Mardi 27 Août 1SS§
N 1 7903 — Édition quotidiens®
Mardi 27 Août 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION GEMI-eUOTIDIENNB
Un an. , .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. . 55 »
. . 23 50
. . 15 »
ÉTRANGER ■
(tntioN postais)
63 »
34 »
18 »
'^sabonnements partent dea 1" e4 16 de chaque mol»
UN NUMÉRO { Eg^tVmekte: Il ^
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
et départements
, . 30 »
. 16 »
. 8 50
ÉTRANGER
(union fostali)
36 m
19 »
10 »
On s'ahonne l Rome, place dn Gesù. 8
Les {.bonnement» partent des i« et 18 de chaque moif
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C 10 , 6, place de la Bourse
PARIS f 26 AOUT 1889
Nous publions ailleurs le résumé de,
divers discours politiques prononcés
hier en divers lieux par MM. Spuller et
Yves Guyot, ministres, et par les ex
ministres Ferry et Floquet. Le ton de
ces harangues n'est pas triomphant
et, malgré toutes les précautions pri
ses par le compère Gonstans, ministre
de l'intérieur, tous ces personnages
ne semblent pas très sûrs de leur suc
cès électoral,et bien moins encore du
succès final de la République. D'autre
fiart, le bruit court que M. Gonstans
ui-même, à tout hasard, se réserve
rait, pour le cas d'insuccès, un posta
de repos qui ne serait rien moins que
le gouvernement général de l'Algérie,
M. Tirman étant considéré dès aujour
d'hui comme prêt à se retirer définiti
vement. Ge serait là, en tous cas, de
bien faux calculs. Gar si la majorité
future de la Chambre est hostile au
gouvernement actuel, il n'y a nulle
apparence qu'elle ait souci de fournir
à M. Gonstans le fromage qu'il guigne
pour y grignotter à l'aise.
Dès à présent l'on se préoccupe, au
point de vue électoral, de l'échéance
des traités de commerce, qui, pour
l'ensemble de ces traités avec les na
tions étrangères,arrivera le 1 er février
1892. A ce propos on rappelle que l'ar
ticle 11 du traité de Francfort,dont la
France commercialement a tant souf
fert, parce qu'il attribuait à l'Allema
gne, dans ses relations d'affaires avec
la France, le traitement de la nation
la plus favorisée, pourrait virtuelle
ment être effacé. Sans doute, il ne
s'agit pas d'obtenir la suppression de
cet article, qui aura forcément toute
la durée du traité même de Francfort;
mais si la France décidait de ne re
nouveler aucun des traités de com
merce expirant en 1892, l'article 11
du traité de Francfort deviendait sans
'application. On conçoit dès lors tout
l'intérêt qui s'attache à la campagne
d'opinion entreprise dès à présent pour
le non-renouvellement des traités de
commerce.
Il règne en ce moment une véri
table panique en Italie, par suite de
la vive émotion qu'a produite la sus
pension des payements de la Banque
d'escompte de Turin. La crise finan
cière devient très grave et l'on s'at
tend à voir les guichets de toutes les
sociétés financières et des banquiers
assiégés par la population, qui n'a
plus aucune confiance.
La catastrophe aura un contre-coup
dans beaucoup de villes de l'Italie, une
autre banque, la Tibérine, ne payant
plus de traites depuis vendredi, et la
Banque Esquiline étant très menacée.
Le ministre des finances est arrivé à
Turin ; mais il ne peut apporter au
cun remède à cette situation, dont le
gouvernement est véritablement res
ponsable. Voilà un gros embarras que
n'avait pas prévu la diplomatie de M.
Crispi.
Le Fremdenblatt de Munich annonce
que le congrès catholique bavarois
aura lieu le 23 septembre. L'appel gé
néral porte jusqu'à cinq cents signa
tures.
Il parait que leMorning Post s'étonne
de n'avoir pas vu la presse française
célébrer avec effusion la visite à la
reine Victoria faite par l'empereur
Guillaume II. Ce-journal prend la
peine de nous assurer que « personne,
ni l'Angleterre ni l'Allemagne ne nour
rissent aucune intention hostile contre
la sécurité et la dignité de la nation
française ». Il ajoute que « le bon ac
cord de la plus grande puissance na
vale et de la plus grande puissance
militaire constitue la meilleure des
garanties pour la paix européenne ».
Le Morning Post assure a'ailleur3,
à nouveau,que la Grande-Bretagne ne
s'est nullement attachée au char de la
triple alliance. Seulement, d'après ce
qu'on nous fait savoir en même temps,
« le monde peut être assuré que si
jamais lord Salisbury vient à contrac
ter des alliances étrangères, ce minis
tre n'oubliera pas le principe du do ut
des. »
Les considérations que développe le
Morning Post sont, en somme, des
plus ambiguës. Les conclusions que
l'Angleterre ne poursuit pas de politi
que agressive et qu'elle peut sourire à
un ami sans pour cela vouloir man
quer de courtoisie envers un autre,
trouvera plus d'un incrédule.
P. S. — L'Agence Havas reproduit,
« à titre, de curiosité », dit-elle, la dé
pêche suivante envoyée de Rome au
Daily Chronicle :
La décision du majordome pontifical, de
refuser aux officiers et gardes du Vatican
leurs congés habituels, fait penser, dit la
correspondant anglais, à l'éventualité du
départ du Pape.
La commission cardinalice chargés de
fixer les dispositions relatives à cet événe
ment, a proposé que le Souverain Pontife
se rendît de Rome à Givita-Vecchia en voi
tare, accompagné par les ambassadeurs des
puissances. A Givita-Vecchia il gagnerait
directement l'Espagne par mer.
Un petit nombre de cardinaux suivraient
Léon XIII, qui investirait de pouvoirs ex
traordinaires les chefs des congrégations
restés & Rome.
Nous croyons savoir qu'il ne faut
voir là, en effet, qu'une « curiosité ».
La date du 26 août marque celle
d'un centenaire fameux. C'est en effet
à pareil jour, il y a cent ans, que fut
votée par la Constituante la Déclara
tion des droits de l'homme et du citoyen.
La proposition en avait été faite
dès le 7 août, et, après dix-neuf jours
d'élaboration, le document apparais
sait tout prêt pour le vote. « Quelle
leçon, s'écrie admirativement la Paix,
pour les parlementaires du dix-neu
vième siècle, à qui il faut quelquefois
trois ou quatre ans de discussions sté
riles pour élaborer la moindre réfor
me ! »
Nou3 n'avons nulle envie de défen
dre les « parlementaires du dix-neu
vième siècle »,dont le bagage, au point
de vue des votes raisonnables, est évi
demment des plus légers. Mais, s'ils
n'étaient coupables que de ne pas
avoir fait d'oeuvre semblable à celle de
la Déclaration des Droits de l'homme,
ijous les amnistierons bien volontiers
de ce chef. C'est le cas de dire, comme
.pour le sonnet d'Oronte, que « le
temps ne fait rien à l'affaire ».
En réalité, la Paix commet une
grosse maladresse quand elle veut, à
l'honneur des constituants dje 1789,
rappeler le souvenir du document dont
elle reproduit le texte. Il est difficile
en effet d'entasser un plus bel amas de
sottises, de contradictions, de sophis-
mes dangereux, . mêlés à quelques
dire3 prud'hommesques, qu'il est mal
aisé d'attribuer à une conception" de
génie. Cependant la Paix fait honneur
à Voltaire, à Jean-Jacques, à d'Alem-
bert, à Diderot, d'avoir mis leurs cer
veaux puissants au service de l'élabo
ration des principes révolutionnaires
finalement codifiés dans la Déclaration
des Droits de l'homme. A n'en pas
douter,ces affreux rhéteurs, qui furent
en même temps les plus criminels des
démolisseurs sociaux, demeurent res
ponsables d'avoir précipité le mou
vement de révolte inauguré par la ré
forme ; mais que cela leur soit un
honneur, ou que la Déclaration des
Droits de l'homme soit, de ce fait, une
œuvre de génie, non pas.
La preuve en est qu'à vouloir com
menter ce prétendu chef d'œuvre la
Paix ne trouve que des phrases aussi
creuses qu'ineptes, où il est parlé du
« compendium immuable du genre hu
main », des ? droits respectifs' de la
société et de l'homme », de « l'invio
labilité de la personnalité humaine »,
et finalement d'un « idéal fondé sur
des notions éternelles somme type
dont les peuples devaient se rappro
cher sans cesse dans leur évolution
vers l'unité »! 1
Ge qu'est cet idéal, la Paix ne le dit
pas, et pour cause. Ainsi ce journal
fait honneur à la « grande assemblée »
qui accoucha de la Déclaration, d'a
voir professé qu'il n'y avait pas « une
justice différente pour chaque nation,
une morale différant suivant les lati
tudes, et que ce qui est le bien et le
vrai en deçà de la frontière, ne peut
être le mal et le faux au delà ». Si
la Révolution s'était bornée à procla
mer cela, son œuvre était inutile, car
il y a longtemps que tel est l'ensei
gnement de la religion catholiquç.
Mais nul n'ignore que la Révolution
a fait tout autre chose. Et il est plai
sant d'entendre la Paix nous vanter la
Révolution comme ayant découvert
l'inviolabilité de la personnalité hu
maine,quand cette Révolution ne s'est
établie et maintenue qu'à l'aide deS:
plus horribles massacres.
Quant à l'ensemble des libertés que
la Révolution est censée avoir décou
vertes et garanties, il faut quelque
impudence pour en parler à propos
du centenaire, quand, par les décrets
d'une part, et, de l'autre,par le procès
de la Haute-Cour, on voit le cas
que nos modernes révolutionnaires
font de toutes ces précieuses libertés.
A uguste R oussel.
Le départ du Papa
Naguères, un de nos correspon
dants, appréciant l'effet produit en
Espagne par la nouvelle de l'éventua
lité de la venue du Pape en ce pays,
nous disait que, quels que fussent à
cet égard les sentiments du gouver
nement espagnol, il ne pourrait, le
cas échéant, avoir même l'idée de ré
sister à l'élan du sentiment catholi
que, ardent à réclamer pour l'Espagne
l'honneur de donner un asile au Pape
exilé. .
Ce que dit auj ourd'hui la Liberté con
firme absolument ces appréciations.
Nous y lisons :
Une correspondance de Rome fait savoir
qu'une députation de Catalans est allée au
Vatican supplier le Pape de se rendre à
Barcelone dans le cas où. il se déciderait à
partir. A ce sujet, il est question de dé
marches faites auprès du cabinet de Ma
drid par l'Autriche, l'Italie et l'Allemagne
pour lui demander de refuser un asile au
successeur de saint Pierre. Le gouverne
ment espagnol aurait, dit-on, cédé à cette
pression, et dé là les circulaires que quel
ques gouverneurs civils ont adressées aux
alcaldes pour leur rappeler que les ayun-
tamientos n'ont pas le droit de faire de la
politique internationale et leur défendre
d'exprimer leur dévouement à la Papauté.
Nous avons dit, dès que la question a été
soulevée, quelle serait l'attitude do l'Espa
gne officielle dans cette conjoncture. Il est
évident que M . Sagasta désire de tout son
cœur que le Souverain Pontife ne prenne
pas la résolution de venir en Espagne, et
qu'il n'a aucun souci de se mettre cet em
barras sur les bras ; mais il est évident
aussi que, si le Pape vient, il sera reçu
avec tout le respect qui lai est dû : il n'est
pas un Espagnol qui voudrait refuser l'hos
pitalité au Vicaire de Jésus-Christ, les uns
par sentiment religieux, et les autres, lés
plus libre-penseurs, par entraînement che
valeresque et par souci de la déférence à.
laquelle la faiblesse et la persécution ont
toujours droit.
Ce serait faire injure à la noblesse du ca
ractère espagnol que de supposer le con
traire. Un vieux dicton Castillan rappelle
que « l'honneur passe avant le devoir ». Il
ne se trouverait pas un gendarme,, pas un
douanier pour dire au chel de l'Eglise : On
ne passe pas. M. Crispi doit en prendre
son parti. Le Pape est sûr de trouver un
refuge en Espagne, le jour où les intérêts
du catholicisme l'obligeront à quitter la ca
pitale de l'Italie.
La Semaine religieuse du diocèse de
Carcassonne publie une communica
tion officielle de l'évêché qu'il est utile
de faire connaître, l'équivoque qu'elle
a pour but de dissiper étant habile
ment entretenue dans nombre de. dio
cèses par les deux sociétés dont il s'a
git. ■ . ,
Voici cette communication :
Plusieurs dames chrétiennes du diocèse
de Carcassonne ont demandé à leur évêque
quelle attitude elles doivent garder vis à-vis
des Associations des Dames françaises ou
des Femmes de France pour secours aux
blessés. Monseigneur a répondu que la pen
sée qui a inspiré ces œuvres se rattache au
système laïcisateur, qui cherché à rempla
cer la France chrétienne par la France sans
Dieu. A la laïcisation des écoles; des hôpi
taux, des prétoires, etc., oa veut ajouter la
laïcisation des ambulances. Le nom de l'œu
vre est beau, les mobiles mis en avant : le
patriotisme, la philanthropie, sont sédui
sants. Mais le but caché, inavoué, ne peut
être que condamnable : c'est l'exclusion de
la religion.
'Vainement, les fauteurs de ces œuvres
invoquent ils le grand principe de la neu
tralité; leur plan est percé à jour, et les
âmes sincèrement chrétiennes ne peuvent
oublier la parole de Jésus-Christ : Celui qui
n'est pas avec moi est contre moi.
(Communication officielle de l'évêché.)
Manœuvres italiennes
On écrit' d'une ville maritime d'Italie au
Journal des Débats :
A peine revenue de Porlsmouth, l'esca
dre allemande a été disloquée ; les plus
anciens de ses cuirassés restent armés dans
les ports du Nord et de la Baltique ; les
quatre plus récents, et aussi les meilleurs,
sant désignés pour se rendre à bref délai
dans la Méditerranée. On savait, en effet,
que l'empereur Guillaume II devait aller à
Athènes pour le mariage de sa sœur, en
octobre prochain, et qu'il désirait entrer
dans ie port du Pirée à la tête d'une force
navale imposante. <
Mais il est aussi permis de croire que
cette division allemande a, en outre, pour
mission d'entreprendre avec la flotte ita
lienne des manœuvres combinées.
D'autre part, la composition de l'escadre
d'évolutions italienne vient de subir un
remaniement complet. Cette force navale,
qui ne se composait, eu général, que de
4 cuirassés et d'un petit nombre de croi
seurs, comptera, au 1" septembre prochain;
6 cuirassés d'escadre des derniers modèles,
le Duilio, le Dandolo, l 'llalia, le.Lepanto, le
Francesco-Morisini, le Ruggiero-di-Lauria ;
quatre croiseurs blindés du type Gio
vanni Bausan, 7 éclaireurs d'escadre dont
la vitesse n'est pas inférieure à 18 nœuds,
enfin 24 torpilleurs de haute mer.
Les défenses mobiles des différents ports
de la côte tyrrhénienne et des lies viennent
d'être, en outre, constituées sur le pied de
guerre. La dernière main a été mise aux
travaux de la Maddalena et du canal de
Messine ; le roi Ilumbert, dans l'inspection
qu'il vient de passer en se rendant à Ta-
rente, a exprimé sa haute satisfaction de
voir ces deux points en état de servir de
bases d'opérations à. son armée navale.
Enfin (et, de l'avis des gens du métier,
ceci est plus grave), on vient de procéder à
la Spezia au mouillage de torpilles de fond
qui doivent barrer en temps de guerre les
passes de la digue. — Je dis en temps dé
guerre, parce que, en raison de la difficulté
de garder étanches les récipients de ces
mines sous-marines, on ne les mouille, en
général, qu'au dernier moment.
Par une coïncidence au moins digne de
remarque, les grands chalands eu tôle;
disons mieux, les batteries flottantes qui
doivent servir d'affûts aux canons de 110
tonnes de Krupp, spécialement destinés à
la défense de la digue, ont terminé leurs
essais et ont été mouillés à chacune des ex
trémités, l'un vers Santa-Maria, l'autre
vers Lerici.
A cet ensemble de nouvelles, voici
les commentaires qu'ajoute le Journal
des Débats :
Les renseignements qu'on vient de lira
nous sont envoyés par une personne par
faitement sûre et dont nous garantissons
la compétence. Oa sait qu'une partie de le
presse italienne a pour habitude d'accuser
de temps à autre la France de projeter un
coup de main sur un des ports militaires
de la péninsule. En ce moment où nos voi
sins déploient une si grande activité, notre
escadre d'évolutions est dispersée : une
division a été envoyée dans le Levant.Mais,
réunie, notre escadre ne compte que 9 cui
rassés prêts à entrer en ligne ; encore
croyons-nous savoir que leurs effectifs ne
sont pas complets. A la vérité, nous en
avons 7 autres en réserve à Toulon ; mais
nos lecteurs savent, par les études de notre
collaborateur spécial, que ces navires ne
seraient pas en situation dé figurer hono
rablement dans un conflit maritime avant
une dizaine de jours.
Ainsi, en présence des 10 cuirassés ita-
liênc (dont 4 croiseurs blindés), des 4 cui
rassés allemands, des 4 blindés que l'Au-r
triche entretientj prêts à quitter ses ports
do l'Adriatique, nous ne pourrions en ce
moment précis mettre en ligne que les 6
navires,qui forment les deux premières di
visions de l'escadre de la Méditerranée.
Ce qui précède constitue à la charge
du ministre de la marine une accu
sation dont nous n'avons pas besoin
de faire ressortir la gravité et sur la
quelle il serait bon que la lumière fût
faite officiellement.
L'Œuvre des Nouvelles Églises
DANS
LES NOUVEAUX QUARTIERS DE ROME
Nous signalions il y a quelque temps
l'arrivée à Paris de M.l'abbé Brugidou,
venu avec une mission du Souverain
Pontife, en vue de solliciter la. charité
catholique pour l'œuvre des nouvelles
églises dans les nouveaux quartiers
de Rome.
Rappelons en deux mots les motifs
de cette œuvre. On sait que les enva
hisseurs de Rome, non contents d'u
surper le domaine du Souverain-Pon
tife, ont'conçu le plan satanique de
bouleverser entièrement la physiono
mie de Rome. Ce plan comporte deux
opérations.
La première, c'est la destruc
tion, dans la Ro'mè chrétienne, des
plus anciens et sacrés souvenirs qui
s'attachent à tel couvent, à tel ora
toire, à telle basilique. Au mois d'oc
tobre de l'année dernière, nous avons
eu l'occasion, étant a Rome, de cons
tater de visu les progrès effrayants de
cet odieux vandalisme. Des massifs
de rues et de monuments étaient tout
entiers éventrés par la pioche des
démolisseurs, pour frayer à travers la
ville sainte des voies nouvelles et
des boulevards modernes avec tous
les adjuncta de la civilisation la
plus éhontée. Une longue expé
rience, en effet, a convaincu les enva
hisseurs sacrilèges que le peuple de
Rome, qui demeure attaché à sa foi,
ne se détacherait pas du Souverain-
Pontife. Pour avoir raison de cette fi
délité du peuple romain, il faut le cor
rompre et ; tel est le but, non avoué
parles chefs du pouvoir, mais très
manifeste, de la première opération
dont nous venons de parler. Au sur
plus, le monument récemment élevé
à Giordano Bruno avec la complicité
du gouvernement, dit assez dans quel
esprit on poursuit la transformation
matérielle et l'ornementation des nou
velles ru8s de Rome.
La seconde opération imaginée par
les envahisseurs pour s'implanter dé
finitivement dans Rome, ç'a été d'en
fermer toute l'ancienne ville et le Va
tican dans une série de constructions
nouvelles figurant à la lettre d'im
menses chaînes en pierres,— nous ne
dirons plus forgées, mais bâties pour
enserrer le Pape dans la prison du
Vatican. Parmi ces constructions,
celles qui encerclent le Vatican n'ont
pu, jusqu'ici,trouver que de rares ha
bitants,^ tant il semble au peuple que
la malédiction doive s'abattre sur
ceux qui s'aviseraient d'y prendre
pied. Mais il n'en est pas de même
dans les nouveaux quartiers qui s'é
tendent aux environs de la gare. A la
suite de l'armée des fonctionnaires ita
liens, des familles et des industries s'y
sont installées; dès lors,quel que fût le
caractère des événements qui avaient,
par cette immigration, modifié une
partie de la population romaine, le
Père commun des fidèles ne pouvait
abandonner le souci du salut des âmes
dans ces quartiers où, par un calcul
scélérat des envahisseurs, nulle place
n'avaif été faite aux édifices religieux
dans le tracé des constructions nou
velles. Ges églises, aujourd'hui il faut
les bâtir et tel est le but de la mis
sion confiée à M. l'abbé Brugidou.
Nous n'ajouterons rien de plus pour en
faire saisir l'importance. Aussi bien,
M. l'abbé Brugidou est accrédité par
le vicaire de Sa Sainteté, S. Em. le
cardinal Parocchi, et en disant cela
nous avons dit assez.
A uguste R oussel.
Voici la lettre que S. Em. le cardi
nal Parocchi a daigné adresser aux
journaux catholiques :
Très honoré monsieur,
J'ai l'honneur devons adresser M. l'abbé
Brugidou, directeur général de l'œuvre de
l'Adoration réparatrice à Rome.
Le but de sa démarche est de vous ex
primer mon grand désir de voir la presse
catholique s'intéresser vivement au sort re
ligieux des nombreuses populations qui oc
cupent les quartiers nouvellement construits
autour de la Ville sainte.
Si le culte catholique ne s'y organisé pas
bientôt et suffisamment, ces régions récem
ment habitées seront la proie des ennemis
du Saint-Siège; elles deviendront ea. per
manence eomme le camp retranché do tou
tes les conjurations sectaires contre la sainte
Eglise; de là naîtrait l'un dos plus graves
périls que puissent courir les intérêts si es
sentiels de la chrétienté à Rome.
Or, Sa Sainteté ne peut subvenir aux
fortes dépenses que nécessitent la con s truc
tion des églises et des établissements divers
qui doivent assurer le service religieux
dans ces nouvelles paroisses à créer.j
Par suite, le Saint-Père a jugé très op
portun et très utile de s'adresser par mou
intermédiaire à l'œuvre internationale de
l'Adoration réparatrice, dont le centre 'ïi
Rome rayonne déjà en une multitude de
.diocèses. Cette œuvre a le plus urgent be
soin elle-même de s'établir définitivement
.dans un sanctuaire qui lui soit consacré ; ce
sanctuaire devra s'ériger au sein de l'une
des plus importantes nouvelles régions do
la ville ; l'esprit et le but de cette œuvre
se prêtent d'ailleurs admirablement à la
mission supplémentaire qui vient de lui être
confiée en faveur des autres susdites égli
ses et institutions paroissiales.
J'ai donc l'intime confiance, monsieur le
directeur, que, vous inspirant do ces con
sidérations pour assister ainsi le Saint-
Père, vous loi procurerez aussitôt la conso
lation de faire valoir dans ce but tous les
moyens dont vous disposez.
Veuillez en recevoir déjà mes remercie
ments, dans l'assurance que tout ce que
vous croirez devoir entreprendre en vue de
propager l'œuvre de l'adoration réparatrice,
en vue aussi de répandre la souscription
qui va s'ouvrir, sera très agréable à Sa
Sainteté, me touchera profondément et
nous inspirera la plus vive gratitude.
Votre bien dévoué en Notre-Seigncnr.
L. M., C ARD .-V icaire.
Voici maintenant les conditions de
la souscription ouverte par l'œuvre de
l'Adoration Réparatrice pour la cons-
B»,
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 27 août 1887
PROPOS DIVERS
Dans trois ou quatre siècles, si l'usage
dure encore de désigner par un surnom les
souverains qui ont régné sur la France, M.
Carnot sera connu sans doute de nos ar
rière-neveux sous le nom de Carnot le Vi
siteur, et son histoire tiendra dans ce vers,
qui pourrait être de Voltaire :
Il visitait, visitait, visitait.
Visiter est en effet la fonction essentielle
de notre gracieux président, sa spécialité,
comme ils disent aujourd'hui. Et il s'en
acquitte d'une manière si remarquable
qu'on peut bien dire que jamais avant lui
on ne visita si bien, et qu'après lui jamais
peut-être on ne visitera mieux.C'est un don
de nature qui, chez M. Carnot, s'applique
à tout. On a dit ingénieusement de Dérou-
lède, ce grand innocent promis aux justices
de la prochaine Haute-Cour : « Il ne
marche pas, il défile. * On dirait aussi
justement de M. Carnot : « Il n e regarde
pas, ilvisite. »
Visiter, pour le vulgaire, est une chose
toute simple. Il y a des mortels superficiels
qui, parce qu'ils ont, moyennant leurs cent
sous, gravi les hauteurs de la troisième
plateforme, s'imaginent avoir visité la tour
Eiffel. D'autres, après avoir, du haut du
pont roulant, contemplé un fouillis inextri
cable de volants, d'excentriques et de
courroies de transmission, rentrent chez
eux et disent fièrement à leur famille : « J'ai
visité la galerie des machines. »
Pauvres gens ! Esprits à courte vue I Ils
ne savent pas par approximation ce qu'il
faut entendre par ce mot : « Visiter ». Ils
ne soupçonnent pas les complications infi
nies que recèle cette note banale dont l'Of
ficiel, depuis quatre mois, émaille chaque
jonr ses colonnes : . '
« Le président de la République a visité
hier la section 07 de la classe LXXXIV ; »
Ou bien :
« Le président de la République visi
tera demain la section 84 de la classe
LXVII. »
Au premier abord, cela paraît tout sim
ple; au fond, rien n'est plus compliqué.
M. Carnot, le sait bien lui, et dans le loua
ble dessein d'épargner à ses successeurs
des difficultés qu'un génie spécial lai a
seul permis de vaincre, il a entrepris un
grand ouvrage qui aura pour titre : Manuel
du parfait visiteur, à Fusage des souverains
et autres personnages d'importance.
C'est même peur travailler en paix à ce
monument à la fois historique, didactique
et autobiographique, comme les Commen
taires de César, que l'auguste écrivain est
allé s'installer & Fontainebleau, loin de
Constans, de ses pompes et de ses circu
laires.
Une indiscrétion, comme il s'en commet
tant depuis quelques mois, m'a permis de
prendre communication du manuscrit pré
sidentiel et d'en copier quelques passages
ii l'intention de mes lecteurs. Je sais bien
qu'en les publiant avant l'heure je m'expose
beaucoup, et l'exemple de notre infortuné
garçon de bureau, impliqué, sans savoir
pourquoi, dans la grande affaire des papiers
de la Haute-Cour, devrait me faire réfléchir.
Mais quel journaliste digne de ce nom ne
braverait la prison pour procurer à ses lec
teurs une primeur intéressante ?
Sans autre préambule, je commence :
« VUES PRÉLIMINAIRES
« Une visite doit toujours paraître im
provisée; elle ne doit jamais l'être. Dans
les matières les moins importantes en ap
parence le véritable homme d'Etat n'aban
donne rien au hasard.
€ Le visiteur sera toujours accompagné
d'une suite convenable, tant civile que mi
litaire. Il faut qu'il ait constamment sous
la main des gens bien préparés à lui don
ner la réplique et à lui fournir l'occasion
de montrer de l'esprit. C'était le rôle que
jouaient autrefois les confidents dans la
tragédie classique. Les dramaturges mo
dernes ont essayé de s'en passer. On y re
viendra.
« DU COSTUME
« La question du costume est d'une im
portance capitale. L'histoire me reprochera
peut-être de l'avoir quelque peu négligée.
L'habit noir et la redingote, la redingote eU
l'habit noir, je ne sors pas de là. C'est un
tort. Brugère me l'a dit et Toulza partage
l'opinion de Brugère. Spuller, une fois, m'a
demandé pourquoi je n'avais pas de smo
king, et je n'ai su que lui répondre. Il pa
rait que le prince de Galles sort beaucoup
en smoking.
« Thévenet, qui est un homme du monde
consommé, me tourmente aussi depuis
longtemps pour que je commande un habit
rouge. Le rouge est une noble couleur. Le
conseil municipal serait flatté de me la voir
arborer au besoin, et les salons parisiens
en raffolent. Contenter en même temps le
faubourg Saint-Germain et l'hôtel de ville
serait assurément un coup de maître. Néan
moins j'ai demandé à réfléchir.
« Il y a aussi Fallières qui m'a proposé un
habit de montagnard en souvenir de mou
aïeul, et un gilet saint-simonien en souvenir
de mon père. Celte idée, qui consistait &
montrer au peuple les trois Carnot réunis
et résumés en ma personne, était tout à la
fois grandiose, ingénieuse et dynastique. Je
n'y ai pas absolument renoncé.
« Quant à l'idée de Freycinet qui voulait
que je reprisse tout simplement mon uni
forme d'ingénieur de seconde classe, elle
a été repoussée tout d'une voix. Oa m'au
rait pris, à l'Exposition, pour un subor
donné de M. Alphand.
« Quoiqu'il en soit, il est certain qu'il y
a quelque chose à faire dans cet ordre d'i
dées. J'ai remarqué que le shah de Perse
avec ses diamants, et Dinah-Salifou avec
son grand sabre étaient beaucoup plus re
gardés que moi dans les visites que nous
faisions ensemble. Et Dieu sait cependant
que ces deux monarques n'entendent rien
à l'art de visiter.
« J'en causerai avec Constans qui, lui
aussi, a son idée : quelque chose d'oriental
avec une ceinture ornée de pierreries ; il y
aurait là comme .une évocation de notre
politique coloniale, qui serait, à ce qu'il
prétend, du plus heureux effet.
« Pour moi, s'il faut l'avouer, je préfére
rais à tout cela un costume de général avec
des plumes blanches et un cheval noir...
Ah! si j'avais seulement une belle barbe
blonde, comme Nous verrons cela après
les élections. En tout cas, c'est un chapitre
que mes successeurs feront bien de médi
ter.
« SUR LE TERRAIN
« Il est essentiel que le visiteur comprenne,
ou du moins qu'il ait l'air de comprendre
toutes les machines qu'on fera fonctionner
devant lui, et qu'il puisse, au besoin, les
faire fonctionner lui-même.
« A l'exposition des chemins de fer, par
exemple, il demandera à monter sur la lo
comotive, et il étonnera le mécanicien par
sa compétence à serrer les freins ou à jouer
du sifflet.
« A l'exposition des billards, quelques
carambolages, comme les faisait si bien M.
Grévy, seront du plus heureux effet.
« A l'exposition des pianos,quelques ar
pèges bien sentis frapperont* très utile
ment l'imagination des masses.
« A l'exposition des tabacs, le visiteur
fabriquera une douzaine de cigarettes &
l'aide des appareils ingénieux qui suppri
ment l'usage de la colle.
« A la verrerie vénitienne, il soufflera
une fiasque que tout le monde trouvera su
blime et dont un Américain offrira, séance
tenante, cent dollars.
« Qu'on ne se récrie pas sur la difficulté!
J'ai fait tout cela, et bien autre chose en
core.
« Aux soieries de Lyon, j'ai mis en mou
vement un métier de tisseur et fabriqué
une bande de faille ornée de mon por
trait.
« Aux manufactures de Saint-Etienne,
j'ai tiré cinq coups de fusil dont quatre ont
fait mouche. Brugère n'en croyait pas ses
yeux. Il se souvient toujours des tirés de
Marly, et je crois bien qu'il me garde uu
peu rancune.
« A la panification mécanique, j'ai pétri
un petit pain d'un sou.
« A la laiterie anglaise, j'ai tenu à traire
une vache, confuse d'un pareil honneur, et
j'ai fabriqué une once de beurre exquis.
J'ai même eu à ce propos, un assez joli
mot :
« — Pourvu, ai-je dit, qu'on ne m'ac-
« cuse pas de faire mon beurre !»
« On a beaucoup ri, et comme le beurre
était sur une assiette, Gonstans l'a emporté
— pour n'en pas perdre l'habitude.
« Au phonographe, j'ai exécuté dans l'ap
pareil un couplet du Père la Victoire, d'une
façon si remarquable que l'imprésario Bar-
num a voulu m'engager, séance tenante,
pour une tournée en Amérique avec Sarah
Bernhardt.
« Rue du Caire enfin, je me suis essayé
à la danse du ventre. Malheureusement, il
est des choses que le génie même ne saa-
N 1 7903 — Édition quotidiens®
Mardi 27 Août 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION GEMI-eUOTIDIENNB
Un an. , .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. . 55 »
. . 23 50
. . 15 »
ÉTRANGER ■
(tntioN postais)
63 »
34 »
18 »
'^sabonnements partent dea 1" e4 16 de chaque mol»
UN NUMÉRO { Eg^tVmekte: Il ^
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
et départements
, . 30 »
. 16 »
. 8 50
ÉTRANGER
(union fostali)
36 m
19 »
10 »
On s'ahonne l Rome, place dn Gesù. 8
Les {.bonnement» partent des i« et 18 de chaque moif
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C 10 , 6, place de la Bourse
PARIS f 26 AOUT 1889
Nous publions ailleurs le résumé de,
divers discours politiques prononcés
hier en divers lieux par MM. Spuller et
Yves Guyot, ministres, et par les ex
ministres Ferry et Floquet. Le ton de
ces harangues n'est pas triomphant
et, malgré toutes les précautions pri
ses par le compère Gonstans, ministre
de l'intérieur, tous ces personnages
ne semblent pas très sûrs de leur suc
cès électoral,et bien moins encore du
succès final de la République. D'autre
fiart, le bruit court que M. Gonstans
ui-même, à tout hasard, se réserve
rait, pour le cas d'insuccès, un posta
de repos qui ne serait rien moins que
le gouvernement général de l'Algérie,
M. Tirman étant considéré dès aujour
d'hui comme prêt à se retirer définiti
vement. Ge serait là, en tous cas, de
bien faux calculs. Gar si la majorité
future de la Chambre est hostile au
gouvernement actuel, il n'y a nulle
apparence qu'elle ait souci de fournir
à M. Gonstans le fromage qu'il guigne
pour y grignotter à l'aise.
Dès à présent l'on se préoccupe, au
point de vue électoral, de l'échéance
des traités de commerce, qui, pour
l'ensemble de ces traités avec les na
tions étrangères,arrivera le 1 er février
1892. A ce propos on rappelle que l'ar
ticle 11 du traité de Francfort,dont la
France commercialement a tant souf
fert, parce qu'il attribuait à l'Allema
gne, dans ses relations d'affaires avec
la France, le traitement de la nation
la plus favorisée, pourrait virtuelle
ment être effacé. Sans doute, il ne
s'agit pas d'obtenir la suppression de
cet article, qui aura forcément toute
la durée du traité même de Francfort;
mais si la France décidait de ne re
nouveler aucun des traités de com
merce expirant en 1892, l'article 11
du traité de Francfort deviendait sans
'application. On conçoit dès lors tout
l'intérêt qui s'attache à la campagne
d'opinion entreprise dès à présent pour
le non-renouvellement des traités de
commerce.
Il règne en ce moment une véri
table panique en Italie, par suite de
la vive émotion qu'a produite la sus
pension des payements de la Banque
d'escompte de Turin. La crise finan
cière devient très grave et l'on s'at
tend à voir les guichets de toutes les
sociétés financières et des banquiers
assiégés par la population, qui n'a
plus aucune confiance.
La catastrophe aura un contre-coup
dans beaucoup de villes de l'Italie, une
autre banque, la Tibérine, ne payant
plus de traites depuis vendredi, et la
Banque Esquiline étant très menacée.
Le ministre des finances est arrivé à
Turin ; mais il ne peut apporter au
cun remède à cette situation, dont le
gouvernement est véritablement res
ponsable. Voilà un gros embarras que
n'avait pas prévu la diplomatie de M.
Crispi.
Le Fremdenblatt de Munich annonce
que le congrès catholique bavarois
aura lieu le 23 septembre. L'appel gé
néral porte jusqu'à cinq cents signa
tures.
Il parait que leMorning Post s'étonne
de n'avoir pas vu la presse française
célébrer avec effusion la visite à la
reine Victoria faite par l'empereur
Guillaume II. Ce-journal prend la
peine de nous assurer que « personne,
ni l'Angleterre ni l'Allemagne ne nour
rissent aucune intention hostile contre
la sécurité et la dignité de la nation
française ». Il ajoute que « le bon ac
cord de la plus grande puissance na
vale et de la plus grande puissance
militaire constitue la meilleure des
garanties pour la paix européenne ».
Le Morning Post assure a'ailleur3,
à nouveau,que la Grande-Bretagne ne
s'est nullement attachée au char de la
triple alliance. Seulement, d'après ce
qu'on nous fait savoir en même temps,
« le monde peut être assuré que si
jamais lord Salisbury vient à contrac
ter des alliances étrangères, ce minis
tre n'oubliera pas le principe du do ut
des. »
Les considérations que développe le
Morning Post sont, en somme, des
plus ambiguës. Les conclusions que
l'Angleterre ne poursuit pas de politi
que agressive et qu'elle peut sourire à
un ami sans pour cela vouloir man
quer de courtoisie envers un autre,
trouvera plus d'un incrédule.
P. S. — L'Agence Havas reproduit,
« à titre, de curiosité », dit-elle, la dé
pêche suivante envoyée de Rome au
Daily Chronicle :
La décision du majordome pontifical, de
refuser aux officiers et gardes du Vatican
leurs congés habituels, fait penser, dit la
correspondant anglais, à l'éventualité du
départ du Pape.
La commission cardinalice chargés de
fixer les dispositions relatives à cet événe
ment, a proposé que le Souverain Pontife
se rendît de Rome à Givita-Vecchia en voi
tare, accompagné par les ambassadeurs des
puissances. A Givita-Vecchia il gagnerait
directement l'Espagne par mer.
Un petit nombre de cardinaux suivraient
Léon XIII, qui investirait de pouvoirs ex
traordinaires les chefs des congrégations
restés & Rome.
Nous croyons savoir qu'il ne faut
voir là, en effet, qu'une « curiosité ».
La date du 26 août marque celle
d'un centenaire fameux. C'est en effet
à pareil jour, il y a cent ans, que fut
votée par la Constituante la Déclara
tion des droits de l'homme et du citoyen.
La proposition en avait été faite
dès le 7 août, et, après dix-neuf jours
d'élaboration, le document apparais
sait tout prêt pour le vote. « Quelle
leçon, s'écrie admirativement la Paix,
pour les parlementaires du dix-neu
vième siècle, à qui il faut quelquefois
trois ou quatre ans de discussions sté
riles pour élaborer la moindre réfor
me ! »
Nou3 n'avons nulle envie de défen
dre les « parlementaires du dix-neu
vième siècle »,dont le bagage, au point
de vue des votes raisonnables, est évi
demment des plus légers. Mais, s'ils
n'étaient coupables que de ne pas
avoir fait d'oeuvre semblable à celle de
la Déclaration des Droits de l'homme,
ijous les amnistierons bien volontiers
de ce chef. C'est le cas de dire, comme
.pour le sonnet d'Oronte, que « le
temps ne fait rien à l'affaire ».
En réalité, la Paix commet une
grosse maladresse quand elle veut, à
l'honneur des constituants dje 1789,
rappeler le souvenir du document dont
elle reproduit le texte. Il est difficile
en effet d'entasser un plus bel amas de
sottises, de contradictions, de sophis-
mes dangereux, . mêlés à quelques
dire3 prud'hommesques, qu'il est mal
aisé d'attribuer à une conception" de
génie. Cependant la Paix fait honneur
à Voltaire, à Jean-Jacques, à d'Alem-
bert, à Diderot, d'avoir mis leurs cer
veaux puissants au service de l'élabo
ration des principes révolutionnaires
finalement codifiés dans la Déclaration
des Droits de l'homme. A n'en pas
douter,ces affreux rhéteurs, qui furent
en même temps les plus criminels des
démolisseurs sociaux, demeurent res
ponsables d'avoir précipité le mou
vement de révolte inauguré par la ré
forme ; mais que cela leur soit un
honneur, ou que la Déclaration des
Droits de l'homme soit, de ce fait, une
œuvre de génie, non pas.
La preuve en est qu'à vouloir com
menter ce prétendu chef d'œuvre la
Paix ne trouve que des phrases aussi
creuses qu'ineptes, où il est parlé du
« compendium immuable du genre hu
main », des ? droits respectifs' de la
société et de l'homme », de « l'invio
labilité de la personnalité humaine »,
et finalement d'un « idéal fondé sur
des notions éternelles somme type
dont les peuples devaient se rappro
cher sans cesse dans leur évolution
vers l'unité »! 1
Ge qu'est cet idéal, la Paix ne le dit
pas, et pour cause. Ainsi ce journal
fait honneur à la « grande assemblée »
qui accoucha de la Déclaration, d'a
voir professé qu'il n'y avait pas « une
justice différente pour chaque nation,
une morale différant suivant les lati
tudes, et que ce qui est le bien et le
vrai en deçà de la frontière, ne peut
être le mal et le faux au delà ». Si
la Révolution s'était bornée à procla
mer cela, son œuvre était inutile, car
il y a longtemps que tel est l'ensei
gnement de la religion catholiquç.
Mais nul n'ignore que la Révolution
a fait tout autre chose. Et il est plai
sant d'entendre la Paix nous vanter la
Révolution comme ayant découvert
l'inviolabilité de la personnalité hu
maine,quand cette Révolution ne s'est
établie et maintenue qu'à l'aide deS:
plus horribles massacres.
Quant à l'ensemble des libertés que
la Révolution est censée avoir décou
vertes et garanties, il faut quelque
impudence pour en parler à propos
du centenaire, quand, par les décrets
d'une part, et, de l'autre,par le procès
de la Haute-Cour, on voit le cas
que nos modernes révolutionnaires
font de toutes ces précieuses libertés.
A uguste R oussel.
Le départ du Papa
Naguères, un de nos correspon
dants, appréciant l'effet produit en
Espagne par la nouvelle de l'éventua
lité de la venue du Pape en ce pays,
nous disait que, quels que fussent à
cet égard les sentiments du gouver
nement espagnol, il ne pourrait, le
cas échéant, avoir même l'idée de ré
sister à l'élan du sentiment catholi
que, ardent à réclamer pour l'Espagne
l'honneur de donner un asile au Pape
exilé. .
Ce que dit auj ourd'hui la Liberté con
firme absolument ces appréciations.
Nous y lisons :
Une correspondance de Rome fait savoir
qu'une députation de Catalans est allée au
Vatican supplier le Pape de se rendre à
Barcelone dans le cas où. il se déciderait à
partir. A ce sujet, il est question de dé
marches faites auprès du cabinet de Ma
drid par l'Autriche, l'Italie et l'Allemagne
pour lui demander de refuser un asile au
successeur de saint Pierre. Le gouverne
ment espagnol aurait, dit-on, cédé à cette
pression, et dé là les circulaires que quel
ques gouverneurs civils ont adressées aux
alcaldes pour leur rappeler que les ayun-
tamientos n'ont pas le droit de faire de la
politique internationale et leur défendre
d'exprimer leur dévouement à la Papauté.
Nous avons dit, dès que la question a été
soulevée, quelle serait l'attitude do l'Espa
gne officielle dans cette conjoncture. Il est
évident que M . Sagasta désire de tout son
cœur que le Souverain Pontife ne prenne
pas la résolution de venir en Espagne, et
qu'il n'a aucun souci de se mettre cet em
barras sur les bras ; mais il est évident
aussi que, si le Pape vient, il sera reçu
avec tout le respect qui lai est dû : il n'est
pas un Espagnol qui voudrait refuser l'hos
pitalité au Vicaire de Jésus-Christ, les uns
par sentiment religieux, et les autres, lés
plus libre-penseurs, par entraînement che
valeresque et par souci de la déférence à.
laquelle la faiblesse et la persécution ont
toujours droit.
Ce serait faire injure à la noblesse du ca
ractère espagnol que de supposer le con
traire. Un vieux dicton Castillan rappelle
que « l'honneur passe avant le devoir ». Il
ne se trouverait pas un gendarme,, pas un
douanier pour dire au chel de l'Eglise : On
ne passe pas. M. Crispi doit en prendre
son parti. Le Pape est sûr de trouver un
refuge en Espagne, le jour où les intérêts
du catholicisme l'obligeront à quitter la ca
pitale de l'Italie.
La Semaine religieuse du diocèse de
Carcassonne publie une communica
tion officielle de l'évêché qu'il est utile
de faire connaître, l'équivoque qu'elle
a pour but de dissiper étant habile
ment entretenue dans nombre de. dio
cèses par les deux sociétés dont il s'a
git. ■ . ,
Voici cette communication :
Plusieurs dames chrétiennes du diocèse
de Carcassonne ont demandé à leur évêque
quelle attitude elles doivent garder vis à-vis
des Associations des Dames françaises ou
des Femmes de France pour secours aux
blessés. Monseigneur a répondu que la pen
sée qui a inspiré ces œuvres se rattache au
système laïcisateur, qui cherché à rempla
cer la France chrétienne par la France sans
Dieu. A la laïcisation des écoles; des hôpi
taux, des prétoires, etc., oa veut ajouter la
laïcisation des ambulances. Le nom de l'œu
vre est beau, les mobiles mis en avant : le
patriotisme, la philanthropie, sont sédui
sants. Mais le but caché, inavoué, ne peut
être que condamnable : c'est l'exclusion de
la religion.
'Vainement, les fauteurs de ces œuvres
invoquent ils le grand principe de la neu
tralité; leur plan est percé à jour, et les
âmes sincèrement chrétiennes ne peuvent
oublier la parole de Jésus-Christ : Celui qui
n'est pas avec moi est contre moi.
(Communication officielle de l'évêché.)
Manœuvres italiennes
On écrit' d'une ville maritime d'Italie au
Journal des Débats :
A peine revenue de Porlsmouth, l'esca
dre allemande a été disloquée ; les plus
anciens de ses cuirassés restent armés dans
les ports du Nord et de la Baltique ; les
quatre plus récents, et aussi les meilleurs,
sant désignés pour se rendre à bref délai
dans la Méditerranée. On savait, en effet,
que l'empereur Guillaume II devait aller à
Athènes pour le mariage de sa sœur, en
octobre prochain, et qu'il désirait entrer
dans ie port du Pirée à la tête d'une force
navale imposante. <
Mais il est aussi permis de croire que
cette division allemande a, en outre, pour
mission d'entreprendre avec la flotte ita
lienne des manœuvres combinées.
D'autre part, la composition de l'escadre
d'évolutions italienne vient de subir un
remaniement complet. Cette force navale,
qui ne se composait, eu général, que de
4 cuirassés et d'un petit nombre de croi
seurs, comptera, au 1" septembre prochain;
6 cuirassés d'escadre des derniers modèles,
le Duilio, le Dandolo, l 'llalia, le.Lepanto, le
Francesco-Morisini, le Ruggiero-di-Lauria ;
quatre croiseurs blindés du type Gio
vanni Bausan, 7 éclaireurs d'escadre dont
la vitesse n'est pas inférieure à 18 nœuds,
enfin 24 torpilleurs de haute mer.
Les défenses mobiles des différents ports
de la côte tyrrhénienne et des lies viennent
d'être, en outre, constituées sur le pied de
guerre. La dernière main a été mise aux
travaux de la Maddalena et du canal de
Messine ; le roi Ilumbert, dans l'inspection
qu'il vient de passer en se rendant à Ta-
rente, a exprimé sa haute satisfaction de
voir ces deux points en état de servir de
bases d'opérations à. son armée navale.
Enfin (et, de l'avis des gens du métier,
ceci est plus grave), on vient de procéder à
la Spezia au mouillage de torpilles de fond
qui doivent barrer en temps de guerre les
passes de la digue. — Je dis en temps dé
guerre, parce que, en raison de la difficulté
de garder étanches les récipients de ces
mines sous-marines, on ne les mouille, en
général, qu'au dernier moment.
Par une coïncidence au moins digne de
remarque, les grands chalands eu tôle;
disons mieux, les batteries flottantes qui
doivent servir d'affûts aux canons de 110
tonnes de Krupp, spécialement destinés à
la défense de la digue, ont terminé leurs
essais et ont été mouillés à chacune des ex
trémités, l'un vers Santa-Maria, l'autre
vers Lerici.
A cet ensemble de nouvelles, voici
les commentaires qu'ajoute le Journal
des Débats :
Les renseignements qu'on vient de lira
nous sont envoyés par une personne par
faitement sûre et dont nous garantissons
la compétence. Oa sait qu'une partie de le
presse italienne a pour habitude d'accuser
de temps à autre la France de projeter un
coup de main sur un des ports militaires
de la péninsule. En ce moment où nos voi
sins déploient une si grande activité, notre
escadre d'évolutions est dispersée : une
division a été envoyée dans le Levant.Mais,
réunie, notre escadre ne compte que 9 cui
rassés prêts à entrer en ligne ; encore
croyons-nous savoir que leurs effectifs ne
sont pas complets. A la vérité, nous en
avons 7 autres en réserve à Toulon ; mais
nos lecteurs savent, par les études de notre
collaborateur spécial, que ces navires ne
seraient pas en situation dé figurer hono
rablement dans un conflit maritime avant
une dizaine de jours.
Ainsi, en présence des 10 cuirassés ita-
liênc (dont 4 croiseurs blindés), des 4 cui
rassés allemands, des 4 blindés que l'Au-r
triche entretientj prêts à quitter ses ports
do l'Adriatique, nous ne pourrions en ce
moment précis mettre en ligne que les 6
navires,qui forment les deux premières di
visions de l'escadre de la Méditerranée.
Ce qui précède constitue à la charge
du ministre de la marine une accu
sation dont nous n'avons pas besoin
de faire ressortir la gravité et sur la
quelle il serait bon que la lumière fût
faite officiellement.
L'Œuvre des Nouvelles Églises
DANS
LES NOUVEAUX QUARTIERS DE ROME
Nous signalions il y a quelque temps
l'arrivée à Paris de M.l'abbé Brugidou,
venu avec une mission du Souverain
Pontife, en vue de solliciter la. charité
catholique pour l'œuvre des nouvelles
églises dans les nouveaux quartiers
de Rome.
Rappelons en deux mots les motifs
de cette œuvre. On sait que les enva
hisseurs de Rome, non contents d'u
surper le domaine du Souverain-Pon
tife, ont'conçu le plan satanique de
bouleverser entièrement la physiono
mie de Rome. Ce plan comporte deux
opérations.
La première, c'est la destruc
tion, dans la Ro'mè chrétienne, des
plus anciens et sacrés souvenirs qui
s'attachent à tel couvent, à tel ora
toire, à telle basilique. Au mois d'oc
tobre de l'année dernière, nous avons
eu l'occasion, étant a Rome, de cons
tater de visu les progrès effrayants de
cet odieux vandalisme. Des massifs
de rues et de monuments étaient tout
entiers éventrés par la pioche des
démolisseurs, pour frayer à travers la
ville sainte des voies nouvelles et
des boulevards modernes avec tous
les adjuncta de la civilisation la
plus éhontée. Une longue expé
rience, en effet, a convaincu les enva
hisseurs sacrilèges que le peuple de
Rome, qui demeure attaché à sa foi,
ne se détacherait pas du Souverain-
Pontife. Pour avoir raison de cette fi
délité du peuple romain, il faut le cor
rompre et ; tel est le but, non avoué
parles chefs du pouvoir, mais très
manifeste, de la première opération
dont nous venons de parler. Au sur
plus, le monument récemment élevé
à Giordano Bruno avec la complicité
du gouvernement, dit assez dans quel
esprit on poursuit la transformation
matérielle et l'ornementation des nou
velles ru8s de Rome.
La seconde opération imaginée par
les envahisseurs pour s'implanter dé
finitivement dans Rome, ç'a été d'en
fermer toute l'ancienne ville et le Va
tican dans une série de constructions
nouvelles figurant à la lettre d'im
menses chaînes en pierres,— nous ne
dirons plus forgées, mais bâties pour
enserrer le Pape dans la prison du
Vatican. Parmi ces constructions,
celles qui encerclent le Vatican n'ont
pu, jusqu'ici,trouver que de rares ha
bitants,^ tant il semble au peuple que
la malédiction doive s'abattre sur
ceux qui s'aviseraient d'y prendre
pied. Mais il n'en est pas de même
dans les nouveaux quartiers qui s'é
tendent aux environs de la gare. A la
suite de l'armée des fonctionnaires ita
liens, des familles et des industries s'y
sont installées; dès lors,quel que fût le
caractère des événements qui avaient,
par cette immigration, modifié une
partie de la population romaine, le
Père commun des fidèles ne pouvait
abandonner le souci du salut des âmes
dans ces quartiers où, par un calcul
scélérat des envahisseurs, nulle place
n'avaif été faite aux édifices religieux
dans le tracé des constructions nou
velles. Ges églises, aujourd'hui il faut
les bâtir et tel est le but de la mis
sion confiée à M. l'abbé Brugidou.
Nous n'ajouterons rien de plus pour en
faire saisir l'importance. Aussi bien,
M. l'abbé Brugidou est accrédité par
le vicaire de Sa Sainteté, S. Em. le
cardinal Parocchi, et en disant cela
nous avons dit assez.
A uguste R oussel.
Voici la lettre que S. Em. le cardi
nal Parocchi a daigné adresser aux
journaux catholiques :
Très honoré monsieur,
J'ai l'honneur devons adresser M. l'abbé
Brugidou, directeur général de l'œuvre de
l'Adoration réparatrice à Rome.
Le but de sa démarche est de vous ex
primer mon grand désir de voir la presse
catholique s'intéresser vivement au sort re
ligieux des nombreuses populations qui oc
cupent les quartiers nouvellement construits
autour de la Ville sainte.
Si le culte catholique ne s'y organisé pas
bientôt et suffisamment, ces régions récem
ment habitées seront la proie des ennemis
du Saint-Siège; elles deviendront ea. per
manence eomme le camp retranché do tou
tes les conjurations sectaires contre la sainte
Eglise; de là naîtrait l'un dos plus graves
périls que puissent courir les intérêts si es
sentiels de la chrétienté à Rome.
Or, Sa Sainteté ne peut subvenir aux
fortes dépenses que nécessitent la con s truc
tion des églises et des établissements divers
qui doivent assurer le service religieux
dans ces nouvelles paroisses à créer.j
Par suite, le Saint-Père a jugé très op
portun et très utile de s'adresser par mou
intermédiaire à l'œuvre internationale de
l'Adoration réparatrice, dont le centre 'ïi
Rome rayonne déjà en une multitude de
.diocèses. Cette œuvre a le plus urgent be
soin elle-même de s'établir définitivement
.dans un sanctuaire qui lui soit consacré ; ce
sanctuaire devra s'ériger au sein de l'une
des plus importantes nouvelles régions do
la ville ; l'esprit et le but de cette œuvre
se prêtent d'ailleurs admirablement à la
mission supplémentaire qui vient de lui être
confiée en faveur des autres susdites égli
ses et institutions paroissiales.
J'ai donc l'intime confiance, monsieur le
directeur, que, vous inspirant do ces con
sidérations pour assister ainsi le Saint-
Père, vous loi procurerez aussitôt la conso
lation de faire valoir dans ce but tous les
moyens dont vous disposez.
Veuillez en recevoir déjà mes remercie
ments, dans l'assurance que tout ce que
vous croirez devoir entreprendre en vue de
propager l'œuvre de l'adoration réparatrice,
en vue aussi de répandre la souscription
qui va s'ouvrir, sera très agréable à Sa
Sainteté, me touchera profondément et
nous inspirera la plus vive gratitude.
Votre bien dévoué en Notre-Seigncnr.
L. M., C ARD .-V icaire.
Voici maintenant les conditions de
la souscription ouverte par l'œuvre de
l'Adoration Réparatrice pour la cons-
B»,
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 27 août 1887
PROPOS DIVERS
Dans trois ou quatre siècles, si l'usage
dure encore de désigner par un surnom les
souverains qui ont régné sur la France, M.
Carnot sera connu sans doute de nos ar
rière-neveux sous le nom de Carnot le Vi
siteur, et son histoire tiendra dans ce vers,
qui pourrait être de Voltaire :
Il visitait, visitait, visitait.
Visiter est en effet la fonction essentielle
de notre gracieux président, sa spécialité,
comme ils disent aujourd'hui. Et il s'en
acquitte d'une manière si remarquable
qu'on peut bien dire que jamais avant lui
on ne visita si bien, et qu'après lui jamais
peut-être on ne visitera mieux.C'est un don
de nature qui, chez M. Carnot, s'applique
à tout. On a dit ingénieusement de Dérou-
lède, ce grand innocent promis aux justices
de la prochaine Haute-Cour : « Il ne
marche pas, il défile. * On dirait aussi
justement de M. Carnot : « Il n e regarde
pas, ilvisite. »
Visiter, pour le vulgaire, est une chose
toute simple. Il y a des mortels superficiels
qui, parce qu'ils ont, moyennant leurs cent
sous, gravi les hauteurs de la troisième
plateforme, s'imaginent avoir visité la tour
Eiffel. D'autres, après avoir, du haut du
pont roulant, contemplé un fouillis inextri
cable de volants, d'excentriques et de
courroies de transmission, rentrent chez
eux et disent fièrement à leur famille : « J'ai
visité la galerie des machines. »
Pauvres gens ! Esprits à courte vue I Ils
ne savent pas par approximation ce qu'il
faut entendre par ce mot : « Visiter ». Ils
ne soupçonnent pas les complications infi
nies que recèle cette note banale dont l'Of
ficiel, depuis quatre mois, émaille chaque
jonr ses colonnes : . '
« Le président de la République a visité
hier la section 07 de la classe LXXXIV ; »
Ou bien :
« Le président de la République visi
tera demain la section 84 de la classe
LXVII. »
Au premier abord, cela paraît tout sim
ple; au fond, rien n'est plus compliqué.
M. Carnot, le sait bien lui, et dans le loua
ble dessein d'épargner à ses successeurs
des difficultés qu'un génie spécial lai a
seul permis de vaincre, il a entrepris un
grand ouvrage qui aura pour titre : Manuel
du parfait visiteur, à Fusage des souverains
et autres personnages d'importance.
C'est même peur travailler en paix à ce
monument à la fois historique, didactique
et autobiographique, comme les Commen
taires de César, que l'auguste écrivain est
allé s'installer & Fontainebleau, loin de
Constans, de ses pompes et de ses circu
laires.
Une indiscrétion, comme il s'en commet
tant depuis quelques mois, m'a permis de
prendre communication du manuscrit pré
sidentiel et d'en copier quelques passages
ii l'intention de mes lecteurs. Je sais bien
qu'en les publiant avant l'heure je m'expose
beaucoup, et l'exemple de notre infortuné
garçon de bureau, impliqué, sans savoir
pourquoi, dans la grande affaire des papiers
de la Haute-Cour, devrait me faire réfléchir.
Mais quel journaliste digne de ce nom ne
braverait la prison pour procurer à ses lec
teurs une primeur intéressante ?
Sans autre préambule, je commence :
« VUES PRÉLIMINAIRES
« Une visite doit toujours paraître im
provisée; elle ne doit jamais l'être. Dans
les matières les moins importantes en ap
parence le véritable homme d'Etat n'aban
donne rien au hasard.
€ Le visiteur sera toujours accompagné
d'une suite convenable, tant civile que mi
litaire. Il faut qu'il ait constamment sous
la main des gens bien préparés à lui don
ner la réplique et à lui fournir l'occasion
de montrer de l'esprit. C'était le rôle que
jouaient autrefois les confidents dans la
tragédie classique. Les dramaturges mo
dernes ont essayé de s'en passer. On y re
viendra.
« DU COSTUME
« La question du costume est d'une im
portance capitale. L'histoire me reprochera
peut-être de l'avoir quelque peu négligée.
L'habit noir et la redingote, la redingote eU
l'habit noir, je ne sors pas de là. C'est un
tort. Brugère me l'a dit et Toulza partage
l'opinion de Brugère. Spuller, une fois, m'a
demandé pourquoi je n'avais pas de smo
king, et je n'ai su que lui répondre. Il pa
rait que le prince de Galles sort beaucoup
en smoking.
« Thévenet, qui est un homme du monde
consommé, me tourmente aussi depuis
longtemps pour que je commande un habit
rouge. Le rouge est une noble couleur. Le
conseil municipal serait flatté de me la voir
arborer au besoin, et les salons parisiens
en raffolent. Contenter en même temps le
faubourg Saint-Germain et l'hôtel de ville
serait assurément un coup de maître. Néan
moins j'ai demandé à réfléchir.
« Il y a aussi Fallières qui m'a proposé un
habit de montagnard en souvenir de mou
aïeul, et un gilet saint-simonien en souvenir
de mon père. Celte idée, qui consistait &
montrer au peuple les trois Carnot réunis
et résumés en ma personne, était tout à la
fois grandiose, ingénieuse et dynastique. Je
n'y ai pas absolument renoncé.
« Quant à l'idée de Freycinet qui voulait
que je reprisse tout simplement mon uni
forme d'ingénieur de seconde classe, elle
a été repoussée tout d'une voix. Oa m'au
rait pris, à l'Exposition, pour un subor
donné de M. Alphand.
« Quoiqu'il en soit, il est certain qu'il y
a quelque chose à faire dans cet ordre d'i
dées. J'ai remarqué que le shah de Perse
avec ses diamants, et Dinah-Salifou avec
son grand sabre étaient beaucoup plus re
gardés que moi dans les visites que nous
faisions ensemble. Et Dieu sait cependant
que ces deux monarques n'entendent rien
à l'art de visiter.
« J'en causerai avec Constans qui, lui
aussi, a son idée : quelque chose d'oriental
avec une ceinture ornée de pierreries ; il y
aurait là comme .une évocation de notre
politique coloniale, qui serait, à ce qu'il
prétend, du plus heureux effet.
« Pour moi, s'il faut l'avouer, je préfére
rais à tout cela un costume de général avec
des plumes blanches et un cheval noir...
Ah! si j'avais seulement une belle barbe
blonde, comme Nous verrons cela après
les élections. En tout cas, c'est un chapitre
que mes successeurs feront bien de médi
ter.
« SUR LE TERRAIN
« Il est essentiel que le visiteur comprenne,
ou du moins qu'il ait l'air de comprendre
toutes les machines qu'on fera fonctionner
devant lui, et qu'il puisse, au besoin, les
faire fonctionner lui-même.
« A l'exposition des chemins de fer, par
exemple, il demandera à monter sur la lo
comotive, et il étonnera le mécanicien par
sa compétence à serrer les freins ou à jouer
du sifflet.
« A l'exposition des billards, quelques
carambolages, comme les faisait si bien M.
Grévy, seront du plus heureux effet.
« A l'exposition des pianos,quelques ar
pèges bien sentis frapperont* très utile
ment l'imagination des masses.
« A l'exposition des tabacs, le visiteur
fabriquera une douzaine de cigarettes &
l'aide des appareils ingénieux qui suppri
ment l'usage de la colle.
« A la verrerie vénitienne, il soufflera
une fiasque que tout le monde trouvera su
blime et dont un Américain offrira, séance
tenante, cent dollars.
« Qu'on ne se récrie pas sur la difficulté!
J'ai fait tout cela, et bien autre chose en
core.
« Aux soieries de Lyon, j'ai mis en mou
vement un métier de tisseur et fabriqué
une bande de faille ornée de mon por
trait.
« Aux manufactures de Saint-Etienne,
j'ai tiré cinq coups de fusil dont quatre ont
fait mouche. Brugère n'en croyait pas ses
yeux. Il se souvient toujours des tirés de
Marly, et je crois bien qu'il me garde uu
peu rancune.
« A la panification mécanique, j'ai pétri
un petit pain d'un sou.
« A la laiterie anglaise, j'ai tenu à traire
une vache, confuse d'un pareil honneur, et
j'ai fabriqué une once de beurre exquis.
J'ai même eu à ce propos, un assez joli
mot :
« — Pourvu, ai-je dit, qu'on ne m'ac-
« cuse pas de faire mon beurre !»
« On a beaucoup ri, et comme le beurre
était sur une assiette, Gonstans l'a emporté
— pour n'en pas perdre l'habitude.
« Au phonographe, j'ai exécuté dans l'ap
pareil un couplet du Père la Victoire, d'une
façon si remarquable que l'imprésario Bar-
num a voulu m'engager, séance tenante,
pour une tournée en Amérique avec Sarah
Bernhardt.
« Rue du Caire enfin, je me suis essayé
à la danse du ventre. Malheureusement, il
est des choses que le génie même ne saa-
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