Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-07-26
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 juillet 1889 26 juillet 1889
Description : 1889/07/26 (Numéro 7877). 1889/07/26 (Numéro 7877).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 26 Juillet 1&89
tî* 787? — Édition quotidienne
Vendredi 26 Juillet 1889
Edition quotidienne
édition semi-quotidienne
PARIS
El DÈPAEIEIIETS
Un an. .... 55 »
Six mois. . . , 28 50
Trois mois. . . 15 »
ETRANGER
(vision postais)
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... S5 cent.
UN NUMERO
Paris ......
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BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
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PARIS
ci départements
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Les cbonncmcnts partent des 1" et 16 de chaque moH
L'USIYERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C">, 6, place de la Bourse
FRÀrîGB
PARIS, 25 JUILLET 1889
Eat-ceque MM. Thévenet et Ques
nay de Beaurepaire commenceraient à
douter de la complaisance de la majo
rité du Sénat érigé en haute cour ?
Voilà que des journaux antiboulan
gistes annoncent que l'on scinderait
les faits imputés dans le réquisitoire
au général Boulanger; la haute cour
retiendrait tout ce qui est relatif à
l'attentat et au complot si peu prou
vés, et le conseil de guerre serait saisi
des faits de dilapidation. Déjà, M.
Quesnay de Beaurepaire préparerait
un nouveau réquisitoire.
L'opinion ne verra là qu'une nou
velle preuve des embarras de nos mi
nistres.
Nous avons dit que de nombreux
journaux de Paris devaient compa
raître hier devant la police correction
nelle, pour répondre de la publication
de l'acte d'accusation de M. Quesnay
de Beaurepaire. L'audience a été amu
sante ; les coupables montraient peu
de repentir, et le procureur général
n'aura pas été content des observa
tions de plusieurs avocats sur son do
cument ultrafantaisiste.
Gela s'est terminé par une condam
nation générale ; le délit était patent ;
les journaux du matin ont eu 100 fr.
d'amende, ceux du soir 50 francs ; le
Parti ouvrier , comme peu riche, n'a eu
que 25 francs.
On annonce que de nombreux jour
naux de province, peut-être deux cents,
sont également poursuivis.
A quelle date auront lieu les élec
tions législatives? On dit que le mi
nistère est fort tiraillé. D'une part, il
voudrait les avancer pour ne pas lais
ser à ses adversaires le temps d'ache
ver leur campagne; d'autre part, crai
gnant de plus en plus une défaite, il
ne serait pas fâché de la retarder,
quoique ce soit reculer pour mieux
sauter. Les journaux officieux eux-
mêmes laissent deviner tous leurs em
barras, qui témoignent de ceux du
gouvernement.
Nous signalions, hier, la réponse
des boulangistes aux révocations que
font les ministres dans l'espoir, sans
doute illusoire, de faire marcher leur
personnel; en voici une nouvelle : M.
Andrieux, en annonçant la révocation
d'un fonctionnaire de l'arrondissement
de Forcalquier, déclare qu'il maintien
dra leur traitement à tous ceux qui
seront ainsi frappés, jusqu'au jour où
il leur aura fait rendre justice. Si
MM. Constans, Rouvier et Thévenet
s'étaient flattés de décourager leurs
adversaires, ils peuvent voir, dès à
présent, combien ils se sont trompés.
Nous publions plus loin une circu
laire de M. Rouvier aux trésoriers-
çayeurs généraux ; il faut que les
tonctionnaires des finances marchent
comme les autres ; mais marcheront-
ils? M. Rouvier lui-même n'en jure
rait pas.
Le télégraphe avait résumé et cer
tains journaux avaient commenté,
sans même attendre d'en avoir une
pleine connaissance, un article de
l' Osservatore Romano au sujet des bruits
relatifs au départ du Pape ; notre cor
respondant de Rome nous envoie la
traduction de cet article, qui fait jus
tice des nouvelles hasardées qu'on
avait répandues.
C'est, du reste, un spectacle bien
curieux, bien instructif^ que celui que
donnent les journaux,français comme
étrangers, au sujet de cette éventua
lité du départ du Pape. Même des
journaux qui, volontiers, soutiennent
d'habitude que l'Eglise est finie, s'é
meuvent de ce départ ; ils avouent
ainsi que la question romaine n'est pas
une question purement italienne.
L'aveu doit singulièrement déplaire
à M. Grispi ; mais il est fait aussi par
ses propres journaux. Nous pouvons
dire qu'il le fait lui-même par les me
sures extraordinaires de surveillance
prises en vue d'un départ du Pape.
Le roi Milan est arrivé à Belgrade ;
jusqu'à présent sa présence n'a causé
aucun désordre. Il se produit, du reste,
dans les Balkans, un certain apaise
ment. Combien cela durera-t-il ?
M. l'abbé Dellès a été élu hier à
Metz; il n'avait pas de concurrent; on
compte qu'il réunira environ 9,000
voix. Evidemment bien des électeurs,
voyant que l'abbé Dellès était seul
candidat et que son élection était as
surée, n'auront pas cru devoir se dé
ranger.
Le Peupla
Un préjugé savamment entretenu
veut que les corps d'arts et métiers, à
la fin du dix-huitième siècle,ne fussent
plus en rapport avec l'état des mœurs
et des intérêts. Les abus qui se déve
loppaient dans leur sein rendaient
donc leur chute inévitable. Ces abus,
révélés plus tard par les politiciens
pour justifier la révolution,se résument
dans le monopole qui renchérissait les
denrées it dans la privation du travail
pour ceux qui n'appartenaient pas aux
corporations.En un mot la corporation
opprimait les consommateurs et parti
culièrement les ouvriers.
Ces fables peuvent être contrôlées
par nombre de gens encore vivants,
et qui peuvent se remémorer les im
pressions de leur enfance. Dans quelle
ville les corporations ont-elles laissé
de fâcheux souvenirs ? Les savants du
fond de leur cabinet font des systèmes.
Turgot calcule qu'il est opprimé par
les corporations, mais quelle expé
rience en avait-il? Allait-il au marché?
Sur ce point, l'avis de sa cuisinière
aurait plus de poids que le sien. On
s'est bien gardé de le demander. L'er
reur des politiciens a été de raisonner
sur la corporation comme si elle était
un système,une abstraction imposée à
la France. Les corporations sont nées
toutes seules. Si à Paris elles ont été
mêlées à la politique, dans cinquante
villes de province elles se sont renfer
mées dans le cadre de leur institution.
C'est là qu'il faut les étudier. Elles ne
dépendent pas d'un centre, d'une au
torité générale. Elles sont locales, mu
nicipales, s'arrangent avec les gens
du lieu. Ces règles,que le savant juge
inflexibles, se plient donc facilement
au temps, aux circonstances. C'est là
le caractère des coutumes. Toutes les
histoires des corporations sont faites
en dehors d'une étude qui les embras
serait toutes et ressemblent à une théo
rie qui s'étaye de faits habilement
choisis.
On nous fera difficilement croire
que la classe ouvrière, par ces corpo
rations, opprimait la bourgeoisie. La
corporation faisait essentiellement
partie de la cité. Elle étendait ses opé
rations dans un cercle limité. La con
currence calculait les chances. Le
paupérisme n'avait pas prise. Aujour
d'hui, on crie contre l'apprentissage,
qui était le fondement de la corpora
tion, sans réfléchir que nos professions
libérales sont précédées de stages,
d'études fort coûteux. Etant donnée
la clientèle locale, n'était-il pas sage
d'écarter les concurrents qui n'au
raient pas trouvé à vivre? Par plus
d'ouvriers qu'il n'en fallait, les condi
tions économiques et sociales de la
cité étaient bouleversées : toutes les
familles d'ouvriers subissaient la gêne,
un certain nombre tombaient dans la
misère. Une population mécontente,
révolutionnaire se développait. La
corporation pourvoyait à cela en
maintenant dans la cité une classe
éminemment conservatrice. Pour
qu'il y eût oppression, il aurait fallu
que la classe ouvrière se mît en
grève : c'est ce qui n'arrivait jamais;
la famille ouvrière se maintenait
par son travail journalier ; seulement
elle avait ce qui manque aux ouvriers
modernes : la sécurité du lendemain.
La coutume attachait l'individu à son
lieu de naissance ; il était naturel
qu'une ville se crût en droit de véri
fier les titres des nouveaux venus, et
n'admit que des gens pouvant se suf
fire à eux-mêmes. En dehors des cor
porations, restaient dans les campagnes
et dans la domesticité une foule de pla
ces ; les industries destinées à desser
vir les campagnes étaient nombreu
ses, ouvertes à tous. L'agglomération
urbaine s'augmentant d'une popula
tion instable, à l'existence précaire,
tourne à la révolution. C'est ce que
nous voyons aujourd'hui; et toute la
classe populaire finit par prendre mo
dèle sur celle des .villes.
L'ancienne société n'empêchait per
sonne de travailler. Mais elle tenait à
ce que chacun demeurât, autant que
possible, à son lieu de naissance, au
milieu de personnes connues, liées à
lui par des devoirs de parenté et de
voisinage. Le plus pauvre paysan avait
sa maison. Et dans les villes, les fau
bourgs s'allongeaient en maisons d'ou
vriers. Des philanthropes modernes ont
eu la bonne intention de céder à bas
prix des maisons aux ouvriers. Mais ne
pouvant soustraire ces maisons à l'hy
pothèque, la famille de l'ouvrier en
était bientôt dépouillée. On ne veut
fias d'un ouvrier conservateur, c'est
a classe ouvrière qui fait les émeutes,
les gouvernements ; et c'est à quoi
elle ne servirait plus si elle était main
tenue par ses intérêts en état de sta
bilité. Aussi les politiciens s'entendent
{jour l'assujettir à des lois qui la
aissent toujours disponible pour
tous les changements politiques ou
sociaux.
Nous comprenons pourquoi la révo
lution a frappé tout d'abord la classe
populaire et bien avant 1789. Cette
classe par ses corporations était atta
chée à l'ordre social, au gouverne
ment, à l'Eglise. Elle constituait l'obs
tacle le plus sérieux aux projets de la
secte philosophique. On sait combien
Voltaire la méprisait ou affectait de la
mépriser. Les corporations furent abat
tues, et, ce qui prouve qu'elles ne vou
laient pas la révolution, c'est que plus
d'ouvriers furent guillotinés que de
nobles et de prêtres. Tous les ouvriers
ne parvenaient pas à la maîtrise. Vit-
on des vengeances exercées par les
compagnons ou les apprentis contre
les maîtres ? Paris n'avait pas alors
cinq cent mille âmes, le reste de la
France était cinquante fois plus con
sidérable. Et si l'on veut juger de la
paix sociale d'un pays, c'est à l'en
semble de ses villes et de ses villages,
et non à sa capitale, qu'il faut s'adres
ser. La liberté du travail existant dans
les villages, elle existait aussi sous une
forme plus savante, plus compliquée,
dans la ville, car la corporation est le
libre gouvernement des ouvriers par
eux-mêmes. Seulement c'était un gou
vernement conservateur, non révolu
tionnaire. C'est ce qui fait que de fort
honnêtes gens de ce temps-ci n'y com-
{>rennent rien. Leur esprit, féru à
eur insu d'idées révolutionnaires,
feoïïfond la liberté avec la servi
tude.
La révolution a détruit tous les
corps autonomes, et le but de toutes
nos lois depuis un siècle est de les
empêcher de se rétablir. On dit que
les corporations étaient incompatibles
avec le développement de l'industrie.
Cet argument n'a pas été mis en
avant. Est-ce qu'une grande fabrique
ne peut pas sous une loi de stabilité
assurer l'avenir de sa fabrication et
de son personnel ? L'industrie se pro
portionnait autrefois à un marché lo
cal, que l'ouvrier embrassait d'un re
gard et sur lequel il pouvait compter.
La révolution, en ôtant toute réalité
aux localités et en concentrant à Pa
ris tout le mouvement politique et
social, offrait toute la France pour
champ à l'industrie. Alors la direction
de l'industrie fut enlevée à la classe
ouvrière et passa au mains des agio
teurs, des capitalistes, des inventeurs.
Tout le bénéfice du travail fut écumé
par des étrangers. Aujourd'hui le mar
ché français n'est déjà plus assez éten
du et il se noie dans le libre-échange
universel, qui force le peuple français
à lutter contre tous les peuples.
D'ailleurs les adeptes officiels de la
révolution n'en méconnaissent pas
le caractère cosmopolite ; ils le pro
clament chaque jour. Le gouverne
ment populaire du travail, sous la
forme de petites sociétés locales,
devait être 1 objet des premiers coups
de la révolution puisqu'il était un obs
tacle à l'unification universelle. Aux
hommes de pratique et d'expérience
succédait dans le gouvernement du
pays la domination des philosophes,
des savants, des économistes, des poli
ticiens de toute sorte. Rien n'aurait
été possible aux hommes de 89 si nos
grandes villes, par la désorganisation
du travail, n'avaient été jetées de force
dans le mouvement ; d'un autre côté,
ces petites sociétés de travail, sans
lien entre elles, sans représentation
dans l'Etat, ne pouvaient résister aux
assemblées révolutionnaires agissant
avec l'unité d'une force générale. La
corporation, par l'institution chré
tienne qui l'accompagnait, était plus
hostile à la révolution que la noblesse.
Par ses tenants et aboutissants, elle
pénétrait dans toutes les familles du
peuple et les imprégnait d'un esprit
de conservation sociale.
Tous les partis revendiquent pour
notre révolution l'honneur d'être uni
verselle. On ne saurait avouer de meil
leure grâce qu'elle n'a rien de na
tional. L'Angleterre, l'Allemagne n'ont
pas manqué de changements politi
ques. Mais il est facile de remarquer
que la lutte de deux forces sociales
n'est pas nécessairement une destruc
tion de l'Etat, et qu'elle peut au con
traire fortifier l'Etat, en permettant à
un élément social d'y prendre plus de
prépondérance. La révolution anglaise
de 1688 nous a été présentée par
nos politiciens comme le type de
notre révolution de 1830. Ces deux
faits ne se ressemblent ni dans leurs
principes ni dans leurs résultats. Le
premier s'est autorisé de la défense
des coutumes normandes de succes
sion menacées par la royauté. II s'est
opéré par la classe supérieure. Tandis
que notre révolution de 1830 a été une
recrudescence du 14 juillet 1789, une
émeute. La Restauration représentait
seule ce qui restait de l'ancien droit.
Nous savons maintenant si la méthode
jacobine de l'émeute a pu procurer à la
France laliberté politique.Cette liberté,
imposée au peuple sous le nom d'égalité,
met ses intérêts d'existence et de tra
vail à la merci de politiciens qui n'ont
jamais produit leur nourriture, et qui
naturellement vivent aux dépens des
classes laborieuses. Notre révolution
ne s'est pas arrêtée parce qu'elle n'a
pas trouvé une classe organisée pour
en prendre l'initiative et la direction.
Le fait de la destruction sociale par
l'affaiblissement progressif du pouvoir
était accompli avant 1789. Le peuple
resta longtemps royaliste, conserva
teur. Encore en 1848, les politiciens se
moquaient des ruraux. Toujours est-il
que la révolution agonise entre les
mains de la bourgeoisie et passe dans
celles d'un socialisme populaire.
Comme à la chûte de l'empire ro
main, il ne reste sur notre sol qu'un
seul principe d'autorité, une seule so
ciété organisée, l'Eglise. Lui laissera-1-
on le temps d'unir tant de vieux dé
bris que nous nommons orgueilleuse
ment la société nouvelle?
C oquille.
Pauvres principes!
Les journaux antiboulangistes trou
vent, naturellement, très mauvais que
le général Cromwell se permette de
narguer la loi votée par la Chambre,
expirante, pour interdire les candida
tures multiples. Ils sont indignés que
l'on se joue ainsi des mesures prises
dans le but de « protéger », comme dit
le Temps , « les libertés publiques ».
(Il n'y a pas un journal qui ait autant
d'aplomb que le Temps , lorsqu'il s'en
mêle.) •
Les journaux antiboulangistes ne
trouvent point seulement la manifes
tation du général indécente, et même
presque factieuse ; ils s'accordent
presque tous, en outre, à la déclarer
inepte. Transformer des élections au
conseil général en élections politiques,
a-t-on jamais vu cela? Quel contre
sens ! Faut-il être dévoré par l'envie
d'avoir un petit plébiscite,quelconque!
Mais les élections au conseil général
ne doivent pas être politiques ! Il nè
peut s'agir, dans les élections au con
seil général, que des intérêts départe
mentaux, etc., etc.
Ce sont des républicains qui parlent
ainsi! Allons,vous verrez qne, succes
sivement, ils renieront tous leurs
principes, tous! Pas un n'obtiendra
grâce, pas un ne demeurera debout,
respecté. Oui, périssent tous les prin
cipes, plutôt que le reluisant régime
actuel!
Cependant, si M. Spuller, lui-même,
foule aux pieds les principes de son
parti, nous devons dire qu'il fait au
moins une exception. Il considère en
core, ainsi que tous les républicains
autrefois, lorsqu'ils n'avaient pas in
venté l'ingrat Boulanger, les élections
au conseil général comme ayant une
importance, une signification politi
ques. Et, se représentant au conseil
général de la Côte-d'Or, dont il est
membre, il le dit formellement aux
électeurs.
Lisez plutôt : mais prenez d'abord
haleine, car la phrase est terriblement
longue:
Les élections au conseil général n'étant
que la préface des élections législatives,
je viens vous déclarer, au nom des plus
grands intérêts de la patrie, que notre de
voir de républicains consiste à établir, dans
les assemblées . départementales comme
dans la Chambre des députés, une majorité
de gouvernement qui fasse les affaires du
pays, en dehors de toutes les coteries et au-
dessus de toutes les divisions; qui ne soit
ni routinière ni aventureuse, mais animée
d'un sérieux esprit d'ordre et de progrès;
qui aille sans cesse de l'avant, mais tou
jours avec prudence, et surtout qui soit
fermement résolue à faire respecter la ré
publique, le gouvernement nécessaire de
notre démocratie, par tous ses ennemis dé
clarés ou hypocrites, aussi bien par ceux
qui osent nous attaquer ouvertement par
l'outrage et la calomnie que par ceux qui se
glissent dans nos rangs pour nous diviser
et nous détruire.
Chers concitoyens, c'est ainsi que je
comprends le devoir : avec votre appui, je
saurai le remplir. Vous me connaissez, je
n'ai rien de plus à vous dire qu'union et
confiance.
Vive la république !
E. SPÛLLEII,
ministre des affaires étrangère»,
député de la Côte-d'Or, vies-
président du conseil général,,
conseiller sortant.
Que ce Spuller est importun * pour
un opportuniste ! Et comment les
feuilles qui soutiennent le régime
vont-elles prendre ce gênant respect
des vieux principes ?
Mais, voyez le malheur, la rfatalité !
Il faut que les républicains parlemen
taires soient décidément perdus. Frap
pés d'un esprit de vertige et d'erreur,
ils semblent ne plus savoir ce qu'ils
font, où ils vont. S'ils respectent un
principe, par la même occasion,ils en
méprisent ouvertement un autre. Et
voilà M. Spuller, un consciencieux...
relatif, qui, se présentant aux élec
teurs, a soin de se parer, bien en pre
mière ligne, de son titre de ministre
des affaires étrangères. Que fait-il du
principe qui interdit et flétrit la can
didature officielle ?
Il est juste, d'ailleurs, de dire que,
sur ce terrain, il est dépassé, dépassé
même de beaucoup. 11 l'est par M.
Yves Guyot, notamment. Celui-ci
pousse le mépris de ce principe,comme
des autres, jusqu'au cynisme. Le mi
nistre des travaux publics se présente
dans le premier arrondissement de
Paris pour les élections législatives.
Et voici la principale phrase de sa cir
culaire :
Membre du gouvernement, je demando
aux électeurs du centre même de la capi
tale de se prononcer entre ceux qui mettent
leur honneur à servir et à détendre la ré
publique, et ces gens qui ne se masquent
de son étiquette que pour entraîner des ré
publicains à la duperie de faire l'appoint
nécessaire au triomphe de la coalition de
ses ennemis. .
Quelles n'eussent pas été jadis, lor-
qu'ils n'étaient point nos maîtres, les
vociférations de tous les républicains,
si un ministre-candidat se fût permis
de se prévaloir, avec cette impudente
tranquillité, de sa situation officielle ?
Et même, il n'y a pas encore long
temps, ils n'auraient point souffert,
chez l'un d'entre eux, ce mépris trop
affiché des principes. Opportuniste, le
candidat aurait été violemment blâmé
par les radicaux, et n'aurait pas été
soutenu par les siens. Radical, il.eût
été vigoureusement flétri par les op
portunistes, et n'eût pas trouvé d'ap
pui auprès de ses pareils. Mais, main
tenant, tout est permis. M.Yves Guyot,
sans doute, aura devant lui un candi
dat boulangiste, et alors... foin des
principes
P ierre V euillot.
Bilan de l'opportunisme
Sous ce titre, plusieurs journaux
publient une statistique établissant
que depuis douze ans les opportunistes
ont tout dilapidé, jusqu'aux ressources
confiées en dépôt, jusqu'à l'argent des
petits et des malheureux.
Voici des chiffres officiels qui l'éta
blissent :
Déficit annuel 1
650 millions.
Déficit accumulé depuis 1.2 ans
8 milliards.
Impôts annuels par Icle
111 francs.
Budget annuel
4 milliards.
Dette de la Prance
38 milliards.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU 26 JUILLÊT 1889
COl'RMER DE L'ERUDITION
i. — l'ancien conseil du roi
On n'imagine pas jusqu'à quel point la
doctrine révolutionnaire est arrivée îl faire
la nuit sur nos anciennes institutions et à
tromper le public sur les conditions les plus
élémentaires du gouvernement monarchi
que. L'historien qui vient aujourd'hui dé
montrer, pièces en main,: que le roi n'était
pas &, lui seul toute la France, ni même
tout l'Etat, en dépit du mot fameux prêté à
Louis XIV, semble pour tout de bon émet
tre un paradoxe ; les uns le prennent pour
un homme de parti, plaidant une thèse
politique, les autres le regardent tout au
moins comme un esprit hardi, comme un
novateur.
Qui de nous connaît le rôle considérable
joué dans notre histoire par les conseils du
roi, rôle que viennent de remettre en lu
mière les beaux travaux de M. Noël Valois,
honorés cette année d" grand prix Go-
(1) Etude historique sur le conseil du roi, en
tète du premier volume de Y Inventaire des ar
rêts du conseil d'Etat ; Paris, Imprimerie na
tionale, 1886, in-4°. — Le conseil du roi aux
IV e , XV 0 et XVI e siècles ; Paris, Picard,
•8".
bert (1) ? Qui n'a pas été élevé dans cette
conviction profonde, que le souverain se
guidait, dans les questions les plus impor
tantes, d'après son bon plaisir? « Cartel
est notre plaisir >, dit une formule célèbre.
En voilà bien la preuve I
Assurément les charmes du parlementa
risme étaient inconnus du moyen âge et de
l'ancien régime, et, à part certaine séance
orageuse où Henri III faillit tuer de sa main
le chevalier de Seurre, coupable d'avoir
mis en doute sa bonne foi et d'avoir traité
de larron un intendant des finances, les
séances du conseil ne, rappelaient que de
fort loin celles de nos grands corps politi
ques. Dans ces dernières, une pareille épi-
thète passerait aujourd'hui presque inaper
çue; le pugilat seul excite encore quelque
peu d'émotion parmi les assistants : encore
cette argumentation de haut goût n'attire-
t-elle aucune réprimande, aucun châtiment
sur ceux qui ont le courage de l'employer.
D'après leur règlement, au contraire, les
conseillers du roi qui se permettaient la
moindre parole injurieuse étaient frappés
d'exclusion, sans préjudice d'autres peines
proportionnées au délit. Bien plus, ils ne
devaient troubler les délibérations ni par
des gestes ni par des conversations parti
culières. Juste ciel I que d'ouvrage pour les
présidents de nos assemblées s'il leur fal
lait appliquer une loi semblable!
Mais il n'en est pas moins certain que la
nation prenait part, dans une mesure sage
ment et justement modérée, au gouverne
ment du pays ; les études que je signale
viennent le prouver une fois de plus. A dira
vrai, ce n'est pas le Sénat ni la Chambre
des députés que représente,dans le gouver
nement de l'ancienne France, le conseil su
périeur envisagé ici ; ce n'est pas non plus
le conseil d'Etat, issu de ses démembre
ments : c'est bien plutôt le conseil des mi
nistres, car, depuis les premiers temps de
la monarchie capétienne, il apparaît avec la
mission d'assister le prince dans l'expédi
tion des affaires de la politique quotidienne.
« Le conseil du roi, a dit M. Bréal dans
son rapport à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, était la première des
institutions politiques de l'ancien ré
gime , le pivot de tout l'organisme
administratif et judiciaire. » Lui-même
se prétendait aussi ancien que la royau
té, et cette prétention reposait sur un
fondement plus solide que l'antiquité re
vendiquée par la plupart des anciens corps
constitués. Si nos grandes assemblées, si
nos Etats généraux peuvent, à la rigueur,
faire remonter leur généalogie jusqu'aux
placita de l'époque mérovingienne, ce con
seil a une parenté bien plus certaine encore
avec le comitat de la première race. La se
conde, la troisième ont eu dès leurs début;
une institution analogue. Seulement ces
conseils primitifs se composaient presque
uniquement de seigneurs. La loi féodale,
sous les premiers Capétiens, astreignait
les grands vassaux à remplir le devoir de
la cour aussi bien que le devoir de l'ost :
celui-ci était le service militaire ; l'autre
était tout simplement le service de conseil
ler, car le conseil suprême ne s'appelait
pas alors autrement due la corn- le roi.
Toutefois la composition de ce corps
d'élite ne tarda pas à se modifier dans un
sens plus démocratique. Dès le douzième
siècle, on le voit envahi par de simples che
valiers, par des clercs, par des bourgeois,
1 serviteurs obscurs, instruments mania
bles d'un gouvernement qui se concentre
et se fortifie ». Sous saint Louis, les moi
nes, les « prud'hommes » de toute catégo
rie se mêlent aux gens de guerre ; ce qui
n'empêche pas le bon roi de ne leur accor
der d'ordinaire qu'une voix consultative,
car, s'il faut en croire le sire de Joinville,
il prenait souvent une décision contraire à
leur avis, et les affaires n'en marchaient
pas plus mal. M. Valois aurait pu même
ajouter, à ce sujet, quelques traits piquants
au tableau d'ensemble qu'il nous a si ha
bilement tracé.
C'est le même prince qui donna à la
cour du roi son assiette définitive en la
fixant d'une manière permanente à Paris :
auparavant, elle voyageait à la suite du
souverain. Cet acte important équivalait,
suivant notre auteur, à la création d'une
capitale (d'une capitale politique peut-être,
mais non d'une capitale matérielle et mo -
raie, car Paris occupait ce rang depuis que
sa florissante Université lui avait valu une
prépondérance et une renommée hors de
toute comparaison). A la même époque, la
cour du roi fut subdivisée en trois sections,
dont l'une devint le Parlement, l'autre la
Chambre des comptes, et la troisième le
Conseil proprement dit : cette dernière seule
suivit encore de temps en temps le souve
rain dans ses changements de résidence.
A partir de ce moment, l'élément bour
geois ou populaire prit dans sa composi
tion une place de plus en plus grande.
« Les hommes de petite naissance qui
gouvernèrent le royaume sous le règne de
Charles VII et de Louis XI, dit à ce pro
pos le savant historien, avaient eu des an
cêtres au conseil dès le onzième siècle. Les
Capétiens, en entrant en lutte contre la
féodalité, s'étaient vus'' obligés de prendre
leurs conseillers dans les rangs inférieurs
ds la domesticité royale. Sous Louis VII^
on a constaté d'une manière positive la
présence de bourgeois au conseil. Leur in
fluence alla croissant sous Philippe-Au-
gusts, sous saint Louis, sous Philippe III
et sous Philippe le Bel. Le conseil de Jean
le Bon se composait en grande partie
de bourgeois anoblis, et les Etats gé
néraux ne craignirent pas, eu 1356, de
proposer l'admission au conseil de douze
députés des bonnes villes. Eu 1374, Char
les V eut soin de placer six bourgeois dans
le conseil de régence qu'il organisait éven
tuellement. Sous Charles VI, qui ne se sou
vient du gouvernement des Marmousets 1
Et pendant le règne des sires des fleurs de
lis, à l'heure où le conseil semblait revêtir
la forme la plus aristocratique, quelle in
fluence n'exerçaient pas le Parlement et
l'Université, appelés sans cesse à seconder
les conseillers titulaires. Vallet de Viriville
n'a peut-être pas assez tenu compte de cette
intervention quand il a cherché à établir,
par des raisonnements mathématiques, la
progression du tiers état pendant le cours
du quinzième siècle.
«Il a du moins mis en lumière la préféren
ce des Armagnacs, du dauphin, et plus
tard de Charles VII, pour les conseillers
de petit Etat, inconnus de lignage, et il a
justement remarqué que cette prédilection,
trop souvent reprochée au roi, avait servi
de prétexte, sinon d'excuse, au soulève
ment de la Praguerie. Semblable au règne
de Louis XI, le gouvernement d'Anne dè
Beaujeu multiplia les gens du tiers dans le
conseil : sur soixante conseiflers inscrits
en 1484, il n'y a pas moins de quarante
financiers ou légistes, parmi lesquels nous
ne comptons pas les maîtres des requê
tes de l'Hôtel. Cette progression s'arrêta
au commencement du seizième siècle. Ce
pendant, à partir du règne de Charles IX,
les robes longues laïques redevinrent nom
breuses : financiers, diplomates et surtout
parlementaires se multiplièrent au point de
provoquer dans les Etats, en 1576 et 1588,
de vives protestations. Sully parle quelque
part de ce tas de maîtres des requêtes et
autres bonnets cornus qui font une cohue
du conseil et voudraient réduire toutes les
affaires d'Etat et de finance en chicanerie ;
à la place de ces soutanes , il s'efforçait d'at
tirer des seigneurs de haute naissance, per
suadé que, s'ils quittaient les cajoleries, fai
néantises et baguenaùderies de cour , ils de
viendraient. les plus dignes auxiliaires de
la monarchie. »
Ainsi, chose bizarre et bien faite pour
renverser les idées de nos démocrates mo
dernes, ce sont les princes du moyen âge,
qui ont introduit le tiers état dans la place,
et qui l'y ont fortifié,et c'est, au contraire,le
mouvement protestant ou soi-disant libéral
qui en a repoussé l'élément démocratique ;
c'est un ministre huguenot qui a voulu bar
rer le passage au peuple et maintenir le pri
vilège de l'aristocratie.
C'est bien autre chose lorsqu'on descend
jusqu'au temps de Louis XIV. Alors les
trois ordres de la nation se trouvent re
présentés dans le conseil d'Etat; mais,
comme l'a remarqué M. de Boislisle, par
un renversement complet du primitif état
de choses, le tiers y est quatre fois plus
nombreux que les représentants de l'Eglise
et que ceux de la noblesse militaire. Aussi
André d'Ormesson s'écrie-t-tl avec étonne-
ment : « Jadis le conseil était presque tout
composé d'ambassadeura, de grands sei
gneurs, de maréchaux de France, gouver
neurs de province, gens d'épée, et de car
dinaux, de prélats, d'évêques et d'archs*
tî* 787? — Édition quotidienne
Vendredi 26 Juillet 1889
Edition quotidienne
édition semi-quotidienne
PARIS
El DÈPAEIEIIETS
Un an. .... 55 »
Six mois. . . , 28 50
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On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
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Les cbonncmcnts partent des 1" et 16 de chaque moH
L'USIYERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C">, 6, place de la Bourse
FRÀrîGB
PARIS, 25 JUILLET 1889
Eat-ceque MM. Thévenet et Ques
nay de Beaurepaire commenceraient à
douter de la complaisance de la majo
rité du Sénat érigé en haute cour ?
Voilà que des journaux antiboulan
gistes annoncent que l'on scinderait
les faits imputés dans le réquisitoire
au général Boulanger; la haute cour
retiendrait tout ce qui est relatif à
l'attentat et au complot si peu prou
vés, et le conseil de guerre serait saisi
des faits de dilapidation. Déjà, M.
Quesnay de Beaurepaire préparerait
un nouveau réquisitoire.
L'opinion ne verra là qu'une nou
velle preuve des embarras de nos mi
nistres.
Nous avons dit que de nombreux
journaux de Paris devaient compa
raître hier devant la police correction
nelle, pour répondre de la publication
de l'acte d'accusation de M. Quesnay
de Beaurepaire. L'audience a été amu
sante ; les coupables montraient peu
de repentir, et le procureur général
n'aura pas été content des observa
tions de plusieurs avocats sur son do
cument ultrafantaisiste.
Gela s'est terminé par une condam
nation générale ; le délit était patent ;
les journaux du matin ont eu 100 fr.
d'amende, ceux du soir 50 francs ; le
Parti ouvrier , comme peu riche, n'a eu
que 25 francs.
On annonce que de nombreux jour
naux de province, peut-être deux cents,
sont également poursuivis.
A quelle date auront lieu les élec
tions législatives? On dit que le mi
nistère est fort tiraillé. D'une part, il
voudrait les avancer pour ne pas lais
ser à ses adversaires le temps d'ache
ver leur campagne; d'autre part, crai
gnant de plus en plus une défaite, il
ne serait pas fâché de la retarder,
quoique ce soit reculer pour mieux
sauter. Les journaux officieux eux-
mêmes laissent deviner tous leurs em
barras, qui témoignent de ceux du
gouvernement.
Nous signalions, hier, la réponse
des boulangistes aux révocations que
font les ministres dans l'espoir, sans
doute illusoire, de faire marcher leur
personnel; en voici une nouvelle : M.
Andrieux, en annonçant la révocation
d'un fonctionnaire de l'arrondissement
de Forcalquier, déclare qu'il maintien
dra leur traitement à tous ceux qui
seront ainsi frappés, jusqu'au jour où
il leur aura fait rendre justice. Si
MM. Constans, Rouvier et Thévenet
s'étaient flattés de décourager leurs
adversaires, ils peuvent voir, dès à
présent, combien ils se sont trompés.
Nous publions plus loin une circu
laire de M. Rouvier aux trésoriers-
çayeurs généraux ; il faut que les
tonctionnaires des finances marchent
comme les autres ; mais marcheront-
ils? M. Rouvier lui-même n'en jure
rait pas.
Le télégraphe avait résumé et cer
tains journaux avaient commenté,
sans même attendre d'en avoir une
pleine connaissance, un article de
l' Osservatore Romano au sujet des bruits
relatifs au départ du Pape ; notre cor
respondant de Rome nous envoie la
traduction de cet article, qui fait jus
tice des nouvelles hasardées qu'on
avait répandues.
C'est, du reste, un spectacle bien
curieux, bien instructif^ que celui que
donnent les journaux,français comme
étrangers, au sujet de cette éventua
lité du départ du Pape. Même des
journaux qui, volontiers, soutiennent
d'habitude que l'Eglise est finie, s'é
meuvent de ce départ ; ils avouent
ainsi que la question romaine n'est pas
une question purement italienne.
L'aveu doit singulièrement déplaire
à M. Grispi ; mais il est fait aussi par
ses propres journaux. Nous pouvons
dire qu'il le fait lui-même par les me
sures extraordinaires de surveillance
prises en vue d'un départ du Pape.
Le roi Milan est arrivé à Belgrade ;
jusqu'à présent sa présence n'a causé
aucun désordre. Il se produit, du reste,
dans les Balkans, un certain apaise
ment. Combien cela durera-t-il ?
M. l'abbé Dellès a été élu hier à
Metz; il n'avait pas de concurrent; on
compte qu'il réunira environ 9,000
voix. Evidemment bien des électeurs,
voyant que l'abbé Dellès était seul
candidat et que son élection était as
surée, n'auront pas cru devoir se dé
ranger.
Le Peupla
Un préjugé savamment entretenu
veut que les corps d'arts et métiers, à
la fin du dix-huitième siècle,ne fussent
plus en rapport avec l'état des mœurs
et des intérêts. Les abus qui se déve
loppaient dans leur sein rendaient
donc leur chute inévitable. Ces abus,
révélés plus tard par les politiciens
pour justifier la révolution,se résument
dans le monopole qui renchérissait les
denrées it dans la privation du travail
pour ceux qui n'appartenaient pas aux
corporations.En un mot la corporation
opprimait les consommateurs et parti
culièrement les ouvriers.
Ces fables peuvent être contrôlées
par nombre de gens encore vivants,
et qui peuvent se remémorer les im
pressions de leur enfance. Dans quelle
ville les corporations ont-elles laissé
de fâcheux souvenirs ? Les savants du
fond de leur cabinet font des systèmes.
Turgot calcule qu'il est opprimé par
les corporations, mais quelle expé
rience en avait-il? Allait-il au marché?
Sur ce point, l'avis de sa cuisinière
aurait plus de poids que le sien. On
s'est bien gardé de le demander. L'er
reur des politiciens a été de raisonner
sur la corporation comme si elle était
un système,une abstraction imposée à
la France. Les corporations sont nées
toutes seules. Si à Paris elles ont été
mêlées à la politique, dans cinquante
villes de province elles se sont renfer
mées dans le cadre de leur institution.
C'est là qu'il faut les étudier. Elles ne
dépendent pas d'un centre, d'une au
torité générale. Elles sont locales, mu
nicipales, s'arrangent avec les gens
du lieu. Ces règles,que le savant juge
inflexibles, se plient donc facilement
au temps, aux circonstances. C'est là
le caractère des coutumes. Toutes les
histoires des corporations sont faites
en dehors d'une étude qui les embras
serait toutes et ressemblent à une théo
rie qui s'étaye de faits habilement
choisis.
On nous fera difficilement croire
que la classe ouvrière, par ces corpo
rations, opprimait la bourgeoisie. La
corporation faisait essentiellement
partie de la cité. Elle étendait ses opé
rations dans un cercle limité. La con
currence calculait les chances. Le
paupérisme n'avait pas prise. Aujour
d'hui, on crie contre l'apprentissage,
qui était le fondement de la corpora
tion, sans réfléchir que nos professions
libérales sont précédées de stages,
d'études fort coûteux. Etant donnée
la clientèle locale, n'était-il pas sage
d'écarter les concurrents qui n'au
raient pas trouvé à vivre? Par plus
d'ouvriers qu'il n'en fallait, les condi
tions économiques et sociales de la
cité étaient bouleversées : toutes les
familles d'ouvriers subissaient la gêne,
un certain nombre tombaient dans la
misère. Une population mécontente,
révolutionnaire se développait. La
corporation pourvoyait à cela en
maintenant dans la cité une classe
éminemment conservatrice. Pour
qu'il y eût oppression, il aurait fallu
que la classe ouvrière se mît en
grève : c'est ce qui n'arrivait jamais;
la famille ouvrière se maintenait
par son travail journalier ; seulement
elle avait ce qui manque aux ouvriers
modernes : la sécurité du lendemain.
La coutume attachait l'individu à son
lieu de naissance ; il était naturel
qu'une ville se crût en droit de véri
fier les titres des nouveaux venus, et
n'admit que des gens pouvant se suf
fire à eux-mêmes. En dehors des cor
porations, restaient dans les campagnes
et dans la domesticité une foule de pla
ces ; les industries destinées à desser
vir les campagnes étaient nombreu
ses, ouvertes à tous. L'agglomération
urbaine s'augmentant d'une popula
tion instable, à l'existence précaire,
tourne à la révolution. C'est ce que
nous voyons aujourd'hui; et toute la
classe populaire finit par prendre mo
dèle sur celle des .villes.
L'ancienne société n'empêchait per
sonne de travailler. Mais elle tenait à
ce que chacun demeurât, autant que
possible, à son lieu de naissance, au
milieu de personnes connues, liées à
lui par des devoirs de parenté et de
voisinage. Le plus pauvre paysan avait
sa maison. Et dans les villes, les fau
bourgs s'allongeaient en maisons d'ou
vriers. Des philanthropes modernes ont
eu la bonne intention de céder à bas
prix des maisons aux ouvriers. Mais ne
pouvant soustraire ces maisons à l'hy
pothèque, la famille de l'ouvrier en
était bientôt dépouillée. On ne veut
fias d'un ouvrier conservateur, c'est
a classe ouvrière qui fait les émeutes,
les gouvernements ; et c'est à quoi
elle ne servirait plus si elle était main
tenue par ses intérêts en état de sta
bilité. Aussi les politiciens s'entendent
{jour l'assujettir à des lois qui la
aissent toujours disponible pour
tous les changements politiques ou
sociaux.
Nous comprenons pourquoi la révo
lution a frappé tout d'abord la classe
populaire et bien avant 1789. Cette
classe par ses corporations était atta
chée à l'ordre social, au gouverne
ment, à l'Eglise. Elle constituait l'obs
tacle le plus sérieux aux projets de la
secte philosophique. On sait combien
Voltaire la méprisait ou affectait de la
mépriser. Les corporations furent abat
tues, et, ce qui prouve qu'elles ne vou
laient pas la révolution, c'est que plus
d'ouvriers furent guillotinés que de
nobles et de prêtres. Tous les ouvriers
ne parvenaient pas à la maîtrise. Vit-
on des vengeances exercées par les
compagnons ou les apprentis contre
les maîtres ? Paris n'avait pas alors
cinq cent mille âmes, le reste de la
France était cinquante fois plus con
sidérable. Et si l'on veut juger de la
paix sociale d'un pays, c'est à l'en
semble de ses villes et de ses villages,
et non à sa capitale, qu'il faut s'adres
ser. La liberté du travail existant dans
les villages, elle existait aussi sous une
forme plus savante, plus compliquée,
dans la ville, car la corporation est le
libre gouvernement des ouvriers par
eux-mêmes. Seulement c'était un gou
vernement conservateur, non révolu
tionnaire. C'est ce qui fait que de fort
honnêtes gens de ce temps-ci n'y com-
{>rennent rien. Leur esprit, féru à
eur insu d'idées révolutionnaires,
feoïïfond la liberté avec la servi
tude.
La révolution a détruit tous les
corps autonomes, et le but de toutes
nos lois depuis un siècle est de les
empêcher de se rétablir. On dit que
les corporations étaient incompatibles
avec le développement de l'industrie.
Cet argument n'a pas été mis en
avant. Est-ce qu'une grande fabrique
ne peut pas sous une loi de stabilité
assurer l'avenir de sa fabrication et
de son personnel ? L'industrie se pro
portionnait autrefois à un marché lo
cal, que l'ouvrier embrassait d'un re
gard et sur lequel il pouvait compter.
La révolution, en ôtant toute réalité
aux localités et en concentrant à Pa
ris tout le mouvement politique et
social, offrait toute la France pour
champ à l'industrie. Alors la direction
de l'industrie fut enlevée à la classe
ouvrière et passa au mains des agio
teurs, des capitalistes, des inventeurs.
Tout le bénéfice du travail fut écumé
par des étrangers. Aujourd'hui le mar
ché français n'est déjà plus assez éten
du et il se noie dans le libre-échange
universel, qui force le peuple français
à lutter contre tous les peuples.
D'ailleurs les adeptes officiels de la
révolution n'en méconnaissent pas
le caractère cosmopolite ; ils le pro
clament chaque jour. Le gouverne
ment populaire du travail, sous la
forme de petites sociétés locales,
devait être 1 objet des premiers coups
de la révolution puisqu'il était un obs
tacle à l'unification universelle. Aux
hommes de pratique et d'expérience
succédait dans le gouvernement du
pays la domination des philosophes,
des savants, des économistes, des poli
ticiens de toute sorte. Rien n'aurait
été possible aux hommes de 89 si nos
grandes villes, par la désorganisation
du travail, n'avaient été jetées de force
dans le mouvement ; d'un autre côté,
ces petites sociétés de travail, sans
lien entre elles, sans représentation
dans l'Etat, ne pouvaient résister aux
assemblées révolutionnaires agissant
avec l'unité d'une force générale. La
corporation, par l'institution chré
tienne qui l'accompagnait, était plus
hostile à la révolution que la noblesse.
Par ses tenants et aboutissants, elle
pénétrait dans toutes les familles du
peuple et les imprégnait d'un esprit
de conservation sociale.
Tous les partis revendiquent pour
notre révolution l'honneur d'être uni
verselle. On ne saurait avouer de meil
leure grâce qu'elle n'a rien de na
tional. L'Angleterre, l'Allemagne n'ont
pas manqué de changements politi
ques. Mais il est facile de remarquer
que la lutte de deux forces sociales
n'est pas nécessairement une destruc
tion de l'Etat, et qu'elle peut au con
traire fortifier l'Etat, en permettant à
un élément social d'y prendre plus de
prépondérance. La révolution anglaise
de 1688 nous a été présentée par
nos politiciens comme le type de
notre révolution de 1830. Ces deux
faits ne se ressemblent ni dans leurs
principes ni dans leurs résultats. Le
premier s'est autorisé de la défense
des coutumes normandes de succes
sion menacées par la royauté. II s'est
opéré par la classe supérieure. Tandis
que notre révolution de 1830 a été une
recrudescence du 14 juillet 1789, une
émeute. La Restauration représentait
seule ce qui restait de l'ancien droit.
Nous savons maintenant si la méthode
jacobine de l'émeute a pu procurer à la
France laliberté politique.Cette liberté,
imposée au peuple sous le nom d'égalité,
met ses intérêts d'existence et de tra
vail à la merci de politiciens qui n'ont
jamais produit leur nourriture, et qui
naturellement vivent aux dépens des
classes laborieuses. Notre révolution
ne s'est pas arrêtée parce qu'elle n'a
pas trouvé une classe organisée pour
en prendre l'initiative et la direction.
Le fait de la destruction sociale par
l'affaiblissement progressif du pouvoir
était accompli avant 1789. Le peuple
resta longtemps royaliste, conserva
teur. Encore en 1848, les politiciens se
moquaient des ruraux. Toujours est-il
que la révolution agonise entre les
mains de la bourgeoisie et passe dans
celles d'un socialisme populaire.
Comme à la chûte de l'empire ro
main, il ne reste sur notre sol qu'un
seul principe d'autorité, une seule so
ciété organisée, l'Eglise. Lui laissera-1-
on le temps d'unir tant de vieux dé
bris que nous nommons orgueilleuse
ment la société nouvelle?
C oquille.
Pauvres principes!
Les journaux antiboulangistes trou
vent, naturellement, très mauvais que
le général Cromwell se permette de
narguer la loi votée par la Chambre,
expirante, pour interdire les candida
tures multiples. Ils sont indignés que
l'on se joue ainsi des mesures prises
dans le but de « protéger », comme dit
le Temps , « les libertés publiques ».
(Il n'y a pas un journal qui ait autant
d'aplomb que le Temps , lorsqu'il s'en
mêle.) •
Les journaux antiboulangistes ne
trouvent point seulement la manifes
tation du général indécente, et même
presque factieuse ; ils s'accordent
presque tous, en outre, à la déclarer
inepte. Transformer des élections au
conseil général en élections politiques,
a-t-on jamais vu cela? Quel contre
sens ! Faut-il être dévoré par l'envie
d'avoir un petit plébiscite,quelconque!
Mais les élections au conseil général
ne doivent pas être politiques ! Il nè
peut s'agir, dans les élections au con
seil général, que des intérêts départe
mentaux, etc., etc.
Ce sont des républicains qui parlent
ainsi! Allons,vous verrez qne, succes
sivement, ils renieront tous leurs
principes, tous! Pas un n'obtiendra
grâce, pas un ne demeurera debout,
respecté. Oui, périssent tous les prin
cipes, plutôt que le reluisant régime
actuel!
Cependant, si M. Spuller, lui-même,
foule aux pieds les principes de son
parti, nous devons dire qu'il fait au
moins une exception. Il considère en
core, ainsi que tous les républicains
autrefois, lorsqu'ils n'avaient pas in
venté l'ingrat Boulanger, les élections
au conseil général comme ayant une
importance, une signification politi
ques. Et, se représentant au conseil
général de la Côte-d'Or, dont il est
membre, il le dit formellement aux
électeurs.
Lisez plutôt : mais prenez d'abord
haleine, car la phrase est terriblement
longue:
Les élections au conseil général n'étant
que la préface des élections législatives,
je viens vous déclarer, au nom des plus
grands intérêts de la patrie, que notre de
voir de républicains consiste à établir, dans
les assemblées . départementales comme
dans la Chambre des députés, une majorité
de gouvernement qui fasse les affaires du
pays, en dehors de toutes les coteries et au-
dessus de toutes les divisions; qui ne soit
ni routinière ni aventureuse, mais animée
d'un sérieux esprit d'ordre et de progrès;
qui aille sans cesse de l'avant, mais tou
jours avec prudence, et surtout qui soit
fermement résolue à faire respecter la ré
publique, le gouvernement nécessaire de
notre démocratie, par tous ses ennemis dé
clarés ou hypocrites, aussi bien par ceux
qui osent nous attaquer ouvertement par
l'outrage et la calomnie que par ceux qui se
glissent dans nos rangs pour nous diviser
et nous détruire.
Chers concitoyens, c'est ainsi que je
comprends le devoir : avec votre appui, je
saurai le remplir. Vous me connaissez, je
n'ai rien de plus à vous dire qu'union et
confiance.
Vive la république !
E. SPÛLLEII,
ministre des affaires étrangère»,
député de la Côte-d'Or, vies-
président du conseil général,,
conseiller sortant.
Que ce Spuller est importun * pour
un opportuniste ! Et comment les
feuilles qui soutiennent le régime
vont-elles prendre ce gênant respect
des vieux principes ?
Mais, voyez le malheur, la rfatalité !
Il faut que les républicains parlemen
taires soient décidément perdus. Frap
pés d'un esprit de vertige et d'erreur,
ils semblent ne plus savoir ce qu'ils
font, où ils vont. S'ils respectent un
principe, par la même occasion,ils en
méprisent ouvertement un autre. Et
voilà M. Spuller, un consciencieux...
relatif, qui, se présentant aux élec
teurs, a soin de se parer, bien en pre
mière ligne, de son titre de ministre
des affaires étrangères. Que fait-il du
principe qui interdit et flétrit la can
didature officielle ?
Il est juste, d'ailleurs, de dire que,
sur ce terrain, il est dépassé, dépassé
même de beaucoup. 11 l'est par M.
Yves Guyot, notamment. Celui-ci
pousse le mépris de ce principe,comme
des autres, jusqu'au cynisme. Le mi
nistre des travaux publics se présente
dans le premier arrondissement de
Paris pour les élections législatives.
Et voici la principale phrase de sa cir
culaire :
Membre du gouvernement, je demando
aux électeurs du centre même de la capi
tale de se prononcer entre ceux qui mettent
leur honneur à servir et à détendre la ré
publique, et ces gens qui ne se masquent
de son étiquette que pour entraîner des ré
publicains à la duperie de faire l'appoint
nécessaire au triomphe de la coalition de
ses ennemis. .
Quelles n'eussent pas été jadis, lor-
qu'ils n'étaient point nos maîtres, les
vociférations de tous les républicains,
si un ministre-candidat se fût permis
de se prévaloir, avec cette impudente
tranquillité, de sa situation officielle ?
Et même, il n'y a pas encore long
temps, ils n'auraient point souffert,
chez l'un d'entre eux, ce mépris trop
affiché des principes. Opportuniste, le
candidat aurait été violemment blâmé
par les radicaux, et n'aurait pas été
soutenu par les siens. Radical, il.eût
été vigoureusement flétri par les op
portunistes, et n'eût pas trouvé d'ap
pui auprès de ses pareils. Mais, main
tenant, tout est permis. M.Yves Guyot,
sans doute, aura devant lui un candi
dat boulangiste, et alors... foin des
principes
P ierre V euillot.
Bilan de l'opportunisme
Sous ce titre, plusieurs journaux
publient une statistique établissant
que depuis douze ans les opportunistes
ont tout dilapidé, jusqu'aux ressources
confiées en dépôt, jusqu'à l'argent des
petits et des malheureux.
Voici des chiffres officiels qui l'éta
blissent :
Déficit annuel 1
650 millions.
Déficit accumulé depuis 1.2 ans
8 milliards.
Impôts annuels par Icle
111 francs.
Budget annuel
4 milliards.
Dette de la Prance
38 milliards.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU 26 JUILLÊT 1889
COl'RMER DE L'ERUDITION
i. — l'ancien conseil du roi
On n'imagine pas jusqu'à quel point la
doctrine révolutionnaire est arrivée îl faire
la nuit sur nos anciennes institutions et à
tromper le public sur les conditions les plus
élémentaires du gouvernement monarchi
que. L'historien qui vient aujourd'hui dé
montrer, pièces en main,: que le roi n'était
pas &, lui seul toute la France, ni même
tout l'Etat, en dépit du mot fameux prêté à
Louis XIV, semble pour tout de bon émet
tre un paradoxe ; les uns le prennent pour
un homme de parti, plaidant une thèse
politique, les autres le regardent tout au
moins comme un esprit hardi, comme un
novateur.
Qui de nous connaît le rôle considérable
joué dans notre histoire par les conseils du
roi, rôle que viennent de remettre en lu
mière les beaux travaux de M. Noël Valois,
honorés cette année d" grand prix Go-
(1) Etude historique sur le conseil du roi, en
tète du premier volume de Y Inventaire des ar
rêts du conseil d'Etat ; Paris, Imprimerie na
tionale, 1886, in-4°. — Le conseil du roi aux
IV e , XV 0 et XVI e siècles ; Paris, Picard,
•8".
bert (1) ? Qui n'a pas été élevé dans cette
conviction profonde, que le souverain se
guidait, dans les questions les plus impor
tantes, d'après son bon plaisir? « Cartel
est notre plaisir >, dit une formule célèbre.
En voilà bien la preuve I
Assurément les charmes du parlementa
risme étaient inconnus du moyen âge et de
l'ancien régime, et, à part certaine séance
orageuse où Henri III faillit tuer de sa main
le chevalier de Seurre, coupable d'avoir
mis en doute sa bonne foi et d'avoir traité
de larron un intendant des finances, les
séances du conseil ne, rappelaient que de
fort loin celles de nos grands corps politi
ques. Dans ces dernières, une pareille épi-
thète passerait aujourd'hui presque inaper
çue; le pugilat seul excite encore quelque
peu d'émotion parmi les assistants : encore
cette argumentation de haut goût n'attire-
t-elle aucune réprimande, aucun châtiment
sur ceux qui ont le courage de l'employer.
D'après leur règlement, au contraire, les
conseillers du roi qui se permettaient la
moindre parole injurieuse étaient frappés
d'exclusion, sans préjudice d'autres peines
proportionnées au délit. Bien plus, ils ne
devaient troubler les délibérations ni par
des gestes ni par des conversations parti
culières. Juste ciel I que d'ouvrage pour les
présidents de nos assemblées s'il leur fal
lait appliquer une loi semblable!
Mais il n'en est pas moins certain que la
nation prenait part, dans une mesure sage
ment et justement modérée, au gouverne
ment du pays ; les études que je signale
viennent le prouver une fois de plus. A dira
vrai, ce n'est pas le Sénat ni la Chambre
des députés que représente,dans le gouver
nement de l'ancienne France, le conseil su
périeur envisagé ici ; ce n'est pas non plus
le conseil d'Etat, issu de ses démembre
ments : c'est bien plutôt le conseil des mi
nistres, car, depuis les premiers temps de
la monarchie capétienne, il apparaît avec la
mission d'assister le prince dans l'expédi
tion des affaires de la politique quotidienne.
« Le conseil du roi, a dit M. Bréal dans
son rapport à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, était la première des
institutions politiques de l'ancien ré
gime , le pivot de tout l'organisme
administratif et judiciaire. » Lui-même
se prétendait aussi ancien que la royau
té, et cette prétention reposait sur un
fondement plus solide que l'antiquité re
vendiquée par la plupart des anciens corps
constitués. Si nos grandes assemblées, si
nos Etats généraux peuvent, à la rigueur,
faire remonter leur généalogie jusqu'aux
placita de l'époque mérovingienne, ce con
seil a une parenté bien plus certaine encore
avec le comitat de la première race. La se
conde, la troisième ont eu dès leurs début;
une institution analogue. Seulement ces
conseils primitifs se composaient presque
uniquement de seigneurs. La loi féodale,
sous les premiers Capétiens, astreignait
les grands vassaux à remplir le devoir de
la cour aussi bien que le devoir de l'ost :
celui-ci était le service militaire ; l'autre
était tout simplement le service de conseil
ler, car le conseil suprême ne s'appelait
pas alors autrement due la corn- le roi.
Toutefois la composition de ce corps
d'élite ne tarda pas à se modifier dans un
sens plus démocratique. Dès le douzième
siècle, on le voit envahi par de simples che
valiers, par des clercs, par des bourgeois,
1 serviteurs obscurs, instruments mania
bles d'un gouvernement qui se concentre
et se fortifie ». Sous saint Louis, les moi
nes, les « prud'hommes » de toute catégo
rie se mêlent aux gens de guerre ; ce qui
n'empêche pas le bon roi de ne leur accor
der d'ordinaire qu'une voix consultative,
car, s'il faut en croire le sire de Joinville,
il prenait souvent une décision contraire à
leur avis, et les affaires n'en marchaient
pas plus mal. M. Valois aurait pu même
ajouter, à ce sujet, quelques traits piquants
au tableau d'ensemble qu'il nous a si ha
bilement tracé.
C'est le même prince qui donna à la
cour du roi son assiette définitive en la
fixant d'une manière permanente à Paris :
auparavant, elle voyageait à la suite du
souverain. Cet acte important équivalait,
suivant notre auteur, à la création d'une
capitale (d'une capitale politique peut-être,
mais non d'une capitale matérielle et mo -
raie, car Paris occupait ce rang depuis que
sa florissante Université lui avait valu une
prépondérance et une renommée hors de
toute comparaison). A la même époque, la
cour du roi fut subdivisée en trois sections,
dont l'une devint le Parlement, l'autre la
Chambre des comptes, et la troisième le
Conseil proprement dit : cette dernière seule
suivit encore de temps en temps le souve
rain dans ses changements de résidence.
A partir de ce moment, l'élément bour
geois ou populaire prit dans sa composi
tion une place de plus en plus grande.
« Les hommes de petite naissance qui
gouvernèrent le royaume sous le règne de
Charles VII et de Louis XI, dit à ce pro
pos le savant historien, avaient eu des an
cêtres au conseil dès le onzième siècle. Les
Capétiens, en entrant en lutte contre la
féodalité, s'étaient vus'' obligés de prendre
leurs conseillers dans les rangs inférieurs
ds la domesticité royale. Sous Louis VII^
on a constaté d'une manière positive la
présence de bourgeois au conseil. Leur in
fluence alla croissant sous Philippe-Au-
gusts, sous saint Louis, sous Philippe III
et sous Philippe le Bel. Le conseil de Jean
le Bon se composait en grande partie
de bourgeois anoblis, et les Etats gé
néraux ne craignirent pas, eu 1356, de
proposer l'admission au conseil de douze
députés des bonnes villes. Eu 1374, Char
les V eut soin de placer six bourgeois dans
le conseil de régence qu'il organisait éven
tuellement. Sous Charles VI, qui ne se sou
vient du gouvernement des Marmousets 1
Et pendant le règne des sires des fleurs de
lis, à l'heure où le conseil semblait revêtir
la forme la plus aristocratique, quelle in
fluence n'exerçaient pas le Parlement et
l'Université, appelés sans cesse à seconder
les conseillers titulaires. Vallet de Viriville
n'a peut-être pas assez tenu compte de cette
intervention quand il a cherché à établir,
par des raisonnements mathématiques, la
progression du tiers état pendant le cours
du quinzième siècle.
«Il a du moins mis en lumière la préféren
ce des Armagnacs, du dauphin, et plus
tard de Charles VII, pour les conseillers
de petit Etat, inconnus de lignage, et il a
justement remarqué que cette prédilection,
trop souvent reprochée au roi, avait servi
de prétexte, sinon d'excuse, au soulève
ment de la Praguerie. Semblable au règne
de Louis XI, le gouvernement d'Anne dè
Beaujeu multiplia les gens du tiers dans le
conseil : sur soixante conseiflers inscrits
en 1484, il n'y a pas moins de quarante
financiers ou légistes, parmi lesquels nous
ne comptons pas les maîtres des requê
tes de l'Hôtel. Cette progression s'arrêta
au commencement du seizième siècle. Ce
pendant, à partir du règne de Charles IX,
les robes longues laïques redevinrent nom
breuses : financiers, diplomates et surtout
parlementaires se multiplièrent au point de
provoquer dans les Etats, en 1576 et 1588,
de vives protestations. Sully parle quelque
part de ce tas de maîtres des requêtes et
autres bonnets cornus qui font une cohue
du conseil et voudraient réduire toutes les
affaires d'Etat et de finance en chicanerie ;
à la place de ces soutanes , il s'efforçait d'at
tirer des seigneurs de haute naissance, per
suadé que, s'ils quittaient les cajoleries, fai
néantises et baguenaùderies de cour , ils de
viendraient. les plus dignes auxiliaires de
la monarchie. »
Ainsi, chose bizarre et bien faite pour
renverser les idées de nos démocrates mo
dernes, ce sont les princes du moyen âge,
qui ont introduit le tiers état dans la place,
et qui l'y ont fortifié,et c'est, au contraire,le
mouvement protestant ou soi-disant libéral
qui en a repoussé l'élément démocratique ;
c'est un ministre huguenot qui a voulu bar
rer le passage au peuple et maintenir le pri
vilège de l'aristocratie.
C'est bien autre chose lorsqu'on descend
jusqu'au temps de Louis XIV. Alors les
trois ordres de la nation se trouvent re
présentés dans le conseil d'Etat; mais,
comme l'a remarqué M. de Boislisle, par
un renversement complet du primitif état
de choses, le tiers y est quatre fois plus
nombreux que les représentants de l'Eglise
et que ceux de la noblesse militaire. Aussi
André d'Ormesson s'écrie-t-tl avec étonne-
ment : « Jadis le conseil était presque tout
composé d'ambassadeura, de grands sei
gneurs, de maréchaux de France, gouver
neurs de province, gens d'épée, et de car
dinaux, de prélats, d'évêques et d'archs*
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