Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-06-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 juin 1889 13 juin 1889
Description : 1889/06/13 (Numéro 7834). 1889/06/13 (Numéro 7834).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 13 Juîà 18-39
N» 7834 m Editîsa ÇTutïdleaM
Jeudi 13 Juin 1883
ÉDITION QUOTI DIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an. »... 55 » 63 »
Sis mois. ... .23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
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UN NUMÉRO { Décernante! 20
BUREAUX : Paris, 10, rue deB Saints-Pères
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PARIS
et départements
Un an. .... 30 »
Six mois. ... 16 »
Trois mois. , . 8 50
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(union postale)
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19 I
10 »
Les abonnements partent des 1" et 16 do chaque moM
L 'UNIYERS ne répond pas des manuscrits qui loi sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÀNGE, CERF et C' 6 , 6, place de la Bourse
FRÀNGB
PARIS, 12 JUIN 1889
Les événements d'Angoulême, les
députés étant maintenus en état d'ar
restation, devaient avoir leur contre
coup à la Chambre des députés. M.
Gellibert des Séguins a posé une ques
tion au ministre de l'intérieur; la ré
ponse de M. Constans n'ayant pas paru
satisfaisante, MM. de Gassagnac et Le
Hérissé ont tous les deux demandé à
transformer la question en interpella
tion. Gela a soulevé un orage à la suite
duquel l'interpellation a été renvoyée
à un mois. M. Constans peut faire
tout ce qu'il veut.
On est revenu à la discussion géné
rale du budget de l'instruction publi-
3ue ; M. Keller a fait une forte critique
e la politique républicaine sur le ter
rain ae l'enseignement; M. Ribot a
refait sans succès le discours de M.
Jules Ferry, et M. Goblet, avec plus
de succès, celui de M., Clémenceau.
On a voté ensuite les -trois premiers
chapitres du budget de l'instruction
publique.
Arrivons-nous à la conclusion des
travaux de la commission d'instruc
tion de la haute cour? On l'annonce
de tous les côtés, et l'on ne parle plus
des papiers récemment trouvés qui
devaient entraîner un supplément
d'instruction. M. Merlin et ses aco
lytes se seraient-ils trompés une fois
de plus?
Dans tous les cas, il serait temps
d'en finir et de retirer à M. Merlin les
pouvoirs dont il fait ;ùn si maladroit
abus. L'arrestation d'un officier supé
rieur, M. Reichert, dans les conditions
que l'on sait, donne la mesure du per
sonnage,que sa situation a grisé.
C'est aujourd'hui que les commis
sions militaires du Sénat et de la
Chambre des députés doivent se réu
nir pour la première fois pour exami
ner ensemble la loi militaire. Des ren
seignements donnés par certains jour
naux il ressort que, dans les. hautes
régions officielles, on désire que les
deux commissions fassent vite. Nous
souhaitons que, dans l'intérêt de la
grandeur et de la sécurité de la Fran
ce, elles se soucient surtout défaire
bien.
Le candidat radical, M. Janson, a
triomphé à Bruxelles; les libéraux,
subissant le joug des radicaux, ont
voté pour lui ; les abstentions ont été
encore nombreuses.
Fidèles à leurs traditions, les radi
caux et libéraux de Bruxelles ont célé
bré leur victoire par des désordres; la
police a dû intervenir.
Il ne faut pas attribuer à cette vic
toire des libéraux plus d'importance
qu'elle n'en a; le ministère catholique
conserve sa forte majorité; à Bruxelles
même, le candidat conservateur a une
forte minorité, et les journaux faus
sent impudemment la situation, qui
osent dire que ce vote entraîne la dé
mission du ministère. Est-ce que MM.
Carnot et Tirard ont cru devoir se re
tirer après l'élection du 27 janvier, où
ils étaient-bien autrement battus que
le ministère Beernaert? .
Gomme le dit le Cowrier de Bruxel
les, « si les catholiques bruxellois n'ont
pas triomphé, ils ont sauvé l'honneur
et l'avenir; seuls, ils ont lutté pour la
religion et pour la liberté , pour la
constitution, pour la monarchie, pour
l'ordre public, pour toutes les institu
tions que menace la sape révolution
naire. Et si, en défendant de si pré
cieux intérêts, ils sont restés en mi
norité à Bruxelles, c'est un accident,
ce n'est pas un désastre. »
Les rapports entre le gouvernement
allemand et le gouvernement suisse
sont de plus en plus tendus. Le mi
nistre allemand à Berne a fait des me
naces ; on parle de mesures de police,
d'un « blocus économique »; les jour
naux officieux de M. de Bismarck
sont très violents contre là Suisse;
par contre,les journaux de l'Allemagne
du Sud, même ceux qui sont natio
naux-libéraux, se montrent opposés
aux mesures de rigueur parce que les
intérêts de l'Allemagne du Sud seraient
directement atteints.
Jusqu'ici, le gouvernement suisse,
qui est certainement dans son droit,
ne parait pas s'effrayer beaucoup.
Le débat solennel et passionné pro
voqué par M- Ferry s'est terminé nier,
après un septième ou un huitième
engagement, qui a jeté plus d'un mort
sur le terrain et qui a porté au comble
la désunion de l'armée républicaine. Les
vainqueurs se retirentdans ledésordre,
dans le pêle-mêle, exaspérés les uns
contre les autres,se portant des défis.
Leur chef, qui pensait relever son pres
tige contesté, l'a vu nier durement et
formellement. L'un des lieutenants a
déclaré que les républicains n'ont pas
besoin de chef et qu'une doctrine leur
suffit. La doctrine* ils la possèdent :
c'est la guerre à outrance, qu'ils ap
pellent la paix. Ils n'ont rien autre
dans la tête ou dans le cœur. La hai
ne qu'ils ont nourrie contre la religion
les dévore et le3 rend fous.
Aux discours prononcés samedi par
MM. Lockroy et Clémenceau, JM. Kel
ler a fait une solide réponse. Le sa
vant orateur catholique s'est indigné
que le vaudevillistë Lockroy ait osé in
voquer en faveur de l'instruction obli
gatoire le nom d'Augâstin Cochin :
« Vous n'avez même pas respecté sa
« tombe. Vous avez enassé les sœurs
« qui veillaient sur sa dernière de-
«, meure et sur l'hospice fondé par sa
« famille Il a pu parler d'obliga-
« tion, car l'Eglise elle-même, qu'on
« calomnie toujours, l'a proclamée
« dans ses conciles, l'a enseignée de
« siècle en siècle aux pères de famille;
« et nous sommes prêts à y souscrire,
« pourvu que vous ne rendiez pas
« obligatoire, pour tous ceux qui ne
« peuvent pas fonder d'école, un en-,
« seignement d'Etat entièrement
« contraire à la liberté de conscien-,
« ce. » Malgré les interruptions d'une
poignée d'enragés, M. Keller a rap
pelé les principes que l'Eglise pro
fesse et pratique envers les dissi
dents : « L'Eglise a toujours posé,
« comme fondement de la liberté, la
« distinction du pouvoir spirituel et
« du pouvoir temporel... Elle n'a
« jamais pratiqué l'intolérance vis-à-
« vis des pères dè famille dissidents,
« dont elle a énergiquement protégé
« la liberté. Oui, elle a protesté contre
« les violences du Portugal, qui avait
« voulu contraindre les juifs à ém
it brasser la religion catholique,et elle
« a sévèrement blâmé le zèle coupa-
« blé de Louis XIV qui enlevait les
« enfants des protestants pour en faire
« des catholiques. » M. Keller a ter
miné ce beau discours, aux applau
dissements de la droite, par une élo
quente protestation contre les outra
ges prodigués à la foi, à la vertu reli
gieuse la plus haute et la plus
pure. Lui, qui est résolument anti-
boulangiste, il a montré aux persé
cuteurs la nation rejetée d'instinct
vers l'homme, quel qu'il soit, qui lui
offre une protection.
Venait ensuite le tour» de M. Ribot,
« feu le centre gauche ». On attendait
cette manifestation avec curiosité et
impatience; on a éprouvé de la décep
tion. Pour un homme ayant du tem
pérament, l'occasion était propice de
répudier des complicités, d'offrir une
solution, tout au moins d'accomplir
un de ces actes de sacrifice et d'en
thousiasme qui sauvent l'honneur ;
mais ces procédés ne sont pas suffi
samment académiques ; et M. Ri
bot est pétri d'éléments académi
ques. Donc, il a disserté grave
ment, douegment, longuement, sui
vant la formule. Il a déroulé à pro
fusion ses phrases élégantes, mais
ternes, d'un air convaincu, mais
triste. Sa voix, ordinairement étouf
fée, était lugubre. A plusieurs mo
ment, on a cru qu'il allait se défiger
et enfin une bonne fois perdre la tête
sous le coup d'une inspiration qui
vaut mieux que toutes les périodes les
plus pompeuses et les mieux ciselées :
vain espoir. Il est enveloppé dans la
correction comme dans un suaire.
Très grand, immense, maigre, dégin
gandé, la tête longu3 chargée de longs
cheveux grisonnants, il semble se te
nir debout avec difficulté ; la redin
gote déboutonnée, il met le poing gau
che sur la hanche et agite le droit circu-
lairement comme en tournant une
manivelle ; il regarde le plafond d'un
œil doux et langoureux.Du talent sans
doute et du très beau, mais du talent
pour gémir, pour constater la défaite
et même pour, l'augmenter. La thèse
de M. Ribot est simple : pourquoi donc
avez-vous renversé le centre-gauche ?
Tous ses arguments tendent à dé
montrer que ce fut une faute capitale
et que tous nos malheurs viennent de
là. Car, de la complicité des modérés
avec les jacobins, M. Ribot ne songe
Ï>as à se repentir : la laïcisation comme
'obligation et la gratuité actuelles lui
paraissent justes et toujours nécessai
res. Si le système donne des résultats
affreux c'est parce qu'il est en des mains
inexpérimentées ou cruelles ; et alors
le refrain : Pourquoi donc avez-vous
renversé le centre-gauche? L'éloquent
et pauvre M. Ribot a été très malmené
par M. Clémenceau, qu'il a vainement
adjuré, caressé, grondé. Les ferrystes
ont été froids. Les quelques rares ha
bitants de la région où l'on rencontre
M. Frédéric Passy ont applaudi. C'é
tait vraiment triste.
Avec M. Goblet, le spectacle a
changé du tout au tout. Ce n'était pas
delagaîté encore, mais c'était l'ani
mation, et le diable sait laquelle.
D'abord, physiquement, l'opposition
des deux orateurs est étrange ; après
le plus grand, le plus petit ; puis
la différence de leur caractère : après
le langoureux M. Ribot, le rageur
M. Goblet , et rageur comme on
ne l'avait jamais vu, rouge, ■ trépi
gnant, grinçant, mordant, grisé de
méchanceté. Encore un pacificateur,
s'il vous plaît ! Il s'en est donné, de la
pacification, à rendre jaloux M. Glé
menceau. Tout en déclarant ne vou
loir pas répondre à la droite, il lui a
répondu longuement et frénétique
ment, pour avoir l'occasion de célé
brer le triomphe de la société laïque,
pour faire sa profession de foi libre-
penseuse, pour rompre avec le catho-
cisme, auquel il n'accorde rien de plus
qu'un respect platonique et provi
soire. «Il estclair que pour M. Ferry, si
« l'Eglise n'est pas une puissance ri-
« vale, elle a le caractère d'une insti-
« tution durable , qui s'impose à l'Etat
« et à la société civile. Eh bien, pour
« nous y elle ne peut avoir ce caractère.
« Nous qui sommes définitivement
« affranchis, nous ne pouvons plus
« considérer l'Eglise que comme une
« association formée en vue d'opi-
« nions et de croyances auxquelles
« l'Etat doit demeurer complètement
pelant que le ministère radical dont il
a fait partie a déposé un projet de loi
pour préparer la séparation de l'E
glise et de l'iLtat et régler le sort
des congrégations, a signifié en ces
termes congé à l'Eglise : « Nous
« pensons qu'il n'est pas possible de
« considérer indéfiniment la religion
« et le service du culte comme un
« service public ».
Une assez forte partie de la gauche
a vivement applaudi ces déclarations
radicales. Quant à M. Glémenceau, il
exultait, ayant trouvé l'allié qu'il cher
chait. Après a;voir menacé les cléri
caux, M. Goblet s'est jeté sur son an
cien ami, M. Ferry, et l'a griffé,
mordu, piétiné. Il lui a reproché d'a
voir ouvert cette discussion, d'avoir
offert la paix à la droite, d'avoir aban
donné un débat passionné, engagé
par lui, Ferry. Il a déclaré qu'il ne
voulait pas de lui pour chef ; et que
d'ailleurs « le parti républicain n'a
pas besoin d'un chef » et qu'il lui suf
fit d'une doctrine. M. Goblet, rassasié
de radicalisme, est en route pour l'a
narchie; et c'est la haine de M. Ferry-
qui le stimule. Que ces messieurs s'ar
rangent, c'est leur affaire ; mais le
public était stupéfait de ce déborde
ment d'animosité. C'est un cas patho
logique. V.
La discusssion est close.
Le résultat est-il considérable ? Il se
réduit à ceci: M. Ferry dit: « Pour
quoi m'avez-vous renversé ?» ; M. Ri
bot : « Pourquoi avez-vous renversé le
centre-gauche? » ; M. Goblet : « Pour
quoi avez-vous renversé le ministère
dont j'étais? » Chacun d'eux offre sa
personne, et avoue n'avoir rien de
mieux pour inspirer la confiance.
Ils offrent la paix à l'Eglise, mais
avec des blasphèmes et des menaces
(sauf de la part de M. Ribot). Ils cons
tatent leur situation désespérée, et ils
refusent de se repentir. Ils affirment
leur union,et ils se déchirent.
C'est la fin de ce parti qui, depuis
dix ans, opprime laFrance, autant par
le mensonge que par l'arbitraire ; de
ce parti qui a faussé toutes les no
tions, qui a confondu la science avec
le charlatanisme, qui a fait de la liber
té le drapeau d'une oppression abomi
nable, qui laisse ses passions haineuses
l'emporter à jamais sur ses hypocrites
formules de fraternité.
Le commencement de la séance
avait fait éclater un magnifique chari
vari. Les affaires d'Angoulême en
étaient l'occasion. M. Constans, ques
tionné par M. Gellibert des Séguins,
s'est déclaré résolu à frapper les bou-
langistes. On a repoussé à un mois des
interpellations présentées par MM. de
Cassagnac et Le Hérissé. Pendant une
heure, le tapage a été formidable. Le
président a rappelé presque tout le
monde à l'ordre et a failli se couvrir et
suspendre la séance. Il y a des chances
pour que nous le voyions un de ces
jours apparaître, le chapeau symboli
que qui manifeste les grandeurs du
régime parlementaire.
E ugène T avernieb.'
La remise de la barrette
AUX NOUVEAUX CARDINAUX
Le Journal officiel publie le récit
complet de cette cérémonie. Pour
compléter notre précédent compte
rendu, nous empruntons à ce récit le
texte de la réponse du président de
la République à l'allocution de S. Em.
le cardinal Richard, parlant au nom
des trois cardinaux :
~ Messieurs les cardinaux,
L'honneur de vous remettre les insignes
de la haute dignité par laquelle le Souve
rain Pontife reconnaît et consacre les ser
vices, les lumières et les vertus des mem
bres les plus illustres de l'épiscopat, est une
prérogative des fonctions auxquelles m'ont
appelé les mandataires de mon pays.
" Je suis heureux de remplir, en cette cir
constance solennelle, la mission qui m'est
confiée, et de manifester ainsi la part que
l'autorité civile a prise à votre élévation à
la dignité cardinalice.
Si vous aimez à voir, avant tout, dans
l'honneur qui vous est déféré, un témoi
gnage de distinction accordé aux grandes
Eglises de Paris, Lyon et Bordeaux, veuil
lez croire que bien d'autres titres vous ap
pelaient à le recevoir.
Parmi eux je veux signaler le zèle éclairé
que vous avez toujours montré pour main
tenir l'accord entre le pouvoir civil et l'au
torité spirituelle. Tout récemment encore,
Eminence, vous appeliez, dans les termes
les plus élevés, tous les hommes de bonne
loi à s'unir pour la paix et la prospérité de
la France.
Vous pouvez être certains, et vous don
nerez l'assurance au Saint-Père, que le
gouvernement de la République est heu
reux de voir propager ces sentiments de
concorde. Je vous en remercie comme d'un
service rendu à la France autant qu'à l'E
glise.
J'ai été profondément touché des vœux
que vous avez bien voulu exprimer pour le
président de la République et pour sa fa
mille, et je vous prie d'agréer mes remer
ciements, en même temps que mes féli
citations dans ce jour qui couronne si digne
ment votre brillante carrière.
Voici maintenant la discours pro
noncé par Mgr Gasparri, ablégat pour
S. Em. le. cardinal Richard :
Excellentissime Prseses,
Léo XIII Pontifex Maximus consistorio
nuper habito Antistitem principis hujus ci-
vitatis ad Gardinalatus fastigium evehere
dignatus est, mihi demandato munere am-
plissimse dignitatis insigne purpureum bir-
retum a té imponendum eidem deferendi :
quo sapientissimus et amantissimus Pater
I et novum praebuit argumentum sniinGal-
licam Ecclesiam amoris, et tanti archiprœ-
.sulis labores aevirtutes dignis honoribus
jrependit. " - 1 ;
! Ilic enim anuos viginti natus, divitis, an-
tiqusB, nobilisque. familise unicum germen,
posthabitis honoribus ac sœcularibus digni-
tatibus, quarum ipsi spes affulgebat, in
seminarium a S. Sulpitio nuncupatum se
recepit, ubipietatis, diligentiœ ac disciplinée-
cullu universis exemplofuit. Vix sacerdotio
auctus, ministeriis ecclesiasticis ea animi
alacritate sese addixit ut, fractis viribus, in
gravem morbum inciderit. Divin te Provi-
dentiee consiliis, ad majora eum vocantis
inse'rviens, penitiorem. sacra theologiee ac
liturgiœ scientiam ex puris romanse sapien-
tiœ fontibus integro trienno hausit, et si-
muljuricanonicosedulam dédit operain, Ec-
clesiarum pastoribus nonulili tantum,verum
etiam necessario. Ecquis ignorât quanta
deinde prudentia in Nannetensi Eoclesia vi-
carii generalis offîcio per viginti et ultra
anos pcrfunctus sit, postea vero Bellicen-
som rexerit episcopus consecratus? Ast
cum cardinalis Guibert, vïr recolendse mé
morisé, accuratissimus rerum hominumque*
œstimator, suum coadjutorem, futurum
socçesgorem in Parisiensi sede ipsum ex-
postulavit ac obtinuit, tune par ejus zelo
ac animi magnitudini campus patuit. Tam
sublimi loco positus sive "uti coadjutor,
sive uti titularis paslor, animarùm saluti
curandae unice intentus luculeutissitua dédit
virlutum omnium apostolicarum exempla.
Austeritate vitee, liberalitate in pauperes,
quee redditus omnes absumit, eximia rerum
ecclesiasticarum scientia, suavitate iogenii
quaj nunquam perturbatur, prudenti ac
firmo clericalis disciplinée studio, filiali erga
Sedem Apostolicam devotione, hanc illus
trera Ecclesiam maxime cohonestavit, om-
niumque animas sibimet conciliavit.
Hfflc spectans summus Pontifex, cui nil
magis cordi est quam virtute ac scientia
prœclaros ad ecclesiasticas dignitates. pro-
, moveat, tam insignem prœsulem in Sena-
tum Sacrorum Romanse Ecclesise Princi-
pnm cooptatumvoluit. Pro ea necessitudiue
quae mihijam cum hac diœcesi intercedit,
maxime gratulor operam meam qualis de-
mum cumque ea sit, in talem virnm re-
ferri qui Parisiensis Ecclesiœ ac totius
Gallite decus est et ornamentum. Intérim
hanc solemnem nactus occasionem tibi,
excellentissime Prœ3es, atque nobilissimœ
Gallorum genti, qua) ob praeclara in Eccle
siam mérita nomen ehristianissimee ac pri-
mogenitae Ecclesiœfilice jure est assequuta,
fausta quœqae ac felicia tota mente, toto-
que animo exopto atque ominor.
Après ce discours et ceux des deux
autres ablégats, que nous avons pu
bliées précédemment, M. Carnot a
dit :
Messieurs les ablégats,
Soyez les bienvenus dans notre pays de
France, dont vous parlez avec tant d'élo
quence et de sympathie dans cette belle
langue dont l'Église a su s'approprier et
conserver l'usage.
J'accepte volontiers, de vos mains, ces
brefs par lesquels le Souverain Pontife vous
accrédite auprès du gouvernement de la
République, et je viens d'entendre avec
plaisir l'éloge des éminents prélats appelés
aujourd'hui à la haute dignité du cardina
lat. Recevez mes remerciements, messieurs
les ablégats, pour les paroles obligeantes
que vous avez adressées au Président de
la République et pour les vœux que vous
formez pour la grandeur et la prospérité
de la France. ;
A la suite de la cérémonie, les per
sonnages officiels qui y avaient assisté
ont été retenus à déjeuner par le pré
sident de la République.
Voici à ce sujet la note publiée par
l'Agence Havas :
Mme Carnot avait à sa droite Mgr Ri
chard, archevêque de Paris, et à sa gau
che Mgr Foulon, archevêque de Lyon.
M. Carnot avait à sa droite Mgr Gail-
bert, archevêque de Bordeaux, et à sa gau
che Mgr Rotelli.
Assistaient également à ce déjeuner :
MM. Tirard, président du conseil ; Théve-
net, ministre de la justice ; Spuller, minis
tre des affaires étrangères; Mgr Averardi,
lès trois ablégats, leurs trois gardes-nobles
et les trois vicaires généraux ; M. Dumay,
directeur des cultes; M. Le Rebours, curé
de la Madeleine ; M. le comte d'Ormesson,
directeur du protocole ; M. le général Bru-
gère, secrétaire général de la présidence ;
M. de Gourlet, régisseur du palais de l'E
lysée ; M. Paul Arrivière, secrétaire parti
culier de M. Carnot ; les officiers d'ordon
nance du président de la République ; les
fils de M. Carnot et M. Mollard.
Après le déjeuner, les trois nouveaux
cardinaux ont été reconduits chacun
à son domicile particulier, avec les
mêmes honneurs dont on avait usé
(jour les amener au palais de l'E-
ysée.
Correspondance romaine
Rome, le 10 juin 1889.
L'immonde apostat est enfin ins
tallé à Rome et 1 anticléricalisme a pu
le célébrer hier, grâce à la protection
de M. Grispi.
Nous avons assisté au cortège le
plus grotesque qu'on puisse imaginer.
Figurez-vous une alliance entre mo
narchistes, socialistes, révolutionnai
res, nihilistes, paysans et écoliers,
employés gouvernementaux et la so
ciété des garçons de café sans place,
forçats et magistrats : tout se don
nait la main pour fraterniser dans
l'anticléricalisme.
Déjà nous avons vu ce même spec
tacle il y a un an, lors des élections
municipales. Alors, comme hier, les
éléments les plus hybrides se sont ac
couplés pour pousser hors du Gapitole
les catholiques.Quoi qu'en disent donc
les journaux, la fête d'hier avait ab
solument un caractère très hostile aux
catholiques. Dès le matin," de très
bonne heure, la ville a été occupée mi
litairement. Toute la troupe était sous
les armes. Au Vatican, les portes
avaient êi& fermées, et sous la colon
nade de Saint-Pierre bivouaquaient les
bersaglieri et les soldats delà ligne.
Dans les rues du Borgo, partout, des
détachements et des patrouilles de
soldats. Au pont Saint-Ange, une com
pagnie du génie surveillait les pas
sants et au château Saint-Ange toute
la garnison était prête sous les armes.
Dans le reste de la ville, même spec
tacle; déploiement inouï de force;
les soldats avaient la baïonnette au
fusil. Les points les plus inquiétants
étaient le Campo dei Fiori et le palais
de Venise,siège de l'ambassade d'Autri
che près le Saint-Siège. Les deux en
droits étaient absolument cernés par
la troupe.
Les cercles, associations et dépu-
tations se sont réunies de bon matin
sur la place des Thermes, où l'on pou
vait admirer une Collection de pana
ches et d'uniformes dignes d'une foire
de village.
L'amour de l'uniforme et. du clin-,
quant a été poussé en Italie à un ex
cès dont on n'a pas d'idée. Chaque vil
lage a sa fanfare et chaque fanfare
son uniforme. Il y en a de rouge écar-
late, de bleu, de vert, de jaune, à pa
rements et panaches de quoi faire la
joie de tous les marmots.
Les tailleurs, cordonniers, garçons
perruquiers, travestis en généraux, se
plaisent surtout à traîner un grand
sabre de cavalerie.
Les musiques, venues de tous les
côtés, se sont rangées, les drapeaux,
labarums, bannières multicolores, ont
été déployés et on s'est mis en rouie.
Une fanfare a joué la Marseillaise.
« Oh ! Dieu, dit Fanfulla, l'organe de
la cour, voici une fausse note, on
joue la Marseillaise ; mais aussitôt des
sifflets invitent les musiciens à se taire.
Heureusement, l'affaire n'a pas eu de
suite. »
Le patriotique conseil municipal de
Paris peut en être satisfait.
Il est vrai que, la veille, la Tribuna
avait déjà déclaré que la décision du
conseil municipal da Paris était trop
platonique et qu'on ne lui en saurait
pas gré.
Un petit traité de commerce serait
certes plus agréable aux Italiens.
Les radicaux de France n'y seraient
peut-être pas contraires : ils fraterni
sent toujours avec joie avec les francs-
maçons, même italiens, quoique le
grand chef de la loge ait crié sus
aux Français dans une dernière cir
culaire.
Le cortège a duré près de deux heu
res. Les garibaldiens et les étudiants
en casquettes de couleur ouvraient la
marche. Venaient ensuite les députa-
tions, toute la franc-maçonnerie avec
la branche d'acacias et plus de 50
drapeaux, les drapeaux noirs des so
cialistes et nihilistes, les drapeaux
rouges des révolutionnaires de la Ro-
magne, etc.
Un drapeau qui a intéressé particu
lièrement, c'est celui des anciens for-
' çats et condamnés du gouvernement
pontifical. Sur un fond noir on avait
indiqué le drapeau jaune et blanc des
Papes, et là-dessus deux mains liées
par des menottes et entourées de chaî-
neSiAu -dessus,une louve dorée foulant
aux pieds la tiare. Le point le plus
difficile du cortège était la place de
Venise, à cause de l'ambassade d'Au
triche près le Saint-Siège. Le mot
d'ordre a été fidèlement observé. On
affectait particulièrement devant le
palais les cris de: «Vive la liberté ! Vive
Giordano Bruno»! Des regards mo
queurs et significatifs étaient lan
cés contre les armoiries d'Autriche,
l'hymne de Garibaldi Fuori lo straniero
était entonné avec plus de vigueur.
Les étudiants, en signe de mépris pour
l'Autriche, ont abaissé et caché leurs
bannières ! ! !
Pendant que le cortège traversait
ainsi la ville au milieu d'une foule de
curieux, sans grands applaudisse
ments, on découvrait sur la place du
Campo dei Fiori le monument.
Les tribunes étaient combles ; le
syndic, la commission du monument,
la députation du Parlement avaient
pris place dans l'enceinte réservée.
L'acte du notaire étant dressé, le
syndic a pris possession du monument
et a prononcé un court et insignifiant
discours.
Le maire de Noie a demandé la pa
role pour dire qu'il était fier de voir
Rome célébrer son compatriote ; enfin
le professeur Bovio a pris la parole.
Je cite les passages les plus importants
de son discours :
Cette inauguration devrait être faite par
un peuple muet, comme une personne qui
accomplit un acte solennel de religion. Le
peu de mots que je dirai pour rompre ce
silence ne seront que de simples déclara
tions. La papauté sent une douleur plus
vive pour la date du 9 juin qu'elle n'en a
ressenti pour celle du 20 septembre. Cette
date marquait une fin, celle d'aujourd'hui
marque un prineipe.Le20 septembre,l'Italie
entrait à Rome, étant arrivée au terme de
son voyage; le 9 juin, Rome inaugure la
religion do la pensée, principe d'une ère
nouvelle. La déesse Raison, déesse in
tolérante, n'entre pas à Rome , qui
avait ouvert le Panthéon à toutes les
religions. De nouvelles idoles ne vien
nent pas (s'y faire adorer, ici, où ré
sonne encore le mot du Christ : « Après
moi il n'y aura pas de prophètes; » Cela
est bien compris par les nations qui inter
viennent à cette fête. De même que 313
à Milan fixait par décret impérial la data
officielle de la religion chrétienne, ainsi la
date du 9 juin à Rome ouvrira l'ère de la
nouvelle religion de la pensée, avec le con-'
sentement de tous les peuples. Si à Lon
dres deux reines recherchent la tête l'une
de l'autre, et si l'une la laisse dans la main
de : l'autre, c'est la lutte 'des dogmes de
deux religions révélées. Entre les deux sa
présente Bruno, l'exilé italien, qui offre une
idée digne des destinées de l'humanité, la
religion de la pensée.
L'orateur a continué en disant que
l'ère nouvelle inaugurée le 9 juin se
rait une ère de grande tolérance, de
liberté pour toutes les doctrines et
toutes les religions. —• Nous en avons
évidemment la preuve sous les yeux ! !
Il prétend qu'aucune idée de ven
geance ne se cache sous ce monument
qui ne doit inspirer à personne des
sentiment de haine. — Mais le monu
ment lui-même n'est-il pas l'œuvre de
la haine anticléricale? Enfin paro
diant indignement le mot de catholi-,
que, il dit "qu'une nouvelle religion
catholique > c'est-à-dire universelle,
surgit à Rome, et Romo est digne de
devenir ainsi une troisième fois la ca
pitale du monde.
« Le Pape Aldobrandini, dit-il,
qui faisait couronner le Tasse et
brûler Giordano Bruno, ignorait les
doutes de l'un et les affirmations
de l'autre. Son successeur, qui voit
d'un regard pensif ce monument,
ne se laissera pas éclairer par une
parole. Il n'est pas heureux, ce
vieux, victime plus que Bruno de ses
dogmes. Il comprend que, tandis que
l'Italie et le monde civilisé se trouvent
ici, lui, dans son amère solitude, en
tend ces paroles d'un philosophe tué :
« Persévère, et rassure-toi, ô Bruno,
car tous verront ce qUetu vois; tous,;
dans leur bonne conscience, te juge
ront favorablement.
« 0 Rome, c'est aujourd'hui que
vraiment tu déviens universelle et que
tu as droit au nom de catholique,
non prononcé par le dogme, mais
par la pensée concorde des nations. »
Après ce discours, les associations
ont défilé et se sont rendues au Capi-
tole, où l'on a fait la' commémoraison
de Garibaldi.
Le député Imbriani a pris la parole
Sour célébrer les gloires du « héros
es deux mondes » et y a mêlé des al
lusions irrédentistes contre l'ennemi
abhorré, l'Autriche. On a applaudi et
crié : Vive Trente et Trieste !
Enfin, comme dans la chanson, ce
fut fini et chacun s'en alla ban
queter.
Les banquets ont maintenu l'ordre,
car pendant ce temps-là les rues
étaient désertes. La plupart des Ro
mains se trouvaient à la campagne,
aussi l'on pouvait remarquer bon nom
bre de maisons closes.
Le soir, musique sur la place et
quelques cris de Mort aux prêtres ! Un
gamin avait osé pousser le même cri
sous le Vatican, mais j'ai vu un bon
paysan lui administrer une si belle
correction de coups de poing que tou
tes ses ardeurs anticléricales ont dù
être calmées.
Aujourd'hui nous sommes encore
en état de siège. Partout la troupe
comme hier et mêmes ordres sévères.
M- Grispi se défie de ses amis.
Cependant il sait bien jouer sa co
médie.
La haute cour
On lit dans l'Echo de Paris :
Le brait a couru hier soir que de nouvelles
perquisitions avaient eu lieu.
M. Clément, commissaire de police aux délé
gations judiciaires, ayant mandat de M. lo pré
sident Merlin, se serait rendu, à cet effët, chez
un ex-haut fonctionnaire du ministère de l'in
térieur.
A l'heure où nous mettons sous presse, nous
n'avons pu contrôler cette nouvelle, que nous
donnons sous toutes réserves.
. La Jeune République croit que ce haut
fonctionnaire ne serait autre que M. Gra-
gnon.
-r- Le Journal de Genève raconte que son
correspondant parisien a eu lundi une en
trevue avec un sénateur très influent, an
cien ministre, qui lui a annoncé que la
commission d'instruction de la haute cour
de justice conclurait aU renvoi du général
Boulanger devant un conseil de guerre, et
rendrait une ordonnance de non-lieu en fa
veur du comte Dillon et de M. Rochefort.
—= Les Tablettes d'un Spectateur croient
pouvoir affirmer que les papiers saisis chez
M. le sous-intendant Reichert lui auraient
été restitués après avoir été examinés par
la commission de la haute cour.
Nous eu doutons un peu.
Le Parti boulanglsta
L'un des vingt-quatre arrêtés d'Angou
lême, M, Pierre Richard, secrétaire de la
Ligue des patriotes, est arrivé h Paris.
Il adresse à ses amis la lettre suivante :
Cher monsieur,
Les journaux officieux s'obstinent à dire que
c'est Paul Déroulède qui a pris au collet le com
missaire central d'Angoulême. Je vous prie de
démentir à nouveau cette version malveillante
et invraisemblable.
J'ai assisté & la scène et voici ee qui s'est
passé :
«
N» 7834 m Editîsa ÇTutïdleaM
Jeudi 13 Juin 1883
ÉDITION QUOTI DIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an. »... 55 » 63 »
Sis mois. ... .23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
^«abonnements partent dos 1" et te de chaque mois
UN NUMÉRO { Décernante! 20
BUREAUX : Paris, 10, rue deB Saints-Pères
On s'abonne & Rome, place dn Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS
et départements
Un an. .... 30 »
Six mois. ... 16 »
Trois mois. , . 8 50
ÉTRANGER
(union postale)
36 »
19 I
10 »
Les abonnements partent des 1" et 16 do chaque moM
L 'UNIYERS ne répond pas des manuscrits qui loi sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÀNGE, CERF et C' 6 , 6, place de la Bourse
FRÀNGB
PARIS, 12 JUIN 1889
Les événements d'Angoulême, les
députés étant maintenus en état d'ar
restation, devaient avoir leur contre
coup à la Chambre des députés. M.
Gellibert des Séguins a posé une ques
tion au ministre de l'intérieur; la ré
ponse de M. Constans n'ayant pas paru
satisfaisante, MM. de Gassagnac et Le
Hérissé ont tous les deux demandé à
transformer la question en interpella
tion. Gela a soulevé un orage à la suite
duquel l'interpellation a été renvoyée
à un mois. M. Constans peut faire
tout ce qu'il veut.
On est revenu à la discussion géné
rale du budget de l'instruction publi-
3ue ; M. Keller a fait une forte critique
e la politique républicaine sur le ter
rain ae l'enseignement; M. Ribot a
refait sans succès le discours de M.
Jules Ferry, et M. Goblet, avec plus
de succès, celui de M., Clémenceau.
On a voté ensuite les -trois premiers
chapitres du budget de l'instruction
publique.
Arrivons-nous à la conclusion des
travaux de la commission d'instruc
tion de la haute cour? On l'annonce
de tous les côtés, et l'on ne parle plus
des papiers récemment trouvés qui
devaient entraîner un supplément
d'instruction. M. Merlin et ses aco
lytes se seraient-ils trompés une fois
de plus?
Dans tous les cas, il serait temps
d'en finir et de retirer à M. Merlin les
pouvoirs dont il fait ;ùn si maladroit
abus. L'arrestation d'un officier supé
rieur, M. Reichert, dans les conditions
que l'on sait, donne la mesure du per
sonnage,que sa situation a grisé.
C'est aujourd'hui que les commis
sions militaires du Sénat et de la
Chambre des députés doivent se réu
nir pour la première fois pour exami
ner ensemble la loi militaire. Des ren
seignements donnés par certains jour
naux il ressort que, dans les. hautes
régions officielles, on désire que les
deux commissions fassent vite. Nous
souhaitons que, dans l'intérêt de la
grandeur et de la sécurité de la Fran
ce, elles se soucient surtout défaire
bien.
Le candidat radical, M. Janson, a
triomphé à Bruxelles; les libéraux,
subissant le joug des radicaux, ont
voté pour lui ; les abstentions ont été
encore nombreuses.
Fidèles à leurs traditions, les radi
caux et libéraux de Bruxelles ont célé
bré leur victoire par des désordres; la
police a dû intervenir.
Il ne faut pas attribuer à cette vic
toire des libéraux plus d'importance
qu'elle n'en a; le ministère catholique
conserve sa forte majorité; à Bruxelles
même, le candidat conservateur a une
forte minorité, et les journaux faus
sent impudemment la situation, qui
osent dire que ce vote entraîne la dé
mission du ministère. Est-ce que MM.
Carnot et Tirard ont cru devoir se re
tirer après l'élection du 27 janvier, où
ils étaient-bien autrement battus que
le ministère Beernaert? .
Gomme le dit le Cowrier de Bruxel
les, « si les catholiques bruxellois n'ont
pas triomphé, ils ont sauvé l'honneur
et l'avenir; seuls, ils ont lutté pour la
religion et pour la liberté , pour la
constitution, pour la monarchie, pour
l'ordre public, pour toutes les institu
tions que menace la sape révolution
naire. Et si, en défendant de si pré
cieux intérêts, ils sont restés en mi
norité à Bruxelles, c'est un accident,
ce n'est pas un désastre. »
Les rapports entre le gouvernement
allemand et le gouvernement suisse
sont de plus en plus tendus. Le mi
nistre allemand à Berne a fait des me
naces ; on parle de mesures de police,
d'un « blocus économique »; les jour
naux officieux de M. de Bismarck
sont très violents contre là Suisse;
par contre,les journaux de l'Allemagne
du Sud, même ceux qui sont natio
naux-libéraux, se montrent opposés
aux mesures de rigueur parce que les
intérêts de l'Allemagne du Sud seraient
directement atteints.
Jusqu'ici, le gouvernement suisse,
qui est certainement dans son droit,
ne parait pas s'effrayer beaucoup.
Le débat solennel et passionné pro
voqué par M- Ferry s'est terminé nier,
après un septième ou un huitième
engagement, qui a jeté plus d'un mort
sur le terrain et qui a porté au comble
la désunion de l'armée républicaine. Les
vainqueurs se retirentdans ledésordre,
dans le pêle-mêle, exaspérés les uns
contre les autres,se portant des défis.
Leur chef, qui pensait relever son pres
tige contesté, l'a vu nier durement et
formellement. L'un des lieutenants a
déclaré que les républicains n'ont pas
besoin de chef et qu'une doctrine leur
suffit. La doctrine* ils la possèdent :
c'est la guerre à outrance, qu'ils ap
pellent la paix. Ils n'ont rien autre
dans la tête ou dans le cœur. La hai
ne qu'ils ont nourrie contre la religion
les dévore et le3 rend fous.
Aux discours prononcés samedi par
MM. Lockroy et Clémenceau, JM. Kel
ler a fait une solide réponse. Le sa
vant orateur catholique s'est indigné
que le vaudevillistë Lockroy ait osé in
voquer en faveur de l'instruction obli
gatoire le nom d'Augâstin Cochin :
« Vous n'avez même pas respecté sa
« tombe. Vous avez enassé les sœurs
« qui veillaient sur sa dernière de-
«, meure et sur l'hospice fondé par sa
« famille Il a pu parler d'obliga-
« tion, car l'Eglise elle-même, qu'on
« calomnie toujours, l'a proclamée
« dans ses conciles, l'a enseignée de
« siècle en siècle aux pères de famille;
« et nous sommes prêts à y souscrire,
« pourvu que vous ne rendiez pas
« obligatoire, pour tous ceux qui ne
« peuvent pas fonder d'école, un en-,
« seignement d'Etat entièrement
« contraire à la liberté de conscien-,
« ce. » Malgré les interruptions d'une
poignée d'enragés, M. Keller a rap
pelé les principes que l'Eglise pro
fesse et pratique envers les dissi
dents : « L'Eglise a toujours posé,
« comme fondement de la liberté, la
« distinction du pouvoir spirituel et
« du pouvoir temporel... Elle n'a
« jamais pratiqué l'intolérance vis-à-
« vis des pères dè famille dissidents,
« dont elle a énergiquement protégé
« la liberté. Oui, elle a protesté contre
« les violences du Portugal, qui avait
« voulu contraindre les juifs à ém
it brasser la religion catholique,et elle
« a sévèrement blâmé le zèle coupa-
« blé de Louis XIV qui enlevait les
« enfants des protestants pour en faire
« des catholiques. » M. Keller a ter
miné ce beau discours, aux applau
dissements de la droite, par une élo
quente protestation contre les outra
ges prodigués à la foi, à la vertu reli
gieuse la plus haute et la plus
pure. Lui, qui est résolument anti-
boulangiste, il a montré aux persé
cuteurs la nation rejetée d'instinct
vers l'homme, quel qu'il soit, qui lui
offre une protection.
Venait ensuite le tour» de M. Ribot,
« feu le centre gauche ». On attendait
cette manifestation avec curiosité et
impatience; on a éprouvé de la décep
tion. Pour un homme ayant du tem
pérament, l'occasion était propice de
répudier des complicités, d'offrir une
solution, tout au moins d'accomplir
un de ces actes de sacrifice et d'en
thousiasme qui sauvent l'honneur ;
mais ces procédés ne sont pas suffi
samment académiques ; et M. Ri
bot est pétri d'éléments académi
ques. Donc, il a disserté grave
ment, douegment, longuement, sui
vant la formule. Il a déroulé à pro
fusion ses phrases élégantes, mais
ternes, d'un air convaincu, mais
triste. Sa voix, ordinairement étouf
fée, était lugubre. A plusieurs mo
ment, on a cru qu'il allait se défiger
et enfin une bonne fois perdre la tête
sous le coup d'une inspiration qui
vaut mieux que toutes les périodes les
plus pompeuses et les mieux ciselées :
vain espoir. Il est enveloppé dans la
correction comme dans un suaire.
Très grand, immense, maigre, dégin
gandé, la tête longu3 chargée de longs
cheveux grisonnants, il semble se te
nir debout avec difficulté ; la redin
gote déboutonnée, il met le poing gau
che sur la hanche et agite le droit circu-
lairement comme en tournant une
manivelle ; il regarde le plafond d'un
œil doux et langoureux.Du talent sans
doute et du très beau, mais du talent
pour gémir, pour constater la défaite
et même pour, l'augmenter. La thèse
de M. Ribot est simple : pourquoi donc
avez-vous renversé le centre-gauche ?
Tous ses arguments tendent à dé
montrer que ce fut une faute capitale
et que tous nos malheurs viennent de
là. Car, de la complicité des modérés
avec les jacobins, M. Ribot ne songe
Ï>as à se repentir : la laïcisation comme
'obligation et la gratuité actuelles lui
paraissent justes et toujours nécessai
res. Si le système donne des résultats
affreux c'est parce qu'il est en des mains
inexpérimentées ou cruelles ; et alors
le refrain : Pourquoi donc avez-vous
renversé le centre-gauche? L'éloquent
et pauvre M. Ribot a été très malmené
par M. Clémenceau, qu'il a vainement
adjuré, caressé, grondé. Les ferrystes
ont été froids. Les quelques rares ha
bitants de la région où l'on rencontre
M. Frédéric Passy ont applaudi. C'é
tait vraiment triste.
Avec M. Goblet, le spectacle a
changé du tout au tout. Ce n'était pas
delagaîté encore, mais c'était l'ani
mation, et le diable sait laquelle.
D'abord, physiquement, l'opposition
des deux orateurs est étrange ; après
le plus grand, le plus petit ; puis
la différence de leur caractère : après
le langoureux M. Ribot, le rageur
M. Goblet , et rageur comme on
ne l'avait jamais vu, rouge, ■ trépi
gnant, grinçant, mordant, grisé de
méchanceté. Encore un pacificateur,
s'il vous plaît ! Il s'en est donné, de la
pacification, à rendre jaloux M. Glé
menceau. Tout en déclarant ne vou
loir pas répondre à la droite, il lui a
répondu longuement et frénétique
ment, pour avoir l'occasion de célé
brer le triomphe de la société laïque,
pour faire sa profession de foi libre-
penseuse, pour rompre avec le catho-
cisme, auquel il n'accorde rien de plus
qu'un respect platonique et provi
soire. «Il estclair que pour M. Ferry, si
« l'Eglise n'est pas une puissance ri-
« vale, elle a le caractère d'une insti-
« tution durable , qui s'impose à l'Etat
« et à la société civile. Eh bien, pour
« nous y elle ne peut avoir ce caractère.
« Nous qui sommes définitivement
« affranchis, nous ne pouvons plus
« considérer l'Eglise que comme une
« association formée en vue d'opi-
« nions et de croyances auxquelles
« l'Etat doit demeurer complètement
a fait partie a déposé un projet de loi
pour préparer la séparation de l'E
glise et de l'iLtat et régler le sort
des congrégations, a signifié en ces
termes congé à l'Eglise : « Nous
« pensons qu'il n'est pas possible de
« considérer indéfiniment la religion
« et le service du culte comme un
« service public ».
Une assez forte partie de la gauche
a vivement applaudi ces déclarations
radicales. Quant à M. Glémenceau, il
exultait, ayant trouvé l'allié qu'il cher
chait. Après a;voir menacé les cléri
caux, M. Goblet s'est jeté sur son an
cien ami, M. Ferry, et l'a griffé,
mordu, piétiné. Il lui a reproché d'a
voir ouvert cette discussion, d'avoir
offert la paix à la droite, d'avoir aban
donné un débat passionné, engagé
par lui, Ferry. Il a déclaré qu'il ne
voulait pas de lui pour chef ; et que
d'ailleurs « le parti républicain n'a
pas besoin d'un chef » et qu'il lui suf
fit d'une doctrine. M. Goblet, rassasié
de radicalisme, est en route pour l'a
narchie; et c'est la haine de M. Ferry-
qui le stimule. Que ces messieurs s'ar
rangent, c'est leur affaire ; mais le
public était stupéfait de ce déborde
ment d'animosité. C'est un cas patho
logique. V.
La discusssion est close.
Le résultat est-il considérable ? Il se
réduit à ceci: M. Ferry dit: « Pour
quoi m'avez-vous renversé ?» ; M. Ri
bot : « Pourquoi avez-vous renversé le
centre-gauche? » ; M. Goblet : « Pour
quoi avez-vous renversé le ministère
dont j'étais? » Chacun d'eux offre sa
personne, et avoue n'avoir rien de
mieux pour inspirer la confiance.
Ils offrent la paix à l'Eglise, mais
avec des blasphèmes et des menaces
(sauf de la part de M. Ribot). Ils cons
tatent leur situation désespérée, et ils
refusent de se repentir. Ils affirment
leur union,et ils se déchirent.
C'est la fin de ce parti qui, depuis
dix ans, opprime laFrance, autant par
le mensonge que par l'arbitraire ; de
ce parti qui a faussé toutes les no
tions, qui a confondu la science avec
le charlatanisme, qui a fait de la liber
té le drapeau d'une oppression abomi
nable, qui laisse ses passions haineuses
l'emporter à jamais sur ses hypocrites
formules de fraternité.
Le commencement de la séance
avait fait éclater un magnifique chari
vari. Les affaires d'Angoulême en
étaient l'occasion. M. Constans, ques
tionné par M. Gellibert des Séguins,
s'est déclaré résolu à frapper les bou-
langistes. On a repoussé à un mois des
interpellations présentées par MM. de
Cassagnac et Le Hérissé. Pendant une
heure, le tapage a été formidable. Le
président a rappelé presque tout le
monde à l'ordre et a failli se couvrir et
suspendre la séance. Il y a des chances
pour que nous le voyions un de ces
jours apparaître, le chapeau symboli
que qui manifeste les grandeurs du
régime parlementaire.
E ugène T avernieb.'
La remise de la barrette
AUX NOUVEAUX CARDINAUX
Le Journal officiel publie le récit
complet de cette cérémonie. Pour
compléter notre précédent compte
rendu, nous empruntons à ce récit le
texte de la réponse du président de
la République à l'allocution de S. Em.
le cardinal Richard, parlant au nom
des trois cardinaux :
~ Messieurs les cardinaux,
L'honneur de vous remettre les insignes
de la haute dignité par laquelle le Souve
rain Pontife reconnaît et consacre les ser
vices, les lumières et les vertus des mem
bres les plus illustres de l'épiscopat, est une
prérogative des fonctions auxquelles m'ont
appelé les mandataires de mon pays.
" Je suis heureux de remplir, en cette cir
constance solennelle, la mission qui m'est
confiée, et de manifester ainsi la part que
l'autorité civile a prise à votre élévation à
la dignité cardinalice.
Si vous aimez à voir, avant tout, dans
l'honneur qui vous est déféré, un témoi
gnage de distinction accordé aux grandes
Eglises de Paris, Lyon et Bordeaux, veuil
lez croire que bien d'autres titres vous ap
pelaient à le recevoir.
Parmi eux je veux signaler le zèle éclairé
que vous avez toujours montré pour main
tenir l'accord entre le pouvoir civil et l'au
torité spirituelle. Tout récemment encore,
Eminence, vous appeliez, dans les termes
les plus élevés, tous les hommes de bonne
loi à s'unir pour la paix et la prospérité de
la France.
Vous pouvez être certains, et vous don
nerez l'assurance au Saint-Père, que le
gouvernement de la République est heu
reux de voir propager ces sentiments de
concorde. Je vous en remercie comme d'un
service rendu à la France autant qu'à l'E
glise.
J'ai été profondément touché des vœux
que vous avez bien voulu exprimer pour le
président de la République et pour sa fa
mille, et je vous prie d'agréer mes remer
ciements, en même temps que mes féli
citations dans ce jour qui couronne si digne
ment votre brillante carrière.
Voici maintenant la discours pro
noncé par Mgr Gasparri, ablégat pour
S. Em. le. cardinal Richard :
Excellentissime Prseses,
Léo XIII Pontifex Maximus consistorio
nuper habito Antistitem principis hujus ci-
vitatis ad Gardinalatus fastigium evehere
dignatus est, mihi demandato munere am-
plissimse dignitatis insigne purpureum bir-
retum a té imponendum eidem deferendi :
quo sapientissimus et amantissimus Pater
I et novum praebuit argumentum sniinGal-
licam Ecclesiam amoris, et tanti archiprœ-
.sulis labores aevirtutes dignis honoribus
jrependit. " - 1 ;
! Ilic enim anuos viginti natus, divitis, an-
tiqusB, nobilisque. familise unicum germen,
posthabitis honoribus ac sœcularibus digni-
tatibus, quarum ipsi spes affulgebat, in
seminarium a S. Sulpitio nuncupatum se
recepit, ubipietatis, diligentiœ ac disciplinée-
cullu universis exemplofuit. Vix sacerdotio
auctus, ministeriis ecclesiasticis ea animi
alacritate sese addixit ut, fractis viribus, in
gravem morbum inciderit. Divin te Provi-
dentiee consiliis, ad majora eum vocantis
inse'rviens, penitiorem. sacra theologiee ac
liturgiœ scientiam ex puris romanse sapien-
tiœ fontibus integro trienno hausit, et si-
muljuricanonicosedulam dédit operain, Ec-
clesiarum pastoribus nonulili tantum,verum
etiam necessario. Ecquis ignorât quanta
deinde prudentia in Nannetensi Eoclesia vi-
carii generalis offîcio per viginti et ultra
anos pcrfunctus sit, postea vero Bellicen-
som rexerit episcopus consecratus? Ast
cum cardinalis Guibert, vïr recolendse mé
morisé, accuratissimus rerum hominumque*
œstimator, suum coadjutorem, futurum
socçesgorem in Parisiensi sede ipsum ex-
postulavit ac obtinuit, tune par ejus zelo
ac animi magnitudini campus patuit. Tam
sublimi loco positus sive "uti coadjutor,
sive uti titularis paslor, animarùm saluti
curandae unice intentus luculeutissitua dédit
virlutum omnium apostolicarum exempla.
Austeritate vitee, liberalitate in pauperes,
quee redditus omnes absumit, eximia rerum
ecclesiasticarum scientia, suavitate iogenii
quaj nunquam perturbatur, prudenti ac
firmo clericalis disciplinée studio, filiali erga
Sedem Apostolicam devotione, hanc illus
trera Ecclesiam maxime cohonestavit, om-
niumque animas sibimet conciliavit.
Hfflc spectans summus Pontifex, cui nil
magis cordi est quam virtute ac scientia
prœclaros ad ecclesiasticas dignitates. pro-
, moveat, tam insignem prœsulem in Sena-
tum Sacrorum Romanse Ecclesise Princi-
pnm cooptatumvoluit. Pro ea necessitudiue
quae mihijam cum hac diœcesi intercedit,
maxime gratulor operam meam qualis de-
mum cumque ea sit, in talem virnm re-
ferri qui Parisiensis Ecclesiœ ac totius
Gallite decus est et ornamentum. Intérim
hanc solemnem nactus occasionem tibi,
excellentissime Prœ3es, atque nobilissimœ
Gallorum genti, qua) ob praeclara in Eccle
siam mérita nomen ehristianissimee ac pri-
mogenitae Ecclesiœfilice jure est assequuta,
fausta quœqae ac felicia tota mente, toto-
que animo exopto atque ominor.
Après ce discours et ceux des deux
autres ablégats, que nous avons pu
bliées précédemment, M. Carnot a
dit :
Messieurs les ablégats,
Soyez les bienvenus dans notre pays de
France, dont vous parlez avec tant d'élo
quence et de sympathie dans cette belle
langue dont l'Église a su s'approprier et
conserver l'usage.
J'accepte volontiers, de vos mains, ces
brefs par lesquels le Souverain Pontife vous
accrédite auprès du gouvernement de la
République, et je viens d'entendre avec
plaisir l'éloge des éminents prélats appelés
aujourd'hui à la haute dignité du cardina
lat. Recevez mes remerciements, messieurs
les ablégats, pour les paroles obligeantes
que vous avez adressées au Président de
la République et pour les vœux que vous
formez pour la grandeur et la prospérité
de la France. ;
A la suite de la cérémonie, les per
sonnages officiels qui y avaient assisté
ont été retenus à déjeuner par le pré
sident de la République.
Voici à ce sujet la note publiée par
l'Agence Havas :
Mme Carnot avait à sa droite Mgr Ri
chard, archevêque de Paris, et à sa gau
che Mgr Foulon, archevêque de Lyon.
M. Carnot avait à sa droite Mgr Gail-
bert, archevêque de Bordeaux, et à sa gau
che Mgr Rotelli.
Assistaient également à ce déjeuner :
MM. Tirard, président du conseil ; Théve-
net, ministre de la justice ; Spuller, minis
tre des affaires étrangères; Mgr Averardi,
lès trois ablégats, leurs trois gardes-nobles
et les trois vicaires généraux ; M. Dumay,
directeur des cultes; M. Le Rebours, curé
de la Madeleine ; M. le comte d'Ormesson,
directeur du protocole ; M. le général Bru-
gère, secrétaire général de la présidence ;
M. de Gourlet, régisseur du palais de l'E
lysée ; M. Paul Arrivière, secrétaire parti
culier de M. Carnot ; les officiers d'ordon
nance du président de la République ; les
fils de M. Carnot et M. Mollard.
Après le déjeuner, les trois nouveaux
cardinaux ont été reconduits chacun
à son domicile particulier, avec les
mêmes honneurs dont on avait usé
(jour les amener au palais de l'E-
ysée.
Correspondance romaine
Rome, le 10 juin 1889.
L'immonde apostat est enfin ins
tallé à Rome et 1 anticléricalisme a pu
le célébrer hier, grâce à la protection
de M. Grispi.
Nous avons assisté au cortège le
plus grotesque qu'on puisse imaginer.
Figurez-vous une alliance entre mo
narchistes, socialistes, révolutionnai
res, nihilistes, paysans et écoliers,
employés gouvernementaux et la so
ciété des garçons de café sans place,
forçats et magistrats : tout se don
nait la main pour fraterniser dans
l'anticléricalisme.
Déjà nous avons vu ce même spec
tacle il y a un an, lors des élections
municipales. Alors, comme hier, les
éléments les plus hybrides se sont ac
couplés pour pousser hors du Gapitole
les catholiques.Quoi qu'en disent donc
les journaux, la fête d'hier avait ab
solument un caractère très hostile aux
catholiques. Dès le matin," de très
bonne heure, la ville a été occupée mi
litairement. Toute la troupe était sous
les armes. Au Vatican, les portes
avaient êi& fermées, et sous la colon
nade de Saint-Pierre bivouaquaient les
bersaglieri et les soldats delà ligne.
Dans les rues du Borgo, partout, des
détachements et des patrouilles de
soldats. Au pont Saint-Ange, une com
pagnie du génie surveillait les pas
sants et au château Saint-Ange toute
la garnison était prête sous les armes.
Dans le reste de la ville, même spec
tacle; déploiement inouï de force;
les soldats avaient la baïonnette au
fusil. Les points les plus inquiétants
étaient le Campo dei Fiori et le palais
de Venise,siège de l'ambassade d'Autri
che près le Saint-Siège. Les deux en
droits étaient absolument cernés par
la troupe.
Les cercles, associations et dépu-
tations se sont réunies de bon matin
sur la place des Thermes, où l'on pou
vait admirer une Collection de pana
ches et d'uniformes dignes d'une foire
de village.
L'amour de l'uniforme et. du clin-,
quant a été poussé en Italie à un ex
cès dont on n'a pas d'idée. Chaque vil
lage a sa fanfare et chaque fanfare
son uniforme. Il y en a de rouge écar-
late, de bleu, de vert, de jaune, à pa
rements et panaches de quoi faire la
joie de tous les marmots.
Les tailleurs, cordonniers, garçons
perruquiers, travestis en généraux, se
plaisent surtout à traîner un grand
sabre de cavalerie.
Les musiques, venues de tous les
côtés, se sont rangées, les drapeaux,
labarums, bannières multicolores, ont
été déployés et on s'est mis en rouie.
Une fanfare a joué la Marseillaise.
« Oh ! Dieu, dit Fanfulla, l'organe de
la cour, voici une fausse note, on
joue la Marseillaise ; mais aussitôt des
sifflets invitent les musiciens à se taire.
Heureusement, l'affaire n'a pas eu de
suite. »
Le patriotique conseil municipal de
Paris peut en être satisfait.
Il est vrai que, la veille, la Tribuna
avait déjà déclaré que la décision du
conseil municipal da Paris était trop
platonique et qu'on ne lui en saurait
pas gré.
Un petit traité de commerce serait
certes plus agréable aux Italiens.
Les radicaux de France n'y seraient
peut-être pas contraires : ils fraterni
sent toujours avec joie avec les francs-
maçons, même italiens, quoique le
grand chef de la loge ait crié sus
aux Français dans une dernière cir
culaire.
Le cortège a duré près de deux heu
res. Les garibaldiens et les étudiants
en casquettes de couleur ouvraient la
marche. Venaient ensuite les députa-
tions, toute la franc-maçonnerie avec
la branche d'acacias et plus de 50
drapeaux, les drapeaux noirs des so
cialistes et nihilistes, les drapeaux
rouges des révolutionnaires de la Ro-
magne, etc.
Un drapeau qui a intéressé particu
lièrement, c'est celui des anciens for-
' çats et condamnés du gouvernement
pontifical. Sur un fond noir on avait
indiqué le drapeau jaune et blanc des
Papes, et là-dessus deux mains liées
par des menottes et entourées de chaî-
neSiAu -dessus,une louve dorée foulant
aux pieds la tiare. Le point le plus
difficile du cortège était la place de
Venise, à cause de l'ambassade d'Au
triche près le Saint-Siège. Le mot
d'ordre a été fidèlement observé. On
affectait particulièrement devant le
palais les cris de: «Vive la liberté ! Vive
Giordano Bruno»! Des regards mo
queurs et significatifs étaient lan
cés contre les armoiries d'Autriche,
l'hymne de Garibaldi Fuori lo straniero
était entonné avec plus de vigueur.
Les étudiants, en signe de mépris pour
l'Autriche, ont abaissé et caché leurs
bannières ! ! !
Pendant que le cortège traversait
ainsi la ville au milieu d'une foule de
curieux, sans grands applaudisse
ments, on découvrait sur la place du
Campo dei Fiori le monument.
Les tribunes étaient combles ; le
syndic, la commission du monument,
la députation du Parlement avaient
pris place dans l'enceinte réservée.
L'acte du notaire étant dressé, le
syndic a pris possession du monument
et a prononcé un court et insignifiant
discours.
Le maire de Noie a demandé la pa
role pour dire qu'il était fier de voir
Rome célébrer son compatriote ; enfin
le professeur Bovio a pris la parole.
Je cite les passages les plus importants
de son discours :
Cette inauguration devrait être faite par
un peuple muet, comme une personne qui
accomplit un acte solennel de religion. Le
peu de mots que je dirai pour rompre ce
silence ne seront que de simples déclara
tions. La papauté sent une douleur plus
vive pour la date du 9 juin qu'elle n'en a
ressenti pour celle du 20 septembre. Cette
date marquait une fin, celle d'aujourd'hui
marque un prineipe.Le20 septembre,l'Italie
entrait à Rome, étant arrivée au terme de
son voyage; le 9 juin, Rome inaugure la
religion do la pensée, principe d'une ère
nouvelle. La déesse Raison, déesse in
tolérante, n'entre pas à Rome , qui
avait ouvert le Panthéon à toutes les
religions. De nouvelles idoles ne vien
nent pas (s'y faire adorer, ici, où ré
sonne encore le mot du Christ : « Après
moi il n'y aura pas de prophètes; » Cela
est bien compris par les nations qui inter
viennent à cette fête. De même que 313
à Milan fixait par décret impérial la data
officielle de la religion chrétienne, ainsi la
date du 9 juin à Rome ouvrira l'ère de la
nouvelle religion de la pensée, avec le con-'
sentement de tous les peuples. Si à Lon
dres deux reines recherchent la tête l'une
de l'autre, et si l'une la laisse dans la main
de : l'autre, c'est la lutte 'des dogmes de
deux religions révélées. Entre les deux sa
présente Bruno, l'exilé italien, qui offre une
idée digne des destinées de l'humanité, la
religion de la pensée.
L'orateur a continué en disant que
l'ère nouvelle inaugurée le 9 juin se
rait une ère de grande tolérance, de
liberté pour toutes les doctrines et
toutes les religions. —• Nous en avons
évidemment la preuve sous les yeux ! !
Il prétend qu'aucune idée de ven
geance ne se cache sous ce monument
qui ne doit inspirer à personne des
sentiment de haine. — Mais le monu
ment lui-même n'est-il pas l'œuvre de
la haine anticléricale? Enfin paro
diant indignement le mot de catholi-,
que, il dit "qu'une nouvelle religion
catholique > c'est-à-dire universelle,
surgit à Rome, et Romo est digne de
devenir ainsi une troisième fois la ca
pitale du monde.
« Le Pape Aldobrandini, dit-il,
qui faisait couronner le Tasse et
brûler Giordano Bruno, ignorait les
doutes de l'un et les affirmations
de l'autre. Son successeur, qui voit
d'un regard pensif ce monument,
ne se laissera pas éclairer par une
parole. Il n'est pas heureux, ce
vieux, victime plus que Bruno de ses
dogmes. Il comprend que, tandis que
l'Italie et le monde civilisé se trouvent
ici, lui, dans son amère solitude, en
tend ces paroles d'un philosophe tué :
« Persévère, et rassure-toi, ô Bruno,
car tous verront ce qUetu vois; tous,;
dans leur bonne conscience, te juge
ront favorablement.
« 0 Rome, c'est aujourd'hui que
vraiment tu déviens universelle et que
tu as droit au nom de catholique,
non prononcé par le dogme, mais
par la pensée concorde des nations. »
Après ce discours, les associations
ont défilé et se sont rendues au Capi-
tole, où l'on a fait la' commémoraison
de Garibaldi.
Le député Imbriani a pris la parole
Sour célébrer les gloires du « héros
es deux mondes » et y a mêlé des al
lusions irrédentistes contre l'ennemi
abhorré, l'Autriche. On a applaudi et
crié : Vive Trente et Trieste !
Enfin, comme dans la chanson, ce
fut fini et chacun s'en alla ban
queter.
Les banquets ont maintenu l'ordre,
car pendant ce temps-là les rues
étaient désertes. La plupart des Ro
mains se trouvaient à la campagne,
aussi l'on pouvait remarquer bon nom
bre de maisons closes.
Le soir, musique sur la place et
quelques cris de Mort aux prêtres ! Un
gamin avait osé pousser le même cri
sous le Vatican, mais j'ai vu un bon
paysan lui administrer une si belle
correction de coups de poing que tou
tes ses ardeurs anticléricales ont dù
être calmées.
Aujourd'hui nous sommes encore
en état de siège. Partout la troupe
comme hier et mêmes ordres sévères.
M- Grispi se défie de ses amis.
Cependant il sait bien jouer sa co
médie.
La haute cour
On lit dans l'Echo de Paris :
Le brait a couru hier soir que de nouvelles
perquisitions avaient eu lieu.
M. Clément, commissaire de police aux délé
gations judiciaires, ayant mandat de M. lo pré
sident Merlin, se serait rendu, à cet effët, chez
un ex-haut fonctionnaire du ministère de l'in
térieur.
A l'heure où nous mettons sous presse, nous
n'avons pu contrôler cette nouvelle, que nous
donnons sous toutes réserves.
. La Jeune République croit que ce haut
fonctionnaire ne serait autre que M. Gra-
gnon.
-r- Le Journal de Genève raconte que son
correspondant parisien a eu lundi une en
trevue avec un sénateur très influent, an
cien ministre, qui lui a annoncé que la
commission d'instruction de la haute cour
de justice conclurait aU renvoi du général
Boulanger devant un conseil de guerre, et
rendrait une ordonnance de non-lieu en fa
veur du comte Dillon et de M. Rochefort.
—= Les Tablettes d'un Spectateur croient
pouvoir affirmer que les papiers saisis chez
M. le sous-intendant Reichert lui auraient
été restitués après avoir été examinés par
la commission de la haute cour.
Nous eu doutons un peu.
Le Parti boulanglsta
L'un des vingt-quatre arrêtés d'Angou
lême, M, Pierre Richard, secrétaire de la
Ligue des patriotes, est arrivé h Paris.
Il adresse à ses amis la lettre suivante :
Cher monsieur,
Les journaux officieux s'obstinent à dire que
c'est Paul Déroulède qui a pris au collet le com
missaire central d'Angoulême. Je vous prie de
démentir à nouveau cette version malveillante
et invraisemblable.
J'ai assisté & la scène et voici ee qui s'est
passé :
«
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