurait lieu
le conseil présidé par M. Carnot.
Ce qui semblera bizarre, c'est
que, dès à présent, l'on prête à M.
Constans le dessein d'obtenir du pré
sident la dissolution immédiate de la
future Chambre, au cas où il ne s'y
trouverait pas une majorité gouverne
mentale. Un article de Temps semble
lait tout exprès pour préparer l'opi
nion à cette sorte de coup d'Etat éven
tuel. « 11 faut, lisons-nous dans ce
ournal, que les électeurs soient avant
tout préoccupés de nommer des dépu
tés qui puissent s'entendre et s'unir
pour organiser et faire vivre en^ tout
honneur et force le pouvoir exécutif
chargé de mener les affaires du pays.
Il n'est pas étonnant que le régime
parlementaire se montre impuissant,
quand cet élément qui en est l'âme,
nous voulons dire l'existence d'une ma
jorité vraie, lui fait défaut. La machine
alors tourne à vide, s'use, se détraque
et déçoit toutes les espérances. Aussi
ne faudrait-il jamais la faire fonction
ner sans cette condition première , car
alor3 ce n'est plus le régime parle
mentaire que l'on possède, c'en est la
vaine caricature. Ce devrait être un
axiome, dans notre Etat démocratique,
qu'une Chambre sans majorité véritable
n'a pas le droit de vivre, puisque, a
priori , elle ne saurait être que stérile
ou malfaisante. Nous n'en sommes pas
encore là; mais nous y viendrons si
nous voulons garder une forme libé
rale de gouvernement. »
La réception des délégués italiens à
l'Hôtel-de-Ville a été signalée par de
singulières déclarations,que nous rap
portons plus loin. Le Petit Journal lui-
même s'en montre choqué. « L'audi
toire français, dit-il, paraissait trouver
qu'on exaltait un peu trop Garibaldiet
les quelques centaines d'Italiens qui
ont combattu sous Dijon, au détri
ment des milliers de Français qui ont
versé leur sang pour la liberté de la
« sœur latine ». -
On assure que le gouvernement al
lemand prépare d'importantes modi
fications à la loi du septennat mili
taire. D'après ce que l'on dit dans les
cercles officieux, ces modifications
porteraient sur la réduction à trente
mois de la durée du service et sur
l'augmentation du contingent annuel,
qui serait élevé de 150,000 à 210,000
hommes. On ajoute que le général
Bronsart de Scnellendorff a quitté le
ministère de la guerre parce qu'il re
fusait de défendre ce projet devant le
Reichstag. Il y aurait eu, au mois de
janvier dernier, une très vive alterca
tion entre le général Bronsard et le
chef actuel de l'état-major, le général
de Waldersee. Le général Bronsard
aurait rappelé qu'il avait pris, devant
le Reichstag, l'engagement de ne
plus solliciter aucun crédit nouveau
ni aucune aggravation des charges
militaires.
Cette fois, le gouvernement deman
derait, en chiffres ronds, une augmen
tation de crédit de cent millions
par an.
On écrit de Berlin à la Gazette de
Cologne qu'il n'y a pas à songer à une
suppression radicale du régime actuel
des passeports pour l'Alsace-Lorraine ;
mais on serait assez disposé à apporter
un adoucissement dans l'application
des mesures prescrites. L'administra
tion d'Alsace-Lorraine, se verrait le
plus souvent conférer le pouvoir de
décider les cas d'admission sur le ter
ritoire des pays annexés.
D'autre part, notons un article de
la Post de Strasbourg, mentionnant le
bruit, qui courait dans les états-ma
jors du Reichsland, que le 15' corps
d'armée, qui a son siège à Strasbourg,
allait être scindé en deux et qu'un
16° corps serait créé sous peu à Metz.
La Post de Berlin confirme cette infor
mation ; elle donne même le détail des
changements qu'apportera ^ cette for
mation nouvelle dans la distribution
des garnisons de la frontière de l'Ouest,
et ajoute qu'elle croit savoir que l'on
scindera également le corps d'armée
de Kœnigsberg, celui qui est placé sur
la frontière russe.
Une dépêche de Berlin au XIX' Siè
cle signale ce fait que le bruit, déjà
ancien, de la conversion au catholi
cisme de l'impératrice Augusta, veuve
de Guillaume I or , est encore une fois
retins en circulation. Il avait couru
dès le lendemain de la mort de son
impérial époux. Mais, alors comme
aujourd'hui, il n'avait d'autre fende-
ment que les sympathies et les ten
dances d'esprit favorables au culte ca
tholique et aux congrégations reli
gieuses que l'impératrice professait
ouvertement, en opposition à la poli
tique de M. de Bismarck pendant le
Kulturkampf.
Un journal catholique hongrois, le
Magyar Allam, dit pourtant que le
Pape aurait été informé de la conver
sion de l'impératrice, et que la famille
impériale voudrait que ce fait ne fût
pas divulgué. Mais une note officieuse
de la Gazette de Cologne oppose un
démenti formel à cette nouvelle, et
nous croyons qu'il sera prudent de
s'en tenir à ce démenti.
Le Daily News publie une dépêche à
sensation de son correspondant d'O
dessa. D'après ce correspondant, le
bruit court, dans les cercles officiels,
qu'une alliance entre la Russie et la
France sera formellement annoncée
au commencement du printemps pro
chain, La Russie, ajoute-t-on, aurait
des raisons pour ajourner jusqu'à la
fin de l'année la ratification de cette
alliance, bien que le traité existe déjà
virtuellement « en esprit sinon à la
lettre ». En attendant,des dispositions
serait déjà arrêtées en vue de certaines
éventualités importantes. Nous avons
à peine besoin de noter avec quelle
réserve doivent être accueillies de pa
reilles informations.
Nous publions plus loin les résolu
tions prises par les catholiques badois
dans une importante réunion qui a
eu lieu à Fribourg-en-Brisgau. D'autre
part, nous recevons à la dernière
heure le récit d'une non moins im
portante réunion des catholiques de
la Bohême septentrionale, tenue à
Schluckenau. Nous le publierons de
main.
M. Léon Say vient à son tour de
prononcer un discours dans une réu
nion électorale, car on n'ignore pas
que M. Léon Say, soucieux de jouer
un rôle actif dans la politique, songe à
quitter le Sénat pour rentrer à la
Chambre comme député.
Voici une partie de ses déclarations:
La monarchie est impossible. La preuve
la meilleure qu'on puisse en donner, c'est
que la république a été votée par une as
semblée monarchique. Nous aurions une
majorité monarchique aux prochaines élec
tions que la république ne pourrait pas être
renversée, non seulement à cause de résis
tances de toutes sortes que pourraient op
poser les populations, mais encore parce
que, si la république n'existait pâs, on re
viendrait à l'état de choses de 1871.
M. Thiers disait aux monarchistes : « Si
je n'étais pas là, vous vous jetteriez les uns
sur les autres. » Et M. Thiers avait raison.
Nous reverrions aujourd'hui encore les bo
napartistes déxorer les orléanistes, et réci
proquement. Il ne resterait bientôt plus
rien des uns ni des autres, ce qui, à la vé
rité, ne serait peut-être pas un si grand
malheur.
On voit qu'au besoin M. Léon Say
n'est pas à demi féroce. Il poursuit :
En présence des difficultés dont j'ai par-
1^ et malgré mon optimisme naturel, il y a
eu un moment où j'ai été véritablement in-
quiel:c'est quand j'ai vu se produire cet en
traînement irréfléchi pour cette aventure
qu'on appelle le boulangisme. Ç'a été non-
seulement une humiliation, mais un dan
ger, et il a fallu une énergie, qu'on a su
d'ailleurs montrer, pour le faire évanouir.
Ce qui me tourmente en ce moment, c'est
l'idée que, si je suis élu député, je puisse
avoir les apparences d'avoir déserté mon
poste, car il peuty avoir lieu de juger con-
tradictoirement les contumaces condamnés
par la Haute-Cour, et je ne ferais plus par
tie de la Haute-Cour Bi je passais à la
Chambre des députés* J'ai la conviction
d'avoir fait, comme membre de la Hauts-
Cour, une chose salutaire, et il faut rendre
cette justice au Sénat, qui n'a pas toujours
été populaire, qu'il a fait tout son devoir.
Aujourd'hui, nous devons être rassurés.
Le péril est conjuré. Un échec aux élections
me parait impossible ; nous aurons une ma
jorité républicaine sérieuse.
Le seul point noir, c'est la coalition, sous
couleur de revision, de tous les partis ex
trêmes. Je regrette de voir un certain nom
bre de républicains prêter la main à une
pareille œuvre.
Notre Constitution peut , avoir des défauts,
mais ce n'est pas devant l'ennemi qu'il faut
démolir la forteresse, qu'il faut ouvrir les
portes et les fenêtres de la citadelle que
nous avons à défendre. Comme le disait le
président Lincoln, ce n'est pas au milieu du
gué qu'il faut changer l'attelage.
Que ferons-nous de notre succès ? Gar
dons la république avec vigilance,mais sou
venons-nous que les générations nouvelles
peuvent arriver à l'électorat avec une con
ception du régime républicain autre que
celles de leurs pères. Où est l'avenir du
parti républicain? N'est-ce pas dans la pos
sibilité de se constituer à. nouveau ? On ne
veut plus de ces anciennes fdénominations,
centre-gauche, opportunisme, groupes et
sous-groupes. Il y aura les gens qui feront
bien les affaires de la République et ceux
qui les feront mal. Il y en a qui iront vite et
d'autres lentement. La marche en avant
doit être parfois interrompue par des repos.
La France est un des pays qui travaillent le
plus et où il faut du calme pour que le tra
vail soit productif.
Aujourd'hui il est nécessaire d'avoir l'es
prit politique. Il est facile de crier : « Vive
la république ! », il est facile de proclamer
sur les toits son opinion ; mais il est diffi
cile de la formuler en lois efficaces. Souvent
les leis produisent des résultats contraires
à ceux qu'on avait en vue.
Le centre gauche est un groupe de poli
tiques ; et, si je n'étais pas à Pau,où je ris
querais de me faire donner des leçons d'his
toire locale, je dirais que l'inventeur du
centre gauche, c'est tout simplement
Henri IV,qui fit succéder la paix intérieure
à la guerre civile. Mais il faut s'entendre
sur les descendants d'Henri IV ; ses vrais
descendants politiques n8 sont peut-être
pas ceux qu'on pense, et je crois que c'est
vous, Béarnais républicains, qui en êtes
les véritables héritiers.
Voilà donc M. Léon Say, avee sa
prétentieuse fatuité, se donnant facé-
tieusement comme le descendant "de
Henri IV. Il reprend, en parlant des
manœuvres qu'il menait, de concert
avec M. Thiers, contre la majorité de
l'Assemblée de Versailles:
C'est au moment où nous paraissions tout
près d'atteindre notre but/quand M.Thiers
y touchait, quand il venait d'achever l'œu
vre de la libération du territoire et que nous
avions mis la dernière main aux opérations
financières qui devaient l'accomplir, c'est à
ce moment que l'Assemblée nationale eut
le triste courage de chasser M. Thiers du
pouvoir. J'ai eu l'honneur de tomber avec
avec lui.
Nous formions autour de lui un groupe,
de modérés. On a dit quelquefois que les
modérés ne sont modérés que parce qu'ils
ne tiennent pas à leurs opinions, qu"ils sont
sceptiques. On en concluait qu'il était facile
de nous séduire et de nous faire abandon
ner notre drapeau. Le centre droit nous
proposa un jour de nous joindre à lai pour
rétablir la monarchie.J'étais alors président
du centre gauche ; je n'eus pas besoin de
consulter mes amis. Je répondis aussitôt
que jamais nous ne nous associerions à lui,
parce que nous considérions l'acte qu'il
nous proposait de faire en commun aveo
lui comme une revanche de 89. Nous som
mes les fils de cette bourgeoisie des dé
partements et de Paris qui a salué l'aurore
delà liberté; nous sommes les fils de 89;
notre fête est le 14 juillet; notre hymne est
la Marseillaise.
Retenons ces déclarations qui achè
vent de nous édifier sur le compte des
gens du centre gauche, partisan de la
Marseillaise et de la fête de l'assassi
nat.
Nous étions curieux de savoir com
ment M. Léon Say, qui en d'autres
circonstances a dressé un réquisi
toire terrible contre la gestion finan
cière de la république, s'y prendrait
aujourd'hui pour répondre sur ce
point aux justes attaques des conser
vateurs armés de ses propres argu
ments. Voici :
Que sera le parti républicain politique
issu des élections prochaines ? Quelles ré
formes saura-t-il accomplir? Quelles ré
formes aura-t-il le courage de laisser de cô
té? On dit et on répète que nos finances
sont perdues. Un vieux journal, il y a cent
ans, disait déjà : « Ils périront par les
finances. » On est encoie à le dire aujour
d'hui ; mais on a pas autant de raison de le
dire qu'autrefois, Il est vrai que nos ad
versaires retournent contre nous les argu
ments que nous échangeons entre nous.
Nous avons été vite et la situation finan
cière a pu être inquiétante.
Vous avez 500 ou 600 millions de déficit,
s'écrient-ils. Mais comment établissent-ils
ce compte ? Prenons un exemple : Suppo
sons le propriétaire d'une maison de.
100,000 francs qui touche un revenu de
6,000 francs par an ; voilà que, sur un ter
rain à côté, le même propriétaire fait cons
truire une autre maison de 100,000 francs.
Peut-on lui dire : Vous avez dépensé
100,000 francs dans votre année, quoique
vous n'ayez que 6,000 francs de revenu,
et votre déficit est un véritable gouffre ?
C'est exactement le raisonnement que nos
adversaires font en parlant du déficit du
budget de l'Etat. L'Etat fait des dépenses
en capital. Il peut se tromper dans cette
sorte de placement, et on peut dire qu'il
sort de ses attributions en faisant des dé
penses véritablement industrielles. Il ne
faut cependant pas compter les dépenses
de capital qui sont censées productives
comme des dépenses courantes et les ajou
ter au déficit : on n'additionne que des va
leurs de même nature ; c'est tout à fait
élémentaire en arithmétique.
On peut dire qu'il y a en trop d'em
prunts ; cela paraît évident ; mais où trou
vez-vous qu'on ne puisse pas se modérer ?
On peut être modéré en finance comme en
politique, on peut s'arrêter ou aller trop
vite et trop loin ; c'est ce qu'on fera sans
aucun deute. Il ne faut donc pas retenir,
pour faire lt compte du déficit, tous ces
calculs de fantaisie qui traînent dans tous
les discours et les écrits de nos adversai
res. Toutes les centaines de millions qu'on
fait passer devant nos yeux comme des
soldats dans un défilé de cirque n'ont au
cune réalité. J'ai trouvé uu moyen bien
simple d'augmenter nos recettes de 100 mil
lions, ce sera toujours quelque chose, et ce
moyen que je n'ai pas inventé est, on peut
le dire, renouvelé, sinon des Grecs, du
moins de nous-mêmes ; c'est la stabilité
politique. Notre pauvre histoire en fait foi.
On me dira qu'il faut nous tourner vers la
monarchie, comme si c'était la stabilité. Eh
bien ! non ; ce ne serait, si l'entreprise
réussissait par hasard et pour quelques
heures, ce ne serait que le désordre et
l'anarchie, ce ne serait que l'ouverture d'un
gouffre au fond duquel on nous précipite
rait et où l'étranger pourrait bien essayer
de nous achever.
Bornons-nous à deux observations.
La première, c'est que, pour donner
le change sur les pratiques budgé
taires des républicains, l'exemple du
propriétaire d'une maison dépensant
100,000 francs pour la bâtisse d'une
maison nouvelle est on ne peut plus
mal choisi; Assurément, si le proprié
taire prend ces 100,000 francs sur son
capital disponible, on aura tort de dire
qu'il est en déficit. Mais si ces 100,000
francs sont le fruit d'un emprunt,
n'aura-t-on pas cent fois raison de le
juger tout autrement? Or, la Républi
que, pour faire toutes les dépenses
qu'on lui reproche et que M. Léon Say
lui a reprochées tout le premier ©n
d'autres circonstances, n'a cessé de
recourir à des emprunts, lesquels, bien
loin d'ouvrir une source de revenus,
n'ont servi qu'à augmenter le déficit
au point d'en faire un véritable gouf
fre.
Au surplus, l'incroyable légèreté
avec laquelle M. Léon Say, d'ordinaire
plus grave quand il s'agit de finances,
s'est moqué de son auditoire, se dé
montre par une autre assertion qui
appelle notre seconda observation.
M. Léon Say dit, en esquissant une
pirouette, qu'il a trouvé un moyen
simple^ d'augmenter nos recettes de
cent millions, et que ce moyen c'est...
ia stabilité politique.
Voilà un calcul d'une nouvelle es
pèce, surtout appliqué aux gens qui
nou3 gouvernent, quand on a constaté
que précisément leur maintien au
pouvoir fait augmenter chaque année
les dépenses d'une centaine de mil
lions.
A ce compte, M. Léon Say pourrait
tout aussi bien dire qu'on fait une
économie lorsqu'on refuse de donner
un tuteur à un prodigue. Il faut qu'une
cause soit bien mauvaise pour qu'un
financier comme M. Léon Say la dé
fende par d'aussi pauvres arguments.
A uoustb R oussel.
Nous recevons communication d'un
manifeste du « comité de la ligue na
tionale antisémitique de France »,
qui a été placardé dans la journée
d'hier en divers quartier, de Paris.
A l'heure où il nous parvient, le
temps nous manque pour apprécier
ce document, dont nous aurons à re
parler. Disons seulement, pour au
jourd'hui, qu'il est signé par M.
Edouard Drumont, président du co
mité, par le délégué général Jacques
de Biez et par le secrétaire J. E. Mil-
lot. ' .r
Il traite au long la question juive et
demande « la convocation d'une cham
bre de justice, chargée, comme les
chambres de justice d'autrefois, de vé
rifier l'origine de certaines fortunes
scandaleuses, de regarder de près les
opérations de la haute banque depuis
cinquante ans,et de faire rendre gorge
à ceux qui auront volé ».
Les élections
ET
L 'ÉPISCOPAT
II (I)
Voici la lettre circulaire que Mgr
Robert, évêque de Marseille, vient
d'envoyer à son clergé, au sujet des
élections générales pour la Chambre
des députés :
Marseille, le 31 août 1889.
Ëa la fête de Saint-Lazare, patron
de la ville et da diocèse.
Monsieur le curé,
La religion est trop gravement intéres
sée dans les élections générales pour que
je puisse me dispenser de donner à mes
diocésains des avis à cet égard. Personne
n'ignore en effet que, dans leur législature,
les nouveaux élus auront à s'occuper sou
vent de questions religieuses. Elles s'im-
poseut d'elles-mêmes à raison de leur con-
nexité avec toutes les choses qui regardent
la famille et la société. La religion catholi
que, en vertu de sa mission divine, aie droit
d'intervenir partout : au foyer domestique
pour en sauvegarder l'honneur, la dignité
par l'indissolubilité du mariage chrétien ; à
l'école, pour y instruire et élever les enfants
dans la vérité et les règles de sa foi ; dans
le pays tout entier, pour la prospérité des
bonnes mœurs et de l'ordre public. Ces
biens, que procure la religion à l'individu,
à la famille et à la société,forment le patri
moine commun des chrétiens et deviennent
une partie intégrante de leur vie qui les
suit partout et imprime la direction à tou
tes leurs habitudes. Ils n'ont rien de plus
cher au monde que ces biens ; aussi sont-ils
obligés de les conserver par tous les moyens
qui dépendent d'eux. Dès qu'un péril me
nace d'y porter atteinte, leur zèle s'éveille
et s'efforce de le conjurer. Et, quand se
forment des assemblées électives, où se
ront examinés ©t discutés les intérêts reli
gieux, les chrétiens doivent alors travailler
de tous leurs efforts à, leur donner d'ha
biles et dévoués défenseurs.
Le vote de l'électeur, dans de pareilles
circonstances, est un devoir de consience.
Ne point prendre part aux élections serait
cemmettre un acte de négligence, j'ose
dire de lâcheté, inexplicable chez un chré
tien qui doit connaître le prix du don de la
foi et la nécessité d'en assurer le bienfait
pour lui et pour les siens.
Ou est donc obligé de voter, mais on est
encore bien plus tenu de donner son suf
frage à des hommes capables de com
prendre et de soutenir la grande cause
de la religion. Une science éclairée, un ju
gement sûr, un caractère ferme et inacces
sible aux séductions des richesses ou des
honneurs, un sincère dévouement au pays,
et surtout la conviction inébranlable que le
plus solide rempart dee peuples est dans la
crainte de Dieu et le respect de sa loi sainte :
voilà les principales qualités qui doivent
fixer le choix de l'électeur chrétien. Jamais
il ne votera pour uu candidat qu'il sait dis
posé à trahir, par hostilité ou même par
simple faiblesse, les droits sacrés de la re
ligion. Un tel vote engagerait sa conscience
et le rendrait coupable de péché.
Qu'on ne s'étonne point de m'enteudre
donner ces instructions; les évêques des
diverses parties du monde catholique en
ont adressé de semblables à leurs fidèles,
quand ils se sont trouvés dans les mêmes
circonstances. L'évêque n'a-t-il pas reçu de
l'Eglise la mission d'instruire les âmes et
de les guider dans l'accomplissement de
leurs devoirs?
Maintenant, je n'ai pas besoin d'ajouter
que ce langage est éminemment patrioti
que. La patrie, suivant la parole de Bos-
suet, est essentiellement dans « la société
des choses divines et humaines. » Assurer,
dans une nation, les intérêts religieux et à
ces intérêts religieux tenir associés et inti
mement unis les intérêts civils, c'est affer
mir sa puissance et sa grandeur. On ne
saurait y parvenir par aucun autre moyen,
et ce moyeu est souverainement effi
cace.
Nous chrétiens, nous ne voulons céder à
personne l'honneur d'aimer notre pays plus
que nous ne l'aimons. Nous avons appris ce
devoir du divin Maître : son ministère de
salut qu'il a voulu constamment exercer sur
le sol natal, en réservant sa mission person
nelle aux brebis d'Israël, les larmes d'at
tendrissement et de compassion que son
cœur versa plus d'une fois sur l'indocilité
et l'aveuglement de ses compatriotes, les
paroles de miséricorde et de pardon qu'il
fit monter de la croix vers son Père en
faveur de ces ingrats, devenus ses ennemis
et ses bourreaux ; tout, dans l'exemple de
sa vie, montre aux chrétiens combien ils
doivent aimer leur pays d'un amour géné
reux, constant, désintéressé et prêt à tous
les sacrifices.
Demandons à Dieu d'inspirer à tous cet
amour vrai de la pratrie, qui, toujours et
partout., s'inspire des maximes chrétiennes;
demandons-lui d'en pénétrer surtout les
électeurs appelés à donner leurs suffrages
pour l'élection des députés. Je ne puis trop
le redire : La religion est la base fonda
mentale des Etats : ils pencheraient certai
nement vers leur ruine, si jamais cette base
était ébranlée et venait à disparaître. Ne
cessons de prier la très sainte Vierge Marie
Reine de la France et ses saints protec
teurs, d'obtenir du Ciel qu'elle soit cons
tamment fidèle à ses traditions chrétiennes,
qui lui ont mérité le beau titre de fille aînée
de l'Eglise. Si elle reste toujours profondé
ment religieuse, comme nous en avons la con
fiance, elle sera toujours grande, heureuse
et prospère. Le Seigneur a dit : Cherchez
avant tout le royaume de Dieu, et les au
tres biens vous arriveront par surcroît.
En conséquence, les dimanches 15 et 22
de ce mois, on chantera au salut les lita
nies de la sainte Vierge, avec les versets
et oraisons accoutumés.
Nous invitons instamment nos prêtres et
les personnes pieuses à prier souvent, pen
dant la période des élections, aux inten
tions que nous venons d'indiquer.
La présente lettre sera lue, sans com
mentaire, le dimanche qui en suivra la ré
ception.
Agréez, monsieur le curé, la nouvelle as
surance de mon affectueux attachement en
Notre-Seigneur.
f Louis,
Evêque de Marseille,
La Situation électorale
(1) Voir l'Univers du i «eptsmbre.
Un personnage qui a joué un rôle
dans la politique et que sa situation
comme ses études constantes et son
esprit élevé mettent à même de bien
observer les choses, a été sollicité de
dire sa pensée sur les prochaines élec
tions, prises dans leur ensemble, et
spécialement sur celles du départe
ment des Vosges, qu'il connaît bien et
où le combat sera particulièrement vif
et intéressant, puisqu'il s'agit de lutter
contre le principal auteur des décrets,
de la loi scélérate et de l'odieuse cam
pagne de laïcisation.
Il veut bien nous écrire :
Vous me faites l'honneur de me deman
der quel est mon sentiment sur les prochai
nes élections, tant au point de vue général
qu'au point de vue spécial du département
des Vosges.
Si la question à résoudre était simple
ment politique, je m'abstiendrais d'y. ré
pondre et je ne disputerais pas la respon
sabilité des solutions futures ni à ceux qui
ont fondé la république, ni à ceux qui es
pèrent l'améliorer, ni même à ceux qui
prétendent la renverser.
Mais la question qui se posera le 22 sep
tembre n'est pas seulement politique : elle
est sainte, parce qu'elle est religieuse, et le
résultat du scrutin se prononcera fatalement
pour ou contre la religion.
C'est donc une question de vie ou de
mort pour la nation française : à ce titre,
tout citoyen a le devoir d'exprimer haute
ment et clairement son opinion.
Je m'explique.
L'institution de la franc-maçonnerie est
aujourd'hui maîtresse de tous les accès des
pouvoirs publics ; elle donne le mot d'ordre
au gouvernement, impose ses ministres,ses
fonctionnaires et jusqu'à ses prétentions de
justicier.
Dans quel but ?
Pour déchristianiser la France.
Sur cette articulation claire, nette et pré
cise, il n'y a pas l'ombre d'un doute : les
preuves abondent, l'œuvre de Satan s'est
elle-même démasquée dans ses publica
tions et dans ses actes : la franc-maçon
nerie, maltresse da gouvernement tout en
tier depuis dix ans, ne prend même plus la
peine de dissimuler sous le manteau d'une
liturgie baroque le culte infernal de l'Anté
christ.
En m'exprimant ainsi sur l'institution de
laF.*. M.'.,je n'entendspasfairede person
nalité contre les membres de cette société.
Je compte parmi eux plusieurs amis, que
j'estime malgré leurs erreurs inconscien
tes; car ils ignorent qui les conduit et où
ils sont conduits. Dieu m'a fait la grâce
d'expérimenter que les hommes sont indi
viduellement bien meilleurs qu'ils ne pa
raissent l'être en commun, et je ne déses
père jamais de leur retour à la vérité.
Mais s'il suffit de plaindre la plupart des
francs -maçons momentanément égarés par
les attractions d'une camaraderie dont ils
n'entrevoient ni le principe ni la fin, tout
citoyen catholique et français doit protes
ter énergiquement contre 1 asservissement
du gouvernement national à 1 institution
de la F.\ M/.
Or, la justice du peuple est souvent Je
précurseur de la justice de Dieu,et puisqu il
n'y a plus en France d'autre arbitre de nos
destinées nationales que le suffrage uni
versel, l'heure semble être venue de briser,
avec l'arme du scrutin, le joug odieux de
la F.*. M.'., ouvertement organisée contre
notre foi et contre nos libertés.
Le département des Vosges a été parti
culièrement infesté par la discipline satam-
que de cette oligarchie... bourgeoise et ir
responsable.
Tous tes députés et sénateurs sont francs-
tmçons.
Mais présentement M. Jules Ferry, leur
chef, et assurément leur maître à tous
égards, semble avoir perdu sa posture de
vainqueur un peu partout et jusque dans
sa propre circonscription électorale ' tona
les pronostics et incidents lui sont défavo
rables, et sa dernière lettre, que vous avez
publiée dans votre numéro du 2 septembre,
porte manifestement l'empreinte d'une dis
position psychologique absolument décou
ragée.
Dans les six principales circonscriptions
du département des Vosges (Epinal, 1" et
2% Saint-Dié, Remiremont, Mirecourt,
Rambervilliers), la lutte est vigoureusement
engagée par des adversaires qualifiés de la
F.*. M.*., le triomphe du parti conserva
teur y parait probable, les opportunistes
témoignent déjà de leur détresse par des
candidatures tour à tour abandonnées et
reprises, hésitantes et surmenées, . mais
surtout par la contradiction de plus en plus
choquante entre leurs discours de modéra
tion et leurs actes de révolte contre les
derniers arrêts du suffrage universel ; cette
contradiction a été particulièrement remar
quée à la suite d'une légitime réclamation
introduite au conseil général par M. de
Ravinel, nouvellement élu : la majorité op
portuniste a répondu par un véritable déni
de justice aux promesses d'impartialité
faites au début de la session par son pré
sident. Ce désaveu infligé à M. Jules Ferry
par ses propres acolytes a paru de bon au
gure à la veille des élections, et le maître
lui-même en a élé, dit-on, personnellement
affecté.
. J'attends de nouveaux renseignements
snffisamment autorisés sur la situation
électorale de la 7 e circonscrigtion de Neuf-
château. Aussitôt que je les aurai reçus,
je vous les transmettrai avec le nom des.
divers candidats définitifs, classés dans
l'ordre de leur programme et des chances
que l'opinion assigne à chacun d'eux.
En attendant et en résumé, vous pouvez
annoncer à vos lecteurs que le départe
ment des Vosges, foyer de l'opportunisme
et de la franc-maçonnerie, est en plein état
de siège électoral; tontes ses places sont
puissamment investies et donneront lieu h
des attaques plus ou moins heureuses et
répétées : déjà sa citadelle (la circonscrip
tion de Saint-Dié, celle de M. J. Ferry) pa
raît être, aux yeux des deux camps, dans
l'impossibilité de résister, môme au pre
mier assaut.
L'action catholique
Les catholiques de Reims viennent
de donner un exemple qu'on ne sau
rait trop mettre en lumière pour lo
proposer à l'imitation de ceux qui,
sentant la nécessité de faire quelque
chose, ne savent pourtant pas tou
jours s'y décider et prendre les moyens.
d'agir.
Convaincus avec raison que la force
des libre-penseurs qui nous oppri
ment vient surtout du défaut d'orga
nisation des catholiques, ils ont décidé
vendredi de fonder un comité, qui a
été créé sur l'heure,en vue de grouper
tous les catholiques de l'arrondisse
ment de Reims pour une action com
mune. Bien que quelques invitations
seulement eussent été lancées, les
réunions trop nombreuses aboutissant
rarement à des résolutions efficaces,
les organisateurs de la réunion
avaient recueilli plus de deux cents
adhésions.
C'est devant ce groupe, animé de la
foi dont s'inspiraient les compagnons
de Gédéon, que M. Léon Harmel, l'in
fatigable apôtre de la restauration so
ciale du règne de Jésus-Christ, a ex
posé en ces termes le programme du
comité:
Messieurs,
Nous vous avons réunis ce soir pour vous
entretenir de la formation d'un comité ca
tholique pour l'arrondissement de Reims.
Afin que vous soyez à même de vous
prononcer, nous devons tout d'abord vous
exposer notre raison d'être, notre but, no
tre profession de foi, notre principe de po*
litique, notre conduite dans les élections
actuelles, et enfin notre organisation.
Notre .raison dêlre
. La devise si pratiquée autrefois et si
méconnue aujourd'hui : « L'union fait la
force », indique la raison de notre réunion.
La France est composée de catholiques en
immense majorité, elle est opprimée par
une poignée de francs-maçons qui arrivent,
à l'aide de la terreur, à dominer des mil
lions d'hommes sans rencontrer de résis
tance sérieuse. Pourquoi cette situation la
mentable? C'est parce que les honnêtes
gens sont envahis par cette plaie affreuse
que l'on appelle l'individualisme, c'est-à*
dire le chacun pour soi ; o'est parce que les
catholiques ne sont pas organisés ; il n'y a
entre eux ni entente, ni action commune,
et l'ennemi vient facilement à bout des
isolés.
Aolre but
Notre bal est de conquérir sur les desti
nées de notre pays l'influence légitime qui
doit appartenir aux hommes de foi. Oui,
messieurs, malgré les fautes accumulées
depuis trop longtemps, si nous le voulons,
rien ne se fera sans nous, et, dans quelques
années, si nous sommes persévérants, tout
se fera par nous.
Le comité aura une action permanente et
une action . accidentelle : permanente pour
saisir toutes occasions d'exercer une in-'
fluence au point de vue législatif par les pé
titions, au point de vue social par la 'diffu»
sion de la bonne presse, par les institutions
favorables aux intérêts moraux et matériels
des ouvriers ; accidentelle au moment des
élections. Car, pour les catholiques, le vote
est un acte de conscience, avec cette aggra
vation que, dans les actes humains ordi
naires, notre personne, notre famille seule
pâtit de nos fautes, tandis que, dans les
ÏV 7913 - Êdi.Ion quotidiens»
Vendredi 6 Septembre 1889-
SBZTIOM QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
IT DÉPARTEMENT# (OKION POETAIJSj
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L'UNIVERS ne répond pas des œannscriis gai lui sont adressés -
ANNONCES
MM. Ch. LA.GRA.NGEj CERF et G 1 ', 6, place de la Boursa •
FRANCE
PARIS, 5 SEPTEMBRE 1839
Le conseil des ministres, annoncé
pour hier, non seulement n'a pas été
tenu à Fontainebleau, comme le bruit
en avait couru obstinément, mais il
n'a pas eu lieu du tout. On l'a remis
à aujourd'hui, et il n'y sera question,
paraît-il, que des affaires courantes.
C'est un peu plus tard qu'aurait lieu
le conseil présidé par M. Carnot.
Ce qui semblera bizarre, c'est
que, dès à présent, l'on prête à M.
Constans le dessein d'obtenir du pré
sident la dissolution immédiate de la
future Chambre, au cas où il ne s'y
trouverait pas une majorité gouverne
mentale. Un article de Temps semble
lait tout exprès pour préparer l'opi
nion à cette sorte de coup d'Etat éven
tuel. « 11 faut, lisons-nous dans ce
ournal, que les électeurs soient avant
tout préoccupés de nommer des dépu
tés qui puissent s'entendre et s'unir
pour organiser et faire vivre en^ tout
honneur et force le pouvoir exécutif
chargé de mener les affaires du pays.
Il n'est pas étonnant que le régime
parlementaire se montre impuissant,
quand cet élément qui en est l'âme,
nous voulons dire l'existence d'une ma
jorité vraie, lui fait défaut. La machine
alors tourne à vide, s'use, se détraque
et déçoit toutes les espérances. Aussi
ne faudrait-il jamais la faire fonction
ner sans cette condition première , car
alor3 ce n'est plus le régime parle
mentaire que l'on possède, c'en est la
vaine caricature. Ce devrait être un
axiome, dans notre Etat démocratique,
qu'une Chambre sans majorité véritable
n'a pas le droit de vivre, puisque, a
priori , elle ne saurait être que stérile
ou malfaisante. Nous n'en sommes pas
encore là; mais nous y viendrons si
nous voulons garder une forme libé
rale de gouvernement. »
La réception des délégués italiens à
l'Hôtel-de-Ville a été signalée par de
singulières déclarations,que nous rap
portons plus loin. Le Petit Journal lui-
même s'en montre choqué. « L'audi
toire français, dit-il, paraissait trouver
qu'on exaltait un peu trop Garibaldiet
les quelques centaines d'Italiens qui
ont combattu sous Dijon, au détri
ment des milliers de Français qui ont
versé leur sang pour la liberté de la
« sœur latine ». -
On assure que le gouvernement al
lemand prépare d'importantes modi
fications à la loi du septennat mili
taire. D'après ce que l'on dit dans les
cercles officieux, ces modifications
porteraient sur la réduction à trente
mois de la durée du service et sur
l'augmentation du contingent annuel,
qui serait élevé de 150,000 à 210,000
hommes. On ajoute que le général
Bronsart de Scnellendorff a quitté le
ministère de la guerre parce qu'il re
fusait de défendre ce projet devant le
Reichstag. Il y aurait eu, au mois de
janvier dernier, une très vive alterca
tion entre le général Bronsard et le
chef actuel de l'état-major, le général
de Waldersee. Le général Bronsard
aurait rappelé qu'il avait pris, devant
le Reichstag, l'engagement de ne
plus solliciter aucun crédit nouveau
ni aucune aggravation des charges
militaires.
Cette fois, le gouvernement deman
derait, en chiffres ronds, une augmen
tation de crédit de cent millions
par an.
On écrit de Berlin à la Gazette de
Cologne qu'il n'y a pas à songer à une
suppression radicale du régime actuel
des passeports pour l'Alsace-Lorraine ;
mais on serait assez disposé à apporter
un adoucissement dans l'application
des mesures prescrites. L'administra
tion d'Alsace-Lorraine, se verrait le
plus souvent conférer le pouvoir de
décider les cas d'admission sur le ter
ritoire des pays annexés.
D'autre part, notons un article de
la Post de Strasbourg, mentionnant le
bruit, qui courait dans les états-ma
jors du Reichsland, que le 15' corps
d'armée, qui a son siège à Strasbourg,
allait être scindé en deux et qu'un
16° corps serait créé sous peu à Metz.
La Post de Berlin confirme cette infor
mation ; elle donne même le détail des
changements qu'apportera ^ cette for
mation nouvelle dans la distribution
des garnisons de la frontière de l'Ouest,
et ajoute qu'elle croit savoir que l'on
scindera également le corps d'armée
de Kœnigsberg, celui qui est placé sur
la frontière russe.
Une dépêche de Berlin au XIX' Siè
cle signale ce fait que le bruit, déjà
ancien, de la conversion au catholi
cisme de l'impératrice Augusta, veuve
de Guillaume I or , est encore une fois
retins en circulation. Il avait couru
dès le lendemain de la mort de son
impérial époux. Mais, alors comme
aujourd'hui, il n'avait d'autre fende-
ment que les sympathies et les ten
dances d'esprit favorables au culte ca
tholique et aux congrégations reli
gieuses que l'impératrice professait
ouvertement, en opposition à la poli
tique de M. de Bismarck pendant le
Kulturkampf.
Un journal catholique hongrois, le
Magyar Allam, dit pourtant que le
Pape aurait été informé de la conver
sion de l'impératrice, et que la famille
impériale voudrait que ce fait ne fût
pas divulgué. Mais une note officieuse
de la Gazette de Cologne oppose un
démenti formel à cette nouvelle, et
nous croyons qu'il sera prudent de
s'en tenir à ce démenti.
Le Daily News publie une dépêche à
sensation de son correspondant d'O
dessa. D'après ce correspondant, le
bruit court, dans les cercles officiels,
qu'une alliance entre la Russie et la
France sera formellement annoncée
au commencement du printemps pro
chain, La Russie, ajoute-t-on, aurait
des raisons pour ajourner jusqu'à la
fin de l'année la ratification de cette
alliance, bien que le traité existe déjà
virtuellement « en esprit sinon à la
lettre ». En attendant,des dispositions
serait déjà arrêtées en vue de certaines
éventualités importantes. Nous avons
à peine besoin de noter avec quelle
réserve doivent être accueillies de pa
reilles informations.
Nous publions plus loin les résolu
tions prises par les catholiques badois
dans une importante réunion qui a
eu lieu à Fribourg-en-Brisgau. D'autre
part, nous recevons à la dernière
heure le récit d'une non moins im
portante réunion des catholiques de
la Bohême septentrionale, tenue à
Schluckenau. Nous le publierons de
main.
M. Léon Say vient à son tour de
prononcer un discours dans une réu
nion électorale, car on n'ignore pas
que M. Léon Say, soucieux de jouer
un rôle actif dans la politique, songe à
quitter le Sénat pour rentrer à la
Chambre comme député.
Voici une partie de ses déclarations:
La monarchie est impossible. La preuve
la meilleure qu'on puisse en donner, c'est
que la république a été votée par une as
semblée monarchique. Nous aurions une
majorité monarchique aux prochaines élec
tions que la république ne pourrait pas être
renversée, non seulement à cause de résis
tances de toutes sortes que pourraient op
poser les populations, mais encore parce
que, si la république n'existait pâs, on re
viendrait à l'état de choses de 1871.
M. Thiers disait aux monarchistes : « Si
je n'étais pas là, vous vous jetteriez les uns
sur les autres. » Et M. Thiers avait raison.
Nous reverrions aujourd'hui encore les bo
napartistes déxorer les orléanistes, et réci
proquement. Il ne resterait bientôt plus
rien des uns ni des autres, ce qui, à la vé
rité, ne serait peut-être pas un si grand
malheur.
On voit qu'au besoin M. Léon Say
n'est pas à demi féroce. Il poursuit :
En présence des difficultés dont j'ai par-
1^ et malgré mon optimisme naturel, il y a
eu un moment où j'ai été véritablement in-
quiel:c'est quand j'ai vu se produire cet en
traînement irréfléchi pour cette aventure
qu'on appelle le boulangisme. Ç'a été non-
seulement une humiliation, mais un dan
ger, et il a fallu une énergie, qu'on a su
d'ailleurs montrer, pour le faire évanouir.
Ce qui me tourmente en ce moment, c'est
l'idée que, si je suis élu député, je puisse
avoir les apparences d'avoir déserté mon
poste, car il peuty avoir lieu de juger con-
tradictoirement les contumaces condamnés
par la Haute-Cour, et je ne ferais plus par
tie de la Haute-Cour Bi je passais à la
Chambre des députés* J'ai la conviction
d'avoir fait, comme membre de la Hauts-
Cour, une chose salutaire, et il faut rendre
cette justice au Sénat, qui n'a pas toujours
été populaire, qu'il a fait tout son devoir.
Aujourd'hui, nous devons être rassurés.
Le péril est conjuré. Un échec aux élections
me parait impossible ; nous aurons une ma
jorité républicaine sérieuse.
Le seul point noir, c'est la coalition, sous
couleur de revision, de tous les partis ex
trêmes. Je regrette de voir un certain nom
bre de républicains prêter la main à une
pareille œuvre.
Notre Constitution peut , avoir des défauts,
mais ce n'est pas devant l'ennemi qu'il faut
démolir la forteresse, qu'il faut ouvrir les
portes et les fenêtres de la citadelle que
nous avons à défendre. Comme le disait le
président Lincoln, ce n'est pas au milieu du
gué qu'il faut changer l'attelage.
Que ferons-nous de notre succès ? Gar
dons la république avec vigilance,mais sou
venons-nous que les générations nouvelles
peuvent arriver à l'électorat avec une con
ception du régime républicain autre que
celles de leurs pères. Où est l'avenir du
parti républicain? N'est-ce pas dans la pos
sibilité de se constituer à. nouveau ? On ne
veut plus de ces anciennes fdénominations,
centre-gauche, opportunisme, groupes et
sous-groupes. Il y aura les gens qui feront
bien les affaires de la République et ceux
qui les feront mal. Il y en a qui iront vite et
d'autres lentement. La marche en avant
doit être parfois interrompue par des repos.
La France est un des pays qui travaillent le
plus et où il faut du calme pour que le tra
vail soit productif.
Aujourd'hui il est nécessaire d'avoir l'es
prit politique. Il est facile de crier : « Vive
la république ! », il est facile de proclamer
sur les toits son opinion ; mais il est diffi
cile de la formuler en lois efficaces. Souvent
les leis produisent des résultats contraires
à ceux qu'on avait en vue.
Le centre gauche est un groupe de poli
tiques ; et, si je n'étais pas à Pau,où je ris
querais de me faire donner des leçons d'his
toire locale, je dirais que l'inventeur du
centre gauche, c'est tout simplement
Henri IV,qui fit succéder la paix intérieure
à la guerre civile. Mais il faut s'entendre
sur les descendants d'Henri IV ; ses vrais
descendants politiques n8 sont peut-être
pas ceux qu'on pense, et je crois que c'est
vous, Béarnais républicains, qui en êtes
les véritables héritiers.
Voilà donc M. Léon Say, avee sa
prétentieuse fatuité, se donnant facé-
tieusement comme le descendant "de
Henri IV. Il reprend, en parlant des
manœuvres qu'il menait, de concert
avec M. Thiers, contre la majorité de
l'Assemblée de Versailles:
C'est au moment où nous paraissions tout
près d'atteindre notre but/quand M.Thiers
y touchait, quand il venait d'achever l'œu
vre de la libération du territoire et que nous
avions mis la dernière main aux opérations
financières qui devaient l'accomplir, c'est à
ce moment que l'Assemblée nationale eut
le triste courage de chasser M. Thiers du
pouvoir. J'ai eu l'honneur de tomber avec
avec lui.
Nous formions autour de lui un groupe,
de modérés. On a dit quelquefois que les
modérés ne sont modérés que parce qu'ils
ne tiennent pas à leurs opinions, qu"ils sont
sceptiques. On en concluait qu'il était facile
de nous séduire et de nous faire abandon
ner notre drapeau. Le centre droit nous
proposa un jour de nous joindre à lai pour
rétablir la monarchie.J'étais alors président
du centre gauche ; je n'eus pas besoin de
consulter mes amis. Je répondis aussitôt
que jamais nous ne nous associerions à lui,
parce que nous considérions l'acte qu'il
nous proposait de faire en commun aveo
lui comme une revanche de 89. Nous som
mes les fils de cette bourgeoisie des dé
partements et de Paris qui a salué l'aurore
delà liberté; nous sommes les fils de 89;
notre fête est le 14 juillet; notre hymne est
la Marseillaise.
Retenons ces déclarations qui achè
vent de nous édifier sur le compte des
gens du centre gauche, partisan de la
Marseillaise et de la fête de l'assassi
nat.
Nous étions curieux de savoir com
ment M. Léon Say, qui en d'autres
circonstances a dressé un réquisi
toire terrible contre la gestion finan
cière de la république, s'y prendrait
aujourd'hui pour répondre sur ce
point aux justes attaques des conser
vateurs armés de ses propres argu
ments. Voici :
Que sera le parti républicain politique
issu des élections prochaines ? Quelles ré
formes saura-t-il accomplir? Quelles ré
formes aura-t-il le courage de laisser de cô
té? On dit et on répète que nos finances
sont perdues. Un vieux journal, il y a cent
ans, disait déjà : « Ils périront par les
finances. » On est encoie à le dire aujour
d'hui ; mais on a pas autant de raison de le
dire qu'autrefois, Il est vrai que nos ad
versaires retournent contre nous les argu
ments que nous échangeons entre nous.
Nous avons été vite et la situation finan
cière a pu être inquiétante.
Vous avez 500 ou 600 millions de déficit,
s'écrient-ils. Mais comment établissent-ils
ce compte ? Prenons un exemple : Suppo
sons le propriétaire d'une maison de.
100,000 francs qui touche un revenu de
6,000 francs par an ; voilà que, sur un ter
rain à côté, le même propriétaire fait cons
truire une autre maison de 100,000 francs.
Peut-on lui dire : Vous avez dépensé
100,000 francs dans votre année, quoique
vous n'ayez que 6,000 francs de revenu,
et votre déficit est un véritable gouffre ?
C'est exactement le raisonnement que nos
adversaires font en parlant du déficit du
budget de l'Etat. L'Etat fait des dépenses
en capital. Il peut se tromper dans cette
sorte de placement, et on peut dire qu'il
sort de ses attributions en faisant des dé
penses véritablement industrielles. Il ne
faut cependant pas compter les dépenses
de capital qui sont censées productives
comme des dépenses courantes et les ajou
ter au déficit : on n'additionne que des va
leurs de même nature ; c'est tout à fait
élémentaire en arithmétique.
On peut dire qu'il y a en trop d'em
prunts ; cela paraît évident ; mais où trou
vez-vous qu'on ne puisse pas se modérer ?
On peut être modéré en finance comme en
politique, on peut s'arrêter ou aller trop
vite et trop loin ; c'est ce qu'on fera sans
aucun deute. Il ne faut donc pas retenir,
pour faire lt compte du déficit, tous ces
calculs de fantaisie qui traînent dans tous
les discours et les écrits de nos adversai
res. Toutes les centaines de millions qu'on
fait passer devant nos yeux comme des
soldats dans un défilé de cirque n'ont au
cune réalité. J'ai trouvé uu moyen bien
simple d'augmenter nos recettes de 100 mil
lions, ce sera toujours quelque chose, et ce
moyen que je n'ai pas inventé est, on peut
le dire, renouvelé, sinon des Grecs, du
moins de nous-mêmes ; c'est la stabilité
politique. Notre pauvre histoire en fait foi.
On me dira qu'il faut nous tourner vers la
monarchie, comme si c'était la stabilité. Eh
bien ! non ; ce ne serait, si l'entreprise
réussissait par hasard et pour quelques
heures, ce ne serait que le désordre et
l'anarchie, ce ne serait que l'ouverture d'un
gouffre au fond duquel on nous précipite
rait et où l'étranger pourrait bien essayer
de nous achever.
Bornons-nous à deux observations.
La première, c'est que, pour donner
le change sur les pratiques budgé
taires des républicains, l'exemple du
propriétaire d'une maison dépensant
100,000 francs pour la bâtisse d'une
maison nouvelle est on ne peut plus
mal choisi; Assurément, si le proprié
taire prend ces 100,000 francs sur son
capital disponible, on aura tort de dire
qu'il est en déficit. Mais si ces 100,000
francs sont le fruit d'un emprunt,
n'aura-t-on pas cent fois raison de le
juger tout autrement? Or, la Républi
que, pour faire toutes les dépenses
qu'on lui reproche et que M. Léon Say
lui a reprochées tout le premier ©n
d'autres circonstances, n'a cessé de
recourir à des emprunts, lesquels, bien
loin d'ouvrir une source de revenus,
n'ont servi qu'à augmenter le déficit
au point d'en faire un véritable gouf
fre.
Au surplus, l'incroyable légèreté
avec laquelle M. Léon Say, d'ordinaire
plus grave quand il s'agit de finances,
s'est moqué de son auditoire, se dé
montre par une autre assertion qui
appelle notre seconda observation.
M. Léon Say dit, en esquissant une
pirouette, qu'il a trouvé un moyen
simple^ d'augmenter nos recettes de
cent millions, et que ce moyen c'est...
ia stabilité politique.
Voilà un calcul d'une nouvelle es
pèce, surtout appliqué aux gens qui
nou3 gouvernent, quand on a constaté
que précisément leur maintien au
pouvoir fait augmenter chaque année
les dépenses d'une centaine de mil
lions.
A ce compte, M. Léon Say pourrait
tout aussi bien dire qu'on fait une
économie lorsqu'on refuse de donner
un tuteur à un prodigue. Il faut qu'une
cause soit bien mauvaise pour qu'un
financier comme M. Léon Say la dé
fende par d'aussi pauvres arguments.
A uoustb R oussel.
Nous recevons communication d'un
manifeste du « comité de la ligue na
tionale antisémitique de France »,
qui a été placardé dans la journée
d'hier en divers quartier, de Paris.
A l'heure où il nous parvient, le
temps nous manque pour apprécier
ce document, dont nous aurons à re
parler. Disons seulement, pour au
jourd'hui, qu'il est signé par M.
Edouard Drumont, président du co
mité, par le délégué général Jacques
de Biez et par le secrétaire J. E. Mil-
lot. ' .r
Il traite au long la question juive et
demande « la convocation d'une cham
bre de justice, chargée, comme les
chambres de justice d'autrefois, de vé
rifier l'origine de certaines fortunes
scandaleuses, de regarder de près les
opérations de la haute banque depuis
cinquante ans,et de faire rendre gorge
à ceux qui auront volé ».
Les élections
ET
L 'ÉPISCOPAT
II (I)
Voici la lettre circulaire que Mgr
Robert, évêque de Marseille, vient
d'envoyer à son clergé, au sujet des
élections générales pour la Chambre
des députés :
Marseille, le 31 août 1889.
Ëa la fête de Saint-Lazare, patron
de la ville et da diocèse.
Monsieur le curé,
La religion est trop gravement intéres
sée dans les élections générales pour que
je puisse me dispenser de donner à mes
diocésains des avis à cet égard. Personne
n'ignore en effet que, dans leur législature,
les nouveaux élus auront à s'occuper sou
vent de questions religieuses. Elles s'im-
poseut d'elles-mêmes à raison de leur con-
nexité avec toutes les choses qui regardent
la famille et la société. La religion catholi
que, en vertu de sa mission divine, aie droit
d'intervenir partout : au foyer domestique
pour en sauvegarder l'honneur, la dignité
par l'indissolubilité du mariage chrétien ; à
l'école, pour y instruire et élever les enfants
dans la vérité et les règles de sa foi ; dans
le pays tout entier, pour la prospérité des
bonnes mœurs et de l'ordre public. Ces
biens, que procure la religion à l'individu,
à la famille et à la société,forment le patri
moine commun des chrétiens et deviennent
une partie intégrante de leur vie qui les
suit partout et imprime la direction à tou
tes leurs habitudes. Ils n'ont rien de plus
cher au monde que ces biens ; aussi sont-ils
obligés de les conserver par tous les moyens
qui dépendent d'eux. Dès qu'un péril me
nace d'y porter atteinte, leur zèle s'éveille
et s'efforce de le conjurer. Et, quand se
forment des assemblées électives, où se
ront examinés ©t discutés les intérêts reli
gieux, les chrétiens doivent alors travailler
de tous leurs efforts à, leur donner d'ha
biles et dévoués défenseurs.
Le vote de l'électeur, dans de pareilles
circonstances, est un devoir de consience.
Ne point prendre part aux élections serait
cemmettre un acte de négligence, j'ose
dire de lâcheté, inexplicable chez un chré
tien qui doit connaître le prix du don de la
foi et la nécessité d'en assurer le bienfait
pour lui et pour les siens.
Ou est donc obligé de voter, mais on est
encore bien plus tenu de donner son suf
frage à des hommes capables de com
prendre et de soutenir la grande cause
de la religion. Une science éclairée, un ju
gement sûr, un caractère ferme et inacces
sible aux séductions des richesses ou des
honneurs, un sincère dévouement au pays,
et surtout la conviction inébranlable que le
plus solide rempart dee peuples est dans la
crainte de Dieu et le respect de sa loi sainte :
voilà les principales qualités qui doivent
fixer le choix de l'électeur chrétien. Jamais
il ne votera pour uu candidat qu'il sait dis
posé à trahir, par hostilité ou même par
simple faiblesse, les droits sacrés de la re
ligion. Un tel vote engagerait sa conscience
et le rendrait coupable de péché.
Qu'on ne s'étonne point de m'enteudre
donner ces instructions; les évêques des
diverses parties du monde catholique en
ont adressé de semblables à leurs fidèles,
quand ils se sont trouvés dans les mêmes
circonstances. L'évêque n'a-t-il pas reçu de
l'Eglise la mission d'instruire les âmes et
de les guider dans l'accomplissement de
leurs devoirs?
Maintenant, je n'ai pas besoin d'ajouter
que ce langage est éminemment patrioti
que. La patrie, suivant la parole de Bos-
suet, est essentiellement dans « la société
des choses divines et humaines. » Assurer,
dans une nation, les intérêts religieux et à
ces intérêts religieux tenir associés et inti
mement unis les intérêts civils, c'est affer
mir sa puissance et sa grandeur. On ne
saurait y parvenir par aucun autre moyen,
et ce moyeu est souverainement effi
cace.
Nous chrétiens, nous ne voulons céder à
personne l'honneur d'aimer notre pays plus
que nous ne l'aimons. Nous avons appris ce
devoir du divin Maître : son ministère de
salut qu'il a voulu constamment exercer sur
le sol natal, en réservant sa mission person
nelle aux brebis d'Israël, les larmes d'at
tendrissement et de compassion que son
cœur versa plus d'une fois sur l'indocilité
et l'aveuglement de ses compatriotes, les
paroles de miséricorde et de pardon qu'il
fit monter de la croix vers son Père en
faveur de ces ingrats, devenus ses ennemis
et ses bourreaux ; tout, dans l'exemple de
sa vie, montre aux chrétiens combien ils
doivent aimer leur pays d'un amour géné
reux, constant, désintéressé et prêt à tous
les sacrifices.
Demandons à Dieu d'inspirer à tous cet
amour vrai de la pratrie, qui, toujours et
partout., s'inspire des maximes chrétiennes;
demandons-lui d'en pénétrer surtout les
électeurs appelés à donner leurs suffrages
pour l'élection des députés. Je ne puis trop
le redire : La religion est la base fonda
mentale des Etats : ils pencheraient certai
nement vers leur ruine, si jamais cette base
était ébranlée et venait à disparaître. Ne
cessons de prier la très sainte Vierge Marie
Reine de la France et ses saints protec
teurs, d'obtenir du Ciel qu'elle soit cons
tamment fidèle à ses traditions chrétiennes,
qui lui ont mérité le beau titre de fille aînée
de l'Eglise. Si elle reste toujours profondé
ment religieuse, comme nous en avons la con
fiance, elle sera toujours grande, heureuse
et prospère. Le Seigneur a dit : Cherchez
avant tout le royaume de Dieu, et les au
tres biens vous arriveront par surcroît.
En conséquence, les dimanches 15 et 22
de ce mois, on chantera au salut les lita
nies de la sainte Vierge, avec les versets
et oraisons accoutumés.
Nous invitons instamment nos prêtres et
les personnes pieuses à prier souvent, pen
dant la période des élections, aux inten
tions que nous venons d'indiquer.
La présente lettre sera lue, sans com
mentaire, le dimanche qui en suivra la ré
ception.
Agréez, monsieur le curé, la nouvelle as
surance de mon affectueux attachement en
Notre-Seigneur.
f Louis,
Evêque de Marseille,
La Situation électorale
(1) Voir l'Univers du i «eptsmbre.
Un personnage qui a joué un rôle
dans la politique et que sa situation
comme ses études constantes et son
esprit élevé mettent à même de bien
observer les choses, a été sollicité de
dire sa pensée sur les prochaines élec
tions, prises dans leur ensemble, et
spécialement sur celles du départe
ment des Vosges, qu'il connaît bien et
où le combat sera particulièrement vif
et intéressant, puisqu'il s'agit de lutter
contre le principal auteur des décrets,
de la loi scélérate et de l'odieuse cam
pagne de laïcisation.
Il veut bien nous écrire :
Vous me faites l'honneur de me deman
der quel est mon sentiment sur les prochai
nes élections, tant au point de vue général
qu'au point de vue spécial du département
des Vosges.
Si la question à résoudre était simple
ment politique, je m'abstiendrais d'y. ré
pondre et je ne disputerais pas la respon
sabilité des solutions futures ni à ceux qui
ont fondé la république, ni à ceux qui es
pèrent l'améliorer, ni même à ceux qui
prétendent la renverser.
Mais la question qui se posera le 22 sep
tembre n'est pas seulement politique : elle
est sainte, parce qu'elle est religieuse, et le
résultat du scrutin se prononcera fatalement
pour ou contre la religion.
C'est donc une question de vie ou de
mort pour la nation française : à ce titre,
tout citoyen a le devoir d'exprimer haute
ment et clairement son opinion.
Je m'explique.
L'institution de la franc-maçonnerie est
aujourd'hui maîtresse de tous les accès des
pouvoirs publics ; elle donne le mot d'ordre
au gouvernement, impose ses ministres,ses
fonctionnaires et jusqu'à ses prétentions de
justicier.
Dans quel but ?
Pour déchristianiser la France.
Sur cette articulation claire, nette et pré
cise, il n'y a pas l'ombre d'un doute : les
preuves abondent, l'œuvre de Satan s'est
elle-même démasquée dans ses publica
tions et dans ses actes : la franc-maçon
nerie, maltresse da gouvernement tout en
tier depuis dix ans, ne prend même plus la
peine de dissimuler sous le manteau d'une
liturgie baroque le culte infernal de l'Anté
christ.
En m'exprimant ainsi sur l'institution de
laF.*. M.'.,je n'entendspasfairede person
nalité contre les membres de cette société.
Je compte parmi eux plusieurs amis, que
j'estime malgré leurs erreurs inconscien
tes; car ils ignorent qui les conduit et où
ils sont conduits. Dieu m'a fait la grâce
d'expérimenter que les hommes sont indi
viduellement bien meilleurs qu'ils ne pa
raissent l'être en commun, et je ne déses
père jamais de leur retour à la vérité.
Mais s'il suffit de plaindre la plupart des
francs -maçons momentanément égarés par
les attractions d'une camaraderie dont ils
n'entrevoient ni le principe ni la fin, tout
citoyen catholique et français doit protes
ter énergiquement contre 1 asservissement
du gouvernement national à 1 institution
de la F.\ M/.
Or, la justice du peuple est souvent Je
précurseur de la justice de Dieu,et puisqu il
n'y a plus en France d'autre arbitre de nos
destinées nationales que le suffrage uni
versel, l'heure semble être venue de briser,
avec l'arme du scrutin, le joug odieux de
la F.*. M.'., ouvertement organisée contre
notre foi et contre nos libertés.
Le département des Vosges a été parti
culièrement infesté par la discipline satam-
que de cette oligarchie... bourgeoise et ir
responsable.
Tous tes députés et sénateurs sont francs-
tmçons.
Mais présentement M. Jules Ferry, leur
chef, et assurément leur maître à tous
égards, semble avoir perdu sa posture de
vainqueur un peu partout et jusque dans
sa propre circonscription électorale ' tona
les pronostics et incidents lui sont défavo
rables, et sa dernière lettre, que vous avez
publiée dans votre numéro du 2 septembre,
porte manifestement l'empreinte d'une dis
position psychologique absolument décou
ragée.
Dans les six principales circonscriptions
du département des Vosges (Epinal, 1" et
2% Saint-Dié, Remiremont, Mirecourt,
Rambervilliers), la lutte est vigoureusement
engagée par des adversaires qualifiés de la
F.*. M.*., le triomphe du parti conserva
teur y parait probable, les opportunistes
témoignent déjà de leur détresse par des
candidatures tour à tour abandonnées et
reprises, hésitantes et surmenées, . mais
surtout par la contradiction de plus en plus
choquante entre leurs discours de modéra
tion et leurs actes de révolte contre les
derniers arrêts du suffrage universel ; cette
contradiction a été particulièrement remar
quée à la suite d'une légitime réclamation
introduite au conseil général par M. de
Ravinel, nouvellement élu : la majorité op
portuniste a répondu par un véritable déni
de justice aux promesses d'impartialité
faites au début de la session par son pré
sident. Ce désaveu infligé à M. Jules Ferry
par ses propres acolytes a paru de bon au
gure à la veille des élections, et le maître
lui-même en a élé, dit-on, personnellement
affecté.
. J'attends de nouveaux renseignements
snffisamment autorisés sur la situation
électorale de la 7 e circonscrigtion de Neuf-
château. Aussitôt que je les aurai reçus,
je vous les transmettrai avec le nom des.
divers candidats définitifs, classés dans
l'ordre de leur programme et des chances
que l'opinion assigne à chacun d'eux.
En attendant et en résumé, vous pouvez
annoncer à vos lecteurs que le départe
ment des Vosges, foyer de l'opportunisme
et de la franc-maçonnerie, est en plein état
de siège électoral; tontes ses places sont
puissamment investies et donneront lieu h
des attaques plus ou moins heureuses et
répétées : déjà sa citadelle (la circonscrip
tion de Saint-Dié, celle de M. J. Ferry) pa
raît être, aux yeux des deux camps, dans
l'impossibilité de résister, môme au pre
mier assaut.
L'action catholique
Les catholiques de Reims viennent
de donner un exemple qu'on ne sau
rait trop mettre en lumière pour lo
proposer à l'imitation de ceux qui,
sentant la nécessité de faire quelque
chose, ne savent pourtant pas tou
jours s'y décider et prendre les moyens.
d'agir.
Convaincus avec raison que la force
des libre-penseurs qui nous oppri
ment vient surtout du défaut d'orga
nisation des catholiques, ils ont décidé
vendredi de fonder un comité, qui a
été créé sur l'heure,en vue de grouper
tous les catholiques de l'arrondisse
ment de Reims pour une action com
mune. Bien que quelques invitations
seulement eussent été lancées, les
réunions trop nombreuses aboutissant
rarement à des résolutions efficaces,
les organisateurs de la réunion
avaient recueilli plus de deux cents
adhésions.
C'est devant ce groupe, animé de la
foi dont s'inspiraient les compagnons
de Gédéon, que M. Léon Harmel, l'in
fatigable apôtre de la restauration so
ciale du règne de Jésus-Christ, a ex
posé en ces termes le programme du
comité:
Messieurs,
Nous vous avons réunis ce soir pour vous
entretenir de la formation d'un comité ca
tholique pour l'arrondissement de Reims.
Afin que vous soyez à même de vous
prononcer, nous devons tout d'abord vous
exposer notre raison d'être, notre but, no
tre profession de foi, notre principe de po*
litique, notre conduite dans les élections
actuelles, et enfin notre organisation.
Notre .raison dêlre
. La devise si pratiquée autrefois et si
méconnue aujourd'hui : « L'union fait la
force », indique la raison de notre réunion.
La France est composée de catholiques en
immense majorité, elle est opprimée par
une poignée de francs-maçons qui arrivent,
à l'aide de la terreur, à dominer des mil
lions d'hommes sans rencontrer de résis
tance sérieuse. Pourquoi cette situation la
mentable? C'est parce que les honnêtes
gens sont envahis par cette plaie affreuse
que l'on appelle l'individualisme, c'est-à*
dire le chacun pour soi ; o'est parce que les
catholiques ne sont pas organisés ; il n'y a
entre eux ni entente, ni action commune,
et l'ennemi vient facilement à bout des
isolés.
Aolre but
Notre bal est de conquérir sur les desti
nées de notre pays l'influence légitime qui
doit appartenir aux hommes de foi. Oui,
messieurs, malgré les fautes accumulées
depuis trop longtemps, si nous le voulons,
rien ne se fera sans nous, et, dans quelques
années, si nous sommes persévérants, tout
se fera par nous.
Le comité aura une action permanente et
une action . accidentelle : permanente pour
saisir toutes occasions d'exercer une in-'
fluence au point de vue législatif par les pé
titions, au point de vue social par la 'diffu»
sion de la bonne presse, par les institutions
favorables aux intérêts moraux et matériels
des ouvriers ; accidentelle au moment des
élections. Car, pour les catholiques, le vote
est un acte de conscience, avec cette aggra
vation que, dans les actes humains ordi
naires, notre personne, notre famille seule
pâtit de nos fautes, tandis que, dans les
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