Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-06-18
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 juin 1889 18 juin 1889
Description : 1889/06/18 (Numéro 7839). 1889/06/18 (Numéro 7839).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 18 Juiii ïê30
N* ttSO s£Ëâttli&
nu mi m i mi ni-
Mardi 18 Juin 1833
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. , .
Sis mois. .
Trois mois.
paris
ET DÉPARTEMENTS
. . 55 »
. . 23 50
. . 15 »
etranger
(UNION TOSTALE)
68 : I
34 »
18 »
^^abonnements partent de* t" et 16 de chaque mois
( «Paria . . .... 15 cent.
UN NUMÉRO j Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints -Pères
Un an.
Six mois. .
Trois mois.
■; PARIS
ET DÉPARTEMENTS
i • 30
. 16 »
. 8 50
étranger
(UNION POSTALE)
, 36 »
19 »
10 9
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
fies nhonnements partent dos 1" et 16 clc chaque m«U
L'CXIYERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CEIIF et G 1 », 6, placo de IaBpursa
êsfs
FRANGE
PARIS, 17 JUIN 1889^
Il semble que la lumière'seiasse sur
le but réel de la campagne entreprise
contre la Suisse par la presse de M. de
Bismarck. Les mésaventures du com
missaire allemand n'ont été^ qu'une
occasion. En réalité, M- de Bismarck
paraît avoir voulu se ménager un pré
texte pour ne pas tenir compte, le mo
ment venu, de la neutralité suisse, qui
pourrait le gêner dans ses plans. L'In
dépendance belge le dit en termes très
nets dans une note que nous repro
duisons plus loin et qui, sans doute,
n'aura pas moins de retentissement
en Belgique qu'en Suisse. <
On n'a pas recommencé à Lisieux
les arrestations arbitraires d'Angou-
lême. M. Gonstaris, peu satisfait sans
doute du résultat des violences de ses
agents dans cette dernière ville, aura
compris qu'il ne devait pas renouve
ler l'épreuve. En conséquence, les au
torités se sonteontentées d'interdire la
conférence annoncée, mais M. La-
guerre a pu organiser un punch,
où l'on a voté un ordre du jour très
raide contre nos gouvernants. Si
nous en croyons les boulangistes, la
manifestation a été superbe; d'après
les antiboulangistes, elle n'a aucune
importance.
Deux élections sénatoriales avaient
lieu hier dans la Nièvre et dans le Puy-
de-Dôme. Dans le premier de ces dé
partements, le candidat conservateur,
M. de Savigny, a passé au premier
tour de scrutin ; le général Thibaudin,
candidat révisionniste, est venu mau
vais troisième. Dans le Puy-de-Dôme,
où la lutte n'était guère qu'entre ré
publicains, M. Leguay, député oppor
tuniste, ne l'a emporté qu'au troisième
tour et de bien peu de voix sur son
concurrent radical,M. Gaillard, égale
ment député.
Aujourd'hui, au Sénat, suite de la
discussion de la loi sur le personnel
de l'enseignement primaire ; à la Cham
bre des députés, suite du budget de la
marine.
La question de l'évacuation de l'E
gypte se pose de nouveau : on se de
mande pourquoi, si le pays est pacifié,
l'Angleterre ne met pas fin à une occu
pation qu'elle déclarait uniquement
destinée à rétablir l'ordre. Le gouver
nement anglais ne nie pas qu'il doive
se retirer, mais il ne trouve pas le mo
ment venu de le faire. Quant les An
glais sont quelque part, ils ne sont ja
mais pressés de partir, surtout s'ils
ont mis la main sur une position im
portante. Or, l'Egypte commande le
canal de Suez.
En six semaines l'Exposition, avec
toutes les fêtes qui l'accompagnent, a
développé à Paris une fièvre de plai
sir dont les symptômes deviennent
inquiétants. Que sera-ce à la fin?Il
n'y a plus aujourd'hui qu'une pensée,
qu'une occupation : s'amuser. Toute
la population parisienne est en l'air,
court les tramways,les chemins de fer,
les bateaux, va, vient, se précipite au
Champ de Mars, au Palais-Royal, à
Vincennes, à Auteuil, à Longchamp,
partout où le plaisir l'appelle. C'est une
agitation, une frénésie sans pareille.
On ne travaille presque plus ; les ma
gasins, les ateliers, les chantiers chô
ment une partie du temps. Patrons
et ouvriers font de même. L'épargne
s'en va en folles dépenses. Chacun
cherche les moyens de se créer des
ressources pour s'amuser. On recourt
aux expédients, on escompte l'avenir,
on s'ingénie à trouver de l'argent. Les
loteries ;ne vont plus assez vite et
n'offrent : que trop peu de chances.
La Bourse n'est que pour les ri
ches et les habiles. Le menu peu
ple se rabat sur les paris. Les
courses sont devenues une institution
publique de jeu : c'est là que se font
les petites fortunes qui permettent de
s'amuser quelque temps. Il y a une
vraie folie de paris sur les chevaux ;
tout le monde s'y met, jusqu'aux fem
mes et aux enfants. La foule s'habitue
à remplacer le travail par le hasard.
Elle compte sur le sort pour manger
et jouir, au jour le jour. C'est plus fa
cile et plus agréable.
La course du Grand-Prix de Paris a
mis le comble à cette effervescence.
Cinq cent mille Parisiens y étaient
avec les étrangers. Les récits de la
grande fête du cheval semblent s'ap
pliquer à un peuple en démence. Les
journaux parlent d'émotions et de joies
sans pareilles, d'enthousiasme et de
délire incomparables ; ils font enten
dre des applaudissements, des cris de
triomphe comme jamais n'en reten
tirent pour nos victoires nationales.
Et au milieu de tout cela, le Siècle,
l'organe de l'Elvsée, nous montre le
président de la République souriant
« avec une sorte d'adiniration » à ce
spectacle,et l'officieux assure que « ce
doit être une grande compensation à
la noble, mais lourde tâche que le pre
mier magistrat de la République a as
sumée, que de pouvoir contempler ce
peuple ardent dans ses plaisirs et plein
d'enthousiasme, dont il a pour mission
de protéger la féconde liberté ! »
Mais ce peuple si ardent dans ses
plaisirs et si plein d'enthousiasme
pour les succès hippiques, est-ce bien
là le peuple qu'il faudrait à la France?
Où ira-t-on avec ce dérèglement d'es
prit, ce goût de la vie facile, cette fu-
■reur de jouissances? L'Exposition est
en train d'aggraver singulièrement un
mal déjà fort entré dans les mœurs. Il
semble qu'on ait voulu en faire, à l'oc
casion du centenairede la Révolution,
une entreprise de démoralisation pu
blique. Avec toutes , ses construc
tions de décor, ses mille amuset-
tes et ses colifichets sans nombre,
elle, apparaît aux yeux sérieux
comme un immense enfantillage ;
mais on savait flatter le goût public en
montant un spectacle si bien appro
prié aux goûts du jour, et on voulait,
à l'aide de toutes les excitations réunies
sur ce chantier du plaisir, que l'année
commémorative de la Révolution fût
une année de folles réjouissances et
de liesses capiteuses. Réussira-t on
par là à rattacher l'opinion à la répu
blique? De cette foule grisée de fêtes,
affolée d'amusements, fera-t-on pour
toujours une clientèle républicaine?
C'est le but des entrepreneurs de l'Ex-
fiosition ; mais ceux qui ne voient que
'intérêt de la France, que le bien de
la patrie, se demandent comment fi
nira cette fête insensée, ce que de
viendront les mœurs publiques après
ce débordement de plaisirs, et com
ment le peuple reviendra au travail,
au sérieux de la vie, au devoir journa
lier. Pourvu encore que quelque grave
événement ne vienne pas nous sur
prendre, avant la fin, en pleine danse!
Arthur Loth.
Mgr Samassa, archevêque d'Erlau,
et Mgr Schlauch, évêque de Gros-Va-
radin, ont pris le 12 juin la parole à la
Chambre des magnats, sur la question
d'enseignement et d'éducation chré
tienne.
Mgr l'archevêque d'Erlau a touché
dans son discours à la grave question
de l'autonomie catholique en Hongrie
et a demandé au gouvernement de s'ex
pliquer d'une façon définitive sur ce
qu'il entendait faire.
Mgr Schlauch, de son côté, a tou
ché à la question du patronat royal,
qu'il a dit être d'origine et de nature
essentiellement ecclésiastique et cons
tituant une prérogative personnelle
du roi.
Ces deux discours suscitent de vi
ves polémiques dans la presse hostile
à l'Eglise.
Voici la note de Y Indépendance belge
dont il est question plus haut ; elle est
significative :
Le conflit entre l'Allemagne et la Suisse
prend décidément de très graves propor
tions. Dès hier, le brait courait vaguement
que l'empire allemand avait l'intention de
dénoncer la neutralité de la Suisse. Cette
nouvelle nous est aujourd'hui confirmée
par notre correspondant de Berne. C'est
dans la note même annonçant au gouverne
ment de .la Confédération la clôture des
pourparlers relatifs à l'affaire Wohlgemuth
que le gouvernement impérial donne à en
tendre qu'à l'avenir il ne tiendra plus nul
compte de la neutralité du territoire helvé
tique. Cette déclaratiou équivaut à la dé
nonciation en principe. Quant à la pratique,
l'Allemagne verra ce qu'elle a à faire; en
d'autres termes, si son intérêt la porte à
violer le territoire suisse, elle ne sera plus
tenue de le respecter par aucune considéra
tion de droit.
On ne peut se dissimuler la gravité d'une,
pareille déclaration. La Suisse avait jus
qu'ici bénéficié de la protection des puis
sances. En 1870, l'Allemagne et la France
signèrent spontanément, au moment où les
hostilités allaient commencer, l'engagement
réciproque de respecter le territoire suisse.
Si une guerre éclatait demain entre la
France et l'Allemagne, il est clair que celle-
ci se refuserait à lier cette fois sa liberté
d'action de ce côté. Tel est le sens de la
déclaration contenue dans la note allemande
au cabinet de Berne. L'Allemagne et l'Italie
viennent de se lier plus intimement par des
conventions militaires. La Suisse neutre et
inviolable empêchait les deux alliés de
combiner utilement leurs mouvements.
L'affaire Wohlgemuth a offert à M. de Bis
marck une excellente occasion d'écarter cet
obstacle, et il n'a pas hésité. Chacun com
prendra la portée militaire et politique de
cet incident, qui explique bien des faits obs
curs et demeurés peu clairs. Eo Belgique,
surtout, on en saisira immédiatement le
sens.
Nous lisons dans la Zuricher Post de
Zurich la note suivante qu'on peut
rapprocher de celle de Y Indépendance
belge : ~~
Le Sozialdemocrat, la feuille socialiste
allemande installée dans notre canton, a
transporté ses bureaux en Angleterre pour
échapper aux réclamations allemandes, et
son langage est devenu plus violent que
jamais. Mais au lieu do menacer l'Angle
terre, M. de Bismarck cherche à la gagner
et lui fait les yeux doux. L'affaire est bien
simple, la couronne anglaise possède une
flotte et des forces militaires.
Les zouaves pontificaux
AU PIED DU SACnÉ-COEUR
L'appel du général de Charette à ses
zouaves n'a pas été vain. Ils étaient
plusieurs centaines,ce matin,au pieux
rendez-vous fixé sur la colline de
Montmartre, au pied du Sacré-
Cœur. Avec eux étaient venues leurs
mères, leurs femmes, leurs sœurs et
leurs filles, montrant ainsi que nulle
part le cor unurn et Yanima una dont
il est parlé aux-Actes des Apôtres ne
sont mieux pratiqués que dans ces fa
milles où le dévouement chrétien va
si aisément jusqu'au sacrifice. Voulant
donner un témoignage particulier de
ses sentiments pour les zouaves, leur
chef et leur bannière, Monsieur le
comte de Paris s'était fait représenter
par Monsieur le duc d'Alençon.
Le prince, Sa Majesté le roi de Na-
ples François II et M. le général de
Charette occupaient des places réser-
yées dans le sanctuaire de la chapelle
Saint-Martin,désignée pour le rendez-
vous des zouaves, : parce que, comme
le dira tout à l'heure l'officiant, le
drapeau du régiment a reposé à Tours
sur les reliques du grand thaumaturge
des Gaules. •
Aux premiers rangs de l'assistance,
outre les anciens zouaves qui sont de
venus des religieux et des prêtres,
avec mission d'achever parla prière
le combat commencé par l'épée, on
remarque le général Barry, le comte
deMérode, le comte de Caulaincourt,
le comte de Salaberry, le baron Tris
tan Lambert, etc. Les zouaves et leurs
familles remplissent et au-delà toute
la chapelle ; et tout autour la foule re
flue jusque sur les escaliers de la
crypte.
C'est un ancien zouave, le P. Sé
bastien, autrefois capitaine Viard,
aujourd'hui , abbé de la Trappe du
Mont-Décat,qui célèbre la sainte messe.
Elle est entendue par tous avec un
singulier, recueillement, pendant que
se font entendre ces cantiques si émou
vants, Pitié, mon Dieu,— Cœur de Jésus,
ne vous souvenez plus, souvenez-vous.
Ne vous souvenez plus des iniquités
de la France et des nôtres; souvenez-
vpus de son repentir et du nôtre. Les
retrains chantés à l'unisson par des
centaines de voix mâles et vibrantes
portent l'émotion jusqu'aux larmes.
Après la messe, pendant laquelle le
plus grand nombre des assistants se
sont approchés de la sainte Table, l'of
ficiant, d'une voix haute et claire qui
semble encore celle du commande
ment,indique qu'on va réciter les priè
res qu'on avait coutume de dire après
chaque exercice religieux à la cha
pelle du régiment. Ces prières sont
d'abord pour l'Eglise, pour le Pape,
pour la France ; puis ce sont trois, Pa
ter, trois Ave Maria et trois Gloria P< l -
tri pour les « camarades » présents et
leur famille ; et de nouveau la même
prière pour les « camarades » absents
qui n'ont pu venir. renouveler leur
acte de consécration et leurs familles.
Enfin le De profundis pour les « cama
rades » — et la voix du prêtre, ancien
compagnon d'armes, jette un frisson
dans toute l'assistance — « qui sont
tombés sous les balles garibaldiennes,
piémontaises et prussiennes ».
Maintenant, reprend le P. Sébastien,
nous allons recevoir la bénédiction du
Saint-Sacrement ; mais avant, en face
de Notre-Seigneur exposé à notre ado
ration, nous allons redire l'acte de con
sécration qui fut écrit — vous vous en
souyenez —par notre général lui-mê
me, dans quelles circonstances, vous le
savez aussi.
Et le drapeau du régiment, qui se
dressait appuyé contre une colonne de
la crypte, ayant été porté au pied de
l'autel, la voix grave du P. Sébastien
s'élève de nouveau. Elle dit :
A l'ombre de ce drapeau teint du sang
de nos plus nobles et de nos plus chères
victimes,
Moi, général marquis de Charette qui ai
l'insigne honneur de vous commander,
Je consacre les zouaves pontificaux au
Sacré-Cœur de Jésus ;
Et, avec ma foi de soldat, de toute mon
âme je dis et je vous demande de dire avec
moi :
Cœur de Jésus, sauvez la France !
L'émotion est à son comble. L'assis
tance agenouillée reçoit la bénédiction
du Saint-Sacrement, puis s'écoule en
silence. Devant le général de Charette,
sorti le premier, passent comme à la
revue ses anciens officiers et soldats,
pour chacun desquels il a une cordiale
poignée de main, un large sourire, un
mot joyeux.
Et voici qu'arrivent, amenées par
des religieuses, des troupes de jeunes
filles à la blanche parure succédant
au pèlerinage militaire, qu'avait pré
cédé le pèlerinage de Rennes jetant
sous les voûtes de la basilique et dans
tout le pourtour le fameux cri : Catho
liques et Bretons toujours
Auguste Roussel.
Le plébiscite du. Sacré-Cœur
Monsieur le rédacteur,
, Le grave mandement de S. Em. le
cardinal archevêque de Paris s'achève
par nn mot qui appelle la plus sé
rieuse attention de tous les catho
liques de France : le plébiscite du Sa
cré-Cœur. Heureusement emprunté à
la langue de la politique contempo
raine, il jette une vive lumière sur la
question que tous se sont posée et que
les individus et les groupes s'efforcent
à l'envi de résoudre : Que doit faire
en 1889 la France catholique pour
s'affirmer elle-même, protester de son
inébranlable fidélité à Notre-Seigneur
Jésus-Christ, déclarer qu'au milieu de
« ce mouvement inhérent aux choses
humaines par lequel la société fran
çaise s'est transformée » politique
ment, la religion du pays est restée
intacte dans les cœurs fidèles, ses iné
branlables forteresses, et que sous la
république, comme sous la monarchie
ou l'empire, la nation de Clovis, de
Charlemagne et de saint Louis entend
adorer librement, hautement, publi
quement le Dieu de son baptême ?
Que doit faire la France catholique
pour opposer avec calme, mais avec
fermeté la glorification de l'IIomme-
Dieu à la glorification de l'homme
brute, bruyamment menée par la
franc-maçonnerie sous le nom de cen
tenaire de la Révolution ?
Un plébiscite! répond le chef du
premier diocèse de France par la si
tuation de son siège, qui est la capi
tale du pays.
Un plébiscite ! c'est un vote par le
quel chaque citoyen dit nettement ce
qu'il pense et ce qu'il veut, et fait con
naître l'autorité à laquelle il est prêt à
se soumettre et qu'il réclame. Selon
les conjonctures, le plébiscite déter
mine le détenteur de l'autorité ou dé
clare les sentiments de la nation à l'é
gard de l'autorité existante.
Dans l'ordre politique, le droit de
vote est restreint, malgré l'expression
courante : suffrage universel. Sont ex
clues les femmes, sont exclus les mi
neurs, sont exclus certaines catégo
ries de personnes; telles que les sol
dats sous les armes.
Dans l'ordre religieux, tous ont le
droit, plus encore, le devoir d'affir
mer leur foi. Il suffit à l'adolescent
d'avoir une connaissance suffisante de
la divinité de Notre-Seigneur et des
droits qui en découlent ; l'âme de la
femme vaut l'âme de l'homme, nul
croyant ne peut être condamné à se
taire.
Est-ce à dire que tous parleront? On
ne peut l'espérer. Plusieurs ne seront
pas interrogés. Il se trouvera plus
d'une paroisse dont le pasteur, redou
tant un échec et les inconvénients qui
en résulteraient pour son ministère,
jugera prudent de ne pas demander
des actes signés de consécration au
Sacré-Cœur.
Il se trouvera surtout,comme à tous
les scrutins,un grand nombre d'abste
nants , ceux-ci ne comprenant pas
l'importance d'une telle manifesta
tion, ceux-là au contraire la compre
nant fort bien, mais n'osant pas con
fesser tout haut Jésus-Christ propter
metum Judœorum.
Mais il ne s'agit pas ici d'obtenir
pour Notre-Seigneur Jésus Christ le
suffrage de la majorité plus un des
habitants du pays. Il s'agit de répon
dre par une respectueuse et joyeuse
clameur d'adoration filiale et de con
fiance invincible à l'expulsion officielle
du Sauveur des hommes, expulsion
qui subie, trop patiemment sabie par
la foule distraite, affairée, dominée
bien plus encore - que paganisée, n'est
en réalité l'œuvre que d'une assez mé
diocre poignée de mécréants authenti
ques. v
Ces gens-là, pai^ce qu'ils persécutent
les croyants, parce qu'ils les expulr
sent de toutes les positions officielles,
déclarent impunément qu'il n'y a plus
de croyants, sauf quelques crétins et
quatre fanatiques d'un certain talent.
Il faut qu'on réplique à ces insolences,
qu'il se fasse autour du trône de Jé
sus-Christ une telle, si nombreuse, si
belle et si fière couronne d'adorateurs,
que la foi française y apparaisse dans
toute sa grandeur. -
Notre-Seigneur Jésus-Christ a droit
à cèt hommage. ' *
Ce n'est pas trop pour récompenser
l'obstination de sonamour,la patience
de son cœur.
. Les éléments d'une manifestation si
opportune existent dans le pays.
Ne parlons pas longuement des
femmes. Elles sont à peu d'exceptions
près restées chrétiennes, et même las
chrétiennes frivoles —toujours trop
nombreuses — s'émeuvent a la pen
sée du Cœur adorable de celui qui- les
a sauvées; il suffit de donner les indi
cations suffisantes pour recueillir de
ce côté des millions de signatures, at
testant tçut ensemble et la foi des
Françaises et l'obligation où sont les
détenteurs du pouvoir public de res
pecter cette foi et de ne pas entraver,
par une législation persécutrice, la
pratique religieuse d'une moitié de la
nation, de celle-là précisément dont
les droits sont plus dignes de respect,
parce qu'elle ne peut elle-même les
défendre.
Les mêmes réflexions s'appliquent
aux signatures données par la jeu
nesse. Il n'estpas besoin d'avoir vingt-
un ans et une carte d'électeur pour ac
cepter d'une manière intelligente la
souveraineté de Dieu et de son Christ
et réclamer pour la patrie l'honueur de
leur être fidèle. Dans le monde révolu
tionnaire, avec quelle emphase ne si-
gnale-t on pas les manifestations poli
tiques ou libre-penseuses de quelques
centaines d'étudiants imberbes, voire
de collégiens !
Mais les électeurs eux-mêmes vien
dront en bien plus grand nombre qu'on
ne pense généralement, pourvu qu'on
sache aller à eux et leur expliquernet-
tement de quoi il est question,
Le mandement de Son Eminence le
cardinal Richard le dit assez claire
ment. II s'agit d'un acte patriotique
de foi, d'adoration, de réparation pour
les outrages que Jésus-Christ a reçus,
de confiance pour l'avenir en son iné
puisable bonté. Il s'agit « d'un plébis
cite de paix et d'union dans un même
amour de l'Eglise et de la Patrie fran
çaise ».
Or ne sont-ils pas nombreux les
, hommes qui aspirent à la paix et à
l'union ? Ils le sont plus que jamais.
A. part la horde des politiciens, bêtes
.de proie qui vivent des discordes civi
les, qui attisent les querelles et aigui
sent les haines pour arriver aux hon
neurs et à la fortune; à part la bande
maçonnique et sa clientèle, qui donc
en France n'est las et bien las de .tou
tes ces luttes entre classes et entre
partis ? Non, l'âme française n'est
pas née pour la haine. La haine
en France est une importation exo
tique, huguenote et maçonnique.
La haine a pour pères Voltaire Christ-
moque et l'atrabilaire Jean-Jacques.
La haine suinte des loges, où l'on ap
prend à courir sus à la religion qua
torze fois séculaire idu pays, du foyer,
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 18 juin 1889
BEAUX-ARTS
Salon de 1889
Cinquième article
LE PORTRAIT
L'année dernière, je commençais ce cha*
pitre par l'hémistiche consacré i
Ab Jove principium.
« Jupiter avant tout ! » et Jupiter, c'était
M. Carnot peint par M. Yvon. Il fauf que
cette année je varie mon exorde. Jupiter,
en effet, a tellement voyagé qu'on n'a pas
eu le loisir de le peindre.Ea revanche,nous
possédons Junon.
Nous féliciterons Mme Sadi Carnot
d'avoir choisi, pour révéler ses traits au
public qui les ignore, une artiste de la va
leur deMme Beaury-Saurel. Nous félicite
rons moins Mme Beaury-Saurel qui, en ap
prochant des dieux, semble avoir perdu quel
ques unes des qualités qui la distinguent.
D'ordinaire un portrait de Mme Beaury-Sau
rel se reconnaît entre cent autres par 'la fer-
iûeté virile du dessin,par l'éclat et la solidi
té de la coulenr.Cotte fois, je l'avoue, il m'a
fallu recourir au catalogue, et après l'avoir,
lu, je doutais encore.Mme Carnot,assise de
profil, semble poser pour un médaillon de
la République, et ses cheveux tordus sur
le sommet de la tête, en forme de bonnet
phrygien, rendent la supposition tout à
fait vraisemblable.. Il est vrai que le fau
teuil extrêmement orné qui a l'honneur
d'ouvrir ses bras à Mme la présidente pour
rait à la rigueur passer pour un trône. Quoi
qu'il en soit, tout cela est sec,terne et froid,
et si l'on yeut retrouver Mme Beaury-
Saurel avec tout son talent, il faut l'aller
chercher dans la section des dessins, où elle
a mis un fusain et un pastel également ex
cellents. .
Et voici maintenant le rival de Jupiter.
Oserài-je écrire ce nom proscrit qui a l'é
trange et dangereuse propriété, lorsqu'on
le prononce, de faire surgir de chaque pavé
un commissaire de police? Il est là, non
plus comme l'année dernière, en grande te
nue do général et chamarré d'ordres mul
ticolores, mais en veston d'intérieur bleu
marine, assis devant une grande Jtable cou
verte de ces papiers auxqusls la haute cour
donne la chasse et dont mille kilogram
mes pour le moins reposent dans l'ar
moire . de fer . du Luxembourg. Ce vo
lume à tranches rouges, c'est le Tout-
Paris, réperîoire d'adresses indispensable
à un homme si répandu. Cette brochure
bleue,c'est un pamphlet de Joseph Reinach
contre le Cheval noir, bête noire de l'op
portunisme. Cet obus qui sert de presse-
papier a été ramassé sur le champ, de ba
taille de Champigny. Au milieu de tout
cela, il regarde le spectateur avec son œil
bleu clair, qui n'est point l'œil d'un sot, et
qu'on devine très capable, à l'occasion, de
lancer des éclairi.
Il avait été question, & ce qu'on dit, de
proscrire le portrait comme on a proscrit
l'homme. C'eût été une sottise et une indi -
gnité,car le portrait est un des meilleurs du
Salon, et fait grand honneur à M. Henri
Rondel, à qui, en d'autres temps, il eût
valu une médaille. Mais ce n'est pas tout
d'avoir du talent, il faut encore bien choi
sir ses modèles.
Autre proscrit; mais celui-ci en a l'habi
tude. Saluez l'auteur de la Lanterne, peint
par Jan van Beers. Aimez-vous les van
Beers? Beaucoup de gens affectent de ne
pas pouvoir les souffrir et de ne voir dans
l'artiste belge qu'un vulgaire enlumineur
de photographies ressemblantes. Il est cer
tain que M. van Beers s'attache quelquefois
un peu puérilement à des détails oiseux, et
l'une de ses joies c'est de peindre une à une
et de façon qu'on les puisse compter, les
dents d'un personnage haut .de 10 centi
mètres. Mais ces puérilités ne diminuent
point un talent très réel et prisé à bon droit,'
sinon par le jury, du moins par, le public.
Le Portrait d'Henri Rochefort n'a pas seu
lement le mérite d'une ressemblance extra
ordinaire, c'est un morceau de peinture
d'une rare valeur.
Puisque nous sommes dans la politique,
restons-y.
Voici l'excellent M. Méline, président de
la Chambre des députés. Cet homme d'Etat
a des qualités, mais peu de prestige. Il s'en
rend compte lui-même, et il a l'air tout dé*
paysê dans ce large fauteuil que Gambettu
remplissait jadis de son obésité. Il faut sa
voir gré à 'M. Monchablon d'avoir saisi
cette nuance d'expression qui est un trait
de caractère. Il faut le louer aussi de la fa
çon magistrale dont il sait empeser un plas
tron de chemise. La ressemblance d'ailleurs
est frappante, et irrésistiblement je me suis
rappelé un autre portrait, à la plume celui-
là, où Séverine comparait M. Méline à « un
salsifis mal gratté ». Je vous assure qu'il y
a de cela. La ressemblance est complétée
par le ruban vert qui s'épanouit îi la bou
tonnière et qui rappellera aux générations
futures que M. Méline fut le fondateur et
le premier chevalier du Mérite agricole.
M. Edelfelt nous montre un autre parle
mentaire notable, M. Kurten, président du
tiers état àla Diète de Finlande. Je rougis,
de mou ignorance : mais la vérité est que
j'ignorais l'existence de cette Diète et
qu'elle possédât un tiers état. On apprend
tous les jours, quelque chose. Le Méline
finlandais a d'ailleurs tout l'air d'un brave
homme, mais j'avoue qu'en le voyant armé
d'un marteau en buis de la forme de ceux;
qu'on emploie à casser du sucre, je l'aurais
pris pour un membre de la chambre syndi
cale de l'épicerie. Dos gens qui savent tout
m'ont assuré que ce marteau ne sert pas à
alimenter le verre d'eau sucrée traditionnel,
mais bien à imposer silence à l'assemblée
quand'le tumulte devient par trop violent.
J'aime mieux le croire que d'y aller voir. Et
vous ?
Autre portrait parlementaire : M. Anto-
nin Lefèvre-Pontalis, un peu adonisé pour
la circonstance, et dont les joues, ordinai
rement jaunes, sont devenues blanches et
roses sous le pinceau bienveillant d'un de
ses électeurs, M. Moreau-Deschanvres. M.
Moreau Deschanvres ne peint pas mal ; je
veux croire qu'en outre il vote bien, et
qu'ayant envoyé M. Lefèvre-Pontalis au
Salon où il lait si bonne figure, il voudra
le renvoyer aussi & la Chambre, où il dit
parfois de très bonnes choses.
Est-il besoin de dire que le Portrait ex
posé par M. Bonnat est un chef-d'œuvre ?
C'est le refrain auquel me condamne, cha
que année, cet éminent artiste, et, loin de
m'en plaindre, je voudrais, pour lui et pour
moi-même, être assuré de le, chapter long
temps encore. M. Bonnat obtient des effets
d'une surprenante intensité par des moyens
extraordinairement simples. Il a des indi
cations sommaires, des procédés abrévia-
tifs. Regardez de près: vous voyez quelques
hachures rapides, quelques frottés légers
qui ne couvrent même pas partout le grenu
de la toile. Eloignez-vous d'un pas, le por
trait s'anime, prend un relief puissant et
semble prêt à s'échapper du cadre. C'est le
triomphe de l'art, c'est la vie même.
Saluons aussi le vrai Carolus Duran,
portraitiste impeccable, supérieur à tous
ses confrères dans l'art de faire chatoyer
une étoffe soyeuse et resplendir des escar
pins de cuir verni.
Les fils de Mme P. de*** sont bien de la
même veine que la Jeune fille de l'an passé;
ils sont aussi bien vêtus, aussi bien chaus
sés, et je me demande en les voyant pour
quoi M.Carolus Duran a délaissé ce genre,
où il excelle, pour s'aller fourvoyer dans
la mythologie transcendante du Bacchus
que l'on sait.
Pour la dernière fois nous, voyons au ca
talogue le nom de Cabanel. Mort il y a
quatre mois & peine, l'éminent artiste n'a
vait pas mis la dernière main aux deux
portraits de femmes dont se compose son
envoi. Ces deux portraits sont excellents
néanmoins et tels qu'on les pouvait attendre
de l'artiste habile et convaincu qui restera,
en dépit des chicanes d'école et des scies
d'ateliers, une des plus pures gloires de la
peinture française.
A côté du centenaire officiel dont les fê •
tes durent encore, lé Journal des Débuts
a voulu célébrer son centenaire personnel.
Le journal des Bertin naquit en effet la mê*
me année que les immortels principes, et
depuis cent ans il a connu comme eux des
fortunes diverses e^ des postures successi
ves. Néanmoins, ilNât encore et vivra long
temps sans doute, ayant de longue date
contracté l'habitude de s'accommoder de
toutet de ne se point brouiller avec les puis-
sances.Donc,pour cette année, le Journal des
Débats a eul'idée de se faire peindre dans
la persofme de ses nombreux rédaleuris,
et c'est M. Jeanniot, bon illustrateur
de journaux hebdomadaires, qui s'est chargé
de l'entreprise. Le théâtre représente la
salle de rédaction, fort simple et fort éloi
gnée des somptuosités de la presse boule*
vardière. Mais dans cette salle si modeste
sont réunis une quarantaine de beaux es
prits, presque une académie. ' Presque tous
d'ailleurs sont quelque peu académiciens,
ou sûrement le deviendront . Ce vieux mon
sieur à favoris corrects, c'est le sénateur
John Lemoinne ; ce vieillard au sourire ai
mable,c'est M. Jules Simon. Cé personnage
coiffé d'une calotte de velours et qu'on
prendrait pour un concierge valétudinaire,
c'est M. J.-J. Weiss. Il écoute son brillant
successeur, M. Jules Lemaltre, lequel est
en train de taquiner M. Renan par dès
procédés empruntés à la méthode rena-
niste.
Tout cela est intéressant comme le sont
toojours les personnalités. Mais cela est
bâclé, et M. Jeanniot lui-même ne peut s'i
maginer qu'il a fait une œuvre sérieuse en
groupant la rédaction des Débats comme
l'eût fait un photographe pour un orphéon
ou une société de gymnastique..
N* ttSO s£Ëâttli&
nu mi m i mi ni-
Mardi 18 Juin 1833
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. , .
Sis mois. .
Trois mois.
paris
ET DÉPARTEMENTS
. . 55 »
. . 23 50
. . 15 »
etranger
(UNION TOSTALE)
68 : I
34 »
18 »
^^abonnements partent de* t" et 16 de chaque mois
( «Paria . . .... 15 cent.
UN NUMÉRO j Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints -Pères
Un an.
Six mois. .
Trois mois.
■; PARIS
ET DÉPARTEMENTS
i • 30
. 16 »
. 8 50
étranger
(UNION POSTALE)
, 36 »
19 »
10 9
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
fies nhonnements partent dos 1" et 16 clc chaque m«U
L'CXIYERS ne répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CEIIF et G 1 », 6, placo de IaBpursa
êsfs
FRANGE
PARIS, 17 JUIN 1889^
Il semble que la lumière'seiasse sur
le but réel de la campagne entreprise
contre la Suisse par la presse de M. de
Bismarck. Les mésaventures du com
missaire allemand n'ont été^ qu'une
occasion. En réalité, M- de Bismarck
paraît avoir voulu se ménager un pré
texte pour ne pas tenir compte, le mo
ment venu, de la neutralité suisse, qui
pourrait le gêner dans ses plans. L'In
dépendance belge le dit en termes très
nets dans une note que nous repro
duisons plus loin et qui, sans doute,
n'aura pas moins de retentissement
en Belgique qu'en Suisse. <
On n'a pas recommencé à Lisieux
les arrestations arbitraires d'Angou-
lême. M. Gonstaris, peu satisfait sans
doute du résultat des violences de ses
agents dans cette dernière ville, aura
compris qu'il ne devait pas renouve
ler l'épreuve. En conséquence, les au
torités se sonteontentées d'interdire la
conférence annoncée, mais M. La-
guerre a pu organiser un punch,
où l'on a voté un ordre du jour très
raide contre nos gouvernants. Si
nous en croyons les boulangistes, la
manifestation a été superbe; d'après
les antiboulangistes, elle n'a aucune
importance.
Deux élections sénatoriales avaient
lieu hier dans la Nièvre et dans le Puy-
de-Dôme. Dans le premier de ces dé
partements, le candidat conservateur,
M. de Savigny, a passé au premier
tour de scrutin ; le général Thibaudin,
candidat révisionniste, est venu mau
vais troisième. Dans le Puy-de-Dôme,
où la lutte n'était guère qu'entre ré
publicains, M. Leguay, député oppor
tuniste, ne l'a emporté qu'au troisième
tour et de bien peu de voix sur son
concurrent radical,M. Gaillard, égale
ment député.
Aujourd'hui, au Sénat, suite de la
discussion de la loi sur le personnel
de l'enseignement primaire ; à la Cham
bre des députés, suite du budget de la
marine.
La question de l'évacuation de l'E
gypte se pose de nouveau : on se de
mande pourquoi, si le pays est pacifié,
l'Angleterre ne met pas fin à une occu
pation qu'elle déclarait uniquement
destinée à rétablir l'ordre. Le gouver
nement anglais ne nie pas qu'il doive
se retirer, mais il ne trouve pas le mo
ment venu de le faire. Quant les An
glais sont quelque part, ils ne sont ja
mais pressés de partir, surtout s'ils
ont mis la main sur une position im
portante. Or, l'Egypte commande le
canal de Suez.
En six semaines l'Exposition, avec
toutes les fêtes qui l'accompagnent, a
développé à Paris une fièvre de plai
sir dont les symptômes deviennent
inquiétants. Que sera-ce à la fin?Il
n'y a plus aujourd'hui qu'une pensée,
qu'une occupation : s'amuser. Toute
la population parisienne est en l'air,
court les tramways,les chemins de fer,
les bateaux, va, vient, se précipite au
Champ de Mars, au Palais-Royal, à
Vincennes, à Auteuil, à Longchamp,
partout où le plaisir l'appelle. C'est une
agitation, une frénésie sans pareille.
On ne travaille presque plus ; les ma
gasins, les ateliers, les chantiers chô
ment une partie du temps. Patrons
et ouvriers font de même. L'épargne
s'en va en folles dépenses. Chacun
cherche les moyens de se créer des
ressources pour s'amuser. On recourt
aux expédients, on escompte l'avenir,
on s'ingénie à trouver de l'argent. Les
loteries ;ne vont plus assez vite et
n'offrent : que trop peu de chances.
La Bourse n'est que pour les ri
ches et les habiles. Le menu peu
ple se rabat sur les paris. Les
courses sont devenues une institution
publique de jeu : c'est là que se font
les petites fortunes qui permettent de
s'amuser quelque temps. Il y a une
vraie folie de paris sur les chevaux ;
tout le monde s'y met, jusqu'aux fem
mes et aux enfants. La foule s'habitue
à remplacer le travail par le hasard.
Elle compte sur le sort pour manger
et jouir, au jour le jour. C'est plus fa
cile et plus agréable.
La course du Grand-Prix de Paris a
mis le comble à cette effervescence.
Cinq cent mille Parisiens y étaient
avec les étrangers. Les récits de la
grande fête du cheval semblent s'ap
pliquer à un peuple en démence. Les
journaux parlent d'émotions et de joies
sans pareilles, d'enthousiasme et de
délire incomparables ; ils font enten
dre des applaudissements, des cris de
triomphe comme jamais n'en reten
tirent pour nos victoires nationales.
Et au milieu de tout cela, le Siècle,
l'organe de l'Elvsée, nous montre le
président de la République souriant
« avec une sorte d'adiniration » à ce
spectacle,et l'officieux assure que « ce
doit être une grande compensation à
la noble, mais lourde tâche que le pre
mier magistrat de la République a as
sumée, que de pouvoir contempler ce
peuple ardent dans ses plaisirs et plein
d'enthousiasme, dont il a pour mission
de protéger la féconde liberté ! »
Mais ce peuple si ardent dans ses
plaisirs et si plein d'enthousiasme
pour les succès hippiques, est-ce bien
là le peuple qu'il faudrait à la France?
Où ira-t-on avec ce dérèglement d'es
prit, ce goût de la vie facile, cette fu-
■reur de jouissances? L'Exposition est
en train d'aggraver singulièrement un
mal déjà fort entré dans les mœurs. Il
semble qu'on ait voulu en faire, à l'oc
casion du centenairede la Révolution,
une entreprise de démoralisation pu
blique. Avec toutes , ses construc
tions de décor, ses mille amuset-
tes et ses colifichets sans nombre,
elle, apparaît aux yeux sérieux
comme un immense enfantillage ;
mais on savait flatter le goût public en
montant un spectacle si bien appro
prié aux goûts du jour, et on voulait,
à l'aide de toutes les excitations réunies
sur ce chantier du plaisir, que l'année
commémorative de la Révolution fût
une année de folles réjouissances et
de liesses capiteuses. Réussira-t on
par là à rattacher l'opinion à la répu
blique? De cette foule grisée de fêtes,
affolée d'amusements, fera-t-on pour
toujours une clientèle républicaine?
C'est le but des entrepreneurs de l'Ex-
fiosition ; mais ceux qui ne voient que
'intérêt de la France, que le bien de
la patrie, se demandent comment fi
nira cette fête insensée, ce que de
viendront les mœurs publiques après
ce débordement de plaisirs, et com
ment le peuple reviendra au travail,
au sérieux de la vie, au devoir journa
lier. Pourvu encore que quelque grave
événement ne vienne pas nous sur
prendre, avant la fin, en pleine danse!
Arthur Loth.
Mgr Samassa, archevêque d'Erlau,
et Mgr Schlauch, évêque de Gros-Va-
radin, ont pris le 12 juin la parole à la
Chambre des magnats, sur la question
d'enseignement et d'éducation chré
tienne.
Mgr l'archevêque d'Erlau a touché
dans son discours à la grave question
de l'autonomie catholique en Hongrie
et a demandé au gouvernement de s'ex
pliquer d'une façon définitive sur ce
qu'il entendait faire.
Mgr Schlauch, de son côté, a tou
ché à la question du patronat royal,
qu'il a dit être d'origine et de nature
essentiellement ecclésiastique et cons
tituant une prérogative personnelle
du roi.
Ces deux discours suscitent de vi
ves polémiques dans la presse hostile
à l'Eglise.
Voici la note de Y Indépendance belge
dont il est question plus haut ; elle est
significative :
Le conflit entre l'Allemagne et la Suisse
prend décidément de très graves propor
tions. Dès hier, le brait courait vaguement
que l'empire allemand avait l'intention de
dénoncer la neutralité de la Suisse. Cette
nouvelle nous est aujourd'hui confirmée
par notre correspondant de Berne. C'est
dans la note même annonçant au gouverne
ment de .la Confédération la clôture des
pourparlers relatifs à l'affaire Wohlgemuth
que le gouvernement impérial donne à en
tendre qu'à l'avenir il ne tiendra plus nul
compte de la neutralité du territoire helvé
tique. Cette déclaratiou équivaut à la dé
nonciation en principe. Quant à la pratique,
l'Allemagne verra ce qu'elle a à faire; en
d'autres termes, si son intérêt la porte à
violer le territoire suisse, elle ne sera plus
tenue de le respecter par aucune considéra
tion de droit.
On ne peut se dissimuler la gravité d'une,
pareille déclaration. La Suisse avait jus
qu'ici bénéficié de la protection des puis
sances. En 1870, l'Allemagne et la France
signèrent spontanément, au moment où les
hostilités allaient commencer, l'engagement
réciproque de respecter le territoire suisse.
Si une guerre éclatait demain entre la
France et l'Allemagne, il est clair que celle-
ci se refuserait à lier cette fois sa liberté
d'action de ce côté. Tel est le sens de la
déclaration contenue dans la note allemande
au cabinet de Berne. L'Allemagne et l'Italie
viennent de se lier plus intimement par des
conventions militaires. La Suisse neutre et
inviolable empêchait les deux alliés de
combiner utilement leurs mouvements.
L'affaire Wohlgemuth a offert à M. de Bis
marck une excellente occasion d'écarter cet
obstacle, et il n'a pas hésité. Chacun com
prendra la portée militaire et politique de
cet incident, qui explique bien des faits obs
curs et demeurés peu clairs. Eo Belgique,
surtout, on en saisira immédiatement le
sens.
Nous lisons dans la Zuricher Post de
Zurich la note suivante qu'on peut
rapprocher de celle de Y Indépendance
belge : ~~
Le Sozialdemocrat, la feuille socialiste
allemande installée dans notre canton, a
transporté ses bureaux en Angleterre pour
échapper aux réclamations allemandes, et
son langage est devenu plus violent que
jamais. Mais au lieu do menacer l'Angle
terre, M. de Bismarck cherche à la gagner
et lui fait les yeux doux. L'affaire est bien
simple, la couronne anglaise possède une
flotte et des forces militaires.
Les zouaves pontificaux
AU PIED DU SACnÉ-COEUR
L'appel du général de Charette à ses
zouaves n'a pas été vain. Ils étaient
plusieurs centaines,ce matin,au pieux
rendez-vous fixé sur la colline de
Montmartre, au pied du Sacré-
Cœur. Avec eux étaient venues leurs
mères, leurs femmes, leurs sœurs et
leurs filles, montrant ainsi que nulle
part le cor unurn et Yanima una dont
il est parlé aux-Actes des Apôtres ne
sont mieux pratiqués que dans ces fa
milles où le dévouement chrétien va
si aisément jusqu'au sacrifice. Voulant
donner un témoignage particulier de
ses sentiments pour les zouaves, leur
chef et leur bannière, Monsieur le
comte de Paris s'était fait représenter
par Monsieur le duc d'Alençon.
Le prince, Sa Majesté le roi de Na-
ples François II et M. le général de
Charette occupaient des places réser-
yées dans le sanctuaire de la chapelle
Saint-Martin,désignée pour le rendez-
vous des zouaves, : parce que, comme
le dira tout à l'heure l'officiant, le
drapeau du régiment a reposé à Tours
sur les reliques du grand thaumaturge
des Gaules. •
Aux premiers rangs de l'assistance,
outre les anciens zouaves qui sont de
venus des religieux et des prêtres,
avec mission d'achever parla prière
le combat commencé par l'épée, on
remarque le général Barry, le comte
deMérode, le comte de Caulaincourt,
le comte de Salaberry, le baron Tris
tan Lambert, etc. Les zouaves et leurs
familles remplissent et au-delà toute
la chapelle ; et tout autour la foule re
flue jusque sur les escaliers de la
crypte.
C'est un ancien zouave, le P. Sé
bastien, autrefois capitaine Viard,
aujourd'hui , abbé de la Trappe du
Mont-Décat,qui célèbre la sainte messe.
Elle est entendue par tous avec un
singulier, recueillement, pendant que
se font entendre ces cantiques si émou
vants, Pitié, mon Dieu,— Cœur de Jésus,
ne vous souvenez plus, souvenez-vous.
Ne vous souvenez plus des iniquités
de la France et des nôtres; souvenez-
vpus de son repentir et du nôtre. Les
retrains chantés à l'unisson par des
centaines de voix mâles et vibrantes
portent l'émotion jusqu'aux larmes.
Après la messe, pendant laquelle le
plus grand nombre des assistants se
sont approchés de la sainte Table, l'of
ficiant, d'une voix haute et claire qui
semble encore celle du commande
ment,indique qu'on va réciter les priè
res qu'on avait coutume de dire après
chaque exercice religieux à la cha
pelle du régiment. Ces prières sont
d'abord pour l'Eglise, pour le Pape,
pour la France ; puis ce sont trois, Pa
ter, trois Ave Maria et trois Gloria P< l -
tri pour les « camarades » présents et
leur famille ; et de nouveau la même
prière pour les « camarades » absents
qui n'ont pu venir. renouveler leur
acte de consécration et leurs familles.
Enfin le De profundis pour les « cama
rades » — et la voix du prêtre, ancien
compagnon d'armes, jette un frisson
dans toute l'assistance — « qui sont
tombés sous les balles garibaldiennes,
piémontaises et prussiennes ».
Maintenant, reprend le P. Sébastien,
nous allons recevoir la bénédiction du
Saint-Sacrement ; mais avant, en face
de Notre-Seigneur exposé à notre ado
ration, nous allons redire l'acte de con
sécration qui fut écrit — vous vous en
souyenez —par notre général lui-mê
me, dans quelles circonstances, vous le
savez aussi.
Et le drapeau du régiment, qui se
dressait appuyé contre une colonne de
la crypte, ayant été porté au pied de
l'autel, la voix grave du P. Sébastien
s'élève de nouveau. Elle dit :
A l'ombre de ce drapeau teint du sang
de nos plus nobles et de nos plus chères
victimes,
Moi, général marquis de Charette qui ai
l'insigne honneur de vous commander,
Je consacre les zouaves pontificaux au
Sacré-Cœur de Jésus ;
Et, avec ma foi de soldat, de toute mon
âme je dis et je vous demande de dire avec
moi :
Cœur de Jésus, sauvez la France !
L'émotion est à son comble. L'assis
tance agenouillée reçoit la bénédiction
du Saint-Sacrement, puis s'écoule en
silence. Devant le général de Charette,
sorti le premier, passent comme à la
revue ses anciens officiers et soldats,
pour chacun desquels il a une cordiale
poignée de main, un large sourire, un
mot joyeux.
Et voici qu'arrivent, amenées par
des religieuses, des troupes de jeunes
filles à la blanche parure succédant
au pèlerinage militaire, qu'avait pré
cédé le pèlerinage de Rennes jetant
sous les voûtes de la basilique et dans
tout le pourtour le fameux cri : Catho
liques et Bretons toujours
Auguste Roussel.
Le plébiscite du. Sacré-Cœur
Monsieur le rédacteur,
, Le grave mandement de S. Em. le
cardinal archevêque de Paris s'achève
par nn mot qui appelle la plus sé
rieuse attention de tous les catho
liques de France : le plébiscite du Sa
cré-Cœur. Heureusement emprunté à
la langue de la politique contempo
raine, il jette une vive lumière sur la
question que tous se sont posée et que
les individus et les groupes s'efforcent
à l'envi de résoudre : Que doit faire
en 1889 la France catholique pour
s'affirmer elle-même, protester de son
inébranlable fidélité à Notre-Seigneur
Jésus-Christ, déclarer qu'au milieu de
« ce mouvement inhérent aux choses
humaines par lequel la société fran
çaise s'est transformée » politique
ment, la religion du pays est restée
intacte dans les cœurs fidèles, ses iné
branlables forteresses, et que sous la
république, comme sous la monarchie
ou l'empire, la nation de Clovis, de
Charlemagne et de saint Louis entend
adorer librement, hautement, publi
quement le Dieu de son baptême ?
Que doit faire la France catholique
pour opposer avec calme, mais avec
fermeté la glorification de l'IIomme-
Dieu à la glorification de l'homme
brute, bruyamment menée par la
franc-maçonnerie sous le nom de cen
tenaire de la Révolution ?
Un plébiscite! répond le chef du
premier diocèse de France par la si
tuation de son siège, qui est la capi
tale du pays.
Un plébiscite ! c'est un vote par le
quel chaque citoyen dit nettement ce
qu'il pense et ce qu'il veut, et fait con
naître l'autorité à laquelle il est prêt à
se soumettre et qu'il réclame. Selon
les conjonctures, le plébiscite déter
mine le détenteur de l'autorité ou dé
clare les sentiments de la nation à l'é
gard de l'autorité existante.
Dans l'ordre politique, le droit de
vote est restreint, malgré l'expression
courante : suffrage universel. Sont ex
clues les femmes, sont exclus les mi
neurs, sont exclus certaines catégo
ries de personnes; telles que les sol
dats sous les armes.
Dans l'ordre religieux, tous ont le
droit, plus encore, le devoir d'affir
mer leur foi. Il suffit à l'adolescent
d'avoir une connaissance suffisante de
la divinité de Notre-Seigneur et des
droits qui en découlent ; l'âme de la
femme vaut l'âme de l'homme, nul
croyant ne peut être condamné à se
taire.
Est-ce à dire que tous parleront? On
ne peut l'espérer. Plusieurs ne seront
pas interrogés. Il se trouvera plus
d'une paroisse dont le pasteur, redou
tant un échec et les inconvénients qui
en résulteraient pour son ministère,
jugera prudent de ne pas demander
des actes signés de consécration au
Sacré-Cœur.
Il se trouvera surtout,comme à tous
les scrutins,un grand nombre d'abste
nants , ceux-ci ne comprenant pas
l'importance d'une telle manifesta
tion, ceux-là au contraire la compre
nant fort bien, mais n'osant pas con
fesser tout haut Jésus-Christ propter
metum Judœorum.
Mais il ne s'agit pas ici d'obtenir
pour Notre-Seigneur Jésus Christ le
suffrage de la majorité plus un des
habitants du pays. Il s'agit de répon
dre par une respectueuse et joyeuse
clameur d'adoration filiale et de con
fiance invincible à l'expulsion officielle
du Sauveur des hommes, expulsion
qui subie, trop patiemment sabie par
la foule distraite, affairée, dominée
bien plus encore - que paganisée, n'est
en réalité l'œuvre que d'une assez mé
diocre poignée de mécréants authenti
ques. v
Ces gens-là, pai^ce qu'ils persécutent
les croyants, parce qu'ils les expulr
sent de toutes les positions officielles,
déclarent impunément qu'il n'y a plus
de croyants, sauf quelques crétins et
quatre fanatiques d'un certain talent.
Il faut qu'on réplique à ces insolences,
qu'il se fasse autour du trône de Jé
sus-Christ une telle, si nombreuse, si
belle et si fière couronne d'adorateurs,
que la foi française y apparaisse dans
toute sa grandeur. -
Notre-Seigneur Jésus-Christ a droit
à cèt hommage. ' *
Ce n'est pas trop pour récompenser
l'obstination de sonamour,la patience
de son cœur.
. Les éléments d'une manifestation si
opportune existent dans le pays.
Ne parlons pas longuement des
femmes. Elles sont à peu d'exceptions
près restées chrétiennes, et même las
chrétiennes frivoles —toujours trop
nombreuses — s'émeuvent a la pen
sée du Cœur adorable de celui qui- les
a sauvées; il suffit de donner les indi
cations suffisantes pour recueillir de
ce côté des millions de signatures, at
testant tçut ensemble et la foi des
Françaises et l'obligation où sont les
détenteurs du pouvoir public de res
pecter cette foi et de ne pas entraver,
par une législation persécutrice, la
pratique religieuse d'une moitié de la
nation, de celle-là précisément dont
les droits sont plus dignes de respect,
parce qu'elle ne peut elle-même les
défendre.
Les mêmes réflexions s'appliquent
aux signatures données par la jeu
nesse. Il n'estpas besoin d'avoir vingt-
un ans et une carte d'électeur pour ac
cepter d'une manière intelligente la
souveraineté de Dieu et de son Christ
et réclamer pour la patrie l'honueur de
leur être fidèle. Dans le monde révolu
tionnaire, avec quelle emphase ne si-
gnale-t on pas les manifestations poli
tiques ou libre-penseuses de quelques
centaines d'étudiants imberbes, voire
de collégiens !
Mais les électeurs eux-mêmes vien
dront en bien plus grand nombre qu'on
ne pense généralement, pourvu qu'on
sache aller à eux et leur expliquernet-
tement de quoi il est question,
Le mandement de Son Eminence le
cardinal Richard le dit assez claire
ment. II s'agit d'un acte patriotique
de foi, d'adoration, de réparation pour
les outrages que Jésus-Christ a reçus,
de confiance pour l'avenir en son iné
puisable bonté. Il s'agit « d'un plébis
cite de paix et d'union dans un même
amour de l'Eglise et de la Patrie fran
çaise ».
Or ne sont-ils pas nombreux les
, hommes qui aspirent à la paix et à
l'union ? Ils le sont plus que jamais.
A. part la horde des politiciens, bêtes
.de proie qui vivent des discordes civi
les, qui attisent les querelles et aigui
sent les haines pour arriver aux hon
neurs et à la fortune; à part la bande
maçonnique et sa clientèle, qui donc
en France n'est las et bien las de .tou
tes ces luttes entre classes et entre
partis ? Non, l'âme française n'est
pas née pour la haine. La haine
en France est une importation exo
tique, huguenote et maçonnique.
La haine a pour pères Voltaire Christ-
moque et l'atrabilaire Jean-Jacques.
La haine suinte des loges, où l'on ap
prend à courir sus à la religion qua
torze fois séculaire idu pays, du foyer,
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 18 juin 1889
BEAUX-ARTS
Salon de 1889
Cinquième article
LE PORTRAIT
L'année dernière, je commençais ce cha*
pitre par l'hémistiche consacré i
Ab Jove principium.
« Jupiter avant tout ! » et Jupiter, c'était
M. Carnot peint par M. Yvon. Il fauf que
cette année je varie mon exorde. Jupiter,
en effet, a tellement voyagé qu'on n'a pas
eu le loisir de le peindre.Ea revanche,nous
possédons Junon.
Nous féliciterons Mme Sadi Carnot
d'avoir choisi, pour révéler ses traits au
public qui les ignore, une artiste de la va
leur deMme Beaury-Saurel. Nous félicite
rons moins Mme Beaury-Saurel qui, en ap
prochant des dieux, semble avoir perdu quel
ques unes des qualités qui la distinguent.
D'ordinaire un portrait de Mme Beaury-Sau
rel se reconnaît entre cent autres par 'la fer-
iûeté virile du dessin,par l'éclat et la solidi
té de la coulenr.Cotte fois, je l'avoue, il m'a
fallu recourir au catalogue, et après l'avoir,
lu, je doutais encore.Mme Carnot,assise de
profil, semble poser pour un médaillon de
la République, et ses cheveux tordus sur
le sommet de la tête, en forme de bonnet
phrygien, rendent la supposition tout à
fait vraisemblable.. Il est vrai que le fau
teuil extrêmement orné qui a l'honneur
d'ouvrir ses bras à Mme la présidente pour
rait à la rigueur passer pour un trône. Quoi
qu'il en soit, tout cela est sec,terne et froid,
et si l'on yeut retrouver Mme Beaury-
Saurel avec tout son talent, il faut l'aller
chercher dans la section des dessins, où elle
a mis un fusain et un pastel également ex
cellents. .
Et voici maintenant le rival de Jupiter.
Oserài-je écrire ce nom proscrit qui a l'é
trange et dangereuse propriété, lorsqu'on
le prononce, de faire surgir de chaque pavé
un commissaire de police? Il est là, non
plus comme l'année dernière, en grande te
nue do général et chamarré d'ordres mul
ticolores, mais en veston d'intérieur bleu
marine, assis devant une grande Jtable cou
verte de ces papiers auxqusls la haute cour
donne la chasse et dont mille kilogram
mes pour le moins reposent dans l'ar
moire . de fer . du Luxembourg. Ce vo
lume à tranches rouges, c'est le Tout-
Paris, réperîoire d'adresses indispensable
à un homme si répandu. Cette brochure
bleue,c'est un pamphlet de Joseph Reinach
contre le Cheval noir, bête noire de l'op
portunisme. Cet obus qui sert de presse-
papier a été ramassé sur le champ, de ba
taille de Champigny. Au milieu de tout
cela, il regarde le spectateur avec son œil
bleu clair, qui n'est point l'œil d'un sot, et
qu'on devine très capable, à l'occasion, de
lancer des éclairi.
Il avait été question, & ce qu'on dit, de
proscrire le portrait comme on a proscrit
l'homme. C'eût été une sottise et une indi -
gnité,car le portrait est un des meilleurs du
Salon, et fait grand honneur à M. Henri
Rondel, à qui, en d'autres temps, il eût
valu une médaille. Mais ce n'est pas tout
d'avoir du talent, il faut encore bien choi
sir ses modèles.
Autre proscrit; mais celui-ci en a l'habi
tude. Saluez l'auteur de la Lanterne, peint
par Jan van Beers. Aimez-vous les van
Beers? Beaucoup de gens affectent de ne
pas pouvoir les souffrir et de ne voir dans
l'artiste belge qu'un vulgaire enlumineur
de photographies ressemblantes. Il est cer
tain que M. van Beers s'attache quelquefois
un peu puérilement à des détails oiseux, et
l'une de ses joies c'est de peindre une à une
et de façon qu'on les puisse compter, les
dents d'un personnage haut .de 10 centi
mètres. Mais ces puérilités ne diminuent
point un talent très réel et prisé à bon droit,'
sinon par le jury, du moins par, le public.
Le Portrait d'Henri Rochefort n'a pas seu
lement le mérite d'une ressemblance extra
ordinaire, c'est un morceau de peinture
d'une rare valeur.
Puisque nous sommes dans la politique,
restons-y.
Voici l'excellent M. Méline, président de
la Chambre des députés. Cet homme d'Etat
a des qualités, mais peu de prestige. Il s'en
rend compte lui-même, et il a l'air tout dé*
paysê dans ce large fauteuil que Gambettu
remplissait jadis de son obésité. Il faut sa
voir gré à 'M. Monchablon d'avoir saisi
cette nuance d'expression qui est un trait
de caractère. Il faut le louer aussi de la fa
çon magistrale dont il sait empeser un plas
tron de chemise. La ressemblance d'ailleurs
est frappante, et irrésistiblement je me suis
rappelé un autre portrait, à la plume celui-
là, où Séverine comparait M. Méline à « un
salsifis mal gratté ». Je vous assure qu'il y
a de cela. La ressemblance est complétée
par le ruban vert qui s'épanouit îi la bou
tonnière et qui rappellera aux générations
futures que M. Méline fut le fondateur et
le premier chevalier du Mérite agricole.
M. Edelfelt nous montre un autre parle
mentaire notable, M. Kurten, président du
tiers état àla Diète de Finlande. Je rougis,
de mou ignorance : mais la vérité est que
j'ignorais l'existence de cette Diète et
qu'elle possédât un tiers état. On apprend
tous les jours, quelque chose. Le Méline
finlandais a d'ailleurs tout l'air d'un brave
homme, mais j'avoue qu'en le voyant armé
d'un marteau en buis de la forme de ceux;
qu'on emploie à casser du sucre, je l'aurais
pris pour un membre de la chambre syndi
cale de l'épicerie. Dos gens qui savent tout
m'ont assuré que ce marteau ne sert pas à
alimenter le verre d'eau sucrée traditionnel,
mais bien à imposer silence à l'assemblée
quand'le tumulte devient par trop violent.
J'aime mieux le croire que d'y aller voir. Et
vous ?
Autre portrait parlementaire : M. Anto-
nin Lefèvre-Pontalis, un peu adonisé pour
la circonstance, et dont les joues, ordinai
rement jaunes, sont devenues blanches et
roses sous le pinceau bienveillant d'un de
ses électeurs, M. Moreau-Deschanvres. M.
Moreau Deschanvres ne peint pas mal ; je
veux croire qu'en outre il vote bien, et
qu'ayant envoyé M. Lefèvre-Pontalis au
Salon où il lait si bonne figure, il voudra
le renvoyer aussi & la Chambre, où il dit
parfois de très bonnes choses.
Est-il besoin de dire que le Portrait ex
posé par M. Bonnat est un chef-d'œuvre ?
C'est le refrain auquel me condamne, cha
que année, cet éminent artiste, et, loin de
m'en plaindre, je voudrais, pour lui et pour
moi-même, être assuré de le, chapter long
temps encore. M. Bonnat obtient des effets
d'une surprenante intensité par des moyens
extraordinairement simples. Il a des indi
cations sommaires, des procédés abrévia-
tifs. Regardez de près: vous voyez quelques
hachures rapides, quelques frottés légers
qui ne couvrent même pas partout le grenu
de la toile. Eloignez-vous d'un pas, le por
trait s'anime, prend un relief puissant et
semble prêt à s'échapper du cadre. C'est le
triomphe de l'art, c'est la vie même.
Saluons aussi le vrai Carolus Duran,
portraitiste impeccable, supérieur à tous
ses confrères dans l'art de faire chatoyer
une étoffe soyeuse et resplendir des escar
pins de cuir verni.
Les fils de Mme P. de*** sont bien de la
même veine que la Jeune fille de l'an passé;
ils sont aussi bien vêtus, aussi bien chaus
sés, et je me demande en les voyant pour
quoi M.Carolus Duran a délaissé ce genre,
où il excelle, pour s'aller fourvoyer dans
la mythologie transcendante du Bacchus
que l'on sait.
Pour la dernière fois nous, voyons au ca
talogue le nom de Cabanel. Mort il y a
quatre mois & peine, l'éminent artiste n'a
vait pas mis la dernière main aux deux
portraits de femmes dont se compose son
envoi. Ces deux portraits sont excellents
néanmoins et tels qu'on les pouvait attendre
de l'artiste habile et convaincu qui restera,
en dépit des chicanes d'école et des scies
d'ateliers, une des plus pures gloires de la
peinture française.
A côté du centenaire officiel dont les fê •
tes durent encore, lé Journal des Débuts
a voulu célébrer son centenaire personnel.
Le journal des Bertin naquit en effet la mê*
me année que les immortels principes, et
depuis cent ans il a connu comme eux des
fortunes diverses e^ des postures successi
ves. Néanmoins, ilNât encore et vivra long
temps sans doute, ayant de longue date
contracté l'habitude de s'accommoder de
toutet de ne se point brouiller avec les puis-
sances.Donc,pour cette année, le Journal des
Débats a eul'idée de se faire peindre dans
la persofme de ses nombreux rédaleuris,
et c'est M. Jeanniot, bon illustrateur
de journaux hebdomadaires, qui s'est chargé
de l'entreprise. Le théâtre représente la
salle de rédaction, fort simple et fort éloi
gnée des somptuosités de la presse boule*
vardière. Mais dans cette salle si modeste
sont réunis une quarantaine de beaux es
prits, presque une académie. ' Presque tous
d'ailleurs sont quelque peu académiciens,
ou sûrement le deviendront . Ce vieux mon
sieur à favoris corrects, c'est le sénateur
John Lemoinne ; ce vieillard au sourire ai
mable,c'est M. Jules Simon. Cé personnage
coiffé d'une calotte de velours et qu'on
prendrait pour un concierge valétudinaire,
c'est M. J.-J. Weiss. Il écoute son brillant
successeur, M. Jules Lemaltre, lequel est
en train de taquiner M. Renan par dès
procédés empruntés à la méthode rena-
niste.
Tout cela est intéressant comme le sont
toojours les personnalités. Mais cela est
bâclé, et M. Jeanniot lui-même ne peut s'i
maginer qu'il a fait une œuvre sérieuse en
groupant la rédaction des Débats comme
l'eût fait un photographe pour un orphéon
ou une société de gymnastique..
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