Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-07-24
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 juillet 1889 24 juillet 1889
Description : 1889/07/24 (Numéro 7875). 1889/07/24 (Numéro 7875).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 24 Juillet 1880
smss
N* 7875 — Édition quotidienna
Mercredi 24 Juillet 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-OUOTIDIENNE
Cn an. , ,
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
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ÉTRANGER
(CHION fOSTALE)
66 »
34 »
18 B
**®abonneinent8 partent de* t" et le de chaque mol*
UN NUMÉRO { g ■ffrt'emente: 2b
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
..30 »
, . 16 »
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(UNION FOSIàLl)
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les abonnement il partent des I" et *6 de chaîne noif
L'UNIYERS ne répond pas des manuscrits qui loi sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGHÀNGE, CERF et C le , 6, place de la Bourgs
55!
FRANCE
PARIS, 23 JUILLET 1889
Les vacances parlementaires ne
manquent jamais de provoquer de
nombreux discours, soit des ministres,
soit de personnages politiques impor
tants. Les discours doivent être encore
plus nombreux lorsque les vacances
précèdent les élections générales.
Dimanche on a entendu, à Ghaunyy
l'important M. Floquet, à Grasse le
ministre Rouvier, sans parler de M. de'
Preycinet, qui s'est cantonné à Sau-
mur sur le terrain militaire, et de
M. Etienne, le sous-secrétaire d'Etat,
qui a péroré quelque part. M M.'Floquet
et Rouvier, le grand homme des loges
et des radicaux comme le ministre
opportuniste, ont attaqué le général
Boulanger et fait appel à la concen
tration républicaine. M. Floquet a pré
conisé une politique de « pénétra^
tion réciproque ». Comprenne qui
pourra ce que serait cette politique.
Tous les deux ont affecté l'assurance,
et déclaré bien haut qu'on ne doit pas
avoir peur du boulangisme; mais
l'insistance même avec laquelle ils di
saient de ne pas avoir peur est un aveu.
Au fond, ils ne se sentent rassurés ni
l'un ni l'autre.
Divers journaux annoncent que M.
le ministre de l'intérieur va adresser
des instructions au personnel adminis
tratif au sujet des élections pour les
conseils généraux. Le fait est vrai
semblable, et l'on pourrait d'avance
résumer les instructions du peu scru
puleux ministre ; il dira à ses agents,
sous une forme plus ou moins voilée,
de faire passer quand même les candi
dats officiels. Seulement, c'est plus
facile à dire qu'à faire.
Après une dénégation quelque peu
suspecte de Y Agence Havas et de quel
ques autres journaux officieux, le si
lence s'est fait comme par enchante
ment sur la circulaire de M.Demagny,
publiée par la Presse. Il serait cepen
dant bon d'être fixé sur l'authenticité
de ladite circulaire. Est-ce que le jour
nal qui publie une pièce apocryphe,
dont après démenti il maintient l'au
thenticité, n'est pas passible da pour
suites judiciaires ? Si oui, comme
nous le croyons, pourquoi ne pour
suit-on pas la Presse ? Serait-ce que la
pièce est vraie, quoique démentie?
Bien des personnes le penseront, sur
tout étant donnée la confiance qu'ins
pire à juste titre M. Gonstans.
C'est demain que vient devant le
tribunal correctionnel l'affaire des
journaux poursuivis pour avoir publié,
contrairement à la loi, le chef-d'œu
vre d'imagination de M. Quesnay de
Beaurepaire ; il n'y a pas moins de 45
journaux mis en cause. Quand le gou
vernement les aura fait condamner à
50 francs d'amende ou même un peu
lus, croit-il qu'il aura rendu meilleur
e réquisitoire de son étrange procu
reur général ?
La situation reste grave en Crète;
on croit cependant que cela s'arranr
géra, les insurgés crétois n'ayant au
cune puissance derrière eux.
Il doit être fort ennuyé avec ses ir
rédentistes, M. le ministre Crispi.
Ceux-ci se plaignent fort de la sup
pression delà Société de Trieste et de
Trente; on annonce même déjà une
interpellation de M. Imbriani,l'un des
grands hommes de l'irrédentisme. Il
est vrai que, les Chambres étant en
vacances, l'interpellation sera quelque
peu retardée.
Les hommes d'Etat italiens, sans en
excepter ceux qui se piquaient de mo
dération, ont fait appel aux passions
révolutionnaires dans leur guerre dé
loyale contre la Papauté, ils en sont
punis. Et cela ne s'arrêtera pas là.
Toujours de l'agitation en Serbie,où
l'on attend la visite annoncée du
roi Milan. Ce petit pays est en
ce moment tort tiraillé entre l'in
fluence russe et l'influence autri
chienne : il lui faut se garder de ses
deux trop zélés protecteurs, dont le
désintéressement ne semble pas bien
établi.
En Espagne, le procès intenté à M.
de Bénomar, l'ancien ambassadeur à
Berlin, qui rappelle quelque peu le
fameux procès d'Arnim, préoccupe
l'opinion. On y voit généralement un
nouvel incident de la lutte engagée
entre M. Sagasta et M. Canovas ; le
premier espérerait atteindre indirecte
ment un rival toujours redoutable;
seulement il atteindrait également par
contrecoup la politique d'Alphonse XII
que représentait M. Canovas, et ce ne
serait pour fortifier la régence.
f P. S. — Une lettre d'Indo-Ghine
nous apprend l'apparition du choléra
àSaïgon.
F,
£
A propos du réquisitoire
La presse gouvernementale ne peut
comprendre, s'il faut l'en croire, que
le réquisitoire de M. le procureur gé
néral Quesnay de Beaurepaire n'ait
pas amené le gros publie à repousser!
M. Boulanger,' sinon comme conspi
rateur, au moins comme malhonnête
homme. Quoi! s'écrie-t-elle, après trois
mois de laborieuses recherches, une
commission composée de sénateurs:
marquants, en même temps qu'elle
accuse le général d'attentat et de com-
lot, lui reproche, avec témoins et
'ails à l'appui, des tripotages, des
malversations, des concussions, et
ersonne ne s'indigne ! Non seulement'
es amis de l'aventurier lui restent fi-'
dèles, mais la masse continue de
croire en lui et d'en attendre — c'est
le comble — un gouvernement hon
nête. La France a-t-elle donc perdu
le sens moral ?
Le propos est grave. Examinons-le
posément.
Non, le sens moral n'est pas encore
perdu chez nous ; mais nul doute qu'il
n'y soit menacé et même entamé.Gom-
ment en serait-il autrement sous un
régime qui, après douze ans de durée,
se résume dans la politique, les procès
et le ministère actuels?
Certes, qu'il y ait du faux, et même
qu'il y en ait beaucoup, dans les accu
sations portées contre M. Boulanger,
nul n'en peut douter et n'en doute.
Mais que ce prétendant soit pur de
tout gaspillage, de tout virement lou
che ; qu'il piiisse inspirer pleine con
fiance aux honnêtes gens amis de la
bonne comptabilité et des bonnes
mœurs, nous ne voudrions pas le ga
rantir. Le procureur général a, pour
le moins, outré les choses ; cependant
ce serait miracle qu'il n'y eût pas un
peu de feu sous cette fumée.
Mais du moment où il n'y a ni at
tentat, ni complot, comment le public
prendrait-il le reste du réquisitoire au
sérieux? On lui avait trop promis,
pour qu'il se contente de si peu. Il de
mande d'abord des preuves, de vraies
preuves,à ces accusateurs qui lui.ont
manqué de parole. Or jusqu'ici, quoi
qu'en disent les feuilles républicaines,
rien n'est prouvé. Et puis, même si
MM. Quesnay de Beaurepaire, Théve
net, Rouvier et Constans établissaient
que M. Boulanger a disposé d'une
artie des fonds secrets pour faire de
a propagande politique à son profit,
peut-être le suffrage universel en pren
drait-il aisément son parti.
Sans doute, il aurait tort, et ce se
rait le signe d'une grave oblitéra-
tiondusens moral. Mais à qui la faute,
sinon aux hommes du gouvernement
et aux majorités parlementaires qui
les ont soutenus? Le parti dont MM.
Thévenet et Constans restent les chefs
après les pièces produites contre eux,
n'a pas le droit de dire que le sens
moral manque à ses adversaires et
s'affaiblit dans la foule : si ce mal
existe, les républicains qui le dénon
cent en sont plus atteints que per
sonne et en portent tout particulière
ment la responsabilité.
Les protestations de M. Rouvier
vous émeuvent, vous acceptez le si
lence de M. Thévenet, vous couvrez
M. Constans par la question préala
ble; et le lendemain vous jouez l'indi
gnation parce que des dénonciations
anonymes et des rapports de police ne
suffisent pas à perdre M. Boulanger !
C'est trop manquer de logique et de
sincérité. Si, lorsque vos hommes ont
été mis sur la sellette, vous les aviez
forcés à s'expliquer, si vous les aviez
seulement écartés, vos réclamations
seraient comprises et l'opinion publi
que, redressée par votre conduite,
pourrait vous donner raison. Mais au
jourd'hui, ce qui la frappe, c'est votre
impudence. Et cette impression la
dispose à trouver que M. Boulanger,
même s'il a usé de moyens condam
nables pour subventionner ses jour
naux, s'est moins abaissé que la Cham
bre dont un vote, applaudi de toute la
presse républicaine, a sanctionné, ap
prouvé, glorifié le goût trop vif du mi
nistre prépondérant pour les pour
boires asiatiques..
Le jour de ce vote, radicaux, op
portunistes, tous le3 fidèles du régime
ont comblé là mesure.' C'est avec la
ceinture d'or de Norodom qu'on achè
vera d'étrangler la république parle
mentaire. M. Tirard, toujours solennel
et toujours un peu sot, n'a pas com
pris qu'en voulant en cette circons
tance innocenter son collègue, il fai
sait dire de tous les chefs et meneurs
du parti: les plus intègres n'ont qu'une
notion insuffisante du devoir gouver
nemental et de l'honneur; il faut les
chasser tous. .
Ce sentiment a du contribuer au
désastre de M. Quesnay de Beaure
paire devant le jury de la Seine. Au
lieu de voir uniquement le magistrat,
violemment attaqué, qui leur deman
dait justice, les jurés, écœurés de tou
tes les vilaines affaires de ces derniers
temps, ont fait porter au procureur
général, principal agent politique des
ministres mis en cause, le poids de
l'indignation que ceux-ci avaient sou
levée. Que cela soit juste, nous ne le
prétendons pas ; mais le jury, quand
il s'agit d'hommes publics et de jour
naux, fait de la politique, et non de la
justice. D'ailleurs, dans le cas actuel,
il n'a pas manqué d'une certaine logi
que. En effet, condamner les jour
naux qui avaient surtout frappé dans
le procureur général l'auxiliaire
zélé des ministres de la justice et de
l'intérieur, n'eût-ce pas été relever un
peu ces personnages? Mieux vaut,
s'est dit le jury, déclarer carrément
qu'appeler un magistrat*: valet de
bourreau, procureur à tout faire, bandit,
catin, homme sans honneur , etc., etc., - »
ce n'est pas l'injurier. ■■ ■' -
L'opinion publique juge le réquisi
toire de M. Quesnay de Beaurepaire
à peu près comme le jury de la Seine
a jugé sa plainte. Elle écarte ce docu
ment, même sur les points où il pour
rait dire vrai, parce qu'elle n'accorde
aucune foi et ne veut donner aucun
crédit aux hommes dont il émane et
qu'il devait relever. Gela est, au point
de vue politique, très naturel, puis-
qu'accepter quelque chose du réquisi
toire serait rendre quelque force aux
hommes et au gouvernement dont on
ne veut plus.
Le coup du réquisitoire ne pouvait
donc réussir, et, en effet, c'est dès à
présent, pour tout le monde, un coup
manqué. Ce grand effort du gouver
nement va tourner contre lui. Il est
difficile de ne pas s'en réjouir, et ce
pendant il faut bien reconnaître que
le succès du boulangisme ne peut
guère nous donner autre chose qu'une
forme nouvelle du désordre révolution
naire. Si la république parlementaire
a vicié toutes les notions du pouvoir,
ses vainqueurs semblent plus propres
à achever de les détruire qu'à les re
lever.
Cependant, nous catholiques, nous
ne devons ni nous décourager, ni
nous borner à faire nombre dans la
masse qui se rue contre le régime ac
tuel. Nous avons la prière, et, sur bien
des points, nous avons aussi le nom
bre. Unissons-nous, affirmons notre
programme, ne donnons nos voix qu'à
bon escient,et l'on comptera certaine
ment avec nous.
Eugène Veuillot.
M. le préfet de police, accusé par
plusieurs journaux républicains de
n'avoir pas su préserver ses agents de
la contagion boulangiste, et soupçonné
lui-même de ne pas nourrir contre le
général une haine irréconciliable, a
senti le besoin de justifier son person
nel et sa personne. Il l'a tenté, hier,
dans un petit discours prononcé à
l'occasion de là remise, solennelle,
d'une soixantaine de médailles à di
vers agents de la préfecture. Mais il
s'est exprimé avec des ménagements
qui paraîtront suspects à bien des
antiboulangistes. On dirait qu'il n'a
point voulu affirmer d'une façon irré
médiable l'hostilité de là police contre
l'aspirant-dictateur. Une assurance
banale de fidélité au gouvernement de
la république, cela peut-il suffire, cela
suffit-il notamment lorsque, dans une
phrase précédente, relative aux « par
tis hostiles », on a semblé mettre sur
le même pied les partisans du régime
actuel et les boulangistes ?
Voici, d'ailleurs, le passage... politi
que du discours de M. Lozé :
_ Votre mission n'a jamais été plus diffi
cile que dans les circonstances présentes,
et je ne fais pas allusion seulement à ce
redoublement d'efforts, à cette augmenta
tion des heures de service que causent
l'Exposition et les nombreuses fêies qu'elle
occasionne ; mais je veux parler aussi des
agitations politiques, des luttes diverses
que nous voyons engagées par les partis
hostiles et dont le contre-coup se fait res
sentir sur la voie publique : tout cela aug
mente singulièrement l'importance et la dé
licatesse de votre tâche. Les critiques,
voire les calomnies, ne vous seront pas
épargnées : elle ne doivent pas vous trou
bler.
Il vous suffit que vos chefs sachent que
vous êtes des agents disciplinés et dévoués,
que vous êtes des hommes de devoir, et
que le gouvernement de la République
peut compter §ur vous comme sur ses
meilleurs serviteurs. Quant à moi,qui vous
ai vus si souvent à l'œuvre, je n'ai jamais
hésité à me porter garant de votre loyauté
ét de votre patriotisme.
Hum? Hum?
Nous saurons demain si les jour
naux antiboulangistes se tiennent pour
satisfaits de ces déclarations. A leur
place, à la place surtout de Paris, et du
XIX° Siècle, qui les premiers, croyons-
nous, ont dénoncé le personnel delà
préfecture et paru suspecter le préfet
lui-même, nous ne serions nullement
rassurés; nous serions, au contraire,
en présence de ce langage si vague,
encore plus inquiets qu'auparavant.
Pauvre, pauvre gouvernement de la
République parlementaire, qui ne peut
compter ferme absolument sur rien,
même pas sur sa police ! On avait déjà
vu des gouvernements douter du peu-
)le, de la magistrature, de l'armée, de
[administration, etc...,mais deleurpo-
ice, jamais! Cette infortune suprême
était réservée au régime actuel !
Il croit se sauver, — lui qui a tant
épuré déjà tous les personnels ! — par
de nouvelles hécatombes de fonction
naires. On annonce de nombreuses
révocations. Elles ne sont point en
projet, mais décidées ; plusieurs même
sont prononcées déjà.
Exemple : on lit dans le Temps ;
Le ministre de l'intérieur a signé aujour
d'hui la révocation de ceux des agents dé
pendant de son ministère qui se sont com
promis en adhérant à la faction boulangiste,
et dont le manquement à. leurs devoirs a"
été constaté à l'aide des pièces saisies par
ordre de la haute cour.. Ces fonctionnaires,
tous d'ordre inférieur, sont au nombre de
quarante environ. Ils appartiennent soit à
l'administration centrale da ministère, soit
aux services de la préfecture de la Seine ou
de police.
Quarante, c'est un assez joli chif
fre. Il est moins élevé, pourtant, qu'on
ne s'y attendait. Le ministère de l'in
térieur est celui où les révocations
doivent être les plus nombreuses.
Y aura-t-il une seconde fournée ?
M. le procureur général avait parlé
de liasses et de liasses de lettres,
émanant de fonctionnaires, à l'adresse
de l'aspirant-Cromwel. M. le procu
reur général aurait-il monstrueuse
ment grossi les faits, là comme dans
beaucoup d'autres parties deson réqui
sitoire ? Ou bien, le gouvernement a
t-il compris à quel point il était dan
gereux, la veille de la bataille, de jeter
à ce qui lui reste de troupes à peu
près fidèles ce cri sinistre :« Nous
sommes trahis, trahis de toutes
parts » ? Et alors, sans doute, il se con
tente de décimer les traîtres. Il sur
veillera le reste, qu'il espère avoir
suffisamment effrayé, pour l'instant.
Quarante, d'ailleurs, c'est déjà si
gnificatif; ; Ce chiffre de .quarante ne
peut constituer, en effet, qu'une
indication. Quarante agents, qui dé
pendaient, hier encore, du ministre
de l'intérieur, étaient si indignés, si
écœurés, si bien disposés à concourir
au renversement du régime actuel,
qu'oubliant toute- prudence, ils ont
livré leurs noms, par écrit, au général!
Sans parler de ceux qui ont pu en faire
autant, et dont les lettres, détruites ou
mieux cachées, n'ont pas été découver
tes dans les perquisitions, combien
cela n'en suppose-t-il point ayant, par
de discrètes entremises verbales, pro
mis, sinon leur concours, au moins
leur neutralité ? Combien, surtout,
cela n'en suppose t-il pas, qui se gar
deront soigneusement, dans la pro
chaine lutte électorale, de jouer leur
va-tout en faveur d'un régime à
l'agonie?
Car ces choses sentent l'agonie, af
freusement. Il n'y aura plus, bientôt,
que le vieux flair parisien de M. Ranc
pour s'y tromper.
Pierre Veuillot
Voulant, apparemment, donner une
preuve nouvelle de sa politesse et de
sa bonne éducation, M. Camille Pelle-
tan écrit dans la Justice :
C'est étonnant comme on ramène le
clergé en faisant des amabilités au Pape !
M. Jean-Marie, évêque de Vannes, chef
d'un personnel payé par la république, pu
blie une lettre où il adopte comme candi
dats officiels les députés royalistes du Mor
bihan. C'est la loi militaire qui sert de pré
texte à sa manifestation électorale.M.Jean-
Marie, évêque, crie à la persécution,
parce que les séminaristes habiteront la ca>
serne I
Nous ne nous lasserons pas de rappeler
ce qui est l'évidence :
1° Qa'on a fait une lourde sottise en lais
sant subsister dans la loi militaire un pri
vilège exorbitant pour les séminaristes :
l'Eglise en profite et n'en crie que plus
fort ;
2° Qu'il est inutilement absurde d'essayer
de ce concilier l'Eglisepar des « coiffements»
de cardinaux à grands spectacles ; l'Eglise
n'en déteste pas moins la république.
3° Qu'il est inepte et coupable de conti
nuer & solder, avec l'argent des contribua
bles, une milice qui a été, est et sera toa-
jours la milice de la réaction contre la dé
mocratie de 1789.
M. Jean-Marie, évêque de Vannes, vient
d'ajouter une nouvelle preuve à toutes cel
les que nous avions déjà, sur ces trois
points. A qui le tour?
• - Camille Pelletan.
Pour faire justice de pareilles atta
ques, il suffit de les reproduire, à la
honte de celui qui se les permet, au
mépris de toutes convenances. Mgr
l'évêque de Vannes, en effet, n'a pas
besoin d'être défendu et ne peut qu'ê
tre très honoré d'être attaqué de la
sorte pour avoir fait noblement son
devoir.
Ce qui étonne, malgré tout, de la
part d'un député qui veut se faire pren
dre au sérieux, c'est cette accusation
étrange qui transforme en manifesta
tion électorale séditieuse le témoi
gnage rendu par un évêque aux dé
putés et sénateurs, ses diocésains, qui
ont vaillamment défendu au Parle
ment les intérêts de l'Eglise. Est-ce
que, par hasard, M. Camille Pelletan
attendrait de l'épiscopat des remer
ciements et des vœux de réélection à
l'adresse des sénateurs et députés qui,
par leurs votes, se sont montrés les
ennemis persévérants de la religion ?
Le facétieux écrivain serait le premier
à se gausser d'une telle palinodie.
Une autre chose nous surprend non
moins de la part de l'écrivain député
qui, s'étant signalé par quelques dis
cours où il montrait quelque chose dé
la science budgétaire, ne peut ignorer
la raison et, pour parler précisément,
l'origine historique et logique de cha
cun de ses chapitres.
. Le chapitre du budget du culte,
spécialement, a une histoire si peu
mystérieuse qu'il n'est pas besoin,
pour la connaître, d'avoir pénétré tous
les arcanes des questions financières.
M. Camille Pelletan sait donc, à n'en
pas douter, que ce budget est le ser
vice d'une dette, et non point un sa
laire. La « démocratie de 1789 », puis
qu'on l'invoque ici, est précisément
celle qui a proclamé ce caractère du
budget du culte, en s'engageant
d'honneur et en engageant l'Etat à
servir perpétuellement cette rente,
faible intérêt des propriétés dont on
dépouillait l'Eglise catholique.
Est-ce que, sur ce chapitre de l'hon
neur et de la probité la plus vulgaire,
les héritiers modernes de la « démo
cratie de 1789 » professeraient des
idées particulières, assez semblables
à ce qu'on appelait dans certain pro
gramme fameux : le droit au vol?
Avec ou sans la politesse dont il se
croit tenu de ne pas userquant il parle
des évêques, nous prions M. Camille
Pelletan de nous le dire.
Auguste Roussœl.
* ; . ,
Le Figaro publie, avec une grande
précision des détails, la nouvelle sui
vante :
Une grosse nouvelle épiscopale : ; >
Mgr Fava, évêque de Grenoble, revient
de Rome, où il a été appelé il y a huit jours
par Léon XIII ; il s'agissait de faire accep
ter au prélat le poste important de patriar
che de Jérusalem, laissé vacantpar suite du
décès de Mgr Bracco. Mgr Fava, que. tant
de souvenirs rattachent à son diocèse, n'a
accepté que sur les vives instances du
Pape. Cette nomination produira une pro
fonde émotion parmi les Français de Terre-
Sainte, qui désiraient ardemment voir un
prélat français prendre place sur un siège
. occupé jusqu'à ce jour par des prélats ita
liens..
Paa un tel choix, Léon XIII exprime sa
sympathie à là France, qui sera la première
à en bénéfier.
Mgr Fava* qui a évangélisé jadis les pays
orientaux, dont il connaît la langue, occu
pera dignement le poste élevé auquel il est
appelé. On parle de Mgr Jourdan de la Pas-
sardière, évêque de Roséa, ancien admi
nistrateur diocésain de Tunis et collabora
teur de Mgr Lavigerie, pour succéder à
Mgr Fava au siège de Grenoble.
Le Figaro ne dit rien de trop en par
lant comme il fait des qualités de Mgr
l'évêque de Grenoble ; mais, quant à la
nomination de Mgr Fava au patriar
cat de Jérusalem, nous sommes en
mesure de déclarer que ce journal est
mal informé.
La seule chose exacte, c'est que Mgr
l'évêque de Grenoble vient de passer
quelques jours à Rome et que Mgr
Jourdan de la Passardière, qui a été
successivement auxiliaire de Mgr
Fava, de S. Em. le cardinal Gaverot
et de S. Em. le cardinal Lavigerie sera
probablement désigné pour occuper
en France un des sièges épiscopaux
vacants.
Le Parti National consacre à l'éven
tualité du départ du Pape un article
où il y aurait bien des choses à répren
dre, mais dont nous ne voulons rete
nir que cette conclusion :
Peut-être ce qui se discute en ce moment
à Rome n'est-il qu'un épisode de la campa
gne entreprise pour démontrer la nécessité
de ce pouvoir temporel, tant contestée il y
a peu d'années encore, et à F évidence de
laquelle les esprits les moins suspects de ten
dances catholiques finissent par se rendre,
en considération même des intérêts particu
liers de chaque puissance.
Venant du Parti national^ langage
paraîtra on ne peut plus significatif.
On peut le rapprocher de la citation
de la Revue des Deux Mondes que nous
faisions hier.
Le Siècle est enchanté du discours
de M. Floquet, à Ghauny.
Quel discours? Peu importe. Donc,
l'ancien radical se fait opportuniste;
Floquet devient Ferry, n'ayant pu être
Robespierre.Mais,pour cacher son jeu,
le fat personnage prend un nom nou
veau. « Son patriotisme, dit le Siècle,
lui a fait comprendre que ce n'était
pas l'heure de s'enfermer dans un pro
gramme de groupe, et que, pour faire
front contre l'ennemi commun, la pre
mière condition était de consentir en
tre républicains le sacrifice de ce qui
nous divise. Il a opposé à la politique
de « l'intransigeance » la politique de
« pénétration réciproque ». La for
mule est neuve et n'est point mau
vaise. »
Il y avait déjà la « concentration »,
cette fameuse concentration républi
caine dont on a tant parlé ; maisx< pé
nétration réciproque » vaut mieux,
c'est moins usé, moins vieux. ^
Va pour la « pénétration récipro
que ». C'est le mot nouveau. Désor
mais donc toutes les anciennes qua
lifications disparaissent pour , faire
place à l'appellation nouvelle de M.
Floquet. Il n'y aura plus, dans les ré
publicains, que des hommes de « pé
nétration réciproque ».
Plus d'intransigeants, de radicaux
et d'opportunistes, rien que des c&m-
pénétrants t
Mais on aura beau faire ; on ne
trouvera jamais dans le parti républi
cain le nom de l'unité républicaine.
On lit dans la Paix :
Depuis quelques jours il n'était bruit,
dans le quartier du Panthéon, que de l'en
lèvement imminent de la croix qui s'élève
au sommet de l'ancienne église Sainte-Ge
neviève. Le campanile qui surmonte le dô
me de cet édifice est, en effet, livré aux ou
vriers, qui l'ont en partie caché à l'aide de
toiles, ce qui a fait supposer qu'on allait
construire l'échafaudage pour enlever la
croix. Il n'en est rien.
Les préparatifs que l'on fait ont pour but
d'exécuter d'urgence des travaux de res
tauration à cette partie du Panthéon, où il
s'est produit des fissures qui donnent prise
li des infiltrations.
Dans une émouvante étude publiée
par VEmancipateur de Cambrai, son
distingué rédacteur en chef, M. Er
nest Delloye (B. deMarcq),s'occupe de
la précocité vicieuse des criminels qui
ont figuré dans les dernières affaires
da cours d'assises.
Voici quelques-unes de ses obser
vations. Elles cadrent trop avec ce qu'a
dit de tout temps l 'Univers pour que
nous ne soyons pas heureux d'y faire
écho :
Le peuple est corrompu parce que la
partie du peuple qui ne veut pas qu'on l'ap
pelle « le peuple », qui se fait appeler, « la
haute classé », haute on ne sait par quoi,
si ce n'est, par les monceaux d'or sur les
quels elle se hausse, est aussi corrompue,
plus corrompue parfois que le peuple, et
que des hauteurs où elle trône, laissant
découler vers la plèbe toute sa corruption
dorée, elle est cause que cette corruption,
là dans la plaine, forme fange, ne conser
vant rien de son clinquant, de son brillant,
de son vernis, rien de sa distinction parfu
mée, et que ce qu'il reste c'est ce que l'on
voit s'étaler, à certains jours, dans le pré
toire de la cour d'assises, à savoir cette
immondicité humaine sans -nom — et sans
âge. . ■' . •. :■■■
.Voilà la vérité.et la réalité. ;•?
Et comment, à Paris surtout, le peupla,
l'enfant du penple, conserverait-il aa cœur
un sentiment quelconque d'honnêteté mo
rale, lorsque tout ce que forcément il voit
et entend, sans que par aucun moyen iL
s'en puisse défendre, est fait pour lé cor
rompre? Et à ce mot « fait », il faut ajou
ter le mot « exprès » ; car cette corruption
est voulue.
Corruption par le livre: r. ,
Jadis Je livre était réservé aux gens de
livres. On a sali le livre. Du livre on a fait
le journal. Sali, souillé, déchiqueté, réduit
& l'état de feuilles volantes, on a éparpillé
le livre sur le peuple, lui disani : Prends.
Il a pris ; il a lu.
Corruption par le théâtre : ' ''
A Paris, l'enfant est l'habitué du théâtreJ
On l'y mène « en récompense ». Le gou
vernement y fait défiler les petits de ses
écoles laïcisées. Et quelles pièces lui exhibe-
t-on ? On ne recule devant aucune audace 1 ;
on n'a honte d'aucune ordure. Délectez-
vous, mes mioches, et prenez toutes ces
erreurs du vice pour les réalités de la
vie 1
Corruption par les arts : •
Sous prétexte d'art, que n'étalc-t-on?
Les musées, autrefois, — un autrefois de
vingt ans, — avaient leurs secrets. La rue,
maintenant, est transformée en « cabinet
réservé » des exhibitions de foire à cin
quante centimes. Corruption du pinceau,
corruption du ciseau, corruption du mar
bre et du bronze; — corruption, immonde,
dégoûtante, révoltante, corruption provo
catrice, de la photographie.
Et au milieu de ces amoncellements de
pourriture, débrouillez-vous, enfants, en
fants de Paris, « gamins de Paris », pous
sez, grandissez dans cet air, dans ces mias
mes, entourés, de celte mort dés yeux, des
oreilles, du regard, de tout.
Vous êtes des pourris, quoi d'éton
nant ! ■ ' - ;
Vous êtes des monstres, quoi d'éton
nant I " ■■■ .. ... . ..i
- Vous êtes des prostitués, quoi d'éton
nant I •
Vous volez, vous tuez, vous assassinez,
quoi d'étonnant !
Vous brûlez vive la femme de Vinceri-
nes, vous assommez le « pante » d'Auteuil,
quoi d'étonnant !
Tout cela, n'est-il pas vraij vous l'avez
lu dans le journal, vous l'avez vu au théâ
tre? Pour quelle raison n'exécuteriez-vous
pas ce que l'on vous a montré !
Oui, gens de « la société », pourquoi le
peuple n'exécuterait-il pas, lui qui est fait
pour la besogne, ce que lui montrent et
lui disent votre littérature, vos arts, et vos
mœurs? ..
Vous, vous restez dans l'idéal du vice,
les délicats.
Le peuple ne oonnaît ni idéal, ni délica
tesse. :•
Il est pratique, et fait du pratique.
M. Ernest Delloye développe cette
idée et signale encore, comme une
des grandes causes de cette corrup
tion de l'enfance, l'école laïcisée.
II. faut être aveugle, en effet, ou
sèctaire pour n'en pas convenir.
Congrès anti-esclavagista
DE LUCERNE .
I
Lucerne, 22 juillet.
L'heure est venue de vous entretenir
avec quelque détail du congrès antiescla
vagiste international qui doit se tenir ici
dans lés premiers jours d'août. Les pré
paratifs de cette grande assemblée, qui no
peut manquer d'avoir un retentissement
considérable, sont en effet si activement
poussés qu'il importe sans retard d'en
préciser les conditions et d'en marquer le
caractère.
Et d'abord, vous connaissez les origines
du mouvement d'opinion dont ce congrès
doit être comme la consécration. Jusqu'en
mai 1888, l'esclavagisme africain était ma
connu. Sauf certains récits que les explo
rateurs avaient disséminés çà et là dans
leurs relations de voyages, aucune voix
puissante ne s'était fait entendre pour dé
noncer au monde civilisé des horreurs
qu'on croyait disparues. C'est alors que fut
publiée l'encyclique In plurimis, où le Sou
verain Poniife, en même temps qu'il féli
citait le Brésil d'avoir effacé les derniers
vestiges de l'esclavage colonial, signalait la
persistance et l'aggravation du mal dans
l'intérieur de l'Afrique. Le lendemain même
de l'apparition de ce document mémora
ble, S. Em, le cardinal Lavigerie, en pré
sentant à Sa Sainteté le pèlerinage afri
cain, recevait solennellement et authenti-
quement la mission de provoquer par toute
l'Europe chrétienne une sorte de croisade
antiesclavagiste. Comment le glorieux car
dinal missionnaire s'est acquitté de cette
tâche, je n'ai pas à vous le redire, toutes
les mémoires ayant gardé le souvenir des
conférences de Saint-Sulpice à Paris, du
Princess Hall à Londres, de Sainte-Gn*
dule à Bruxelles, comme aussi de ces
smss
N* 7875 — Édition quotidienna
Mercredi 24 Juillet 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-OUOTIDIENNE
Cn an. , ,
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
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(CHION fOSTALE)
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**®abonneinent8 partent de* t" et le de chaque mol*
UN NUMÉRO { g ■ffrt'emente: 2b
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. . .
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les abonnement il partent des I" et *6 de chaîne noif
L'UNIYERS ne répond pas des manuscrits qui loi sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGHÀNGE, CERF et C le , 6, place de la Bourgs
55!
FRANCE
PARIS, 23 JUILLET 1889
Les vacances parlementaires ne
manquent jamais de provoquer de
nombreux discours, soit des ministres,
soit de personnages politiques impor
tants. Les discours doivent être encore
plus nombreux lorsque les vacances
précèdent les élections générales.
Dimanche on a entendu, à Ghaunyy
l'important M. Floquet, à Grasse le
ministre Rouvier, sans parler de M. de'
Preycinet, qui s'est cantonné à Sau-
mur sur le terrain militaire, et de
M. Etienne, le sous-secrétaire d'Etat,
qui a péroré quelque part. M M.'Floquet
et Rouvier, le grand homme des loges
et des radicaux comme le ministre
opportuniste, ont attaqué le général
Boulanger et fait appel à la concen
tration républicaine. M. Floquet a pré
conisé une politique de « pénétra^
tion réciproque ». Comprenne qui
pourra ce que serait cette politique.
Tous les deux ont affecté l'assurance,
et déclaré bien haut qu'on ne doit pas
avoir peur du boulangisme; mais
l'insistance même avec laquelle ils di
saient de ne pas avoir peur est un aveu.
Au fond, ils ne se sentent rassurés ni
l'un ni l'autre.
Divers journaux annoncent que M.
le ministre de l'intérieur va adresser
des instructions au personnel adminis
tratif au sujet des élections pour les
conseils généraux. Le fait est vrai
semblable, et l'on pourrait d'avance
résumer les instructions du peu scru
puleux ministre ; il dira à ses agents,
sous une forme plus ou moins voilée,
de faire passer quand même les candi
dats officiels. Seulement, c'est plus
facile à dire qu'à faire.
Après une dénégation quelque peu
suspecte de Y Agence Havas et de quel
ques autres journaux officieux, le si
lence s'est fait comme par enchante
ment sur la circulaire de M.Demagny,
publiée par la Presse. Il serait cepen
dant bon d'être fixé sur l'authenticité
de ladite circulaire. Est-ce que le jour
nal qui publie une pièce apocryphe,
dont après démenti il maintient l'au
thenticité, n'est pas passible da pour
suites judiciaires ? Si oui, comme
nous le croyons, pourquoi ne pour
suit-on pas la Presse ? Serait-ce que la
pièce est vraie, quoique démentie?
Bien des personnes le penseront, sur
tout étant donnée la confiance qu'ins
pire à juste titre M. Gonstans.
C'est demain que vient devant le
tribunal correctionnel l'affaire des
journaux poursuivis pour avoir publié,
contrairement à la loi, le chef-d'œu
vre d'imagination de M. Quesnay de
Beaurepaire ; il n'y a pas moins de 45
journaux mis en cause. Quand le gou
vernement les aura fait condamner à
50 francs d'amende ou même un peu
lus, croit-il qu'il aura rendu meilleur
e réquisitoire de son étrange procu
reur général ?
La situation reste grave en Crète;
on croit cependant que cela s'arranr
géra, les insurgés crétois n'ayant au
cune puissance derrière eux.
Il doit être fort ennuyé avec ses ir
rédentistes, M. le ministre Crispi.
Ceux-ci se plaignent fort de la sup
pression delà Société de Trieste et de
Trente; on annonce même déjà une
interpellation de M. Imbriani,l'un des
grands hommes de l'irrédentisme. Il
est vrai que, les Chambres étant en
vacances, l'interpellation sera quelque
peu retardée.
Les hommes d'Etat italiens, sans en
excepter ceux qui se piquaient de mo
dération, ont fait appel aux passions
révolutionnaires dans leur guerre dé
loyale contre la Papauté, ils en sont
punis. Et cela ne s'arrêtera pas là.
Toujours de l'agitation en Serbie,où
l'on attend la visite annoncée du
roi Milan. Ce petit pays est en
ce moment tort tiraillé entre l'in
fluence russe et l'influence autri
chienne : il lui faut se garder de ses
deux trop zélés protecteurs, dont le
désintéressement ne semble pas bien
établi.
En Espagne, le procès intenté à M.
de Bénomar, l'ancien ambassadeur à
Berlin, qui rappelle quelque peu le
fameux procès d'Arnim, préoccupe
l'opinion. On y voit généralement un
nouvel incident de la lutte engagée
entre M. Sagasta et M. Canovas ; le
premier espérerait atteindre indirecte
ment un rival toujours redoutable;
seulement il atteindrait également par
contrecoup la politique d'Alphonse XII
que représentait M. Canovas, et ce ne
serait pour fortifier la régence.
f P. S. — Une lettre d'Indo-Ghine
nous apprend l'apparition du choléra
àSaïgon.
F,
£
A propos du réquisitoire
La presse gouvernementale ne peut
comprendre, s'il faut l'en croire, que
le réquisitoire de M. le procureur gé
néral Quesnay de Beaurepaire n'ait
pas amené le gros publie à repousser!
M. Boulanger,' sinon comme conspi
rateur, au moins comme malhonnête
homme. Quoi! s'écrie-t-elle, après trois
mois de laborieuses recherches, une
commission composée de sénateurs:
marquants, en même temps qu'elle
accuse le général d'attentat et de com-
lot, lui reproche, avec témoins et
'ails à l'appui, des tripotages, des
malversations, des concussions, et
ersonne ne s'indigne ! Non seulement'
es amis de l'aventurier lui restent fi-'
dèles, mais la masse continue de
croire en lui et d'en attendre — c'est
le comble — un gouvernement hon
nête. La France a-t-elle donc perdu
le sens moral ?
Le propos est grave. Examinons-le
posément.
Non, le sens moral n'est pas encore
perdu chez nous ; mais nul doute qu'il
n'y soit menacé et même entamé.Gom-
ment en serait-il autrement sous un
régime qui, après douze ans de durée,
se résume dans la politique, les procès
et le ministère actuels?
Certes, qu'il y ait du faux, et même
qu'il y en ait beaucoup, dans les accu
sations portées contre M. Boulanger,
nul n'en peut douter et n'en doute.
Mais que ce prétendant soit pur de
tout gaspillage, de tout virement lou
che ; qu'il piiisse inspirer pleine con
fiance aux honnêtes gens amis de la
bonne comptabilité et des bonnes
mœurs, nous ne voudrions pas le ga
rantir. Le procureur général a, pour
le moins, outré les choses ; cependant
ce serait miracle qu'il n'y eût pas un
peu de feu sous cette fumée.
Mais du moment où il n'y a ni at
tentat, ni complot, comment le public
prendrait-il le reste du réquisitoire au
sérieux? On lui avait trop promis,
pour qu'il se contente de si peu. Il de
mande d'abord des preuves, de vraies
preuves,à ces accusateurs qui lui.ont
manqué de parole. Or jusqu'ici, quoi
qu'en disent les feuilles républicaines,
rien n'est prouvé. Et puis, même si
MM. Quesnay de Beaurepaire, Théve
net, Rouvier et Constans établissaient
que M. Boulanger a disposé d'une
artie des fonds secrets pour faire de
a propagande politique à son profit,
peut-être le suffrage universel en pren
drait-il aisément son parti.
Sans doute, il aurait tort, et ce se
rait le signe d'une grave oblitéra-
tiondusens moral. Mais à qui la faute,
sinon aux hommes du gouvernement
et aux majorités parlementaires qui
les ont soutenus? Le parti dont MM.
Thévenet et Constans restent les chefs
après les pièces produites contre eux,
n'a pas le droit de dire que le sens
moral manque à ses adversaires et
s'affaiblit dans la foule : si ce mal
existe, les républicains qui le dénon
cent en sont plus atteints que per
sonne et en portent tout particulière
ment la responsabilité.
Les protestations de M. Rouvier
vous émeuvent, vous acceptez le si
lence de M. Thévenet, vous couvrez
M. Constans par la question préala
ble; et le lendemain vous jouez l'indi
gnation parce que des dénonciations
anonymes et des rapports de police ne
suffisent pas à perdre M. Boulanger !
C'est trop manquer de logique et de
sincérité. Si, lorsque vos hommes ont
été mis sur la sellette, vous les aviez
forcés à s'expliquer, si vous les aviez
seulement écartés, vos réclamations
seraient comprises et l'opinion publi
que, redressée par votre conduite,
pourrait vous donner raison. Mais au
jourd'hui, ce qui la frappe, c'est votre
impudence. Et cette impression la
dispose à trouver que M. Boulanger,
même s'il a usé de moyens condam
nables pour subventionner ses jour
naux, s'est moins abaissé que la Cham
bre dont un vote, applaudi de toute la
presse républicaine, a sanctionné, ap
prouvé, glorifié le goût trop vif du mi
nistre prépondérant pour les pour
boires asiatiques..
Le jour de ce vote, radicaux, op
portunistes, tous le3 fidèles du régime
ont comblé là mesure.' C'est avec la
ceinture d'or de Norodom qu'on achè
vera d'étrangler la république parle
mentaire. M. Tirard, toujours solennel
et toujours un peu sot, n'a pas com
pris qu'en voulant en cette circons
tance innocenter son collègue, il fai
sait dire de tous les chefs et meneurs
du parti: les plus intègres n'ont qu'une
notion insuffisante du devoir gouver
nemental et de l'honneur; il faut les
chasser tous. .
Ce sentiment a du contribuer au
désastre de M. Quesnay de Beaure
paire devant le jury de la Seine. Au
lieu de voir uniquement le magistrat,
violemment attaqué, qui leur deman
dait justice, les jurés, écœurés de tou
tes les vilaines affaires de ces derniers
temps, ont fait porter au procureur
général, principal agent politique des
ministres mis en cause, le poids de
l'indignation que ceux-ci avaient sou
levée. Que cela soit juste, nous ne le
prétendons pas ; mais le jury, quand
il s'agit d'hommes publics et de jour
naux, fait de la politique, et non de la
justice. D'ailleurs, dans le cas actuel,
il n'a pas manqué d'une certaine logi
que. En effet, condamner les jour
naux qui avaient surtout frappé dans
le procureur général l'auxiliaire
zélé des ministres de la justice et de
l'intérieur, n'eût-ce pas été relever un
peu ces personnages? Mieux vaut,
s'est dit le jury, déclarer carrément
qu'appeler un magistrat*: valet de
bourreau, procureur à tout faire, bandit,
catin, homme sans honneur , etc., etc., - »
ce n'est pas l'injurier. ■■ ■' -
L'opinion publique juge le réquisi
toire de M. Quesnay de Beaurepaire
à peu près comme le jury de la Seine
a jugé sa plainte. Elle écarte ce docu
ment, même sur les points où il pour
rait dire vrai, parce qu'elle n'accorde
aucune foi et ne veut donner aucun
crédit aux hommes dont il émane et
qu'il devait relever. Gela est, au point
de vue politique, très naturel, puis-
qu'accepter quelque chose du réquisi
toire serait rendre quelque force aux
hommes et au gouvernement dont on
ne veut plus.
Le coup du réquisitoire ne pouvait
donc réussir, et, en effet, c'est dès à
présent, pour tout le monde, un coup
manqué. Ce grand effort du gouver
nement va tourner contre lui. Il est
difficile de ne pas s'en réjouir, et ce
pendant il faut bien reconnaître que
le succès du boulangisme ne peut
guère nous donner autre chose qu'une
forme nouvelle du désordre révolution
naire. Si la république parlementaire
a vicié toutes les notions du pouvoir,
ses vainqueurs semblent plus propres
à achever de les détruire qu'à les re
lever.
Cependant, nous catholiques, nous
ne devons ni nous décourager, ni
nous borner à faire nombre dans la
masse qui se rue contre le régime ac
tuel. Nous avons la prière, et, sur bien
des points, nous avons aussi le nom
bre. Unissons-nous, affirmons notre
programme, ne donnons nos voix qu'à
bon escient,et l'on comptera certaine
ment avec nous.
Eugène Veuillot.
M. le préfet de police, accusé par
plusieurs journaux républicains de
n'avoir pas su préserver ses agents de
la contagion boulangiste, et soupçonné
lui-même de ne pas nourrir contre le
général une haine irréconciliable, a
senti le besoin de justifier son person
nel et sa personne. Il l'a tenté, hier,
dans un petit discours prononcé à
l'occasion de là remise, solennelle,
d'une soixantaine de médailles à di
vers agents de la préfecture. Mais il
s'est exprimé avec des ménagements
qui paraîtront suspects à bien des
antiboulangistes. On dirait qu'il n'a
point voulu affirmer d'une façon irré
médiable l'hostilité de là police contre
l'aspirant-dictateur. Une assurance
banale de fidélité au gouvernement de
la république, cela peut-il suffire, cela
suffit-il notamment lorsque, dans une
phrase précédente, relative aux « par
tis hostiles », on a semblé mettre sur
le même pied les partisans du régime
actuel et les boulangistes ?
Voici, d'ailleurs, le passage... politi
que du discours de M. Lozé :
_ Votre mission n'a jamais été plus diffi
cile que dans les circonstances présentes,
et je ne fais pas allusion seulement à ce
redoublement d'efforts, à cette augmenta
tion des heures de service que causent
l'Exposition et les nombreuses fêies qu'elle
occasionne ; mais je veux parler aussi des
agitations politiques, des luttes diverses
que nous voyons engagées par les partis
hostiles et dont le contre-coup se fait res
sentir sur la voie publique : tout cela aug
mente singulièrement l'importance et la dé
licatesse de votre tâche. Les critiques,
voire les calomnies, ne vous seront pas
épargnées : elle ne doivent pas vous trou
bler.
Il vous suffit que vos chefs sachent que
vous êtes des agents disciplinés et dévoués,
que vous êtes des hommes de devoir, et
que le gouvernement de la République
peut compter §ur vous comme sur ses
meilleurs serviteurs. Quant à moi,qui vous
ai vus si souvent à l'œuvre, je n'ai jamais
hésité à me porter garant de votre loyauté
ét de votre patriotisme.
Hum? Hum?
Nous saurons demain si les jour
naux antiboulangistes se tiennent pour
satisfaits de ces déclarations. A leur
place, à la place surtout de Paris, et du
XIX° Siècle, qui les premiers, croyons-
nous, ont dénoncé le personnel delà
préfecture et paru suspecter le préfet
lui-même, nous ne serions nullement
rassurés; nous serions, au contraire,
en présence de ce langage si vague,
encore plus inquiets qu'auparavant.
Pauvre, pauvre gouvernement de la
République parlementaire, qui ne peut
compter ferme absolument sur rien,
même pas sur sa police ! On avait déjà
vu des gouvernements douter du peu-
)le, de la magistrature, de l'armée, de
[administration, etc...,mais deleurpo-
ice, jamais! Cette infortune suprême
était réservée au régime actuel !
Il croit se sauver, — lui qui a tant
épuré déjà tous les personnels ! — par
de nouvelles hécatombes de fonction
naires. On annonce de nombreuses
révocations. Elles ne sont point en
projet, mais décidées ; plusieurs même
sont prononcées déjà.
Exemple : on lit dans le Temps ;
Le ministre de l'intérieur a signé aujour
d'hui la révocation de ceux des agents dé
pendant de son ministère qui se sont com
promis en adhérant à la faction boulangiste,
et dont le manquement à. leurs devoirs a"
été constaté à l'aide des pièces saisies par
ordre de la haute cour.. Ces fonctionnaires,
tous d'ordre inférieur, sont au nombre de
quarante environ. Ils appartiennent soit à
l'administration centrale da ministère, soit
aux services de la préfecture de la Seine ou
de police.
Quarante, c'est un assez joli chif
fre. Il est moins élevé, pourtant, qu'on
ne s'y attendait. Le ministère de l'in
térieur est celui où les révocations
doivent être les plus nombreuses.
Y aura-t-il une seconde fournée ?
M. le procureur général avait parlé
de liasses et de liasses de lettres,
émanant de fonctionnaires, à l'adresse
de l'aspirant-Cromwel. M. le procu
reur général aurait-il monstrueuse
ment grossi les faits, là comme dans
beaucoup d'autres parties deson réqui
sitoire ? Ou bien, le gouvernement a
t-il compris à quel point il était dan
gereux, la veille de la bataille, de jeter
à ce qui lui reste de troupes à peu
près fidèles ce cri sinistre :« Nous
sommes trahis, trahis de toutes
parts » ? Et alors, sans doute, il se con
tente de décimer les traîtres. Il sur
veillera le reste, qu'il espère avoir
suffisamment effrayé, pour l'instant.
Quarante, d'ailleurs, c'est déjà si
gnificatif; ; Ce chiffre de .quarante ne
peut constituer, en effet, qu'une
indication. Quarante agents, qui dé
pendaient, hier encore, du ministre
de l'intérieur, étaient si indignés, si
écœurés, si bien disposés à concourir
au renversement du régime actuel,
qu'oubliant toute- prudence, ils ont
livré leurs noms, par écrit, au général!
Sans parler de ceux qui ont pu en faire
autant, et dont les lettres, détruites ou
mieux cachées, n'ont pas été découver
tes dans les perquisitions, combien
cela n'en suppose-t-il point ayant, par
de discrètes entremises verbales, pro
mis, sinon leur concours, au moins
leur neutralité ? Combien, surtout,
cela n'en suppose t-il pas, qui se gar
deront soigneusement, dans la pro
chaine lutte électorale, de jouer leur
va-tout en faveur d'un régime à
l'agonie?
Car ces choses sentent l'agonie, af
freusement. Il n'y aura plus, bientôt,
que le vieux flair parisien de M. Ranc
pour s'y tromper.
Pierre Veuillot
Voulant, apparemment, donner une
preuve nouvelle de sa politesse et de
sa bonne éducation, M. Camille Pelle-
tan écrit dans la Justice :
C'est étonnant comme on ramène le
clergé en faisant des amabilités au Pape !
M. Jean-Marie, évêque de Vannes, chef
d'un personnel payé par la république, pu
blie une lettre où il adopte comme candi
dats officiels les députés royalistes du Mor
bihan. C'est la loi militaire qui sert de pré
texte à sa manifestation électorale.M.Jean-
Marie, évêque, crie à la persécution,
parce que les séminaristes habiteront la ca>
serne I
Nous ne nous lasserons pas de rappeler
ce qui est l'évidence :
1° Qa'on a fait une lourde sottise en lais
sant subsister dans la loi militaire un pri
vilège exorbitant pour les séminaristes :
l'Eglise en profite et n'en crie que plus
fort ;
2° Qu'il est inutilement absurde d'essayer
de ce concilier l'Eglisepar des « coiffements»
de cardinaux à grands spectacles ; l'Eglise
n'en déteste pas moins la république.
3° Qu'il est inepte et coupable de conti
nuer & solder, avec l'argent des contribua
bles, une milice qui a été, est et sera toa-
jours la milice de la réaction contre la dé
mocratie de 1789.
M. Jean-Marie, évêque de Vannes, vient
d'ajouter une nouvelle preuve à toutes cel
les que nous avions déjà, sur ces trois
points. A qui le tour?
• - Camille Pelletan.
Pour faire justice de pareilles atta
ques, il suffit de les reproduire, à la
honte de celui qui se les permet, au
mépris de toutes convenances. Mgr
l'évêque de Vannes, en effet, n'a pas
besoin d'être défendu et ne peut qu'ê
tre très honoré d'être attaqué de la
sorte pour avoir fait noblement son
devoir.
Ce qui étonne, malgré tout, de la
part d'un député qui veut se faire pren
dre au sérieux, c'est cette accusation
étrange qui transforme en manifesta
tion électorale séditieuse le témoi
gnage rendu par un évêque aux dé
putés et sénateurs, ses diocésains, qui
ont vaillamment défendu au Parle
ment les intérêts de l'Eglise. Est-ce
que, par hasard, M. Camille Pelletan
attendrait de l'épiscopat des remer
ciements et des vœux de réélection à
l'adresse des sénateurs et députés qui,
par leurs votes, se sont montrés les
ennemis persévérants de la religion ?
Le facétieux écrivain serait le premier
à se gausser d'une telle palinodie.
Une autre chose nous surprend non
moins de la part de l'écrivain député
qui, s'étant signalé par quelques dis
cours où il montrait quelque chose dé
la science budgétaire, ne peut ignorer
la raison et, pour parler précisément,
l'origine historique et logique de cha
cun de ses chapitres.
. Le chapitre du budget du culte,
spécialement, a une histoire si peu
mystérieuse qu'il n'est pas besoin,
pour la connaître, d'avoir pénétré tous
les arcanes des questions financières.
M. Camille Pelletan sait donc, à n'en
pas douter, que ce budget est le ser
vice d'une dette, et non point un sa
laire. La « démocratie de 1789 », puis
qu'on l'invoque ici, est précisément
celle qui a proclamé ce caractère du
budget du culte, en s'engageant
d'honneur et en engageant l'Etat à
servir perpétuellement cette rente,
faible intérêt des propriétés dont on
dépouillait l'Eglise catholique.
Est-ce que, sur ce chapitre de l'hon
neur et de la probité la plus vulgaire,
les héritiers modernes de la « démo
cratie de 1789 » professeraient des
idées particulières, assez semblables
à ce qu'on appelait dans certain pro
gramme fameux : le droit au vol?
Avec ou sans la politesse dont il se
croit tenu de ne pas userquant il parle
des évêques, nous prions M. Camille
Pelletan de nous le dire.
Auguste Roussœl.
* ; . ,
Le Figaro publie, avec une grande
précision des détails, la nouvelle sui
vante :
Une grosse nouvelle épiscopale : ; >
Mgr Fava, évêque de Grenoble, revient
de Rome, où il a été appelé il y a huit jours
par Léon XIII ; il s'agissait de faire accep
ter au prélat le poste important de patriar
che de Jérusalem, laissé vacantpar suite du
décès de Mgr Bracco. Mgr Fava, que. tant
de souvenirs rattachent à son diocèse, n'a
accepté que sur les vives instances du
Pape. Cette nomination produira une pro
fonde émotion parmi les Français de Terre-
Sainte, qui désiraient ardemment voir un
prélat français prendre place sur un siège
. occupé jusqu'à ce jour par des prélats ita
liens..
Paa un tel choix, Léon XIII exprime sa
sympathie à là France, qui sera la première
à en bénéfier.
Mgr Fava* qui a évangélisé jadis les pays
orientaux, dont il connaît la langue, occu
pera dignement le poste élevé auquel il est
appelé. On parle de Mgr Jourdan de la Pas-
sardière, évêque de Roséa, ancien admi
nistrateur diocésain de Tunis et collabora
teur de Mgr Lavigerie, pour succéder à
Mgr Fava au siège de Grenoble.
Le Figaro ne dit rien de trop en par
lant comme il fait des qualités de Mgr
l'évêque de Grenoble ; mais, quant à la
nomination de Mgr Fava au patriar
cat de Jérusalem, nous sommes en
mesure de déclarer que ce journal est
mal informé.
La seule chose exacte, c'est que Mgr
l'évêque de Grenoble vient de passer
quelques jours à Rome et que Mgr
Jourdan de la Passardière, qui a été
successivement auxiliaire de Mgr
Fava, de S. Em. le cardinal Gaverot
et de S. Em. le cardinal Lavigerie sera
probablement désigné pour occuper
en France un des sièges épiscopaux
vacants.
Le Parti National consacre à l'éven
tualité du départ du Pape un article
où il y aurait bien des choses à répren
dre, mais dont nous ne voulons rete
nir que cette conclusion :
Peut-être ce qui se discute en ce moment
à Rome n'est-il qu'un épisode de la campa
gne entreprise pour démontrer la nécessité
de ce pouvoir temporel, tant contestée il y
a peu d'années encore, et à F évidence de
laquelle les esprits les moins suspects de ten
dances catholiques finissent par se rendre,
en considération même des intérêts particu
liers de chaque puissance.
Venant du Parti national^ langage
paraîtra on ne peut plus significatif.
On peut le rapprocher de la citation
de la Revue des Deux Mondes que nous
faisions hier.
Le Siècle est enchanté du discours
de M. Floquet, à Ghauny.
Quel discours? Peu importe. Donc,
l'ancien radical se fait opportuniste;
Floquet devient Ferry, n'ayant pu être
Robespierre.Mais,pour cacher son jeu,
le fat personnage prend un nom nou
veau. « Son patriotisme, dit le Siècle,
lui a fait comprendre que ce n'était
pas l'heure de s'enfermer dans un pro
gramme de groupe, et que, pour faire
front contre l'ennemi commun, la pre
mière condition était de consentir en
tre républicains le sacrifice de ce qui
nous divise. Il a opposé à la politique
de « l'intransigeance » la politique de
« pénétration réciproque ». La for
mule est neuve et n'est point mau
vaise. »
Il y avait déjà la « concentration »,
cette fameuse concentration républi
caine dont on a tant parlé ; maisx< pé
nétration réciproque » vaut mieux,
c'est moins usé, moins vieux. ^
Va pour la « pénétration récipro
que ». C'est le mot nouveau. Désor
mais donc toutes les anciennes qua
lifications disparaissent pour , faire
place à l'appellation nouvelle de M.
Floquet. Il n'y aura plus, dans les ré
publicains, que des hommes de « pé
nétration réciproque ».
Plus d'intransigeants, de radicaux
et d'opportunistes, rien que des c&m-
pénétrants t
Mais on aura beau faire ; on ne
trouvera jamais dans le parti républi
cain le nom de l'unité républicaine.
On lit dans la Paix :
Depuis quelques jours il n'était bruit,
dans le quartier du Panthéon, que de l'en
lèvement imminent de la croix qui s'élève
au sommet de l'ancienne église Sainte-Ge
neviève. Le campanile qui surmonte le dô
me de cet édifice est, en effet, livré aux ou
vriers, qui l'ont en partie caché à l'aide de
toiles, ce qui a fait supposer qu'on allait
construire l'échafaudage pour enlever la
croix. Il n'en est rien.
Les préparatifs que l'on fait ont pour but
d'exécuter d'urgence des travaux de res
tauration à cette partie du Panthéon, où il
s'est produit des fissures qui donnent prise
li des infiltrations.
Dans une émouvante étude publiée
par VEmancipateur de Cambrai, son
distingué rédacteur en chef, M. Er
nest Delloye (B. deMarcq),s'occupe de
la précocité vicieuse des criminels qui
ont figuré dans les dernières affaires
da cours d'assises.
Voici quelques-unes de ses obser
vations. Elles cadrent trop avec ce qu'a
dit de tout temps l 'Univers pour que
nous ne soyons pas heureux d'y faire
écho :
Le peuple est corrompu parce que la
partie du peuple qui ne veut pas qu'on l'ap
pelle « le peuple », qui se fait appeler, « la
haute classé », haute on ne sait par quoi,
si ce n'est, par les monceaux d'or sur les
quels elle se hausse, est aussi corrompue,
plus corrompue parfois que le peuple, et
que des hauteurs où elle trône, laissant
découler vers la plèbe toute sa corruption
dorée, elle est cause que cette corruption,
là dans la plaine, forme fange, ne conser
vant rien de son clinquant, de son brillant,
de son vernis, rien de sa distinction parfu
mée, et que ce qu'il reste c'est ce que l'on
voit s'étaler, à certains jours, dans le pré
toire de la cour d'assises, à savoir cette
immondicité humaine sans -nom — et sans
âge. . ■' . •. :■■■
.Voilà la vérité.et la réalité. ;•?
Et comment, à Paris surtout, le peupla,
l'enfant du penple, conserverait-il aa cœur
un sentiment quelconque d'honnêteté mo
rale, lorsque tout ce que forcément il voit
et entend, sans que par aucun moyen iL
s'en puisse défendre, est fait pour lé cor
rompre? Et à ce mot « fait », il faut ajou
ter le mot « exprès » ; car cette corruption
est voulue.
Corruption par le livre: r. ,
Jadis Je livre était réservé aux gens de
livres. On a sali le livre. Du livre on a fait
le journal. Sali, souillé, déchiqueté, réduit
& l'état de feuilles volantes, on a éparpillé
le livre sur le peuple, lui disani : Prends.
Il a pris ; il a lu.
Corruption par le théâtre : ' ''
A Paris, l'enfant est l'habitué du théâtreJ
On l'y mène « en récompense ». Le gou
vernement y fait défiler les petits de ses
écoles laïcisées. Et quelles pièces lui exhibe-
t-on ? On ne recule devant aucune audace 1 ;
on n'a honte d'aucune ordure. Délectez-
vous, mes mioches, et prenez toutes ces
erreurs du vice pour les réalités de la
vie 1
Corruption par les arts : •
Sous prétexte d'art, que n'étalc-t-on?
Les musées, autrefois, — un autrefois de
vingt ans, — avaient leurs secrets. La rue,
maintenant, est transformée en « cabinet
réservé » des exhibitions de foire à cin
quante centimes. Corruption du pinceau,
corruption du ciseau, corruption du mar
bre et du bronze; — corruption, immonde,
dégoûtante, révoltante, corruption provo
catrice, de la photographie.
Et au milieu de ces amoncellements de
pourriture, débrouillez-vous, enfants, en
fants de Paris, « gamins de Paris », pous
sez, grandissez dans cet air, dans ces mias
mes, entourés, de celte mort dés yeux, des
oreilles, du regard, de tout.
Vous êtes des pourris, quoi d'éton
nant ! ■ ' - ;
Vous êtes des monstres, quoi d'éton
nant I " ■■■ .. ... . ..i
- Vous êtes des prostitués, quoi d'éton
nant I •
Vous volez, vous tuez, vous assassinez,
quoi d'étonnant !
Vous brûlez vive la femme de Vinceri-
nes, vous assommez le « pante » d'Auteuil,
quoi d'étonnant !
Tout cela, n'est-il pas vraij vous l'avez
lu dans le journal, vous l'avez vu au théâ
tre? Pour quelle raison n'exécuteriez-vous
pas ce que l'on vous a montré !
Oui, gens de « la société », pourquoi le
peuple n'exécuterait-il pas, lui qui est fait
pour la besogne, ce que lui montrent et
lui disent votre littérature, vos arts, et vos
mœurs? ..
Vous, vous restez dans l'idéal du vice,
les délicats.
Le peuple ne oonnaît ni idéal, ni délica
tesse. :•
Il est pratique, et fait du pratique.
M. Ernest Delloye développe cette
idée et signale encore, comme une
des grandes causes de cette corrup
tion de l'enfance, l'école laïcisée.
II. faut être aveugle, en effet, ou
sèctaire pour n'en pas convenir.
Congrès anti-esclavagista
DE LUCERNE .
I
Lucerne, 22 juillet.
L'heure est venue de vous entretenir
avec quelque détail du congrès antiescla
vagiste international qui doit se tenir ici
dans lés premiers jours d'août. Les pré
paratifs de cette grande assemblée, qui no
peut manquer d'avoir un retentissement
considérable, sont en effet si activement
poussés qu'il importe sans retard d'en
préciser les conditions et d'en marquer le
caractère.
Et d'abord, vous connaissez les origines
du mouvement d'opinion dont ce congrès
doit être comme la consécration. Jusqu'en
mai 1888, l'esclavagisme africain était ma
connu. Sauf certains récits que les explo
rateurs avaient disséminés çà et là dans
leurs relations de voyages, aucune voix
puissante ne s'était fait entendre pour dé
noncer au monde civilisé des horreurs
qu'on croyait disparues. C'est alors que fut
publiée l'encyclique In plurimis, où le Sou
verain Poniife, en même temps qu'il féli
citait le Brésil d'avoir effacé les derniers
vestiges de l'esclavage colonial, signalait la
persistance et l'aggravation du mal dans
l'intérieur de l'Afrique. Le lendemain même
de l'apparition de ce document mémora
ble, S. Em, le cardinal Lavigerie, en pré
sentant à Sa Sainteté le pèlerinage afri
cain, recevait solennellement et authenti-
quement la mission de provoquer par toute
l'Europe chrétienne une sorte de croisade
antiesclavagiste. Comment le glorieux car
dinal missionnaire s'est acquitté de cette
tâche, je n'ai pas à vous le redire, toutes
les mémoires ayant gardé le souvenir des
conférences de Saint-Sulpice à Paris, du
Princess Hall à Londres, de Sainte-Gn*
dule à Bruxelles, comme aussi de ces
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