Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-02-15
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 février 1889 15 février 1889
Description : 1889/02/15 (Numéro 7719). 1889/02/15 (Numéro 7719).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7065392
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 15 Février 1889
N* 7719 — Edition quctifilenn»
Vendredi 18 Février 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
Un an.
Sis mois. . . .
Trois mois. . .
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. 55 »
28 50
15 »
ÉTRANGER
(ONION fostalb)
66 »
34 B
18 »
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
^^abonnements partent des 1 er et 16 do chaque mois
UN NUMÉRO { EéffrtVm'ont 'sl ^
BUREAUX: Paris, 10, rue des Saints-Pères
-On s'abonne & Rome, place du Gesù,8
mTiiriTiiiniHiiiiiiiiiiiiHiM
Un an. . ,
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. , 30 i>
. . 16 D
. , 8 50
ÉTRANGER
(union postais)
36 »
19 » -
10 »
Les abonnements partent des 1 er et 16 as chaque inoH
L'UKIYEBS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C i0 , 6, place de la Bourse
ROME
ALLOCUTION
DR
N. T. S. P. LE PAPE LÉON XIII
prononcée au palais du vatican
dans le consistoire secret
le xi février L 'an mdccglxxxix
Vénérables Frères,
Vous ne connaissez que trop la
grave erreur qui fait que notre temps
voit un grandnombre d'esprits, abusés
par le spécieux prétexte de conquérir
la liberté,,se retirer peu à peu de
Jésus-Christ et de l'Eglise. Ce sont les
fruits des mauvaises doctrines qui
croissent et mûrissent avec le temps et
les mœurs du jour ; et c'est déjà un
mal commun aux petits comme aux
grands Etats de rejeter la forme chré
tienne, d'établir l'organisation civile
et d'administrer les affaires publiques
en dehors de la religion. Péniblement
affecté et extrêmement soucieux dé
cette disposition des esprits, Nous n'a
vons jamais cessé de Nous préoccuper
du remède ; vous-mêmes, vénérâmes
frères, vous êtes témoins que Nous
Nous sommes instamment employé
avec le plus grand zèle à faire voir à
quoi doit aboutir ce déplorable éloigne-
ment de Dieu, et à déterminer ceux
qui se sont laissé aller aux erreurs con
traires, à revenir à leur libérateur, le
Fils unique de Dieu, dans la fidé
lité et sous la protection duquel
ils auraient dû constamment et avec
confiance se reposer. C'est pourquoi
Nous Nous sommes toujours efforcé
ou de consolider les rapports de tra
dition avec les gouvernements des na
tions étrangères,ou d'en établir à nou
veau. En ce moment, Nous tâchons
de renouer des relations avec le puis
sant empire de Russie; et Nous ne dé
sespérons pas de voir tourner à Notre
gré ce que Nous en attendons. Dans
cette affaire, Nous avons mis un zèle
particulier et une égale bienveillance à
Nous occuper et à prendre soin des
intérêts catholiques en Pologne; et
déjà, pour la principale affaire, qui
était de pourvoir à l'administration
des diocèses,plusieurs évêques ont été
désignés. Il Nous eût été extrêmement
agréable de pouvoir les proclamer au
jourd'hui même, devant vous, dans
# cette auguste assemblée, si là conclu-
' sion définitive de l'affaire n'eût de
mandé encore quelque temps.
Autant qu'il est en Nous, Nous sui
vrons absolument, avec une volonté
persévérante, le même chemin, ce che
min souvent entravé par le fait des ad
versaires, mais toujours le même. Et
ce qui Nous confirme dans Notre réso
lution,c'est la pensée qu'il n'y a qu'un
refuge pour les âmes, qu'une espé
rance de salut éternel, et celle-là ab
solument sûre, l'Eglise catholique.
Aussi est-il de Notre devoir, dans cette
vie mortelle remplie de luttes, d'appe
ler tous lés hommes dans le sein de
l'Eglise, comme vers le port après la
tempête, et de les amener surtout à se
confier en sa charité ; car elle accueil
lera toujours dans ses bras maternels
ceux qui viendront se réfugier en elle,
et elle les guérira en faisant luire
pour eux la lumière de l'Evangile.
D'ailleurs, tant de catastrophes se
sont abattues sur ce siècle qui s'a
chève, qu'il est nécessaire de subve
nir par tous les moyens et de tous ses
efforts à l'ordre public ébranlé. Par
tout, en effet, se dressent, comme Nous
l'avons vu dans Notre Ville ces jours
derniers, les passions populaires me
naçantes et furieuses, et avec l'audace
croissante du mal, elles tentent de se
ruer contre les fondements mêmes de
la société civile. Lorsque la voix de la
religion se tait, lorsque a disparu la
crainte des lois divines qui font tenir
dans le devoir les mouvements eux-
mêmes de l'esprit, quelle force pour
rait-il y avoir dans les Etats qui
fût assez efficace pour conjurer
le péril ? Aussi, pa? ce zèle même à
ramener les hommes là où subsistent
incorruptiblement les préceptes des
vertus et les principes de la conserva
tion sociale, l'Etat reçoit-il un très réel
bienfait, et c'est là un service si
gnalé d'intérêt public.
Mais il y a un autre ordre décon
sidérations, qui est d'une opportunité
particulière. Si jamais, en effet, les
peuples ont montré unanimement
des aspirations pacifiques, c'est certai
nement en ce temps où les mots de
paix, de tranquillité, de repos sont
dans toutes les bouches. Les souve
rains et tous les gouvernants d'Europe
attestent hautement qu'ils n'ont qu'un
désir et qu'un but : garantir les bien
faits de la paix,, et cela avec le plein
assentiment de tous les ordres de l'E
tat, car l'aversion des peuples pour la
guerre se manifeste de plus en plus
chaque jour. Et certes, c'est une hon
nête aversion, s'il en fût ; car, si com
battre parles armes peut être quelque
fois nécessaire, ce n'est jamais sans
une somme énorme de calamités. Et
combien plus grandes encore seront
ces calamités avec l'immensité des
armées d'aujourd'hui, avec les grands
progrès de la science militaire, avec
les engins si multipliés de mort ! Tou
tes les fois que ces pensées Nous vien
nent, Nous en concevons un amour
de plus en plus grand pour les nations
chrétiennes, et Nous ne pouvons Nous
empêcher de redouter avec angoisse
les maux effrayants qui les menacent.
Rien donc n'est plus important que
de conjurer pour l'Europe le danger
de la guerre ; et ainsi, tout ce qu'on
fait dans ce but, doit être considéré
comme œuvre de salut public.
Mais pour assurer la tranquillité pu
blique, c'est peu de la désirer, et la
seule volonté de la protéger ne suffit
pas. De même, des troupes nombreu
ses et un développement infini de
l!appareil militaire, peuvent contenir
quelque temps l'élan des efforts enne
mis, mais ne peuvent procurer une
tranquillité sûre et stable. La multi
plication menaçante des armées est
même plus propre à exciter qu'à sup
primer les rivalités et les soupçons ;
elle trouble les esprits par l'attente
inquiète des événements à venir, et
offre ce réel inconvénienl qu'elle fait
peser sur les peuples des charges telles
qu'on est en doute si elles sont plus
tolérables que la guerre.
C'est pourquoi il faut chercher à la
paix des fondements plus fermes et
plus en rapport avec la nature ; en ef
fet, il est admis par la nature que l'on
défende son droit par la force et par
les armes; mais ce que la nature ne
permet pas, c'est que la force soit la
cause efficiente du droit. Et comme la
{iaix provient de la tranquillité dans
'ordre, il s'ensuit que, pour les Etats
comme pour les particuliers, la con
corde repose principalement sur la
justice et la charité. Il est manifeste
que, dans le fait de ne violenter per
sonne, de respecter la sainteté du droit
d'autrui, de pratiquer la confiance et
la bienveillance mutuelle, résident
ces liens de concorde très forts et im
muables dont la vertu a tant de puis
sance qu'elle étouffe jusqu'aux germes
des inimitiés et de la jalousie.
Or, Dieu a ordonné que son Eglise
soit la mère et la gardienne de l'une
et l'autre vertu ; aussi l'Eglise n'a-t-elle
jamais eu et'n'aura-t-elle jamais rien
de plus à cœur que de conserver, de
propager et de défendre les lois de la
justice et de la charité. C'est dans ce
but que l'Eglise a travaillé sur la terre
entière, et il n'est douteux pour per
sonne qu'elle a adojici les nations
barbares en leur communiquant l'a
mour de la justice, et qu'ainsi elle les
a détournées de la férocité des mœurs
guerrières pour les amener aux arts
de la paix et à la civilisation. Les
humbles comme les puissants, ceux
qui obéissent comme ceux qui com
mandent, elle leur lait, à, tous une
obligation d'observer la justice et de
ne pas entrer en lutte pour une
cause injuste. C'est elle qui a uni, par
le lien d'une charité fraternelle, tous
les peuples,si éloignés qu'ils soient les
uns des autres et si dissemblables par
tempérament. Se souvenant des pré
ceptes et des exemples de son divin
auteur, quia voulu être appelé Roi pa
cifique et dont la naissance fut an
noncée par de célestes messagers de
paix, elle veut que les hommes se
reposent dans la beauté de la
paix, et par de nombreuses prières
elle a souci de demander à Dieu que,
pour le salut et la prospérité des peu
ples, il en écarte les dangers de la
guerre. Aussi, toutes les fois qu'il en
a été besoin et que les temps l'ont
permis, elle n'a pas eu de plus chère
occupation que d'interposer son auto
rité pour" ramener la concorde et pa
cifier les royaumes.
C'est par ces motifs et ces argu
ments très grands et très saints que
dans toutes Nos résolutions Nous som
mes guidé, Vénérables Frères, et c'est
à eux que Nous obéissons. Quels que
soient les événements, à venir, quels
que soient les jugements et les actes
des hommes, toute Notre action sera
toujours dirigée d'après la même
règle, et il est certain que Nous
ne Nous écarterons pas de cette
voie. Finalement, s'il ne Nous est pas
possible de concourir autrement au
maintien de la paix, Nous continue
rons certainement a Nous réfugier,
sans que personne puisse Nous en em
pêcher, vers Celui qui peut agir com
me il veut sur les volontés humaines
et les tourner où il veut : Nous le
prierons ardemment d'écarter toute
crainte de guerre et de rétablir par sa
bonté l'ordre juste des choses, afin
que l'Europe se repose sur ses fon
dements vrais et stables.
Et maintenant, Vénérables Frères,
avant d'en venir aux nouvelles nomi
nations d'évêques, Nous choisirons,
pour faire partie de votre ordre très
illustre, trois hommes dont les quali
tés d'esprit vous sont bien connues.
Savoir : Joseph-Benoist Dusmet , de
l'Ordre des Bénédictins du Mont-Cas-
sin, archevêque de Catane, célèbre par
ses vertus dignes d'un évêque, prin
cipalement par sa prudence et sa cha
rité ; Joseph d 'annibale, évêque titu
laire de Charyste, assesseur de la Sainte
Inquisition, R. et U., illustre par son
intégrité, sa modestie et la richesse de
sa doctrine ; Louis Macchi , préfet de
Notre maison Pontificale, d'une inté
grité de mœurs éprouvée et qui a rem
pli brillamment diverses charges et
dignités.
Que vous en semble?
C'est pourquoi, par l'autorité du
Dieu Tout-Puissant, par celle des
saints apôtres Pierre et Paul et par la
Nôtre, nous créons et publions cardi
naux de la Sainte Eglise Romaine ;
Dé l'Ordre des Prêtres :
joseph-benoit dusmet
joseph d'annibale
De l'Ordre des Diacres :
louis macchi ' .
Avec les dispenses, dérogations et'
clauses nécessaires et opportunes. Au
nom du Père >J< et du Fils >£< et du
Saint >ï< Esprit.
Ainsi soit-il.
«.
Nous recevons de Rome la dépêche
suivante: '
Rome, 14 février, midi 20 min.
Dans le consistoire public de ce jour, le
Pape a remis le chapeau aux éminentissi-
mes cardinaux Dusmet et Macchi ; S. Em.
le cardinal d'Annibale, malade, était ab
sent.
Au consistoire assistaient vingt-quatre
cardinaux-les évêques présents à Rome,
les prélats, le corps diplomatique, la no-:
blesse romaine, des députations des pays
auxquels appartiennent les nouveaux car-;
dinaux.
A l'aller et au retour le Souverain Pon
tife était porté snr la sedia gestatoria, la
tête couverte de la tiare, les porteurs de
flabelli faisant escorte. Il avait une mine
excellente, la voix claire et paraissait vrai
ment rajeuni.
Pendant la cérémonie, un avocat consis-
torial à plaidé la cause de la béatification
de la vénérable Marie Rivier, de Nevers,
fondatrice de la congrégation de la Présen
tation de la Vierge Marie.
Le Pape a terminé le consistoire en don
nant la bénédiction solennelle, après quoi
les cardinaux se sont rendus à la chapelle
Sixtine pour y chanter le Te Deurn.- ,
Après le Consistoire public, le Souverain
Pontife a tenu un consistoire secret dans
lequel, après avoir, selon l'usage, fermé la
bouche aux nouveaux cardinaux il a pré
conisé trente-trois évêques parmi lesquels
Mgr Thibaudier, nommé archevêque de
Cambrai et M. l'abbé Juteau, nommé évê
que de Poitiers.
Finalement, le Pape a ouvert la bouche
aux nouveaux cardinaux, à chacun des
quels, après lui avoir donné l'anneau, il a
assigné un titre cardinalice.
FRANCE
PARIS, U FEVRIER 1889
tholiques les mesures de rigueur dont
il les a déjà menacés? On eroit géné
ralement au succès du ministre, qui
aura pour lui les députés complai
sants, quoique l'opinion se prononce
fortement contre IuL
Aujourd'hui également commence
au Parlement hongrois la deuxième
discussion de la loi militaire; l'oppo
sition contre M. Tisza est toujours, aus
si violente, et l'on continue à dire
que le tout-puissant ministre devra
disparaître. Cependant rien ne paraît
moins certain.
Nous donnons plus loin le discours
prononcé par Mgr Freppel à la messe
ae Requiem que la société de la Croix-
Rouge a fait dire hier à la Madeleine
pour les soldats des armées de terre et
de mer.
P. S. —- Le ministère est tombé. î
— :■ ■ ♦ :—■ . ~ i
Voiries DERNIERES NOUVELLES àlafin
C'est aujourd'hui la troisième ba
taille de M. Floquet; sera-ce son troi
sième triomphe? Les opinions sont très
partagées. Evidemment le ministre
triomphera sur la question de la Con
stituante, qui sera écartée, mais fera-
t-il accepter son projet aux 1 opportu-.
nistes ? Nombre de ceux-ci semblent
disposés à reculer; l'oseront-ils au der
nier moment?
Il n'est pas certain du reste que la
discussion se termine aujourd'hui;
bien des orateurs sont inscrits pour ;
prendre la parole. On avait annoncé
à tort un discours du général Boulan
ger; la Presse déclare que, s'il parle,'
Ce sera simplement pour expliquer
son vote.
Quelle complaisance exemplaire té
moigne le Sénat, et combien se mon
trent ingrats les républicains qui veu
lent le supprimer l En moins de deux
heures, la loi sur le scrutin d'arrondis-
ment était votée comme le voulait le
gouvernement. MM. Audren de Ker-
drel et Marion, l'ex-agent de change,!
avaient parlé dans la discussion géné
rale; M. Floquet avait répondu à un
discours de M. Buffet, et le Sénat, par
une des plus fortes majorités qu'il ait
jamais réunies, 222 voix contre 54,
avait contresigné le projet de la Cham
bre des députés.
Cette belle besogne faite, le Sénat
s'est ajourné à lundi.
Gomme on l'annonçait, la loi réta
blissant le scrutin uninominal a été
promulguée dès ce matn au Journal
officiel, où elle est suivie d'un décret
annulant celui qui convoquait pour
le 17 les électeurs du Nord. De cette
manière, au moins, le gouvernement
est assuré d'éviter un nouvel échec.
Mais ce n'est peut-être pas très vail
lant.
Nous pouvons signaler au Journal
officiel deux autres décrets, l'un pour
la création d'une commission consul
tative des beaux-arts, l'autre pour la
décoration laïque du Panthéon. Les
beaux -arts ne s'en porteront pas mieux,
et le plaisantin Lockroy aura ajouté
une nouvelle insulte à celles déjà
faites aux catholiques au sujet de
l'église Sainte-Geneviève.
Et l'on s'étonnera que les catholi
ques ne se rallient pas avec empresse
ment à une république semblable 1
On doit aujourd'hui discuter, à la
Chambre des députés italienne, la mo
tion de M. Bonghi, au sujet des désor
dres de Rome la semaine dernière. M.
Crispi sortira-t-il vainqueur du débat,
et se croira-t-il en droit d'appliquer
aux révolutionnaires comme aux ca
Discuté et adopté par la Chambre,
des députés dans sa séance de lundi,:
déposé mardi au Sénat, le scrutin uni
nominal se trouvait voté le lendemain
au palais du Luxembourg, et il appa-i
raît ce matin, sous forme de loi pro
mulguée, au Journal officiel. L'adhé
sion des sénateurs n'a pas été difficile,
à obtenir. Ces messieurs, menés tam
bour battant par le président du con
seil, sans égard àla neige qui couvrait;
Paris et aux rhumes de cerveau, par.
un temps à ne pas repousser même un;
projet de loi, étaient accourus au
Luxembourg, avec l'intention de voter,
au plus tôt le scrutin uninominal et
d'applaudir au besoin M. Floquet. Ils
ont fait consciencieusement l'un et
l'autre.
Au début de la séance, la commis-^
sion, tout entière favorable au scrutin
uninominal, a donné par l'organe de
son rapporteur, M. de Casabianca, les
arguments que l'on connaît sur cette
question rebattue, et que M. Floquet
devait reprendre une heure plus tard
en y ajoutant le sel de cuisine de sa;
prudhommesque solennité : le pays:
réclame le scrutin uninominal parce
qu'il répond à ses légitimes préoccu
pations, etc.
A droite, deux voix se sont élevées
pour protester contre la précipitation
au Sénat à voter un projet de cette
importance: c'étaient MM. Buffet et
Guibourd de Luzinais. Au moment de:
passer à la discussion des articles,!
M. Audren de Kerdrel est monté à la
tribune, non pas pour s'opposer au vote
de la loi,qui était acquis au gouverne
ment, mais pour reprocher au gou
vernement de se défier du suffrage
universel comme il se défie du jury,et
de favoriser, en croyant les combattre,
les projets de l'aspirant-dictateur. M.
Audren de Kerdrel n'est pas en effet le
seul à trouver que le scrutin unino
minal ne peut enrayer le mouvement
boulangiste. Seulement le sénateur du
Morbihan craint la dictature à l'égal
des républicains, et à ceux-ci il donne
le conseil de revenir à une politique
résolument conservatrice s'ils veulent
avoir le pays pour eux. Les maladroits
n'ont jamais voulu le comprendre.
Après le passage à la discussion des
articles et le vote de l'article premier,
M. Buffet a prononcé un discours qui
rappelait par beaucoup de points les
pensées exprimées par M. de Kerdrel.
Comme le sénateur du Morbihan, M.
Buffet répudie à la fois le boulangisme
et les moyens qu'on emploie pour le
combattre. On connaît l'ancien minis
tre comme partisan du scrutin unino
minal, mais cependant on n'a pas été
surpris de le voir monter à la tribune
pour déclarer qu'il ne pourrait s'asso
cier au vote d'une mesure considérée
par le gouvernement comme une né
cessité de circonstance, une loi d'ex
pédient."
M. Floquet a répondu par une de
ces déclarations qui n'indiquent pas
un tempérament scrupuleux à l'excès.
« Nous n'avons point cédé à des né
cessités accidentelles, a-t-il dit. Notre
conviction s'est formée lentement,
mais sérieusement. Ce n'est pas sous
la pression d'une terreur puérile, qu'il
ne ressent pas, que le gouvernement
s'est décidé à demander au Parlement
le retour au scrutin uninominal. li a
voulu donner satisfaction au senti-;
ment du pays. »
Il est permis de rester sceptique à
l'égard des arguments de M. Floquet,
dont on trouvera plus loin le discours.
Il a parlé trop furieusement, de l'ambi
tieux dont il fera tomber le masque,
du drapeau usurpé de la république
abritant la coalition des conspirateurs
(ceux-là mêmes qui se dissimulent
sous le manteau troué delà dictature),
pour ne pas éprouver des craintes bien
légitimes. Le président du conseil ré
pète qu'il a voulu mettre aux mains
de la nation l'arme la plus utile pour
faire prévaloir sa volonté, et le Sénat
l'applaudit. C'est peut-être de l'ironie,
pour qui se reporte à la haine vivace
dont le Sénat entoure M. Floquet,mais
l'ironie est rare au Sénat; c'est plutôt
de la peur : on craint plus Boulan
ger que Floquet.
Résultat: le scrutin uninominal a été
aussitôt voté au Sénat par 222 voix
contre 54.
Entre temps, MM. Halgan et Gui
bourd de Luzinais avaient ardemment
défendu deux amendements d'intérêt
local, qui soulevaient une question de
principe, sur. les 'modifications de cir
conscriptions électorales; mais le Sé
nat était trop pressé pour les accepter.
Illes a repoussés.
Joseph Mollet.
Chute du ministère
Le ministère est renversé par cent
voix de majorité. v
La proposition de M. de DOuville-
Maillefeu tendant à l'ajournement
indéfini de la revision est adoptée par
307 voix contre 218.
M. Floquet monte à la tribune et
dit :
Le cabinet s'est engagé à poser la ques
tion de confiance sur le scrutin d'arrondis
sement et sur la revision. J'ai l'habitude
de tenir mes engagements. Le vote qui
vient d'être rendu me met dans l'impossi
bilité de tenir le second engagement.
Dans quelques minutes, je remettrai ma
démission au président de la République.
(Les membres de la gauche qui ont voté
pour le ministère applaudissent frénétique
ment.) ■
Il règne à la Chambre une grande
agitation.
De l'Histoire de Mgr Darboy
par Mgr Foulon
REMARQUES ET RECTIFICATIONS ' !
II (I)
L'abbé Darboy était vicaire général.
Le premier travail que lui confia Mgr
Sibour fut tout personnel, et j'ose
soupçonner Mgr Foulon de n'avoir pas
écrit sans sourire les lignes suivantes :i
« Sans être soucieux à l'excès des
« jugements de l'opinion, Mgr Sibour
« pensait qu'il ne faut pas les négli-
« ger, et pour les éclairer il avait
« réuni des documents nombreux,des-
« tinés dans sa pensée à former les
« matériaux de mémoires' sur sa vie.
« Il pensa à l'abbé Darboy pour les
« mettre en ordre et leur donner une
« forme définitive. Le nouveau vicairé
« général débuta dans ses fonctions
« parce travail...... L'historien ajouta
"finement que Xopération était assez
compliquée « à raison de l'abondance
« des documents et de l'inégalité de
« leur valeur ».
Bien que très différents de caractère,
Mgr Sibour et Mgr Dupanloup avaient
des points de contact, des traits d'u
nion. Par exemple, tous deux rêvaient
sans cesse de tuer l'Univers, coupable
de n'avoir pas voulu vivre à leur ser
vice. Aussi lorsqu'en 1853 M. l'abbé
Gaduel, vicaire général d'Orléans, sur
l'avis de son évêque, demanda ven
geance à l'archevêque de Paris con
tre Louis Veuillot, il ne doutait pas de
vaincre. Nous fûmes, en effet, con
damnés, et l'on peut croire que l'abbé
Darboy mit la plume à notre condam
nation. Mgr Foulon raconte cette af
faire en ami de l'une des parties,ce qui
le rend, contre, ses intentions, je dois
le dire, incomplet et inexact comme
historien. • t
. Après avoir rappelé que « l'émo
tion » produite par ce débat fut « con
sidérable », il dénonce, dans les arti
cles dont se plaignait M. Gaduel, des
« attaques personnelles et excessives »,
et affirme que les critiques du vicaire
général contre le livre de Donoso Cor-
tès '.portaient sur des « propositions
fausses ou exagérées », pouvant être
« dangereuses ».' Il assure, en outre,
que le théologien d'Orléans « n'avait
ni dépassé son droit, ni manqué à la
modération, ni oublié les égards dus
à l'auteur du livre ».
C'est la thèse que soutinrent M. Ga
duel et ses patrons. Il y en eut et il en
reste une autre, appuyée sur les tex
tes et les faits.
D'abord, les « attaques » de Louis
Veuillot étaient des réponses.Non seule
ment M. Gaduel avait pris l'initiative
de la lutte, mais, de plus, tout de suite
il avait mis les personnes en cause.
S'il pouvait légitimement le faire,
pourquoi ne l'eût-on pas fait contre
lui? Quiconque se pose en railleur,
fût-il vicaire général, est mal venu à
gémir d'être raillé. M. Gaduel n'avait
pas droit à l'exception. Dira-t-on que
son adversaire frappa trop fort ? Pour
trancher cette question,il faudrait pro
duire les textes des deux combattants,
et nous n'y pouvons songer. A des
affirmations nous en opposons d'au
tres,qu'aucune vérification ne démen
tira. Si Louis Veuillot fit rire de son
agresseur, ce n'est pas qu'il fût plus
personnel: c'est qu'il eut plus d'esprit.
D'ailleurs ses ironies, ses vivacités
étaient contenues, comparées à celles
dont l'abbé Darboy avait usé' contre
l'abbé Combalot ; et nous ne saurions
nous défendre de quelque étonnement
en voyant le même juge condamner
chez le journaliste ce qu'il amnistie
avec abondance d'éloges chez l'ecclé
siastique. On nous dira peut-être que
celui-ci était un « jeune lutteur » et
qu'il faut passer beaucoup à la jeu
nesse ; mais Louis Veuillot peut profi
ter de l'argument, car M. Darboy était
de neuf mois son aîné. Et si le prêtre
défendait son évêque, le journaliste
défendait à la fois ses principes, son
œuvre, sa dignité et un grand catho
lique Méchamment attaqué.
Voilà pour la polémique; Quant au
fond, devant les juges supérieurs, Do-
(i) Voir l'Univers du i2 février. .
noso Gortès eut raison contre son cri
tique. Les propositions que l'abbé Ga
duel avait déclarées- fausses et dange
reuses, furent lavées ds cette note.
On reconnut que si l'illustre écrivain
espagnol, qui s'adressait aux gens du
monde, n'avait pas toujours employé
les termes de l'école, il était néan
moins resté dans la doctrine. Nous re
grettons que l'historien deMgr Darboy
ait négligé de mentionner ce détail.
. Discrètement, selon sa coutume,
Mgr Foulon laisse entendre que l'ar
chevêque de Paris ne fut pas en, cette
circonstance suffisamment maître de
lui-même. « Mgr Sibour, dit-il, ac-
« cueillit la plainte du grand vicaire
« d'Orléans, et avec beaucoup de
« détermination, peut-être même avec
« un peu trop de vivacité, il engagea
« une : lutte qui fut célèbre. » Il fait
ensuite remarquer que ce procès sou
levait une très grave question : celle
des droits de l'Ordinaire à l'égard des
journaux religieux. « Une opinion,
« ajoute-t-il, qui ne manquait pas
« d adhérents, contestait à l'archevê-
« que de Paris le droit de censurer la
« presse religieuse, par la raison que
« cette presse, tout en ayant son
« siège principal à Paris, était celle
« de la France entière, et jusqu'à un
« certain point celle du monde catho-
« lique, et que l'Ordinaire se trouvait
« armé vis-à-vis d'elle d'un trop grand
« pouvoir, s'il restait maître de lui
» dicter des conditions par le fait
« seul de la publication des journaux
« sur le territoire soumis à sa juridic-
« tion. »
C'était là, en effet, un des points de
la question, mais non pas toute la
question. D'abord, était-ce le cas de
censurer?. Ensuite, comment et dans
quelle proportion le droit de censure
devait-il s'exercer ? Quel compte fal
lait-il tenir des lois du pays sur la
presse, de l'organisation de celle-ci,
des conditions de la société, des néces
sités de la lutte ? etc., etc. Mgr Sibour,
bien, que se piquant d'être dans l'épis-
copat l'homme des temps nouveaux,
libéral, démocrate, républicain, n'y
regarda pas de si près. L' Univers fut
condamné aussitôt que dénoncé, sans
avoir été entendu. La condamnation
n'était point tempérée : défense aux
communautés religieuses de. recevoir
ce journal; défense aux prêtres de le li
re et,sous peine de suspense, d'y écrire
ou seulement de le renseigner; défen
se à ses rédacteurs de discuter l'ac
te quilles frappait et menace d'excom
munication s'ils osaient réclamer. Ce
pendant l'archevêque nous reconnais
sait le droit d'en appeler au Pape. Il y
eut appel. Je dois dire que, même s'il
nous avait contesté ce droit, nous en
aurions usé : la nonciature nous y
autorisait.
L'abbé Darboy fut de nouveau mis
à réquisition. Mgr Sibour lui com
manda un mémoire sur « la question. j >
Ce mémoire, que Mgr Foulon analyse
avec une grande brièveté, concluait
nécessairement contre l'Univers et, par
une interprétation littérale, étroite,des
décrets et ordonnances sur la ma
tière, arrivait à rendre impossible la
publication d'un journal catholique.
Il était loin le temps où M. Darboy
écrivait à Louis Veuillot : « Vous qui
« allez souffrir pour la justice et la
« liberté, voudriez-vous, monsieur,
« vous souvenir devant Dieu du clergé
« de la ville de Langres, et en parti-
« culier de celui de ses membres qu'il
« a choisi pour interprète de ses sen-
«. timents envers vous ? » Quel chan
gement ! Et, cependant, nous étions
toujours, dans la même voie.
Mgr Foulon passe sans transition de
l'analyse du mémoire de M. Darboy
au dénouement du conflit et dit ":
« L'archevêque de Paris avait de la
« peine à dissimuler l'état d'exaltation
« et d'incertitude où le plaçait une
« lutte dont les proportions avaient
« dépassé ses prévisions, et dont per
ce sonne ne prévoyait encore l'issue.
« Aussi le 8 avril, il publiait une or-
« donnance qui, tout en maintenant
« les considérants de sa lettre du 17
« février, portant condamnation du
« journal .l'Univers, levait spontané-
« ment les défenses qui y étaient con-
« tenues. »
C'est tourner un peu court. Peut-être
eût-il fallu dire à quoi tenait l'état
d'exaltation et d'incertitude où Mgr Si-
bourse trouvait.Mgr Foulon a pu igno
rer que le mémoire de M. Darboy en
voyé à Rome n'y avait eu aucun suc
cès; qu'au contraire, des notes et let
tres d'évêques de France sur le même
sujet y avaient reçu un bon accueil,
ainsi que de respectueuses observa
tions de Louis Veuillot. Mais il n'a pu
oublier, et nous regrettons qu'il ait
jugé inutile de mentionner les deux
actes du Souverain Pontife qui, sans
trancher d'une façon précise la ques
tion de principe, déterminèrent Mgr
Sibour à lever spontanément les senten
ces qu'il avait portées.
Une fois sa résolution prise, l'arche
vêque fit les choses galamment, en
homme d'esprit et en père. Nous avions
dans son entourage deux amis, qui ni
l'un ni l'autre ne cachaient leurs sen
timents : l'abbé de la Bouillerie, grand
vicaire, et l'abbé Dedoue, secrétaire.
Il dit au premier : « Je veux que vous
connaissiez avant vos collègues une
décision qui vous fera plaisir : je lève
mon interdit contre l'Univers : vous
pouvez continuer de le lire sans me
désobéir » ; et au second : « Voici une
commission que personne ici ne ferait
avec autant de joie que vous :.portez
N* 7719 — Edition quctifilenn»
Vendredi 18 Février 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
Un an.
Sis mois. . . .
Trois mois. . .
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. 55 »
28 50
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ÉTRANGER
(ONION fostalb)
66 »
34 B
18 »
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
^^abonnements partent des 1 er et 16 do chaque mois
UN NUMÉRO { EéffrtVm'ont 'sl ^
BUREAUX: Paris, 10, rue des Saints-Pères
-On s'abonne & Rome, place du Gesù,8
mTiiriTiiiniHiiiiiiiiiiiiHiM
Un an. . ,
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. , 30 i>
. . 16 D
. , 8 50
ÉTRANGER
(union postais)
36 »
19 » -
10 »
Les abonnements partent des 1 er et 16 as chaque inoH
L'UKIYEBS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C i0 , 6, place de la Bourse
ROME
ALLOCUTION
DR
N. T. S. P. LE PAPE LÉON XIII
prononcée au palais du vatican
dans le consistoire secret
le xi février L 'an mdccglxxxix
Vénérables Frères,
Vous ne connaissez que trop la
grave erreur qui fait que notre temps
voit un grandnombre d'esprits, abusés
par le spécieux prétexte de conquérir
la liberté,,se retirer peu à peu de
Jésus-Christ et de l'Eglise. Ce sont les
fruits des mauvaises doctrines qui
croissent et mûrissent avec le temps et
les mœurs du jour ; et c'est déjà un
mal commun aux petits comme aux
grands Etats de rejeter la forme chré
tienne, d'établir l'organisation civile
et d'administrer les affaires publiques
en dehors de la religion. Péniblement
affecté et extrêmement soucieux dé
cette disposition des esprits, Nous n'a
vons jamais cessé de Nous préoccuper
du remède ; vous-mêmes, vénérâmes
frères, vous êtes témoins que Nous
Nous sommes instamment employé
avec le plus grand zèle à faire voir à
quoi doit aboutir ce déplorable éloigne-
ment de Dieu, et à déterminer ceux
qui se sont laissé aller aux erreurs con
traires, à revenir à leur libérateur, le
Fils unique de Dieu, dans la fidé
lité et sous la protection duquel
ils auraient dû constamment et avec
confiance se reposer. C'est pourquoi
Nous Nous sommes toujours efforcé
ou de consolider les rapports de tra
dition avec les gouvernements des na
tions étrangères,ou d'en établir à nou
veau. En ce moment, Nous tâchons
de renouer des relations avec le puis
sant empire de Russie; et Nous ne dé
sespérons pas de voir tourner à Notre
gré ce que Nous en attendons. Dans
cette affaire, Nous avons mis un zèle
particulier et une égale bienveillance à
Nous occuper et à prendre soin des
intérêts catholiques en Pologne; et
déjà, pour la principale affaire, qui
était de pourvoir à l'administration
des diocèses,plusieurs évêques ont été
désignés. Il Nous eût été extrêmement
agréable de pouvoir les proclamer au
jourd'hui même, devant vous, dans
# cette auguste assemblée, si là conclu-
' sion définitive de l'affaire n'eût de
mandé encore quelque temps.
Autant qu'il est en Nous, Nous sui
vrons absolument, avec une volonté
persévérante, le même chemin, ce che
min souvent entravé par le fait des ad
versaires, mais toujours le même. Et
ce qui Nous confirme dans Notre réso
lution,c'est la pensée qu'il n'y a qu'un
refuge pour les âmes, qu'une espé
rance de salut éternel, et celle-là ab
solument sûre, l'Eglise catholique.
Aussi est-il de Notre devoir, dans cette
vie mortelle remplie de luttes, d'appe
ler tous lés hommes dans le sein de
l'Eglise, comme vers le port après la
tempête, et de les amener surtout à se
confier en sa charité ; car elle accueil
lera toujours dans ses bras maternels
ceux qui viendront se réfugier en elle,
et elle les guérira en faisant luire
pour eux la lumière de l'Evangile.
D'ailleurs, tant de catastrophes se
sont abattues sur ce siècle qui s'a
chève, qu'il est nécessaire de subve
nir par tous les moyens et de tous ses
efforts à l'ordre public ébranlé. Par
tout, en effet, se dressent, comme Nous
l'avons vu dans Notre Ville ces jours
derniers, les passions populaires me
naçantes et furieuses, et avec l'audace
croissante du mal, elles tentent de se
ruer contre les fondements mêmes de
la société civile. Lorsque la voix de la
religion se tait, lorsque a disparu la
crainte des lois divines qui font tenir
dans le devoir les mouvements eux-
mêmes de l'esprit, quelle force pour
rait-il y avoir dans les Etats qui
fût assez efficace pour conjurer
le péril ? Aussi, pa? ce zèle même à
ramener les hommes là où subsistent
incorruptiblement les préceptes des
vertus et les principes de la conserva
tion sociale, l'Etat reçoit-il un très réel
bienfait, et c'est là un service si
gnalé d'intérêt public.
Mais il y a un autre ordre décon
sidérations, qui est d'une opportunité
particulière. Si jamais, en effet, les
peuples ont montré unanimement
des aspirations pacifiques, c'est certai
nement en ce temps où les mots de
paix, de tranquillité, de repos sont
dans toutes les bouches. Les souve
rains et tous les gouvernants d'Europe
attestent hautement qu'ils n'ont qu'un
désir et qu'un but : garantir les bien
faits de la paix,, et cela avec le plein
assentiment de tous les ordres de l'E
tat, car l'aversion des peuples pour la
guerre se manifeste de plus en plus
chaque jour. Et certes, c'est une hon
nête aversion, s'il en fût ; car, si com
battre parles armes peut être quelque
fois nécessaire, ce n'est jamais sans
une somme énorme de calamités. Et
combien plus grandes encore seront
ces calamités avec l'immensité des
armées d'aujourd'hui, avec les grands
progrès de la science militaire, avec
les engins si multipliés de mort ! Tou
tes les fois que ces pensées Nous vien
nent, Nous en concevons un amour
de plus en plus grand pour les nations
chrétiennes, et Nous ne pouvons Nous
empêcher de redouter avec angoisse
les maux effrayants qui les menacent.
Rien donc n'est plus important que
de conjurer pour l'Europe le danger
de la guerre ; et ainsi, tout ce qu'on
fait dans ce but, doit être considéré
comme œuvre de salut public.
Mais pour assurer la tranquillité pu
blique, c'est peu de la désirer, et la
seule volonté de la protéger ne suffit
pas. De même, des troupes nombreu
ses et un développement infini de
l!appareil militaire, peuvent contenir
quelque temps l'élan des efforts enne
mis, mais ne peuvent procurer une
tranquillité sûre et stable. La multi
plication menaçante des armées est
même plus propre à exciter qu'à sup
primer les rivalités et les soupçons ;
elle trouble les esprits par l'attente
inquiète des événements à venir, et
offre ce réel inconvénienl qu'elle fait
peser sur les peuples des charges telles
qu'on est en doute si elles sont plus
tolérables que la guerre.
C'est pourquoi il faut chercher à la
paix des fondements plus fermes et
plus en rapport avec la nature ; en ef
fet, il est admis par la nature que l'on
défende son droit par la force et par
les armes; mais ce que la nature ne
permet pas, c'est que la force soit la
cause efficiente du droit. Et comme la
{iaix provient de la tranquillité dans
'ordre, il s'ensuit que, pour les Etats
comme pour les particuliers, la con
corde repose principalement sur la
justice et la charité. Il est manifeste
que, dans le fait de ne violenter per
sonne, de respecter la sainteté du droit
d'autrui, de pratiquer la confiance et
la bienveillance mutuelle, résident
ces liens de concorde très forts et im
muables dont la vertu a tant de puis
sance qu'elle étouffe jusqu'aux germes
des inimitiés et de la jalousie.
Or, Dieu a ordonné que son Eglise
soit la mère et la gardienne de l'une
et l'autre vertu ; aussi l'Eglise n'a-t-elle
jamais eu et'n'aura-t-elle jamais rien
de plus à cœur que de conserver, de
propager et de défendre les lois de la
justice et de la charité. C'est dans ce
but que l'Eglise a travaillé sur la terre
entière, et il n'est douteux pour per
sonne qu'elle a adojici les nations
barbares en leur communiquant l'a
mour de la justice, et qu'ainsi elle les
a détournées de la férocité des mœurs
guerrières pour les amener aux arts
de la paix et à la civilisation. Les
humbles comme les puissants, ceux
qui obéissent comme ceux qui com
mandent, elle leur lait, à, tous une
obligation d'observer la justice et de
ne pas entrer en lutte pour une
cause injuste. C'est elle qui a uni, par
le lien d'une charité fraternelle, tous
les peuples,si éloignés qu'ils soient les
uns des autres et si dissemblables par
tempérament. Se souvenant des pré
ceptes et des exemples de son divin
auteur, quia voulu être appelé Roi pa
cifique et dont la naissance fut an
noncée par de célestes messagers de
paix, elle veut que les hommes se
reposent dans la beauté de la
paix, et par de nombreuses prières
elle a souci de demander à Dieu que,
pour le salut et la prospérité des peu
ples, il en écarte les dangers de la
guerre. Aussi, toutes les fois qu'il en
a été besoin et que les temps l'ont
permis, elle n'a pas eu de plus chère
occupation que d'interposer son auto
rité pour" ramener la concorde et pa
cifier les royaumes.
C'est par ces motifs et ces argu
ments très grands et très saints que
dans toutes Nos résolutions Nous som
mes guidé, Vénérables Frères, et c'est
à eux que Nous obéissons. Quels que
soient les événements, à venir, quels
que soient les jugements et les actes
des hommes, toute Notre action sera
toujours dirigée d'après la même
règle, et il est certain que Nous
ne Nous écarterons pas de cette
voie. Finalement, s'il ne Nous est pas
possible de concourir autrement au
maintien de la paix, Nous continue
rons certainement a Nous réfugier,
sans que personne puisse Nous en em
pêcher, vers Celui qui peut agir com
me il veut sur les volontés humaines
et les tourner où il veut : Nous le
prierons ardemment d'écarter toute
crainte de guerre et de rétablir par sa
bonté l'ordre juste des choses, afin
que l'Europe se repose sur ses fon
dements vrais et stables.
Et maintenant, Vénérables Frères,
avant d'en venir aux nouvelles nomi
nations d'évêques, Nous choisirons,
pour faire partie de votre ordre très
illustre, trois hommes dont les quali
tés d'esprit vous sont bien connues.
Savoir : Joseph-Benoist Dusmet , de
l'Ordre des Bénédictins du Mont-Cas-
sin, archevêque de Catane, célèbre par
ses vertus dignes d'un évêque, prin
cipalement par sa prudence et sa cha
rité ; Joseph d 'annibale, évêque titu
laire de Charyste, assesseur de la Sainte
Inquisition, R. et U., illustre par son
intégrité, sa modestie et la richesse de
sa doctrine ; Louis Macchi , préfet de
Notre maison Pontificale, d'une inté
grité de mœurs éprouvée et qui a rem
pli brillamment diverses charges et
dignités.
Que vous en semble?
C'est pourquoi, par l'autorité du
Dieu Tout-Puissant, par celle des
saints apôtres Pierre et Paul et par la
Nôtre, nous créons et publions cardi
naux de la Sainte Eglise Romaine ;
Dé l'Ordre des Prêtres :
joseph-benoit dusmet
joseph d'annibale
De l'Ordre des Diacres :
louis macchi ' .
Avec les dispenses, dérogations et'
clauses nécessaires et opportunes. Au
nom du Père >J< et du Fils >£< et du
Saint >ï< Esprit.
Ainsi soit-il.
«.
Nous recevons de Rome la dépêche
suivante: '
Rome, 14 février, midi 20 min.
Dans le consistoire public de ce jour, le
Pape a remis le chapeau aux éminentissi-
mes cardinaux Dusmet et Macchi ; S. Em.
le cardinal d'Annibale, malade, était ab
sent.
Au consistoire assistaient vingt-quatre
cardinaux-les évêques présents à Rome,
les prélats, le corps diplomatique, la no-:
blesse romaine, des députations des pays
auxquels appartiennent les nouveaux car-;
dinaux.
A l'aller et au retour le Souverain Pon
tife était porté snr la sedia gestatoria, la
tête couverte de la tiare, les porteurs de
flabelli faisant escorte. Il avait une mine
excellente, la voix claire et paraissait vrai
ment rajeuni.
Pendant la cérémonie, un avocat consis-
torial à plaidé la cause de la béatification
de la vénérable Marie Rivier, de Nevers,
fondatrice de la congrégation de la Présen
tation de la Vierge Marie.
Le Pape a terminé le consistoire en don
nant la bénédiction solennelle, après quoi
les cardinaux se sont rendus à la chapelle
Sixtine pour y chanter le Te Deurn.- ,
Après le Consistoire public, le Souverain
Pontife a tenu un consistoire secret dans
lequel, après avoir, selon l'usage, fermé la
bouche aux nouveaux cardinaux il a pré
conisé trente-trois évêques parmi lesquels
Mgr Thibaudier, nommé archevêque de
Cambrai et M. l'abbé Juteau, nommé évê
que de Poitiers.
Finalement, le Pape a ouvert la bouche
aux nouveaux cardinaux, à chacun des
quels, après lui avoir donné l'anneau, il a
assigné un titre cardinalice.
FRANCE
PARIS, U FEVRIER 1889
tholiques les mesures de rigueur dont
il les a déjà menacés? On eroit géné
ralement au succès du ministre, qui
aura pour lui les députés complai
sants, quoique l'opinion se prononce
fortement contre IuL
Aujourd'hui également commence
au Parlement hongrois la deuxième
discussion de la loi militaire; l'oppo
sition contre M. Tisza est toujours, aus
si violente, et l'on continue à dire
que le tout-puissant ministre devra
disparaître. Cependant rien ne paraît
moins certain.
Nous donnons plus loin le discours
prononcé par Mgr Freppel à la messe
ae Requiem que la société de la Croix-
Rouge a fait dire hier à la Madeleine
pour les soldats des armées de terre et
de mer.
P. S. —- Le ministère est tombé. î
— :■ ■ ♦ :—■ . ~ i
Voiries DERNIERES NOUVELLES àlafin
C'est aujourd'hui la troisième ba
taille de M. Floquet; sera-ce son troi
sième triomphe? Les opinions sont très
partagées. Evidemment le ministre
triomphera sur la question de la Con
stituante, qui sera écartée, mais fera-
t-il accepter son projet aux 1 opportu-.
nistes ? Nombre de ceux-ci semblent
disposés à reculer; l'oseront-ils au der
nier moment?
Il n'est pas certain du reste que la
discussion se termine aujourd'hui;
bien des orateurs sont inscrits pour ;
prendre la parole. On avait annoncé
à tort un discours du général Boulan
ger; la Presse déclare que, s'il parle,'
Ce sera simplement pour expliquer
son vote.
Quelle complaisance exemplaire té
moigne le Sénat, et combien se mon
trent ingrats les républicains qui veu
lent le supprimer l En moins de deux
heures, la loi sur le scrutin d'arrondis-
ment était votée comme le voulait le
gouvernement. MM. Audren de Ker-
drel et Marion, l'ex-agent de change,!
avaient parlé dans la discussion géné
rale; M. Floquet avait répondu à un
discours de M. Buffet, et le Sénat, par
une des plus fortes majorités qu'il ait
jamais réunies, 222 voix contre 54,
avait contresigné le projet de la Cham
bre des députés.
Cette belle besogne faite, le Sénat
s'est ajourné à lundi.
Gomme on l'annonçait, la loi réta
blissant le scrutin uninominal a été
promulguée dès ce matn au Journal
officiel, où elle est suivie d'un décret
annulant celui qui convoquait pour
le 17 les électeurs du Nord. De cette
manière, au moins, le gouvernement
est assuré d'éviter un nouvel échec.
Mais ce n'est peut-être pas très vail
lant.
Nous pouvons signaler au Journal
officiel deux autres décrets, l'un pour
la création d'une commission consul
tative des beaux-arts, l'autre pour la
décoration laïque du Panthéon. Les
beaux -arts ne s'en porteront pas mieux,
et le plaisantin Lockroy aura ajouté
une nouvelle insulte à celles déjà
faites aux catholiques au sujet de
l'église Sainte-Geneviève.
Et l'on s'étonnera que les catholi
ques ne se rallient pas avec empresse
ment à une république semblable 1
On doit aujourd'hui discuter, à la
Chambre des députés italienne, la mo
tion de M. Bonghi, au sujet des désor
dres de Rome la semaine dernière. M.
Crispi sortira-t-il vainqueur du débat,
et se croira-t-il en droit d'appliquer
aux révolutionnaires comme aux ca
Discuté et adopté par la Chambre,
des députés dans sa séance de lundi,:
déposé mardi au Sénat, le scrutin uni
nominal se trouvait voté le lendemain
au palais du Luxembourg, et il appa-i
raît ce matin, sous forme de loi pro
mulguée, au Journal officiel. L'adhé
sion des sénateurs n'a pas été difficile,
à obtenir. Ces messieurs, menés tam
bour battant par le président du con
seil, sans égard àla neige qui couvrait;
Paris et aux rhumes de cerveau, par.
un temps à ne pas repousser même un;
projet de loi, étaient accourus au
Luxembourg, avec l'intention de voter,
au plus tôt le scrutin uninominal et
d'applaudir au besoin M. Floquet. Ils
ont fait consciencieusement l'un et
l'autre.
Au début de la séance, la commis-^
sion, tout entière favorable au scrutin
uninominal, a donné par l'organe de
son rapporteur, M. de Casabianca, les
arguments que l'on connaît sur cette
question rebattue, et que M. Floquet
devait reprendre une heure plus tard
en y ajoutant le sel de cuisine de sa;
prudhommesque solennité : le pays:
réclame le scrutin uninominal parce
qu'il répond à ses légitimes préoccu
pations, etc.
A droite, deux voix se sont élevées
pour protester contre la précipitation
au Sénat à voter un projet de cette
importance: c'étaient MM. Buffet et
Guibourd de Luzinais. Au moment de:
passer à la discussion des articles,!
M. Audren de Kerdrel est monté à la
tribune, non pas pour s'opposer au vote
de la loi,qui était acquis au gouverne
ment, mais pour reprocher au gou
vernement de se défier du suffrage
universel comme il se défie du jury,et
de favoriser, en croyant les combattre,
les projets de l'aspirant-dictateur. M.
Audren de Kerdrel n'est pas en effet le
seul à trouver que le scrutin unino
minal ne peut enrayer le mouvement
boulangiste. Seulement le sénateur du
Morbihan craint la dictature à l'égal
des républicains, et à ceux-ci il donne
le conseil de revenir à une politique
résolument conservatrice s'ils veulent
avoir le pays pour eux. Les maladroits
n'ont jamais voulu le comprendre.
Après le passage à la discussion des
articles et le vote de l'article premier,
M. Buffet a prononcé un discours qui
rappelait par beaucoup de points les
pensées exprimées par M. de Kerdrel.
Comme le sénateur du Morbihan, M.
Buffet répudie à la fois le boulangisme
et les moyens qu'on emploie pour le
combattre. On connaît l'ancien minis
tre comme partisan du scrutin unino
minal, mais cependant on n'a pas été
surpris de le voir monter à la tribune
pour déclarer qu'il ne pourrait s'asso
cier au vote d'une mesure considérée
par le gouvernement comme une né
cessité de circonstance, une loi d'ex
pédient."
M. Floquet a répondu par une de
ces déclarations qui n'indiquent pas
un tempérament scrupuleux à l'excès.
« Nous n'avons point cédé à des né
cessités accidentelles, a-t-il dit. Notre
conviction s'est formée lentement,
mais sérieusement. Ce n'est pas sous
la pression d'une terreur puérile, qu'il
ne ressent pas, que le gouvernement
s'est décidé à demander au Parlement
le retour au scrutin uninominal. li a
voulu donner satisfaction au senti-;
ment du pays. »
Il est permis de rester sceptique à
l'égard des arguments de M. Floquet,
dont on trouvera plus loin le discours.
Il a parlé trop furieusement, de l'ambi
tieux dont il fera tomber le masque,
du drapeau usurpé de la république
abritant la coalition des conspirateurs
(ceux-là mêmes qui se dissimulent
sous le manteau troué delà dictature),
pour ne pas éprouver des craintes bien
légitimes. Le président du conseil ré
pète qu'il a voulu mettre aux mains
de la nation l'arme la plus utile pour
faire prévaloir sa volonté, et le Sénat
l'applaudit. C'est peut-être de l'ironie,
pour qui se reporte à la haine vivace
dont le Sénat entoure M. Floquet,mais
l'ironie est rare au Sénat; c'est plutôt
de la peur : on craint plus Boulan
ger que Floquet.
Résultat: le scrutin uninominal a été
aussitôt voté au Sénat par 222 voix
contre 54.
Entre temps, MM. Halgan et Gui
bourd de Luzinais avaient ardemment
défendu deux amendements d'intérêt
local, qui soulevaient une question de
principe, sur. les 'modifications de cir
conscriptions électorales; mais le Sé
nat était trop pressé pour les accepter.
Illes a repoussés.
Joseph Mollet.
Chute du ministère
Le ministère est renversé par cent
voix de majorité. v
La proposition de M. de DOuville-
Maillefeu tendant à l'ajournement
indéfini de la revision est adoptée par
307 voix contre 218.
M. Floquet monte à la tribune et
dit :
Le cabinet s'est engagé à poser la ques
tion de confiance sur le scrutin d'arrondis
sement et sur la revision. J'ai l'habitude
de tenir mes engagements. Le vote qui
vient d'être rendu me met dans l'impossi
bilité de tenir le second engagement.
Dans quelques minutes, je remettrai ma
démission au président de la République.
(Les membres de la gauche qui ont voté
pour le ministère applaudissent frénétique
ment.) ■
Il règne à la Chambre une grande
agitation.
De l'Histoire de Mgr Darboy
par Mgr Foulon
REMARQUES ET RECTIFICATIONS ' !
II (I)
L'abbé Darboy était vicaire général.
Le premier travail que lui confia Mgr
Sibour fut tout personnel, et j'ose
soupçonner Mgr Foulon de n'avoir pas
écrit sans sourire les lignes suivantes :i
« Sans être soucieux à l'excès des
« jugements de l'opinion, Mgr Sibour
« pensait qu'il ne faut pas les négli-
« ger, et pour les éclairer il avait
« réuni des documents nombreux,des-
« tinés dans sa pensée à former les
« matériaux de mémoires' sur sa vie.
« Il pensa à l'abbé Darboy pour les
« mettre en ordre et leur donner une
« forme définitive. Le nouveau vicairé
« général débuta dans ses fonctions
« parce travail...... L'historien ajouta
"finement que Xopération était assez
compliquée « à raison de l'abondance
« des documents et de l'inégalité de
« leur valeur ».
Bien que très différents de caractère,
Mgr Sibour et Mgr Dupanloup avaient
des points de contact, des traits d'u
nion. Par exemple, tous deux rêvaient
sans cesse de tuer l'Univers, coupable
de n'avoir pas voulu vivre à leur ser
vice. Aussi lorsqu'en 1853 M. l'abbé
Gaduel, vicaire général d'Orléans, sur
l'avis de son évêque, demanda ven
geance à l'archevêque de Paris con
tre Louis Veuillot, il ne doutait pas de
vaincre. Nous fûmes, en effet, con
damnés, et l'on peut croire que l'abbé
Darboy mit la plume à notre condam
nation. Mgr Foulon raconte cette af
faire en ami de l'une des parties,ce qui
le rend, contre, ses intentions, je dois
le dire, incomplet et inexact comme
historien. • t
. Après avoir rappelé que « l'émo
tion » produite par ce débat fut « con
sidérable », il dénonce, dans les arti
cles dont se plaignait M. Gaduel, des
« attaques personnelles et excessives »,
et affirme que les critiques du vicaire
général contre le livre de Donoso Cor-
tès '.portaient sur des « propositions
fausses ou exagérées », pouvant être
« dangereuses ».' Il assure, en outre,
que le théologien d'Orléans « n'avait
ni dépassé son droit, ni manqué à la
modération, ni oublié les égards dus
à l'auteur du livre ».
C'est la thèse que soutinrent M. Ga
duel et ses patrons. Il y en eut et il en
reste une autre, appuyée sur les tex
tes et les faits.
D'abord, les « attaques » de Louis
Veuillot étaient des réponses.Non seule
ment M. Gaduel avait pris l'initiative
de la lutte, mais, de plus, tout de suite
il avait mis les personnes en cause.
S'il pouvait légitimement le faire,
pourquoi ne l'eût-on pas fait contre
lui? Quiconque se pose en railleur,
fût-il vicaire général, est mal venu à
gémir d'être raillé. M. Gaduel n'avait
pas droit à l'exception. Dira-t-on que
son adversaire frappa trop fort ? Pour
trancher cette question,il faudrait pro
duire les textes des deux combattants,
et nous n'y pouvons songer. A des
affirmations nous en opposons d'au
tres,qu'aucune vérification ne démen
tira. Si Louis Veuillot fit rire de son
agresseur, ce n'est pas qu'il fût plus
personnel: c'est qu'il eut plus d'esprit.
D'ailleurs ses ironies, ses vivacités
étaient contenues, comparées à celles
dont l'abbé Darboy avait usé' contre
l'abbé Combalot ; et nous ne saurions
nous défendre de quelque étonnement
en voyant le même juge condamner
chez le journaliste ce qu'il amnistie
avec abondance d'éloges chez l'ecclé
siastique. On nous dira peut-être que
celui-ci était un « jeune lutteur » et
qu'il faut passer beaucoup à la jeu
nesse ; mais Louis Veuillot peut profi
ter de l'argument, car M. Darboy était
de neuf mois son aîné. Et si le prêtre
défendait son évêque, le journaliste
défendait à la fois ses principes, son
œuvre, sa dignité et un grand catho
lique Méchamment attaqué.
Voilà pour la polémique; Quant au
fond, devant les juges supérieurs, Do-
(i) Voir l'Univers du i2 février. .
noso Gortès eut raison contre son cri
tique. Les propositions que l'abbé Ga
duel avait déclarées- fausses et dange
reuses, furent lavées ds cette note.
On reconnut que si l'illustre écrivain
espagnol, qui s'adressait aux gens du
monde, n'avait pas toujours employé
les termes de l'école, il était néan
moins resté dans la doctrine. Nous re
grettons que l'historien deMgr Darboy
ait négligé de mentionner ce détail.
. Discrètement, selon sa coutume,
Mgr Foulon laisse entendre que l'ar
chevêque de Paris ne fut pas en, cette
circonstance suffisamment maître de
lui-même. « Mgr Sibour, dit-il, ac-
« cueillit la plainte du grand vicaire
« d'Orléans, et avec beaucoup de
« détermination, peut-être même avec
« un peu trop de vivacité, il engagea
« une : lutte qui fut célèbre. » Il fait
ensuite remarquer que ce procès sou
levait une très grave question : celle
des droits de l'Ordinaire à l'égard des
journaux religieux. « Une opinion,
« ajoute-t-il, qui ne manquait pas
« d adhérents, contestait à l'archevê-
« que de Paris le droit de censurer la
« presse religieuse, par la raison que
« cette presse, tout en ayant son
« siège principal à Paris, était celle
« de la France entière, et jusqu'à un
« certain point celle du monde catho-
« lique, et que l'Ordinaire se trouvait
« armé vis-à-vis d'elle d'un trop grand
« pouvoir, s'il restait maître de lui
» dicter des conditions par le fait
« seul de la publication des journaux
« sur le territoire soumis à sa juridic-
« tion. »
C'était là, en effet, un des points de
la question, mais non pas toute la
question. D'abord, était-ce le cas de
censurer?. Ensuite, comment et dans
quelle proportion le droit de censure
devait-il s'exercer ? Quel compte fal
lait-il tenir des lois du pays sur la
presse, de l'organisation de celle-ci,
des conditions de la société, des néces
sités de la lutte ? etc., etc. Mgr Sibour,
bien, que se piquant d'être dans l'épis-
copat l'homme des temps nouveaux,
libéral, démocrate, républicain, n'y
regarda pas de si près. L' Univers fut
condamné aussitôt que dénoncé, sans
avoir été entendu. La condamnation
n'était point tempérée : défense aux
communautés religieuses de. recevoir
ce journal; défense aux prêtres de le li
re et,sous peine de suspense, d'y écrire
ou seulement de le renseigner; défen
se à ses rédacteurs de discuter l'ac
te quilles frappait et menace d'excom
munication s'ils osaient réclamer. Ce
pendant l'archevêque nous reconnais
sait le droit d'en appeler au Pape. Il y
eut appel. Je dois dire que, même s'il
nous avait contesté ce droit, nous en
aurions usé : la nonciature nous y
autorisait.
L'abbé Darboy fut de nouveau mis
à réquisition. Mgr Sibour lui com
manda un mémoire sur « la question. j >
Ce mémoire, que Mgr Foulon analyse
avec une grande brièveté, concluait
nécessairement contre l'Univers et, par
une interprétation littérale, étroite,des
décrets et ordonnances sur la ma
tière, arrivait à rendre impossible la
publication d'un journal catholique.
Il était loin le temps où M. Darboy
écrivait à Louis Veuillot : « Vous qui
« allez souffrir pour la justice et la
« liberté, voudriez-vous, monsieur,
« vous souvenir devant Dieu du clergé
« de la ville de Langres, et en parti-
« culier de celui de ses membres qu'il
« a choisi pour interprète de ses sen-
«. timents envers vous ? » Quel chan
gement ! Et, cependant, nous étions
toujours, dans la même voie.
Mgr Foulon passe sans transition de
l'analyse du mémoire de M. Darboy
au dénouement du conflit et dit ":
« L'archevêque de Paris avait de la
« peine à dissimuler l'état d'exaltation
« et d'incertitude où le plaçait une
« lutte dont les proportions avaient
« dépassé ses prévisions, et dont per
ce sonne ne prévoyait encore l'issue.
« Aussi le 8 avril, il publiait une or-
« donnance qui, tout en maintenant
« les considérants de sa lettre du 17
« février, portant condamnation du
« journal .l'Univers, levait spontané-
« ment les défenses qui y étaient con-
« tenues. »
C'est tourner un peu court. Peut-être
eût-il fallu dire à quoi tenait l'état
d'exaltation et d'incertitude où Mgr Si-
bourse trouvait.Mgr Foulon a pu igno
rer que le mémoire de M. Darboy en
voyé à Rome n'y avait eu aucun suc
cès; qu'au contraire, des notes et let
tres d'évêques de France sur le même
sujet y avaient reçu un bon accueil,
ainsi que de respectueuses observa
tions de Louis Veuillot. Mais il n'a pu
oublier, et nous regrettons qu'il ait
jugé inutile de mentionner les deux
actes du Souverain Pontife qui, sans
trancher d'une façon précise la ques
tion de principe, déterminèrent Mgr
Sibour à lever spontanément les senten
ces qu'il avait portées.
Une fois sa résolution prise, l'arche
vêque fit les choses galamment, en
homme d'esprit et en père. Nous avions
dans son entourage deux amis, qui ni
l'un ni l'autre ne cachaient leurs sen
timents : l'abbé de la Bouillerie, grand
vicaire, et l'abbé Dedoue, secrétaire.
Il dit au premier : « Je veux que vous
connaissiez avant vos collègues une
décision qui vous fera plaisir : je lève
mon interdit contre l'Univers : vous
pouvez continuer de le lire sans me
désobéir » ; et au second : « Voici une
commission que personne ici ne ferait
avec autant de joie que vous :.portez
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