Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-06-06
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 juin 1889 06 juin 1889
Description : 1889/06/06 (Numéro 7828). 1889/06/06 (Numéro 7828).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 6 Jum 1880
W 782$ m Mifea ftifidifcaiA
Jeudi 6 Juin 1883
KJS
ËflîtlON QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
El DÉPABTEMEilS (UNION POSTALE)
Un an. , . . . 55 » 68 »
Six mois. . . , 23 50 34 »
Trois mois. . .15 » 18 #
^.■ifewfitténicntg partent des t" et 10 de chaque mois
( Paris . ; . . .15 cent.
UN NUMERO { Départements* 20 -
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
, PARIS ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (UÎÏION POSTALE)
Un an. .... 30 s 36 »
Six mois. ... 16 » 19 »
Trois mois. . . 8 50 10 »
Os s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
satasme»
Les abonnements parlent des 1" et 16 de chaque u«H
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés.
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÂNGE, CE11F et C i0 , 6, place de la Bourse
FRANGE
PARIS, 5 JUIN 1889
M. Carnot a terminé, sans incident
qui vaille la peine d'être rapporté ici,
son voyage à travers le Pas-de-Calais,
il est rentré dans sa capitale, hier soif,
à huit heures et demie. Ce retour n'a
pas donné lieu à de grandes manifes
tations. Un millier de personnes sta
tionnaient devant la gare du Nord.
Quelques cris de : Vive Carnot 1 de :
Vive la République ! et aussi de :
Vive Boulanger 1 Deux ou trois coups
de sifflet. Pas de désordre.
Au Sénat, rien d'important.^ On a
validé l'élection de M. Leroux, élu par
le département de l'Aisne; on a voté
la loi relative à l'introduction en Fran
ce des viandes fraîches, cette loi que
la Chambre avait adoptée l'autre jour
un peu malgré le ministère ; puis op.
s'est ajourné à jeudi> après avoir expé
dié quatre ou cinq projets de loi d'in
térêt local.
Pendant ce temps, la commission
de la haute cour de justice travaille
toujours... dans le vide. Ce travail
toucherait-il à sa fin? On annonce
l'envoi du dossier complet de l'affaire
du général Boulanger au parquet. Le
Petit Journal croit savoir que cette
mesure a été l'objet d'une longue dé-
libératicin au sein du conseil de cabi
net, hier matin.
A la Chambre, on a continué la dis
cussion du budget des affaires étran
gères. Comme tous les ans, un député
radical, — c'était M. Anatole de la
Forge cette fois-ci,— est venu deman
der la suppression de notre ambassade
âùprès du Saint-Siège. Gomme tous
les ans, le ministre des affaires étran
gères s'y est opposé, — l'opportuniste
Spuller ne faisant, en cela, que suivre
l'exemple du radical Goblet, — et no
tre ambassade a été maintenue. Mgr
Freppel a flétri cette inconvenante co
médie. MM. Pichon et Anatole de la
Forge ont essayé de lui répondre.
On a discuté aussi quelque peu à
propos des consuls, et M. le comte de
Lanjuinais a demandé, sans les obte
nir, diverses petites économies sur
certaines ambassades et légations. _
Au début de la séance, M. Félix
Fauré avait posé deux questions à M.
Spuller, l'une relative à la conversion
de la Dette égyptienne, l'autre concer
nant les affaires d'Haïti. Au sujet des
événements d'Haïti, nous publions
plus loin une correspondance, qui nous
vient de bonne source, et qui jette un
triste jour sur la situation. Les inté
rêts de nos nationaux sont absolument
négligés, au grand profit des autres.
Européens, et la persécution religieuse
est déchaînée.
La presse tout entière, comme il est
naturel, s'occupe de l'acte inoui, du
véritable vol que viennent d'accomplir
la régence et le ministère serbes. On
est d'accord pour conseiller à notre
gouvernement une attitude énergique.
Il ne doit pas laisser ainsi dépouiller,
contre tout droit, la Compagnie fran
çaise des chemins de fer. Les auteurs
de cette spoliation impudente ont-ils
été poussés par quelqu'un de plus
puissant qu'eux ? C'est possible^ c'est
même probable. Comme les vaillants
Italiens, ils n'oseraient pas nous pro
voquer de la sorte, s'ils ne se savaient
point appuyés. Cette considération ne
doit nullement empêcher notre gou
vernement de se montrer ferme et
résolu; au contraire. Ainsi que le dit
un journal, il ne faut pas qu'il soit
« établi qu'on peut impunément lâ
cher à nos trousses le premier roquet
venu, et que nous n'osons point châ
tier la bête, de peur de découvrir sur
son collier qu'elle appartient à un mai-
tre redouté dans le monde. » Ne nous
laissons pas faire ; mettons le roquet
à la raison, et on ne recommencera
plus.
Les journaux s'occupent aussi, con
tinuent à s'occuper, du toast porté
par le czar au prince de Monténégro,
de passage à Saint-Pétersbourg : « Je
bois au prince de Monténégro, le seul
sincère et fidèle ami delà Russie. »
Ce toast a été reproduit par le il/es
sayer officiel. Il faut bien le dire : il a
causé en France, non pas de l'inquié
tude ni du mécontentement, mais une
certaine surprise. Beaucoup tirent
des paroles du czar cette conclusion,
qu'il a été Iroissé du très fâcheux inci
dent de Sagallo. Ils n'ont sans doute
pas tort. S'ils ajoutaient que l'empe
reur de Russie ne peut se considérer
comme l'ami d'un gouvernement tel
que le nôtre, ils auraient absolument
raison. Ce qui prouve, une fois de
plus, qu'au point de vue extérieur
de même qu'au point de vue inté
rieur, nous avons tout intérêt à chan-t
ger de régime.
. M. Tisza vient d'être encore très
malmené par l'opposition au Parle
ment hongrois. Il conserve, avec
peine, sa majorité; mais il a perdu
évidemment son prestige. C'est fort
heureux. Espérons que la perte de son
prestige entraînera bientôt celle de
son portefeuille.
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
Le ministère des affaires étrangères
a donné lieu hier à deux discussions
particulièrement importantes.
Après avoir renouvelé les critiques
qu'il a formulées récemment à propos
de notre agent diplomatique près la
république d'Haïti, M. Félix Faure a
traité des affaires égyptiennes. Il a
signalé les démarches faites pour pré
parer la conversion partielle de la dette
et a signalé les conséquences diverses
de ce projet. D'abord la question de
droit est controversée. Puis la question
de fait touche à l'état général de l'E
gypte. Si, dit M. Faure, la prospérité
du pays est assez grande pour que l'on
puisse convertir la dette, c'est que la
période de réorganisation est termi
née. Donc l'occupation anglaise, qui
avait pour but,ou plutôt pour prétexte,
cette réorganisation,n'a plus ae raison
d'être. Enfla les puissances signatai
res de la convention internationale
doivent être consultées à propos de la
conversion. M. Spuller a répondu
en termes , embarrassés, et cepen
dant assez clairs pour qu'on puisse
être convaincu que la conversion
de la dette est en train de se faire. Le
gouvernement khédivial a notifié cette
opération ; et, suivant M. Spuller, on
ne conteste pas son droit. Le ministre
reconnaît que la grosse affaire de l'oc
cupation anglaise est soulevée par
cela même ; et il se borne à promettre
de se concerter avec les autres puis
sances intéressées. — Un débat entre
MM. de la Ferronays et Bourgepis
(celui-ci voudrait rattacher les consu
lats au ministère du commerce) a
fourni à M. Spuller le sujet de dé
clarations pacifiques et exposition-
nelles, c'est-à-dire de quelques anti
thèses et de quelques assonances
absolument insignifiantes, mais tou
jours applaudies avec solennité : La
France n'est pas inquiète et ne sera
jamais inquiétante ; elle est sans jac
tance et sans faiblesse (auctore Freyci-
net, au temps des décrets et de la
brouille avec Gambetta) ; la France
sait ce qu'elle veut parce qu'elle sait
ce qu'elle vaut, etc.
La France, cher Oscar, sera toujours la France.
Et les Français seront toujours Français.
Avec cette philosophie de La Palisse
et ces sentences de mirliton, le moin
dre orateur provoque l'enthousiasme
dans notre généreux pays. Oscar est
toujours prêt à s'emballer.
■ C'était, l'autre jour, M. Achard qui
réclamait la suppression du budget
des cultes ; c'était hier l'éternellement
chevaleresque Anatole de la Forge qui
demandait la suppression de l'ambas
sade près le Vatican. L'un et l'autre
agissaient au nom de cette glorieuse
extrême gauche qui a tant et de si
belles idées et qui a été si bien repré
sentée par le ministère Floquet. Com
me l'amendement n'avait pas été sou
mis à la commission; comme seul l'au
teur pouvait parler, il a fallu que Mgr
Freppel proposât un amendement à
son tour pour avoir l'occasion de ré
pondre. L'évêque-député a donc pro
posé une augmentation des crédits de
l'ambassade. De même que, l'autre
jour, Mgr Freppel a signalé les
vaines manifestations du radicalis
me : il a contraint ces piteux éner-
gumènes à s'entendre dire qu'ils ne
désirent pas ce qu'ils réclament ;
qu'ils ne croient pas à ce qu'ils affir
ment. Avec une éloquence chaleu
reuse, avec une verve triomphante,
l'illustre orateur a stigmatisé la poli
tique des sectaires qui poussent la
France à « s'aliéner l'esprit et le coeur
des catholiques du monde entier ».
Le^ jeune citoyen Pichon, que M.
Clémenceau venait de bourrer et de
chauffer, est monté à la tribune et a
injurié l'Eglise et le Pape; il s'est plu
à rappeler l'intervention du Souverain
Pontife lors du vote du septennat mi
litaire en Allemagne. Le toujours
jeune citoyen Pichon aurait dû dire ce
que sa république a fait pour s'attirer
les bons offices du Pape. La déclama
tion du citoyen Pichon a paru creuse
même à M. Anatole de la Forge, qui a
repris la parole et s'est écrié : « Tant
pis pour nos électeurs s'ils ne nous
réélisent pas ! » Voilà toute la con
fiance qu'ils ont à la veille du combat.
La. discussion s'est continuée en
suite entre MM.ThellierdePoncheville,
Lanjuinais, Hanotaux, Amagat, sur
l'organisation des services de notre
administration. On terminera demain.
On commencera le budget de l'ins
truction publique; et peut-être M.
Ferry, .enfin, parlera.
Eugène Tayernieb.
L'auteur de la Vérité sur Mgr Darboy
avait dit dans ; son écrit même : Je suis
prêt à donner mon nom. Il le fait au
jourd'hui par la lettre suivante :
Chabris (Indre), 4 juin 1889.
Monsieur,
Vous avez donc reçu une lettre chargée
de reproches et d'aménités pour vous et
pour l'auteur de La Vérité sur Mgr Darboy.
Votre correspondant, qui ne mesure guère
la portée d'une injure, dit que cet écrit est
infâme ; et il ajoute que l'auteur se cache
en vain sous l'anonyme, car son nom sera
dénoncé et collé à son œuvre.
Je n'éprouve pas le besoin de protester
bien vivement contre un langage qui ne
m'atteint pas. Tous les lecteurs de l'opus
cule incriminé en feront justice ; et les au
tres ne voudront pas s'en rapporter au ju
gement d'un homme dont le style trahit
surtout Yinnocence. ^
Mais ne trouvez-vous pas, monsieur,
qu'il va bien vite ? On a dit que les dieux
d'Homère en trois pas sont au bout du
monde : pour lui, il tombe, du premier
coup, dans l'infamie. Je veux espérer que
le sentiment de cette chute l'aidera à com
prendre sa faute et à m'adresser la répara
tion qui m'est due.
Depuis six semaines que la brochure a
paru, nous n'avons entendu aucune protes
tation ; nous n'avons lu aucune ébauche de
réfutation. C'est que toute réfutation est
impossible, et l'on en a conclu, avec beau
coup de raison, qu'il serait aussi dangereux
qu'inutile de protester. L'intervention de
ce Lorrain prouve-t-elle qu'on s'est ravisé ?
Dans ce cas, on fera bien de choisir un
homme sérieux, qui puisse discuter au
lieu de lancer des injures. (Jette lettre est
un vilain corbeau, qu'on a lâché pour crier
contre moi: Je pourrais lui tordre le cou ;
mais si l'arche de Noé tout entière s'y
mettait, je ne serais pas au bout de mes
peines. J'aime mieux le prendre à mon ser
vice en qualité de pigeon voyageur.
Il paraît que l'auteur de La Vérité a en
couru un très grave reproche en ne signant
pas son travail; et votre correspondant as
sure qu'on va chercher son nom, le dénon
cer et le coller à son œuvre. Je regrette de
ne pouvoir me payer le plaisir de voir le
policier de Nancy faire buisson creux et
rentrer bredouille après avoir dépensé force
timbres-poste. Par malheur, mon nom est
connu à Bourges, à Lyon, à Orléans, et, je
crois bien, èi Nancy même... en cent autres
endroits. Quand on en pourra, dire autant
de mon vaillant contradicteur, peut-être
ne sera-t-ii pas fier d'avoir « déguisé son
écriture ». Au surplus, j'ai dit pourquoi cet
opuscule n'est pas signé, ajoutant que l'au
teur se découvrirait aussitôt qu'il en serait
besoin. Le coup ne porte donc pas; et je
me demande quelle est la naïveté de votre
correspondant. Vous verrez, monsieur, que
lui seul ne comprendra pas pourquoi le
clergé de France et de Navarre rit de si
bon cœur en le voyant, sérieux et farou
che, braquer contre moi une arme que j'ai
déchargée devant lui.
Pour la lui faire tomber des mains, et
pour en finir avec cette innocente escar
mouche d'avant-garde, je signe, en me di
sant avec le plus profond respect, monsieur,
votre très humble serviteur.
F. Belleville.
Nous devons noter que l'anonyme
de Nancy, celai-là même qui ne peut
comprendre qu'un honnête homme
cache son nom, n'ignorait pas celui
de M., l'abbé Belleville. 11 nous disait
courageusement sous son masque :
« Vous n'êtes pas sans savoir » quel
est l'anonyme, auteur de La Vérité sur
Mgr Darboy, « la France et la Na
varre le connaissent : il a nom M.
l'abbé Belleville, curé de Chabris, In
dre... »
On voit que cet ennemi masqué
du masque était bien informé. Nous
ne sommes pas dans le même cas à
son sujet, et nous ne pouvons dire
comment a il a nom ».
Mettons ici nos initiales pour que
cet adversaire rageur et voilé ne
Euisse nous reprocher de nous déro-
er lâchement devant lui.
E. V.
P.-S. — Nous engageons M. l'abbé
Belleville à faire chez un libraire de
Paris un dépôt de sa brochure. Elle
n'y resterait pas. En attendant, nous
rappelons qu'elle se trouve à Gien
(Loiret), chez M. Pigelet, imprimeur-
libraire. Prix : 1 fr. 50.
Nous reeevons aujourd'hui le décret
relatif à la béatification du vénérable
P. Chanel.
Nous le publierons demain.
Un de nos abonnés nous adresse la
note suivante, que nous reproduisons,
bien qu'elle fasse double emploi avec
une note que nous avons précédem
ment donnée :
« Aux catholiques,
« Vote des députés boulangistes sur
la proposition de M. Achard, tendant
à la suppression complète et immé
diate du budget des cultes.
« Ont voté pour :
« MM. Borie, Ducoudray, Laisant,
Laguerre, Laur, Laporte, Le Hérissé,
Saint-Martin, de Susini, Thiessé, Tur-
quet, Turigny, Vergoin, Vacher.
« Et maintenant, catholiques, soyez
boulangistes! »
Nous ne connaissons point, pour
notre part, de catholiques auxquels
on puisse dire en toute exactitude :
« Vous êtes boulangistes ! » Mais nous
en connaissons beaucoup qui, sans
avoir pris encore aucun engagement,
sont disposés à préférer les candidats
boulangistes à ceux de l'opportunisme
ou du radicalisme. Leur raison, c'est
que si les candidats du Général ne pro
mettent rien de bon, ceux de MM.
Ferry, Constans et Clémenceau seront
certainement mauvais !
Notre avis, à nous, est de ne rien
décider encore et de nous préparer à
l'action sur le terrain catholique.
Le travestissement auquel se sont
livrés le Temps et l'Estafette sur la ré
cente lettre pastorale de S. Em. le
cardinal Ricnard produit de singu
liers résultats chez les journaux qui,
sans avoir lu cette lettre, en jugent
d'après ce résumé plus que suspect :
Voici, par exemple, ce que nous
lisons dans le National :
M. l'archevêque de Paris, dans une lettre
pastorale pour la célébration de la fête du,
Sacré-Cœur, a trouvé l'occasion de parler
de la commémoration du Sacré-Cœur.
Chose étrange, il se déclare Vadmirateur de
là Révolution, il en reconnaît les bienfaits, il
affirme que l'Eglise n'est point l'ennemie de
la démocratie ; enfin, il proteste hautement
de son attachement au Concordat.
Du moment que M. l'archevêque de Pa
ris s affirme de tels sentiments, nous n'en
saurions douter. Mais comment se fait-il
que les ouailles de ce prince de l'Eglise
fassent exactement le contraire de ce qu'il
écrit?
D'autre part, on lit dans la Liberté :
L'éminent prélat n'est pas de ceux qui
ne veulent voir dans l'œuvre de la Révolu
tion que les effroyables convulsions et les
sanglants excès de la Terreur ; il en recon
naît et en glorifie même les grands résultats.
Il ne nie aucun des progrès réalisés depuis
cent ans dans toutes les directions de l'in
telligence et de l'activité humaine sous l'ins
piration même des -principes proclamés en
89 et des libertés conquises à cette époque.
Le dix-neuvième siècle, fils immédiat do la
Révolution, est et restera une des plus
belles étapes dans la marche ascendante
de l'humanité. En tout cas, la direction et
l'impulsion qui ont été données à la civilisa
tion moderne sont irrésistibles.
Le monde nouveau diffère à jamais du
monde ancien. Il faut l'accepter tel que la
loi providentielle qui préside aux grands
événements d'ici-bas l'a constitué. Rien ne
pent plus en changer les conditions essen
tielles.
Nous prions la Liberté comme le
National de vouloir bien nous citer le
passage de la lettre pastorale qu'ils
prétendent résumer, où ils auraient
découvert tout cela.
Le Figaro ne pouvait manquer de
faire sa petite partie dans ce concert.
Travestissant aussi à sa manière, il
écrit :
Je ne saurais trop recommander la mo
dération de cette lettre pastorale aux bon
nes gens qui, plus royalistes que le roi, ne
paraissent pas s'être consolés encore de la
Révolution de 89, et qui ont contribué cer
tainement parleurS exagérations à préparer
l'état de choses dont souffre aujourd'hui la
paix publique. La politique antireligieuse
eût été moins loin si le clergé des cam
pagnes, isolé, mal conseillé par ses lec
tures, n'avait pas pris position si nettement
contre la République de 1871 à 1879, s'il
avait imité la réserve du clergé de Paris,
circonspect, prudent, habile à éviter toutes
les difficultés sans sacrifier les principes,
sans rien perdre de son influence et de
son autorité spirituelles.
Ce n'est pas la première fois que
Figaro , par un sentiment dont on ap
préciera le caractère, se sert ainsi de
la soi-disant attitude du clergé de Pa
ris pour s'attaquer au clergé du reste
de la France, et l'accuser odieuse
ment d'être responsable de la persé
cution dirigée contre l'Eglise par les
gens au pouvoir. Nous n'avons besoin
qué de signaler une fois de plus cette
manœuvre, en ajoutant que la Répu
blique française s'empresse de repro
duire avec éloges les imputations de
Figaro.
Hier après midi a eu lieu, en la cha
pelle du palais archiépiscopal, la cé
rémonie de la prestation du serment
de fidélité et d'obéissance à la sainte
Eglise et au Souverain Pontife, de la
part de S. Em. le cardinal Richard,
archevêque de Paris. .
Par ce serment les nouveaux cardi
naux promettent de défendre les
droits et les privilèges du Saint-Siège
usque ad effusionem sanguinis et d'ob
server les constitutions apostoliques.
La formule du serment a été lue en
présence de S. Exc. Mgr Rotelli,
archevêque de Pharsale, nonce apos
tolique ; de Mgr Gaspari, ablêgat apos
tolique; de Mgr Averardi, auditeur,
et de Mgr Celli, secrétaire de la non
ciature. Mgr Gaspari était en outre
accompagné de M. l'abbé Bourdinhon,
professeur de droit canon à l'Institut'
catholique.
Selon le formulaire de la cérémonie
le missel, placé du côté de l'épître, ■
était ouvert à l'endroit où se trouve
une image de Notre-Seigneur Jé
sus-Christ. S. Em. le cardinal Ri
chard, revêtu de la robe violette et
du rochet et portant la calotte car
dinalice, était entouré de Mgr Be-
louino, évêque d'Héliopolis ; de -Mgr ;
d'Hulst, recteur' de l'institut catholi
que, et des vicaires généraux de l'ar-
chidiocèse.
Après avoir lu, conformément au
cérémonial usité, tête hue, la formule
du serment per extensum de verbo ad
verbum , il a posé la main sur le missel
en prononçant les mots solennels :
Sic me Deus adjuvet et hsec sancta
Dei Evangelia.
Après avoir baisé l'image de Notre-
Seigneur, Son Eminence a signé da
ses nom et prénoms la formule et l'a
remise entre les mains de Mgr l'ablé-
gat.
Le soir a eu lieu dans les apparte
ments du cardinal un diner de vingt-
couverts en l'honneur de S. Exc. Mgr
le nonce apostolique. Les personnages
qui avaient pris part à la cérémonie de ,
prestation du serment et M. le prince
Ruspoli, garde-noble de Sa Sainteté,
faisaient partie des invités.
En Haïti
La question posée hier au ministre
des affaires étrangères donne un in
térêt tout particulier à la lettre ci-
jointe, qu'un correspondant bien in
formé nous envoie du Cap-Haïtien, et
qui ne manquera pas d'émouvoir pro
fondément les cœurs français et catho
liques :
Cap-Haïtien, 8 mai 1881).
Laguerre civile qui désole le pays depuis
six mois menace de se prolonger indéfini
ment par la raison qu'aucun des partis qui
se disputent le pouvoir n'est assez fort pour
remporter un triomphe complet. Ce qu'il y
a de plus clair, c'est que le pays va k la
raine et peut être à la perts de son in
dépendance. On parle d'un prétendu
projet de protectorat français ; c'est
une chimère : les Etats-Unis sont bien dé
cidés à empêcher toute puissance euro
péenne de s'implanter en Haïti. Depuis
bientôt trois mois la frégate américaine
Galena, portant pavillon du vice-amiral
Gherardi, stationne dans la rade du Cap :
elle y a été rejointe par un autre navire de
guerre. Evidemment cette station navale
n'a pas seulement pour but de protéger.la.
libre entrée des navires de commerce amé
ricains. On peut même dire qu'elle serait
parfaitement inutile si elle n'avait pas une
autre destination, vu que le blocus du Cap '
Haïtien n'existe que pour la France, où le
gouvernement s'obtine à le prendre au sé
rieux malgré les réclamations des négo
ciants du Havre. Le port du Cap n'a ja T
mais été efficacement bloqué, et depuis
près de qilatre mois aucun navire
de Port-au-Prince n'a paru dans ses eaux.
Aussi, les navires de commerce, qui se prér
sentent, entrent et sortent sans aucune dif
ficulté, les voiliers comme les vapeurs. Il en
vient de presque toutes les nations, excepté
de la France. Le paquebot postal de la
Compagnie transatlantique n'a pas paru
depuis octobre, en sorte que nous sommes
privés de toute communication directe aveo
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 6 juin 1889
BEAUX-ARTS
Salonde 1889
Quatrième article
■PEINTURE HISTORIQUE ET A.NECD0T1QUE
Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ?
Ce cri du cœur arraché à un poète
qu 'exaspéraient les guerriers aux belles
enémides, les sénateurs en laticlave, les
faisceaux des consuls et le feu sacré des
vestales, ne parut à l'origine qu'une simple
boutade. La boutade avec le temps est de
venue un programme, et le programme,
chose surprenante, est devenu une réalité.
Vous pouvez parcourir les trente-cinq sal
les de l'exposition de peinture, vous n'y
trouverez pas la moindre réminisoence de
l'Iliade, de l'Enéide, ni même du De viris
illustribus. Tout cela s'en est allé où vont
les vieilles lunes et ce n'est plus qu'une
fois par an, t l'exposition du prix^ de Rome
que les amateurs de la belle' antiquité peu
vent se donner la joie de contempler le
héros coiffé d'un casque ét vêtu d'un
glaive, qui fut la gloire de l'école de Da
vid, et que notre jeune école, irrespec
lueusement, appelle # le pompier. »
Chaque année, le conseil de l'Ecole des
beaux-arts se réunit pour choisir le suj et de
l'étude sur laquelle pâliront durant soixante
jours les élèves de M. Gérôme, et ceux de
M. Bouguereau, et ceux de M. Tony Ro-
bert-Fleury. Grave affaire. Il s'agit de sor
tir de l'ornière, de frapper les jeunes ima
ginations par quelque chose de vivant et
d'inédit. On délibère, on vote et finalement
onremetaux logistes on paragraphe à peu
près ainsi conçu:
« Ulysse, par ses discours insinuants,
« essaye de calmer la colère d'Achille. »
Ou bien :
t Le tribun Ch. Publius Empiricus ex
plique au peuple l'utilité des lois agrai
res. »
Voyez-vous d'ici les infortunés concur
rents, dans le silence et la solitude de leur
loge, se mettant l'esprit à, la torture pour
rendre l'expression d'un tribun qui parle
des lois agraires ?
Je me souviens d'avoir vu jadis un album
que fit répandre en 1869 M. le comte de
G*", alors candidat à la députation dans le
département de la Lozère. Entre autres
scènes gravées sur bois qui retraçaient à
l'usage des électeurs les hauts faits de sa
-vie politique, uns surtout me frappa ; elle
avait pour titre :
Napoléon III écrivant à M. h comte de C*'
Et de fait, c'était bien Napoléon III qu'on
voyait assis à une table, et son attitude
était bien celle d'un homme qui écrit. Mais
de savoir ce qu'il écrivait et à qui il écri
vait, c'est une autre affaire, et, n'eût été la
légende, on pouvait supposer avec une
égale vraisemblance que l'empereur écri
vait la préface de la Vie de César ou une
lettre à son bottier. Ce n'était pas la faute
du dessinateur. Mais chaque art a son do
maine propre, et ce domaine a des limites
que l'artiste ne peut franchir. La parole ne
peut pas tout peindre, la peinture ne peut
pas tout dire: Il est chimérique, enfin, d'es
pérer que le peintre nous donnera la notion
exacte de la lettre de l'empereur ou de la
harangue du tribun.
C'est un peu pour avoir empêtré les jeu
nes gens dans ces besognes impossibles
qu'on les a dégoûtés, je pense, de la véné
rable antiquité. Peut-être y reviendront-ils.
Mais, pour l'instant, il est manifeste qu'un
vent de modernisme a soufflé sur les ate
liers, et ceux qui en douteraient n'ont qu'à
visiter le Salon de 1889.
. Les grands souvenirs de notre histoire
nationale ont inspiré pourtant quelques-uns
de nos peintres.
De ce nombre est M. Chartran avec son
remarquable tableau : Ambroise Paré pra
tiquant la ligature des artères sur un am
puté ; siège de Metz 4553. L'artiste ne
s'est proposé qu'un épisode de l'histoire
de la médecine, et son tableau retrace une
des pages les plus glorieuses de l'histoire
î de la patrie. Quel fait d'armes plus héroï
que que cette latte delà noble cité lorraine
assiégée par Charles Quint, défendue par
le grand Guise, et qui, avec six mille honj-
mes de garnison, met en déroute une ar
mée de cent mille soldats, les meilleurs de
•l'empire d'Allemagne ! Quels souvenirs
cette épopée réveille dans des cœurs fran
çais ! Quels rapprochements douloureux
elle évoque !
M. Chartran, lui, s'est souvenu qu'Am
broise Paré, le père de la chirurgie mo
derne, s'était enfermé dans Metz avec le
duc de Guise, et que, durant ce mémorable
siège, dont il nous a laissé une fidèle et
curieuse relation, il mit au jour quelques-
unes des inventions merveilleuses qui ont
immortalisé son nom.
La scène est simple et dramatique. Le
patient, à qui on vient d'amputer la cuisse,
est étendu sur un lit de camp dans le che
min de ronde. En 1553 on n'avait pas en
core inventé l'anesthésie ; le malheureux
raidit ses bras dans la suprême angoisse
d'une douleur atroce. Un jeune moine qui
soutient sa tête est près de défaillir. Un
évêque étend sur le blessé et sur l'opéra
teur sa main bénissante, et, dans le fond,
on voit courir aux remparts les soldats du
grand Guise.
Seul impassible au milieu de ces émo
tions et de ce tumulte, Paré,penché sur son
malade, s'absorbe dans les difficultés de
son opération, comme autrefois Archimède,
au milieu de Syracuse en flammes, s'ou
bliait dans la solution de son problème. Sa
figure n'exprime ni la pitié, ni l'horreur, ni
la crainte, mais l'attention, la volonté, la
certitude du succès. C'est après une de ces
opérations, sans doute, que, pieux autant
que modeste, il dira du malade qu'il a sau
vé cette parole qu'a recueillie l'histoire :
« Je le pansai, Dieu le guérit. »
M. Chantran n'est peut être pas très co
loriste, mais peu d'artistes sont capables
d'ordonner comme lui une scène histori
que.
M. Rochegrosse, à mon sens, ne mérite
pas le même éloge. Je sais bien quelorsque
Charles VI et ses cinq compagnons prirent
feu au fort du bal masqué que donnait
Isabeau de Bavière, ce dut être dans tout
l'hôtel Saint-Paul un étrange désordre. Je
voudrais cependant qu'au milieu de ce dés
ordre on pût se reconnaître un peu, et pour
le spectateur la chose est assez difficile.
M. Rochegrosse a entassé dans une toute
petite salle" une cohue de gens dont il n'a
pas assez varié les attitudes, et qui,pour la
plupart, ne disent pas ce qu'ils devraient
dire. Il faut pourtant louer l'attitude du
roi pelotonné sous le long manteau de la
duchesse d'Orléans et qui regarde la scène
avec des yeux démesurément agrandis par
la folie et la terreur. Ce que j'aime moins
c'est la couleur lourde et luisante qui donne
à ce tableau l'aspect vulgaire d'une de ces
chromolithographies chères aux marchands
de pâtes alimentaires. Le Bal des Ardents,
en somme, est loin de marquer un pas en
avant dans la carrière de M. Rochegrosse;
il semble qu'il y ait perdu ses qualités pri-,
mesautières, et cette juvénile audace qui
lui fit naguère des débuts si retentis
sants.
M. Tattegrain grandit, au contraire, à
chaque œuvre nouvelle. On n'a pas oublié
son succès très-vif de 1887. Le Naufrage
du Majestas fut justement remarqué l'an
née dernière; l'envoi de cette année réalise
pleinement les espérances que de telles œu
vres avaient fait concevoir.
M..Tattegrain a découvert dans une rela
tion de l'académicieif La Mesnardière que,
huit jours après la victoire des Dunes, le
23 juin 1658, Louis XIV tint à visiter le
champ de bataille. « Le lieu,dit l'annaliste,
« fut soigneusement considéré, malgré
« l'horreur des cadavres que les vents
« avaient découverts dessus les sables. »
Tel est le thème sur lequel s'est donné car
rière l'imagination de l'artiste. Au milieu
des hautes dunes dont un rayon de soleil
dore les sommets, Louis XIV s'avance
monté sur un cheval blanc. A sa droite,
Turenne, le chapeau à la main, explique au
roi les savantes dispositions qui ont assuré
la défaite des Espagnols et à la vue des
quelles Condé dit au duc d'Yorck, passé
comme lui dans le camp des ennemis de la
France : « Avez-vous jamais vu une ba-
« taille perdue ? — Non, répondit le prince.
« — Eh bien 1 continua le vainqueur de
t Rocroi, vous allez en voir une. »
Et Condé fut bon prophète,et Louis XIV
conquit la Flandre pou? la première fois. Il
avait 20 ans alors etn'était pas encore fami
liarisé avec les horreurs de la guerre.C'est
ce qu'a fort heureusement rappelé M. Tat-
W 782$ m Mifea ftifidifcaiA
Jeudi 6 Juin 1883
KJS
ËflîtlON QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
El DÉPABTEMEilS (UNION POSTALE)
Un an. , . . . 55 » 68 »
Six mois. . . , 23 50 34 »
Trois mois. . .15 » 18 #
^.■ifewfitténicntg partent des t" et 10 de chaque mois
( Paris . ; . . .15 cent.
UN NUMERO { Départements* 20 -
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
, PARIS ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (UÎÏION POSTALE)
Un an. .... 30 s 36 »
Six mois. ... 16 » 19 »
Trois mois. . . 8 50 10 »
Os s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
satasme»
Les abonnements parlent des 1" et 16 de chaque u«H
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés.
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÂNGE, CE11F et C i0 , 6, place de la Bourse
FRANGE
PARIS, 5 JUIN 1889
M. Carnot a terminé, sans incident
qui vaille la peine d'être rapporté ici,
son voyage à travers le Pas-de-Calais,
il est rentré dans sa capitale, hier soif,
à huit heures et demie. Ce retour n'a
pas donné lieu à de grandes manifes
tations. Un millier de personnes sta
tionnaient devant la gare du Nord.
Quelques cris de : Vive Carnot 1 de :
Vive la République ! et aussi de :
Vive Boulanger 1 Deux ou trois coups
de sifflet. Pas de désordre.
Au Sénat, rien d'important.^ On a
validé l'élection de M. Leroux, élu par
le département de l'Aisne; on a voté
la loi relative à l'introduction en Fran
ce des viandes fraîches, cette loi que
la Chambre avait adoptée l'autre jour
un peu malgré le ministère ; puis op.
s'est ajourné à jeudi> après avoir expé
dié quatre ou cinq projets de loi d'in
térêt local.
Pendant ce temps, la commission
de la haute cour de justice travaille
toujours... dans le vide. Ce travail
toucherait-il à sa fin? On annonce
l'envoi du dossier complet de l'affaire
du général Boulanger au parquet. Le
Petit Journal croit savoir que cette
mesure a été l'objet d'une longue dé-
libératicin au sein du conseil de cabi
net, hier matin.
A la Chambre, on a continué la dis
cussion du budget des affaires étran
gères. Comme tous les ans, un député
radical, — c'était M. Anatole de la
Forge cette fois-ci,— est venu deman
der la suppression de notre ambassade
âùprès du Saint-Siège. Gomme tous
les ans, le ministre des affaires étran
gères s'y est opposé, — l'opportuniste
Spuller ne faisant, en cela, que suivre
l'exemple du radical Goblet, — et no
tre ambassade a été maintenue. Mgr
Freppel a flétri cette inconvenante co
médie. MM. Pichon et Anatole de la
Forge ont essayé de lui répondre.
On a discuté aussi quelque peu à
propos des consuls, et M. le comte de
Lanjuinais a demandé, sans les obte
nir, diverses petites économies sur
certaines ambassades et légations. _
Au début de la séance, M. Félix
Fauré avait posé deux questions à M.
Spuller, l'une relative à la conversion
de la Dette égyptienne, l'autre concer
nant les affaires d'Haïti. Au sujet des
événements d'Haïti, nous publions
plus loin une correspondance, qui nous
vient de bonne source, et qui jette un
triste jour sur la situation. Les inté
rêts de nos nationaux sont absolument
négligés, au grand profit des autres.
Européens, et la persécution religieuse
est déchaînée.
La presse tout entière, comme il est
naturel, s'occupe de l'acte inoui, du
véritable vol que viennent d'accomplir
la régence et le ministère serbes. On
est d'accord pour conseiller à notre
gouvernement une attitude énergique.
Il ne doit pas laisser ainsi dépouiller,
contre tout droit, la Compagnie fran
çaise des chemins de fer. Les auteurs
de cette spoliation impudente ont-ils
été poussés par quelqu'un de plus
puissant qu'eux ? C'est possible^ c'est
même probable. Comme les vaillants
Italiens, ils n'oseraient pas nous pro
voquer de la sorte, s'ils ne se savaient
point appuyés. Cette considération ne
doit nullement empêcher notre gou
vernement de se montrer ferme et
résolu; au contraire. Ainsi que le dit
un journal, il ne faut pas qu'il soit
« établi qu'on peut impunément lâ
cher à nos trousses le premier roquet
venu, et que nous n'osons point châ
tier la bête, de peur de découvrir sur
son collier qu'elle appartient à un mai-
tre redouté dans le monde. » Ne nous
laissons pas faire ; mettons le roquet
à la raison, et on ne recommencera
plus.
Les journaux s'occupent aussi, con
tinuent à s'occuper, du toast porté
par le czar au prince de Monténégro,
de passage à Saint-Pétersbourg : « Je
bois au prince de Monténégro, le seul
sincère et fidèle ami delà Russie. »
Ce toast a été reproduit par le il/es
sayer officiel. Il faut bien le dire : il a
causé en France, non pas de l'inquié
tude ni du mécontentement, mais une
certaine surprise. Beaucoup tirent
des paroles du czar cette conclusion,
qu'il a été Iroissé du très fâcheux inci
dent de Sagallo. Ils n'ont sans doute
pas tort. S'ils ajoutaient que l'empe
reur de Russie ne peut se considérer
comme l'ami d'un gouvernement tel
que le nôtre, ils auraient absolument
raison. Ce qui prouve, une fois de
plus, qu'au point de vue extérieur
de même qu'au point de vue inté
rieur, nous avons tout intérêt à chan-t
ger de régime.
. M. Tisza vient d'être encore très
malmené par l'opposition au Parle
ment hongrois. Il conserve, avec
peine, sa majorité; mais il a perdu
évidemment son prestige. C'est fort
heureux. Espérons que la perte de son
prestige entraînera bientôt celle de
son portefeuille.
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
Le ministère des affaires étrangères
a donné lieu hier à deux discussions
particulièrement importantes.
Après avoir renouvelé les critiques
qu'il a formulées récemment à propos
de notre agent diplomatique près la
république d'Haïti, M. Félix Faure a
traité des affaires égyptiennes. Il a
signalé les démarches faites pour pré
parer la conversion partielle de la dette
et a signalé les conséquences diverses
de ce projet. D'abord la question de
droit est controversée. Puis la question
de fait touche à l'état général de l'E
gypte. Si, dit M. Faure, la prospérité
du pays est assez grande pour que l'on
puisse convertir la dette, c'est que la
période de réorganisation est termi
née. Donc l'occupation anglaise, qui
avait pour but,ou plutôt pour prétexte,
cette réorganisation,n'a plus ae raison
d'être. Enfla les puissances signatai
res de la convention internationale
doivent être consultées à propos de la
conversion. M. Spuller a répondu
en termes , embarrassés, et cepen
dant assez clairs pour qu'on puisse
être convaincu que la conversion
de la dette est en train de se faire. Le
gouvernement khédivial a notifié cette
opération ; et, suivant M. Spuller, on
ne conteste pas son droit. Le ministre
reconnaît que la grosse affaire de l'oc
cupation anglaise est soulevée par
cela même ; et il se borne à promettre
de se concerter avec les autres puis
sances intéressées. — Un débat entre
MM. de la Ferronays et Bourgepis
(celui-ci voudrait rattacher les consu
lats au ministère du commerce) a
fourni à M. Spuller le sujet de dé
clarations pacifiques et exposition-
nelles, c'est-à-dire de quelques anti
thèses et de quelques assonances
absolument insignifiantes, mais tou
jours applaudies avec solennité : La
France n'est pas inquiète et ne sera
jamais inquiétante ; elle est sans jac
tance et sans faiblesse (auctore Freyci-
net, au temps des décrets et de la
brouille avec Gambetta) ; la France
sait ce qu'elle veut parce qu'elle sait
ce qu'elle vaut, etc.
La France, cher Oscar, sera toujours la France.
Et les Français seront toujours Français.
Avec cette philosophie de La Palisse
et ces sentences de mirliton, le moin
dre orateur provoque l'enthousiasme
dans notre généreux pays. Oscar est
toujours prêt à s'emballer.
■ C'était, l'autre jour, M. Achard qui
réclamait la suppression du budget
des cultes ; c'était hier l'éternellement
chevaleresque Anatole de la Forge qui
demandait la suppression de l'ambas
sade près le Vatican. L'un et l'autre
agissaient au nom de cette glorieuse
extrême gauche qui a tant et de si
belles idées et qui a été si bien repré
sentée par le ministère Floquet. Com
me l'amendement n'avait pas été sou
mis à la commission; comme seul l'au
teur pouvait parler, il a fallu que Mgr
Freppel proposât un amendement à
son tour pour avoir l'occasion de ré
pondre. L'évêque-député a donc pro
posé une augmentation des crédits de
l'ambassade. De même que, l'autre
jour, Mgr Freppel a signalé les
vaines manifestations du radicalis
me : il a contraint ces piteux éner-
gumènes à s'entendre dire qu'ils ne
désirent pas ce qu'ils réclament ;
qu'ils ne croient pas à ce qu'ils affir
ment. Avec une éloquence chaleu
reuse, avec une verve triomphante,
l'illustre orateur a stigmatisé la poli
tique des sectaires qui poussent la
France à « s'aliéner l'esprit et le coeur
des catholiques du monde entier ».
Le^ jeune citoyen Pichon, que M.
Clémenceau venait de bourrer et de
chauffer, est monté à la tribune et a
injurié l'Eglise et le Pape; il s'est plu
à rappeler l'intervention du Souverain
Pontife lors du vote du septennat mi
litaire en Allemagne. Le toujours
jeune citoyen Pichon aurait dû dire ce
que sa république a fait pour s'attirer
les bons offices du Pape. La déclama
tion du citoyen Pichon a paru creuse
même à M. Anatole de la Forge, qui a
repris la parole et s'est écrié : « Tant
pis pour nos électeurs s'ils ne nous
réélisent pas ! » Voilà toute la con
fiance qu'ils ont à la veille du combat.
La. discussion s'est continuée en
suite entre MM.ThellierdePoncheville,
Lanjuinais, Hanotaux, Amagat, sur
l'organisation des services de notre
administration. On terminera demain.
On commencera le budget de l'ins
truction publique; et peut-être M.
Ferry, .enfin, parlera.
Eugène Tayernieb.
L'auteur de la Vérité sur Mgr Darboy
avait dit dans ; son écrit même : Je suis
prêt à donner mon nom. Il le fait au
jourd'hui par la lettre suivante :
Chabris (Indre), 4 juin 1889.
Monsieur,
Vous avez donc reçu une lettre chargée
de reproches et d'aménités pour vous et
pour l'auteur de La Vérité sur Mgr Darboy.
Votre correspondant, qui ne mesure guère
la portée d'une injure, dit que cet écrit est
infâme ; et il ajoute que l'auteur se cache
en vain sous l'anonyme, car son nom sera
dénoncé et collé à son œuvre.
Je n'éprouve pas le besoin de protester
bien vivement contre un langage qui ne
m'atteint pas. Tous les lecteurs de l'opus
cule incriminé en feront justice ; et les au
tres ne voudront pas s'en rapporter au ju
gement d'un homme dont le style trahit
surtout Yinnocence. ^
Mais ne trouvez-vous pas, monsieur,
qu'il va bien vite ? On a dit que les dieux
d'Homère en trois pas sont au bout du
monde : pour lui, il tombe, du premier
coup, dans l'infamie. Je veux espérer que
le sentiment de cette chute l'aidera à com
prendre sa faute et à m'adresser la répara
tion qui m'est due.
Depuis six semaines que la brochure a
paru, nous n'avons entendu aucune protes
tation ; nous n'avons lu aucune ébauche de
réfutation. C'est que toute réfutation est
impossible, et l'on en a conclu, avec beau
coup de raison, qu'il serait aussi dangereux
qu'inutile de protester. L'intervention de
ce Lorrain prouve-t-elle qu'on s'est ravisé ?
Dans ce cas, on fera bien de choisir un
homme sérieux, qui puisse discuter au
lieu de lancer des injures. (Jette lettre est
un vilain corbeau, qu'on a lâché pour crier
contre moi: Je pourrais lui tordre le cou ;
mais si l'arche de Noé tout entière s'y
mettait, je ne serais pas au bout de mes
peines. J'aime mieux le prendre à mon ser
vice en qualité de pigeon voyageur.
Il paraît que l'auteur de La Vérité a en
couru un très grave reproche en ne signant
pas son travail; et votre correspondant as
sure qu'on va chercher son nom, le dénon
cer et le coller à son œuvre. Je regrette de
ne pouvoir me payer le plaisir de voir le
policier de Nancy faire buisson creux et
rentrer bredouille après avoir dépensé force
timbres-poste. Par malheur, mon nom est
connu à Bourges, à Lyon, à Orléans, et, je
crois bien, èi Nancy même... en cent autres
endroits. Quand on en pourra, dire autant
de mon vaillant contradicteur, peut-être
ne sera-t-ii pas fier d'avoir « déguisé son
écriture ». Au surplus, j'ai dit pourquoi cet
opuscule n'est pas signé, ajoutant que l'au
teur se découvrirait aussitôt qu'il en serait
besoin. Le coup ne porte donc pas; et je
me demande quelle est la naïveté de votre
correspondant. Vous verrez, monsieur, que
lui seul ne comprendra pas pourquoi le
clergé de France et de Navarre rit de si
bon cœur en le voyant, sérieux et farou
che, braquer contre moi une arme que j'ai
déchargée devant lui.
Pour la lui faire tomber des mains, et
pour en finir avec cette innocente escar
mouche d'avant-garde, je signe, en me di
sant avec le plus profond respect, monsieur,
votre très humble serviteur.
F. Belleville.
Nous devons noter que l'anonyme
de Nancy, celai-là même qui ne peut
comprendre qu'un honnête homme
cache son nom, n'ignorait pas celui
de M., l'abbé Belleville. 11 nous disait
courageusement sous son masque :
« Vous n'êtes pas sans savoir » quel
est l'anonyme, auteur de La Vérité sur
Mgr Darboy, « la France et la Na
varre le connaissent : il a nom M.
l'abbé Belleville, curé de Chabris, In
dre... »
On voit que cet ennemi masqué
du masque était bien informé. Nous
ne sommes pas dans le même cas à
son sujet, et nous ne pouvons dire
comment a il a nom ».
Mettons ici nos initiales pour que
cet adversaire rageur et voilé ne
Euisse nous reprocher de nous déro-
er lâchement devant lui.
E. V.
P.-S. — Nous engageons M. l'abbé
Belleville à faire chez un libraire de
Paris un dépôt de sa brochure. Elle
n'y resterait pas. En attendant, nous
rappelons qu'elle se trouve à Gien
(Loiret), chez M. Pigelet, imprimeur-
libraire. Prix : 1 fr. 50.
Nous reeevons aujourd'hui le décret
relatif à la béatification du vénérable
P. Chanel.
Nous le publierons demain.
Un de nos abonnés nous adresse la
note suivante, que nous reproduisons,
bien qu'elle fasse double emploi avec
une note que nous avons précédem
ment donnée :
« Aux catholiques,
« Vote des députés boulangistes sur
la proposition de M. Achard, tendant
à la suppression complète et immé
diate du budget des cultes.
« Ont voté pour :
« MM. Borie, Ducoudray, Laisant,
Laguerre, Laur, Laporte, Le Hérissé,
Saint-Martin, de Susini, Thiessé, Tur-
quet, Turigny, Vergoin, Vacher.
« Et maintenant, catholiques, soyez
boulangistes! »
Nous ne connaissons point, pour
notre part, de catholiques auxquels
on puisse dire en toute exactitude :
« Vous êtes boulangistes ! » Mais nous
en connaissons beaucoup qui, sans
avoir pris encore aucun engagement,
sont disposés à préférer les candidats
boulangistes à ceux de l'opportunisme
ou du radicalisme. Leur raison, c'est
que si les candidats du Général ne pro
mettent rien de bon, ceux de MM.
Ferry, Constans et Clémenceau seront
certainement mauvais !
Notre avis, à nous, est de ne rien
décider encore et de nous préparer à
l'action sur le terrain catholique.
Le travestissement auquel se sont
livrés le Temps et l'Estafette sur la ré
cente lettre pastorale de S. Em. le
cardinal Ricnard produit de singu
liers résultats chez les journaux qui,
sans avoir lu cette lettre, en jugent
d'après ce résumé plus que suspect :
Voici, par exemple, ce que nous
lisons dans le National :
M. l'archevêque de Paris, dans une lettre
pastorale pour la célébration de la fête du,
Sacré-Cœur, a trouvé l'occasion de parler
de la commémoration du Sacré-Cœur.
Chose étrange, il se déclare Vadmirateur de
là Révolution, il en reconnaît les bienfaits, il
affirme que l'Eglise n'est point l'ennemie de
la démocratie ; enfin, il proteste hautement
de son attachement au Concordat.
Du moment que M. l'archevêque de Pa
ris s affirme de tels sentiments, nous n'en
saurions douter. Mais comment se fait-il
que les ouailles de ce prince de l'Eglise
fassent exactement le contraire de ce qu'il
écrit?
D'autre part, on lit dans la Liberté :
L'éminent prélat n'est pas de ceux qui
ne veulent voir dans l'œuvre de la Révolu
tion que les effroyables convulsions et les
sanglants excès de la Terreur ; il en recon
naît et en glorifie même les grands résultats.
Il ne nie aucun des progrès réalisés depuis
cent ans dans toutes les directions de l'in
telligence et de l'activité humaine sous l'ins
piration même des -principes proclamés en
89 et des libertés conquises à cette époque.
Le dix-neuvième siècle, fils immédiat do la
Révolution, est et restera une des plus
belles étapes dans la marche ascendante
de l'humanité. En tout cas, la direction et
l'impulsion qui ont été données à la civilisa
tion moderne sont irrésistibles.
Le monde nouveau diffère à jamais du
monde ancien. Il faut l'accepter tel que la
loi providentielle qui préside aux grands
événements d'ici-bas l'a constitué. Rien ne
pent plus en changer les conditions essen
tielles.
Nous prions la Liberté comme le
National de vouloir bien nous citer le
passage de la lettre pastorale qu'ils
prétendent résumer, où ils auraient
découvert tout cela.
Le Figaro ne pouvait manquer de
faire sa petite partie dans ce concert.
Travestissant aussi à sa manière, il
écrit :
Je ne saurais trop recommander la mo
dération de cette lettre pastorale aux bon
nes gens qui, plus royalistes que le roi, ne
paraissent pas s'être consolés encore de la
Révolution de 89, et qui ont contribué cer
tainement parleurS exagérations à préparer
l'état de choses dont souffre aujourd'hui la
paix publique. La politique antireligieuse
eût été moins loin si le clergé des cam
pagnes, isolé, mal conseillé par ses lec
tures, n'avait pas pris position si nettement
contre la République de 1871 à 1879, s'il
avait imité la réserve du clergé de Paris,
circonspect, prudent, habile à éviter toutes
les difficultés sans sacrifier les principes,
sans rien perdre de son influence et de
son autorité spirituelles.
Ce n'est pas la première fois que
Figaro , par un sentiment dont on ap
préciera le caractère, se sert ainsi de
la soi-disant attitude du clergé de Pa
ris pour s'attaquer au clergé du reste
de la France, et l'accuser odieuse
ment d'être responsable de la persé
cution dirigée contre l'Eglise par les
gens au pouvoir. Nous n'avons besoin
qué de signaler une fois de plus cette
manœuvre, en ajoutant que la Répu
blique française s'empresse de repro
duire avec éloges les imputations de
Figaro.
Hier après midi a eu lieu, en la cha
pelle du palais archiépiscopal, la cé
rémonie de la prestation du serment
de fidélité et d'obéissance à la sainte
Eglise et au Souverain Pontife, de la
part de S. Em. le cardinal Richard,
archevêque de Paris. .
Par ce serment les nouveaux cardi
naux promettent de défendre les
droits et les privilèges du Saint-Siège
usque ad effusionem sanguinis et d'ob
server les constitutions apostoliques.
La formule du serment a été lue en
présence de S. Exc. Mgr Rotelli,
archevêque de Pharsale, nonce apos
tolique ; de Mgr Gaspari, ablêgat apos
tolique; de Mgr Averardi, auditeur,
et de Mgr Celli, secrétaire de la non
ciature. Mgr Gaspari était en outre
accompagné de M. l'abbé Bourdinhon,
professeur de droit canon à l'Institut'
catholique.
Selon le formulaire de la cérémonie
le missel, placé du côté de l'épître, ■
était ouvert à l'endroit où se trouve
une image de Notre-Seigneur Jé
sus-Christ. S. Em. le cardinal Ri
chard, revêtu de la robe violette et
du rochet et portant la calotte car
dinalice, était entouré de Mgr Be-
louino, évêque d'Héliopolis ; de -Mgr ;
d'Hulst, recteur' de l'institut catholi
que, et des vicaires généraux de l'ar-
chidiocèse.
Après avoir lu, conformément au
cérémonial usité, tête hue, la formule
du serment per extensum de verbo ad
verbum , il a posé la main sur le missel
en prononçant les mots solennels :
Sic me Deus adjuvet et hsec sancta
Dei Evangelia.
Après avoir baisé l'image de Notre-
Seigneur, Son Eminence a signé da
ses nom et prénoms la formule et l'a
remise entre les mains de Mgr l'ablé-
gat.
Le soir a eu lieu dans les apparte
ments du cardinal un diner de vingt-
couverts en l'honneur de S. Exc. Mgr
le nonce apostolique. Les personnages
qui avaient pris part à la cérémonie de ,
prestation du serment et M. le prince
Ruspoli, garde-noble de Sa Sainteté,
faisaient partie des invités.
En Haïti
La question posée hier au ministre
des affaires étrangères donne un in
térêt tout particulier à la lettre ci-
jointe, qu'un correspondant bien in
formé nous envoie du Cap-Haïtien, et
qui ne manquera pas d'émouvoir pro
fondément les cœurs français et catho
liques :
Cap-Haïtien, 8 mai 1881).
Laguerre civile qui désole le pays depuis
six mois menace de se prolonger indéfini
ment par la raison qu'aucun des partis qui
se disputent le pouvoir n'est assez fort pour
remporter un triomphe complet. Ce qu'il y
a de plus clair, c'est que le pays va k la
raine et peut être à la perts de son in
dépendance. On parle d'un prétendu
projet de protectorat français ; c'est
une chimère : les Etats-Unis sont bien dé
cidés à empêcher toute puissance euro
péenne de s'implanter en Haïti. Depuis
bientôt trois mois la frégate américaine
Galena, portant pavillon du vice-amiral
Gherardi, stationne dans la rade du Cap :
elle y a été rejointe par un autre navire de
guerre. Evidemment cette station navale
n'a pas seulement pour but de protéger.la.
libre entrée des navires de commerce amé
ricains. On peut même dire qu'elle serait
parfaitement inutile si elle n'avait pas une
autre destination, vu que le blocus du Cap '
Haïtien n'existe que pour la France, où le
gouvernement s'obtine à le prendre au sé
rieux malgré les réclamations des négo
ciants du Havre. Le port du Cap n'a ja T
mais été efficacement bloqué, et depuis
près de qilatre mois aucun navire
de Port-au-Prince n'a paru dans ses eaux.
Aussi, les navires de commerce, qui se prér
sentent, entrent et sortent sans aucune dif
ficulté, les voiliers comme les vapeurs. Il en
vient de presque toutes les nations, excepté
de la France. Le paquebot postal de la
Compagnie transatlantique n'a pas paru
depuis octobre, en sorte que nous sommes
privés de toute communication directe aveo
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 6 juin 1889
BEAUX-ARTS
Salonde 1889
Quatrième article
■PEINTURE HISTORIQUE ET A.NECD0T1QUE
Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ?
Ce cri du cœur arraché à un poète
qu 'exaspéraient les guerriers aux belles
enémides, les sénateurs en laticlave, les
faisceaux des consuls et le feu sacré des
vestales, ne parut à l'origine qu'une simple
boutade. La boutade avec le temps est de
venue un programme, et le programme,
chose surprenante, est devenu une réalité.
Vous pouvez parcourir les trente-cinq sal
les de l'exposition de peinture, vous n'y
trouverez pas la moindre réminisoence de
l'Iliade, de l'Enéide, ni même du De viris
illustribus. Tout cela s'en est allé où vont
les vieilles lunes et ce n'est plus qu'une
fois par an, t l'exposition du prix^ de Rome
que les amateurs de la belle' antiquité peu
vent se donner la joie de contempler le
héros coiffé d'un casque ét vêtu d'un
glaive, qui fut la gloire de l'école de Da
vid, et que notre jeune école, irrespec
lueusement, appelle # le pompier. »
Chaque année, le conseil de l'Ecole des
beaux-arts se réunit pour choisir le suj et de
l'étude sur laquelle pâliront durant soixante
jours les élèves de M. Gérôme, et ceux de
M. Bouguereau, et ceux de M. Tony Ro-
bert-Fleury. Grave affaire. Il s'agit de sor
tir de l'ornière, de frapper les jeunes ima
ginations par quelque chose de vivant et
d'inédit. On délibère, on vote et finalement
onremetaux logistes on paragraphe à peu
près ainsi conçu:
« Ulysse, par ses discours insinuants,
« essaye de calmer la colère d'Achille. »
Ou bien :
t Le tribun Ch. Publius Empiricus ex
plique au peuple l'utilité des lois agrai
res. »
Voyez-vous d'ici les infortunés concur
rents, dans le silence et la solitude de leur
loge, se mettant l'esprit à, la torture pour
rendre l'expression d'un tribun qui parle
des lois agraires ?
Je me souviens d'avoir vu jadis un album
que fit répandre en 1869 M. le comte de
G*", alors candidat à la députation dans le
département de la Lozère. Entre autres
scènes gravées sur bois qui retraçaient à
l'usage des électeurs les hauts faits de sa
-vie politique, uns surtout me frappa ; elle
avait pour titre :
Napoléon III écrivant à M. h comte de C*'
Et de fait, c'était bien Napoléon III qu'on
voyait assis à une table, et son attitude
était bien celle d'un homme qui écrit. Mais
de savoir ce qu'il écrivait et à qui il écri
vait, c'est une autre affaire, et, n'eût été la
légende, on pouvait supposer avec une
égale vraisemblance que l'empereur écri
vait la préface de la Vie de César ou une
lettre à son bottier. Ce n'était pas la faute
du dessinateur. Mais chaque art a son do
maine propre, et ce domaine a des limites
que l'artiste ne peut franchir. La parole ne
peut pas tout peindre, la peinture ne peut
pas tout dire: Il est chimérique, enfin, d'es
pérer que le peintre nous donnera la notion
exacte de la lettre de l'empereur ou de la
harangue du tribun.
C'est un peu pour avoir empêtré les jeu
nes gens dans ces besognes impossibles
qu'on les a dégoûtés, je pense, de la véné
rable antiquité. Peut-être y reviendront-ils.
Mais, pour l'instant, il est manifeste qu'un
vent de modernisme a soufflé sur les ate
liers, et ceux qui en douteraient n'ont qu'à
visiter le Salon de 1889.
. Les grands souvenirs de notre histoire
nationale ont inspiré pourtant quelques-uns
de nos peintres.
De ce nombre est M. Chartran avec son
remarquable tableau : Ambroise Paré pra
tiquant la ligature des artères sur un am
puté ; siège de Metz 4553. L'artiste ne
s'est proposé qu'un épisode de l'histoire
de la médecine, et son tableau retrace une
des pages les plus glorieuses de l'histoire
î de la patrie. Quel fait d'armes plus héroï
que que cette latte delà noble cité lorraine
assiégée par Charles Quint, défendue par
le grand Guise, et qui, avec six mille honj-
mes de garnison, met en déroute une ar
mée de cent mille soldats, les meilleurs de
•l'empire d'Allemagne ! Quels souvenirs
cette épopée réveille dans des cœurs fran
çais ! Quels rapprochements douloureux
elle évoque !
M. Chartran, lui, s'est souvenu qu'Am
broise Paré, le père de la chirurgie mo
derne, s'était enfermé dans Metz avec le
duc de Guise, et que, durant ce mémorable
siège, dont il nous a laissé une fidèle et
curieuse relation, il mit au jour quelques-
unes des inventions merveilleuses qui ont
immortalisé son nom.
La scène est simple et dramatique. Le
patient, à qui on vient d'amputer la cuisse,
est étendu sur un lit de camp dans le che
min de ronde. En 1553 on n'avait pas en
core inventé l'anesthésie ; le malheureux
raidit ses bras dans la suprême angoisse
d'une douleur atroce. Un jeune moine qui
soutient sa tête est près de défaillir. Un
évêque étend sur le blessé et sur l'opéra
teur sa main bénissante, et, dans le fond,
on voit courir aux remparts les soldats du
grand Guise.
Seul impassible au milieu de ces émo
tions et de ce tumulte, Paré,penché sur son
malade, s'absorbe dans les difficultés de
son opération, comme autrefois Archimède,
au milieu de Syracuse en flammes, s'ou
bliait dans la solution de son problème. Sa
figure n'exprime ni la pitié, ni l'horreur, ni
la crainte, mais l'attention, la volonté, la
certitude du succès. C'est après une de ces
opérations, sans doute, que, pieux autant
que modeste, il dira du malade qu'il a sau
vé cette parole qu'a recueillie l'histoire :
« Je le pansai, Dieu le guérit. »
M. Chantran n'est peut être pas très co
loriste, mais peu d'artistes sont capables
d'ordonner comme lui une scène histori
que.
M. Rochegrosse, à mon sens, ne mérite
pas le même éloge. Je sais bien quelorsque
Charles VI et ses cinq compagnons prirent
feu au fort du bal masqué que donnait
Isabeau de Bavière, ce dut être dans tout
l'hôtel Saint-Paul un étrange désordre. Je
voudrais cependant qu'au milieu de ce dés
ordre on pût se reconnaître un peu, et pour
le spectateur la chose est assez difficile.
M. Rochegrosse a entassé dans une toute
petite salle" une cohue de gens dont il n'a
pas assez varié les attitudes, et qui,pour la
plupart, ne disent pas ce qu'ils devraient
dire. Il faut pourtant louer l'attitude du
roi pelotonné sous le long manteau de la
duchesse d'Orléans et qui regarde la scène
avec des yeux démesurément agrandis par
la folie et la terreur. Ce que j'aime moins
c'est la couleur lourde et luisante qui donne
à ce tableau l'aspect vulgaire d'une de ces
chromolithographies chères aux marchands
de pâtes alimentaires. Le Bal des Ardents,
en somme, est loin de marquer un pas en
avant dans la carrière de M. Rochegrosse;
il semble qu'il y ait perdu ses qualités pri-,
mesautières, et cette juvénile audace qui
lui fit naguère des débuts si retentis
sants.
M. Tattegrain grandit, au contraire, à
chaque œuvre nouvelle. On n'a pas oublié
son succès très-vif de 1887. Le Naufrage
du Majestas fut justement remarqué l'an
née dernière; l'envoi de cette année réalise
pleinement les espérances que de telles œu
vres avaient fait concevoir.
M..Tattegrain a découvert dans une rela
tion de l'académicieif La Mesnardière que,
huit jours après la victoire des Dunes, le
23 juin 1658, Louis XIV tint à visiter le
champ de bataille. « Le lieu,dit l'annaliste,
« fut soigneusement considéré, malgré
« l'horreur des cadavres que les vents
« avaient découverts dessus les sables. »
Tel est le thème sur lequel s'est donné car
rière l'imagination de l'artiste. Au milieu
des hautes dunes dont un rayon de soleil
dore les sommets, Louis XIV s'avance
monté sur un cheval blanc. A sa droite,
Turenne, le chapeau à la main, explique au
roi les savantes dispositions qui ont assuré
la défaite des Espagnols et à la vue des
quelles Condé dit au duc d'Yorck, passé
comme lui dans le camp des ennemis de la
France : « Avez-vous jamais vu une ba-
« taille perdue ? — Non, répondit le prince.
« — Eh bien 1 continua le vainqueur de
t Rocroi, vous allez en voir une. »
Et Condé fut bon prophète,et Louis XIV
conquit la Flandre pou? la première fois. Il
avait 20 ans alors etn'était pas encore fami
liarisé avec les horreurs de la guerre.C'est
ce qu'a fort heureusement rappelé M. Tat-
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