Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-06-05
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 juin 1889 05 juin 1889
Description : 1889/06/05 (Numéro 7827). 1889/06/05 (Numéro 7827).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 5 Juin 1889
N* mi fêlEditl*» t&«MIAui
■TifeHBHBB
Mercredi 8 Juin 1883
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
Et départements
Un ciiia i i i t 55 n
Six mois. ... 23 50
Trois mois. . . 15 »
ETRANGER
(uîfloït postale)
66 »
34 »
18 »
^^abonnements partent des |« et 16 de chaque mois
TTVT "H.TTTH«"I$n-. ( Paris 15 COÏlt.
UN NUMERO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne 1 Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
et départements
i . 30 n
, . 16 »
, . 8 50
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(oniok postale)
36 ».
19 »
10 »
les cfoenncmcnts partent des l" et <6 do chaque mol*
L 'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C i0 , 6, place de la Bourse
frange
PARIS, 4 JUIN 1889
Gomme l'on s'y attendait, la ques
tion des chemins de fer serbes a* été
portée "hier à la tribune de la Chambre
des députés : c'est M.Dreyfus qui a in
terrogé à ce sujet M. le ministre des
affaires étrangères. Celui-ci, incomplè
tement renseigné, n'a pu faire qu'une
réponse dilatoire, promettant qu'il
étudierait et suivrait l'affaire.
En attendant, la spoliation est un
fait accompli ; le gouvernement serbe
s'est emparé de l'exploitation, qu'il
prétend faire à son profit avec le ma
tériel qui appartient à la Compagnie
française; c'est d'un, sans-gêne tout
oriental. Le ministère serbe a essayé
de justifier sa conduite dans un rap
port qui, d'après le résumé télégra
phique, n'est qu'un tissu de bana-
ités.
On continue à penser que le gouver
nement serbe n'aurait pas osé agir
ainsi s'il ne se croyait appuyé, si mê
me il n'avait pas été poussé.
Rien de saillant à signaler au sujet
du voyage présidentiel, qui tire à sa
fin. Les mêmes ovations se reprodui
sent partout avec la même sponta
néité ; elles n'ont pas grande signifi
cation.
Au Sénat, hier, après avoir nommé
dans les bureaux la commission pour
le transfert au Panthéon des grands
hommes de la république, on a repris
en séance la discussion de la loi sur
l'enseignement primaire ; MM. Com
bes, rapporteur, Léon Say, président
de la commission, et Fallières, minis
tre de l'instruction publique, ont pris
la parole. Suite aujourd'hui.
Après la question de M. Dreyfus at
une question de M. le baron de Mac-
kau sur l'introduction des viandes
étrangères, la Chambre des députés a
terminé la discussion du budget de
l'agriculture ; elle a commencé en
suite la discussion du budget des af
faires étrangères ; M. Hubbard a fait
un long discours. On continuera au
jourd'hui.
C'est demain que la commission mi
litaire de la Chambre des députés doit
prendre sa décision au sujet des modi
fications apportées par le Sénat au
texte primitif. Gomme on le verra par
une note du Journal des Débats, que
confirment d'autres journaux et que
nous reproduisons, trois systèmes sont
en présence : maintenir le texte de la
Chambre *, accepter les modifications
du Sénat, ou enfin, s'armant d'une
disposition de la Constitution, ren-:
voyer la loi à l'examen d'une déléga
tion des deux Chambres, qui serait
chargée d'arrêter un texte que l'on
puisse accepter des deux côtés.
Seule l'acceptation pure et simple
du texte sénatorial, ce qui serait pour
la majorité de la Chambre l'aveu de
sa défaite, permettrait de voter la loi
. militaire avant les élections.
Nous avons aujourd'hui les chiffres
de l'élection de Bruxelles ; il y a bal
lottage, comme l'on s'y attendait. Le
candidat catholique, M. de Becker,
tient la tête avec 6,410 voix ; le can
didat radical, M. Janson, a 4,618 et le
candidat libéral, M. Graux, 4,201. Ce
lui-ci s'est déjà désisté en faveur du
candidat radical j pour lequel il invite
ses électeurs à voter.
Il reste à savoir si tous les électeurs
suivront leur candidat et si les con
servateurs, dans un dernier effort, ne
parviendront pas à ramener au scru
tin les abstenants, qui ont été nom
breux : plus de 6,000.
Ne pouvant forcer M. Martos à don
ner sa démission de président, n'osant
pas le faire renverser par une mani
festation de la Chambre, M. Sagasta
a fait signer par la reine-régente le
décret de clôture de la session. La
nouvelle session commencera presque
immédiatement, à cause du budget
qu'il faut faire voter. Seulement la
présidence de M.Martos aurait pris fin.
En admettant que M. Sagasta réus
sisse à se débarrasser de M. Martos
comme président, sa position sera-t-
elle solidifiée ?
Le voyage à Berlin pourrait bien
n'avoir pas débarrassé M. Grispi de
tous ses embarras. Voilà dix-sept mem
bres de la commission du budget, sur
trente-six, qui sont démissionnaires.
On va les remplacer, mais il est dou
teux que cela facilite le vote du bud
get. Or, la question financière figurait
au premier rang parmi les embarras
de M. Crispi.
Le Sénat avait interrompu la discus
sion d'une loi sur le traitement des ins
tituteurs pour faire passer rapidement
la loi militaire. La voici passée : sans
changer d'esprit ni de système,presque
sans sortir du même ordre d'idées, la
délibération se poursuit sur l'instruc
tion primaire. Les deux lois ont un
air de famille et une importance de
même nature par le but qu'elles vi
sent : ce sont des lois politiques, des
lois de combat, presque des lois élec
torales. Après avoir constaté que les
militaires dont la compétence réelle
était hors de doute s'étaient opposés
de tout leur pouvoir au vote
de la loi sur l^armée, nous n'a
vons pu éviter de voir aussi l'avan
tageux terrain de discussion qu'elle
donnait aux candidats du régime ac
tuel devant le corps électoral, et les
ressources qu'on en pouvait tirer pour
inspirer les électeurs dans leur vote ;
une autre tendance politique de cette
loi militaire était de se rapprocher de
plus en plus dé ce qui serait la nation
armée, idéal cher aux radicaux parce
que ce serait précisément le contraire
et l'antagonisme d'une armée de métier.
Or la république radicale craint natu
rellement l'armée, comme la pègre a
peur de la gendarmerie.
La loi sur le traitement des institu
teurs est combinée pour travailler de
même au triomphe de la république
radicale devant le corps électoral,
en organisant, comme pour la loi
militaire, un état de choses tel que les
intéressés puissent craindre, par cal
cul personnel, l'avènement des réfor
mes conservatrices,c'est-à-dire en leur
créant des avantages et des espéran
ces qu'ils ne croient pouvoir défendre
qu'en défendant la république. Pour
les instituteurs, dont on escompte les
services et l'influence en les exagérant
peut-être, la loi propose deux moyens:
augmenter les emplois et donner l'a
vancement sur place. Par le premier
moyen, on supprime la masse des
mécontents pour en faire la masse des
dévoués. Par le second, on conserve,
en la récompensant,l'influence acqui
se, les services rendus, on ne risque
plus-de perdre'le chemin gagné en dé
plaçant l'homme qui peut le garder ou
l'avancer encore. La récompense est
un accroissement de traitement déguis é
sous le nom euphémique de nomina
tion d'une classe à l'autre. Tout cela
doit coûter au minimum un accrois
sement de dépenses de 65 millions. A
la Chambre des députés on comptait
quelques millions de plus.
Ce nouveau gaspillage n'a pas été,
naturellement, sans soulever des ex
clamations. Le projet a été renvoyé à
la commission des finances, qui a
nommé pour rapporteur M. Léon Say.
Ce n'est pas un réactionnaire que M.
Léon Say (oh ! non!), et bien injuste
ment on le lui a dit. Ce n'est pas même
un conservateur ; il est seulement du
nombre des républicains heureux qui
ont quelque chose à conserver, qui
aiment assez l'ordre public, le mouve
ment des affaires, qui souhaitent, en
un mot, que cela dure, et qui sont
pour cela les ennemis de la réaction,
mais qui ne voudraient pas que cela
se gâte, et qui ne voient aucune sécu
rité du côté des radicaux. Assez comme
cela de radicalisme ! Il est temps d'en
rayer : et M. Léon Say, au nom de la
commission des finances, est devenu
l'adversaire des dépenses nouvelles
réclamées par la commission de l'ins
truction primaire.
M. Combes, rapporteur de cette
commission, est venu, fort mécontent,
à la tribune. Il a qualifié M. Say de
réactionnaire ! Et de réactionnaire
moins logique et moins conséquent
avec lui-même (comble d'injure!) que
M. Chesnelong. M. Léon Say a répon
du que 65 millions ne se trouvent pas
sous le pied d'un cheval. Puis le mi
nistre a demandé qu'on vote sa loi, et
pour finir, la suite de la dispute a été
remise à une autre séance.
G. Bois.
M. Camille Dreyfus a interrogé,
hier, le ministère sur le coup d'Etat
financier exécuté par le gouverne
ment serbe. M. Spuller a répondu en
termes vagues : La Serbie prétend avoir
à reprocher à la Compagnie française
des chemins de fer serbes des infrac
tions graves ; elle promet de respecter
les droits de tous les intéressés; un de
nos agents de Belgrade est en route
pour Paris ; attendons un peu. On at
tendra.
A son tour, M. de Mackau a deman
dé des explications sur la mesure par
laquelle on a réouvert la frontière aux
bestiaux venant de Belgique. Le mi
nistre a dit qu'il n'y avait pas de fiè
vre aphteuse en ce pays et que, le
gouvernement belge ayant lui-même
fermé sa frontière aux animaux ve
nant du Luxembourg ou d'Allemagne,
la contagion n'est pas à craindre.
On a repris la discussion du budget
de l'agriculture. M. Thellier de Pon-
cheville a réclamé une réduction de
77,000 francs sur le service de l'hy
draulique agricole. Ce service, destiné
à creuser des canaux d'irrigation,
coûte très cher et fait peu .de chose ;
sur les vingt départements où il est
installé, dix seulement le voient fonc
tionner ; or, de l'aveu du rapporteur,
quand ce service travaille, c'est sur
tout pour élaborer des projets qui sont
destinés à sommeiller dans les car
tons. Le rapporteur, le ministre ont
répondu, quelques autres ont inter
rompu ; un instant la lutte s'est en
gagée entre le Nord et le Midi. Fina
lement, on a vote le crédit sans modi
fication.
M. Cazeaux et M. Maurice Faure ont
disserté sur la dérivation des eaux du
gave d'Argelès. M. Chevandier, l'in
venteur de la laïcisation des funérail
les, a demandé des garanties pour les
travaux de reboisement, au point de
vue de la stabilité des périmètres ac
tuels, et il ne les a pas obtenues.
Vers cinq heures on abordait le bud
get des affaires étrangères. Les spec
tateurs, qui espéraient assister à une
discussion intéressante, ont eu la sur
prise etl'ennui d'entendre M. Hubbard,
la vanité, la solennité, la banalité en
personne. Beau et assommant, il l'est
toujours, il l'étaithier d'une façon supé
rieure. Gustave-Adolphe passait en re
vue l'Europe et distribuait l'éloge et le
blâme. C'est du haut de l'Exposition
qu'il juge les peuples et leurs gouver
nements. Il est content des Etats-Unis
et de la Grèce, enchanté' de la Nor-
wège, fâché contre la Suède, bien dis
posé pour la Russie, reconnaissant
pour les membres de la Chambre des
communes qui ont désavoué la con
duite du ministère anglais, irrité con
tre l'Italie officielle et affectueux en
vers l'Italie garibaldienne. Il a fait le
fier comme l'important. Il a froncé les
sourcils en parlant de l'Allemagne, du
voyage de Iîumbert, du projet de vi
site « sacrilège » à Strasbourg.Ce n'est
pas à lui de dire ces choses ; tout le
monde en était d'accord ; tout le
monde était incommodé de ce spec
tacle ridicule et humiliant.
Eugène Tàvehndeb.
Le Temps et l 'Estafette entretiennent
aujourd'hui leurs lecteurs de la ré
cente lettre pastorale adressée aux fi
dèles du diocèse de Paris par S. Em.
le cardinal Richard, et, chose as
sez surprenante chez ces deux jour
naux, ils en font l'éloge. C'est une
conversion dont nous serions heureux
de nous réjouir si, à côté de ces élo
ges, les journaux dont nous parlons
ne plaçaient des considérations et in
terprétations dont le but visible est de
travestir complètement la nature des
enseignements donnés à son peuple
par Mgr l'archevêque de Paris.
Constatons d'abord que le Temps et
Y Estafette s'étonnent bien à tort,comme
d'une nouveauté, de ce que dit Son
Eminence le cardinal Richard des dis
positions de l'Eglise par rapport aux
diverses formes de gouvernement.
« M. l'archevêque de Paris, dit l 'Esta
fette, affirme que l'Eglise ne repousse
pas la forme démocratique de notre
société... la forme même de l'Etat
républicain lui paraît légitime. » Bien
que la lettre de Son Eminence ne con
tienne, en fait, rien, de pareil à cette
dernière proposition, qui n'entrait pas
dans l'objet de son examen, neus ne
chicanerons pas l 'Estafette là-dessus.
Aussi bien, le fond de ses remarques,
c'est que l'Eglise ne repousse pas telle
ou telle formé de gouvernement, et
cela n'est contesté par personne. Citons
maintenant les remarques du Temps :
M. Richard est conduit à examiner quelle
doit être l'attitude de l'Eglise en présence
de la société moderne telle qu'elle s'est
constituée depuis un siècle. Il affirme tout
de suite que la cité de Dieu ne se pose
nullement en ennemie des cités terrestres.
Elle n'est liée à aucune forme particulière
de gouvernement, ainsi que le reconnais
sait dans des encycliques récentes le
Pape Léon XIII lui-même. M. l'arche
vêque de Paris insiste, à dessein, sur cette
vérité importante : « Elle ne repousse pas
plus, dit-il, les formes démocratiques des
sociétée modernes que les formes monar
chiques ou aristocratiques des autres siè
cles et des autres contrées. Elle admet
l'usage légitime des libertés civiles. »
Voilà, en vérité, un excellent langage, et
si les membres du clergé, ou plutôt les
hommes politiques qui s'arrogent le privi
lège de défendre les droits de l'Eglise, en
avaient toujours tenu un semblable, bien
des malentendus, bien des disputes, bien
des colères et, par conséquent, hien des
déchirements intérieurs auraient été épar
gnés au pays.
Les réflexions du Temps ne prouvent
qu'une chose : c'est que ce journal ac
corde bien peu d'attention au langage
courant de tous ceux qui exposent
sur ces matières l'enseignement de
l'Eglise; car, pour le fond, ce langage
ne fut jamais autre que celui dont
s'est servi S. Em. le cardinal Richard.
Si donc l'on veut rechercher à qui in
combe la responsabilité dés « déchire
ments intérieurs », ce n'est pas au
clergé ni aux défenseurs de l'enseigne
ment de l'Eglise qu'il faut s'en pren
dre; mais bien à ceux qui, en dépit de
cet enseignement, n'ont cessé de per
sécuter l'Eglise. Pour faciliter au
Temps cette recherche, nous lui signa
lerons la phrase de la lettre pastorale
où Son Eminence parle des hommes
« qui voudraient arracher la France au
christianisme».
Le Temps poursuit :
Mais ce n'est pas tout. M. l'archevêque
accentue encore ses concessions au libéra
lisme. Il vient de soutenir que l'Eglise ad
met» l'usage légitime des libertés civiles ».
Il fait un pas de plus, et le pas nous paraît
très significatif. « Elle tolère même, ajoute-
t-il, ce qui pourrait être faux ou illégitime
en soi dans ces libertés, si le bien des
âmes le commande. » Cette leçon tombant
de la plume d'un prince de l'Eglise, d'un
prélat occupant le premier siège archiépis
copal de France, donnera sans doute à ré
fléchir à tous ceux qui, soit à. la Chambre,
soit dans la presse, ne se lassent pas de
répéter qu'entre la démocratie républicai
ne et la religion catholique aucun compro
mis n'est possible, et que les libertés con
quises par la Révolution ne sauraient ins
pirer à toute conscience chrétienne que du
mépris et de l'horreur.
Si le Temps s'imagine qu'en parlant
comme il l'a fait S. Em. le cardinal
Richard a voulu préconiser inglobo les
libertés « conquises par la Révolu
tion », il se trompe étrangement. Et
plus grossièrement encore se trompe
l'Estafette quand, par un travestisse
ment étrange de la lettre pastorale
qu'il prétend résumer fidèlement, ce
journal écrit :
M. l'archevêque de Paris'proteste"dë"son
admiration pour le grand effort d'affran
chissement du siècle dernier. Il reconnaît
les bienfaits de la Révolution.
Il nous déplairait d'accuser l 'Esta
fette de mauvaise foi. Aussi préférons-
nous larguer d'inadvertance. Qu'on
veuille bien nous citer, de grâce, le
passage de la lettre pastorale où se
trouverait l'affirmation dont parle
l 'Estafette. Nous pouvons défier l 'Es
tafette de le produire.
Aussi bien cè journal est forcé lui-
même de reconnaître son erreur,puis
qu'il ajoute :
M. l'archevêque de Paris s'attache forte
ment au Concordat. Il ne se défend ras de
reprocher à la Révolution d'avoir déclaré la
guerre à la société chrétienne. En quoi il
trahit la tendance de l'esprit religieux à
voir une atteinte de ses droits dans l'éta
blissement de l'égalité. Mais il n'en ac
cepte pas moins toutes les libertés, et la
forme même de l'état républicain lui pa
raît légitime.
Les hommes de bonne foi approuveront
les déclarations de M. PJchard.Elies ne sou
lèveront de contradictions que parmi les
amis do l'Eglise. Pour eux, la religion est
un instrument de révolution. Il y a un siè
cle qu'ils s'en servent contre les institutions
fondées en 1789, après le divorce tragique
de la France avec la monarchie des Bour
bons.
Notre fin de siècle ne verra pas une
guerre de religion. L'Etat a conquis à ja
mais l'indifférence des pouvoirs publics aux
dogmes religieux. Il traite toutes les reli
gions avec le droit de l'égalité absolue.
A vrai dire, la question religieuse se ré
sout pour noire société démocratique en
une question simple de discipline.
Or, il n'est que juste de reconnaître que
la prudence de M. l'archevêque de Paris,
si elle inspirait tous les membres de l'épis-
copat, serait de nature à rendre faciles les
relations de l'Eglise et de l'Etat.
La paix des consciences serait assurée,
et l'Eglise ainsi placée au-dessus des partis,
étrangère à nos querelles historiques, re
trouverait, sans doute, une autorité depuis
longtemps ébranlée.
Il est plaisant, en vérité, d'entendre
l'organe de M. Jules Ferry, qui a or
ganisé la guerre religieuse, parler en
ces termes de l'impossibilité d'une
guerre de religion en raison de l'indif
férence « des pouvoirs publics aux
dogmes religieux». Il ne l'est pas
moins de l'entendre dire que ce dont
se plaint l'Eglise, c'est de voir ses
droits atteints par « l'établissement de
l'égalité», comme si toutes les me
sures prises en ces derniers temps
surtout contre l'Eglise, n'étaient pas
autant de 1n3sures d'exception direc
tement attentatoires à ce régime de
l'égalité.
Mais nous n'en avons pas fini avec
les sophismes des feuilles opportu
nistes. Citons encore ce que dit le
Temps à propos du Concordat :
. M. l'archevêque de Paris croit, il est
vrai, devoir reprocher aux membres de la
Constituante d'avoir posé la question reli
gieuse : il estime que, « dans leur pensée,
les Droits de l'homme étaient la négation
de la société chrétienne, telle qu'on l'avait
comprise depuis dix-huit siècles ». Si, par
« société chrétienne » le prélat entend une
société avec une religion d'Etat, son appré
ciation est exacte : oui, la Déclaration des
droits de l'homme était certainement une
protestation contre toute religion d'Etat; et
quand Napoléon rétablit « la paix des
âmes », suivant l'expression de M. Richard,
en signant avec le Pape le Concordat, il ne
se montra pas infidèle aux doctrines des
hommes de 1789,
M. l'archevêque reconnaît que le traité
a adapta les conditions de la vie religieuse
aux nécessités de la vie politique de notre
pays ». On nous permettra seulement de
faire remarquer que les rapports de l'Eglise
et du pouvoir civil, tels qu'ils sont déter
minés par le Concordat, sont essentielle
ment différents de ceux qui existaient avant
1789. Sous la monarchie, les protestants,
les israélites et les libre-penseurs ne jouis
saient pas des mêmes droits que leurs con
citoyens : avec le Concordat s'affirment
clairement l'indépendance et l'indifféren-
lisme de l'Etat en matière de religion. Ce
gui le prouve, c'est que les lois organiques
réglant la situation du clergé catholique
déterminaient également celle des minis
tres protestants, et qu'on devait bientôt
prendre des mesures analogues Si l'égard
des rabbins. Les pouvoirs publics restent
donc absolument en dehors des confes
sions spéciales : ils les protègent toutes
également et laissent, en outre, aux libre-
penseurs, la plénitude de leurs droits. On
applique ainsi dans la loi le principe de la
liberté de conscience, et les anteurs de la
Déclaration des droits de l'homme n'avaient
pas réclamé autre chose.
Quoiqu'il en soit, dès l'instant que M.
l'archevêque de Paris estime que les inté
rêts de la religion sont parfaitement sau
vegardés par le Concordat, nous nous trou
vons entièrement d'accord avec lui. Nous
n'avons cessé, en effet, de demander que
l'on prît toujours ce traité de paix comme
base des relations entre l'Eglise et l'Etat.
Que tous les catholiques s'inspirent des
paroles et des sentiments de l'éminent ar
chevêque,et l'une des plus grosses difficul
tés de la situation présente ne tardera pas
à disparaître. Ce sera un grand bien pour
le pays, et tous les * hommes de bonne foi »
auxquels M. Richard adresse son appel
lui seront reconnaissants. ♦
On n'est pas plus conciliant! Nous
ferons seulement remarquer au Temps
que, pour arriver à mettre en opposi
tion « tous les catholiques » avec le
langage de S. Em. le cardinal Richard,
l'organe protestant prête gratuite
ment à Mgr l'archevêque de Paris
une confusion qui est le fait du Temps.
Oui, certes, tous les catholiques sont
d'accord pour admettre que les inté
rêts de la religion sont sauvegardés
par le Concordat, mais à la condition
que ledit Concordat ne soit pas faussé
ou violé par ces fameux articles orga
niques dont on s'obstine vainement à
faire une partie intégrante du Concor
dat, puisque sur divers points ils en sont
la contradiction. Les exemples se
pressent à ce sujet et nous pourrions
les énumérer au long. Mais à quoi
bon? Au surplus, nous pouvons tran
cher d'un mot la querelle, et nous di
rons à l'Estafette comme au Temps que
nous serions facilement de leur avis si
ces journaux, en louant S. Em. le car
dinal Richard de s'en rapporter au
Concordat pour la sauvegarde des in
térêts religieux, nous laissaient l'es
poir qu'ils s'en remettront, pour l'indi
cation de ce que comporte la loyale
exécution du Concordat, à l'autorité
de l'éminent archevêque de Paris.
Auguste Roussel.
Correspondance romaine
Rome, 2 juin 1889.
Il paraît que les fêtes de Berlin n'ont
point fatigué le roi Humbert, mais
qu'elles lui ont donné, au contraire,
le goût des manifestations. A peine
rentré en Italie, le roi s'arrête à Mi
lan avec le prince de Naples et as
siste à une série de fêtes.
Cette manifestation est justifiée au
point de vue gouvernemental, car au
départ on avait évité de traverser cette
ville, parce qu'on craignait des dé
monstrations hostiles. Depuis, la po
lice a pu organiser les choses, et les
journaux gouvernementaux aidant,
le roi a pu se montrer aux Milanais
sans aucune crainte. L'excès d'enthou
siasme prouve que la police a obtenu
plus qu'elle demandait. Les cris de :
Vive l'Allemagne ! ont caressé les oreil
les du souverain, et les quelques mal
heureux qui ont osé crier: Vive la
France ! et : Vive Trieste ! ont été sim
plement arrêtés pour cris séditieux.
Le retour à Rome a été préparé de
la même façon. On voulait montrer
aux Français que le peuple italien
était d'accord avec son gouvernement
dans sa politique allemande,et une pe
tite manifestation a été organisée.
Le Sénat et le Parlement se sont
rendus en corps à la gare; quelques
associations libérales, les élèves des
écoles supérieures auxquels on avait
donné vacance, ont reçu le roi hier
vers midi et demi avec un enthou
siasme tout à fait officiel. Il ne reste
plus maintenant aux journaux qu'à
nous célébrer toutes les gloires de ce
voyage fameux, sur le compte duquel
ils chantent victoire depuis deux se
maines.
Le principal objectif de toute la
presse italienne c'est la France, et on
vous a signalé avec quelle courtoisie
nos confrères italiens ont traité la
presse et le peuple français.
Dans le courant de cette semaine,
des torrents d'injures ont été versés
sur ce qu'on appelait un peuple crétin,
imbécile, une foule de gens ivres, etc.
L'incident de Strasbourg a surtout
soulevé toutes les haines. Jusqu'à ce
jour, toute la presse italienne a caté
goriquement nié les faits, et elle ne
cesse de dire que c'est une indigne
manœuvre française ; aussi la plupart
des gens en sont convaincus ét répè
tent que la France seule est capable
de pareilles indignités.
Pas un journal gouvernemental
n'ose citer les journaux de Strasbourg,
pas un n'ose dire que les autorités
d'Alsace-Lorraine ont officiellement
annoncé le voyage. Cela n'existe pas
pour eux, et l' Osservatore ainsi que la
Voce délia Verità , qui ont noblement
pris en main la défense de la vérité
des faits, ont prêché à des sourds et
des aveugles. L'attitude des deux jour
naux catholiques de Rome mérite
d'être signalée en France. L'or de M.
Grispi a fait des miracles et a obtenu
le servilisme le plus abject, dont aussi
on fera bien de prendre note, car on
oublie trop facilement eu France la
façon dont l'Italie montre sa recon
naissance.
Je vous le disais, nous sommes dans
la période des fêtes, et, en effet, le roi
Humbert s'est de nouveau montré ce
matin à l'occasion de la revue des trou
pes pour la fête nationale du Statuto.
Parmi les nombreuses commémora
tions du calendrier révolutionnaire
italien, celle-ci est la plus grande. Elle
rappelle la promulgation des statuts
fondamentaux du royaume Piémon-
tais. Ce Statut, dont bien des choses
sont tombées en désuétude, surtout
pour tout ce qui a rapport à la reli
gion, commence à sembler une vieille
rie, une antiquaille, aux révolutionnai
res avancés qui ont fait l'Italie. Le
Messaggero nous le dit encore ce ma
tin.
Le Statut est un vieillard bien vieux,trop
vieux même, et a besoin de reconstituants.
Le premier article surtout devrait être sup
primé, car il proclame la religion catholi
que religion de l'Etat et tolère les autres
cultes. Tout cela est incompatible avec le
progrès moderne.
Ce premier article est depuis long
temps lettre morte, car l'anticlérica
lisme seul est devenu la religion d'Etat,
c'est-à-dire gouvernemental en Italie.
C'est lui qu'on protège, qu'on subven
tionne, tandis que la religion catholi
que est persécutée et volée.
Depuis quelque temps notre syndic
n'a plus eu l'occasion de nous adres
ser de beaux manifestes. Il s'est rat
trapé pendant cette période, en en
voyant des télégrammes en Suisse, â
Berlin et un peu de tous le3 côtés.
Aujourd'hui il nous a gratifié de son
style. Ecoutons-le... sérieusement:
Citoyens !
C'est l'unité et la liberté que l'Italie célè
bre en ce jour,qui, plus que tout autre rap
pelle avec joie et orgueil cette admirable
suite d'événements qui a eu son commen
cement le 4 mars 1848, lorsqu'un roi sage
et magnanime posaitles fondements del'édi-
fice de notre liberté, et qui s'est accomplie
le 20 septembre 1870, lorsque les Italiens,
arrivés à l'unité nationale, firent voir la
première fois au monde, du haut de la ve
dette du Capitole, que l'Italie, après quinze
siècles de servage, rentrait dans la voie de
la grandeur et de la gloire.
Les . témoignages d'affection et de
loyale amitié qu'en ces jours derniers notre
roi a reçus dans la capitale de la très forte
Allemagne, sont une preuve que les gou
vernements et les peuples ont conscience
de la force de la nouvelle Italie et se fient à
sa mission de civilisation et de paix 1
Mais le temps des fêtes n'est pas
terminé. Nous aurons à la fin de cette
semaine le triduum de Giordano
Bruno.
Cette fête ne semble pas sourire au
tant au roi, car Sa Majesté s'empare
d'un prétexte et quitte Rome pour
Naples. C'est prudent I
M. Crispi use aussi de prudence. Il
a pris part comme président du con
seil à toutes les manifestations en fa
veur du vilain apostat; il a poussé les
partis, les a encouragés dans leur œu
vre, mais il ne veut pas prendre une
part officielle àlafête. Non pas que M.
Crispi méprise la canaille, mais cepen
dant il faut conserver un certain
décorum pour pouvoir se laver les
mains lorsque les désordres seront
devenus trop grands. De cette façon,
M. Crispi pourra répondre que le gou
vernement n'y est pour rien, qu'il a
simplement toléré la fête,et qu'en tous
les cas la loi des garanties est sauve,
personne n'étant entré au Vatican
pour injurier le Pape.
Tout le monde le répète, ce jour-là
les catholiques en verront de belles. Ils
assisteront calmes à la bordée d'in
jures qu'on leur prépare, et le monde
civilisé verra de quelle façon est g a ~
rantie la liberté, non seulement du
Pape, mais même des simples citoyens
italiens catholiques.
Une protestation s'élèvera, et elle
sera digne des catholiques de Rome.
La Voce délia Verità reçoit, depuis
quelque temps, les protestations de
tous les cercles catholiques, des asso
ciations et instituts de l'Italie, contre
l'injure préparée par les sectes et le
gouvernement. Ce journal vient d'an
noncer qu'on va former un comité
pour ériger une statue au saint le plus
populaire de Rome, Philippe de Neri,
l'apôtre tant vénéré de la Ville éter
nelle.
On demandera à la municipalité le
terrain nécessaire pour ériger le mo
nument.
Nous verrons si les catholiques au
ront les mêmes droits que les sec
taires.
Deuxième centenaire
DU SACRÉ-COEUR
La France révolutionnaire célèbre
son centenaire de 1789; la France ca
tholique s'apprête. à en célébrer un
autre.
Il y aura deux siècles le 17 juin
prochain que Notre-Seigneur, en se
révélant dans son Sacré-Cœur, à la
bienheureuse Marguerite-Marie Ala-
coque, lui manifesta le désir que la
France lui fût spécialement et publi
quement consacrée.
L'hommage solennel demandé par
le divin Maître n'a pas encore été
rendu. Ce n'est pas du gouvernement
de la république qu'on peut l'attendre.
A défaut des pouvoirs publics, de
toutes parts s'est manifesté le vœu
d'une consécration, aussi générale et
aussi solennelle que possible, de la
France catholique au Sacré-Cœur de
Jésus, le jour anniversaire de la mé
morable apparition. A cet effet, des ap
pels ont été adressés par les conseils
des œuvres de l'Apostolat de la prière
et du Vœu national, pour une consé
cration générale des personnes et des
familles chrétiennes. La plupart des
évêques y ont déjà répondu favorable
ment ; plusieurs ont publié des instruc
tions spéciales à ce sujet. Presque tou
tes les Semaines religieuses diocésaines
se sont associées au mouvement,et tout
se prépare pour un grand acte de piété
nationale.
En attendant la manifestation collec
tive du 17 juin, qui paraît devoirpren-
dre une forme différente selon les
diocèses, des manifestations de grou
pes ont commencé à Montmartre avec
le mois du Sacré-Cœur. Une déléga
tion de la ville de Tourcoing a pris
l'initiative ; avant-hier un groupe mi
litaire est arrivé d'Arras et a fait une
veillée de nuit au sanctuaire du Vœu
national. L'élan est donné, et le mois
verra un grand nombre de pèlerinages
et de pieuses cérémonies renouvelées
tous les jours.
Ne pouvantreproduire lesnombreux
actes épiscopaux qui ont précédé ou
suivi la lettre de S. Em. l'archevêque
N* mi fêlEditl*» t&«MIAui
■TifeHBHBB
Mercredi 8 Juin 1883
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
Et départements
Un ciiia i i i t 55 n
Six mois. ... 23 50
Trois mois. . . 15 »
ETRANGER
(uîfloït postale)
66 »
34 »
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^^abonnements partent des |« et 16 de chaque mois
TTVT "H.TTTH«"I$n-. ( Paris 15 COÏlt.
UN NUMERO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne 1 Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
et départements
i . 30 n
, . 16 »
, . 8 50
ÉTRANGER
(oniok postale)
36 ».
19 »
10 »
les cfoenncmcnts partent des l" et <6 do chaque mol*
L 'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C i0 , 6, place de la Bourse
frange
PARIS, 4 JUIN 1889
Gomme l'on s'y attendait, la ques
tion des chemins de fer serbes a* été
portée "hier à la tribune de la Chambre
des députés : c'est M.Dreyfus qui a in
terrogé à ce sujet M. le ministre des
affaires étrangères. Celui-ci, incomplè
tement renseigné, n'a pu faire qu'une
réponse dilatoire, promettant qu'il
étudierait et suivrait l'affaire.
En attendant, la spoliation est un
fait accompli ; le gouvernement serbe
s'est emparé de l'exploitation, qu'il
prétend faire à son profit avec le ma
tériel qui appartient à la Compagnie
française; c'est d'un, sans-gêne tout
oriental. Le ministère serbe a essayé
de justifier sa conduite dans un rap
port qui, d'après le résumé télégra
phique, n'est qu'un tissu de bana-
ités.
On continue à penser que le gouver
nement serbe n'aurait pas osé agir
ainsi s'il ne se croyait appuyé, si mê
me il n'avait pas été poussé.
Rien de saillant à signaler au sujet
du voyage présidentiel, qui tire à sa
fin. Les mêmes ovations se reprodui
sent partout avec la même sponta
néité ; elles n'ont pas grande signifi
cation.
Au Sénat, hier, après avoir nommé
dans les bureaux la commission pour
le transfert au Panthéon des grands
hommes de la république, on a repris
en séance la discussion de la loi sur
l'enseignement primaire ; MM. Com
bes, rapporteur, Léon Say, président
de la commission, et Fallières, minis
tre de l'instruction publique, ont pris
la parole. Suite aujourd'hui.
Après la question de M. Dreyfus at
une question de M. le baron de Mac-
kau sur l'introduction des viandes
étrangères, la Chambre des députés a
terminé la discussion du budget de
l'agriculture ; elle a commencé en
suite la discussion du budget des af
faires étrangères ; M. Hubbard a fait
un long discours. On continuera au
jourd'hui.
C'est demain que la commission mi
litaire de la Chambre des députés doit
prendre sa décision au sujet des modi
fications apportées par le Sénat au
texte primitif. Gomme on le verra par
une note du Journal des Débats, que
confirment d'autres journaux et que
nous reproduisons, trois systèmes sont
en présence : maintenir le texte de la
Chambre *, accepter les modifications
du Sénat, ou enfin, s'armant d'une
disposition de la Constitution, ren-:
voyer la loi à l'examen d'une déléga
tion des deux Chambres, qui serait
chargée d'arrêter un texte que l'on
puisse accepter des deux côtés.
Seule l'acceptation pure et simple
du texte sénatorial, ce qui serait pour
la majorité de la Chambre l'aveu de
sa défaite, permettrait de voter la loi
. militaire avant les élections.
Nous avons aujourd'hui les chiffres
de l'élection de Bruxelles ; il y a bal
lottage, comme l'on s'y attendait. Le
candidat catholique, M. de Becker,
tient la tête avec 6,410 voix ; le can
didat radical, M. Janson, a 4,618 et le
candidat libéral, M. Graux, 4,201. Ce
lui-ci s'est déjà désisté en faveur du
candidat radical j pour lequel il invite
ses électeurs à voter.
Il reste à savoir si tous les électeurs
suivront leur candidat et si les con
servateurs, dans un dernier effort, ne
parviendront pas à ramener au scru
tin les abstenants, qui ont été nom
breux : plus de 6,000.
Ne pouvant forcer M. Martos à don
ner sa démission de président, n'osant
pas le faire renverser par une mani
festation de la Chambre, M. Sagasta
a fait signer par la reine-régente le
décret de clôture de la session. La
nouvelle session commencera presque
immédiatement, à cause du budget
qu'il faut faire voter. Seulement la
présidence de M.Martos aurait pris fin.
En admettant que M. Sagasta réus
sisse à se débarrasser de M. Martos
comme président, sa position sera-t-
elle solidifiée ?
Le voyage à Berlin pourrait bien
n'avoir pas débarrassé M. Grispi de
tous ses embarras. Voilà dix-sept mem
bres de la commission du budget, sur
trente-six, qui sont démissionnaires.
On va les remplacer, mais il est dou
teux que cela facilite le vote du bud
get. Or, la question financière figurait
au premier rang parmi les embarras
de M. Crispi.
Le Sénat avait interrompu la discus
sion d'une loi sur le traitement des ins
tituteurs pour faire passer rapidement
la loi militaire. La voici passée : sans
changer d'esprit ni de système,presque
sans sortir du même ordre d'idées, la
délibération se poursuit sur l'instruc
tion primaire. Les deux lois ont un
air de famille et une importance de
même nature par le but qu'elles vi
sent : ce sont des lois politiques, des
lois de combat, presque des lois élec
torales. Après avoir constaté que les
militaires dont la compétence réelle
était hors de doute s'étaient opposés
de tout leur pouvoir au vote
de la loi sur l^armée, nous n'a
vons pu éviter de voir aussi l'avan
tageux terrain de discussion qu'elle
donnait aux candidats du régime ac
tuel devant le corps électoral, et les
ressources qu'on en pouvait tirer pour
inspirer les électeurs dans leur vote ;
une autre tendance politique de cette
loi militaire était de se rapprocher de
plus en plus dé ce qui serait la nation
armée, idéal cher aux radicaux parce
que ce serait précisément le contraire
et l'antagonisme d'une armée de métier.
Or la république radicale craint natu
rellement l'armée, comme la pègre a
peur de la gendarmerie.
La loi sur le traitement des institu
teurs est combinée pour travailler de
même au triomphe de la république
radicale devant le corps électoral,
en organisant, comme pour la loi
militaire, un état de choses tel que les
intéressés puissent craindre, par cal
cul personnel, l'avènement des réfor
mes conservatrices,c'est-à-dire en leur
créant des avantages et des espéran
ces qu'ils ne croient pouvoir défendre
qu'en défendant la république. Pour
les instituteurs, dont on escompte les
services et l'influence en les exagérant
peut-être, la loi propose deux moyens:
augmenter les emplois et donner l'a
vancement sur place. Par le premier
moyen, on supprime la masse des
mécontents pour en faire la masse des
dévoués. Par le second, on conserve,
en la récompensant,l'influence acqui
se, les services rendus, on ne risque
plus-de perdre'le chemin gagné en dé
plaçant l'homme qui peut le garder ou
l'avancer encore. La récompense est
un accroissement de traitement déguis é
sous le nom euphémique de nomina
tion d'une classe à l'autre. Tout cela
doit coûter au minimum un accrois
sement de dépenses de 65 millions. A
la Chambre des députés on comptait
quelques millions de plus.
Ce nouveau gaspillage n'a pas été,
naturellement, sans soulever des ex
clamations. Le projet a été renvoyé à
la commission des finances, qui a
nommé pour rapporteur M. Léon Say.
Ce n'est pas un réactionnaire que M.
Léon Say (oh ! non!), et bien injuste
ment on le lui a dit. Ce n'est pas même
un conservateur ; il est seulement du
nombre des républicains heureux qui
ont quelque chose à conserver, qui
aiment assez l'ordre public, le mouve
ment des affaires, qui souhaitent, en
un mot, que cela dure, et qui sont
pour cela les ennemis de la réaction,
mais qui ne voudraient pas que cela
se gâte, et qui ne voient aucune sécu
rité du côté des radicaux. Assez comme
cela de radicalisme ! Il est temps d'en
rayer : et M. Léon Say, au nom de la
commission des finances, est devenu
l'adversaire des dépenses nouvelles
réclamées par la commission de l'ins
truction primaire.
M. Combes, rapporteur de cette
commission, est venu, fort mécontent,
à la tribune. Il a qualifié M. Say de
réactionnaire ! Et de réactionnaire
moins logique et moins conséquent
avec lui-même (comble d'injure!) que
M. Chesnelong. M. Léon Say a répon
du que 65 millions ne se trouvent pas
sous le pied d'un cheval. Puis le mi
nistre a demandé qu'on vote sa loi, et
pour finir, la suite de la dispute a été
remise à une autre séance.
G. Bois.
M. Camille Dreyfus a interrogé,
hier, le ministère sur le coup d'Etat
financier exécuté par le gouverne
ment serbe. M. Spuller a répondu en
termes vagues : La Serbie prétend avoir
à reprocher à la Compagnie française
des chemins de fer serbes des infrac
tions graves ; elle promet de respecter
les droits de tous les intéressés; un de
nos agents de Belgrade est en route
pour Paris ; attendons un peu. On at
tendra.
A son tour, M. de Mackau a deman
dé des explications sur la mesure par
laquelle on a réouvert la frontière aux
bestiaux venant de Belgique. Le mi
nistre a dit qu'il n'y avait pas de fiè
vre aphteuse en ce pays et que, le
gouvernement belge ayant lui-même
fermé sa frontière aux animaux ve
nant du Luxembourg ou d'Allemagne,
la contagion n'est pas à craindre.
On a repris la discussion du budget
de l'agriculture. M. Thellier de Pon-
cheville a réclamé une réduction de
77,000 francs sur le service de l'hy
draulique agricole. Ce service, destiné
à creuser des canaux d'irrigation,
coûte très cher et fait peu .de chose ;
sur les vingt départements où il est
installé, dix seulement le voient fonc
tionner ; or, de l'aveu du rapporteur,
quand ce service travaille, c'est sur
tout pour élaborer des projets qui sont
destinés à sommeiller dans les car
tons. Le rapporteur, le ministre ont
répondu, quelques autres ont inter
rompu ; un instant la lutte s'est en
gagée entre le Nord et le Midi. Fina
lement, on a vote le crédit sans modi
fication.
M. Cazeaux et M. Maurice Faure ont
disserté sur la dérivation des eaux du
gave d'Argelès. M. Chevandier, l'in
venteur de la laïcisation des funérail
les, a demandé des garanties pour les
travaux de reboisement, au point de
vue de la stabilité des périmètres ac
tuels, et il ne les a pas obtenues.
Vers cinq heures on abordait le bud
get des affaires étrangères. Les spec
tateurs, qui espéraient assister à une
discussion intéressante, ont eu la sur
prise etl'ennui d'entendre M. Hubbard,
la vanité, la solennité, la banalité en
personne. Beau et assommant, il l'est
toujours, il l'étaithier d'une façon supé
rieure. Gustave-Adolphe passait en re
vue l'Europe et distribuait l'éloge et le
blâme. C'est du haut de l'Exposition
qu'il juge les peuples et leurs gouver
nements. Il est content des Etats-Unis
et de la Grèce, enchanté' de la Nor-
wège, fâché contre la Suède, bien dis
posé pour la Russie, reconnaissant
pour les membres de la Chambre des
communes qui ont désavoué la con
duite du ministère anglais, irrité con
tre l'Italie officielle et affectueux en
vers l'Italie garibaldienne. Il a fait le
fier comme l'important. Il a froncé les
sourcils en parlant de l'Allemagne, du
voyage de Iîumbert, du projet de vi
site « sacrilège » à Strasbourg.Ce n'est
pas à lui de dire ces choses ; tout le
monde en était d'accord ; tout le
monde était incommodé de ce spec
tacle ridicule et humiliant.
Eugène Tàvehndeb.
Le Temps et l 'Estafette entretiennent
aujourd'hui leurs lecteurs de la ré
cente lettre pastorale adressée aux fi
dèles du diocèse de Paris par S. Em.
le cardinal Richard, et, chose as
sez surprenante chez ces deux jour
naux, ils en font l'éloge. C'est une
conversion dont nous serions heureux
de nous réjouir si, à côté de ces élo
ges, les journaux dont nous parlons
ne plaçaient des considérations et in
terprétations dont le but visible est de
travestir complètement la nature des
enseignements donnés à son peuple
par Mgr l'archevêque de Paris.
Constatons d'abord que le Temps et
Y Estafette s'étonnent bien à tort,comme
d'une nouveauté, de ce que dit Son
Eminence le cardinal Richard des dis
positions de l'Eglise par rapport aux
diverses formes de gouvernement.
« M. l'archevêque de Paris, dit l 'Esta
fette, affirme que l'Eglise ne repousse
pas la forme démocratique de notre
société... la forme même de l'Etat
républicain lui paraît légitime. » Bien
que la lettre de Son Eminence ne con
tienne, en fait, rien, de pareil à cette
dernière proposition, qui n'entrait pas
dans l'objet de son examen, neus ne
chicanerons pas l 'Estafette là-dessus.
Aussi bien, le fond de ses remarques,
c'est que l'Eglise ne repousse pas telle
ou telle formé de gouvernement, et
cela n'est contesté par personne. Citons
maintenant les remarques du Temps :
M. Richard est conduit à examiner quelle
doit être l'attitude de l'Eglise en présence
de la société moderne telle qu'elle s'est
constituée depuis un siècle. Il affirme tout
de suite que la cité de Dieu ne se pose
nullement en ennemie des cités terrestres.
Elle n'est liée à aucune forme particulière
de gouvernement, ainsi que le reconnais
sait dans des encycliques récentes le
Pape Léon XIII lui-même. M. l'arche
vêque de Paris insiste, à dessein, sur cette
vérité importante : « Elle ne repousse pas
plus, dit-il, les formes démocratiques des
sociétée modernes que les formes monar
chiques ou aristocratiques des autres siè
cles et des autres contrées. Elle admet
l'usage légitime des libertés civiles. »
Voilà, en vérité, un excellent langage, et
si les membres du clergé, ou plutôt les
hommes politiques qui s'arrogent le privi
lège de défendre les droits de l'Eglise, en
avaient toujours tenu un semblable, bien
des malentendus, bien des disputes, bien
des colères et, par conséquent, hien des
déchirements intérieurs auraient été épar
gnés au pays.
Les réflexions du Temps ne prouvent
qu'une chose : c'est que ce journal ac
corde bien peu d'attention au langage
courant de tous ceux qui exposent
sur ces matières l'enseignement de
l'Eglise; car, pour le fond, ce langage
ne fut jamais autre que celui dont
s'est servi S. Em. le cardinal Richard.
Si donc l'on veut rechercher à qui in
combe la responsabilité dés « déchire
ments intérieurs », ce n'est pas au
clergé ni aux défenseurs de l'enseigne
ment de l'Eglise qu'il faut s'en pren
dre; mais bien à ceux qui, en dépit de
cet enseignement, n'ont cessé de per
sécuter l'Eglise. Pour faciliter au
Temps cette recherche, nous lui signa
lerons la phrase de la lettre pastorale
où Son Eminence parle des hommes
« qui voudraient arracher la France au
christianisme».
Le Temps poursuit :
Mais ce n'est pas tout. M. l'archevêque
accentue encore ses concessions au libéra
lisme. Il vient de soutenir que l'Eglise ad
met» l'usage légitime des libertés civiles ».
Il fait un pas de plus, et le pas nous paraît
très significatif. « Elle tolère même, ajoute-
t-il, ce qui pourrait être faux ou illégitime
en soi dans ces libertés, si le bien des
âmes le commande. » Cette leçon tombant
de la plume d'un prince de l'Eglise, d'un
prélat occupant le premier siège archiépis
copal de France, donnera sans doute à ré
fléchir à tous ceux qui, soit à. la Chambre,
soit dans la presse, ne se lassent pas de
répéter qu'entre la démocratie républicai
ne et la religion catholique aucun compro
mis n'est possible, et que les libertés con
quises par la Révolution ne sauraient ins
pirer à toute conscience chrétienne que du
mépris et de l'horreur.
Si le Temps s'imagine qu'en parlant
comme il l'a fait S. Em. le cardinal
Richard a voulu préconiser inglobo les
libertés « conquises par la Révolu
tion », il se trompe étrangement. Et
plus grossièrement encore se trompe
l'Estafette quand, par un travestisse
ment étrange de la lettre pastorale
qu'il prétend résumer fidèlement, ce
journal écrit :
M. l'archevêque de Paris'proteste"dë"son
admiration pour le grand effort d'affran
chissement du siècle dernier. Il reconnaît
les bienfaits de la Révolution.
Il nous déplairait d'accuser l 'Esta
fette de mauvaise foi. Aussi préférons-
nous larguer d'inadvertance. Qu'on
veuille bien nous citer, de grâce, le
passage de la lettre pastorale où se
trouverait l'affirmation dont parle
l 'Estafette. Nous pouvons défier l 'Es
tafette de le produire.
Aussi bien cè journal est forcé lui-
même de reconnaître son erreur,puis
qu'il ajoute :
M. l'archevêque de Paris s'attache forte
ment au Concordat. Il ne se défend ras de
reprocher à la Révolution d'avoir déclaré la
guerre à la société chrétienne. En quoi il
trahit la tendance de l'esprit religieux à
voir une atteinte de ses droits dans l'éta
blissement de l'égalité. Mais il n'en ac
cepte pas moins toutes les libertés, et la
forme même de l'état républicain lui pa
raît légitime.
Les hommes de bonne foi approuveront
les déclarations de M. PJchard.Elies ne sou
lèveront de contradictions que parmi les
amis do l'Eglise. Pour eux, la religion est
un instrument de révolution. Il y a un siè
cle qu'ils s'en servent contre les institutions
fondées en 1789, après le divorce tragique
de la France avec la monarchie des Bour
bons.
Notre fin de siècle ne verra pas une
guerre de religion. L'Etat a conquis à ja
mais l'indifférence des pouvoirs publics aux
dogmes religieux. Il traite toutes les reli
gions avec le droit de l'égalité absolue.
A vrai dire, la question religieuse se ré
sout pour noire société démocratique en
une question simple de discipline.
Or, il n'est que juste de reconnaître que
la prudence de M. l'archevêque de Paris,
si elle inspirait tous les membres de l'épis-
copat, serait de nature à rendre faciles les
relations de l'Eglise et de l'Etat.
La paix des consciences serait assurée,
et l'Eglise ainsi placée au-dessus des partis,
étrangère à nos querelles historiques, re
trouverait, sans doute, une autorité depuis
longtemps ébranlée.
Il est plaisant, en vérité, d'entendre
l'organe de M. Jules Ferry, qui a or
ganisé la guerre religieuse, parler en
ces termes de l'impossibilité d'une
guerre de religion en raison de l'indif
férence « des pouvoirs publics aux
dogmes religieux». Il ne l'est pas
moins de l'entendre dire que ce dont
se plaint l'Eglise, c'est de voir ses
droits atteints par « l'établissement de
l'égalité», comme si toutes les me
sures prises en ces derniers temps
surtout contre l'Eglise, n'étaient pas
autant de 1n3sures d'exception direc
tement attentatoires à ce régime de
l'égalité.
Mais nous n'en avons pas fini avec
les sophismes des feuilles opportu
nistes. Citons encore ce que dit le
Temps à propos du Concordat :
. M. l'archevêque de Paris croit, il est
vrai, devoir reprocher aux membres de la
Constituante d'avoir posé la question reli
gieuse : il estime que, « dans leur pensée,
les Droits de l'homme étaient la négation
de la société chrétienne, telle qu'on l'avait
comprise depuis dix-huit siècles ». Si, par
« société chrétienne » le prélat entend une
société avec une religion d'Etat, son appré
ciation est exacte : oui, la Déclaration des
droits de l'homme était certainement une
protestation contre toute religion d'Etat; et
quand Napoléon rétablit « la paix des
âmes », suivant l'expression de M. Richard,
en signant avec le Pape le Concordat, il ne
se montra pas infidèle aux doctrines des
hommes de 1789,
M. l'archevêque reconnaît que le traité
a adapta les conditions de la vie religieuse
aux nécessités de la vie politique de notre
pays ». On nous permettra seulement de
faire remarquer que les rapports de l'Eglise
et du pouvoir civil, tels qu'ils sont déter
minés par le Concordat, sont essentielle
ment différents de ceux qui existaient avant
1789. Sous la monarchie, les protestants,
les israélites et les libre-penseurs ne jouis
saient pas des mêmes droits que leurs con
citoyens : avec le Concordat s'affirment
clairement l'indépendance et l'indifféren-
lisme de l'Etat en matière de religion. Ce
gui le prouve, c'est que les lois organiques
réglant la situation du clergé catholique
déterminaient également celle des minis
tres protestants, et qu'on devait bientôt
prendre des mesures analogues Si l'égard
des rabbins. Les pouvoirs publics restent
donc absolument en dehors des confes
sions spéciales : ils les protègent toutes
également et laissent, en outre, aux libre-
penseurs, la plénitude de leurs droits. On
applique ainsi dans la loi le principe de la
liberté de conscience, et les anteurs de la
Déclaration des droits de l'homme n'avaient
pas réclamé autre chose.
Quoiqu'il en soit, dès l'instant que M.
l'archevêque de Paris estime que les inté
rêts de la religion sont parfaitement sau
vegardés par le Concordat, nous nous trou
vons entièrement d'accord avec lui. Nous
n'avons cessé, en effet, de demander que
l'on prît toujours ce traité de paix comme
base des relations entre l'Eglise et l'Etat.
Que tous les catholiques s'inspirent des
paroles et des sentiments de l'éminent ar
chevêque,et l'une des plus grosses difficul
tés de la situation présente ne tardera pas
à disparaître. Ce sera un grand bien pour
le pays, et tous les * hommes de bonne foi »
auxquels M. Richard adresse son appel
lui seront reconnaissants. ♦
On n'est pas plus conciliant! Nous
ferons seulement remarquer au Temps
que, pour arriver à mettre en opposi
tion « tous les catholiques » avec le
langage de S. Em. le cardinal Richard,
l'organe protestant prête gratuite
ment à Mgr l'archevêque de Paris
une confusion qui est le fait du Temps.
Oui, certes, tous les catholiques sont
d'accord pour admettre que les inté
rêts de la religion sont sauvegardés
par le Concordat, mais à la condition
que ledit Concordat ne soit pas faussé
ou violé par ces fameux articles orga
niques dont on s'obstine vainement à
faire une partie intégrante du Concor
dat, puisque sur divers points ils en sont
la contradiction. Les exemples se
pressent à ce sujet et nous pourrions
les énumérer au long. Mais à quoi
bon? Au surplus, nous pouvons tran
cher d'un mot la querelle, et nous di
rons à l'Estafette comme au Temps que
nous serions facilement de leur avis si
ces journaux, en louant S. Em. le car
dinal Richard de s'en rapporter au
Concordat pour la sauvegarde des in
térêts religieux, nous laissaient l'es
poir qu'ils s'en remettront, pour l'indi
cation de ce que comporte la loyale
exécution du Concordat, à l'autorité
de l'éminent archevêque de Paris.
Auguste Roussel.
Correspondance romaine
Rome, 2 juin 1889.
Il paraît que les fêtes de Berlin n'ont
point fatigué le roi Humbert, mais
qu'elles lui ont donné, au contraire,
le goût des manifestations. A peine
rentré en Italie, le roi s'arrête à Mi
lan avec le prince de Naples et as
siste à une série de fêtes.
Cette manifestation est justifiée au
point de vue gouvernemental, car au
départ on avait évité de traverser cette
ville, parce qu'on craignait des dé
monstrations hostiles. Depuis, la po
lice a pu organiser les choses, et les
journaux gouvernementaux aidant,
le roi a pu se montrer aux Milanais
sans aucune crainte. L'excès d'enthou
siasme prouve que la police a obtenu
plus qu'elle demandait. Les cris de :
Vive l'Allemagne ! ont caressé les oreil
les du souverain, et les quelques mal
heureux qui ont osé crier: Vive la
France ! et : Vive Trieste ! ont été sim
plement arrêtés pour cris séditieux.
Le retour à Rome a été préparé de
la même façon. On voulait montrer
aux Français que le peuple italien
était d'accord avec son gouvernement
dans sa politique allemande,et une pe
tite manifestation a été organisée.
Le Sénat et le Parlement se sont
rendus en corps à la gare; quelques
associations libérales, les élèves des
écoles supérieures auxquels on avait
donné vacance, ont reçu le roi hier
vers midi et demi avec un enthou
siasme tout à fait officiel. Il ne reste
plus maintenant aux journaux qu'à
nous célébrer toutes les gloires de ce
voyage fameux, sur le compte duquel
ils chantent victoire depuis deux se
maines.
Le principal objectif de toute la
presse italienne c'est la France, et on
vous a signalé avec quelle courtoisie
nos confrères italiens ont traité la
presse et le peuple français.
Dans le courant de cette semaine,
des torrents d'injures ont été versés
sur ce qu'on appelait un peuple crétin,
imbécile, une foule de gens ivres, etc.
L'incident de Strasbourg a surtout
soulevé toutes les haines. Jusqu'à ce
jour, toute la presse italienne a caté
goriquement nié les faits, et elle ne
cesse de dire que c'est une indigne
manœuvre française ; aussi la plupart
des gens en sont convaincus ét répè
tent que la France seule est capable
de pareilles indignités.
Pas un journal gouvernemental
n'ose citer les journaux de Strasbourg,
pas un n'ose dire que les autorités
d'Alsace-Lorraine ont officiellement
annoncé le voyage. Cela n'existe pas
pour eux, et l' Osservatore ainsi que la
Voce délia Verità , qui ont noblement
pris en main la défense de la vérité
des faits, ont prêché à des sourds et
des aveugles. L'attitude des deux jour
naux catholiques de Rome mérite
d'être signalée en France. L'or de M.
Grispi a fait des miracles et a obtenu
le servilisme le plus abject, dont aussi
on fera bien de prendre note, car on
oublie trop facilement eu France la
façon dont l'Italie montre sa recon
naissance.
Je vous le disais, nous sommes dans
la période des fêtes, et, en effet, le roi
Humbert s'est de nouveau montré ce
matin à l'occasion de la revue des trou
pes pour la fête nationale du Statuto.
Parmi les nombreuses commémora
tions du calendrier révolutionnaire
italien, celle-ci est la plus grande. Elle
rappelle la promulgation des statuts
fondamentaux du royaume Piémon-
tais. Ce Statut, dont bien des choses
sont tombées en désuétude, surtout
pour tout ce qui a rapport à la reli
gion, commence à sembler une vieille
rie, une antiquaille, aux révolutionnai
res avancés qui ont fait l'Italie. Le
Messaggero nous le dit encore ce ma
tin.
Le Statut est un vieillard bien vieux,trop
vieux même, et a besoin de reconstituants.
Le premier article surtout devrait être sup
primé, car il proclame la religion catholi
que religion de l'Etat et tolère les autres
cultes. Tout cela est incompatible avec le
progrès moderne.
Ce premier article est depuis long
temps lettre morte, car l'anticlérica
lisme seul est devenu la religion d'Etat,
c'est-à-dire gouvernemental en Italie.
C'est lui qu'on protège, qu'on subven
tionne, tandis que la religion catholi
que est persécutée et volée.
Depuis quelque temps notre syndic
n'a plus eu l'occasion de nous adres
ser de beaux manifestes. Il s'est rat
trapé pendant cette période, en en
voyant des télégrammes en Suisse, â
Berlin et un peu de tous le3 côtés.
Aujourd'hui il nous a gratifié de son
style. Ecoutons-le... sérieusement:
Citoyens !
C'est l'unité et la liberté que l'Italie célè
bre en ce jour,qui, plus que tout autre rap
pelle avec joie et orgueil cette admirable
suite d'événements qui a eu son commen
cement le 4 mars 1848, lorsqu'un roi sage
et magnanime posaitles fondements del'édi-
fice de notre liberté, et qui s'est accomplie
le 20 septembre 1870, lorsque les Italiens,
arrivés à l'unité nationale, firent voir la
première fois au monde, du haut de la ve
dette du Capitole, que l'Italie, après quinze
siècles de servage, rentrait dans la voie de
la grandeur et de la gloire.
Les . témoignages d'affection et de
loyale amitié qu'en ces jours derniers notre
roi a reçus dans la capitale de la très forte
Allemagne, sont une preuve que les gou
vernements et les peuples ont conscience
de la force de la nouvelle Italie et se fient à
sa mission de civilisation et de paix 1
Mais le temps des fêtes n'est pas
terminé. Nous aurons à la fin de cette
semaine le triduum de Giordano
Bruno.
Cette fête ne semble pas sourire au
tant au roi, car Sa Majesté s'empare
d'un prétexte et quitte Rome pour
Naples. C'est prudent I
M. Crispi use aussi de prudence. Il
a pris part comme président du con
seil à toutes les manifestations en fa
veur du vilain apostat; il a poussé les
partis, les a encouragés dans leur œu
vre, mais il ne veut pas prendre une
part officielle àlafête. Non pas que M.
Crispi méprise la canaille, mais cepen
dant il faut conserver un certain
décorum pour pouvoir se laver les
mains lorsque les désordres seront
devenus trop grands. De cette façon,
M. Crispi pourra répondre que le gou
vernement n'y est pour rien, qu'il a
simplement toléré la fête,et qu'en tous
les cas la loi des garanties est sauve,
personne n'étant entré au Vatican
pour injurier le Pape.
Tout le monde le répète, ce jour-là
les catholiques en verront de belles. Ils
assisteront calmes à la bordée d'in
jures qu'on leur prépare, et le monde
civilisé verra de quelle façon est g a ~
rantie la liberté, non seulement du
Pape, mais même des simples citoyens
italiens catholiques.
Une protestation s'élèvera, et elle
sera digne des catholiques de Rome.
La Voce délia Verità reçoit, depuis
quelque temps, les protestations de
tous les cercles catholiques, des asso
ciations et instituts de l'Italie, contre
l'injure préparée par les sectes et le
gouvernement. Ce journal vient d'an
noncer qu'on va former un comité
pour ériger une statue au saint le plus
populaire de Rome, Philippe de Neri,
l'apôtre tant vénéré de la Ville éter
nelle.
On demandera à la municipalité le
terrain nécessaire pour ériger le mo
nument.
Nous verrons si les catholiques au
ront les mêmes droits que les sec
taires.
Deuxième centenaire
DU SACRÉ-COEUR
La France révolutionnaire célèbre
son centenaire de 1789; la France ca
tholique s'apprête. à en célébrer un
autre.
Il y aura deux siècles le 17 juin
prochain que Notre-Seigneur, en se
révélant dans son Sacré-Cœur, à la
bienheureuse Marguerite-Marie Ala-
coque, lui manifesta le désir que la
France lui fût spécialement et publi
quement consacrée.
L'hommage solennel demandé par
le divin Maître n'a pas encore été
rendu. Ce n'est pas du gouvernement
de la république qu'on peut l'attendre.
A défaut des pouvoirs publics, de
toutes parts s'est manifesté le vœu
d'une consécration, aussi générale et
aussi solennelle que possible, de la
France catholique au Sacré-Cœur de
Jésus, le jour anniversaire de la mé
morable apparition. A cet effet, des ap
pels ont été adressés par les conseils
des œuvres de l'Apostolat de la prière
et du Vœu national, pour une consé
cration générale des personnes et des
familles chrétiennes. La plupart des
évêques y ont déjà répondu favorable
ment ; plusieurs ont publié des instruc
tions spéciales à ce sujet. Presque tou
tes les Semaines religieuses diocésaines
se sont associées au mouvement,et tout
se prépare pour un grand acte de piété
nationale.
En attendant la manifestation collec
tive du 17 juin, qui paraît devoirpren-
dre une forme différente selon les
diocèses, des manifestations de grou
pes ont commencé à Montmartre avec
le mois du Sacré-Cœur. Une déléga
tion de la ville de Tourcoing a pris
l'initiative ; avant-hier un groupe mi
litaire est arrivé d'Arras et a fait une
veillée de nuit au sanctuaire du Vœu
national. L'élan est donné, et le mois
verra un grand nombre de pèlerinages
et de pieuses cérémonies renouvelées
tous les jours.
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actes épiscopaux qui ont précédé ou
suivi la lettre de S. Em. l'archevêque
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