Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-08-31
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 août 1889 31 août 1889
Description : 1889/08/31 (Numéro 7912). 1889/08/31 (Numéro 7912).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7067321
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 31 Août i&SS
M* 7912 — édition qaoUdlan&e
Samedi 31 Ax)ût i§S9
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
ET DÉPAItTSltESTS (UNION POSTALE)
U b an 55 » 66 »
Six mois. . . , 28 50 34 »
Trois mois. . . 45 » 18 »
'^abonnemonts partent des i" et 18 de ebaqne niofa
UN NUMÉRO { DépaT temente! 20 ^
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Ou s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
BT DÉFAHTKMENTS (UNION POSTiH)
Un an 30 » 36 »
Six mois. ... 18 d 19 ■
Trois mois. . . 8 50 10 »
tes KlionBcmcntH partent des i" et te «!o chaque Btall
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qni lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CEIIF et C le , 6, place de la Bourse
ssmunaa&aBtMsBHi
FRANCE
PARIS, 30 AOUT 1889
Par deux décrets contresignés, pour
la France par M. Gonstans, et pour les
colonies par M. Tirard, M. Garnot con
voque aujourd'hui les électeurs pour le
22 septembre ( à la Réunion et à la
Guyane française la convocation est
indiquée pour le 6 octobre)^ à l'effet de
nommer des députés. Depuis quelques
jours le bruit courait qu'à la suite de
cette convocation M. Carnot adresse
rait, en outre, au peuple, par une pro
clamation directe, quelques considé
rations et conseils au sujet de cette
grave opération. Le Temps affirme au
jourd'hui qu'il n'en est nullement
question, et nous n'avons nulle peine
à le croire, car la rédaction d'un pareil
document n'était pas sans quelque
difficulté.
M. Lockroy, l'ex-ministre toujours
plaisantin,vient de pérorer au théâtre
de Perpignan et il y a exposé ses vues
sur la situation. Selon lui, ce qui met
en péril la République, ce qui, du
moins, a empêché son triomphe, c'est
qu'elle n'a pas été assez républicaine
ni assez démocratique. Son avis, par
suite, est qu'il faut revisionner, sépa
rer l'Eglise de l'Etat et* réformer l'as
siette de l'impôt. On devine ce qu'un
pareil thème a fourni de déclamations
au peu sérieux orateur. Il en est venu
jusqu'à dire que la République devait
avoir la même devise que Bayard :
« Sans peur et sans reproche ». Voilà,
certes, qui passe l'impudence permise,
et le chevalier Bayard eût, de son vi
vant, châtié d'importance tout malan
drin qurse serait échappé à l'injurier
grossièrement par de pareilles compa
raisons, la conduite ordinaire, privée
ou publique,des gens au pouvoir étant
justement tout le contraire de ce qu'ex
prime non pas, comme le dit M. Loc
kroy, la devise de Bayard, mais l'ap
pellation qui résume si bien sa noble
Vie.
S'il faut en croire le Radical , une
enquête supplémentaire, faite après
l'arrêt de la Haute-Gour sur les laits
et gestes du général Boulanger, aurait
amené le gouvernement à croire qu'il
ne serait pas impossible de déférer le
général à un conseil de guerre. La
nouvelle n'est guère vraisemblable;
ne serait-elle pas une tentative de ma
nœuvre électorale?
.Nous publions plus loin, sous la ru
brique «Alsace-Lorraine» de nou
veaux renseignements sur la ques
tion des passeports en ce malheureux
pays. Disons à ce propos que la presse
allemande ne s'illusionne pas tout en
tière sur le véritable état des esprits
dans les provinces annexées. « Pour
quoi, dit la Germania, ne pas avouer
que la germanisation de l'Alsace-Lor
raine n'a fait aucun progrès depuis la
visite du défunt empereur Guillaume?
Nous pensons même qu'après avoir
censtaté que l'enthousiasme était seu
lement officiel, l'empereur a dû re
venir avec une certaine tristesse et se
demander si jamais l'Alsace-Lorraine
redeviendrait allemande de cœur et de
volonté. » Cette citation nous dispense
4e tout commentaire.
Nous avons déjà dit qu'un impor
tant congrès catholique se réunirait
en Amérique au mois de novembre
prochain. Les organisateurs du con
grès viennent de lancer leur pro
gramme avec un appel qui porte de
nombreuses signatures. La situation
faite au Pape et la nécessité de la res
tauration du pouvoir temporel figurent
au premier rang des questions sur
lesquelles se porteront l'attention et
les résolutions du congrès.
On dit que le gouvernement bulgare
est inquiet des préparatifs militaires
de la Serbie, qu'il trouve peu confor
mes aux déclarations du cabinet de
Belgrade. Il aurait informé la Porte
que, si les tendances agressives de la
Serbie se confirmaient, la Bulgarie se
verrait dans la nécessité de mobiliser
son armée pour éviter une surprise.
I)'autre part, le gouvernement ser
be aurait l'intention de répondre aux
réclamations du cabinet de Sofia en
affirmant que ses armements ne ca
chent aucune idée d'hostilité envers la
Bulgarie.En même temps il ferait res
sortir, dans sa réponse, que la Bulga
rie elle-même a procédé, dans ces
derniers temps, à de grands achats de
munitions de guerre.
Cet échange de propos aigres-doux
n'a rien de pacifique.
La déclaration de M. Balfour, le
secrétaire d'Etat pour l'Irlande, sur la
question de l'éducation catholique en
Irlande, a causé, nous dit-on, une vive
surprise dans le monde parlementaire
anglais. M. Chamberlain, le plus fa
meux des radicaux unionistes, trouve
la tactique excellente ! Il dit que M.
Balfour et les unionistes ont si bien
gardé le secret que la révélation est
tombée comme une bombe dans le
camp gladstonien. Les journaux tories
applaudissent et s'écrient qu'au fond
l'Irlande se soucie bien plus de l'édu
cation catholique que du home rule.
Les nécessités de la tactique exigent
sans doute qu'on tire parti de toute
attitude, de toute parole ministé
rielle.
Et c'est pourquoi, en Angleterre,
amis et ennemis du cabinet bataillent
avec ardeur au sujet du dernier dis
cours de M. Balfour.
Au fond, personne ne devrait être
absolument surpris de l'attitude et du
langage du secrétaire en chef d'Ir
lande. Nous avons récemment publié
le texte de la vigoureuse déclaration
de l'épiscopat catholique irlandais en
faveur de l'enseignement catholique.
Nous avons dit que ce document
avait été adressé par les prélats aux
principaux chefs du gouvernement et
de l'opposition. Nous avons même
noté le simple accusé de réception par
lequel lord Salisbury avait accueilli la
revendication de l'épiscopat irlandais,
"et qui n'était point sans faire contraste
avec la sympathie générale qu'avait
rencontrée ce remarquable document.
Mais nous avons ajouté que quand,
armé de la déclaration de la hiérarchie
catholique, M. Parnell s'était levé à la
Chambr® des communes pour deman
der au gouvernement Ge qu'il comp
tait faire en faveur de l'enseignement
catholique, M. Balfour lui avait ré
pondu d'une façon fort encourageante,
disant que lui et son gouvernement
étaient animés des meilleures inten
tions, qu'on ne savait pas encore trop
ce qu'on ferait, mais qu'on ferait
quelque chose; bref, qu'on en reparle
rait plus tard.
C'était un peu vague assurément ;
ce n'en était pas moins un enga
gement. M. Balfour le tient plus tôt
qu'on ne le croyait, voilà tout. Si c'est
une tactique, elle est excellente.
Les journaux à la dévotion du cabi
net Salisbury annoncent que la ma
noeuvre gouvernementale jette un
grand désarroi dans le bataillon par
lementaire de M. Gladstone. Le fait
est qu'après le discours de M. Sexton,
le député irlandais qui a provoqué la
déclaration de M. Balfour, et le bref
discours d'approbation de M. Parnell,
un radical anglais a rappelé que le
programme du parti libéral anglais
avait toujours été hostile à l'enseigne
ment confessionnel et exprimé son
mécontentement de voir M. Parnell et
ses amis accepter allègrement les
offres du cabinet.
Dans la presse, la Pall Mail Gazette,
à laquelle son langage presque tou
jours favorable aux revendications ir
landaises vaut l'honneur d'être traité
par les unionistes de «journal de M.
Parnell », déclare au nom du parti
radical que c'en est fait du Home Rule.
On s'explique l'ennui du parti radical
déserté par les parnellistes sur le ter
rain de l'opposition anti-gouverne-
mentale. On s'explique mieux encore
le langage et l'attitude des députés
d'Irlande. Ils n'avaient pas le droit de
refuser une juste et urgente réforme
en faveur des catholiques, sous le pré
texte qu'elle était accordée par un ca
binet tory. D'ailleurs, nous l'avons
dit plus d'une fois, les députés d'Ir
lande ont été de tout temps les alliés
du parti tory pour les questions d'en
seignement.
Quant au mécontentement des ra
dicaux qui ont été vexés,'aussi il n'y a
pas longtemps, de l'attitude des « par
nellistes» sur la question des dota
tions royales, M. Parnell ne croit pas
qu'il ait les sérieuses conséquences
annoncées lugubrement par la Pall
Mail Gazette. Il dit que les radicaux
anglais sont libres de voter contre le
futur bill de M. Balfour, mais qu'on ne
pouvait vraiment pas s'attendre à le
voir avec ses amis repousser le don
des tories. Il rappelle qu'il a toujours,
en toute circonstance, voté pour n'im
porte quel cabinet, chaque fois que ce
cabinet a accordé à l'Irlande une loi
de justice et de réparation. Il ne croit
pas le moins du monde que la cause
du Home Rule soit compromise, et il dit
qu'en somme on aura tout de suite une
bonne réforme que le Home Rule au
rait donnée plus tard... Après cela, il
n'est pas impossible que les tories,
pour mieux détacher les Irlandais du
« camp gladstonien », finissent par
leur offrir le Home Rule eux-mêmes. Ge
ne serait pas la première fois qu'on les
verrait « surenchérir sur le programme
libéral.
L. Nemours Godré.
M. Edouard Hervé, en leur annon
çant l'autre jour par lettres indivi
duelles sa candidature, avait promis
aux électeurs du huitième arrondisse
ment de leur exposer son programme
politique, dès que la période électorale
serait ouverte.
Le conseil des ministres a décidé,
avant-hier, que les élections généra
les auraient lieu le 22 septembre. M.
Edouard Hervé lance, aujourd'hui
même, sa profession de foi.
Elle est conçue en ces termes :
Messieurs les électeurs,
Etes-vous convaincus, comme moi, que
la France est mal gouvernée depuis dix
ans ?
Etes-vous, comme moi, décidés à faire
tout pour que cette situation cesse?
Voulaz-vous, parmi les noms qui vous
sont proposés, choisir celui qui représente
la protestation la plus nette contre l'ordre
de choses actuel ?
Dans ce cas, votez pour moi.
Je ne suis pas républicain; je ne l'ai
jamais été ; mon idéal politique est la mo
narchie.
La prochaine Chambre, je le sais, ne
tranchera pas la question de la forme du
gouvernement.
Vos nouveaux députés ne feront pas la
revision : ils se contenteront de la pré
parer.
Ils vous délivreront de l'oppression sous
laquelle vous tient un parti sans scrupules
et sans pudeur.
_ Ils restaureront l'honnêteté dans l'exer
cice du pouvoir, l'ordre dans les finances,
l'impartialité dans l'administration ; ils fe
ront la paix avec la religion, aboliront les
lois d'exception, rendront au suffrage uni
versel son indépendance, à la nation la libre
disposition d'elle-même.
Ils se tourneront alors vers le pays ; ils
reviendront devant les électeurs et leur di
ront : Nous vous avons restitué les droits
que les républicains vous avaient enlevés ;
usez-en, choisissez votre gouvernement;
décidez de votre avenir.
Telle sera, messieurs, l'œuvre que la
future Chambre accomplira, l'œuvre à la
quelle je tiendrai à honneur de m'associer,
l'Havre de la délivrance nationale.
E douard H ervé,
candidat du comité conservateur.
On avait fait cette remarque, lors
que fut publiée la circulaire par la
quelle M. Edouard Hervé posait sa can
didature dans le huitième arrondisse
ment, que le directeur du Soleil met
tait son drapeau en poche.
Ce drapeau, M. Edouard Hervé le
sort -il, cette foi3 ?
Il est vrai qu'il dit aux électeurs :
« Mon idéal politique est la monar
chie ». Mais il s'empresse d'ajouter
qu'il n'est point, du reste, question de
cela. Les députés que l'on va faire
n'auront point à s'occuper de la forme
du gouvernement. M. Hervé le dé
clare en termes exprès.
Aussi, ne trouvons-nous pas que le
directeur du Soleil sorte son drapeau
de sa poche. Il dit qu'il y est ; il indi
que sa couleur ; il laisse entendre qu'il
compte bien le sortir un jour, plus
tard; quand on aura mené à bonne fin
telle, telle, et encore telle besogne pré
liminaire; quand on aura rétabli
« l'honnêteté dans l'exercice du pou
voir, l'ordre dans les finances, l'impar
tialité dans l'administration, fait la
paix avec la religion , aboli les lois
d'exception », etc... Il sera temps alors
de songer à la..,
— Monarchie?
— Pas encore ! Vous allez trop vite !
On aura, par toutes ces réformes, qui
rendront bien quelque temps,préparé
"a revision. II ne s'agira plus que d'ob-
;enir, pour reviser, la nomination d'une
Assemblée constituante, et lorsqu'on
l'aura obtenue, lorsque le peuple sera
convoqué dans ses comices, alors,
alors, au vent le drapeau ! Nous pré
senterons la monarchie au peuple !
— Mais, ô monarchistes ! ne sera-
t-il pas un peu tard pour présenter la
monarchie au peuple ? Il sera surpris,
le peuple. On ne lui aura jamais parlé
de la monarchie, et, tout à coup, on
lui dira : C'est Philippe VII qu'il te
fautl... Si le peuple allait ne pas com
prendre?...
— Vous n'entendez rien à la fine
politique.
— Soit, nous ne demandons pas
mieux que de nous tromper. Puis
après tout, nous ne sommes pas in
féodés, nous, au parti monarchiste. Du
reste, sauf qu'elle nous promet en
core deux ou trois ans de république
parlementaire et qu'elle laisse un peu
trop, de la part d'un monarchiste,
la monarchie en réserve, dans l'om
bre, elle est fort bien, la profession
de foi de M. Edouard Hervé. Toutes les
réformes qu'il veut commencer par
faire sont, en effet, des réformes ur
gentes. Cette profession de foi nous
semble vraiment avoir, dans les cir
constances actuelles, si pleines d'in
certitude et d'obscurité, tout ce qu'il
faut pour être la profession de foi-type
des candidats conservateurs. Et enfin
il est incontestable que la place d'un
homme du mérite de M. Edouard
Hervé, jouissant de sa situation, est à
la Chambre.
Pierre Veuillot
Il n'est bruit depuis deux jours,
dans les dépêches ae l 'Agence Havas,
que du voyage à Paris d'une déléga
tion de démocrates italiens venus en
France pour nous apporter le témoi
gnage de leur sympathie. Sur leur-
passage^ Nice, à Toulon, à Marseille,
ce sont des manifestations bruyantes,
des discours, des toasts après absorp
tion de vins d'honneur, des vivats,
des fleurs, bref un vrai délire qui pa
raît se communiquer à un certain
nombre de journaux républicains.
Tout cela, faut-il le dire, nous laisse
absolument froids ; ou plutôt nous
n'augurons rien de bon d'aucune de
ces manifestations. Il nous souvient
de 1870 et des ovations soi-disant pa
triotiques, qui accueillaient en France
Garibaldi avec ses bandes. Nos révo
lutionnaires qui n'avaient pas assez de
dédain ou de calomnies contre nos
vaillantes armées, se jetaient presque
aux pieds du vieux cacochyme italien
comme s'ils en attendaient la victoire.
On sait que l'intervention de Gari
baldi ne servit qu'à précipiter la dé
faite.
Aujourd'hui, l'on veut de même
nous donner .le change à propos des
visiteurs italiens de l'Exposition. Mais
quel cadeau nous apportent ces
bruyants voyageurs? L'un d'eux l'a
dit à Toulon : « Quoi qu'il arrive, la
démocratie italienne marchera à côté
de la démocratie française, et à l'al
liance des rois et des prêtres elle op
posera l'alliance des peuples. » Merci
bien!
Des alliances de ce genre sont juste
ment suspectes pourquiconqueasouci
du relèvement de la France. Si notre
malheureux pays, en effet, porte au
jourd'hui le poids de ruines morales
sansnom, venant après des désastres
matériels dont le souvenir est d'hier,
c'est bien au dissolvant révolution
naire qu'il faut en demander compte.
L'œuvre salutaire, par suite, c'est
d'expulser le virus, ce n'est pas de
l'accroître par voie d'importation. Que
les démagogues italiens restent donc
de l'autre côté des Alpes. Nous n'a
vons que faire de leurs sympathies
franc-maçonniques pour notre pays :
elles se traduiraient à bref délai par
de nouveaux désastres succédant à de
nouvelles trahisons.
Auguste Roussel.
«
Au sujet de M. l'abbé Duval, nommé
à l'évêché de Soissons, nous lisons
dans le Courrier du Havre :
M. l'abbé Duval est un enfant du Havre.
Il est né en 1826, et par conséquent âgé
de soixante-trois ans.
Successivement professeur à l'institution
ecclésiastique d'Yvelot, curé d'Aumala,
pro-curé et curé de Notre-Dame du Havre,
M. l'abbé Duval, par la distinction de soa
caractère, la sûreté de son jugement et
l'exquise bonté de son cœur, appelait de
puis longtemps, pour tous ceux qui l'ap«
prochent, cette éminente distinction, qui
ne laissera pas, toutefois, de la contrister,
car il était attaché de cœur à sa chère
église de Notre-Dame, qu'il a si puissam
ment contribué à embellir, depuis 1873 jus
qu'à ee jour.
C'est, en effet, en 1873, que M. l'abbé
Duval fut nommé curé-doyen de Notre-
Dame en remplacement de M. l'abbé Bé«
nard.
Il y a environ trois ans, M. l'abbé Da-
val fut nommé archiprêtre du Havre.
_ Tout en applaudissant à cette nomîna «
tion qui fait grand honneur à l'honorable
clergé de notre ville, les nombreux amis de
de M. l'abbé Duval — et nous avons l'hon
neur d'être du nombre —regretteront long
temps leur distingué compatriote, qui, cer-
tainent, n'oubliera jamais sort Havre-de-
Grâce aimé. . "
D'autre part, nous lisons dans la
Gironde, au sujet de M. l'abbé Fal-
liéres, nommé à l'évêché de Saint-
Brieuc :
M. Fallières est né en 1834. Il appartient
au diocèse d'Agen. Il a été vicaire général
du diocèse d'Amiens et il occupait les m&»
mes fonctions à Bordeaux depuis 1884. •
Son esprit libéral et ses hautes qualités
lui avaient attiré de nombroueoa sympa
thies et des amis qui apprendront avec plai
sir sa nomination.
Depuis la mort du cardinal Guilbert, M.
Fallières garde le lit, mais on espère que sa
maladie n'aura pas de suites fâcheuses.
_ On sait que le nouvel évêque est le cou
sin de M. Fallières, ministre de l'instruc
tion publique.
.« Nous sommes heureux, dit de son
côté le journal Bordeaux, d'apprendre
que M. l'abbé Fallières, vicaire géné
ral de l'archevêché de Bordeaux, est
nommé évêque de Saint-Brieuc. »
Plusieurs journaux, empruntant au
Gaulois une notice sur la carrière ec
clésiastique de M. l'abbé Fallières, par
lent d'un évêque d'Amiens qu'ils nom
ment Mgr Boudet.
Il s'agit de Mgr Boudinet.
Correspondance romaine
Rome, 28 août.
Il me faut revenir encore une fois
sur cette publication intitulée la Cro-
nacaNera, qui paraît à Rome sous la
protection occulte de M. Crispi et a
pour but de diffamer le clergé. Il est
important en effet de jeter pleine lu
mière sur cette entreprise de mauvais
aloi, par laquelle on voudrait faire
croire que le clergé de Rome est en
pleine révolte contre le Saint-Père et
les supérieurs ecclésiastiques. Pour dé
montrer ce que vaut la publication à
tous les points de vue, il suffit de vous
dire que le directeur de la feuille est...
un Juif ! Ce vaillant défenseur des
intérêts du clergé, qui se pose lui-
même presque en victime de . la
haute prélature, Vittorio Palerma, juif,
ancien rédacteur de la Liberia , feuille
juive de Rome, maintenant disparue
et dirigée autrefois par le juif député
Arbib, a été aussi rédacteur du
Giornale di Sicilia, cette feuille qui a
fait tant de tapage pour préparer l'ar
rivée de M. Crispi en Sicile. — Les col
laborateurs^ de la Cronaca New sont
gens du même sac; ils écrivent avee
la haine et avec l'effronterie du men
songe dont un juif seul peut être ca
pable.
Voilà les prétendus défenseurs de
la pureté de la religion catholique,
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 31 aoct 1887
LES PURES DE MMKÏiiE
Nous croyons qu'après la série des
feuilletons sur Montmartre publiés
dans l' Univers, nos lecteurs nous sau
ront gré de leur mettre sous les yeux
cette page poétique du R. P. de l'Her-
mite, assistent général de la Congré
gation des Oblats de Marie.
Quid sibi volunt isti lapides ?
Le pèlerin qui vient de gravir les hau
teurs de Montmartre rencontre, en arrivant
sur le plateau, des blocs énormes de pier
res, rangés avec ordre le long de la basi
lique, comme des objets précieux dans un
magasin. Il mesure d'un regard ces masses
arrachées aux carrières du Gâtinais ; il ad
mire leurs proportions, l'art avec lequel le
ciseau a poli leurs angles ou nivelé leurs
flancs, et sa première impression, après un
examen sommaire, se traduit ainsi: Voici
le dernier convoi de matériaux ; avec cela
on pourra achever le monument.
Ce n'est qu'une première impression,
bientôt corrigée par un examen plus com
plet des lieux.
Si, en effet, quelques jours après, le pè
lerin revient à Montmartre, son élonne-
ment est grand de treuver la place nette :
les pierres ont disparu ; enlevées par de
puissantes machines, elles font déjà corps
avec la construction, où elles ne sont plqs
qu'un point dans l'ensemble pu qu'un dé
tail que l'œil distingue à peine. D'autres
pierres viendront demain attendre sur le
chemin dô ronde leur tour d'ascension, et
ainsi successivement, chaque jour, jus
qu'au complet achèvement de l'œuvre.
C'est inouï ce qu'il est entré de pierres
dans cette basilique du Vœu National.
Toutes ont leurs inscriptions qui indiquent
leur origine, c'est-à-dire les noms des do-
Dateurs : diocèses, paroisses, associations
diverses, familles pieuses, individus cachant
leur générosité sous le voile de l'anonyme.
Ces inscriptions courent le long des murail
les blanches de l'édifice, qu'elles relèvent
d'une teinta sévère ; on dirait un livre de
luxe où sont inscrits les documents attes*
tant la dévotion de la France au Sacré-
Cœur de Jésus.
Il y a, sur ce mont des Martyrs, les
pierres collectives et les pierres qui ne
sont que le simple témoignage de la piété
individuelle. Les premières, en s'entassant
avec ordre, forment à la iongue des cha
pelles, des piliers, des arceaux. Elles des
sinent sur l'horizon les formes de la basili
ques et en font ressortir l'élégance et la
force j on dirait les phalanges d'un doigt de
la main, tellement le raccord et le mouve
ment de leurs lignes est harmonieux et
souple. Les paroisses et les œuvres de Pa
ris ont, les premières, fourni leur part con
tributive ît l'érection du monument ; puis
nos vieilles provinces (Je France ont envoyé
leurs ex-voto, comme una dîme royale, au
Cœur de Jésus ; aucune n'a manqué de
payer ce tribut, et celles dont les mers bai.
gnent les falaises, et celles qui gardent la
frontière; de la vallée et de la montagne,
des Alpes aux Pyrénées, pas çn diocèse de
France n'est resté isolé de ce grand mou
vement de générosité et de foi. La basili
que est bien nommée : Basilique du Vœu
national la cation tout entière s'étant le-,
vée pour ratifier le vœu qui la fit sortir de
terre et pour applaudir à la construction
de ses murs.
De l'étranger gussi sçmt arrivés des dons
volontaires. Pour ne citer qu'un nom, in
diquons, dans l'église supérieure, une des
chapelles sur la droite ; elle est dédiée à
saint Jean-Baptiste, et porte sur ses murs
cette inscription : Canada. Ge sont les ca
tholiques d'un pays toujours cher à la
France qui ont offert à Jésus ce sanctuaire,
un des plus gracieux de la basilique.
Parlerons-nous de tontes ces chapelles
qui se déroulent avec tant de grâce dans le
parcours des nefs ; chapelles des saints les
plus illustres du ciel ; chapelles des patrons
de Paris et de la France ; de leurs bienfai
teurs insignes et de leurs plus nobles en
fants : saint Denis, saint Martin, sainte
Geneviève, saint Vincent de Paul, saint
Benoît-Joseph Labre? Chapelles des apô
tres de la vie religieuse, les fondateurs
d'ordres destinés à l'enseignement : saint
Ignace de Loyola, sainte Angèle de Mérici,
et bien d'autres encore ? Les conférences
dp saint Vincent de Paul, les communautés
religieuses, les collèges chrétiens, les asso
ciations catholiques, les corporations ou
vrières, tout ce qui, en un mot, vit de la
vie de l'Eglise et de l'amour de Jésus-
Christ, s'est disputé quelques mètres du
terrain de la basilique et les a payés au
poids de l'or et du sacrifice. C'est la mai
son de Jésus; son Cœur en occupe le cen
tre, la sainte famille de Nazareth,le-chevet;
le soldat et le marin en gardent les portes,
et dans la crypte on entend les gémisse-
njejitg de la prière pour les âmes du purga
toire.
Telle est la première catégorie de pier
res, celles qu'on peut appeler les pierres
collectives.
La seconde catégorie comprend les pier
res offertes par des particuliers ou par des
familles. Voulez-vous savoir leur histoire ?
Quid sibi volunt Uti lapides? Interrogez-les,
elles vous répondront.
Celle-ci a été offerte au nom d'un enfant
prodigue ; elle est la rançon de son £me et
le souvenir des larmes de Monique ; celle-
là. fut envoyée, aj?rès quelque grande
épreuve noblement supportée par un cœur
généreux, comme un ex-voto destiné à per
pétuer sa reconnaissance. Ici, la pierre du
guerrier, constellée de ses décorations
comme le fut la poitrine du héros ; cet
homme rude s'est souvenu, à l'heure du
danger, du Dieu de Clotilde, ou bien,
comme Sbnis et Folloppe, il n'a pas cessé
un seul instant de l'aimer et de le servir.
Ici, un bloc taillé dans le vif : c'est l'offrande
des vierges du cloître, des sœurs de la
classe primaire et de leurs élèves. Qui nous
dirace qu'elle représente de petits sacrifices
et de victoires remportées jour par jour?
Et vous, pierres monumentales qui mar
quez la naissance des dômes ou oouronnes,
le front d'un portail, qui vous plaça à ces
hauteurs? Ce sont, diriez vous, des mains
sacerdotales qui nous choisirent pour cet
honneur. Le prêtre de campagne, en effet,
toujours pauvre, inais toujours patient et
laborieux," relève d'une main l'église en
ruines de son village, et de l'autre prélève
sur soa nécessaire une épargne à la gloire
du Sacré-Cœur.
Et vous, petite pierre qui dessinez les
arêtes du monument et ses lignes les plus
délicates, d'où venez-vous? — Moi, je suis
le tribut de la servante chrétienne, de celle
qui subvient par son salaire à l'entretien de
ses vieux parents et qui fonda jadis, en le
récueillant sou à sou, le trésor de la Propa*
gation de la foi.
Et vous encore, pierre fraîchement en
cadrée dans ce chef-d'œuvre d'architecture,
quelle fut l'intention du donateur inconnu
qui vous choisit dans la carrière ? — Je
suis, diriez-vous, Y ex-veto d'un malade
rendu & la santé, ou l'action de grâces d'an
cœur réconcilié avee l'espérance; j'ai été
achetée d'un beau denier; je remplis une
mission a,p nom d'une âme : prier et remer
cier.
Ainsi : guérison des maladies de l'âme
et du corps, actions de grâces, demande
de bienfaits nouveaux, tendres supplica
tions, adorations muettes ; ças un senti
ment qui n'ait son interprète dans une
pierre, pas une profession, pas un état de
l'âme qui ne soient représentés : pèlerin,
voyageur, pécheur, juste, prêtre et laïque,
riche et pauvre ; pas un pays non plus qui
n'ait ici son souvenir rappelé sous quelque
emblème, ou sous quelque pli de la construc
tion :
Et apertis thesauris suis obtulerunt ci mu-
nera...
Citons deux simples laits :
Dans le riche quartier de Notre-Dame-
des-Victoires, une jeune fille se mourait.
Peu d'heures avant de rendre le dernier
soupir, elle demande qu'on lui apporte un
écrin où se trouvait renfermé un bracelet
en or. Elle caresse un instant du regard
cette parure. Vous croyea qu'elle la re
grette? Non, loin de là. De sa main défail
lante elle roule son trésor dans une enve
loppe et écrit ces quelques mots ea sus-
cription : Au Sacré-Ccçuv de Jé$ns,une jeune
fille mourante. Peu de temps après, la
jeune vierge prenait son vol vers le ciel,
et le bijou, légué par son testament, deve
nait une pierre dans la hasilique du Cœur
de Jésug,
Mais voici une offrande plus touchante
encore. C'est dans les Annales de l'Associa
tion de la Sainteil*amille, décembre 1888,,
que nous avons recueilli cette fleur de
piété. Elle vient du Masutotand (Afrique
australe). Ecoutons : « Puisque j'ai nommé
Joannès-Maria, permettez-moi de '* vous
parler de ce vrai chrétien, qui condamnera
peut-être un jour devant Dieu de? âmes
plus favorisées dès leur berceau des
de la gr§ce. Profondément '^uché de^la
grandeur de ees dos*, il témoigne sa foi
par un dévo^ment sans b ornes aux mis
sionnaires. Afin d'attirer les bénédictions
du Sacré-Cœur de Jésus sur lui et sur sa
famille, il a économisé, obole par obole, la
somme de 125 francs, desttnée à l'offrande
d'une, pierre pour la basilique de Montmar
tre. Cette pierre, marquée du simple mot :
fasutolandt redira, au divin Cœur que, sur
cette lointaine terre d'Afrique, il est des
âmes qui lui sont bien dévouées, et il aura
pour agréable, uous n'en doutons pas, la
générosité du pauvre Mosuto. »
Voilà ae que signifient ces pierres. Quid
sih volunt isti lapides? Le Bulletin du Vce»
National est rempli de traits tous pi n = édi
fiants les uns que les autres et répondant
aux questions du pèlerin.
Montes donc, pierres gracieuses, bénites
par 1 Eglise, et portez bien haut le nom da
Jésus et le souvenir de son Cœur adorable
Que la basilique dont vous êtes 1 ornement
et qui vous doit son magnifique vêtement
d architecture, domine les monuments pro
fanes de notre civilisation et la cité qui dor
à son ombre ! Dites aux générations futu
res que la France, après cent ans de révo
lutions, a traversé le Jourdain et recon
quis les frontières de la liberté chrétienne.
Dites surtout au monde que la fille aînée
de 1 Eglise a pleuré ; et que ses larmes ont
ému le Cœur de Celai qai rendit son fils h
la veuve de Naïaiî Qailîa psenitens et dévot#»
Dilatez vos nefs, et laissez entrer la foule,
qui déjà se presse à vos portes. Ce sont
les enfants de la France rouvrant les yeux
aux clartés de la foi et purifiée dans son
repentir; ce sont les pèlerins qui, de par
tout, viennent remercier Dieu et admirer le
spectacle de la résurrection d'une grande
nation, rendue par le Cœur de Jésus à ss^
mère, la sainte Eglise.
M. DE L'H ermitb, 0. M. I;
M* 7912 — édition qaoUdlan&e
Samedi 31 Ax)ût i§S9
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
ET DÉPAItTSltESTS (UNION POSTALE)
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qni lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CEIIF et C le , 6, place de la Bourse
ssmunaa&aBtMsBHi
FRANCE
PARIS, 30 AOUT 1889
Par deux décrets contresignés, pour
la France par M. Gonstans, et pour les
colonies par M. Tirard, M. Garnot con
voque aujourd'hui les électeurs pour le
22 septembre ( à la Réunion et à la
Guyane française la convocation est
indiquée pour le 6 octobre)^ à l'effet de
nommer des députés. Depuis quelques
jours le bruit courait qu'à la suite de
cette convocation M. Carnot adresse
rait, en outre, au peuple, par une pro
clamation directe, quelques considé
rations et conseils au sujet de cette
grave opération. Le Temps affirme au
jourd'hui qu'il n'en est nullement
question, et nous n'avons nulle peine
à le croire, car la rédaction d'un pareil
document n'était pas sans quelque
difficulté.
M. Lockroy, l'ex-ministre toujours
plaisantin,vient de pérorer au théâtre
de Perpignan et il y a exposé ses vues
sur la situation. Selon lui, ce qui met
en péril la République, ce qui, du
moins, a empêché son triomphe, c'est
qu'elle n'a pas été assez républicaine
ni assez démocratique. Son avis, par
suite, est qu'il faut revisionner, sépa
rer l'Eglise de l'Etat et* réformer l'as
siette de l'impôt. On devine ce qu'un
pareil thème a fourni de déclamations
au peu sérieux orateur. Il en est venu
jusqu'à dire que la République devait
avoir la même devise que Bayard :
« Sans peur et sans reproche ». Voilà,
certes, qui passe l'impudence permise,
et le chevalier Bayard eût, de son vi
vant, châtié d'importance tout malan
drin qurse serait échappé à l'injurier
grossièrement par de pareilles compa
raisons, la conduite ordinaire, privée
ou publique,des gens au pouvoir étant
justement tout le contraire de ce qu'ex
prime non pas, comme le dit M. Loc
kroy, la devise de Bayard, mais l'ap
pellation qui résume si bien sa noble
Vie.
S'il faut en croire le Radical , une
enquête supplémentaire, faite après
l'arrêt de la Haute-Gour sur les laits
et gestes du général Boulanger, aurait
amené le gouvernement à croire qu'il
ne serait pas impossible de déférer le
général à un conseil de guerre. La
nouvelle n'est guère vraisemblable;
ne serait-elle pas une tentative de ma
nœuvre électorale?
.Nous publions plus loin, sous la ru
brique «Alsace-Lorraine» de nou
veaux renseignements sur la ques
tion des passeports en ce malheureux
pays. Disons à ce propos que la presse
allemande ne s'illusionne pas tout en
tière sur le véritable état des esprits
dans les provinces annexées. « Pour
quoi, dit la Germania, ne pas avouer
que la germanisation de l'Alsace-Lor
raine n'a fait aucun progrès depuis la
visite du défunt empereur Guillaume?
Nous pensons même qu'après avoir
censtaté que l'enthousiasme était seu
lement officiel, l'empereur a dû re
venir avec une certaine tristesse et se
demander si jamais l'Alsace-Lorraine
redeviendrait allemande de cœur et de
volonté. » Cette citation nous dispense
4e tout commentaire.
Nous avons déjà dit qu'un impor
tant congrès catholique se réunirait
en Amérique au mois de novembre
prochain. Les organisateurs du con
grès viennent de lancer leur pro
gramme avec un appel qui porte de
nombreuses signatures. La situation
faite au Pape et la nécessité de la res
tauration du pouvoir temporel figurent
au premier rang des questions sur
lesquelles se porteront l'attention et
les résolutions du congrès.
On dit que le gouvernement bulgare
est inquiet des préparatifs militaires
de la Serbie, qu'il trouve peu confor
mes aux déclarations du cabinet de
Belgrade. Il aurait informé la Porte
que, si les tendances agressives de la
Serbie se confirmaient, la Bulgarie se
verrait dans la nécessité de mobiliser
son armée pour éviter une surprise.
I)'autre part, le gouvernement ser
be aurait l'intention de répondre aux
réclamations du cabinet de Sofia en
affirmant que ses armements ne ca
chent aucune idée d'hostilité envers la
Bulgarie.En même temps il ferait res
sortir, dans sa réponse, que la Bulga
rie elle-même a procédé, dans ces
derniers temps, à de grands achats de
munitions de guerre.
Cet échange de propos aigres-doux
n'a rien de pacifique.
La déclaration de M. Balfour, le
secrétaire d'Etat pour l'Irlande, sur la
question de l'éducation catholique en
Irlande, a causé, nous dit-on, une vive
surprise dans le monde parlementaire
anglais. M. Chamberlain, le plus fa
meux des radicaux unionistes, trouve
la tactique excellente ! Il dit que M.
Balfour et les unionistes ont si bien
gardé le secret que la révélation est
tombée comme une bombe dans le
camp gladstonien. Les journaux tories
applaudissent et s'écrient qu'au fond
l'Irlande se soucie bien plus de l'édu
cation catholique que du home rule.
Les nécessités de la tactique exigent
sans doute qu'on tire parti de toute
attitude, de toute parole ministé
rielle.
Et c'est pourquoi, en Angleterre,
amis et ennemis du cabinet bataillent
avec ardeur au sujet du dernier dis
cours de M. Balfour.
Au fond, personne ne devrait être
absolument surpris de l'attitude et du
langage du secrétaire en chef d'Ir
lande. Nous avons récemment publié
le texte de la vigoureuse déclaration
de l'épiscopat catholique irlandais en
faveur de l'enseignement catholique.
Nous avons dit que ce document
avait été adressé par les prélats aux
principaux chefs du gouvernement et
de l'opposition. Nous avons même
noté le simple accusé de réception par
lequel lord Salisbury avait accueilli la
revendication de l'épiscopat irlandais,
"et qui n'était point sans faire contraste
avec la sympathie générale qu'avait
rencontrée ce remarquable document.
Mais nous avons ajouté que quand,
armé de la déclaration de la hiérarchie
catholique, M. Parnell s'était levé à la
Chambr® des communes pour deman
der au gouvernement Ge qu'il comp
tait faire en faveur de l'enseignement
catholique, M. Balfour lui avait ré
pondu d'une façon fort encourageante,
disant que lui et son gouvernement
étaient animés des meilleures inten
tions, qu'on ne savait pas encore trop
ce qu'on ferait, mais qu'on ferait
quelque chose; bref, qu'on en reparle
rait plus tard.
C'était un peu vague assurément ;
ce n'en était pas moins un enga
gement. M. Balfour le tient plus tôt
qu'on ne le croyait, voilà tout. Si c'est
une tactique, elle est excellente.
Les journaux à la dévotion du cabi
net Salisbury annoncent que la ma
noeuvre gouvernementale jette un
grand désarroi dans le bataillon par
lementaire de M. Gladstone. Le fait
est qu'après le discours de M. Sexton,
le député irlandais qui a provoqué la
déclaration de M. Balfour, et le bref
discours d'approbation de M. Parnell,
un radical anglais a rappelé que le
programme du parti libéral anglais
avait toujours été hostile à l'enseigne
ment confessionnel et exprimé son
mécontentement de voir M. Parnell et
ses amis accepter allègrement les
offres du cabinet.
Dans la presse, la Pall Mail Gazette,
à laquelle son langage presque tou
jours favorable aux revendications ir
landaises vaut l'honneur d'être traité
par les unionistes de «journal de M.
Parnell », déclare au nom du parti
radical que c'en est fait du Home Rule.
On s'explique l'ennui du parti radical
déserté par les parnellistes sur le ter
rain de l'opposition anti-gouverne-
mentale. On s'explique mieux encore
le langage et l'attitude des députés
d'Irlande. Ils n'avaient pas le droit de
refuser une juste et urgente réforme
en faveur des catholiques, sous le pré
texte qu'elle était accordée par un ca
binet tory. D'ailleurs, nous l'avons
dit plus d'une fois, les députés d'Ir
lande ont été de tout temps les alliés
du parti tory pour les questions d'en
seignement.
Quant au mécontentement des ra
dicaux qui ont été vexés,'aussi il n'y a
pas longtemps, de l'attitude des « par
nellistes» sur la question des dota
tions royales, M. Parnell ne croit pas
qu'il ait les sérieuses conséquences
annoncées lugubrement par la Pall
Mail Gazette. Il dit que les radicaux
anglais sont libres de voter contre le
futur bill de M. Balfour, mais qu'on ne
pouvait vraiment pas s'attendre à le
voir avec ses amis repousser le don
des tories. Il rappelle qu'il a toujours,
en toute circonstance, voté pour n'im
porte quel cabinet, chaque fois que ce
cabinet a accordé à l'Irlande une loi
de justice et de réparation. Il ne croit
pas le moins du monde que la cause
du Home Rule soit compromise, et il dit
qu'en somme on aura tout de suite une
bonne réforme que le Home Rule au
rait donnée plus tard... Après cela, il
n'est pas impossible que les tories,
pour mieux détacher les Irlandais du
« camp gladstonien », finissent par
leur offrir le Home Rule eux-mêmes. Ge
ne serait pas la première fois qu'on les
verrait « surenchérir sur le programme
libéral.
L. Nemours Godré.
M. Edouard Hervé, en leur annon
çant l'autre jour par lettres indivi
duelles sa candidature, avait promis
aux électeurs du huitième arrondisse
ment de leur exposer son programme
politique, dès que la période électorale
serait ouverte.
Le conseil des ministres a décidé,
avant-hier, que les élections généra
les auraient lieu le 22 septembre. M.
Edouard Hervé lance, aujourd'hui
même, sa profession de foi.
Elle est conçue en ces termes :
Messieurs les électeurs,
Etes-vous convaincus, comme moi, que
la France est mal gouvernée depuis dix
ans ?
Etes-vous, comme moi, décidés à faire
tout pour que cette situation cesse?
Voulaz-vous, parmi les noms qui vous
sont proposés, choisir celui qui représente
la protestation la plus nette contre l'ordre
de choses actuel ?
Dans ce cas, votez pour moi.
Je ne suis pas républicain; je ne l'ai
jamais été ; mon idéal politique est la mo
narchie.
La prochaine Chambre, je le sais, ne
tranchera pas la question de la forme du
gouvernement.
Vos nouveaux députés ne feront pas la
revision : ils se contenteront de la pré
parer.
Ils vous délivreront de l'oppression sous
laquelle vous tient un parti sans scrupules
et sans pudeur.
_ Ils restaureront l'honnêteté dans l'exer
cice du pouvoir, l'ordre dans les finances,
l'impartialité dans l'administration ; ils fe
ront la paix avec la religion, aboliront les
lois d'exception, rendront au suffrage uni
versel son indépendance, à la nation la libre
disposition d'elle-même.
Ils se tourneront alors vers le pays ; ils
reviendront devant les électeurs et leur di
ront : Nous vous avons restitué les droits
que les républicains vous avaient enlevés ;
usez-en, choisissez votre gouvernement;
décidez de votre avenir.
Telle sera, messieurs, l'œuvre que la
future Chambre accomplira, l'œuvre à la
quelle je tiendrai à honneur de m'associer,
l'Havre de la délivrance nationale.
E douard H ervé,
candidat du comité conservateur.
On avait fait cette remarque, lors
que fut publiée la circulaire par la
quelle M. Edouard Hervé posait sa can
didature dans le huitième arrondisse
ment, que le directeur du Soleil met
tait son drapeau en poche.
Ce drapeau, M. Edouard Hervé le
sort -il, cette foi3 ?
Il est vrai qu'il dit aux électeurs :
« Mon idéal politique est la monar
chie ». Mais il s'empresse d'ajouter
qu'il n'est point, du reste, question de
cela. Les députés que l'on va faire
n'auront point à s'occuper de la forme
du gouvernement. M. Hervé le dé
clare en termes exprès.
Aussi, ne trouvons-nous pas que le
directeur du Soleil sorte son drapeau
de sa poche. Il dit qu'il y est ; il indi
que sa couleur ; il laisse entendre qu'il
compte bien le sortir un jour, plus
tard; quand on aura mené à bonne fin
telle, telle, et encore telle besogne pré
liminaire; quand on aura rétabli
« l'honnêteté dans l'exercice du pou
voir, l'ordre dans les finances, l'impar
tialité dans l'administration, fait la
paix avec la religion , aboli les lois
d'exception », etc... Il sera temps alors
de songer à la..,
— Monarchie?
— Pas encore ! Vous allez trop vite !
On aura, par toutes ces réformes, qui
rendront bien quelque temps,préparé
"a revision. II ne s'agira plus que d'ob-
;enir, pour reviser, la nomination d'une
Assemblée constituante, et lorsqu'on
l'aura obtenue, lorsque le peuple sera
convoqué dans ses comices, alors,
alors, au vent le drapeau ! Nous pré
senterons la monarchie au peuple !
— Mais, ô monarchistes ! ne sera-
t-il pas un peu tard pour présenter la
monarchie au peuple ? Il sera surpris,
le peuple. On ne lui aura jamais parlé
de la monarchie, et, tout à coup, on
lui dira : C'est Philippe VII qu'il te
fautl... Si le peuple allait ne pas com
prendre?...
— Vous n'entendez rien à la fine
politique.
— Soit, nous ne demandons pas
mieux que de nous tromper. Puis
après tout, nous ne sommes pas in
féodés, nous, au parti monarchiste. Du
reste, sauf qu'elle nous promet en
core deux ou trois ans de république
parlementaire et qu'elle laisse un peu
trop, de la part d'un monarchiste,
la monarchie en réserve, dans l'om
bre, elle est fort bien, la profession
de foi de M. Edouard Hervé. Toutes les
réformes qu'il veut commencer par
faire sont, en effet, des réformes ur
gentes. Cette profession de foi nous
semble vraiment avoir, dans les cir
constances actuelles, si pleines d'in
certitude et d'obscurité, tout ce qu'il
faut pour être la profession de foi-type
des candidats conservateurs. Et enfin
il est incontestable que la place d'un
homme du mérite de M. Edouard
Hervé, jouissant de sa situation, est à
la Chambre.
Pierre Veuillot
Il n'est bruit depuis deux jours,
dans les dépêches ae l 'Agence Havas,
que du voyage à Paris d'une déléga
tion de démocrates italiens venus en
France pour nous apporter le témoi
gnage de leur sympathie. Sur leur-
passage^ Nice, à Toulon, à Marseille,
ce sont des manifestations bruyantes,
des discours, des toasts après absorp
tion de vins d'honneur, des vivats,
des fleurs, bref un vrai délire qui pa
raît se communiquer à un certain
nombre de journaux républicains.
Tout cela, faut-il le dire, nous laisse
absolument froids ; ou plutôt nous
n'augurons rien de bon d'aucune de
ces manifestations. Il nous souvient
de 1870 et des ovations soi-disant pa
triotiques, qui accueillaient en France
Garibaldi avec ses bandes. Nos révo
lutionnaires qui n'avaient pas assez de
dédain ou de calomnies contre nos
vaillantes armées, se jetaient presque
aux pieds du vieux cacochyme italien
comme s'ils en attendaient la victoire.
On sait que l'intervention de Gari
baldi ne servit qu'à précipiter la dé
faite.
Aujourd'hui, l'on veut de même
nous donner .le change à propos des
visiteurs italiens de l'Exposition. Mais
quel cadeau nous apportent ces
bruyants voyageurs? L'un d'eux l'a
dit à Toulon : « Quoi qu'il arrive, la
démocratie italienne marchera à côté
de la démocratie française, et à l'al
liance des rois et des prêtres elle op
posera l'alliance des peuples. » Merci
bien!
Des alliances de ce genre sont juste
ment suspectes pourquiconqueasouci
du relèvement de la France. Si notre
malheureux pays, en effet, porte au
jourd'hui le poids de ruines morales
sansnom, venant après des désastres
matériels dont le souvenir est d'hier,
c'est bien au dissolvant révolution
naire qu'il faut en demander compte.
L'œuvre salutaire, par suite, c'est
d'expulser le virus, ce n'est pas de
l'accroître par voie d'importation. Que
les démagogues italiens restent donc
de l'autre côté des Alpes. Nous n'a
vons que faire de leurs sympathies
franc-maçonniques pour notre pays :
elles se traduiraient à bref délai par
de nouveaux désastres succédant à de
nouvelles trahisons.
Auguste Roussel.
«
Au sujet de M. l'abbé Duval, nommé
à l'évêché de Soissons, nous lisons
dans le Courrier du Havre :
M. l'abbé Duval est un enfant du Havre.
Il est né en 1826, et par conséquent âgé
de soixante-trois ans.
Successivement professeur à l'institution
ecclésiastique d'Yvelot, curé d'Aumala,
pro-curé et curé de Notre-Dame du Havre,
M. l'abbé Duval, par la distinction de soa
caractère, la sûreté de son jugement et
l'exquise bonté de son cœur, appelait de
puis longtemps, pour tous ceux qui l'ap«
prochent, cette éminente distinction, qui
ne laissera pas, toutefois, de la contrister,
car il était attaché de cœur à sa chère
église de Notre-Dame, qu'il a si puissam
ment contribué à embellir, depuis 1873 jus
qu'à ee jour.
C'est, en effet, en 1873, que M. l'abbé
Duval fut nommé curé-doyen de Notre-
Dame en remplacement de M. l'abbé Bé«
nard.
Il y a environ trois ans, M. l'abbé Da-
val fut nommé archiprêtre du Havre.
_ Tout en applaudissant à cette nomîna «
tion qui fait grand honneur à l'honorable
clergé de notre ville, les nombreux amis de
de M. l'abbé Duval — et nous avons l'hon
neur d'être du nombre —regretteront long
temps leur distingué compatriote, qui, cer-
tainent, n'oubliera jamais sort Havre-de-
Grâce aimé. . "
D'autre part, nous lisons dans la
Gironde, au sujet de M. l'abbé Fal-
liéres, nommé à l'évêché de Saint-
Brieuc :
M. Fallières est né en 1834. Il appartient
au diocèse d'Agen. Il a été vicaire général
du diocèse d'Amiens et il occupait les m&»
mes fonctions à Bordeaux depuis 1884. •
Son esprit libéral et ses hautes qualités
lui avaient attiré de nombroueoa sympa
thies et des amis qui apprendront avec plai
sir sa nomination.
Depuis la mort du cardinal Guilbert, M.
Fallières garde le lit, mais on espère que sa
maladie n'aura pas de suites fâcheuses.
_ On sait que le nouvel évêque est le cou
sin de M. Fallières, ministre de l'instruc
tion publique.
.« Nous sommes heureux, dit de son
côté le journal Bordeaux, d'apprendre
que M. l'abbé Fallières, vicaire géné
ral de l'archevêché de Bordeaux, est
nommé évêque de Saint-Brieuc. »
Plusieurs journaux, empruntant au
Gaulois une notice sur la carrière ec
clésiastique de M. l'abbé Fallières, par
lent d'un évêque d'Amiens qu'ils nom
ment Mgr Boudet.
Il s'agit de Mgr Boudinet.
Correspondance romaine
Rome, 28 août.
Il me faut revenir encore une fois
sur cette publication intitulée la Cro-
nacaNera, qui paraît à Rome sous la
protection occulte de M. Crispi et a
pour but de diffamer le clergé. Il est
important en effet de jeter pleine lu
mière sur cette entreprise de mauvais
aloi, par laquelle on voudrait faire
croire que le clergé de Rome est en
pleine révolte contre le Saint-Père et
les supérieurs ecclésiastiques. Pour dé
montrer ce que vaut la publication à
tous les points de vue, il suffit de vous
dire que le directeur de la feuille est...
un Juif ! Ce vaillant défenseur des
intérêts du clergé, qui se pose lui-
même presque en victime de . la
haute prélature, Vittorio Palerma, juif,
ancien rédacteur de la Liberia , feuille
juive de Rome, maintenant disparue
et dirigée autrefois par le juif député
Arbib, a été aussi rédacteur du
Giornale di Sicilia, cette feuille qui a
fait tant de tapage pour préparer l'ar
rivée de M. Crispi en Sicile. — Les col
laborateurs^ de la Cronaca New sont
gens du même sac; ils écrivent avee
la haine et avec l'effronterie du men
songe dont un juif seul peut être ca
pable.
Voilà les prétendus défenseurs de
la pureté de la religion catholique,
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 31 aoct 1887
LES PURES DE MMKÏiiE
Nous croyons qu'après la série des
feuilletons sur Montmartre publiés
dans l' Univers, nos lecteurs nous sau
ront gré de leur mettre sous les yeux
cette page poétique du R. P. de l'Her-
mite, assistent général de la Congré
gation des Oblats de Marie.
Quid sibi volunt isti lapides ?
Le pèlerin qui vient de gravir les hau
teurs de Montmartre rencontre, en arrivant
sur le plateau, des blocs énormes de pier
res, rangés avec ordre le long de la basi
lique, comme des objets précieux dans un
magasin. Il mesure d'un regard ces masses
arrachées aux carrières du Gâtinais ; il ad
mire leurs proportions, l'art avec lequel le
ciseau a poli leurs angles ou nivelé leurs
flancs, et sa première impression, après un
examen sommaire, se traduit ainsi: Voici
le dernier convoi de matériaux ; avec cela
on pourra achever le monument.
Ce n'est qu'une première impression,
bientôt corrigée par un examen plus com
plet des lieux.
Si, en effet, quelques jours après, le pè
lerin revient à Montmartre, son élonne-
ment est grand de treuver la place nette :
les pierres ont disparu ; enlevées par de
puissantes machines, elles font déjà corps
avec la construction, où elles ne sont plqs
qu'un point dans l'ensemble pu qu'un dé
tail que l'œil distingue à peine. D'autres
pierres viendront demain attendre sur le
chemin dô ronde leur tour d'ascension, et
ainsi successivement, chaque jour, jus
qu'au complet achèvement de l'œuvre.
C'est inouï ce qu'il est entré de pierres
dans cette basilique du Vœu National.
Toutes ont leurs inscriptions qui indiquent
leur origine, c'est-à-dire les noms des do-
Dateurs : diocèses, paroisses, associations
diverses, familles pieuses, individus cachant
leur générosité sous le voile de l'anonyme.
Ces inscriptions courent le long des murail
les blanches de l'édifice, qu'elles relèvent
d'une teinta sévère ; on dirait un livre de
luxe où sont inscrits les documents attes*
tant la dévotion de la France au Sacré-
Cœur de Jésus.
Il y a, sur ce mont des Martyrs, les
pierres collectives et les pierres qui ne
sont que le simple témoignage de la piété
individuelle. Les premières, en s'entassant
avec ordre, forment à la iongue des cha
pelles, des piliers, des arceaux. Elles des
sinent sur l'horizon les formes de la basili
ques et en font ressortir l'élégance et la
force j on dirait les phalanges d'un doigt de
la main, tellement le raccord et le mouve
ment de leurs lignes est harmonieux et
souple. Les paroisses et les œuvres de Pa
ris ont, les premières, fourni leur part con
tributive ît l'érection du monument ; puis
nos vieilles provinces (Je France ont envoyé
leurs ex-voto, comme una dîme royale, au
Cœur de Jésus ; aucune n'a manqué de
payer ce tribut, et celles dont les mers bai.
gnent les falaises, et celles qui gardent la
frontière; de la vallée et de la montagne,
des Alpes aux Pyrénées, pas çn diocèse de
France n'est resté isolé de ce grand mou
vement de générosité et de foi. La basili
que est bien nommée : Basilique du Vœu
national la cation tout entière s'étant le-,
vée pour ratifier le vœu qui la fit sortir de
terre et pour applaudir à la construction
de ses murs.
De l'étranger gussi sçmt arrivés des dons
volontaires. Pour ne citer qu'un nom, in
diquons, dans l'église supérieure, une des
chapelles sur la droite ; elle est dédiée à
saint Jean-Baptiste, et porte sur ses murs
cette inscription : Canada. Ge sont les ca
tholiques d'un pays toujours cher à la
France qui ont offert à Jésus ce sanctuaire,
un des plus gracieux de la basilique.
Parlerons-nous de tontes ces chapelles
qui se déroulent avec tant de grâce dans le
parcours des nefs ; chapelles des saints les
plus illustres du ciel ; chapelles des patrons
de Paris et de la France ; de leurs bienfai
teurs insignes et de leurs plus nobles en
fants : saint Denis, saint Martin, sainte
Geneviève, saint Vincent de Paul, saint
Benoît-Joseph Labre? Chapelles des apô
tres de la vie religieuse, les fondateurs
d'ordres destinés à l'enseignement : saint
Ignace de Loyola, sainte Angèle de Mérici,
et bien d'autres encore ? Les conférences
dp saint Vincent de Paul, les communautés
religieuses, les collèges chrétiens, les asso
ciations catholiques, les corporations ou
vrières, tout ce qui, en un mot, vit de la
vie de l'Eglise et de l'amour de Jésus-
Christ, s'est disputé quelques mètres du
terrain de la basilique et les a payés au
poids de l'or et du sacrifice. C'est la mai
son de Jésus; son Cœur en occupe le cen
tre, la sainte famille de Nazareth,le-chevet;
le soldat et le marin en gardent les portes,
et dans la crypte on entend les gémisse-
njejitg de la prière pour les âmes du purga
toire.
Telle est la première catégorie de pier
res, celles qu'on peut appeler les pierres
collectives.
La seconde catégorie comprend les pier
res offertes par des particuliers ou par des
familles. Voulez-vous savoir leur histoire ?
Quid sibi volunt Uti lapides? Interrogez-les,
elles vous répondront.
Celle-ci a été offerte au nom d'un enfant
prodigue ; elle est la rançon de son £me et
le souvenir des larmes de Monique ; celle-
là. fut envoyée, aj?rès quelque grande
épreuve noblement supportée par un cœur
généreux, comme un ex-voto destiné à per
pétuer sa reconnaissance. Ici, la pierre du
guerrier, constellée de ses décorations
comme le fut la poitrine du héros ; cet
homme rude s'est souvenu, à l'heure du
danger, du Dieu de Clotilde, ou bien,
comme Sbnis et Folloppe, il n'a pas cessé
un seul instant de l'aimer et de le servir.
Ici, un bloc taillé dans le vif : c'est l'offrande
des vierges du cloître, des sœurs de la
classe primaire et de leurs élèves. Qui nous
dirace qu'elle représente de petits sacrifices
et de victoires remportées jour par jour?
Et vous, pierres monumentales qui mar
quez la naissance des dômes ou oouronnes,
le front d'un portail, qui vous plaça à ces
hauteurs? Ce sont, diriez vous, des mains
sacerdotales qui nous choisirent pour cet
honneur. Le prêtre de campagne, en effet,
toujours pauvre, inais toujours patient et
laborieux," relève d'une main l'église en
ruines de son village, et de l'autre prélève
sur soa nécessaire une épargne à la gloire
du Sacré-Cœur.
Et vous, petite pierre qui dessinez les
arêtes du monument et ses lignes les plus
délicates, d'où venez-vous? — Moi, je suis
le tribut de la servante chrétienne, de celle
qui subvient par son salaire à l'entretien de
ses vieux parents et qui fonda jadis, en le
récueillant sou à sou, le trésor de la Propa*
gation de la foi.
Et vous encore, pierre fraîchement en
cadrée dans ce chef-d'œuvre d'architecture,
quelle fut l'intention du donateur inconnu
qui vous choisit dans la carrière ? — Je
suis, diriez-vous, Y ex-veto d'un malade
rendu & la santé, ou l'action de grâces d'an
cœur réconcilié avee l'espérance; j'ai été
achetée d'un beau denier; je remplis une
mission a,p nom d'une âme : prier et remer
cier.
Ainsi : guérison des maladies de l'âme
et du corps, actions de grâces, demande
de bienfaits nouveaux, tendres supplica
tions, adorations muettes ; ças un senti
ment qui n'ait son interprète dans une
pierre, pas une profession, pas un état de
l'âme qui ne soient représentés : pèlerin,
voyageur, pécheur, juste, prêtre et laïque,
riche et pauvre ; pas un pays non plus qui
n'ait ici son souvenir rappelé sous quelque
emblème, ou sous quelque pli de la construc
tion :
Et apertis thesauris suis obtulerunt ci mu-
nera...
Citons deux simples laits :
Dans le riche quartier de Notre-Dame-
des-Victoires, une jeune fille se mourait.
Peu d'heures avant de rendre le dernier
soupir, elle demande qu'on lui apporte un
écrin où se trouvait renfermé un bracelet
en or. Elle caresse un instant du regard
cette parure. Vous croyea qu'elle la re
grette? Non, loin de là. De sa main défail
lante elle roule son trésor dans une enve
loppe et écrit ces quelques mots ea sus-
cription : Au Sacré-Ccçuv de Jé$ns,une jeune
fille mourante. Peu de temps après, la
jeune vierge prenait son vol vers le ciel,
et le bijou, légué par son testament, deve
nait une pierre dans la hasilique du Cœur
de Jésug,
Mais voici une offrande plus touchante
encore. C'est dans les Annales de l'Associa
tion de la Sainteil*amille, décembre 1888,,
que nous avons recueilli cette fleur de
piété. Elle vient du Masutotand (Afrique
australe). Ecoutons : « Puisque j'ai nommé
Joannès-Maria, permettez-moi de '* vous
parler de ce vrai chrétien, qui condamnera
peut-être un jour devant Dieu de? âmes
plus favorisées dès leur berceau des
de la gr§ce. Profondément '^uché de^la
grandeur de ees dos*, il témoigne sa foi
par un dévo^ment sans b ornes aux mis
sionnaires. Afin d'attirer les bénédictions
du Sacré-Cœur de Jésus sur lui et sur sa
famille, il a économisé, obole par obole, la
somme de 125 francs, desttnée à l'offrande
d'une, pierre pour la basilique de Montmar
tre. Cette pierre, marquée du simple mot :
fasutolandt redira, au divin Cœur que, sur
cette lointaine terre d'Afrique, il est des
âmes qui lui sont bien dévouées, et il aura
pour agréable, uous n'en doutons pas, la
générosité du pauvre Mosuto. »
Voilà ae que signifient ces pierres. Quid
sih volunt isti lapides? Le Bulletin du Vce»
National est rempli de traits tous pi n = édi
fiants les uns que les autres et répondant
aux questions du pèlerin.
Montes donc, pierres gracieuses, bénites
par 1 Eglise, et portez bien haut le nom da
Jésus et le souvenir de son Cœur adorable
Que la basilique dont vous êtes 1 ornement
et qui vous doit son magnifique vêtement
d architecture, domine les monuments pro
fanes de notre civilisation et la cité qui dor
à son ombre ! Dites aux générations futu
res que la France, après cent ans de révo
lutions, a traversé le Jourdain et recon
quis les frontières de la liberté chrétienne.
Dites surtout au monde que la fille aînée
de 1 Eglise a pleuré ; et que ses larmes ont
ému le Cœur de Celai qai rendit son fils h
la veuve de Naïaiî Qailîa psenitens et dévot#»
Dilatez vos nefs, et laissez entrer la foule,
qui déjà se presse à vos portes. Ce sont
les enfants de la France rouvrant les yeux
aux clartés de la foi et purifiée dans son
repentir; ce sont les pèlerins qui, de par
tout, viennent remercier Dieu et admirer le
spectacle de la résurrection d'une grande
nation, rendue par le Cœur de Jésus à ss^
mère, la sainte Eglise.
M. DE L'H ermitb, 0. M. I;
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