Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-07-12
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 juillet 1889 12 juillet 1889
Description : 1889/07/12 (Numéro 7863). 1889/07/12 (Numéro 7863).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706683t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 12 Juillet 1IS9
N* 7863 — Edition quotidienne
Vendredi 12 Juillet 1889
OBSngBSI
ÉDITION QUOTI DIENNE
paris étranger
KT DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE)
fja&n. . 55 » 68 »
Six mois. ... 28 50 34k »
Trois mois. . . 15 » 18 »
^HitoimeucBU partent des f » et 16 de chaque moi*
TJN NUMÉRO { Dépar tements! lo
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . « • •
Six mois. . . .
Trois mois. . .
paris
ST DÉPARTEMENTS
.30 »
16 »
8 50
étranger
(çkion p0s7al1)
36 a
19 •
10 »
Les cbonnemcnt» partent de» 1" et 16 de chaque mok
L'DHIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C">, 6, place de la Bourse
«9
FRANCE
PARIS, H JUILLET 1889
On veut faire vite au Sénat;.le mi
nistère a sans doute obtenu de la com
plaisance des sénateurs qu'ils voteront
le budget en toute hâte ; alors le gou
vernement serait débarrassé dès sa
medi des Chambres et il n'aurait pas à
appréhender quelque accident.
C'est évidemment dans ce but que
Te Sénat a décidé de tenir aujourd'hui
deux séances. Hier, il a commencé la
discussion générale du budget; on a
entendu MM. Blavier, Rouvier et Ghes-
nelong. Ce matin, il a terminé la dis
cussion générale, et vote le projet de
loi relatif au Panama.
A la Chambre des députés on a voté
le projet de loi relatif aux téléphones
et commencé la discussion de la pro
position de MM. Basly et Camélinat
relative à l'amnistie. L'ajournement a
été repoussé ainsi qu'un contre-projet
de M. Cunéo d'Ornano. Sur l'article I or
du projet, la commission et le gouver
nement étaient en désaccord ; le gou
vernement voulait excepter de l'am
nistie l'anarchiste Cyvoet el les qua
tre assassins de M. Watrin à Decaze-
ville. M. Rodât a repris comme amen
dement le projet du gouvernement,qui
a été adopté. On a également voté
l'article 2.
Aujourd'hui, l'interpellation de M.
Le Hérissé vient àl'ordre du jouravant
la suite de la discussion sur l'am
nistie.
Il semble que chaque jour doive
amener son incident, son scandale.
Pendant que les journaux commentent
avec une grande vivacité le cas de M.
Thévenet, qui s'aggravë, et le rôle
prêté à M. aeFreycinet dans l'affaire
du colonel Vincent et à l'égard du
général Boulanger, voici l'Intransi
geant qui publie un nouveau document,
visant cette fois M. Constans. C'est Ja
dépêche de M. Richaud, dont il a été
question, notamment dans l'interpel
lation de M. de La Martinière, et dont
le gouvernement avait esquivé, non
sans difficulté, la publication. C'était
reculer pour mieux sauter.
On trouvera plus loin ce document,
qui charge lourdement l'ancien gou
verneur général de l'Indo-Chine.
On comprend qu'avec des incidents
{lareils, qui se succèdent si rapidement,
e ministère tienne à voir partir les
Chambres.
JNTous publions la traduction d'une
déclaration de l'épiscopat catholique
irlandais au sujet de la ligue agraire
et de la situation de l'Irlande. Nous
n'avons pas besoin de faire ressortir
l'importance de ce document.
Qu'y a-t-il de fondé dans les bruits
qui arrivent de Berlin et qui signalent
une lutte assez vive, quoique dissimu
lée, entre les partisans de M. de Bis
marck et ceux du général de Walder-
sée? On sait que déjà on avait parlé à
diverses reprises de l'an imosité latente
qui existe entre les deux personnages.
Des attaques se seraient produites en
core ces jours derniers, et le bruit au
rait même couru que la situation de
M. de Bismarck était menacée. C'était
aller un peu vite, quoiqu'il y ait cer
tainement des tiraillements.
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
■ ■ : .
Même Ja certitude de renverser le
gouvernement n'aurait pas, hier à six
eures et demie, suffi pour décider
personne à prolonger la séance. Des
votes contradictoires; des amende
ments pris en considération et repous
sés aussitôt, puis transformés en pro
jets et encore repoussés ; des textes
de loi improvisés, adoptés au hasard ;
le règlement dix fois consulté, inter
prété, mis aux voix, modifié ; de3 inci
dents, des surprises, du tapage, des
explosions de colère et d'ahurisse
ment.
C'est l'amnistie qui a produit cette
agitation fébrile.
Deux propositions, déposées depuis
assez longtemps par MM. Basly et Ca
mélinat, d'une part ; de l'autre, par
M, Millerand, étaient à l'ordre du jour.
Elles concernaient principalement les
condamnations pour faits de grève
(Monteeau-les-Mines et Decazeville) et
pour crimes et délits de. presse. La
commission concluait $n leur faveur,
«sauf pour les diffamations et pour les
injures.
En l'absence du gouvernement, la
première partie avait passé comme
uné lettre à la poste. Les procès de
presse avaient donné lieu à un débat
entre MM. Gaussorgues et_ Pelletan ;
celui-ci invoquant la nécessité de lais
se? aux personnes diffamées le béné
fice deâ décisions qu'elles ont fait pro
noncer et disant: « Le véritable accusé
eflt souvent Je plaignant ». « Sans
,^ute, avait ajouté H- Andrieux, mais
nw parfois l'homme qui ne sa plaint
ni?»* cela tour M- Thévenet, qui re r
fuse de poursi*2 vr ® tant de gens oui
l'accusent. Tout J'arfce!« premier était
voté en détail, A . .
Restait le vote sur 1 ensettiDiS; Al0 £?
M. Thévenet arrive et déclare que, s'il
avait pu être présent, il aurait com
battu, au nom du gouvernement,
l'amnistie des meurtriers de U Wa»
trin et l'amnistie de l'anarchiste Cy
voet, qui a provoqué à deux assassi
nats. Le centre veut revenir sur ce
qui vient d'être décidé, Mais le minis
tère n'a pas le droit de proposer un
amendement. Que faire? M. Rodât
reprend à son compte le projet du mi
nistère. Mais l'article premier, dont
les divers paragraphes sont votés ? Eh
bien ! voici : au moyen du vote sur
l'ensemble,on rejettera l'article adopté
en détail ! Vite, c'est fait. La gauche
avancée éclate en fureur. M. Caméli
nat crie à l'adresse du centre : « Tas de
misérables! »
L'amendement Rodât e&t pris en
considération. Le débat s'engage sur
les condamnés de Decazeville. M. Thé
venet consent à gracier les mineurs
qui ont massacré M. Watrin, mais il
refuse de les amnistier ; de même
pour Cyvoet. M. Pelletan prononce un
long discours pour réclamer, en ter
mes violents, la clémence ; il s'é
chauffe et, malgré les incorrections et
les boursouflures qui sont sa ma
nière, il atteint à des effets oratoires ;
le fond est mauvais, la forme ru
gueuse, mais le souffle puissant ;
d'après lui, Cyvoet n'a pas été con
vaincu du crime pour lequel la con
damnation a été prononcée ; contre les
directeurs de Decazeville, M. Pelletan
excite encore la haine des ouvriers ;
en dépit de ses maximes sur le bien-
êtro qui résulte du progrès industriel,
il représente les mineurs comme as
servis, plus malheureux que les serfs
du moyen-âge ; il n'est pas éloigné de
justifier l'assassinat de M. Watrin ; il
ne voit guère des coupables que parmi
les massacrés, et il n'éprouve de la
pitié que pour les assassins ; ainsi le
veut la doctrine ; s'il admet que les
crimes inspirés par la passion révolu
tionnaire soient qualifiés crimes, c'est
à la condition qu'on les pardonne
tout de suite; et il célèbre le cente
naire pacificateur, et il chante la clé
mence sur un ton furieux, au milieu
d'applaudissements frénétiques.
Encouragés par le succès de M.
Pelletan, MM. Basly et Camélinat ap
portent un amendement qui reproduit
en d'autres termes le texte repoussé
tout à l'heure et obtiennent la prise en
considération. Tout est à recommen
cer. Faut-il renvoyer l'amendement à
la commission? Oui, non. M. Pelletan
ne veut pas, puis il veut. M. Clémen-
ceau signale un danger extrême : si
le projet Rodât, l'amnistie restreinte,
était mis le premier aux voix et s'il
était écarté, l'amnistie large pourrait
être rejetée ensuite et alors on se
trouverait « en face du néant ». On ac
corde donc le premier rang à la pro
position Basly-Camélinat.
Mais elle est repoussée! Il faut re
venir à la proposition Rodât, puisque
sans elle il n'y aurait plus moyen
d'amnistier. M. Pelletan s'y raccroche;
il la soutient, tout en la combattant,
pour l'améliorer f II obtient, malgré
M. Thévenet, que l'amnistie s'étendra
jusqu'à la date du 10 juillet. Enfin,
on voté presqu'à l'unanimité l'amnis
tie des faits de grèves (sauf Décaze-
ville), de réunion, d'association, de
presse (sauf diffamations et injures).
Est-ce tout? Non; car la question
des Arabes, condamnés à la suite de
l'insurrection de 1871, est compliquée.
M. Thomson redoute qu'ils ne récla
ment la restitution de leurs biens
confisqués. On demande l'avis du gou
vernement. M. Thévenet répond que
c'est l'affaire de son collègue de l'in
térieur, lequel n'est pas là. Le cri « A
demain! » est poussé à l'unanimité ; et
les juges cléments s'enfuient épuisés.
Au début de la séance on a discuté
et voté le projet de loi relatif au ra
chat des lignes téléphoniques et à l'or
ganisation de ce service dans toute la
France. Le sous-secrétaire d'Etat, M.
Coulon, a promis d'abaisser le prix
des abonnements.
Eugène Tàvebnier.
La discussion générale du budget
s'est ouverte hier au Sénat par un dis
cours de M. Blavier, le sénateur de
Maine-et-Loire. Tous les ans, fidèle à
son mandat, l'honorable sénateur de
la droite dissèque avec la compéten
ce qu'on lui connaît les budgets des
ministres républicains. Un misanthro
pe, croyons-nous, a dit un jour que
l'homme avait la parole pour déguiser
sa pensée; M. Blavier est évidemment
d'avis que la république a un minis
tre des finances pour déguiser à la
nation la véritable situation de ses
finances.
En tout cas l'honorable sénateur de
Maine-et-Loire ne se laisse pas prendre
aux artifices de l'innocent M. Rouvier,
Il montre que malgré l'art avec lequel
on fait parler les chiffres, le budget de
1890 ne doit pas se solder par un excé
dant de recettes, mais par un déficit
de 79 millions.M. Blavier entend
établir cela avec les chiffres mêmes de
M. Rouvier en leur faisant dire ce qu'ils
doivent dire, Ainsi le budget se lance
dans une série déplus values qui sont évi
demment nécessaires pour équilibrer
les chiffres: or, M. Blavier dit que dès
cette année les plus values pompeuse
ment annonpées par notre budget se
traduisent par aes déficits serieux.
Qu'en sera-t-il l'année prochaine? —
L'honorable sénateur de Maine-et-
Loire va d'ailleurs plus loin. — Il sou
tient que derrière les chiffres de M.
Rouvîûr £3 masque un déficit de plus
de 600 millions.
g. Rouvier sait bien qu ? ayec Ja do
cilité de la majorité sénatoriale il n'a
pas à se préoccuper des arguments de
M. Blavier. Il dit donc que les Assem
blées délibérantes de la république ont
été à la hauteur de leurs devoirs et de
leurs responsabilités. Quant à la Cham
bre qui s'en va, elle a eu au moins le
mérite d'arrêter la progression des
dépenses, il soutient d'ailleurs que
son budget est excellent et qu'il se
soldera par un excédent. Tel n'est pas,
on le pensera bien, l'avis de M. Ches-
nelong.L'éloquent sénateur de la droite
n'est pas plus que son honorable collè
gue M. Blavier persuadé par les chif
fres de M. Rouvier. Comme M.Blavier,
comme tout le monde en France, M.
Chesnelong croit que la prestigitation
ministérielle dissimule au pays Un dé
ficit de plus de 600 millions, et c'est
pourquoi il refuse de s'associer à la
glorification imprudente que M. Rou
vier vient de faire entendre delà ges
tion financière des ministres de la ré
publique:
Au reste M. Chesnelong abandonne
le coté technique et terre à terre de
cette discussion de finances pour s'éle
ver à des considérations d'une haute
éloquence. Il rappelle que les éleetious
de 1885 avaient donné au parti répu
blicain une rude leçon. Le pays avait
clairement montré qu'il voulait la paix,
la liberté, l'apaisement et la sagesse,
mais les républicains ont dédaigné la
leçon. Et ils ont continué leur politi-
Îue d'intolérance, de persécution et
e gaspillage. Le pays va de nouveau
avoir la parole, et l'honorable sénateur
Compte bien que le parti républicain
va être sévèrement jugé par les mil
lions d'honnêtes gens dont on a mé
connu les intérêts. Alors la France af
franchie par un scrutin réparateur re
trouvera la fierté et la prospérité dans
les voies de la justice de l'honneur et
de la liberté.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter
que l'éloquent discours de M. Chesne
long a été à tout instant souligné par
les applaudissements de la droite.
La discussion continuera aujour
d'hui.
On lit dans la République française :
Il y a eu lundi et mardi, à la Chambre,
cinq scrutins au sujet de la loi militaire,
dont MM. les boulangistes se prétendent
les pères et qui, sans M. Boulanger, eût
été votée depuis trois ans.
La plupart des boulangistes se sont abste
nus dans les cinq scrutins.
M. Laguerre crie à tue-tête, dans les
réunions révolutionnaires : « Les curés sac
au dos !» A la Chambre, il ne s'est pas
trouvé un seul député boulangiste pour vo
ter l'article 23, relatif au service dû par les
séminaristes.
De môme pour les autres dispositions de
la loi, pour les amendements Lanjuinais,
Briet, Montaudon, etc. Sur l'ensemble,
MM. Astima et Laguerre ont continué à
s'abstenir.
La République Française ferait diffi
cilement accorder ses remarques avec
les déclarations de M. de Susini, dé
puté boulangiste, prenant au nom
des autres députés du groupe la res
ponsabilité d'une loi qu'ils ont d'ail
leurs tous votée, à l'exception du gé
néral .Boulanger et de M. Laguerre,
absents.
Or, cette responsabilité est de celles
qui écrasent ceux qui s'en chargent.
Et le premier devoir des électeurs ca
tholiques sera de se renseigner, à ce
point de vue, sur les sentiments des
candidats. Il est manifeste que leurs
disparaître la clause qui enrégimente
les séminaristes.
Le vieux sénateur et équilibriste
John Lemoinne écrit dans le Matin , à
propos du vote de la loi militaire :
Nous disions, la semaine dernière, que
les partisans sectaires de l'égalité ne pa
raissaient pas comprendre la portée de la
loi, môme telle qu'elle était sortie du Sé
nat, et que c'était une révolution profonde
introduite dans le régime de l'Eglise et
dans la vie du clergé. Quelques journaux
plus ou moins religieux ont voulu voir une
observation malveillante dans ce qui n'était
qu'une simple constatation.
Oui, nous le répétons, cette loi, même
amendée, même adoucie, est grosse de
changements, que l'on verra se développer
avec le temps. Un an de caserne et d'exer
cice pour les séminaristes, c'est la séculari
sation de l'Eglise. II y a juste cent ans, la
nation, divisée on trois ordres,s'est fusion
née en un seul, qui a fait l'Assemblée na
tionale. Avec la loi militaire, le clergé cesse
encore une fois d'être un ordre séparé ; il
cesse d'être une caste.
Nous ne disons pas que l'Eglise y per
dra ; ce n'est pas sûr. Cette année de vie
commune sera un creuset pour les voca
tions ; les jeunes gens qui y résisteront et
qui persisteront seront des vrais, des ap
pelés et des élus. Mais nous comprenons
que l'Eglise ait combattu cette loi jusqu'au
bout, et nous avons simplement voulu dire
que ceux qui nè la trouvaient pas assez ra
dicale ne comprenaieht pas la révolution
qu'elle entraînait et n'avaient pas le senti
ment de la victoire qu'ils remportaient.
« Un an de caserne et d'exercice
pour les séminaristes, c'est la sécula
risation de l'Eglise. » Par cette phrase
du triste personnage qui a paru trop
compromettant au Journal des Débats
lui-même, on peut se rendre cqnipte
du caractère ae l'œuvre abominable
dont M. de Freycinet, l'autre jour, au
nom du parti républicain tout entier,
revendiquait si hautement la respon
sabilité. Il s'en faisait honneur, mais,
çjuand on son^e à l'avenir ^e la
qu'il prétend assurer de la sorte, on
est saisi d'une véritable épouvante. Au
seul point de vue militaire, cette loi
est un crime, s'écriait hier un général
au Sénat. Mais qu'en dirons-nous au
point de vue religieux ? Le Seigneur
Dieu a prononcé une parole dont il
est impossible de ne pas se souvenir
en, présence de la loi sacrilège qui
vient d'être votée. Nolite tangere christos
meos. Et l'on tremble à la pensée des
châtiments que pourrait nous atti
rer ce dernier attentat, le plus grave
de tous ceux qui sont depuis plu
sieurs années à la charge de la Répu
blique.
Aussi importe-t-il que la répulsion
produite par cette loi impie chez tous
les catholiques se manifeste énergi-
quement. Sans préjudice de ce qui
pourra être fait d'autre part et d'une
autre manière, ce sera le devoir des
électeurs catholiques de veiller à ce
qu'on ne surprenne pas leurs votes en
faveur d'aucun de ceux qui ont parti
cipé à la confection et au vote de cette
loi à jamais maudite.
Auguste Roussel.
Déclaration
de l'épiscopat catholique d'irlande
La situation en Irlande n'a guère
changé depuis un an. Il y a seulement
un peu .plus d'évictions et d'incarcé
rations, le cabinet Salisbury conti
nuant à appliquer son système de
«gouvernement résolu ».
Aussi les archevêques et évêques
d'Irlande,réunis en assemblée générale
le 27 juin dernier, ont arrêté et publié
les « résolutions » suivantes.
Ce sont les mêmes que celles de l'an
née dernière; les prélats y ajoutent
l'expression des regrets que leur cause
le peu de succès rencontré parles pro
positions d'arbitrage formulées par
Mgr Walsh, archevêque de Dublin,au
nom des tenanciers d'Irlande :
Voici le texte de ces résolutions :
Sachant parles articles d'un grand nom
bre d'organes de l'opinion publique en Eu
rope qu'on a en général une fausse idée
des lois foncières d'Irlande, nous jugeons
de notre devoir de faire sur ce sujet la dé
claration suivante :
Nous ne visons pas à énumérer tous les
griefs dont les tenanciers agricoles d'Ir
lande peuvent se plaindre justement.Mais,
dans notre opinion, il y a certains griefs
très pressants qui, dans l'intérêt de l'ordre
public comme de la justice, appellent im
périeusement une réparation légale.
I. — La demande fondamentale des te
nanciers agricoles de l'Irlande en matière
de rente est et a toujours été la demande
d'un tribunal public impartial et qui serait
chargé de prononcer entre le landlord et le
tenancier. :
Les tenanciers ne réclament pas que le
chiffre de la rente soit fixé par eux-mê
mes. Mais ils ne veulent pas que la chose
soit laissée à l'arbitraire du landlord.
II. — Il est inutile d'énumérer les circon
stances spéciales du système irlandais de
« tenure », qui sur ce chapitre met hors de
question la justice de la réclamation du
tenancier. Le principe que les tenanciers
agricoles d'Irlande doivent être protégés
par la loi contre l'infliction de rentes exor
bitantes et contre l'éviction basée sur le
non-paiement de pareilles rentes, a été de
puis longtemps reconnu par le Parlement.
C'est le principe fondamental du Land Act
de 1871 et de plusieurs statuts différants.
III. — La réclamation actuelle des tenan
ciers est donc en faveur de l'application
pleine et entière de ce principe. Même en
ce qui 'concerne les classes de tenanciers
auxquelles le droit de faire fixer leurs
rentes devant un tribunal public a été ac
cordé par des actes du Parlement, il reste
encore des obstacles que le législateur n'a
pas détruits et qui souvent rendent ces
actes inutiles.
IV. — Le plus sérieux de ces obstacles
est celui qui provient de l'accumula
tion des arriérés de rentes exorbitantes.
Dans l'état présent de la loi, les te
nanciers, écrasés par leur fardeau — et
il y en a des milliers dans ce cas —
se voient refuser toute possibilité d'obte
nir une satisfaction effective devant les
cours de justice. Les lourdes dettes des
tenanciers de cette catégorie permettent à
un propriétaire dur d'employer la menace
del'éviction comme un moyen d'écarter le
tenancier de la cour, et même dans lps cas
où l'intervention de la justice a été obte
nue, la cour, en raison de son impuissance
& alléger la dette arriérée, est impuissante
aussi à garantir le tenancier contre l'évic
tion. Le tribunal a juridiction pour réduire
les rentes exorbitantes. Mais il ne peut
nullement alléger les lourdes dettes qui on'
résulté de son impuissance à payer cette
rente exorbitante dans le passé. Et aussi
longtemps que ces dettes demeureront, il
sera à la merci de son landlord.
V. — Il y a donc des milliers de tenan
ciers dans le pays qui ont été dépouillés
du droit d'avoir recours aux tribunaux
par la signification d'avis d'éviçtiôn, qui en
fait leur ont enlevé leur statut légal comme
tenanciers.
VI. — Oa ne peut excuser l'avortement
perpétuel des moyens essayés pour la pro
tection légale d§s tenanciers dans les cas
indiqués ci-dessus, et dans d'autres cas
inutiles à énumérer ici, on ne peut, disons-
nous, excuser cet avortement en disant que
de sérieuses difficultés empêchent l'appli
cation d'un remède suffisant.
En ce qui regard? U question des arré
rages par exemple", c'est un fait de noto
riété publique que, dans le moment, fonc
tionne en Ecosse un acte du Parlement
spécialement destin^ 4 protéger les tenan
ciers éooastils,
La portée de cet acte écossais, auquel
nous faisons allusion, sera comprise suffi
samment si on se rapporte au f^H énc,naé
par le Rapport officiel ds la commission
qui administre cet'acte : les-réductions ju
diciairement consenties par la commission
se montant ît ç»lus de 30 0$ srçr leB ççntça
à non moins de 60 0|0 sur les arrérages dans
les cas soumis à leur, jugement.
Un bill pour l'extension de cette loi en
Irlande a été rejeté par le Parlement au
cours de la présente session. Nous sommes
entièrement incapables de comprendre le
principe par lequel on peut justifier cette
différence de traitement, différence si nofa-
lement désavantageuse aux tenanciers ir
landais.
VII. — Nous croyons de notre devoir
d'ajouter, que si le Parlement ne vote pas
sans retard une loi effective pour la protec
tion des tenanciers d'Irlande contre des
exactions * oppressives » et des évictions
arbitraires, les conséquences les plus dé
sastreuses pour le bon ordre public autant
que pour le salut du peuple surviendront
presque inévitablement.
Nous nous croyons forcés dès maintenant
de renouveler nos protestations contre le
refus du Parlement et du ministère de don
ner une loi de protection aux tenanciers
d'Irlande daus les questions que nous
avons exposées plus haut.
Nous avons aussi à exprimer notre pro
fond regret de ce que les propositions de
l'archevêque de Dublin en faveur d'un sys
tème d'arbitrage, pour amener une solution
amiable et équitable des difficultés les plus
urgentes de la question agraire, aient été
adoptées en un si petit nombre de cas par
les propriétaires d'Irlande, et de ce que la
Chambre des communes ait récemment re
poussé une résolution d'un de ses membres
en faveur de l'adoption de est équitable
système de règlement.
Cette déclaration est signée au nom
de l'épiscopat irlandais par Mgr Lo-
gue, archevêque d'Armagh, primat
d'Irlande, président, et par les évêques
de Galway et d'Ardagh, NN. SS. Mac-
Cormick et Woodlock, secrétaires.
A la suite de cette déclaration, l'é
piscopat catholique d'Irlande a arrêté
une série d'importantes résolutions
sur la question de l'enseignement et
de l'éducation. Nous en publierons le
texte demain.
La Croix du Mont-Saint-Michel
Mont-Siïnt-Mishe!, 9 j uillet.
Si notre gouvernement de francs-maçons
a posté ici, comme il est probable, quel
qu'un de ses agents pour lui rendre compte
de la fête, nous plaignons le pauvre fâ
cheux, car il a dû rapporter de bien mau
vaises nouvelles à ses patrons, et s'il lui
reste un fond de sens chrétien dans le
cœur, il a dû vivement lutter contre lui-
même pour ne pas se laisser gagner par
l'enthousiasme général.
On sait quel était l'objet de la cérémo
nie : la plantation sur le Mont-Saint-Michel
d'une grande et belle croix de bois que le
pèlerinage de Jérusalem avait emportée
jusqu'au mont du Calvaire, pour en faire
hommage à son retour à quelque sanctuaire
de France. La croix a été construite et fa
çonnée dans ce but, à Nantes, par les ou
vriers d'un entrepreneur chrétien, M.
Daoulas, dans leurs moments perdus. M.
Daoulas, qui en avait fourni la matière et
surveillé l'exécution, a dirigé en personne
les travaux de l'érection sur le Mont-Saint-
Michel.
Dès la veille, second jour du triduum,
le Mont était en fête. LL. GG. Mgr Ger
main, évêque de Coutances, et Mgr de la
Passardière, évêque de Roséa, arrivés le
soir en compapnie de M. l'abbé Lainé, se
crétaire de Mgr Germain, avaient trouvé
les pères et tonte la population en grands
préparatifs. Chacun y mettait du sien, pen
sant bien au culte de la croix et de Saint-
Michel, mais n'oubliant pas les traditions
hospitalières du Mont à l'égard des étran
gers qu'amenaient, par trentaines, des voi
tures bourrées jusqu'au plafond et au-des
sus. Les hôtels étaient remplis, de même
que toutes les chambres disponibles. Aussi,
les habitants, fiers de l'attrait exercé aussi
loin par le Mont-Saint-Michel, et heureux
d'être agréables aux relîgieuxduMont,qu'ils
regardent à bon droit cçmme des pères,
ont-ils fait volontiers le sacrifice de leurs
chambres et de leurs matelas en faveur des
étrangers. Pas un habitant du Mont n'a dû
coucher dans son lit cette nuit-là.
En attendant la procession aux flambeaux,
les préparatifs marchaient leur train. Ban
deroles et flammes de couleur se dé
ployaient au bout des mâts piqués çk et là
dans les rampes de pierre ; les maisons se
festonnaient de guirlandes ; des tentures
d'étoffes éclatantes avec inscriptions en
l'honneur dé saint Michel, cîes aros de ver
dure rajeunissaient las vieilles maisons si
pittoresquesduMont St Michel et donnaient
un cachet poétique à ce qu'il y avait de
trop moderne dans quelques constructions;
mais en haut, les imposantes murailles de
l'abbatiale laïcisée, en bas les remparts aux
glorieux souvenirs avaient conservé leur
costume de tous les jours ; pas une ori
flamme n'indiquait qu'ils fussent da la
fête, l'administration gouvernementale ne
décorant ses monuments ^ ue pour "les fêtes
révolutionnaires. Mais, de même que le
soleil du bon Dieu éclaire à la fois les bans
et les méchants, de même les vieux rem
parts et la pauvre abbatiale, dont la grise
mine était bien involontaire,ont dû, comme
on le verra plus loin, sourire aussi aux pfe*
lerins.
A neuf heures, ie Mont était plongé non
pas d$t\q io. Silence, mais dans l'obscurité ;
(je n'était plus qu'une grande masse grisâ
tre émergeant des grèves désejtss, sens un
ciel nuageux, qui s'entr'ouvrait par instants
pour livrer passage à quelque faible rayon
de îune. Tout à coup, en même temps qu'on
entendait les premiers accents d'un canti
que entraînant, la procession a commencé
à sillonner Je Mont, traçant un cordon lu
mineux de lanternes vénitiennes sur las
rampes tortueuses et le chemin de ronde,
tour à tour ondulant, se?peniant, s'abîmant
derrière urs muraille de pierres,pour repa
rais au débouché d'une ruelle, au
d'
'un escalier, dessinant eu courbes de feu
les contours des remparts.
Soudain la sombre silhouette du mont
Saint-Michel s'est éclairée d'une clarté in
tense,découpant ses arêtes vives sur le fond
obscur du ciel et faisant valoir les moin
dres détails de son incomparable architec
ture : les feux de bengale, allumés par les
soins du père Garnier, avaient réalisé ce
prodige, que nous déclarons timidement
préférer à l'embrasement fumeux, rougeâ-
tre et tapageur de la tour Eiffel aux jours
de fête du Champ-de-Mars.
S. G. l'évêque de Coutances, Mgr Ger
main (et non pas Mgr Hugonin, comme une
erreur de typographie me l'a fait dire dans
ma dépêche), avait autorisé la célébration
des messes à partir de minuit : à raison de
dix messes par heure, aux cinq autels pré
parés à cette occasion, on évalue à une
bonne centaine le nombre des prêtres qui
ont célébré aujourd'hui la messe au Mont»
Saint-Michel au Péril-de-la-Mer.
A sept heures du malin a eu lieu la priu-
cipale messe de communion, célébrée par
Mgr de la Passardière. Le R. P. Garnier,
qui fait les fonctions de curé du Mont-
Saint-Michel,a chanté alternativement avec
sa maîtrise de petits apostoliques le beau
cantique : Quis ut Deus ? Les communions
ont été nombreuses.
Au matin, le temps est resté incertain
jusqu'à dix heures et demie environ. Ç'&
été un spectacle édifiant et pittoresque
que de voir surgir de toutes les extrémités
de la grève une fonle de petits points noirs
qui, peu èi peu, prenant figure humaine,
se sont dirigés vers le Mont en décrivant les
mêmes courbes autour des emplacements
dangereux. Tous sont pieds nus et endi
manchés, la plupart ont fait 7 ou 8 kilomè
tres sur le sable. Pour les voir arriver et
aussi pour être aux premières places à.
l'arrivée delà croix, un grand nombre de
pèlerins garnissent les remparts et foutes
les hauteurs, les yeux fixés sur la digue
et sur les grèves. Les pèlerins de Du-
cey, Cador, Pontorson, les Normands, les
Bretons obligés de se retrousser jusqu'aux
genoux pour traverser à gué le Couesnon,
tous arrivent isolément oti par petits grou
pes, se hâtant pour ne pas manquer la pro
cession. La digue est noire de monde. En
tre la digue et le Couesnon est un campe-!
ment de cinquante voitures dételées, autour
desquelles se reposent les gens et les che
vaux, venus de ce rideau de petits arbres
bleus à l'horizon, qui, de près, seraient de
grands arbres verts.
Enfin, retentit une marche militaire,
jouée par les frères de l'école libre d'A-
vranches, et le cortège franchit l'enceinte
pour aller chercher la croix de Jérusalem.
Ce sont d'abord la maîtrise, l'école congré-
ganiste des filles, le collège libre de Saint-
James avec son vaillant directeur, les mu
siques des frères d'Avranches, puis le clergé
et les fidèles. Plus loin se joint à la procès*
sionun autre cortège de jeunes filles, en
blanc, dont les oriflammes bleues forment
avec la teinte sombre du cortège un coud
d'œil ravissant : ce sont les orphelines de
Sainte-Brelade, paroisse bretonne située
eu deçà du Couesnon. Après une heure de*
marche, la procession, suivie des yeux par
les pèlerins qui restent sur les remparts,
rencontre le R. P. Bailly avec les mission
naires de l'Assomption qui ont fait le pèle
rinage de Jérusalem et les pèlerins de Pa
ris ; les pèlerins de Nantes sont venus au
nombre d'un millier environ. Notons en
passant qu'il faut plus de temps pour venir
de Nantes que dô Paris au Mont -Saint-
Michel.
La croix avait été déposée dans Un bâti
ment qui se trouve à côt£ àe la digue.
Vingt hommes de ccBur, Appartenant pour
la plupart aux meilleures familles de la ré
gion, 1 ont chargée sur leurs épaules et se
sont remis en marche vers le Mont. Quand
la croix a paru en vue du Mont, l'enthou
siasme de ces ardentes populations a été
indescriptible. C'est à qui pourrait l'appro
cher, la toucher, la saluer. Une foule com
pacte, accrue sans cesse de nouveaux arri
vants, se presse autour d'elle et lui fait une
escorte d'honneur. A trois cents mètres du
Mont, le cortège est rencontré par NN. SS.
les évêques de Coutances et de Roséa, en
ornements pontificaux etmitre en tête; Mgr
Germain reçoit officiellement la croix et
s'avance derrière elle, suivi de la proces
sion jusqu'à l'entrée du Mont. Alors l'émo
tion est à son comble, on voit pleurer des
hommes à figure martial©, des femmes de
toutes les classes de la société. On entonne
l'O Crux ave ; et la croix commence îi gra
vir les rues étroites du Mont-Saint-Michel.
« On dirait l'entrés à Jérusalem, avec la
solennité en plus, » s'écrie derrière nous u*a
pèlerin. Cependant la foule, comme mue
par une force irrésistible, se presse autour
de la croix, rappelant la femme ûa l'Evan
gile qui oharchalt à s'approcher de Jésus en
disant : « Si je puis toucher sou vêtement»
je serai guérie.» Malheureusement,lapluia
s'était mise à tomber en quantité, nous l'a-
vons suiàe presque tout le reste de la,
jouwiée.
Un autel couvert avait été dressé en
plein air sur une estrade au lieu dit l'Es
planade, au pied de la basilique. C'est au-
dessus de cet autel, contre un escalier de
pierre» qu'on a dressé k croix. La pluie et.
l'heure avancée ne permettant pas de célé
brer la messe pontificale, les pèlerins ont
dû se costen'ter d'une messe basse.à laquella
ils assistaient d'ailleurs en nombre im
mense. Il y avait à ce moment, dit-on, plua
de dix mille pèlerins sur le Mont, et sans
la pluie on en aurait compté quinze mille.
Malgré le temps, Mgr Jourdan ds la
Passardière a voulu oublier qu'il était
convalescent pour faire un grand effort sur
une santé bien éprouvée par les fatigues du
missionnaire et adresser quelques niols
aux pèlerins. Avec le genre de talent qui
lui convient essentiellement, Mgr Jourdan
4e H Passardière a développé Une ton-
Çh^lç bpwélie sur c$ texte bien approprié
N* 7863 — Edition quotidienne
Vendredi 12 Juillet 1889
OBSngBSI
ÉDITION QUOTI DIENNE
paris étranger
KT DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE)
fja&n. . 55 » 68 »
Six mois. ... 28 50 34k »
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19 •
10 »
Les cbonnemcnt» partent de» 1" et 16 de chaque mok
L'DHIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C">, 6, place de la Bourse
«9
FRANCE
PARIS, H JUILLET 1889
On veut faire vite au Sénat;.le mi
nistère a sans doute obtenu de la com
plaisance des sénateurs qu'ils voteront
le budget en toute hâte ; alors le gou
vernement serait débarrassé dès sa
medi des Chambres et il n'aurait pas à
appréhender quelque accident.
C'est évidemment dans ce but que
Te Sénat a décidé de tenir aujourd'hui
deux séances. Hier, il a commencé la
discussion générale du budget; on a
entendu MM. Blavier, Rouvier et Ghes-
nelong. Ce matin, il a terminé la dis
cussion générale, et vote le projet de
loi relatif au Panama.
A la Chambre des députés on a voté
le projet de loi relatif aux téléphones
et commencé la discussion de la pro
position de MM. Basly et Camélinat
relative à l'amnistie. L'ajournement a
été repoussé ainsi qu'un contre-projet
de M. Cunéo d'Ornano. Sur l'article I or
du projet, la commission et le gouver
nement étaient en désaccord ; le gou
vernement voulait excepter de l'am
nistie l'anarchiste Cyvoet el les qua
tre assassins de M. Watrin à Decaze-
ville. M. Rodât a repris comme amen
dement le projet du gouvernement,qui
a été adopté. On a également voté
l'article 2.
Aujourd'hui, l'interpellation de M.
Le Hérissé vient àl'ordre du jouravant
la suite de la discussion sur l'am
nistie.
Il semble que chaque jour doive
amener son incident, son scandale.
Pendant que les journaux commentent
avec une grande vivacité le cas de M.
Thévenet, qui s'aggravë, et le rôle
prêté à M. aeFreycinet dans l'affaire
du colonel Vincent et à l'égard du
général Boulanger, voici l'Intransi
geant qui publie un nouveau document,
visant cette fois M. Constans. C'est Ja
dépêche de M. Richaud, dont il a été
question, notamment dans l'interpel
lation de M. de La Martinière, et dont
le gouvernement avait esquivé, non
sans difficulté, la publication. C'était
reculer pour mieux sauter.
On trouvera plus loin ce document,
qui charge lourdement l'ancien gou
verneur général de l'Indo-Chine.
On comprend qu'avec des incidents
{lareils, qui se succèdent si rapidement,
e ministère tienne à voir partir les
Chambres.
JNTous publions la traduction d'une
déclaration de l'épiscopat catholique
irlandais au sujet de la ligue agraire
et de la situation de l'Irlande. Nous
n'avons pas besoin de faire ressortir
l'importance de ce document.
Qu'y a-t-il de fondé dans les bruits
qui arrivent de Berlin et qui signalent
une lutte assez vive, quoique dissimu
lée, entre les partisans de M. de Bis
marck et ceux du général de Walder-
sée? On sait que déjà on avait parlé à
diverses reprises de l'an imosité latente
qui existe entre les deux personnages.
Des attaques se seraient produites en
core ces jours derniers, et le bruit au
rait même couru que la situation de
M. de Bismarck était menacée. C'était
aller un peu vite, quoiqu'il y ait cer
tainement des tiraillements.
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
■ ■ : .
Même Ja certitude de renverser le
gouvernement n'aurait pas, hier à six
eures et demie, suffi pour décider
personne à prolonger la séance. Des
votes contradictoires; des amende
ments pris en considération et repous
sés aussitôt, puis transformés en pro
jets et encore repoussés ; des textes
de loi improvisés, adoptés au hasard ;
le règlement dix fois consulté, inter
prété, mis aux voix, modifié ; de3 inci
dents, des surprises, du tapage, des
explosions de colère et d'ahurisse
ment.
C'est l'amnistie qui a produit cette
agitation fébrile.
Deux propositions, déposées depuis
assez longtemps par MM. Basly et Ca
mélinat, d'une part ; de l'autre, par
M, Millerand, étaient à l'ordre du jour.
Elles concernaient principalement les
condamnations pour faits de grève
(Monteeau-les-Mines et Decazeville) et
pour crimes et délits de. presse. La
commission concluait $n leur faveur,
«sauf pour les diffamations et pour les
injures.
En l'absence du gouvernement, la
première partie avait passé comme
uné lettre à la poste. Les procès de
presse avaient donné lieu à un débat
entre MM. Gaussorgues et_ Pelletan ;
celui-ci invoquant la nécessité de lais
se? aux personnes diffamées le béné
fice deâ décisions qu'elles ont fait pro
noncer et disant: « Le véritable accusé
eflt souvent Je plaignant ». « Sans
,^ute, avait ajouté H- Andrieux, mais
nw parfois l'homme qui ne sa plaint
ni?»* cela tour M- Thévenet, qui re r
fuse de poursi*2 vr ® tant de gens oui
l'accusent. Tout J'arfce!« premier était
voté en détail, A . .
Restait le vote sur 1 ensettiDiS; Al0 £?
M. Thévenet arrive et déclare que, s'il
avait pu être présent, il aurait com
battu, au nom du gouvernement,
l'amnistie des meurtriers de U Wa»
trin et l'amnistie de l'anarchiste Cy
voet, qui a provoqué à deux assassi
nats. Le centre veut revenir sur ce
qui vient d'être décidé, Mais le minis
tère n'a pas le droit de proposer un
amendement. Que faire? M. Rodât
reprend à son compte le projet du mi
nistère. Mais l'article premier, dont
les divers paragraphes sont votés ? Eh
bien ! voici : au moyen du vote sur
l'ensemble,on rejettera l'article adopté
en détail ! Vite, c'est fait. La gauche
avancée éclate en fureur. M. Caméli
nat crie à l'adresse du centre : « Tas de
misérables! »
L'amendement Rodât e&t pris en
considération. Le débat s'engage sur
les condamnés de Decazeville. M. Thé
venet consent à gracier les mineurs
qui ont massacré M. Watrin, mais il
refuse de les amnistier ; de même
pour Cyvoet. M. Pelletan prononce un
long discours pour réclamer, en ter
mes violents, la clémence ; il s'é
chauffe et, malgré les incorrections et
les boursouflures qui sont sa ma
nière, il atteint à des effets oratoires ;
le fond est mauvais, la forme ru
gueuse, mais le souffle puissant ;
d'après lui, Cyvoet n'a pas été con
vaincu du crime pour lequel la con
damnation a été prononcée ; contre les
directeurs de Decazeville, M. Pelletan
excite encore la haine des ouvriers ;
en dépit de ses maximes sur le bien-
êtro qui résulte du progrès industriel,
il représente les mineurs comme as
servis, plus malheureux que les serfs
du moyen-âge ; il n'est pas éloigné de
justifier l'assassinat de M. Watrin ; il
ne voit guère des coupables que parmi
les massacrés, et il n'éprouve de la
pitié que pour les assassins ; ainsi le
veut la doctrine ; s'il admet que les
crimes inspirés par la passion révolu
tionnaire soient qualifiés crimes, c'est
à la condition qu'on les pardonne
tout de suite; et il célèbre le cente
naire pacificateur, et il chante la clé
mence sur un ton furieux, au milieu
d'applaudissements frénétiques.
Encouragés par le succès de M.
Pelletan, MM. Basly et Camélinat ap
portent un amendement qui reproduit
en d'autres termes le texte repoussé
tout à l'heure et obtiennent la prise en
considération. Tout est à recommen
cer. Faut-il renvoyer l'amendement à
la commission? Oui, non. M. Pelletan
ne veut pas, puis il veut. M. Clémen-
ceau signale un danger extrême : si
le projet Rodât, l'amnistie restreinte,
était mis le premier aux voix et s'il
était écarté, l'amnistie large pourrait
être rejetée ensuite et alors on se
trouverait « en face du néant ». On ac
corde donc le premier rang à la pro
position Basly-Camélinat.
Mais elle est repoussée! Il faut re
venir à la proposition Rodât, puisque
sans elle il n'y aurait plus moyen
d'amnistier. M. Pelletan s'y raccroche;
il la soutient, tout en la combattant,
pour l'améliorer f II obtient, malgré
M. Thévenet, que l'amnistie s'étendra
jusqu'à la date du 10 juillet. Enfin,
on voté presqu'à l'unanimité l'amnis
tie des faits de grèves (sauf Décaze-
ville), de réunion, d'association, de
presse (sauf diffamations et injures).
Est-ce tout? Non; car la question
des Arabes, condamnés à la suite de
l'insurrection de 1871, est compliquée.
M. Thomson redoute qu'ils ne récla
ment la restitution de leurs biens
confisqués. On demande l'avis du gou
vernement. M. Thévenet répond que
c'est l'affaire de son collègue de l'in
térieur, lequel n'est pas là. Le cri « A
demain! » est poussé à l'unanimité ; et
les juges cléments s'enfuient épuisés.
Au début de la séance on a discuté
et voté le projet de loi relatif au ra
chat des lignes téléphoniques et à l'or
ganisation de ce service dans toute la
France. Le sous-secrétaire d'Etat, M.
Coulon, a promis d'abaisser le prix
des abonnements.
Eugène Tàvebnier.
La discussion générale du budget
s'est ouverte hier au Sénat par un dis
cours de M. Blavier, le sénateur de
Maine-et-Loire. Tous les ans, fidèle à
son mandat, l'honorable sénateur de
la droite dissèque avec la compéten
ce qu'on lui connaît les budgets des
ministres républicains. Un misanthro
pe, croyons-nous, a dit un jour que
l'homme avait la parole pour déguiser
sa pensée; M. Blavier est évidemment
d'avis que la république a un minis
tre des finances pour déguiser à la
nation la véritable situation de ses
finances.
En tout cas l'honorable sénateur de
Maine-et-Loire ne se laisse pas prendre
aux artifices de l'innocent M. Rouvier,
Il montre que malgré l'art avec lequel
on fait parler les chiffres, le budget de
1890 ne doit pas se solder par un excé
dant de recettes, mais par un déficit
de 79 millions.M. Blavier entend
établir cela avec les chiffres mêmes de
M. Rouvier en leur faisant dire ce qu'ils
doivent dire, Ainsi le budget se lance
dans une série déplus values qui sont évi
demment nécessaires pour équilibrer
les chiffres: or, M. Blavier dit que dès
cette année les plus values pompeuse
ment annonpées par notre budget se
traduisent par aes déficits serieux.
Qu'en sera-t-il l'année prochaine? —
L'honorable sénateur de Maine-et-
Loire va d'ailleurs plus loin. — Il sou
tient que derrière les chiffres de M.
Rouvîûr £3 masque un déficit de plus
de 600 millions.
g. Rouvier sait bien qu ? ayec Ja do
cilité de la majorité sénatoriale il n'a
pas à se préoccuper des arguments de
M. Blavier. Il dit donc que les Assem
blées délibérantes de la république ont
été à la hauteur de leurs devoirs et de
leurs responsabilités. Quant à la Cham
bre qui s'en va, elle a eu au moins le
mérite d'arrêter la progression des
dépenses, il soutient d'ailleurs que
son budget est excellent et qu'il se
soldera par un excédent. Tel n'est pas,
on le pensera bien, l'avis de M. Ches-
nelong.L'éloquent sénateur de la droite
n'est pas plus que son honorable collè
gue M. Blavier persuadé par les chif
fres de M. Rouvier. Comme M.Blavier,
comme tout le monde en France, M.
Chesnelong croit que la prestigitation
ministérielle dissimule au pays Un dé
ficit de plus de 600 millions, et c'est
pourquoi il refuse de s'associer à la
glorification imprudente que M. Rou
vier vient de faire entendre delà ges
tion financière des ministres de la ré
publique:
Au reste M. Chesnelong abandonne
le coté technique et terre à terre de
cette discussion de finances pour s'éle
ver à des considérations d'une haute
éloquence. Il rappelle que les éleetious
de 1885 avaient donné au parti répu
blicain une rude leçon. Le pays avait
clairement montré qu'il voulait la paix,
la liberté, l'apaisement et la sagesse,
mais les républicains ont dédaigné la
leçon. Et ils ont continué leur politi-
Îue d'intolérance, de persécution et
e gaspillage. Le pays va de nouveau
avoir la parole, et l'honorable sénateur
Compte bien que le parti républicain
va être sévèrement jugé par les mil
lions d'honnêtes gens dont on a mé
connu les intérêts. Alors la France af
franchie par un scrutin réparateur re
trouvera la fierté et la prospérité dans
les voies de la justice de l'honneur et
de la liberté.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter
que l'éloquent discours de M. Chesne
long a été à tout instant souligné par
les applaudissements de la droite.
La discussion continuera aujour
d'hui.
On lit dans la République française :
Il y a eu lundi et mardi, à la Chambre,
cinq scrutins au sujet de la loi militaire,
dont MM. les boulangistes se prétendent
les pères et qui, sans M. Boulanger, eût
été votée depuis trois ans.
La plupart des boulangistes se sont abste
nus dans les cinq scrutins.
M. Laguerre crie à tue-tête, dans les
réunions révolutionnaires : « Les curés sac
au dos !» A la Chambre, il ne s'est pas
trouvé un seul député boulangiste pour vo
ter l'article 23, relatif au service dû par les
séminaristes.
De môme pour les autres dispositions de
la loi, pour les amendements Lanjuinais,
Briet, Montaudon, etc. Sur l'ensemble,
MM. Astima et Laguerre ont continué à
s'abstenir.
La République Française ferait diffi
cilement accorder ses remarques avec
les déclarations de M. de Susini, dé
puté boulangiste, prenant au nom
des autres députés du groupe la res
ponsabilité d'une loi qu'ils ont d'ail
leurs tous votée, à l'exception du gé
néral .Boulanger et de M. Laguerre,
absents.
Or, cette responsabilité est de celles
qui écrasent ceux qui s'en chargent.
Et le premier devoir des électeurs ca
tholiques sera de se renseigner, à ce
point de vue, sur les sentiments des
candidats. Il est manifeste que leurs
disparaître la clause qui enrégimente
les séminaristes.
Le vieux sénateur et équilibriste
John Lemoinne écrit dans le Matin , à
propos du vote de la loi militaire :
Nous disions, la semaine dernière, que
les partisans sectaires de l'égalité ne pa
raissaient pas comprendre la portée de la
loi, môme telle qu'elle était sortie du Sé
nat, et que c'était une révolution profonde
introduite dans le régime de l'Eglise et
dans la vie du clergé. Quelques journaux
plus ou moins religieux ont voulu voir une
observation malveillante dans ce qui n'était
qu'une simple constatation.
Oui, nous le répétons, cette loi, même
amendée, même adoucie, est grosse de
changements, que l'on verra se développer
avec le temps. Un an de caserne et d'exer
cice pour les séminaristes, c'est la séculari
sation de l'Eglise. II y a juste cent ans, la
nation, divisée on trois ordres,s'est fusion
née en un seul, qui a fait l'Assemblée na
tionale. Avec la loi militaire, le clergé cesse
encore une fois d'être un ordre séparé ; il
cesse d'être une caste.
Nous ne disons pas que l'Eglise y per
dra ; ce n'est pas sûr. Cette année de vie
commune sera un creuset pour les voca
tions ; les jeunes gens qui y résisteront et
qui persisteront seront des vrais, des ap
pelés et des élus. Mais nous comprenons
que l'Eglise ait combattu cette loi jusqu'au
bout, et nous avons simplement voulu dire
que ceux qui nè la trouvaient pas assez ra
dicale ne comprenaieht pas la révolution
qu'elle entraînait et n'avaient pas le senti
ment de la victoire qu'ils remportaient.
« Un an de caserne et d'exercice
pour les séminaristes, c'est la sécula
risation de l'Eglise. » Par cette phrase
du triste personnage qui a paru trop
compromettant au Journal des Débats
lui-même, on peut se rendre cqnipte
du caractère ae l'œuvre abominable
dont M. de Freycinet, l'autre jour, au
nom du parti républicain tout entier,
revendiquait si hautement la respon
sabilité. Il s'en faisait honneur, mais,
çjuand on son^e à l'avenir ^e la
qu'il prétend assurer de la sorte, on
est saisi d'une véritable épouvante. Au
seul point de vue militaire, cette loi
est un crime, s'écriait hier un général
au Sénat. Mais qu'en dirons-nous au
point de vue religieux ? Le Seigneur
Dieu a prononcé une parole dont il
est impossible de ne pas se souvenir
en, présence de la loi sacrilège qui
vient d'être votée. Nolite tangere christos
meos. Et l'on tremble à la pensée des
châtiments que pourrait nous atti
rer ce dernier attentat, le plus grave
de tous ceux qui sont depuis plu
sieurs années à la charge de la Répu
blique.
Aussi importe-t-il que la répulsion
produite par cette loi impie chez tous
les catholiques se manifeste énergi-
quement. Sans préjudice de ce qui
pourra être fait d'autre part et d'une
autre manière, ce sera le devoir des
électeurs catholiques de veiller à ce
qu'on ne surprenne pas leurs votes en
faveur d'aucun de ceux qui ont parti
cipé à la confection et au vote de cette
loi à jamais maudite.
Auguste Roussel.
Déclaration
de l'épiscopat catholique d'irlande
La situation en Irlande n'a guère
changé depuis un an. Il y a seulement
un peu .plus d'évictions et d'incarcé
rations, le cabinet Salisbury conti
nuant à appliquer son système de
«gouvernement résolu ».
Aussi les archevêques et évêques
d'Irlande,réunis en assemblée générale
le 27 juin dernier, ont arrêté et publié
les « résolutions » suivantes.
Ce sont les mêmes que celles de l'an
née dernière; les prélats y ajoutent
l'expression des regrets que leur cause
le peu de succès rencontré parles pro
positions d'arbitrage formulées par
Mgr Walsh, archevêque de Dublin,au
nom des tenanciers d'Irlande :
Voici le texte de ces résolutions :
Sachant parles articles d'un grand nom
bre d'organes de l'opinion publique en Eu
rope qu'on a en général une fausse idée
des lois foncières d'Irlande, nous jugeons
de notre devoir de faire sur ce sujet la dé
claration suivante :
Nous ne visons pas à énumérer tous les
griefs dont les tenanciers agricoles d'Ir
lande peuvent se plaindre justement.Mais,
dans notre opinion, il y a certains griefs
très pressants qui, dans l'intérêt de l'ordre
public comme de la justice, appellent im
périeusement une réparation légale.
I. — La demande fondamentale des te
nanciers agricoles de l'Irlande en matière
de rente est et a toujours été la demande
d'un tribunal public impartial et qui serait
chargé de prononcer entre le landlord et le
tenancier. :
Les tenanciers ne réclament pas que le
chiffre de la rente soit fixé par eux-mê
mes. Mais ils ne veulent pas que la chose
soit laissée à l'arbitraire du landlord.
II. — Il est inutile d'énumérer les circon
stances spéciales du système irlandais de
« tenure », qui sur ce chapitre met hors de
question la justice de la réclamation du
tenancier. Le principe que les tenanciers
agricoles d'Irlande doivent être protégés
par la loi contre l'infliction de rentes exor
bitantes et contre l'éviction basée sur le
non-paiement de pareilles rentes, a été de
puis longtemps reconnu par le Parlement.
C'est le principe fondamental du Land Act
de 1871 et de plusieurs statuts différants.
III. — La réclamation actuelle des tenan
ciers est donc en faveur de l'application
pleine et entière de ce principe. Même en
ce qui 'concerne les classes de tenanciers
auxquelles le droit de faire fixer leurs
rentes devant un tribunal public a été ac
cordé par des actes du Parlement, il reste
encore des obstacles que le législateur n'a
pas détruits et qui souvent rendent ces
actes inutiles.
IV. — Le plus sérieux de ces obstacles
est celui qui provient de l'accumula
tion des arriérés de rentes exorbitantes.
Dans l'état présent de la loi, les te
nanciers, écrasés par leur fardeau — et
il y en a des milliers dans ce cas —
se voient refuser toute possibilité d'obte
nir une satisfaction effective devant les
cours de justice. Les lourdes dettes des
tenanciers de cette catégorie permettent à
un propriétaire dur d'employer la menace
del'éviction comme un moyen d'écarter le
tenancier de la cour, et même dans lps cas
où l'intervention de la justice a été obte
nue, la cour, en raison de son impuissance
& alléger la dette arriérée, est impuissante
aussi à garantir le tenancier contre l'évic
tion. Le tribunal a juridiction pour réduire
les rentes exorbitantes. Mais il ne peut
nullement alléger les lourdes dettes qui on'
résulté de son impuissance à payer cette
rente exorbitante dans le passé. Et aussi
longtemps que ces dettes demeureront, il
sera à la merci de son landlord.
V. — Il y a donc des milliers de tenan
ciers dans le pays qui ont été dépouillés
du droit d'avoir recours aux tribunaux
par la signification d'avis d'éviçtiôn, qui en
fait leur ont enlevé leur statut légal comme
tenanciers.
VI. — Oa ne peut excuser l'avortement
perpétuel des moyens essayés pour la pro
tection légale d§s tenanciers dans les cas
indiqués ci-dessus, et dans d'autres cas
inutiles à énumérer ici, on ne peut, disons-
nous, excuser cet avortement en disant que
de sérieuses difficultés empêchent l'appli
cation d'un remède suffisant.
En ce qui regard? U question des arré
rages par exemple", c'est un fait de noto
riété publique que, dans le moment, fonc
tionne en Ecosse un acte du Parlement
spécialement destin^ 4 protéger les tenan
ciers éooastils,
La portée de cet acte écossais, auquel
nous faisons allusion, sera comprise suffi
samment si on se rapporte au f^H énc,naé
par le Rapport officiel ds la commission
qui administre cet'acte : les-réductions ju
diciairement consenties par la commission
se montant ît ç»lus de 30 0$ srçr leB ççntça
à non moins de 60 0|0 sur les arrérages dans
les cas soumis à leur, jugement.
Un bill pour l'extension de cette loi en
Irlande a été rejeté par le Parlement au
cours de la présente session. Nous sommes
entièrement incapables de comprendre le
principe par lequel on peut justifier cette
différence de traitement, différence si nofa-
lement désavantageuse aux tenanciers ir
landais.
VII. — Nous croyons de notre devoir
d'ajouter, que si le Parlement ne vote pas
sans retard une loi effective pour la protec
tion des tenanciers d'Irlande contre des
exactions * oppressives » et des évictions
arbitraires, les conséquences les plus dé
sastreuses pour le bon ordre public autant
que pour le salut du peuple surviendront
presque inévitablement.
Nous nous croyons forcés dès maintenant
de renouveler nos protestations contre le
refus du Parlement et du ministère de don
ner une loi de protection aux tenanciers
d'Irlande daus les questions que nous
avons exposées plus haut.
Nous avons aussi à exprimer notre pro
fond regret de ce que les propositions de
l'archevêque de Dublin en faveur d'un sys
tème d'arbitrage, pour amener une solution
amiable et équitable des difficultés les plus
urgentes de la question agraire, aient été
adoptées en un si petit nombre de cas par
les propriétaires d'Irlande, et de ce que la
Chambre des communes ait récemment re
poussé une résolution d'un de ses membres
en faveur de l'adoption de est équitable
système de règlement.
Cette déclaration est signée au nom
de l'épiscopat irlandais par Mgr Lo-
gue, archevêque d'Armagh, primat
d'Irlande, président, et par les évêques
de Galway et d'Ardagh, NN. SS. Mac-
Cormick et Woodlock, secrétaires.
A la suite de cette déclaration, l'é
piscopat catholique d'Irlande a arrêté
une série d'importantes résolutions
sur la question de l'enseignement et
de l'éducation. Nous en publierons le
texte demain.
La Croix du Mont-Saint-Michel
Mont-Siïnt-Mishe!, 9 j uillet.
Si notre gouvernement de francs-maçons
a posté ici, comme il est probable, quel
qu'un de ses agents pour lui rendre compte
de la fête, nous plaignons le pauvre fâ
cheux, car il a dû rapporter de bien mau
vaises nouvelles à ses patrons, et s'il lui
reste un fond de sens chrétien dans le
cœur, il a dû vivement lutter contre lui-
même pour ne pas se laisser gagner par
l'enthousiasme général.
On sait quel était l'objet de la cérémo
nie : la plantation sur le Mont-Saint-Michel
d'une grande et belle croix de bois que le
pèlerinage de Jérusalem avait emportée
jusqu'au mont du Calvaire, pour en faire
hommage à son retour à quelque sanctuaire
de France. La croix a été construite et fa
çonnée dans ce but, à Nantes, par les ou
vriers d'un entrepreneur chrétien, M.
Daoulas, dans leurs moments perdus. M.
Daoulas, qui en avait fourni la matière et
surveillé l'exécution, a dirigé en personne
les travaux de l'érection sur le Mont-Saint-
Michel.
Dès la veille, second jour du triduum,
le Mont était en fête. LL. GG. Mgr Ger
main, évêque de Coutances, et Mgr de la
Passardière, évêque de Roséa, arrivés le
soir en compapnie de M. l'abbé Lainé, se
crétaire de Mgr Germain, avaient trouvé
les pères et tonte la population en grands
préparatifs. Chacun y mettait du sien, pen
sant bien au culte de la croix et de Saint-
Michel, mais n'oubliant pas les traditions
hospitalières du Mont à l'égard des étran
gers qu'amenaient, par trentaines, des voi
tures bourrées jusqu'au plafond et au-des
sus. Les hôtels étaient remplis, de même
que toutes les chambres disponibles. Aussi,
les habitants, fiers de l'attrait exercé aussi
loin par le Mont-Saint-Michel, et heureux
d'être agréables aux relîgieuxduMont,qu'ils
regardent à bon droit cçmme des pères,
ont-ils fait volontiers le sacrifice de leurs
chambres et de leurs matelas en faveur des
étrangers. Pas un habitant du Mont n'a dû
coucher dans son lit cette nuit-là.
En attendant la procession aux flambeaux,
les préparatifs marchaient leur train. Ban
deroles et flammes de couleur se dé
ployaient au bout des mâts piqués çk et là
dans les rampes de pierre ; les maisons se
festonnaient de guirlandes ; des tentures
d'étoffes éclatantes avec inscriptions en
l'honneur dé saint Michel, cîes aros de ver
dure rajeunissaient las vieilles maisons si
pittoresquesduMont St Michel et donnaient
un cachet poétique à ce qu'il y avait de
trop moderne dans quelques constructions;
mais en haut, les imposantes murailles de
l'abbatiale laïcisée, en bas les remparts aux
glorieux souvenirs avaient conservé leur
costume de tous les jours ; pas une ori
flamme n'indiquait qu'ils fussent da la
fête, l'administration gouvernementale ne
décorant ses monuments ^ ue pour "les fêtes
révolutionnaires. Mais, de même que le
soleil du bon Dieu éclaire à la fois les bans
et les méchants, de même les vieux rem
parts et la pauvre abbatiale, dont la grise
mine était bien involontaire,ont dû, comme
on le verra plus loin, sourire aussi aux pfe*
lerins.
A neuf heures, ie Mont était plongé non
pas d$t\q io. Silence, mais dans l'obscurité ;
(je n'était plus qu'une grande masse grisâ
tre émergeant des grèves désejtss, sens un
ciel nuageux, qui s'entr'ouvrait par instants
pour livrer passage à quelque faible rayon
de îune. Tout à coup, en même temps qu'on
entendait les premiers accents d'un canti
que entraînant, la procession a commencé
à sillonner Je Mont, traçant un cordon lu
mineux de lanternes vénitiennes sur las
rampes tortueuses et le chemin de ronde,
tour à tour ondulant, se?peniant, s'abîmant
derrière urs muraille de pierres,pour repa
rais au débouché d'une ruelle, au
d'
'un escalier, dessinant eu courbes de feu
les contours des remparts.
Soudain la sombre silhouette du mont
Saint-Michel s'est éclairée d'une clarté in
tense,découpant ses arêtes vives sur le fond
obscur du ciel et faisant valoir les moin
dres détails de son incomparable architec
ture : les feux de bengale, allumés par les
soins du père Garnier, avaient réalisé ce
prodige, que nous déclarons timidement
préférer à l'embrasement fumeux, rougeâ-
tre et tapageur de la tour Eiffel aux jours
de fête du Champ-de-Mars.
S. G. l'évêque de Coutances, Mgr Ger
main (et non pas Mgr Hugonin, comme une
erreur de typographie me l'a fait dire dans
ma dépêche), avait autorisé la célébration
des messes à partir de minuit : à raison de
dix messes par heure, aux cinq autels pré
parés à cette occasion, on évalue à une
bonne centaine le nombre des prêtres qui
ont célébré aujourd'hui la messe au Mont»
Saint-Michel au Péril-de-la-Mer.
A sept heures du malin a eu lieu la priu-
cipale messe de communion, célébrée par
Mgr de la Passardière. Le R. P. Garnier,
qui fait les fonctions de curé du Mont-
Saint-Michel,a chanté alternativement avec
sa maîtrise de petits apostoliques le beau
cantique : Quis ut Deus ? Les communions
ont été nombreuses.
Au matin, le temps est resté incertain
jusqu'à dix heures et demie environ. Ç'&
été un spectacle édifiant et pittoresque
que de voir surgir de toutes les extrémités
de la grève une fonle de petits points noirs
qui, peu èi peu, prenant figure humaine,
se sont dirigés vers le Mont en décrivant les
mêmes courbes autour des emplacements
dangereux. Tous sont pieds nus et endi
manchés, la plupart ont fait 7 ou 8 kilomè
tres sur le sable. Pour les voir arriver et
aussi pour être aux premières places à.
l'arrivée delà croix, un grand nombre de
pèlerins garnissent les remparts et foutes
les hauteurs, les yeux fixés sur la digue
et sur les grèves. Les pèlerins de Du-
cey, Cador, Pontorson, les Normands, les
Bretons obligés de se retrousser jusqu'aux
genoux pour traverser à gué le Couesnon,
tous arrivent isolément oti par petits grou
pes, se hâtant pour ne pas manquer la pro
cession. La digue est noire de monde. En
tre la digue et le Couesnon est un campe-!
ment de cinquante voitures dételées, autour
desquelles se reposent les gens et les che
vaux, venus de ce rideau de petits arbres
bleus à l'horizon, qui, de près, seraient de
grands arbres verts.
Enfin, retentit une marche militaire,
jouée par les frères de l'école libre d'A-
vranches, et le cortège franchit l'enceinte
pour aller chercher la croix de Jérusalem.
Ce sont d'abord la maîtrise, l'école congré-
ganiste des filles, le collège libre de Saint-
James avec son vaillant directeur, les mu
siques des frères d'Avranches, puis le clergé
et les fidèles. Plus loin se joint à la procès*
sionun autre cortège de jeunes filles, en
blanc, dont les oriflammes bleues forment
avec la teinte sombre du cortège un coud
d'œil ravissant : ce sont les orphelines de
Sainte-Brelade, paroisse bretonne située
eu deçà du Couesnon. Après une heure de*
marche, la procession, suivie des yeux par
les pèlerins qui restent sur les remparts,
rencontre le R. P. Bailly avec les mission
naires de l'Assomption qui ont fait le pèle
rinage de Jérusalem et les pèlerins de Pa
ris ; les pèlerins de Nantes sont venus au
nombre d'un millier environ. Notons en
passant qu'il faut plus de temps pour venir
de Nantes que dô Paris au Mont -Saint-
Michel.
La croix avait été déposée dans Un bâti
ment qui se trouve à côt£ àe la digue.
Vingt hommes de ccBur, Appartenant pour
la plupart aux meilleures familles de la ré
gion, 1 ont chargée sur leurs épaules et se
sont remis en marche vers le Mont. Quand
la croix a paru en vue du Mont, l'enthou
siasme de ces ardentes populations a été
indescriptible. C'est à qui pourrait l'appro
cher, la toucher, la saluer. Une foule com
pacte, accrue sans cesse de nouveaux arri
vants, se presse autour d'elle et lui fait une
escorte d'honneur. A trois cents mètres du
Mont, le cortège est rencontré par NN. SS.
les évêques de Coutances et de Roséa, en
ornements pontificaux etmitre en tête; Mgr
Germain reçoit officiellement la croix et
s'avance derrière elle, suivi de la proces
sion jusqu'à l'entrée du Mont. Alors l'émo
tion est à son comble, on voit pleurer des
hommes à figure martial©, des femmes de
toutes les classes de la société. On entonne
l'O Crux ave ; et la croix commence îi gra
vir les rues étroites du Mont-Saint-Michel.
« On dirait l'entrés à Jérusalem, avec la
solennité en plus, » s'écrie derrière nous u*a
pèlerin. Cependant la foule, comme mue
par une force irrésistible, se presse autour
de la croix, rappelant la femme ûa l'Evan
gile qui oharchalt à s'approcher de Jésus en
disant : « Si je puis toucher sou vêtement»
je serai guérie.» Malheureusement,lapluia
s'était mise à tomber en quantité, nous l'a-
vons suiàe presque tout le reste de la,
jouwiée.
Un autel couvert avait été dressé en
plein air sur une estrade au lieu dit l'Es
planade, au pied de la basilique. C'est au-
dessus de cet autel, contre un escalier de
pierre» qu'on a dressé k croix. La pluie et.
l'heure avancée ne permettant pas de célé
brer la messe pontificale, les pèlerins ont
dû se costen'ter d'une messe basse.à laquella
ils assistaient d'ailleurs en nombre im
mense. Il y avait à ce moment, dit-on, plua
de dix mille pèlerins sur le Mont, et sans
la pluie on en aurait compté quinze mille.
Malgré le temps, Mgr Jourdan ds la
Passardière a voulu oublier qu'il était
convalescent pour faire un grand effort sur
une santé bien éprouvée par les fatigues du
missionnaire et adresser quelques niols
aux pèlerins. Avec le genre de talent qui
lui convient essentiellement, Mgr Jourdan
4e H Passardière a développé Une ton-
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