Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-06-12
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 12 juin 1889 12 juin 1889
Description : 1889/06/12 (Numéro 7833). 1889/06/12 (Numéro 7833).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706653s
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 12 Juiû 1839
N 1 Î8Ô3 & Edltlea (putidUftlt
Mercredi 12 Jain
ÉDITION QUOTI DIENNE
paris étranger
et départements (union pcstals)
Un an. «... 55 » 66 »
Six mois. . . , 28 50 34 a
Trois mois. . . 15 » 18 »
'^abonnements partent des |« et 18 de chaque moi»
tt - kt «r,ir^n ( Paris 15 cent.
UN NUMÉRO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
paris
£t départements
. . 30 a
, . 16 *
. 8 50
ÉTRANGER
(union postale)
36 »
19 a
10 »
Les abonnements partent des i" et 16 da chaque moH
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C le , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 11 JUIN 1889
Aujourd 'hui ^continue à la Chambre
des deputôs la discussion ouverte par
îe, discours do M. Jules Ferry. MM.
ei Ribot doivent prendre la pa
role; peut-tire aussi d'autres députés,
parmi lesquels on nomme M. Goblet.
Toutes les fractions de la majorité ré
publicaine sont en grand émoi, autant
fiar suite de l'importance du débat en
ui-même qu'à cause des conséquen
ces qu'il peut avoir sur les prochaines
élections.
On ne peut se dissimuler dans la
majorité que le discours de M. le comte
de Mun est destiné à produire un
grand effet; on en a déjà des preuves.
Que valent les papiers des caisses
saisies ces jours derniers ? Même les
journaux les plus ardents à dire qu'on
avait enfin les preuves de la culpabi
lité du général Boulanger, semblent
faire bon marché de ces papiers. Du
reste, ils n'en continuent pas moins à
affirmer que l'issue de l'instruction
sera nécessairement une poursuite.
Ils ne comprennent pas qu'en parlant
ainsi, ils témoignent du parti-pris du
ministère et de la majorité de pour
suivre quand même. On s'en doutait
d'ailleurs.
MM. Laguerre, Laisant et Dérou-
lède ne seraient pas encore mis en li
berté ; cela étonne, surtout pour les
deux premiers,que couvre l'immunité
parlementaire. A cela, des journaux
républicains, même modérés, répon
dent qu'il s'agit d'un flagrant délit,
et qu'alors l'immunité parlementaire
disparaît. Gela se comprendrait s'il
s'agissait d'un crime; mais çour un
délit fort contestable et certainement
sans gravité, cette théorie est inaccep
table.
Il est bon de faire remarquer à cette
occasion que les journaux qui se pi
quent de modération sont peut-être
les plus violents ; ils approuvent tout
et trouvent qu'on ne fait pas assez. Vo
lontiers ils diraient que le commissaire
de police d'Angoulème, en arrêtant
MM. Laguerre et Laisant, a déjoué
un grand complot boulangiste. Quelle
preuve de leur affolement l
M. le président Garnot a remis au
jourd'hui la barrette aux nouveaux
cardinaux; Comme on l'annonçait, il
a eu le bon goût de reprendre des tra
ditions auxquelles avait renoncé son
triste prédécesseur. La remise de la
barrette a eu lieu dans la chapelle
avec le cérémonial accoutumé. C'est
une preuve de tact dont nous nous
plaisons à le féliciter, en regrettant
qu'il ne nous donne pas plus souvent
occasion de le faire.
Le métropolite serbe Michel a repris
sa place, son successeur Théodose
s'est retiré de plus ou moins bonne
grâce. Les autres prélats, qui avaient
remplacé ceux que le roi Milan avait
destitués et exilés, ont fait de même.
Des faits semblables sont significatifs ;
ils font voir ce que valent ces Eglises
schismatiques et nationales , que les
libéraux affectent d'admirer, parce
qu'ils savent avec quelle facilité on ar
rive à les domestiquer.
Du reste, quoique la question reli
gieuse soit arrangée, la situation reste
fort troublée en Serbie ; c'est
comme un champ de bataille où lut
tent, au grand détriment du pays, la
Russie et l'Autriche.
Signalons un nouveau triompho
parlementaire de M. Crispi ; il s'est
fait voter, à une forte majorité, un
ordre dû jour de confiance à la suite
d'une interpellation sur la conduite du
consul italien de Tries te, accusé non
seulement de se montrer peu favorable
aux irrédentistes, mais même de les
avoir quelque peu trahis.
Paris est tout au plaisir. Les fêtes
succèdent aux fêtes.Il y enaura long
temps. On se sera bien amusé pendant
l'Exposition. M. le président Carnot a
commencé de transporter en province
la fête du Centenaire. Il s'est mis à
t oyager pour le compte de l'amuse
ment public. Partout son arrivée met
les populations en l'air; partout on or
ganise des reproductions des divertis
sements parisiens. Quel bonheur pour
la France d'être en république !
Les journaux officieux augurent
très favorablement des voyages du
président. Les plus zélés le pressent
d'aller se montrer partout et de porter
avec lui la joie et le plaisir. Il leur
semble que M. Carnot apparaîtra à
tous les yeux comme une image vi
vante de la félieité républicaine : en le
voyant, le pays se trouvera heureux.
Si le président suit leur conseil, les ap
parences de la joie publique ne man
queront nulle part sur son passage. On
voit d'ici le spectacle. Partout il y
aura des arcs de triomphe, des dra
peaux, des préfets et des maires à ha
rangue, desgénéraux en grande tenue,
des petites filles avec des bouquets,des
feux d'artifice, de la foule.
Mais les journaux républicains atta
chent trop d'importance à ces démons
trations extérieures. A quel régime, à
quel souverain ont-elles manqué? Un
chef d'Etat qui se déplace cause tou
jours du mouvement autour de lui.
Sous tous les gouvernements, le zèle
(les fonctionnaires est le même, et la
foule se ressemble toujours.
On se portera peut-être avec un peu
plus de curiosité au-devant de M. Sadi-
Carnot : il y a si longtemps qu'on n'a
vu un souverain en province ! Feu M.
Grévy faisait l'économie de ses frais de
voyage; son successeur est tout dis
posé à les dépenser.
Mais quand celui-ci aura parcouru
tous les départements, qu'en résulte-
ra-t-il pour la république ? Voilà dix
ans que le pays la voit à l'œuvre ; il la
connaît. Même avec l'appareil des
pompes officielles, M. Sadi-Carnot
changera-t-il, en passant, le sentiment
des populations? Est-ce l'impression
de dix ans ou celle d'un jour qui s'ef
facera la première ? Les républicains
nous paraissent naïfs de croire que ces
sortes de démarches, même de la
part d'un président de république,
puissent modifier les dispositions du
pays. Vers la fin de l'empire, Napo
léon III avait repris ses tournées dé
partementales avec plus d'éclat que
jamais, et cependant les élections
tournaient de plus en plus contre le
régime impérial, et l'opposition ne
cessait de grandir; il y avait alors dans
le pays divers sujets de mécontente
ments, et surtout un mauvais esprit
que la présence du souverain ne pou
vait dissiper. A la veille des élections
de 1877, le maréchal de Mac-Mahon
s'était mis aussi à parcourir, du Nord
au Sud et de l'Est à l'Ouest, les princi
pales provinces, sous la conduite de
M. le duc de Broglie. Partout l'accueil
pouvait faire illusion, mais la majorité
du pays était excitée contre le régime
du 16-Mai,et l'excursion triomphale du
héros de Magenta ne précéda que de
bien peu la démission du président
septennal.
Les déplacements de M. Garnot,
malgré les pompes officielles et les
ovations enthousiastes que notent
les journaux ministériels, n'influeront
guère sur le scrutin du mois d'octo 1
bre. L'opinion des électeurs est faite.
Les spectacles de Paris pourront
éblouir les imaginations, et les voya
ges de M. Carnot divertir les masses :
on ne votera que selon ses intérêts;
Les griefs du pays contre le régime
actuel survivront à l'Exposition. Ce
n'est pas tant la République qui est
en cause que son gouvernement; ce
sont moins les institutions que les
hommes qu'on repousse. Aux yeux de
la majorité des électeurs, les ministè
res qui se sont succédé depuis dix ou
douze ans ont le tort commun de n'a
voir pas rempli les conditions d'un
gouvernement; pour eux, les divers
partis républicains ne représentent
que la division et l'impuissance, et
quant aux hommes,ils sont à peu près
tous également déconsidérés. Une
chose domine tout ; le besoin de chan
gement.
Ce besoin, dans un peuple, n'est pas
ce qu'il y a de plus raisonnable, quand
il ne repose ni sur des principes vrais,
ni sur des aspirations bien définies,
Changer pour changer n'est pas d'une
grande sagesse. Beaucoup de répu
blicains n'obéiront à aucune vue su
périeure, en condamnant un régime
dont ils sont les premiers auteurs, en
rejetant ce qu'ils avaient eux-mêmes
choisi. Ce ne sera ni pour désavouer
leurs propres erreurs, ni pour rentrer
dans les conditions vraies d'un bon
gouvernement, qu'ils se détacheront
de la république actuelle. Mais dans
un état de choses où les principes
n'ont pas d'action, où il n'y a d'autre
règle que les passions et les intérêts,
la confusion en arrive naturellement
à un tel point, qu'on ne voit plus
d'autre moyen d'en sortir que le chan
gement.
A côté de la République des Gam-
betta, des Grévy, des Ferry, des Goblet
et des Floquet, qui n'a été pour les
républicains qu'une source de décep
tions et de mécontentements, et pour
les conservateurs qu'une cause de
molestations, le général Boulanger
ouvre une république nouvelle, qu'il
appelle nationale, qu'il promet d'être
honnête, libérale, respectueuse des
consciences, bienfaisante aux petits et
aux faibles, vraiment protectrice des
intérêts: c'en est assez pour que la
masse des électeurs s'y précipite, avec
des idées et des tendances bien diffé
rentes, mais avec l'espoir d'y trouver
une meilleure condition.
Ce n'est pas que la république nou
velle dans laquelle on entre, présente
plus de garanties que l'autre; mais
elle offre une issue et elle semble mê
me, pour le moment, une solution.
Avec M. Carnot, avec la Chambre
actuelle, et ses ministères, avec la
Constitution de 1875 et le parlemen
tarisme en vigueur, c'est la continua
tion d'un régime dont le pays est fa
tigué ; c'est le prolongement des
abus, des divisions, des querelles, du
désordre, des troubles, contre lesquels
l'opinion s'insurge de toutes parts. En
se promenant dans toute la France,
M. Garnot ne peut montrer autre
chose que ce que tout le monde a vu
et ce qu'on ne veut plus voir. Partout
on réclame du nouveau. Il est pro
bable qu'une tournée du général Bou
langer dans les départements aurait,
en ce moment, plus de succès que
les voyages officiels de M. SadiGarnot.
S'il y avait eu un vrai parti catholique
en France, peut-être n'en serions-nous
pas là.
Arthur Loth.
4
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
Nous avons souvent dit que le centre
gauche, au point de vue religieux, ne
valait guère mieux que l'extrême gau
che. Une nouvelle preuve nous en est
fournie par le Parti national , organe
dudit centre gauche, où nous lisons à
propos du magnifique discours de
M. le comte de Mun, refusant au nom
delà droite les propositions de M. Jules
Ferry:
N'en déplaise à ces hommes de la droite
qui s'affublent du nom de conservateurs,
ils ont commis là une faute, une très lourde
faute. M. de Mun qui, dans un langage
éloquent, s'est fait l'interprète passionné
de leurs haines et do leurs rancunes, leur
a rendu le plus mauvais des services. Il a
parlé,non comme un homme politique,mais
comme un sectaire. Il a fait le procès de la
société civile, il a placé l'Eglise sur un
piédestal devant lequel tout doit s'incliner,
il a fait comprendre qu'il n'y aurait pas de
paix possible entre la République et son
parti, tant que celui-ci n'aurait pas res
saisi les prérogatives dont il a été dépouillé
par nos révolutions successives.
Ses collègues de la droite lui ont fait une
ovation. Ils ont accueilli par des trépigne
ments de joie les éclats de cette éloquence
enflammée. Nous le regrettons pour eux et
pour lui.
Il est prouvé que, sous leur faux air de
conservateurs, il y a en eux l'étoffe des
pires révolutionnaires ; que, sous leur ap
parence de modération, se cache l'esprit
intransigeant de la réaction la plus aveu
gle. Le pays, après la philippique ardente
de M. de Mun, doit savoir à. quoi s'en te
nir sur le lendemain qui lui serait réservé,
le jour où ce parti reviendrait au pouvoir.
Ce serait un retour violent vers le passé.
Ce serait de nouveau le pouvoir civil as
servi à l'autorité religieuse, ce serait de
nouveau l'Etat faisant acte de vasselage de
vant le triomphe et l'arrogance de l'Eglise.
Toutes nos lois de progrès, tontes nos con
quêtes politiques disparaîtraient bientôt
devant le retour offensif des ennemis de nos
libertés. Nous ne donnons pas six mois à la
France d'un pareil régime, sans que le pays
ne soit, une fois de plus, acculé à une nou
velle et sanglante révolution.
Il y en a, sur ce ton enragé, plus
de deux colonnes. Le tout se termine
ainsi :
M. Ribot doit monter aujourd'hui à la
tribune. Nous ne savons point ce qu'il dira,
mais nous serions fort surpris s'il tenait un
autre langage. Le parti qui offre la paix à
ses adversaires et qui est au besoin assez
fort pour la leur imposer, celui-là, qu'on
n'en doute pas, est celui auquel se ralliera
le pays. v
Signé Jules Brisson. Si c'est le tru
chement des idées de M. Ribot, nous
ne faisons pas compliment à M. Ribot.
Quant à prétendre que le parti Jules
Ferry-Jules Brisson est assez fort pour
imposer la paix — toujours les mêmes,
ces soi-disant libéraux — aux catho
liques qui refusent de traiter avec
l'auteur de l'article 7 et l'exécuteur
des décrets, il faudra voir. Nous nous
imaginons pourtant que si le Parti
national avait vraiment tant de con
fiance en son triomphe, il manifeste
rait une moins brutale irritation.
La remise de la barrette
aux nouveaux cardinaux
Ce matin, 11 juin, a eu lieu, au palais
de 1 Elysée, la réception solennelle, suivie
de la remise de la barrette, de LL. EEmes
les cardinaux Richard, archevêque de Pa
ris, Foulon, archevêque de Lyon, et Guil-
bert, archevêque de Bordeaux.
Le perron et l'escalier d'accès du palais
sont magnifiquement ornés de tentures de
velours et or, de fleurs, arbustes et statues.
Un bataillon de ligne, drapeau et musique
en tête, est stationné dans la cour d'hon
neur pour rendre les honneurs militaires.
Peu après dix heures, M. le comte d'Or
messon, introducteur des ambassadeurs,
s'est rendu, en compagnie du secrétaire à
la conduite des ambassadeurs, M. Mollard,
et d'un aide-introducteur, avec des voitures
de gala au palais de l'archevêché pour con-
dpire le cortège au palais de l'Elysée.
LL. EEm. les cardinaux Foulon et Guil-
bert, NN. SS. les ablégats apostoliques et
les gardes-nobles de Sa Sainteté, ainsi que
leurs suites, s'étaient rendus chacun de sa
résidence respective à l'archevêché.
Après les cérémonies d'usage, le cortège
escorté d'un piquet d'honneur, se mit en
marche pour se rendre à l'Elysée.
La première voiture était occupée par
S. Em. le cardinal Richard, ayant à ses
côtés Mgr Gasparri, ablégat, et en face de
lui M. le comte d'Ormesson, introducteur
des ambassadeurs, et M. le prince Ruspoli,
garde-noble de Sa Sainteté.
La seconde voiture était occupée par
S. Em. le cardinal Foulon,ayant à ses côtés
Mgr Péri Morosini, ablégat, et en face
de lui M. le marquis Fonti, garde-noble
de Sa Sainteté.
La troisième voiture était occupée par
S. Em. le cardinal Guilbert, ayant à ses
eôtés Mgr Scapinelli de Leguigno, ablégat,
et M. le comte Pietromarchi, garde-noble
de Sa Sainteté.
La quatrième voiture était occupée par
le secrétaire à la conduite des ambassa
deurs, M. Mollard, et des secrétaires des
ablégats.
La cinquième voiture était occupée par
MM. les secrétaires des ablégats.
La sixième voiture était occupée par
les trois vicaires généraux des nouveaux
cardinaux.
Les voitures suivantes étaient occupées
par d'autres personnages appelés à figurer
dans la cérémonie.
Nous citerons :
Dans la suite de S. Em. le cardinal Ri
chard, M. l'abbé Bergès, archiprêtre,
MM. les vicaires-généraux Pelgé etBuseau
et M. le chanoine Reulet.
Dans la suite de S. Em. le cardinal Foulon,
M. le chonoine Jeannerot, M. l'abbé Tanil,
chanoine honoraire, et M. Guédon, neveu
du cardinal.
Dans la suite de S. Em. le cardinal Guil
bert, M. l'abbé Petit, son vicaire-général.
Au moment où la tête du cortège fran
chissait la porte d'honneur du palais, la
garde prit les armes, les tambours et les
trompettes rappelèrent, pour rendre les
honneurs dus aux cardinaux.
Des gardes d'élite formaient la haie, de
puis la portière de la voiture jusqu'au haut
du perron, où se tenaient M. le colonel-
commandant et les officiers attachés à la
personne du président.
La musique jouait à ce moment en air
français et après les compliments d'usage
le noble cortège fut conduit dans un salon
d'attente, d'où Leurs Eminences forent
conduites directement à la chapelle du Pa
lais.
Qaelques minutes avant l'arrivée du cor
tège, S. Exc. Mgr Rotelli, nonce aposto
lique; Mgr Averardi, auditeur do la noncia
ture; M. Spuller, ministre des affaires
étrangères; le président du conseil, le garde
des sceaux, le directeur des cultes et d'au
tres personnages officiels avaient fait leur
entrée à l'Elysée.
NN. SS. les ablégats, qui pendant la du
rée de leur mission ont rang d'envoyé ex
traordinaire et de ministre plénipotentiaire,
furent ensuite introduits auprès de M. le
président, entouré des ministres et person
nages officiels dont nous venons de parler.
Après avoir été présenté à M. le prési
dent, chaque ablégat lui a, selon l'usage,
adressé une harangue en latin et remis le
bref de Sa Sainteté qui l'accrédite. M.
le président répondit à ces harangues par
des mots de bienvenue.
Entre temps, on avait déposé à la cha
pelle sur un des bassins de vermeil les bar
rettes, couvertes de la tavajole, serviette
de soie rouge garnie de dentelles, que les
secrétaires de Leurs Eminences avaient
placées sur une crédence, préparée du côté
de l'épîlre, près du siège de M. le prési
dent.
Le cortège quitta alors les grands appar
tements pour se rendre en grande cérémo
nie à la chapelle, chacun selon son rang,
le cardinal Richard, comme premier cardi
nal proclamé, tenant la droite. Après le cor
tège cardinalice le président, suivi des mi
nistres et des officiers de sa maison, le
suivit à la chapelle.
La cérémonie religieuse commença aus
sitôt ; vers la fin de la messe, au moment
de l'Ile missa est, les cardinaux ont pris
place à la gauche du président, qui s'est
placé en face de l'autel.
Chaque ablégat prit alors la barrette et la
présenta sur le bassin de vermeil à M. le
président, et à son tour chaque cardinal
s'inclina sur un coussin de velours rouge,
placé aux pieds du président, qui posa en
suite la barrette sur la tête du cardinal.
En même temps M. le comte d'Ormesson
posait sur les épaules de chacun des nou
veaux cardinaux le manteau rouge, pré
senté par le secrétaire de Mgr l'ablégat
respectif.
Après l'accomplissement de ce cérémo
nial, Leurs Eminences quittèrent le surplis;
puis, ayant revêtu leurs habits de grande
cérémonie, les cardinaux avec tout ie cor
tège rentrèrent dans les grands apparte
ments, où S. Em. le cardinal Richard, ar
chevêque de Paris, harangua en français,
au nom de ses Eminentissimes collègues,
M. le président de la République. M. le
président les remercia aussi par une seule
réponse.
Après avoir présenté leurs suites respec
tives, M. le président conféra des marques
de distinction aux ablégats et aux gardes-
nobles de Sa Sainteté, M. le président
leva l'audience publique et les personnes
n'ayant pas rang dans la cérémonie se reti
rèrent, puis leurs Eminences et les person
nes du cortège furent reçues par Mme
Carnot.
Un déjeuner fut ensuite servi à tous les
personnages composant Je noble cor
tège.
Le retour s'est effectué avec le même
cérémonial qu'à l'arrivée.
C'est pour la première fois que M. Car
not, président de la République, remet la
barrette cardinalice, et il faut le louer
d'avoir compris qu'on ne devait pas enlever
son caractère religieux à celte grave céré
monie.
L'usage de la remise des barrettes date
du Pape Paul II, de sainte mémoire, qui
accorda ce privilège aux cardinaux et con
firma au roi de France le titre de fils aîné
de l'Eglise. ,
H.-G.Fromm.
Voici le texte de l'allocution adres
sée au président de la République par
S. Em. le cardinal Richard :
Monsieur le président,
La remise de la barrette est pour les
nouveaux cardinaux une circonstance heu
reuse qui leur permet d'exprimer le senti
ment d'une double reconnaissance envers
le Souverain Pontife et envers le chef de
l'Etat.
Les évêques uniront toujours, dans un
même amour et un môme dévouement,
l'Eglise dont ils ont l'honneur d'être les mi
nistres, et la France dont ils sont heureux
d'être les fils.
Veuillez, monsieur le président, nous
permettre de renouveler devant vous l'ex
pression publique de notre gratitude pour
la bonté avec laquelle Sa Sainteté a daigné
nous appeler à faire partie du Sacré Col
lège, et d'y joindre l'hommage de nos res
pectueux remerciements pour la haute
bienveillance avec laquelle vous vous êtes
associé à la pensée du Saint-Père.
Léon XIII, en donnant à la France trois
nouveaux cardinaux, a voulu témoigner, une
fois de plus, l'affection qu'il porte à la na
tion qui garde le titre de « Fille aînée de
l'Eglise», et qui,nous en avons la con
fiance, demeurera fidèle à ses traditions
nationales et à sa mission providentielle.
Dans cette circonstance solennelle, nous
ne pouvons qu'oublier nos humbles per
sonnes, et, si je ne puis méconnaître les ti
tres de mes vénérables collègues à la dignité
cardinalice, je suis assuré d'être leur inter^
prête en aimant à voir, avant tout, dans'
l'honneur qui nous est déféré, un témoi-;
gnege de distinction accordé aux grandes
Églises de Lyon, de Bordeaux et de Paris,
un hommage rendu aux populations catho
liques qui nous sont confiées, et qui ne ces
sent de se montrer admirables dans les
manifestations de leur foi, de leur charité,
et j'ajoute volontiers de leur patriotisme.
Dans les temps paifois difficiles où nous
vivons, le péril ne viendra jamais du côté
de l'Eglise, car, si elle doit sauvegarder la
dignité des consciences, elle sait enseigner
aux peuples le respect de la double auto
rité, qui régit la société, l'autorité civile et
l'autorité religieuse.
C'est l'exemple que nous ont laissé les
évêques qui furent nos prédécesseurs [et
nos modèles. Vous ne me saurez pas mau
vais gré, monsieur le président,de me sou
venir, en ce moment, de celui que j'ai vé
néré comme un père, le cardinal Guibert,
de pieuse mémoire. Mes éminents collé
gues, je le sais, m'en sauront gré pareille
ment.
L'histoire dira quel dévoûment il montra
pour la France aux jours de nos malheurs,
quand il donna l'hospitalité au gouverne
ment de la défense nationale à Tours.
A l'heure où il allait mourir et, comme
il l'a dit lui même, rendre compte à Dieu
de sa longue administration, après l'Eglise
et le Souverain Pontife, sa dernière pensée
fut pour la France.
Il redoutait pour elle le3 efforts des en
nemis du christianisme, il confia ses patrio
tiques inquiétudes au chef de l'Etat, et il
termina cette communication par une pa
role qui révèle son âme épiscopale et fran
çais :
c Je ne me résous pas à clore ma lettre
sans exprimer l'espoir que la France ne se
laissera jamais dépouiller des saintes cro
yances qui ont fait sa gloire dans le passé
et qui lui ont assuré le premier rang parmi
les nations. »
Nous confions cet espoir, monsieur le
président à votre, sagesse et à votre hante
intelligence des besoins et des aspiraiions
du pays.
Qu'il me soit permis d'ajouter encore une
parole : en demandant à Dieu de bénir les
sollicitudes de votre gouvernement, nous
lni demandons aussi de bénir votre famille.
Nul ne sait mieux apprécier que nous le
bonheur et la dignité d'un foyer auquel pré
side une femme chrétienne et française. Que
Dieu daigne, monsieur le président, vous
conserver les joies intimes qui sont le par
tage des familles chrétiennes et le meilleur
repos dans les travaux de la vie publique I
Voici le texte du discours prononcé,
par Mgr Peri-Morosini, ablégat pour
S. Em. le cardinal Foulon :
Prœses excellentissime,
Prœclaras inter laudes, excellentissime
Praeses, quibus nobilissima eminet Gallo-
rum Natio, haec potissimum est merito re-
censenda, ipsam videlicet usque a primîe-
va chrisliani nominis propagation? veram
et catholicam fidem amplexam esse, eamque
thesauri instar pretiosi integram perpetuo
coluisse. Nec inde mirum, si eadem Natio
per sseculorum diuturnitatem viros pietate
et doctrina usquequaque insignes Ecclesise
genuerit, si Apostolioam Sedem tamquam
parentem et magistram peculiari religionis
affectu semper sit venerata, si quos habue-
rit viros pro meritis excellentes, eos laudis
honorisque testimoniis semper decoraverit.
Quam ergo honorificum ac 'perjucundum
hoc mihi accidit munus, ut prœclarissimi
Viri laudes coram Te persequar, et Romani
Pontificis studium ac premia virtuti ( tri-
buenda, jam cômpèrtum, in tanta nunç am-
plitudine et dignitate loci _ splendidissi-
moque consessu re ipsa amplius declarem.
Quandoquidem ab Urbe missus sum dela-
turus Tibi, excellentissime Prseses, Biretum
rubrum, senatoriœ purpuratorum Patrum
dignitatis insigne, quod Pontificis Maximi
auctoritate et nomine, Viro -admodum co-
lendo imponas Josepho Alfredo Foulon,
Archiepiscopo Lugdunensi, qui rerum ges-
tarum splendore, doctrinteque lande taie
suipsius nomen excitavit, ut a providentis-
simo Leone XIII dignus habitus sit qui
cardinalatus fastigium obtineret.
Jamvero sapientice acvirtuli vel a primis
annis totum sese applicuit addixitque Jose-
phus Alfredus Foulon, ab iisdemque para-
tus apprime atque instructus de sacerdotali
munere optime meritus est, tum episcopali
infula insignitus, Nancœi primum, Visontiœ
postea, demum in prœstantissima et per-
vetusta Lugdunensi Sede virtutis spéculum
fuit et est, conditionis ac pastoralis sollici-
tudinis fama, animi comitate eximius adeo
ut strenuus Irenasi antecessoris œmulator,
maxime propter reverentiam et pietatem
erga apostolicam Sedem cum omnium ad-
miratione laudetur.
Quœ omnia, excellentissime Prsoses, ego-
metipse perpendens, a quo, inquam, lega-
tus adsum, neque minus ad quem legatio
mea et cujus gratia versatus, hoc munere
amplissimo summopere gaudeo, atque no-
viter adlecto iu Augustum Romanœ Eccle-
sire Senatum snmmam animi gralulationem
exhibeo, parique animi studio adprecor et
exopto, ut Benignissimus Deus Lugdunen-
sem Antistitem diutissime sospitet, Teque,
Excellentissime Praeses, omni prosperitate
cumulet et Galliam uuiversam incolnmem
florentemque servet, servet gloriosam.
Voici le texte du discours prononcé
par Mgr Scapinelli di Liguigno, ablé
gat pour S. Em. le cardinal Guil
bert :
Valde honorificum et mihi jucundnm
Ablegati munus, quo, ex Summi Ro
mani Pontificis jussu .tipud Te fungor,
excellentissime Praesses, perspicuum om
nibus, et gratum prœbet exemplum fa-
cundte illius inter ecclesiasticam et ci-
vilem auctoritatem concordiœ, quae pro-
culdubio semper in populorum cedit
felicilatem ; sed eo magis quando, sicut
hodie contingit, fausta duarum - potesta-
tum conspiratione, ingenii et rerum op
time gestarum prsecipua ac digna ratio
habetur. Siquidem Eminentissimum Virum
Gardinalem Amatum Victorem Francis*
cum Guilbert, morum gravitate, litterarum
cul tu, pastorali cura, regendi munere et
prudentia clarissimum in Gallica Ecclesia
ommes novernnt.
Is, postquam in Vaprincensi ao deinde
Amiensi episcopatu, sapientiœ etvirtutum
specimen de disse t illustre, ad Burdigalen-
sem, totius Aquitaniœ principem Ecclesiam,
translatus, venerabilis illius Sedis nobilis-
simas traditiones sequutus, nihil antiquius
habuit, quam fidei catholicae adserendaî et
vindicandee, reverentis Sedi Romante ob-
sequii prœstandi,omnisque pastoralis officii
exhibendi, studium et sollicitudinem.
Quapropter, hodie maxime gratulandum
est, quod per Reverendissimum Archiepis-
copum Burdigalinsem, nuper Cardinalem
renuntiatum, novum decus et Eccleske et
Patrige additum sit, atque auspicandum,
ut, in utriusque societatis commodum eum
ad multos annos Deus sospitem servet.
Et Tibi, excellentissime Preeses, e cujus
manibus excelsœ dignitatis insigne Ipse
mox recipiet, omen mihi liceat ferre, ut
Dominus dominantiumdexter Tibi adsistat,
in gnbernando sapientiam et consilium tri-
buat ; ut, in gloriam nobilissima} et chris-
tianissimœ Gentis Gallicoe, regimen tuuni
clarissima semper memoria celebretur.
Au moment de mettre sous presse,
nous n'avons pas encore le texte du
discours prononcé par Mgr Gasparri,
ablégat pour S. E. le cardinal Ri
chard.
Nous le publierons demain.
Assemblée provinciale
de l'anjou
Nous avons reçu d'Angers la dépê
che suivante :
Angers, 10 juin, 5 h. 20 du soir.
Ce matin, à la messe des corporations,
il y avait une assistance de 5,000 per
sonnes.
Mgr Freppel a prononcé une belle allo
cution sur le régime corporatif.
A deux heures, réunion générale. Dans
un très beau discours, M. Urbain Guérin a
mis en parallèle le gouvernement parle
mentaire et le gouvernement représentatif.
Il a montré la décadence du régime parle
mentaire coi'ncidant avec l'extension du
droit électoral, et affirmé énergiquement la
nécessité de la représentation des intérêts
en même temps que l'utilité de mener dé
front l'action sociale et l'action politique.
De chaleureuses acclamations ont salué
l'éclatant succès de l'orateur.
Ce soir, aura lieu un banquet où des
toasts seront portés par MM. de la Salmo-
nière, Martin, abbé Grimault, le vicomte
de Rougé, de la Guillonière.
Da RoUGÉ, DE VlLLEBOlS.
ALLOCUTION
PRONONCÉE PAR
Mgr l'évêque d'Angers
à la fête des corporations ouvrières
TERMINANT
l'assemblée régionale de l'anjou,
de la touraine et du maine
[Lè 40 juin 18S9
Fratsr quiadjuvatur a fralre
quasi civitas firma.
Le frère aidé par le frère est
comme une forte cité.
(Proverbes, xvm, 10 J
Messieurs,
Ces paroles du Sage renferment le meil
leur éloge que l'on puisse faire du régime
corporatif; et c'est pour en avoir méconnu
la justesse que les sophistes du siècle der
nier ont porté le trouble et la confusion
dans le monde du travail. Bien qu'ayant
sans cesse à la bouche le mot de frater
nité,qu'ils détournaient d'ailleurs de son vé
ritable sens, ils n'estimaient pas que les
ouvriers dussent être des frères s'appuyant
les uns sur les autres dans leur œuvre com
mune, et, poussant la doctrine de l'égoïsme
jusqu'à nier le principe même de l'associa
tion, l'un des coryphées de la secte révolu
tionnaire ne craignait pas de dire que « la
source du mal est dans la faculté même ac
cordée aux artisans de s'assembler et de se
réunir en corps (1). » Tant il est vrai que
plus on s'éloigne de l'Evangile, plus on our
blieles vraies notions de la solidarité et de la
sociabilité humaine.
Voilà pourquoi la fêle des corporations
ouvrières de la ville d'Angers devait servir
de couronnement à cette assemblée provin
ciale qui, depuis trois jours, siège au mi
lieu de nous, pour rechercher les vraies
conditions de l'ordre économique et social.
Vous protestez par votre réunion sous une
même bannière contre la suppression ab
solue du régime corporatif, l'une des er
reurs les plus funestes de la Révolution
française. Vous protestez par votre pré
sence dans cette église cathédrale contre là
séparation de la religion et du travail, mon
trant ainsi qu'à vos yeux la loi de Dieu
manifestée par son Christ doit dominer et
régler toute l'activité humaine.
Assurément, messieurs, la liberté du tra
vail était l'une des réformes généralement
désirées avant 1789. Les cahiers du clergé
plus encore que ceux des deux autres or-
res de l'Etat, la demandaient formelle
ment. Choisir librement sa profession, en
établir le siège partout où on le voudrait,
travailler d'après les méthodes et ^pro
cédés de fabrication que l'on jugerait les
plus avantageux : c'était là un triple droit,
dont l'exercice devenait utile et même né
cessaire par l'avènement de la grande in-
(l) T argot {Edit du 12 mars IT76.)
N 1 Î8Ô3 & Edltlea (putidUftlt
Mercredi 12 Jain
ÉDITION QUOTI DIENNE
paris étranger
et départements (union pcstals)
Un an. «... 55 » 66 »
Six mois. . . , 28 50 34 a
Trois mois. . . 15 » 18 »
'^abonnements partent des |« et 18 de chaque moi»
tt - kt «r,ir^n ( Paris 15 cent.
UN NUMÉRO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
paris
£t départements
. . 30 a
, . 16 *
. 8 50
ÉTRANGER
(union postale)
36 »
19 a
10 »
Les abonnements partent des i" et 16 da chaque moH
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C le , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 11 JUIN 1889
Aujourd 'hui ^continue à la Chambre
des deputôs la discussion ouverte par
îe, discours do M. Jules Ferry. MM.
ei Ribot doivent prendre la pa
role; peut-tire aussi d'autres députés,
parmi lesquels on nomme M. Goblet.
Toutes les fractions de la majorité ré
publicaine sont en grand émoi, autant
fiar suite de l'importance du débat en
ui-même qu'à cause des conséquen
ces qu'il peut avoir sur les prochaines
élections.
On ne peut se dissimuler dans la
majorité que le discours de M. le comte
de Mun est destiné à produire un
grand effet; on en a déjà des preuves.
Que valent les papiers des caisses
saisies ces jours derniers ? Même les
journaux les plus ardents à dire qu'on
avait enfin les preuves de la culpabi
lité du général Boulanger, semblent
faire bon marché de ces papiers. Du
reste, ils n'en continuent pas moins à
affirmer que l'issue de l'instruction
sera nécessairement une poursuite.
Ils ne comprennent pas qu'en parlant
ainsi, ils témoignent du parti-pris du
ministère et de la majorité de pour
suivre quand même. On s'en doutait
d'ailleurs.
MM. Laguerre, Laisant et Dérou-
lède ne seraient pas encore mis en li
berté ; cela étonne, surtout pour les
deux premiers,que couvre l'immunité
parlementaire. A cela, des journaux
républicains, même modérés, répon
dent qu'il s'agit d'un flagrant délit,
et qu'alors l'immunité parlementaire
disparaît. Gela se comprendrait s'il
s'agissait d'un crime; mais çour un
délit fort contestable et certainement
sans gravité, cette théorie est inaccep
table.
Il est bon de faire remarquer à cette
occasion que les journaux qui se pi
quent de modération sont peut-être
les plus violents ; ils approuvent tout
et trouvent qu'on ne fait pas assez. Vo
lontiers ils diraient que le commissaire
de police d'Angoulème, en arrêtant
MM. Laguerre et Laisant, a déjoué
un grand complot boulangiste. Quelle
preuve de leur affolement l
M. le président Garnot a remis au
jourd'hui la barrette aux nouveaux
cardinaux; Comme on l'annonçait, il
a eu le bon goût de reprendre des tra
ditions auxquelles avait renoncé son
triste prédécesseur. La remise de la
barrette a eu lieu dans la chapelle
avec le cérémonial accoutumé. C'est
une preuve de tact dont nous nous
plaisons à le féliciter, en regrettant
qu'il ne nous donne pas plus souvent
occasion de le faire.
Le métropolite serbe Michel a repris
sa place, son successeur Théodose
s'est retiré de plus ou moins bonne
grâce. Les autres prélats, qui avaient
remplacé ceux que le roi Milan avait
destitués et exilés, ont fait de même.
Des faits semblables sont significatifs ;
ils font voir ce que valent ces Eglises
schismatiques et nationales , que les
libéraux affectent d'admirer, parce
qu'ils savent avec quelle facilité on ar
rive à les domestiquer.
Du reste, quoique la question reli
gieuse soit arrangée, la situation reste
fort troublée en Serbie ; c'est
comme un champ de bataille où lut
tent, au grand détriment du pays, la
Russie et l'Autriche.
Signalons un nouveau triompho
parlementaire de M. Crispi ; il s'est
fait voter, à une forte majorité, un
ordre dû jour de confiance à la suite
d'une interpellation sur la conduite du
consul italien de Tries te, accusé non
seulement de se montrer peu favorable
aux irrédentistes, mais même de les
avoir quelque peu trahis.
Paris est tout au plaisir. Les fêtes
succèdent aux fêtes.Il y enaura long
temps. On se sera bien amusé pendant
l'Exposition. M. le président Carnot a
commencé de transporter en province
la fête du Centenaire. Il s'est mis à
t oyager pour le compte de l'amuse
ment public. Partout son arrivée met
les populations en l'air; partout on or
ganise des reproductions des divertis
sements parisiens. Quel bonheur pour
la France d'être en république !
Les journaux officieux augurent
très favorablement des voyages du
président. Les plus zélés le pressent
d'aller se montrer partout et de porter
avec lui la joie et le plaisir. Il leur
semble que M. Carnot apparaîtra à
tous les yeux comme une image vi
vante de la félieité républicaine : en le
voyant, le pays se trouvera heureux.
Si le président suit leur conseil, les ap
parences de la joie publique ne man
queront nulle part sur son passage. On
voit d'ici le spectacle. Partout il y
aura des arcs de triomphe, des dra
peaux, des préfets et des maires à ha
rangue, desgénéraux en grande tenue,
des petites filles avec des bouquets,des
feux d'artifice, de la foule.
Mais les journaux républicains atta
chent trop d'importance à ces démons
trations extérieures. A quel régime, à
quel souverain ont-elles manqué? Un
chef d'Etat qui se déplace cause tou
jours du mouvement autour de lui.
Sous tous les gouvernements, le zèle
(les fonctionnaires est le même, et la
foule se ressemble toujours.
On se portera peut-être avec un peu
plus de curiosité au-devant de M. Sadi-
Carnot : il y a si longtemps qu'on n'a
vu un souverain en province ! Feu M.
Grévy faisait l'économie de ses frais de
voyage; son successeur est tout dis
posé à les dépenser.
Mais quand celui-ci aura parcouru
tous les départements, qu'en résulte-
ra-t-il pour la république ? Voilà dix
ans que le pays la voit à l'œuvre ; il la
connaît. Même avec l'appareil des
pompes officielles, M. Sadi-Carnot
changera-t-il, en passant, le sentiment
des populations? Est-ce l'impression
de dix ans ou celle d'un jour qui s'ef
facera la première ? Les républicains
nous paraissent naïfs de croire que ces
sortes de démarches, même de la
part d'un président de république,
puissent modifier les dispositions du
pays. Vers la fin de l'empire, Napo
léon III avait repris ses tournées dé
partementales avec plus d'éclat que
jamais, et cependant les élections
tournaient de plus en plus contre le
régime impérial, et l'opposition ne
cessait de grandir; il y avait alors dans
le pays divers sujets de mécontente
ments, et surtout un mauvais esprit
que la présence du souverain ne pou
vait dissiper. A la veille des élections
de 1877, le maréchal de Mac-Mahon
s'était mis aussi à parcourir, du Nord
au Sud et de l'Est à l'Ouest, les princi
pales provinces, sous la conduite de
M. le duc de Broglie. Partout l'accueil
pouvait faire illusion, mais la majorité
du pays était excitée contre le régime
du 16-Mai,et l'excursion triomphale du
héros de Magenta ne précéda que de
bien peu la démission du président
septennal.
Les déplacements de M. Garnot,
malgré les pompes officielles et les
ovations enthousiastes que notent
les journaux ministériels, n'influeront
guère sur le scrutin du mois d'octo 1
bre. L'opinion des électeurs est faite.
Les spectacles de Paris pourront
éblouir les imaginations, et les voya
ges de M. Carnot divertir les masses :
on ne votera que selon ses intérêts;
Les griefs du pays contre le régime
actuel survivront à l'Exposition. Ce
n'est pas tant la République qui est
en cause que son gouvernement; ce
sont moins les institutions que les
hommes qu'on repousse. Aux yeux de
la majorité des électeurs, les ministè
res qui se sont succédé depuis dix ou
douze ans ont le tort commun de n'a
voir pas rempli les conditions d'un
gouvernement; pour eux, les divers
partis républicains ne représentent
que la division et l'impuissance, et
quant aux hommes,ils sont à peu près
tous également déconsidérés. Une
chose domine tout ; le besoin de chan
gement.
Ce besoin, dans un peuple, n'est pas
ce qu'il y a de plus raisonnable, quand
il ne repose ni sur des principes vrais,
ni sur des aspirations bien définies,
Changer pour changer n'est pas d'une
grande sagesse. Beaucoup de répu
blicains n'obéiront à aucune vue su
périeure, en condamnant un régime
dont ils sont les premiers auteurs, en
rejetant ce qu'ils avaient eux-mêmes
choisi. Ce ne sera ni pour désavouer
leurs propres erreurs, ni pour rentrer
dans les conditions vraies d'un bon
gouvernement, qu'ils se détacheront
de la république actuelle. Mais dans
un état de choses où les principes
n'ont pas d'action, où il n'y a d'autre
règle que les passions et les intérêts,
la confusion en arrive naturellement
à un tel point, qu'on ne voit plus
d'autre moyen d'en sortir que le chan
gement.
A côté de la République des Gam-
betta, des Grévy, des Ferry, des Goblet
et des Floquet, qui n'a été pour les
républicains qu'une source de décep
tions et de mécontentements, et pour
les conservateurs qu'une cause de
molestations, le général Boulanger
ouvre une république nouvelle, qu'il
appelle nationale, qu'il promet d'être
honnête, libérale, respectueuse des
consciences, bienfaisante aux petits et
aux faibles, vraiment protectrice des
intérêts: c'en est assez pour que la
masse des électeurs s'y précipite, avec
des idées et des tendances bien diffé
rentes, mais avec l'espoir d'y trouver
une meilleure condition.
Ce n'est pas que la république nou
velle dans laquelle on entre, présente
plus de garanties que l'autre; mais
elle offre une issue et elle semble mê
me, pour le moment, une solution.
Avec M. Carnot, avec la Chambre
actuelle, et ses ministères, avec la
Constitution de 1875 et le parlemen
tarisme en vigueur, c'est la continua
tion d'un régime dont le pays est fa
tigué ; c'est le prolongement des
abus, des divisions, des querelles, du
désordre, des troubles, contre lesquels
l'opinion s'insurge de toutes parts. En
se promenant dans toute la France,
M. Garnot ne peut montrer autre
chose que ce que tout le monde a vu
et ce qu'on ne veut plus voir. Partout
on réclame du nouveau. Il est pro
bable qu'une tournée du général Bou
langer dans les départements aurait,
en ce moment, plus de succès que
les voyages officiels de M. SadiGarnot.
S'il y avait eu un vrai parti catholique
en France, peut-être n'en serions-nous
pas là.
Arthur Loth.
4
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
Nous avons souvent dit que le centre
gauche, au point de vue religieux, ne
valait guère mieux que l'extrême gau
che. Une nouvelle preuve nous en est
fournie par le Parti national , organe
dudit centre gauche, où nous lisons à
propos du magnifique discours de
M. le comte de Mun, refusant au nom
delà droite les propositions de M. Jules
Ferry:
N'en déplaise à ces hommes de la droite
qui s'affublent du nom de conservateurs,
ils ont commis là une faute, une très lourde
faute. M. de Mun qui, dans un langage
éloquent, s'est fait l'interprète passionné
de leurs haines et do leurs rancunes, leur
a rendu le plus mauvais des services. Il a
parlé,non comme un homme politique,mais
comme un sectaire. Il a fait le procès de la
société civile, il a placé l'Eglise sur un
piédestal devant lequel tout doit s'incliner,
il a fait comprendre qu'il n'y aurait pas de
paix possible entre la République et son
parti, tant que celui-ci n'aurait pas res
saisi les prérogatives dont il a été dépouillé
par nos révolutions successives.
Ses collègues de la droite lui ont fait une
ovation. Ils ont accueilli par des trépigne
ments de joie les éclats de cette éloquence
enflammée. Nous le regrettons pour eux et
pour lui.
Il est prouvé que, sous leur faux air de
conservateurs, il y a en eux l'étoffe des
pires révolutionnaires ; que, sous leur ap
parence de modération, se cache l'esprit
intransigeant de la réaction la plus aveu
gle. Le pays, après la philippique ardente
de M. de Mun, doit savoir à. quoi s'en te
nir sur le lendemain qui lui serait réservé,
le jour où ce parti reviendrait au pouvoir.
Ce serait un retour violent vers le passé.
Ce serait de nouveau le pouvoir civil as
servi à l'autorité religieuse, ce serait de
nouveau l'Etat faisant acte de vasselage de
vant le triomphe et l'arrogance de l'Eglise.
Toutes nos lois de progrès, tontes nos con
quêtes politiques disparaîtraient bientôt
devant le retour offensif des ennemis de nos
libertés. Nous ne donnons pas six mois à la
France d'un pareil régime, sans que le pays
ne soit, une fois de plus, acculé à une nou
velle et sanglante révolution.
Il y en a, sur ce ton enragé, plus
de deux colonnes. Le tout se termine
ainsi :
M. Ribot doit monter aujourd'hui à la
tribune. Nous ne savons point ce qu'il dira,
mais nous serions fort surpris s'il tenait un
autre langage. Le parti qui offre la paix à
ses adversaires et qui est au besoin assez
fort pour la leur imposer, celui-là, qu'on
n'en doute pas, est celui auquel se ralliera
le pays. v
Signé Jules Brisson. Si c'est le tru
chement des idées de M. Ribot, nous
ne faisons pas compliment à M. Ribot.
Quant à prétendre que le parti Jules
Ferry-Jules Brisson est assez fort pour
imposer la paix — toujours les mêmes,
ces soi-disant libéraux — aux catho
liques qui refusent de traiter avec
l'auteur de l'article 7 et l'exécuteur
des décrets, il faudra voir. Nous nous
imaginons pourtant que si le Parti
national avait vraiment tant de con
fiance en son triomphe, il manifeste
rait une moins brutale irritation.
La remise de la barrette
aux nouveaux cardinaux
Ce matin, 11 juin, a eu lieu, au palais
de 1 Elysée, la réception solennelle, suivie
de la remise de la barrette, de LL. EEmes
les cardinaux Richard, archevêque de Pa
ris, Foulon, archevêque de Lyon, et Guil-
bert, archevêque de Bordeaux.
Le perron et l'escalier d'accès du palais
sont magnifiquement ornés de tentures de
velours et or, de fleurs, arbustes et statues.
Un bataillon de ligne, drapeau et musique
en tête, est stationné dans la cour d'hon
neur pour rendre les honneurs militaires.
Peu après dix heures, M. le comte d'Or
messon, introducteur des ambassadeurs,
s'est rendu, en compagnie du secrétaire à
la conduite des ambassadeurs, M. Mollard,
et d'un aide-introducteur, avec des voitures
de gala au palais de l'archevêché pour con-
dpire le cortège au palais de l'Elysée.
LL. EEm. les cardinaux Foulon et Guil-
bert, NN. SS. les ablégats apostoliques et
les gardes-nobles de Sa Sainteté, ainsi que
leurs suites, s'étaient rendus chacun de sa
résidence respective à l'archevêché.
Après les cérémonies d'usage, le cortège
escorté d'un piquet d'honneur, se mit en
marche pour se rendre à l'Elysée.
La première voiture était occupée par
S. Em. le cardinal Richard, ayant à ses
côtés Mgr Gasparri, ablégat, et en face de
lui M. le comte d'Ormesson, introducteur
des ambassadeurs, et M. le prince Ruspoli,
garde-noble de Sa Sainteté.
La seconde voiture était occupée par
S. Em. le cardinal Foulon,ayant à ses côtés
Mgr Péri Morosini, ablégat, et en face
de lui M. le marquis Fonti, garde-noble
de Sa Sainteté.
La troisième voiture était occupée par
S. Em. le cardinal Guilbert, ayant à ses
eôtés Mgr Scapinelli de Leguigno, ablégat,
et M. le comte Pietromarchi, garde-noble
de Sa Sainteté.
La quatrième voiture était occupée par
le secrétaire à la conduite des ambassa
deurs, M. Mollard, et des secrétaires des
ablégats.
La cinquième voiture était occupée par
MM. les secrétaires des ablégats.
La sixième voiture était occupée par
les trois vicaires généraux des nouveaux
cardinaux.
Les voitures suivantes étaient occupées
par d'autres personnages appelés à figurer
dans la cérémonie.
Nous citerons :
Dans la suite de S. Em. le cardinal Ri
chard, M. l'abbé Bergès, archiprêtre,
MM. les vicaires-généraux Pelgé etBuseau
et M. le chanoine Reulet.
Dans la suite de S. Em. le cardinal Foulon,
M. le chonoine Jeannerot, M. l'abbé Tanil,
chanoine honoraire, et M. Guédon, neveu
du cardinal.
Dans la suite de S. Em. le cardinal Guil
bert, M. l'abbé Petit, son vicaire-général.
Au moment où la tête du cortège fran
chissait la porte d'honneur du palais, la
garde prit les armes, les tambours et les
trompettes rappelèrent, pour rendre les
honneurs dus aux cardinaux.
Des gardes d'élite formaient la haie, de
puis la portière de la voiture jusqu'au haut
du perron, où se tenaient M. le colonel-
commandant et les officiers attachés à la
personne du président.
La musique jouait à ce moment en air
français et après les compliments d'usage
le noble cortège fut conduit dans un salon
d'attente, d'où Leurs Eminences forent
conduites directement à la chapelle du Pa
lais.
Qaelques minutes avant l'arrivée du cor
tège, S. Exc. Mgr Rotelli, nonce aposto
lique; Mgr Averardi, auditeur do la noncia
ture; M. Spuller, ministre des affaires
étrangères; le président du conseil, le garde
des sceaux, le directeur des cultes et d'au
tres personnages officiels avaient fait leur
entrée à l'Elysée.
NN. SS. les ablégats, qui pendant la du
rée de leur mission ont rang d'envoyé ex
traordinaire et de ministre plénipotentiaire,
furent ensuite introduits auprès de M. le
président, entouré des ministres et person
nages officiels dont nous venons de parler.
Après avoir été présenté à M. le prési
dent, chaque ablégat lui a, selon l'usage,
adressé une harangue en latin et remis le
bref de Sa Sainteté qui l'accrédite. M.
le président répondit à ces harangues par
des mots de bienvenue.
Entre temps, on avait déposé à la cha
pelle sur un des bassins de vermeil les bar
rettes, couvertes de la tavajole, serviette
de soie rouge garnie de dentelles, que les
secrétaires de Leurs Eminences avaient
placées sur une crédence, préparée du côté
de l'épîlre, près du siège de M. le prési
dent.
Le cortège quitta alors les grands appar
tements pour se rendre en grande cérémo
nie à la chapelle, chacun selon son rang,
le cardinal Richard, comme premier cardi
nal proclamé, tenant la droite. Après le cor
tège cardinalice le président, suivi des mi
nistres et des officiers de sa maison, le
suivit à la chapelle.
La cérémonie religieuse commença aus
sitôt ; vers la fin de la messe, au moment
de l'Ile missa est, les cardinaux ont pris
place à la gauche du président, qui s'est
placé en face de l'autel.
Chaque ablégat prit alors la barrette et la
présenta sur le bassin de vermeil à M. le
président, et à son tour chaque cardinal
s'inclina sur un coussin de velours rouge,
placé aux pieds du président, qui posa en
suite la barrette sur la tête du cardinal.
En même temps M. le comte d'Ormesson
posait sur les épaules de chacun des nou
veaux cardinaux le manteau rouge, pré
senté par le secrétaire de Mgr l'ablégat
respectif.
Après l'accomplissement de ce cérémo
nial, Leurs Eminences quittèrent le surplis;
puis, ayant revêtu leurs habits de grande
cérémonie, les cardinaux avec tout ie cor
tège rentrèrent dans les grands apparte
ments, où S. Em. le cardinal Richard, ar
chevêque de Paris, harangua en français,
au nom de ses Eminentissimes collègues,
M. le président de la République. M. le
président les remercia aussi par une seule
réponse.
Après avoir présenté leurs suites respec
tives, M. le président conféra des marques
de distinction aux ablégats et aux gardes-
nobles de Sa Sainteté, M. le président
leva l'audience publique et les personnes
n'ayant pas rang dans la cérémonie se reti
rèrent, puis leurs Eminences et les person
nes du cortège furent reçues par Mme
Carnot.
Un déjeuner fut ensuite servi à tous les
personnages composant Je noble cor
tège.
Le retour s'est effectué avec le même
cérémonial qu'à l'arrivée.
C'est pour la première fois que M. Car
not, président de la République, remet la
barrette cardinalice, et il faut le louer
d'avoir compris qu'on ne devait pas enlever
son caractère religieux à celte grave céré
monie.
L'usage de la remise des barrettes date
du Pape Paul II, de sainte mémoire, qui
accorda ce privilège aux cardinaux et con
firma au roi de France le titre de fils aîné
de l'Eglise. ,
H.-G.Fromm.
Voici le texte de l'allocution adres
sée au président de la République par
S. Em. le cardinal Richard :
Monsieur le président,
La remise de la barrette est pour les
nouveaux cardinaux une circonstance heu
reuse qui leur permet d'exprimer le senti
ment d'une double reconnaissance envers
le Souverain Pontife et envers le chef de
l'Etat.
Les évêques uniront toujours, dans un
même amour et un môme dévouement,
l'Eglise dont ils ont l'honneur d'être les mi
nistres, et la France dont ils sont heureux
d'être les fils.
Veuillez, monsieur le président, nous
permettre de renouveler devant vous l'ex
pression publique de notre gratitude pour
la bonté avec laquelle Sa Sainteté a daigné
nous appeler à faire partie du Sacré Col
lège, et d'y joindre l'hommage de nos res
pectueux remerciements pour la haute
bienveillance avec laquelle vous vous êtes
associé à la pensée du Saint-Père.
Léon XIII, en donnant à la France trois
nouveaux cardinaux, a voulu témoigner, une
fois de plus, l'affection qu'il porte à la na
tion qui garde le titre de « Fille aînée de
l'Eglise», et qui,nous en avons la con
fiance, demeurera fidèle à ses traditions
nationales et à sa mission providentielle.
Dans cette circonstance solennelle, nous
ne pouvons qu'oublier nos humbles per
sonnes, et, si je ne puis méconnaître les ti
tres de mes vénérables collègues à la dignité
cardinalice, je suis assuré d'être leur inter^
prête en aimant à voir, avant tout, dans'
l'honneur qui nous est déféré, un témoi-;
gnege de distinction accordé aux grandes
Églises de Lyon, de Bordeaux et de Paris,
un hommage rendu aux populations catho
liques qui nous sont confiées, et qui ne ces
sent de se montrer admirables dans les
manifestations de leur foi, de leur charité,
et j'ajoute volontiers de leur patriotisme.
Dans les temps paifois difficiles où nous
vivons, le péril ne viendra jamais du côté
de l'Eglise, car, si elle doit sauvegarder la
dignité des consciences, elle sait enseigner
aux peuples le respect de la double auto
rité, qui régit la société, l'autorité civile et
l'autorité religieuse.
C'est l'exemple que nous ont laissé les
évêques qui furent nos prédécesseurs [et
nos modèles. Vous ne me saurez pas mau
vais gré, monsieur le président,de me sou
venir, en ce moment, de celui que j'ai vé
néré comme un père, le cardinal Guibert,
de pieuse mémoire. Mes éminents collé
gues, je le sais, m'en sauront gré pareille
ment.
L'histoire dira quel dévoûment il montra
pour la France aux jours de nos malheurs,
quand il donna l'hospitalité au gouverne
ment de la défense nationale à Tours.
A l'heure où il allait mourir et, comme
il l'a dit lui même, rendre compte à Dieu
de sa longue administration, après l'Eglise
et le Souverain Pontife, sa dernière pensée
fut pour la France.
Il redoutait pour elle le3 efforts des en
nemis du christianisme, il confia ses patrio
tiques inquiétudes au chef de l'Etat, et il
termina cette communication par une pa
role qui révèle son âme épiscopale et fran
çais :
c Je ne me résous pas à clore ma lettre
sans exprimer l'espoir que la France ne se
laissera jamais dépouiller des saintes cro
yances qui ont fait sa gloire dans le passé
et qui lui ont assuré le premier rang parmi
les nations. »
Nous confions cet espoir, monsieur le
président à votre, sagesse et à votre hante
intelligence des besoins et des aspiraiions
du pays.
Qu'il me soit permis d'ajouter encore une
parole : en demandant à Dieu de bénir les
sollicitudes de votre gouvernement, nous
lni demandons aussi de bénir votre famille.
Nul ne sait mieux apprécier que nous le
bonheur et la dignité d'un foyer auquel pré
side une femme chrétienne et française. Que
Dieu daigne, monsieur le président, vous
conserver les joies intimes qui sont le par
tage des familles chrétiennes et le meilleur
repos dans les travaux de la vie publique I
Voici le texte du discours prononcé,
par Mgr Peri-Morosini, ablégat pour
S. Em. le cardinal Foulon :
Prœses excellentissime,
Prœclaras inter laudes, excellentissime
Praeses, quibus nobilissima eminet Gallo-
rum Natio, haec potissimum est merito re-
censenda, ipsam videlicet usque a primîe-
va chrisliani nominis propagation? veram
et catholicam fidem amplexam esse, eamque
thesauri instar pretiosi integram perpetuo
coluisse. Nec inde mirum, si eadem Natio
per sseculorum diuturnitatem viros pietate
et doctrina usquequaque insignes Ecclesise
genuerit, si Apostolioam Sedem tamquam
parentem et magistram peculiari religionis
affectu semper sit venerata, si quos habue-
rit viros pro meritis excellentes, eos laudis
honorisque testimoniis semper decoraverit.
Quam ergo honorificum ac 'perjucundum
hoc mihi accidit munus, ut prœclarissimi
Viri laudes coram Te persequar, et Romani
Pontificis studium ac premia virtuti ( tri-
buenda, jam cômpèrtum, in tanta nunç am-
plitudine et dignitate loci _ splendidissi-
moque consessu re ipsa amplius declarem.
Quandoquidem ab Urbe missus sum dela-
turus Tibi, excellentissime Prseses, Biretum
rubrum, senatoriœ purpuratorum Patrum
dignitatis insigne, quod Pontificis Maximi
auctoritate et nomine, Viro -admodum co-
lendo imponas Josepho Alfredo Foulon,
Archiepiscopo Lugdunensi, qui rerum ges-
tarum splendore, doctrinteque lande taie
suipsius nomen excitavit, ut a providentis-
simo Leone XIII dignus habitus sit qui
cardinalatus fastigium obtineret.
Jamvero sapientice acvirtuli vel a primis
annis totum sese applicuit addixitque Jose-
phus Alfredus Foulon, ab iisdemque para-
tus apprime atque instructus de sacerdotali
munere optime meritus est, tum episcopali
infula insignitus, Nancœi primum, Visontiœ
postea, demum in prœstantissima et per-
vetusta Lugdunensi Sede virtutis spéculum
fuit et est, conditionis ac pastoralis sollici-
tudinis fama, animi comitate eximius adeo
ut strenuus Irenasi antecessoris œmulator,
maxime propter reverentiam et pietatem
erga apostolicam Sedem cum omnium ad-
miratione laudetur.
Quœ omnia, excellentissime Prsoses, ego-
metipse perpendens, a quo, inquam, lega-
tus adsum, neque minus ad quem legatio
mea et cujus gratia versatus, hoc munere
amplissimo summopere gaudeo, atque no-
viter adlecto iu Augustum Romanœ Eccle-
sire Senatum snmmam animi gralulationem
exhibeo, parique animi studio adprecor et
exopto, ut Benignissimus Deus Lugdunen-
sem Antistitem diutissime sospitet, Teque,
Excellentissime Praeses, omni prosperitate
cumulet et Galliam uuiversam incolnmem
florentemque servet, servet gloriosam.
Voici le texte du discours prononcé
par Mgr Scapinelli di Liguigno, ablé
gat pour S. Em. le cardinal Guil
bert :
Valde honorificum et mihi jucundnm
Ablegati munus, quo, ex Summi Ro
mani Pontificis jussu .tipud Te fungor,
excellentissime Praesses, perspicuum om
nibus, et gratum prœbet exemplum fa-
cundte illius inter ecclesiasticam et ci-
vilem auctoritatem concordiœ, quae pro-
culdubio semper in populorum cedit
felicilatem ; sed eo magis quando, sicut
hodie contingit, fausta duarum - potesta-
tum conspiratione, ingenii et rerum op
time gestarum prsecipua ac digna ratio
habetur. Siquidem Eminentissimum Virum
Gardinalem Amatum Victorem Francis*
cum Guilbert, morum gravitate, litterarum
cul tu, pastorali cura, regendi munere et
prudentia clarissimum in Gallica Ecclesia
ommes novernnt.
Is, postquam in Vaprincensi ao deinde
Amiensi episcopatu, sapientiœ etvirtutum
specimen de disse t illustre, ad Burdigalen-
sem, totius Aquitaniœ principem Ecclesiam,
translatus, venerabilis illius Sedis nobilis-
simas traditiones sequutus, nihil antiquius
habuit, quam fidei catholicae adserendaî et
vindicandee, reverentis Sedi Romante ob-
sequii prœstandi,omnisque pastoralis officii
exhibendi, studium et sollicitudinem.
Quapropter, hodie maxime gratulandum
est, quod per Reverendissimum Archiepis-
copum Burdigalinsem, nuper Cardinalem
renuntiatum, novum decus et Eccleske et
Patrige additum sit, atque auspicandum,
ut, in utriusque societatis commodum eum
ad multos annos Deus sospitem servet.
Et Tibi, excellentissime Preeses, e cujus
manibus excelsœ dignitatis insigne Ipse
mox recipiet, omen mihi liceat ferre, ut
Dominus dominantiumdexter Tibi adsistat,
in gnbernando sapientiam et consilium tri-
buat ; ut, in gloriam nobilissima} et chris-
tianissimœ Gentis Gallicoe, regimen tuuni
clarissima semper memoria celebretur.
Au moment de mettre sous presse,
nous n'avons pas encore le texte du
discours prononcé par Mgr Gasparri,
ablégat pour S. E. le cardinal Ri
chard.
Nous le publierons demain.
Assemblée provinciale
de l'anjou
Nous avons reçu d'Angers la dépê
che suivante :
Angers, 10 juin, 5 h. 20 du soir.
Ce matin, à la messe des corporations,
il y avait une assistance de 5,000 per
sonnes.
Mgr Freppel a prononcé une belle allo
cution sur le régime corporatif.
A deux heures, réunion générale. Dans
un très beau discours, M. Urbain Guérin a
mis en parallèle le gouvernement parle
mentaire et le gouvernement représentatif.
Il a montré la décadence du régime parle
mentaire coi'ncidant avec l'extension du
droit électoral, et affirmé énergiquement la
nécessité de la représentation des intérêts
en même temps que l'utilité de mener dé
front l'action sociale et l'action politique.
De chaleureuses acclamations ont salué
l'éclatant succès de l'orateur.
Ce soir, aura lieu un banquet où des
toasts seront portés par MM. de la Salmo-
nière, Martin, abbé Grimault, le vicomte
de Rougé, de la Guillonière.
Da RoUGÉ, DE VlLLEBOlS.
ALLOCUTION
PRONONCÉE PAR
Mgr l'évêque d'Angers
à la fête des corporations ouvrières
TERMINANT
l'assemblée régionale de l'anjou,
de la touraine et du maine
[Lè 40 juin 18S9
Fratsr quiadjuvatur a fralre
quasi civitas firma.
Le frère aidé par le frère est
comme une forte cité.
(Proverbes, xvm, 10 J
Messieurs,
Ces paroles du Sage renferment le meil
leur éloge que l'on puisse faire du régime
corporatif; et c'est pour en avoir méconnu
la justesse que les sophistes du siècle der
nier ont porté le trouble et la confusion
dans le monde du travail. Bien qu'ayant
sans cesse à la bouche le mot de frater
nité,qu'ils détournaient d'ailleurs de son vé
ritable sens, ils n'estimaient pas que les
ouvriers dussent être des frères s'appuyant
les uns sur les autres dans leur œuvre com
mune, et, poussant la doctrine de l'égoïsme
jusqu'à nier le principe même de l'associa
tion, l'un des coryphées de la secte révolu
tionnaire ne craignait pas de dire que « la
source du mal est dans la faculté même ac
cordée aux artisans de s'assembler et de se
réunir en corps (1). » Tant il est vrai que
plus on s'éloigne de l'Evangile, plus on our
blieles vraies notions de la solidarité et de la
sociabilité humaine.
Voilà pourquoi la fêle des corporations
ouvrières de la ville d'Angers devait servir
de couronnement à cette assemblée provin
ciale qui, depuis trois jours, siège au mi
lieu de nous, pour rechercher les vraies
conditions de l'ordre économique et social.
Vous protestez par votre réunion sous une
même bannière contre la suppression ab
solue du régime corporatif, l'une des er
reurs les plus funestes de la Révolution
française. Vous protestez par votre pré
sence dans cette église cathédrale contre là
séparation de la religion et du travail, mon
trant ainsi qu'à vos yeux la loi de Dieu
manifestée par son Christ doit dominer et
régler toute l'activité humaine.
Assurément, messieurs, la liberté du tra
vail était l'une des réformes généralement
désirées avant 1789. Les cahiers du clergé
plus encore que ceux des deux autres or-
res de l'Etat, la demandaient formelle
ment. Choisir librement sa profession, en
établir le siège partout où on le voudrait,
travailler d'après les méthodes et ^pro
cédés de fabrication que l'on jugerait les
plus avantageux : c'était là un triple droit,
dont l'exercice devenait utile et même né
cessaire par l'avènement de la grande in-
(l) T argot {Edit du 12 mars IT76.)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.78%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.78%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Bibliographie de la presse Bibliographie de la presse /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPNOUV"
- Auteurs similaires Veuillot Louis Veuillot Louis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Veuillot Louis" or dc.contributor adj "Veuillot Louis")Veuillot François Veuillot François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Veuillot François" or dc.contributor adj "Veuillot François")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k706653s/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k706653s/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k706653s/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k706653s/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k706653s
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k706653s
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k706653s/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest