Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-06-17
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 juin 1889 17 juin 1889
Description : 1889/06/17 (Numéro 7838). 1889/06/17 (Numéro 7838).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706658p
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 17 Juîà 1889
N* ?S33 s* Editloa qaettâUBJU)
ÉDITION QUOTI DIENNE
PARIS ÉTRANGER
; bi départements (union postais)
Un an. .* ï . . 55' » 60 #
Six mois. ... 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
^akomiemeBti partent des 1" et 18 de eïiaqne tuoti
UN NUMÉRO [. Eèp^tement a ; lo
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne h Rome, place du Gesù, 8
Lundi 17 Juin 1883
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. é . . .
Six mois. . ; .
Trois mois. . .
paris
et départements
30 »
16 »
8 50
étranger
(uxion postale)
36 »
19 »
10 »
Les. abonnements partent des 1" et te de chaque mo&l
L'I'KIVERS se répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C' 8 , 6, place do la Bourse
mmsmissmBSi
FRANGE
PARIS, 16 JUIN 1889
La grève des cochers a eu son échû
à la tribune ; elle a pris toute la séan
ce d'hier. M. Basly a déposé une de
mande d'interpellation ; volontiers oh
l'aurait renvoyé à un mois; mais il
n'est ni boulangiste, ni conservateur,
et il faut en conséquence, compter
avec lui ; la discussion immédiate a
donc été décidée à une assez faible
majorité. Ont parlé MM. Basly, Cons-
tans, Barré, Maillard, Camélinat, Ca-
zeaux et Tony Révillon; puis est venu
le défilé des ordres du jour. Ils étaient
nombreux : ordre du jour pur et sim
ple, repoussé ; ordre du jour Basly,
repoussé ; ordre du jour Tony Révillon,
repoussé; ordre du jour Baudry-d'As-
son, repoussé. Finalement, on a voté
un ordre du jour de M. Wickershei-,
mer : il avait le mérite de ne rien dire.
M. Andrieux, toujours railleur, avàit
déposé un ordre au jour concluant à
la revision parce que la Chambre est
incapable de rien faire; M. Mèline eh
a donné lecture en s'excusant.
L'interpellation terminée, on a re
pris le budget ; un chapitre réservé
des affaires étrangères a été voté; puis
M. Camescasse a ,pris la parole sur la
marine. ,
On se demandait ce que ferait le
ministère devant le désaccord des
deux commissions militaires du Sénat
et de la Chambre ; MM. Tirard et de
Freycinet se rendront, à la commis
sion mixte pour l'engager, sans ce
pendant trop insister, à accepter le
texte du Sénat, afin de faire bénéficier
immédiatement les populations des
avantages de la nouvelle loi; traduc
tion libre, mais exacte:afin de donner
une apparence de satisfaction, à la
veille des élections, aux populations
auxquelles on a promis une réduction,
idu service militaire.
La commission de la Chambre des
députés et la Chambre elle-même se
décideront-elles à subir les volontés
du Sénat?
Hier a eu lieu, par la distribution
des récompenses, la clôture du con
grès annuel des sociotés savantes;
MM. Renan et Faillières ont prononcé
des discours. Comment ne comprend-
on pas au ministère que c'est une in
convenance de faire présider par un
apostat comme M. Renan une réunion
où sont conviés les savants catholi
ques?
Nous signalerons les principales
communications faites dans les diver
ses séances ; l'abondance des matières
et l'importance des débats parlemen
taires ne nous ont pas permis de le
faire jusqu'ici.
C'est toujours du conflit de l'Alle
magne et de la Suisse qu'on s'occupe;
la situation n'a pas changé depuis
hier.
Le télégraphe donne un [résumé de
la réponse du gouvernement suisse,
qui maintient ses droits. D'autre part,
les journaux russes, et notamment le
Nord, signalent les abus du droit d'a
sile ; ils n'ont pas absolument tort. Du
reste, ils se gardent bien des exagéra
tions des journaux allemands,qui sem
blent se préparer des prétextes pour
violer la neutralité suisse, le moment
venu.
'ost de Strasbourg annonce
certaine l'arrivée de l'ernpe-
La Post
comme certaine l'arrivée de l'empe
reur d'Allemagne à Metz le 29 juin.
Les journaux de Metz n'en disent en
core rien, mais divers télégrammes
confirment la nouvelle.
Les cahiers de 89
II
' Les griefs allégués contre l'ancien
régime pour justifier la Révolution, ne
la justifient pas, car ils sont hors de
proportion avec elle. Ils n'ont tenu
aucune place dans les préoccupations
de l'époque. On parlait, en thèse gé
nérale, au bonheur du peuple, de la
régénération de la France. Il est
plusieurs lois question dans les ca
hiers d'un code civil pour la France.
Les anciens légistes de la royauté,
d'Aguesseau et Lamoignon, y avaient
déjà songé. Et après tout, la plus
grande partie du code civil est extraite
de Domat et de Pothier. Ceux mêmes
qui l'ont rédigé appartenaient à cet
ancien régime, et ils y auraient aussi
bien travaillé avant qu'après 1789. Ils
ont même regretté que la Révolution
ait, en beaucoup de points, dépassé les
vœux qu'ils formaient. En se plaçant
au point de vue d'une révolution mo
dérée, on voit que la royauté y était
toute prête et la favorisait. La réforme
par les Etats généraux a abouti à la
destruction totale de toutes les insti
tutions du royaume et à la proclama
tion d'un idéal qui ne s'est jamais réa
lisé. Les intéressés ne furent jamais
consultés. Les droits de la classe ou
vrière furent méconnus comme ceux
de la classe noble. L'absolutisme que
les légistes plaçaient dans le roi se
trouva transporté à un parti populaire.
Cette fiction de la souveraineté du
peuple se résout en domination d'une
majorité; la minorité est ainsi mise
hors la loi. A elle de triompher dans
de nouvelles élections ou par les
émeutes.
Le roi est un principe d'unité ; il est
pour tous ; sans intérêt distinct de
son peuple, il n'est mû que par un
sentiment d'intérêt public : il n'exclut
personne de sa sollicitude. Une majo
rité, qui est souvent plus factice {que
réelle, considère naturellement comme
ennemie la minorité et la traite en
vaincue. Comment imposerait-elle une
obéissance sincère, consciencieuse ?
La force et le nombre ne régnent pas
sur la conscience. La majorité n'est
pas représentative de l'intérêt total
d'un peuple. II lui faudrait" pour
cela l'unanimité. Cette unanimité,
qui n'est qu'un rêve dans l'état po
pulaire, se trouve dans la royauté,
par la volonté royale. Le roi, sans
doute, ne représente pas tous les
intérêts ; celui qu'il ' représente par
excellence est la paix publique, qu'il
maintient comme chef de l'armée.
Voilà l'unité politique. Elle permet à
tous les droits, à tous les intérêts de
se grouper, de s'organiser. Elle abrite
la liberté sociale dans toutes ses mani
festations légitimes. L'obéissance est
facile, parce que les peuples se gouver
nent eux-mêmes en même temps
qu'ils sont gouvernés. Leur liberté
privée est en accord avec le pouvoir
qui la protège. Le nombre et la force
sont des accidents transitoires. Ils
nous gouvernent depuis un siècle. Ils
caractérisent ce qu'on appelle la so
ciété moderne, la France issue de 89.
Mais les légistes, qui. ont pu façonner
l'âme des peuples à l'obéissance envers
les rois ou empereurs, n'ont pas trouvé
le moyen de la dresser à l'obéissance
démocratique, parce qu'il implique
contradiction que des majorités chan
geantes soient un principe ou repré
sentent un principe. Le césarisme et
l'anarchie ont même base populaire ;
ils rentrent l'un dans l'autre, et se
suivent nécessairement à des inter
valles plus ou moins prolongés.
On croit généralement que le mou
vement de 89 a été populaire, sponta
né, et qu'il s'est imposé par l'élan des
populations. C'est un préjugé : les
classes populaires étaient attachées à
leurs coutumes. Il a fallu les exciter,
les irriter, leur ôter la vue d'un gou
vernement protecteur. Dix ans d'a
narchie ont précédé 1789. Quand Tur-
got supprima les jurandes et maîtrises
il y eut des protestations, des révoltes
où le sang coula. Les ministres du
roi envoyaient dans les provinces des
agents provocateurs, des écrivains
chargés de composer et de répandre
des brochures incendiaires, pour,
éclairer les populations. Les passions
eurent le temps de s'enflammer par
l'impunité. Le pillage et l'incendie
avaient organisé tout un régime de
terreur bien avant 1789. On brûlait les
archives pnbliques, les actes notariés,
les châteaux. L'émigration commen
çait. Des bruits inquiétants habile
ment semés habituaient les popu
lations au désordre, à l'imprévu. Le
caractère national s'aigrit, l'opinion
s'affola. C'est sous ces influences que
furent élus les députés des bailliages.
Le peuple a été trompé ; il croyait con
courir à la formation d'Etats généraux
dont il avait une vague notion, mais
qu'il savait n'être pas une institution
démocratique; il voulait prêter appui
au roi, non le renverser.Le mode élec
toral dénaturait le tiers état, qui se
rapportait à une bourgeoisie et n'avait
rien de commun avec le suffrage uni
versel. Toute l'ancienne société répu
gnait à ce morcellement indéfini qu'im
plique le suffrage universel. Elle repo
sait sur des institutions de familles, de
communes, de corporations de toute
sorte, tant civiles que religieuses.
Li représentation ne se comprenait
que de ces groupes d'intérêts envisa
gés dans leur ensemble. L'expression
d'Etats généraux s'adaptait à cet ordre
de choses. Ils donnaient accès à des
intérêts agglomérés, â des droits gé
néraux de corps distincts. Ces Etats
généraux sont restés en Angleterre.
La Chambre des lords représente l'E
glise et la propriété foncière, et la
Chambre des Communes les corpora
tions municipales. D'autres corpora
tions, comme les universités, ont aussi
leur représentation. Le suffrage uni
versel renversait a priori tout ce qui
existait en France. Il déplaçait les
droits et les influences, en ne tenant
aucun compte des hiérarchies consti
tuées, et en s'adressant aux individus
en tant qu'individus. Il invitait l'indi
vidu à fixer les conditions de l'ordre
social ; et pour cela, il l'arrachait aux
conditions naturelles d'existence que
lui créaientlafamille,la religion,l'édu
cation, sa vie antérieure. On ne com
prenait rien à ce que pouvaient ou de
vaient être les Etats généraux ; et sans
savoir ce qu'était la démocratie,on s'y
précipitait avec confiance. L'idée d'une
représentation nationale ne se déga
geait pas de ces conceptions arbitraires.
Elle n'apparait pas dans les documents
du temps. Les Parlements jalousaient
les Etats généraux,cette représentation
des corporations, des divers Etats de
la société. Ils se prêtaient avec ar
deur, depuis des siècles, à détruire les
coutumes d'unité et d'indivisibilité
qui perpétuaient les corporations.Tout
se réunissait pour écarter toute notion
saine des anciennes institutions qu'on
prétendait ressusciter et des nouvelles
rêvées par des philosophes étrangers
à toute expérience politique, ou par
des légistes désireux de procéder aune
liquidation sociale.
La société ne repose cependant pas
sur l'élection. Les droits et les inté
rêts, de famille, qui forment la plus
grande partie de l'ordre social, n'ont
pas l'élection pour base. La propriété
ne découle pas de l'élection. &es arts,
les sciences, l'industrie viennent du
travail et du talent, et non de l'élec
tion. Ces droits et intérêts essentiels
de la société s'appuient sur eux-
mêmes, cherchent et trouvent en
.jgax-mêmes la loi de leur développe
ment. C'est à eux de se défendre, de
se protéger, en concourant à la repré
sentation nationale. Désassociez les
individus qui forment ces groupes
divers, pour les réduire en une masse
indistincte et confuse, vous tuez la so
ciété en effaçant toutes les relations
qui la constituent. Le suffrage uni
versel anéantit théoriquement la qua
lité sociale des individus ; il les place
dans un état antisocial et les interroge,
comme s'il n'avait pas à l'avance aboli
leur compétence et leur expérience.
Le3 électeurs répondent par un vote
de hasard ou d'entraînement.
Les individus ne représentent rien.
L'assemblée qu'ils élisent reproduit
l'incohérence, la nullité, la passion du
milieu intellectuel dont elle sort. Elle
a peur caractère l'impuissance et la
violence. Le suffrage universel est un
mensonge. Il ne comprend ni les
femmes ni les enfants : le vote du père
de famille est seul représentatif des
droits et des intérêts de la famille, par
conséquent de tous les individus.
L'école révolutionnaire professe que
le vote est le droit de tout individu
maie au-dessus de vingt et un ans. Le
vote, de l'électeur est ainsi individuel,
personnel, non représentatif. Qui a
choisi, désigné l'électeur? L'électorat
est une fonction. La société se com
pose d'incapables et de capables. La
plus grande partie de ses membres
sont en tutelle* Les tuteurs, les pères
de famille ont une mission naturelle
et même civile de protection sur les
mineurs ou incapables. La força et
l'aptitude d'un parlement politique
résultent de la cohésion et de la per
manence des intérêts de famille, de
propriété, d'industrie, de commerce
qu'il représente. Ces intérêts affai
blis, morcelés, ne sont plus représen
tés. En revanche, les utopies et les
systèmes ont la plus large représen
tation.
Au commencement du dix-huitième
siècle, la monarchie absolue était déjà
sur son déclin. Fénelon proposait de
ranimer l'institution des Etats géné
raux et celle des Etats provinciaux.
Etait-ce possible? Louis XIV ne l'a
pas cru. Et déjà les esprits étaient bien
loin de l'idéal des Etats généraux.
Néanmoins les éléments d'ordre et de
stabilité étaient encore puissants. Et
certes, il y avait plus de chances de
réussir alors qu'en 1789. Beaucoup de
provinces conservaient encore des res
tes imposants de leurs coutumes. La
restauration en eût été facile, puis
qu'elles n'étaient qu'altérées par l'in
tervention des légistes. La classe des
légistes aurait dû être réformée, et
c'était sur elle que s'appuyait princi
palement le principe monarchique.
Les Etats généraux, les Etats provin
ciaux sont des institutions de droit
coutumier. Adaptés à la situation de
la France, à la fin du règne de
Louis XIV, ils auraient sans doute pré
venu la Révolution.
Coquille,
Comme à Byzance, les cochers cap
tivent l'attention publique.
La Chambre ne leur est pas favo
rable ; d'autant plus peut-être que
c'est M. Basly qui plaide leur cause.
Hier, le ministre de l'intérieur ne
voulait pas répondre à l'interpellation
qui lui était adressée. Voilà, en effet,
plusieurs jours qu'il négocie avec les
patrons et avec les cochers et il est
fatigué de faire d'inutiles appels àla con
ciliation. M. Constans est devenu ferré
sur la profession de cocher; il connaît le
tarif, les conditions du relayage, le prix
du pansage. M. Basly aussi, l'ancien mi
neur, a fait à cet égard son éducation ;
il raconte les confidences qu'il a re
çues des cochers, et notifie, sur un ton
irrité, que «les députés ouvrierspeu-
« vent aller en voiture tout aussi bien
« que les députés rentiers. M. Basly
dit au ministre : « Intervenez I » et M.
Constans répond : « Je n'y puis rien ! »
La discussion se prolonge et il n'y a
pas de raison pour qu'elle finisse. M.
Barré etle majestueux citoyenMaillard,
discourent sur la «moyenne«sans rien
proposer de pratique. Si l'on pouvait
trouver un système de contrôle à peu
prèsefficace on ne feraitpayer à chaque
cocher qu'une somme rigoureusement
proportionnée au bénéfice réel. Mais
le contrôle est impossible ; et le comp
teur mécanique le plus perfectionné
(il a été expérimenté l'autre jour) com
met des erreurs de 2 kilomètres sur
un parcours de 8. Alors on 1 procède
par des évaluations ; on établit une
moyenne générale d'après une série
de moyennes. Actuellement, c'est 21
francs que les compagnies imposent
aux cochers; ceux-ci veulent s*en te
nir à 20 francs.
Accablés d'explications, les députés;
se sont mis à voter dans un désordre
idéal. Ils ont repoussé sans savoir
pourquoi l'ordre du jour pur et simple,
que réclamait le ministre, puis l'ordre
au jour de M. Basly concluant à l'in
tervention du gouvernement, puis
l'ordre du jour de M. Tony Révillon
(arbitrage), puis l'ordre du jour de
M. de Baudry d'Asson (mesures pour
assurer la liberté des cochers et la sé
curité des voyageurs), puis l'ordre du
jour de M. Andrieux concluant à
la revision ! Car M. Andrieux, témoin
gouailleur de ces manifestations effa
rées, avait profité de la circonstance
pour glisser entre les mains de M.
Méline et d'un air innocent un ordre
du jour ainsi conçu: «La Cham
bre, constatant son impuissance à
se mettre d'accord sur les questions
les plus , simples, reconnaît une fois
de plus la nécessité de la revision et
passe à l'ordre du jour ». Voyez-vous
la révision mêlée à la question des
fiacres. L'ahurissement de la Chambre
et l'air pincé du président ont fait le
bonheur du malin M. Andrieux. Enfin,
pour la forme on a voté un ordre du
jour de M. Wickersheimer, invitant
le gouvernement à continuer les
« bons olfîces » dont, précisément, il
est excédé.
M. Camille Dreyfus, qui avait l'au
tre jour offert à M. Spuller 300,000 fr.
dont celui-ci ne veut pas, les a de
nouveau proposés en faisant vibrenla
corde patriotique. Le ministre des af
faires étrangères a répondu qu'il a,en
fait de fonds secrets, tout ce qu'il lui
faut. M. Dreyfus rengaine sa généro
sité.
On a commencé la discussion du
budget de la marine. M. Camescasse a
parlé assez longuement des critiques
injustes qui sont dirigées contre notre
administration et notamment contre
les arsenaux. Il a relevé un grand
nombre d'erreurs commises par le rap
porteur, M. Gerville RéEtche,
E UGÈNE T AVERNIER.
La plupart des journaux glosent de
puis quelques jours sur une informa
tion que le Temps aurait reçue de Mar
seille, et que ce journal a publié en
ces termes:
M. Robert, évêque de Marseille, a réu
ni, vendredi dernier, tous les curés de sa
ville épiscopale.et les a chargés de notifier
aux prêtres de leurs paroisses la défense
de se rendre à Paris pour y voir l'Exposi
tion, laquelle,a dit le prélat, est le triomphe
du sensualisme (sic).
Le prélat a particulièrement stigmatisé le
« scandale » des fontaines lumineuses, feux
du Bengale, etc.
C8 résumé dénature absolument le
langage de Mgr l'évêque de Marseille.
La seule chose exacte, c'est qua
Mgr Robert, en rappelant à son elergâ
comment saint Jean a condamné la
concupiscence des yeux, a dit qu'il
moins dje motifs sérieux il recomman*
dait à*ses prêtres, comme .il l'avait
fait ett-1878 au clergé de Constantine^
de s'abstenir de visiter l'Exposition.
Il a ajouté que cette Exposition, par
l'anniversaire qu'elle rappelle et que
les organisateurs de l'Exposition en
tendent célébrer, anniversaire quia
précédé de si près les massacres dô
l'Abbaye et le renversement.de l'Eglise»
en France, devait inspirer aux bons
prêtres un tout autre sentiment qua
celui d'une vaine curiosité.
La Semaine religieuse de Nevers rap-
porte un nouvel exemple de la manièra
dont les républicains entendent la li
berté de conscience. Celui-ci est d'au
tant plus odieux qu'il concerne uns
pauvre petite fille de onze ans, pen
sionnaire ou plutôt esclave de l'adj
ministration des enfants assistés. ,
Nous citons :. .
L'administration des enfants assistés a
de singuliers principes et d'étranges pro
cédés, si le fait qui vient de se passer k
Cercy* la-Tour doit lui être imputé :
-Une jeune fille de onze ans, attaché»
comme orpheline à. cette institution, ayait
suivi le catéchisme de première communion
de la paroisse de Cercy, devait y être bap
tisée le dimanche 26 mai et y faire sa pre
mière communion le jour de l'Ascension.
Grande était la joie de l'enfant, suffisam
ment instruite des vérités de la religion
catholique. Au demeurant, un oncle, qui
lui tenait lieu de protecteur, ne voyait aucun
obstacle à l'accomplissement de cet acte re
ligieux par sa niôce.
M. l'inspecteur de l'assistance publique
ou ses conseillers avaient un devoir élé*
mentaire à remplir en cette circonstance :
c'était de laisser l'enfant recevoir le bap
tême et faire sa première communion.
Ce devsir, nous avons la douleur ûe dire
qu'ils ne l'ont pas remplir L'enfant a été
subitement retirée de la paroisse de Ceroy,
pour qu'elle fût mise dans l'impossibilité
d'y être baptisée et d'y faire sa première
communion. Dans le but de couvrir cet
attentat à la liberté de conscience, on a
allégué que cette enfant était née de pa->
rents protestants. Il n'est pas besoin, da
rechercher si le prétexte est vrai on faux,
l'acte n'en est pas moins condamnable aux.
yeux de la foi et du simple bon sens.
Un enfant de onze ans a le droit rece
voir le baptême, s'il le désire., quand mê
me il serait né de parent» infidèles. Et
ceux qui s'opposent à un désir de celte
sorte encourent la malédiction de Noire-
Seigneur dans l'Evangile : « Malheur à ce
lui qui scandalise un de ces enfants qui
croient en.mon nom! »
M. le général de Charette vient d'a
dresser à ses anciens zouaves l'appel
que voici :
La Basse-Motte, le 6 mai 1889
Le 17 juin 1689, Noire-Seigneur appa
raissait à la Bienheureuse Marguerite-
Marie. .......
Vous connaissez les promesses qui lui
furent faites et sa lettre au roi de France !
Quelque indignes que nous soyons, c'est
nous, zouaves, qui avons eu l'insigne hon
neur de recevoir en dépôt la glorieuse;
bannière du Sacré-Cœur, et c'est nous qui
avons eu le bonheur de la déployer à Patay
en combattant pour la patrie envahie, soua
les ordres du général de Souis.
La guerre finie, groupés autour de notre
drapeau, nous nous consacrions solennel
lement au Sacré-Cœur !
Cette consécration nous a donné le cou
rage dans nos malheurs et l'espérance dans
l'avenir de notre pays.
Je vous convie tous, le 17 juin 1889, à
huit heures du matin, en la chapelle da
Saint-Martin, dans la basilique du Vœu
National, à Montmartre.
Ceux qui ne pourraient pas venir se, réu
niront le même jour dans la vilte la plus
voisine, pour être en communion avec nous.
Nous demanderons le rétablissement du
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 17 juin 1889
un nouveau volume de l'histo'be
littéraire de la francs
Parmi les grandes collections entreprises
dans les deux derniers siècles par la sa
vante congrégation des bénédictins de
Saint-Maur, une des plus intéressantes, et,
certainement la plus accessible aux profa
nes, est l'Histoire littéraire de la France.
An lieu de textes arides et souvent obscurs,
elle contient des notices, des analyses, des
éludes critiques, en français plus ou moins,
élégant, mais enfin en français : l'auteur
ou le rédacteur fait là une œuvre plus per- ;
sonnelle, l'homme se montre davantage ; ;
cela suffit pour donner à cette publication
savante un air moins rébarbatif que celui
des autres recueils d'érudition.
Je ne dis pas, cependant, qu'elle soit une
des mieux conçues ni des mieux exécutées.
Commencée par dom Rivet dans un temps
où la critique était infiniment moins avan-,
cée qu'aujourd'hui, les ressources scienti
fiques plus rares, les communications plus
difficiles, les recherches plus longues et
plus laborieuses, elle se ressent, particu-
lièrerement dans ses premiers volumes, des
conditions inférieures dans lesquelles se
trouvaient placés ses fondateurs. Ni che
mins de fer, ni télégraphes, ni grandes bi
bliothèques publiques, ni catalogues com
plets, voilà plus d'obstacles qu'il n'en fau
drait pour décourager dès les premiers pas
nos modernes érudits.
Ces obstacles, cependant, furent sur
montés en partie par l'ardent amour de la
science qui animait les disciples de saint
Benoît. Pour lire un manuscrit, pour dé
couvrir une charte, pour étudier un monu
ment, ils se lançaient dans de lointains et
fatigants voyages. Ils montaient à cheval ou
s'en allaient paisiblement à pied le long
des routes, sous le soleil et sous la pluie,
sans bagages, sans provisions, portant tout
avec eux, comme Bias, dans l'espérance
d'arriver le soir à quelque monastère hos
pitalier, où ils trouveraient bon accueil,
gais visages, et surtout riche moisson. On
ne mangeait pas toujours,dans ces rudes et
longues journées de voyage; mais on priait
souvent. Et puÎ3 quelle joie, quel dé
dommagement lorsque, après avoir été in
troduit dans la chapelle de la vieille
abbaye, après avoir rempli ses devoirs
de prêtre et de religieux (Mabillon et
ses frères commençaient toujours par là,
ainsi que nous l'a dit son récent historien;,
on voyait s'ouvrir devant soi la porte soi
gneusement verrosillée de cet autre sanc
tuaire qui renfermait les secrets du passé !
Plus les archives avaient été négligées, plus
on faisait de découvertes. Plus la biblio
thèque était pleine ds poussière, plus on y
trouvait de trésors ignorés. Puis, au
bout de quelques jours, on quittait le cou
vent, le cœur et l'esprit satisfaits, empor
tant de là des notes précieuses, mais y
laissant des émis, et l'on passait à un
autre,
Vraiment, quand je songe qu'une bonne
partie de la collection, des Historiens de la
France, de l'Histoire littéraire et de tant
d'autres chefs-d'œuvre de patience, que
nous feuilletons d'une main indifférente, a
a .été exécutée de cette façon, je me sens
pris d'un pieux respect pour ces travail
leurs héroïques, et j'ai presque honte de
dire qu'ils ont fait moins bien qu'on ne fait
aujourd'hui. Oh ! que si, mes bons Pères,
vous avez fait aussi bien. Vous avez même
fait beaucoup mieux.
C'est en 1733 que dom Rivet mit au jour
son premier volume. Le neuvième était
prêt à paraître le jour où la mort vint l'ar
rêter, en 1749. Deux de ses confrères, dom
Clément et dom Clémencet, se chargèrent
de continuer l'ouvrage. Ils publièrent trois
volumes nouveaux, portant les millésimes
de 1756, 1759 et 1763. Mais, après cette
dernière date, d'autres travaux les absor
bèrent, et la publication demeura inter
rompue. Les années qui précédèrent la Ré
volution et celles qui s'écoulèrent sous cet,
odieux régime n'étaient pas un temps favo-
( rable à l'érudition. C'est seulement lors
que la tourmente fut passée que la
classe d'histoire et de littérature an
cienne de l'Institut de France (celle qui
devait plus tard s'appeler l'Académie des
inscriptions et belles-lettres) eut la bonne
pensée de reprendre l'Histoire littéraire où
elle en était restée, c'est-à-dire au milieu
du douzième siècle, et de s'en faire l'édi
teur responsable. Afin dé maintenir l'unité,
on conserva l'ancien plan. Chaque volume
fut composé d'une série de notices sur les
écrivains de toute, catégorie, classés h peu
près par ordre chronologique, et en tête de
çh&que siècle on traça à grands traits un
tableau d'ensemble de la littérature et des
arts durant le cours de cette'période.
Mais ce qui fut changé, malheureuse
ment, c'est l'esprit des rédacteurs. A partir
du treizième volume, daté de 1814, jusque
vers le vingt et unième, paru en 1847, la
célèbre collection passa, à ce point de vue,
par une phase déplorable. Daunou, l'ex-
oratorien, Petit-Radel, Fauriel, Victor Le
Clerc, y laissèrent percer h. tout propos
leurs préjugés de l'autre siècle et leur ani-
mosité contre le moyen âge catholique :
certains articles sortis de leur plume sont
de véritables réquisitoires.
Je ne veux nullement dire que ceux de
leurs successeurs n'accusent pas sonvent la
même tendance ; mais le fait est moins
général de nos jours, et la science acadé
mique est incontestablement plus sérieuse.
À ce moment, les progrès de la critique
étaient encore à peu près nuls, et les fu
mées d'un libéralisme trompeur obscurcis
saient jusqu'à la vue claire du passé ; deux
causes d'infériorité dont les bénédictins
n'avaient, du moins, connu qu'une seule.
Voilà comment il se fait que la plupart des
écrivains du treizième siècle, qui se nom
ment légion, et qui comptent parmi eux
des illustrations comme Albert le Grand,
saint Thomas, saint Bonaventure, Roger
Bacon, ont été jugés, dans l'Histoire litté-
raire, avec une sévérité outrée, parfois
même, il faut le dire, avec une incompé
tence absolue ; ce qui est d'autant plus re-:
grettable que ce graad recueil est devenu;
peu à peu, comme toutes les publications
entreprises ou continuées par l'Institut,
l'expression quasi-officielle de l'érudition
française.
Aussi les ecadémjciens qui oftt succédé,
à cette génération hostile se sont-ils trouvés
fort embarrassés. D'une part, la mise en
lumière d'une foule de manuscrits nou
veaux, le large supplément d'informations
qui en résultait, le perfectionnement de la
méthode critique survenu depuis une tren
taine d'années, leur commandaient de re
venir en arrière et de réformer des juge
ments trop souvent rendus à la légère. Ils
se voyaient dans l'obligation, non seule
ment de compléter les notices ds leurs pré
décesseurs, mais de les rectifier.' D'autre
part, il leur fallait marcher en avant, ob
server l'ordre chronologique, c'est-à dire
parler des écrivains de la fin du treizième
siècle et du commencement du quatorzième,
où l'on en était arrivé. Pour sortir de ce
dilemme, ils ont essayé de suivre àla fois
l'une et l'autre voie, De là une certaine con
fusion dans les derniers volumes parus,
confusion très sensible encore dans celui
qui vient d'être distribué, et qui est le tren
tième.
Les précédents rédacteurs ayant négligé,
ayant môme ignoré une bonne partie des
monuments de notre ancienne poésie natio
nale, on a dû consacrer la moitié de ce gros
in-quarto aux romans de la Table Ronde.
C'est M. Gaston Pâris qui s'est chargé de.
cette étude, et il y a apporté, avec sa con
naissance approfondie de la matière, moins
de préventions anti-religieuses que d'ha
bitude ; le sujet, du reste, n'y prêtait pas.
Mais alors qu'cst-il arrivé? C'est que ce
travail d'ensemble l'a forcé à nous entre
tenir de poèmes remontant pour la plupart
à une époque antérieure. Nous en étions
déjà au milieu du quatorzième siècle, et
l'on nous fait remonter cent ans plus haut
ou davantage. Il en est (Je rçtômç (jlp? plu
sieurs autres articles, sans compter les adî
ditions et corrections qui vont en se multi
pliant de tome eu tome. La moyen de re
médier à oela 11l n'est pas facile à trouver,
sans doute ; mais la morale qui s'en dé
gage est plus aisée à formuler : c'est qu'on
a eu grand tort de juger la littérature de la
plus belle époque du moyen-âge sans en
avoir une connaissance suffisante, et qu'il
faut, en cette matière comme dans les au
tres, se garder de parler trop vite. Avis
aux jeunes savants enclins à résoudre tou
tes les questions d'un ton tranchant, avant
de s'être donné la peine de les étudier* .-
Ayant lieu de penser que les lecteurs da
l 'Univers ne s'intéressent pas ouïra mesura
aux aventures purement fabuleuses de Lan-
celot, de Tristan, de Perceval ou de Blan-
din de Cornouaillo, dont la monotone odys
sée, pâle dégénérescence de notre Iliade,
ou de nos Chansons de geste, faisait déjà
bâiller nos grands-pères, je ne m'appesan
tirai pas sur cette première partie du vo
lume. Mais la seconde contient quelques
notices d'une plus eérieuse importance au
point de vue historique et religieux. Une
d'elles, entre autres, aborde des questions
brûlantes: c'est celle qui est consacrée au
célèbre Gilles de Romo, religieux augus-
tin et docteur en théologie ( doctor furidatis*
simus, comme on l'a surnommé dans l'é
cole), qui vécut principalement &ous Phi
lippe le Bel et mourut en 131Ç,»
Entré de bonne heurç au monastère .de
Santa-Maria del Popolo, et devenu plus
tard le disciple de suint Thomas d'Aquin,
Gilles embrassa, avec ardeur lés doctrines
de ce dei-nter et s'en fit le propagateur. La
solidité de ses propres raisonnements lui-
vaM l'adrairatioB de ses contemporains,
«* ■' w
N* ?S33 s* Editloa qaettâUBJU)
ÉDITION QUOTI DIENNE
PARIS ÉTRANGER
; bi départements (union postais)
Un an. .* ï . . 55' » 60 #
Six mois. ... 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
^akomiemeBti partent des 1" et 18 de eïiaqne tuoti
UN NUMÉRO [. Eèp^tement a ; lo
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne h Rome, place du Gesù, 8
Lundi 17 Juin 1883
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Un an. é . . .
Six mois. . ; .
Trois mois. . .
paris
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16 »
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étranger
(uxion postale)
36 »
19 »
10 »
Les. abonnements partent des 1" et te de chaque mo&l
L'I'KIVERS se répond pas des manuscrits qui lai sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C' 8 , 6, place do la Bourse
mmsmissmBSi
FRANGE
PARIS, 16 JUIN 1889
La grève des cochers a eu son échû
à la tribune ; elle a pris toute la séan
ce d'hier. M. Basly a déposé une de
mande d'interpellation ; volontiers oh
l'aurait renvoyé à un mois; mais il
n'est ni boulangiste, ni conservateur,
et il faut en conséquence, compter
avec lui ; la discussion immédiate a
donc été décidée à une assez faible
majorité. Ont parlé MM. Basly, Cons-
tans, Barré, Maillard, Camélinat, Ca-
zeaux et Tony Révillon; puis est venu
le défilé des ordres du jour. Ils étaient
nombreux : ordre du jour pur et sim
ple, repoussé ; ordre du jour Basly,
repoussé ; ordre du jour Tony Révillon,
repoussé; ordre du jour Baudry-d'As-
son, repoussé. Finalement, on a voté
un ordre du jour de M. Wickershei-,
mer : il avait le mérite de ne rien dire.
M. Andrieux, toujours railleur, avàit
déposé un ordre au jour concluant à
la revision parce que la Chambre est
incapable de rien faire; M. Mèline eh
a donné lecture en s'excusant.
L'interpellation terminée, on a re
pris le budget ; un chapitre réservé
des affaires étrangères a été voté; puis
M. Camescasse a ,pris la parole sur la
marine. ,
On se demandait ce que ferait le
ministère devant le désaccord des
deux commissions militaires du Sénat
et de la Chambre ; MM. Tirard et de
Freycinet se rendront, à la commis
sion mixte pour l'engager, sans ce
pendant trop insister, à accepter le
texte du Sénat, afin de faire bénéficier
immédiatement les populations des
avantages de la nouvelle loi; traduc
tion libre, mais exacte:afin de donner
une apparence de satisfaction, à la
veille des élections, aux populations
auxquelles on a promis une réduction,
idu service militaire.
La commission de la Chambre des
députés et la Chambre elle-même se
décideront-elles à subir les volontés
du Sénat?
Hier a eu lieu, par la distribution
des récompenses, la clôture du con
grès annuel des sociotés savantes;
MM. Renan et Faillières ont prononcé
des discours. Comment ne comprend-
on pas au ministère que c'est une in
convenance de faire présider par un
apostat comme M. Renan une réunion
où sont conviés les savants catholi
ques?
Nous signalerons les principales
communications faites dans les diver
ses séances ; l'abondance des matières
et l'importance des débats parlemen
taires ne nous ont pas permis de le
faire jusqu'ici.
C'est toujours du conflit de l'Alle
magne et de la Suisse qu'on s'occupe;
la situation n'a pas changé depuis
hier.
Le télégraphe donne un [résumé de
la réponse du gouvernement suisse,
qui maintient ses droits. D'autre part,
les journaux russes, et notamment le
Nord, signalent les abus du droit d'a
sile ; ils n'ont pas absolument tort. Du
reste, ils se gardent bien des exagéra
tions des journaux allemands,qui sem
blent se préparer des prétextes pour
violer la neutralité suisse, le moment
venu.
'ost de Strasbourg annonce
certaine l'arrivée de l'ernpe-
La Post
comme certaine l'arrivée de l'empe
reur d'Allemagne à Metz le 29 juin.
Les journaux de Metz n'en disent en
core rien, mais divers télégrammes
confirment la nouvelle.
Les cahiers de 89
II
' Les griefs allégués contre l'ancien
régime pour justifier la Révolution, ne
la justifient pas, car ils sont hors de
proportion avec elle. Ils n'ont tenu
aucune place dans les préoccupations
de l'époque. On parlait, en thèse gé
nérale, au bonheur du peuple, de la
régénération de la France. Il est
plusieurs lois question dans les ca
hiers d'un code civil pour la France.
Les anciens légistes de la royauté,
d'Aguesseau et Lamoignon, y avaient
déjà songé. Et après tout, la plus
grande partie du code civil est extraite
de Domat et de Pothier. Ceux mêmes
qui l'ont rédigé appartenaient à cet
ancien régime, et ils y auraient aussi
bien travaillé avant qu'après 1789. Ils
ont même regretté que la Révolution
ait, en beaucoup de points, dépassé les
vœux qu'ils formaient. En se plaçant
au point de vue d'une révolution mo
dérée, on voit que la royauté y était
toute prête et la favorisait. La réforme
par les Etats généraux a abouti à la
destruction totale de toutes les insti
tutions du royaume et à la proclama
tion d'un idéal qui ne s'est jamais réa
lisé. Les intéressés ne furent jamais
consultés. Les droits de la classe ou
vrière furent méconnus comme ceux
de la classe noble. L'absolutisme que
les légistes plaçaient dans le roi se
trouva transporté à un parti populaire.
Cette fiction de la souveraineté du
peuple se résout en domination d'une
majorité; la minorité est ainsi mise
hors la loi. A elle de triompher dans
de nouvelles élections ou par les
émeutes.
Le roi est un principe d'unité ; il est
pour tous ; sans intérêt distinct de
son peuple, il n'est mû que par un
sentiment d'intérêt public : il n'exclut
personne de sa sollicitude. Une majo
rité, qui est souvent plus factice {que
réelle, considère naturellement comme
ennemie la minorité et la traite en
vaincue. Comment imposerait-elle une
obéissance sincère, consciencieuse ?
La force et le nombre ne régnent pas
sur la conscience. La majorité n'est
pas représentative de l'intérêt total
d'un peuple. II lui faudrait" pour
cela l'unanimité. Cette unanimité,
qui n'est qu'un rêve dans l'état po
pulaire, se trouve dans la royauté,
par la volonté royale. Le roi, sans
doute, ne représente pas tous les
intérêts ; celui qu'il ' représente par
excellence est la paix publique, qu'il
maintient comme chef de l'armée.
Voilà l'unité politique. Elle permet à
tous les droits, à tous les intérêts de
se grouper, de s'organiser. Elle abrite
la liberté sociale dans toutes ses mani
festations légitimes. L'obéissance est
facile, parce que les peuples se gouver
nent eux-mêmes en même temps
qu'ils sont gouvernés. Leur liberté
privée est en accord avec le pouvoir
qui la protège. Le nombre et la force
sont des accidents transitoires. Ils
nous gouvernent depuis un siècle. Ils
caractérisent ce qu'on appelle la so
ciété moderne, la France issue de 89.
Mais les légistes, qui. ont pu façonner
l'âme des peuples à l'obéissance envers
les rois ou empereurs, n'ont pas trouvé
le moyen de la dresser à l'obéissance
démocratique, parce qu'il implique
contradiction que des majorités chan
geantes soient un principe ou repré
sentent un principe. Le césarisme et
l'anarchie ont même base populaire ;
ils rentrent l'un dans l'autre, et se
suivent nécessairement à des inter
valles plus ou moins prolongés.
On croit généralement que le mou
vement de 89 a été populaire, sponta
né, et qu'il s'est imposé par l'élan des
populations. C'est un préjugé : les
classes populaires étaient attachées à
leurs coutumes. Il a fallu les exciter,
les irriter, leur ôter la vue d'un gou
vernement protecteur. Dix ans d'a
narchie ont précédé 1789. Quand Tur-
got supprima les jurandes et maîtrises
il y eut des protestations, des révoltes
où le sang coula. Les ministres du
roi envoyaient dans les provinces des
agents provocateurs, des écrivains
chargés de composer et de répandre
des brochures incendiaires, pour,
éclairer les populations. Les passions
eurent le temps de s'enflammer par
l'impunité. Le pillage et l'incendie
avaient organisé tout un régime de
terreur bien avant 1789. On brûlait les
archives pnbliques, les actes notariés,
les châteaux. L'émigration commen
çait. Des bruits inquiétants habile
ment semés habituaient les popu
lations au désordre, à l'imprévu. Le
caractère national s'aigrit, l'opinion
s'affola. C'est sous ces influences que
furent élus les députés des bailliages.
Le peuple a été trompé ; il croyait con
courir à la formation d'Etats généraux
dont il avait une vague notion, mais
qu'il savait n'être pas une institution
démocratique; il voulait prêter appui
au roi, non le renverser.Le mode élec
toral dénaturait le tiers état, qui se
rapportait à une bourgeoisie et n'avait
rien de commun avec le suffrage uni
versel. Toute l'ancienne société répu
gnait à ce morcellement indéfini qu'im
plique le suffrage universel. Elle repo
sait sur des institutions de familles, de
communes, de corporations de toute
sorte, tant civiles que religieuses.
Li représentation ne se comprenait
que de ces groupes d'intérêts envisa
gés dans leur ensemble. L'expression
d'Etats généraux s'adaptait à cet ordre
de choses. Ils donnaient accès à des
intérêts agglomérés, â des droits gé
néraux de corps distincts. Ces Etats
généraux sont restés en Angleterre.
La Chambre des lords représente l'E
glise et la propriété foncière, et la
Chambre des Communes les corpora
tions municipales. D'autres corpora
tions, comme les universités, ont aussi
leur représentation. Le suffrage uni
versel renversait a priori tout ce qui
existait en France. Il déplaçait les
droits et les influences, en ne tenant
aucun compte des hiérarchies consti
tuées, et en s'adressant aux individus
en tant qu'individus. Il invitait l'indi
vidu à fixer les conditions de l'ordre
social ; et pour cela, il l'arrachait aux
conditions naturelles d'existence que
lui créaientlafamille,la religion,l'édu
cation, sa vie antérieure. On ne com
prenait rien à ce que pouvaient ou de
vaient être les Etats généraux ; et sans
savoir ce qu'était la démocratie,on s'y
précipitait avec confiance. L'idée d'une
représentation nationale ne se déga
geait pas de ces conceptions arbitraires.
Elle n'apparait pas dans les documents
du temps. Les Parlements jalousaient
les Etats généraux,cette représentation
des corporations, des divers Etats de
la société. Ils se prêtaient avec ar
deur, depuis des siècles, à détruire les
coutumes d'unité et d'indivisibilité
qui perpétuaient les corporations.Tout
se réunissait pour écarter toute notion
saine des anciennes institutions qu'on
prétendait ressusciter et des nouvelles
rêvées par des philosophes étrangers
à toute expérience politique, ou par
des légistes désireux de procéder aune
liquidation sociale.
La société ne repose cependant pas
sur l'élection. Les droits et les inté
rêts, de famille, qui forment la plus
grande partie de l'ordre social, n'ont
pas l'élection pour base. La propriété
ne découle pas de l'élection. &es arts,
les sciences, l'industrie viennent du
travail et du talent, et non de l'élec
tion. Ces droits et intérêts essentiels
de la société s'appuient sur eux-
mêmes, cherchent et trouvent en
.jgax-mêmes la loi de leur développe
ment. C'est à eux de se défendre, de
se protéger, en concourant à la repré
sentation nationale. Désassociez les
individus qui forment ces groupes
divers, pour les réduire en une masse
indistincte et confuse, vous tuez la so
ciété en effaçant toutes les relations
qui la constituent. Le suffrage uni
versel anéantit théoriquement la qua
lité sociale des individus ; il les place
dans un état antisocial et les interroge,
comme s'il n'avait pas à l'avance aboli
leur compétence et leur expérience.
Le3 électeurs répondent par un vote
de hasard ou d'entraînement.
Les individus ne représentent rien.
L'assemblée qu'ils élisent reproduit
l'incohérence, la nullité, la passion du
milieu intellectuel dont elle sort. Elle
a peur caractère l'impuissance et la
violence. Le suffrage universel est un
mensonge. Il ne comprend ni les
femmes ni les enfants : le vote du père
de famille est seul représentatif des
droits et des intérêts de la famille, par
conséquent de tous les individus.
L'école révolutionnaire professe que
le vote est le droit de tout individu
maie au-dessus de vingt et un ans. Le
vote, de l'électeur est ainsi individuel,
personnel, non représentatif. Qui a
choisi, désigné l'électeur? L'électorat
est une fonction. La société se com
pose d'incapables et de capables. La
plus grande partie de ses membres
sont en tutelle* Les tuteurs, les pères
de famille ont une mission naturelle
et même civile de protection sur les
mineurs ou incapables. La força et
l'aptitude d'un parlement politique
résultent de la cohésion et de la per
manence des intérêts de famille, de
propriété, d'industrie, de commerce
qu'il représente. Ces intérêts affai
blis, morcelés, ne sont plus représen
tés. En revanche, les utopies et les
systèmes ont la plus large représen
tation.
Au commencement du dix-huitième
siècle, la monarchie absolue était déjà
sur son déclin. Fénelon proposait de
ranimer l'institution des Etats géné
raux et celle des Etats provinciaux.
Etait-ce possible? Louis XIV ne l'a
pas cru. Et déjà les esprits étaient bien
loin de l'idéal des Etats généraux.
Néanmoins les éléments d'ordre et de
stabilité étaient encore puissants. Et
certes, il y avait plus de chances de
réussir alors qu'en 1789. Beaucoup de
provinces conservaient encore des res
tes imposants de leurs coutumes. La
restauration en eût été facile, puis
qu'elles n'étaient qu'altérées par l'in
tervention des légistes. La classe des
légistes aurait dû être réformée, et
c'était sur elle que s'appuyait princi
palement le principe monarchique.
Les Etats généraux, les Etats provin
ciaux sont des institutions de droit
coutumier. Adaptés à la situation de
la France, à la fin du règne de
Louis XIV, ils auraient sans doute pré
venu la Révolution.
Coquille,
Comme à Byzance, les cochers cap
tivent l'attention publique.
La Chambre ne leur est pas favo
rable ; d'autant plus peut-être que
c'est M. Basly qui plaide leur cause.
Hier, le ministre de l'intérieur ne
voulait pas répondre à l'interpellation
qui lui était adressée. Voilà, en effet,
plusieurs jours qu'il négocie avec les
patrons et avec les cochers et il est
fatigué de faire d'inutiles appels àla con
ciliation. M. Constans est devenu ferré
sur la profession de cocher; il connaît le
tarif, les conditions du relayage, le prix
du pansage. M. Basly aussi, l'ancien mi
neur, a fait à cet égard son éducation ;
il raconte les confidences qu'il a re
çues des cochers, et notifie, sur un ton
irrité, que «les députés ouvrierspeu-
« vent aller en voiture tout aussi bien
« que les députés rentiers. M. Basly
dit au ministre : « Intervenez I » et M.
Constans répond : « Je n'y puis rien ! »
La discussion se prolonge et il n'y a
pas de raison pour qu'elle finisse. M.
Barré etle majestueux citoyenMaillard,
discourent sur la «moyenne«sans rien
proposer de pratique. Si l'on pouvait
trouver un système de contrôle à peu
prèsefficace on ne feraitpayer à chaque
cocher qu'une somme rigoureusement
proportionnée au bénéfice réel. Mais
le contrôle est impossible ; et le comp
teur mécanique le plus perfectionné
(il a été expérimenté l'autre jour) com
met des erreurs de 2 kilomètres sur
un parcours de 8. Alors on 1 procède
par des évaluations ; on établit une
moyenne générale d'après une série
de moyennes. Actuellement, c'est 21
francs que les compagnies imposent
aux cochers; ceux-ci veulent s*en te
nir à 20 francs.
Accablés d'explications, les députés;
se sont mis à voter dans un désordre
idéal. Ils ont repoussé sans savoir
pourquoi l'ordre du jour pur et simple,
que réclamait le ministre, puis l'ordre
au jour de M. Basly concluant à l'in
tervention du gouvernement, puis
l'ordre du jour de M. Tony Révillon
(arbitrage), puis l'ordre du jour de
M. de Baudry d'Asson (mesures pour
assurer la liberté des cochers et la sé
curité des voyageurs), puis l'ordre du
jour de M. Andrieux concluant à
la revision ! Car M. Andrieux, témoin
gouailleur de ces manifestations effa
rées, avait profité de la circonstance
pour glisser entre les mains de M.
Méline et d'un air innocent un ordre
du jour ainsi conçu: «La Cham
bre, constatant son impuissance à
se mettre d'accord sur les questions
les plus , simples, reconnaît une fois
de plus la nécessité de la revision et
passe à l'ordre du jour ». Voyez-vous
la révision mêlée à la question des
fiacres. L'ahurissement de la Chambre
et l'air pincé du président ont fait le
bonheur du malin M. Andrieux. Enfin,
pour la forme on a voté un ordre du
jour de M. Wickersheimer, invitant
le gouvernement à continuer les
« bons olfîces » dont, précisément, il
est excédé.
M. Camille Dreyfus, qui avait l'au
tre jour offert à M. Spuller 300,000 fr.
dont celui-ci ne veut pas, les a de
nouveau proposés en faisant vibrenla
corde patriotique. Le ministre des af
faires étrangères a répondu qu'il a,en
fait de fonds secrets, tout ce qu'il lui
faut. M. Dreyfus rengaine sa généro
sité.
On a commencé la discussion du
budget de la marine. M. Camescasse a
parlé assez longuement des critiques
injustes qui sont dirigées contre notre
administration et notamment contre
les arsenaux. Il a relevé un grand
nombre d'erreurs commises par le rap
porteur, M. Gerville RéEtche,
E UGÈNE T AVERNIER.
La plupart des journaux glosent de
puis quelques jours sur une informa
tion que le Temps aurait reçue de Mar
seille, et que ce journal a publié en
ces termes:
M. Robert, évêque de Marseille, a réu
ni, vendredi dernier, tous les curés de sa
ville épiscopale.et les a chargés de notifier
aux prêtres de leurs paroisses la défense
de se rendre à Paris pour y voir l'Exposi
tion, laquelle,a dit le prélat, est le triomphe
du sensualisme (sic).
Le prélat a particulièrement stigmatisé le
« scandale » des fontaines lumineuses, feux
du Bengale, etc.
C8 résumé dénature absolument le
langage de Mgr l'évêque de Marseille.
La seule chose exacte, c'est qua
Mgr Robert, en rappelant à son elergâ
comment saint Jean a condamné la
concupiscence des yeux, a dit qu'il
moins dje motifs sérieux il recomman*
dait à*ses prêtres, comme .il l'avait
fait ett-1878 au clergé de Constantine^
de s'abstenir de visiter l'Exposition.
Il a ajouté que cette Exposition, par
l'anniversaire qu'elle rappelle et que
les organisateurs de l'Exposition en
tendent célébrer, anniversaire quia
précédé de si près les massacres dô
l'Abbaye et le renversement.de l'Eglise»
en France, devait inspirer aux bons
prêtres un tout autre sentiment qua
celui d'une vaine curiosité.
La Semaine religieuse de Nevers rap-
porte un nouvel exemple de la manièra
dont les républicains entendent la li
berté de conscience. Celui-ci est d'au
tant plus odieux qu'il concerne uns
pauvre petite fille de onze ans, pen
sionnaire ou plutôt esclave de l'adj
ministration des enfants assistés. ,
Nous citons :. .
L'administration des enfants assistés a
de singuliers principes et d'étranges pro
cédés, si le fait qui vient de se passer k
Cercy* la-Tour doit lui être imputé :
-Une jeune fille de onze ans, attaché»
comme orpheline à. cette institution, ayait
suivi le catéchisme de première communion
de la paroisse de Cercy, devait y être bap
tisée le dimanche 26 mai et y faire sa pre
mière communion le jour de l'Ascension.
Grande était la joie de l'enfant, suffisam
ment instruite des vérités de la religion
catholique. Au demeurant, un oncle, qui
lui tenait lieu de protecteur, ne voyait aucun
obstacle à l'accomplissement de cet acte re
ligieux par sa niôce.
M. l'inspecteur de l'assistance publique
ou ses conseillers avaient un devoir élé*
mentaire à remplir en cette circonstance :
c'était de laisser l'enfant recevoir le bap
tême et faire sa première communion.
Ce devsir, nous avons la douleur ûe dire
qu'ils ne l'ont pas remplir L'enfant a été
subitement retirée de la paroisse de Ceroy,
pour qu'elle fût mise dans l'impossibilité
d'y être baptisée et d'y faire sa première
communion. Dans le but de couvrir cet
attentat à la liberté de conscience, on a
allégué que cette enfant était née de pa->
rents protestants. Il n'est pas besoin, da
rechercher si le prétexte est vrai on faux,
l'acte n'en est pas moins condamnable aux.
yeux de la foi et du simple bon sens.
Un enfant de onze ans a le droit rece
voir le baptême, s'il le désire., quand mê
me il serait né de parent» infidèles. Et
ceux qui s'opposent à un désir de celte
sorte encourent la malédiction de Noire-
Seigneur dans l'Evangile : « Malheur à ce
lui qui scandalise un de ces enfants qui
croient en.mon nom! »
M. le général de Charette vient d'a
dresser à ses anciens zouaves l'appel
que voici :
La Basse-Motte, le 6 mai 1889
Le 17 juin 1689, Noire-Seigneur appa
raissait à la Bienheureuse Marguerite-
Marie. .......
Vous connaissez les promesses qui lui
furent faites et sa lettre au roi de France !
Quelque indignes que nous soyons, c'est
nous, zouaves, qui avons eu l'insigne hon
neur de recevoir en dépôt la glorieuse;
bannière du Sacré-Cœur, et c'est nous qui
avons eu le bonheur de la déployer à Patay
en combattant pour la patrie envahie, soua
les ordres du général de Souis.
La guerre finie, groupés autour de notre
drapeau, nous nous consacrions solennel
lement au Sacré-Cœur !
Cette consécration nous a donné le cou
rage dans nos malheurs et l'espérance dans
l'avenir de notre pays.
Je vous convie tous, le 17 juin 1889, à
huit heures du matin, en la chapelle da
Saint-Martin, dans la basilique du Vœu
National, à Montmartre.
Ceux qui ne pourraient pas venir se, réu
niront le même jour dans la vilte la plus
voisine, pour être en communion avec nous.
Nous demanderons le rétablissement du
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 17 juin 1889
un nouveau volume de l'histo'be
littéraire de la francs
Parmi les grandes collections entreprises
dans les deux derniers siècles par la sa
vante congrégation des bénédictins de
Saint-Maur, une des plus intéressantes, et,
certainement la plus accessible aux profa
nes, est l'Histoire littéraire de la France.
An lieu de textes arides et souvent obscurs,
elle contient des notices, des analyses, des
éludes critiques, en français plus ou moins,
élégant, mais enfin en français : l'auteur
ou le rédacteur fait là une œuvre plus per- ;
sonnelle, l'homme se montre davantage ; ;
cela suffit pour donner à cette publication
savante un air moins rébarbatif que celui
des autres recueils d'érudition.
Je ne dis pas, cependant, qu'elle soit une
des mieux conçues ni des mieux exécutées.
Commencée par dom Rivet dans un temps
où la critique était infiniment moins avan-,
cée qu'aujourd'hui, les ressources scienti
fiques plus rares, les communications plus
difficiles, les recherches plus longues et
plus laborieuses, elle se ressent, particu-
lièrerement dans ses premiers volumes, des
conditions inférieures dans lesquelles se
trouvaient placés ses fondateurs. Ni che
mins de fer, ni télégraphes, ni grandes bi
bliothèques publiques, ni catalogues com
plets, voilà plus d'obstacles qu'il n'en fau
drait pour décourager dès les premiers pas
nos modernes érudits.
Ces obstacles, cependant, furent sur
montés en partie par l'ardent amour de la
science qui animait les disciples de saint
Benoît. Pour lire un manuscrit, pour dé
couvrir une charte, pour étudier un monu
ment, ils se lançaient dans de lointains et
fatigants voyages. Ils montaient à cheval ou
s'en allaient paisiblement à pied le long
des routes, sous le soleil et sous la pluie,
sans bagages, sans provisions, portant tout
avec eux, comme Bias, dans l'espérance
d'arriver le soir à quelque monastère hos
pitalier, où ils trouveraient bon accueil,
gais visages, et surtout riche moisson. On
ne mangeait pas toujours,dans ces rudes et
longues journées de voyage; mais on priait
souvent. Et puÎ3 quelle joie, quel dé
dommagement lorsque, après avoir été in
troduit dans la chapelle de la vieille
abbaye, après avoir rempli ses devoirs
de prêtre et de religieux (Mabillon et
ses frères commençaient toujours par là,
ainsi que nous l'a dit son récent historien;,
on voyait s'ouvrir devant soi la porte soi
gneusement verrosillée de cet autre sanc
tuaire qui renfermait les secrets du passé !
Plus les archives avaient été négligées, plus
on faisait de découvertes. Plus la biblio
thèque était pleine ds poussière, plus on y
trouvait de trésors ignorés. Puis, au
bout de quelques jours, on quittait le cou
vent, le cœur et l'esprit satisfaits, empor
tant de là des notes précieuses, mais y
laissant des émis, et l'on passait à un
autre,
Vraiment, quand je songe qu'une bonne
partie de la collection, des Historiens de la
France, de l'Histoire littéraire et de tant
d'autres chefs-d'œuvre de patience, que
nous feuilletons d'une main indifférente, a
a .été exécutée de cette façon, je me sens
pris d'un pieux respect pour ces travail
leurs héroïques, et j'ai presque honte de
dire qu'ils ont fait moins bien qu'on ne fait
aujourd'hui. Oh ! que si, mes bons Pères,
vous avez fait aussi bien. Vous avez même
fait beaucoup mieux.
C'est en 1733 que dom Rivet mit au jour
son premier volume. Le neuvième était
prêt à paraître le jour où la mort vint l'ar
rêter, en 1749. Deux de ses confrères, dom
Clément et dom Clémencet, se chargèrent
de continuer l'ouvrage. Ils publièrent trois
volumes nouveaux, portant les millésimes
de 1756, 1759 et 1763. Mais, après cette
dernière date, d'autres travaux les absor
bèrent, et la publication demeura inter
rompue. Les années qui précédèrent la Ré
volution et celles qui s'écoulèrent sous cet,
odieux régime n'étaient pas un temps favo-
( rable à l'érudition. C'est seulement lors
que la tourmente fut passée que la
classe d'histoire et de littérature an
cienne de l'Institut de France (celle qui
devait plus tard s'appeler l'Académie des
inscriptions et belles-lettres) eut la bonne
pensée de reprendre l'Histoire littéraire où
elle en était restée, c'est-à-dire au milieu
du douzième siècle, et de s'en faire l'édi
teur responsable. Afin dé maintenir l'unité,
on conserva l'ancien plan. Chaque volume
fut composé d'une série de notices sur les
écrivains de toute, catégorie, classés h peu
près par ordre chronologique, et en tête de
çh&que siècle on traça à grands traits un
tableau d'ensemble de la littérature et des
arts durant le cours de cette'période.
Mais ce qui fut changé, malheureuse
ment, c'est l'esprit des rédacteurs. A partir
du treizième volume, daté de 1814, jusque
vers le vingt et unième, paru en 1847, la
célèbre collection passa, à ce point de vue,
par une phase déplorable. Daunou, l'ex-
oratorien, Petit-Radel, Fauriel, Victor Le
Clerc, y laissèrent percer h. tout propos
leurs préjugés de l'autre siècle et leur ani-
mosité contre le moyen âge catholique :
certains articles sortis de leur plume sont
de véritables réquisitoires.
Je ne veux nullement dire que ceux de
leurs successeurs n'accusent pas sonvent la
même tendance ; mais le fait est moins
général de nos jours, et la science acadé
mique est incontestablement plus sérieuse.
À ce moment, les progrès de la critique
étaient encore à peu près nuls, et les fu
mées d'un libéralisme trompeur obscurcis
saient jusqu'à la vue claire du passé ; deux
causes d'infériorité dont les bénédictins
n'avaient, du moins, connu qu'une seule.
Voilà comment il se fait que la plupart des
écrivains du treizième siècle, qui se nom
ment légion, et qui comptent parmi eux
des illustrations comme Albert le Grand,
saint Thomas, saint Bonaventure, Roger
Bacon, ont été jugés, dans l'Histoire litté-
raire, avec une sévérité outrée, parfois
même, il faut le dire, avec une incompé
tence absolue ; ce qui est d'autant plus re-:
grettable que ce graad recueil est devenu;
peu à peu, comme toutes les publications
entreprises ou continuées par l'Institut,
l'expression quasi-officielle de l'érudition
française.
Aussi les ecadémjciens qui oftt succédé,
à cette génération hostile se sont-ils trouvés
fort embarrassés. D'une part, la mise en
lumière d'une foule de manuscrits nou
veaux, le large supplément d'informations
qui en résultait, le perfectionnement de la
méthode critique survenu depuis une tren
taine d'années, leur commandaient de re
venir en arrière et de réformer des juge
ments trop souvent rendus à la légère. Ils
se voyaient dans l'obligation, non seule
ment de compléter les notices ds leurs pré
décesseurs, mais de les rectifier.' D'autre
part, il leur fallait marcher en avant, ob
server l'ordre chronologique, c'est-à dire
parler des écrivains de la fin du treizième
siècle et du commencement du quatorzième,
où l'on en était arrivé. Pour sortir de ce
dilemme, ils ont essayé de suivre àla fois
l'une et l'autre voie, De là une certaine con
fusion dans les derniers volumes parus,
confusion très sensible encore dans celui
qui vient d'être distribué, et qui est le tren
tième.
Les précédents rédacteurs ayant négligé,
ayant môme ignoré une bonne partie des
monuments de notre ancienne poésie natio
nale, on a dû consacrer la moitié de ce gros
in-quarto aux romans de la Table Ronde.
C'est M. Gaston Pâris qui s'est chargé de.
cette étude, et il y a apporté, avec sa con
naissance approfondie de la matière, moins
de préventions anti-religieuses que d'ha
bitude ; le sujet, du reste, n'y prêtait pas.
Mais alors qu'cst-il arrivé? C'est que ce
travail d'ensemble l'a forcé à nous entre
tenir de poèmes remontant pour la plupart
à une époque antérieure. Nous en étions
déjà au milieu du quatorzième siècle, et
l'on nous fait remonter cent ans plus haut
ou davantage. Il en est (Je rçtômç (jlp? plu
sieurs autres articles, sans compter les adî
ditions et corrections qui vont en se multi
pliant de tome eu tome. La moyen de re
médier à oela 11l n'est pas facile à trouver,
sans doute ; mais la morale qui s'en dé
gage est plus aisée à formuler : c'est qu'on
a eu grand tort de juger la littérature de la
plus belle époque du moyen-âge sans en
avoir une connaissance suffisante, et qu'il
faut, en cette matière comme dans les au
tres, se garder de parler trop vite. Avis
aux jeunes savants enclins à résoudre tou
tes les questions d'un ton tranchant, avant
de s'être donné la peine de les étudier* .-
Ayant lieu de penser que les lecteurs da
l 'Univers ne s'intéressent pas ouïra mesura
aux aventures purement fabuleuses de Lan-
celot, de Tristan, de Perceval ou de Blan-
din de Cornouaillo, dont la monotone odys
sée, pâle dégénérescence de notre Iliade,
ou de nos Chansons de geste, faisait déjà
bâiller nos grands-pères, je ne m'appesan
tirai pas sur cette première partie du vo
lume. Mais la seconde contient quelques
notices d'une plus eérieuse importance au
point de vue historique et religieux. Une
d'elles, entre autres, aborde des questions
brûlantes: c'est celle qui est consacrée au
célèbre Gilles de Romo, religieux augus-
tin et docteur en théologie ( doctor furidatis*
simus, comme on l'a surnommé dans l'é
cole), qui vécut principalement &ous Phi
lippe le Bel et mourut en 131Ç,»
Entré de bonne heurç au monastère .de
Santa-Maria del Popolo, et devenu plus
tard le disciple de suint Thomas d'Aquin,
Gilles embrassa, avec ardeur lés doctrines
de ce dei-nter et s'en fit le propagateur. La
solidité de ses propres raisonnements lui-
vaM l'adrairatioB de ses contemporains,
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