Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-02-05
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 février 1889 05 février 1889
Description : 1889/02/05 (Numéro 7709). 1889/02/05 (Numéro 7709).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 55 Février 1889
N* 7709 — Edition" quotifiienn®
«BtfBaMpf'i ■■■T'"r" , i"ifiiiMiiirr?ffr fn t* irrrriiiiii i 1 '""
Mardi 5 Février 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
it eépabtehiwts (union postale)
Un an. , . . 55 » 66 »
Six mois. ... 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
_ ( Paris 15 cent.
"UN NUMERO ^ Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints -PèreB
On s'abonne ï Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
paris
et départements
Un an 30 »
Six mois. ... 16 »
Trois mois. . . 8 50
étranger
(union postale)
36 »
19 »
10 »
Les abonnements partent de* 1" et te ;!a chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MSI. Ch. LAGUA à 'GE , CERF et C ie , 6, place de la Bourse
FRANCS
PARIS, i FEVRIER 1889
Où en est le remaniement ministé_
riel que rêvait M. Floquet, pour ren_
dreun peu de force à son cabinet chan
celant ? Il est assez difficile de le sa
voir, au milieu des versions contra
dictoires des journaux. Un seul fait
semble acquis : M. de la Porte, après
avoir retiré sa démission, s'en va. Il
paraît également certain que M. Flo
quet avait songé à s'associer le con
cours de M. Sigismond Lacroix, soit
comme ministre de la justice, soit
comme préfet de la Seine avec la
haute direction de la police. Nous
cherchons vainement quelle force ap
portait au président du conseil ce
Polonais mal francisé. Quant à l'en
trée de M. Rouvier dans le cabinet
comme ministre des finances, elle est
présentée par la République française,
dont la parole doit faire autorité dans
la circonstance, comme une mauvaise
plaisanterie. Ce journal et les autres
organes opportunistes sont fort durs
aux radicaux et à M. Floquet lui-même.
Par contre, les journaux, radicaux ne
sont pas tendres à M. Jules Ferry, ni
à ses doublures, MM. Waldeck-Rous-
seau et Rouvier
Q uelle singulière concentration ! Ah,
si les conservateurs pouvaient s'en
tendre 1
A la Chambre des députés, aujour
d'hui, après une proposition de M.
Faure réservant au pavillon français
la navigation entre la France et l'Al
gérie, on doit, si nous en croyons l'or
dre du jour, discuter l'interpellation de
M. Salis au sujet des retards apportés
au jugement des poursuites intentées
contre M. Gilly; seulement la Lanterne
annonce que l'interpellation n'aura
pas lieu, l'affaire venant devant la jus-
ce.On reprendrait alors le projet de loi
sur le travail des femmes et des en
fants.
Il yavait bien précédemment en tête
de l'ordre du jour une interpellation
de M. Dupuy sur les désordres d'Ori-
gny-en-Thiêrache ; mais elle a dis
paru.
On a inauguré hier en grand appa
rat la statue de Jean-Jacques Rous
seau; la République se montre recon
naissante envers l'un de ses pères.
C'est peut-être d'un bon naturel, et
nous ne nierons pas que la Révolu
tion doive beaucoup au « philosophe
genevois »; mais il nous semble que
la Franck ne doit aucune gratitude à
ce triste personnage dont l'influence a
été si néfaste.
Ne voulant pas accepter la version
officielle d'un suicide, encore bien mal
expliqué, l'opinion à Vienne cherche
toujours comment est mort l'archiduc
Rodolphe. Meurtre ou duel, telles sont
les deux hypothèses entre lesquelles
elle hésite. Les récits les plus contra
dictoires, les plus invraisemblables
aussi, circulent ei trouvent créance.
La vérité se dégagera-t-elle pleine
ment, ou la mort de l'archiduc vien-
dra-t-elle augmenter le nombre des
problèmes historiques dont l'historien
cherche vainement la solution ?
Dans ce désordre des esprits, un
fait reste, qui doit frapper, c'est l'élan
de l'opinion populaire vers l'empereur,
pour lequel se multiplient les témoi
gnages d'affection. C'est là une grande
lorce.
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 5 février 1889
PROPOS DIVERS
Chaque semaine,, les journaux publient
en vingt lignes le procès-verbal delà séance
tenue, le jeudi, par messieurs de l'Aca
démie française. Ces procès-verbaux se sui
vent et se ressemblent. Ils sont à. peu près
conçus en ces termes :
« L'Académie française a tenu hier, sa
séance hebdomadaire. Etaient présents :
MM. Halévy, directeur; d'Haussonville,
chancelier ; Camille Doucet, secrétaire per
pétuel ; de Mazade, Hervé, John Lemoinne,
Ferdinand de Lesséps, Mézières, Gaston
Boissier, Pasteur, Bertrand.
« M. de Lesseps fait hommage à l'Aca
démie de son savant mémoire intitulé :
Projet de reconstitution d'un isthme entre
Calais et Douvres. L'Académie vote des re
merciements au grand Français, qui inau
gure ainsi sa seconde manière.
« L'Académie décide ensuite (pour n'en
pas perdre l'habitude) qu'une délégation
composée de trois membres ira représen
ter à M. Floquet qu'il y va de sa gloire à
rappeler en France le donateur de Chan
tilly. Cette délégation comprend MM.
Hervé, Jules Simon et de Lesseps.
« M. le secrétaire perpétuel propose de
fixer au prochain mardi gras la réception
de M. Emile JSola. Le bureau, dit-il, a
L'émotion est grande en Irlande et
même en Angleterre à l'occasion de
l'affaire de M. O'Brien. M. Balfour a
cette fois dépassé la mesure, et si,
comme il le prétendait, la politique
conservatrice avait gagné du terrain,
elle l'a complètement reperdu et au
delà. La lutte reprend une nouvelle
vigueur de ces abus de la force, que
les Anglais, ces parleurs de liberté et
de tolérance, se permettent si volon
tiers dès qu'ils croient pouvoir le faire
avec avantage ou sans danger. Ici les
conservateurs et leurs tristes alliés, les
unionistes, se sont absolument trom
pés.
Nous donnons aujourd'hui le texte
des résolutions votées par les catho
liques du Tyrol réunis à Inspruck au
sujet de la question romaine. Leur
ferme langage fait écho à celui des
catholiques de tous les pays. N'en dé
plaise à M. Crispi, ce n'est pas une
question purement italienne que celle
dont s'occupe ainsi l'univers tout en
tier.
voir les DERNIERES NOUVELLES à la fin
Jean-Jacques Rousseau
Au temps des Pèlerinages de Suisse,
Louis Veuillot, passant par Genève,
tomba au milieu d'une féte dont la
statue du « philosophe de Genève »
était le centre. « La chose, dit-il, n'é
tait pas somptueuse », mais il y avait
foule. « Nous vîmes bon nombre de
« dames genevoises, beaucoup de
« bourgeois qui conduisaient là leurs
« enfants, faisant le tour des quin-
« quets avec de grandes jeunes per-
« sonnes au bras. J'aurais voulu con-
« naître ces pères de famille pour leur
« demander s'ils faisaient lire à leurs
« filles les œuvres de l'écrivain qu'ils
« honoraient d'une si belle statue,
« de si beaux godets et d'une si
« éloquente solennité... Mais l'allu-
« meur des lampions se gonflait d'une
« dignité et d'un sentiment de sa
« gloire qui nous firent désirer d'avoir
« son opinion sur le héros de la céré-
« monie.—Quel est ce monument? lui
« demandâmes-nous. —C'est, dit-il,
« la statue du grand Jean-Jacques
« Rousseau. — C'était donc un Gene-
« vois? — Et un fameux! — Mais
« qu'a-t-il fait? — Il a écrit contre
« ces gredins de prêtres.
« Un membre du Grand-Conseil ou
« de la vénérable compagnie des pas-
« teurs n'aurait certainement pas
« mieux répondu. Voilà tout le secret
« de ces ineptes hommages. Les
« bourgeois de Genève, les plus aris-
« tocrates des hommes et les plus
« vaniteux des gouvernants, expul-
« seraient de la ville quiconque s'a-
« viserait d'élever contre leur pou-
« voir les principes politiques de Jean-
« Jacques Rousseau ; mais pour ce
« qu'il y a dans ses ouvrages de fiel et
« d'infamies contre l'Eglise catholique,
« ils lui ont tout pardonné, la honte
« de ses mœurs,le poison de ses livres
« le scandale de sa vie. Voilà pour-
« quoi on a dressé un monument à
« cette mémoire fangeuse, pourquoi
« on lui décerne sans respect humain
« des fêtes publiques ; tristes fêtes,
« dont personne n'est dupe, dont les
« Genevois eux-mêmes n'osent pas par
te 1er sans affecter une espèce de dé-
« dain et de moquerie ; tristes fêtes,
« dont nous n'osons plus rire quand
« nous songeons qu'il est une au-
« tre vie, et que ce malheureux
« Rousseau, mort dans l'hérésie,
« sans sacrements et, selon toute ap-
« parence, sans repentir, a probable-
« ment plus à faire à la justice de
« Dieu qu'à sa clémence. Hélas ! où
« il est maintenant, quel supplice
« pour lui que toute cette misérable
« et fausse gloire, s'il est vrai qu'une
« peine est ajoutée aux peines des.
« maudits à mesure qu'une âme est
« perdue par eux... Pauvres gens de
« Genève, c'était bien la peine de bri-
« ser les saintes images, d'abolir la
« messe et le culte des saints, pour
« enseigner à votre peuple, à vos fem-
« mes, à vos filles, le culte de Jean-
« Jacques Rousseau ! »
Plus tard, vers 1860, Louis Veuillot
repasse par Genève et retrouve ce sou
venir. Il écrit dans Ça et Là :
« J'ai, je crois, déjà sifflé ce même
« Jean-Jacques sur ce même piédes-
« tal. C'est une statue bête et com-
« mune. Si je l'ai dit, pourquoi ne le
« redirais-je pas? Les gens du dix-hui-
« tième siècle me font mal au cœur.
« J'ai toujours haï leur philosophie,
« leur raillerie, leur polissonnerie.
« Rousseau surtout m'est insupporta-
« ble. C'est ma bête. Tous mes ins-
« tincts se piètent contre lui. Il me
« répugne dans ses raisonnements,
« dans ses sentiments, dans ses agré-
« ments. Ce Rousseau est l'effronterie
« incarnée, l'ingratitude incarnée,
« l'emphase incarnée. Il est sale. Il
« est de cette nature de domestiques
« qui souillent les maisons. Je n'adr
« mire rien de ce qu'il a dit, j'ai dé-
« goût de tout ce qu'il a fait. Quand
« il est dans le vrai, j'attends
« avec impatience qu'il en sorte,
« je ne le plains d'aucun de ses
« malheurs. Il a couru après toutes
« ses disgrâces, et toutes sont de légi-
« times punitions de sa bassesse ou de
« son orgueil. Le vilain être, avec son
« habit arménien, sa sonde, sa Julie,
« sa Thérèse, ses pleurs, sa pose, son
« droit de cité dans Genève, sa noire
« et méchante folie! Et qu'il est en-
« nuyeux ! et quels disciples il a faits !
« Tous les professeurs, tous les révo-
« lutionnaires, toutes : les femmes de
« lettrés émancipées raffolent de
« Rousseau. Culte, d'ailleurs, bien na-
« turel ! Rousseau a passé sa vie à re-
« nier trois choses : son Dieu, sa pa-
« trie et ses enfants. »
Tel est l'homme auquel Paris, à son
tour, érigeait hier une statue. Et,pour
que rien ne manquât au genre d'apo
théose qu'on lui voulait faire, c'est
dans le Panthéon, d'où l'on a chassé
le culte de sainte Geneviève, que se
sont réunis ceux qui se réjouissent
de voir, sur la montagne célèbre, s'é
lever son monument. Presque sur
l'emplacement de la chaire, où reten
tissaient naguères les louanges de
l'humble et sublime vierge qui délivra
Paris, des tréteaux avaient été mon
tés pour servir de tribune aux prêtres
du nouveau culte, prêtres bien dignes,
d'ailleurs, de cette répugnante idole!
Pourtant, il semble qu'à certains
moments eux-mêmes aient eu honte
du personnage qu'ils offraient ainsi
en exemple au monde. Jules Simon,
le sophiste aux souplesses ophidiennes,
si naturellement désigné pour être
le principal joueur de flûte dans
la cérémonie d'hier, lui-même a
reculé devant la glorification complè
te des hontes de son héros. N'osant
ni les flétrir ni lui en faire honneur, il
s'est demandé si la statue était érigée
à l'auteur des Confessions , de la Nou
velle Héloïse ou du Contrat social ; et,sans
se préoccuper de donner la réponse, il
s'est tiré de peine en disant que
l'hommage était rendu à l'écrivain.
Mais il ajoutait que de Rous
seau surtout l'on peut dire que
« le style c'est l'homme », et par
suite il a contresigné l'éloge des
ignominies du philosophe. C'est ce
qu'ont fait, avec plus d'impudeur en
core, les autres discoureurs associés
à M. Jules Simon pour cette vilaine
besogne. Et il faut noter de plus que
le gouvernement patronait la fête.
Dans ce temple profané, à la date où
nous sommes, ces saturnales d'esprits
en débauche sont pour faire frémir.
Sidéjà l'on peut voir tout ce qu'a opere
pour la ruine en France de la mora
lité, du patriotisme_ et de la religion,
l'influence du personnage qui a passé
sa vie à renier « son Dieu, sa patrie et
ses enfants », quelles ruines plus
grandes encore ces fêtes impies ne
nous réservent-elles pas !
Auguste Roussel.
Va-t-onremanier le ministère? On
le dit. Dans quel sens ? On ne le sait
pas encore. Dans quelle proportion,
enfin? On ne le sait pas non plus. Il
est possible que toutes les modifica
tions annoncées se réduisent au seul
remplacement de M. de la Porte, sous-
secrétaire d'Etat aux colonies, par un
député quelconque. Aucun de nos élus
ne pouvant se montrer inférieur à M.
de la Porte, ce serait toujours cela de
gagné.
Quoi qu'il en soit, un remaniement
plus sérieux, qui porterait sur trois ou
quatre membres du ministère, n'est
pas tout à fait improbable. Aurait-il
la vertu de prolonger l'existence, en
péril, du cabinet ? Nous ne le pensons
point.
Examinons rapidement la situation :
Ou, dans le simple but d'infuser au
Conseil un peu de sang nouveau, M.
Floquet, son président, se contente
rait d'y introduire, à la place de quel
ques-uns de ses collègues par trop dis
crédités, des titulaires tout neufs,
mais appartenant à la même nuance
d'opinion que les boucs émissaires
Ou, jugeant qu'il faut accentuer sa
politique dans le sens radical, il
ferait, appel à deux ou trois mem
bres de l'extrême-gauche. Ou, enfin,
estimant qu'il lui est plus avantageux
de rétrograder, il s'adresserait, pour
combler le vide, à l'Union des gau
ches. Voilà les trois hypothèses. Voilà
les trois remaniements possibles. Des
trois, en est-il un qui puisse sauver
M. Floquet?
S'il se contente de remplacer l'op
portuniste Pierre Legrand par l'op
portuniste Pierre Ricard, et le radical
Lockroy par le radical Lacroix, nous
aurons le même ministère. Et com
me c'est surtout le président du con
seil qui est atteint dans son prestige,
qui est frappé de discrédit, le cabinet
ne' se trouvera pas en meilleure
« posture ». Les sentiments hostiles
de l'Union des gauches ne seront
point adoucis. Les marques de lassi
tude que commence à donner l'ex-
trême-gauche ne feront que s'accen
tuer. Gare!
Si M. Floquet juge devoir s'avancer
encore plus vers la Montagne qu'il ne
l'a osé jusqu'à présent, que ce Robes
pierre des temps modernes se méfie
de la Plaine ! La Plaine est pusillani
me; cependant elle peut avoir ses
jours de nerfs, et alors un moment de
révolte est possible. Il s'est passé quel
que chose comme cela, en plus grand,
le 9 thermidor!... Beaucoup d'opportu
nistes qui votent à regret, par manque
de courage, pour le ministère, s'en ex
cusent (mal) sur ce prétexte, qu'après
tout, ils comptent deux ou trois des
leurs, M. Pierre Legrand, M. Deluns-
Montaud, dans ce cabinet, plus radi
cal en paroles qu'en actions. Il serait
dangereux de leur enlever jusqu'à
cette apparence de motif.
Si M. le président du conseil estime
qu'il se sauvera par l'adjonction de
trois ou quatre membres de l'Union
des gauches, il se trompe encore plus
grossièrement. L'extrême-gauche, fa
tiguée d'être ministérielle depuis dix
mois, et ne voyant toujours rien venir
de ce qu'elle attendait, ne le suit plus
qu'avec une hésitation grandissante.
C'est pour le ; coup, qu'elle l'abandon^
nerait ! Et il ne faut pas s'imaginer
qu'en échange il rallierait les voix des
quarante ferrystes, qui, sans avoir pu
entraîner jusqu'à présent leurs collè
gues du centre", votent régulièrement
contre le ministère. Ceux-là, ils veu
lent le pouvoir, tout entier, pour eux
seuls, afin de rompre absolument avec
le radicalisme, et d'appliquer, c'est du
moins leur intention, une politique
modérée qui ramènerait, pensent-ils,
au régime actuel une grande partie des
conservateurs. On trouvera plus loin
une citation de la République française
qui confirme, pleinement ce que nous
avançons. Aussi M. le président du
conseil n'obtiendrait-il pas le con
cours d'un opportuniste de marque.
Il devrait se contenter de comparses
dépourvus d'influence, ne jouissant
d'aucun crédit. La preuve, c'est que
déjà M. Rouvier refuse la succession
de M. Peytral, avant même qu'on la
lui ait offerte !
Alors?... Alors, le ministère Floquet,
bien malade, ne nous paraît plus de
voir traîner longtemps. C'est triste pour
M. Boulanger ; mais c'est ainsi.
Pierre Veuillot.
La Situation
Le Siècle , dont la lecture ne laisse
pas que d'offrir un certain intérêt par
ce temps de crise, dit ironiquement à
propos des changements que M. Flo
quet est soupçonné de vouloir appor
ter dans la composition du ministère ;
La nation n'a aujourd'hui de confiance en
personne,c'est son plus grand mal.En bloc,
elle met M. Floquet, M. Jules Ferry, M.de
Freycinet, M. Rouvier sur la même ligne,
et s'imaginer qu'elle se passionnerait pour
le départ de l'un ou l'arrivée de l'autre est
une pure aberration. Les trois quarts de3
brouillons, des haineux ou des mécontents
qui votent pour le général Boulanger sont
dans le même cas, ils n'ont pas plus de
confiance en leur idole qu'en les autres. Ca
qu'ils veulent, c'est un changement de po
litique, une orientation nouvelle, et surtout
un gouvernement.
Aussi isolé, flatté et trompé qu'on puissa
être dans un salon ministériel ou dans un
bureau de rédaction, comment peut-on donc
s'imaginer que le départ ou le maintien de
M. Ferrouillat changera un iota à la situa
tion ? Est ce que la France sait seulement
le nom de l'honorable garde des sceaux ?
Est-ce qu'elle sait s'il est radical ou oppor
tuniste, sénateur ou député ? Ce pauvre
ministre de la justice, si discret, si bienveil
lant, doit être assurément bien surpris de
se voir subitement devenir l'arbitre des
destinées gouvernementales. Il doit être
d'autant plus surpris qu'il s'est trouvé, pa
rait-il, dans ces derniers jours, avec M.
Viette, le seul ministre qui se montrât fa
vorable à une politique d'action contre le
général et ses amis. « Quelle chose bizarre
« que la vie humaine ! doit se dire cet ai-
« mable philosophe. Mes collègues m'ont
« jugé excellent tant que j'ai incliné aveo
« eux pour l'inertie ; je suis pris subite-
« ment d'un accès de, vigueur : c'est
« l'heure qu'ils choisissent pour me congé-
« dier. » i
Et si l'infortuné garde des sceaux n'y
comprend rien lui-même, comment veut-on
que le pays y comprenne quelque chose ?
D'autre part, la République française,
où M. Rouvier compte nombre d'amis,
repousse bien loin l'idée de voir en
trer M. Rouvier au ministère :
Le ministère sent si bien sa faiblesse qu'il
ne soDge à rien qu'à se fortifier par des
changements de personnes et par des trocs
de portefeuilles. Les journaux sont pleins
de nouvelles se résumant toutes en ceci :
que le couteau de Janot n'ayant plus ni
manche ni lame, on veut y mettre manche
et lame neufs, avec la prétention de ne pas
le changer. On nous a dit de la sorte que
M. Ferrouillat allait être congédié, que M.
Peytral serait prié d'aller, en son labora
toire, manigancer quelque drogue finan
cière autre que l'impôt sur le revenu.
La succession du premier aurait été of
ferte à M. Sigismond Lacroix. Mais celui-
ci, qui a affronté bravement, aujourd'hui
même, la balle de M. Laguerre, n'a pas'eu
le courage d'accepter la succession de d'A-
guesseau et s'est dérobé devant le coup de
pistolet et le : Vlan, tu l'as ! de M. Flo ¬
quet. Quant à M. Rouvier, l'idée de lui of
frir un portefeuille dans le cabinet actuel
est une bonne plaisanterie. Que si le bruit
en a couru, il n'y faut voir qu'un symptôme
de l'inquiétude ou de l'affolement oït se
trouvent plongés les Pyrrhus du cabinet
radical. On pourra, quelque temps encore,
garder le ministère actuel. Mais il ne sau
rait être ni modifié, ni raccommodé, ni for
tifié. La situation est telle que les ques
tions de personnes disparaissent. Il ne s'a
git plus, comme en des temps tranquilles,
de satisfaire — s'ils le voulaient bien —-
tel ou tel : il ne peut s'agir que d'une mo
dification sérieuse dans l'orientation de la
politique du pays.
C'est, dit-on, M. Challemel-Lacour
qui, sous la signature de X..., secoua
ainsi le ministère. '
Précédemment la République fran
çaise avait déjà dit :
Il faut rompre, sans esprit de retour,
avec les doctrines radicales;
Il faut opposer à l'anarchie, à la réac
tion et à la dictature un énergique parti
gouvernemental républicain et conserva
teur.
Combien sommes-nous, à celte heure
précise, dans le Parlement et dans la
presse, d'hommes résolus à vouloir ainsi,
avec une volonté invincible, ce programme
qui tient en deux lignes'?
Il est possible que nous ne soyons pas
cent, mais il y a longtemps aussi que l'his
toire a démontré que cent hommes réso
lus, sachant ce qu'ils veulent, décidés à. ne
reculer devant rien pour sauver la patrie
et la liberté, sont plus forts que cent mille
individus vivant au jour le jour, sans au
dace, sans énergie, flottant entre la vérité
et_ le mensonge, désirant le bien et laissant
faire le mal, incapables de reconnaître
qu'en politique, comme à la guerre, il faut
toujours procéder par l'offensive.
Ce parti nouveau, nous serons de ceux
qui consacreront toutes leurs forces à le
constituer.
Sur quoi, le Parti National , organe
de M. Ribot, ' s'écrie avec empresse
ment :
A la bonne heure ! Comme cela on finira'
par s'entendre. Le jour où des hommes de
la valeur des Jules Ferry, des Waldeck
Rousseau, des Rouvier, etc., consentiront
à tourner définitivement les talons aux cas
se-cous de l'extrême gauche, et à travailler
sincèrement à fa formation de ce grand
parti dont parle M. Reinach, la république
fera un nouveau bail avec le pays.
Ce jour-là, la République françaisé est
sûre de nous trouver aux avant-postes à
côté d'elle.
^Ce jour-là!... le Parti National en
rêvera longtemps encore avant de le
voir se lever, car le centre gauche,
même renforcé des opportunistes,
n'apparaît pas moins impuissant pour
gouverner que le radicalisme.
Nous avons publié dernièrement une
décision de la Congrégation de l'Index
condamnant plusieurs ouvrages de. M.
l'abbé Roca, chanoine honoraire, an
cien élève de l'école des Hautes-Etudes
des Carmes.
Rappelons-en les titres :
— Le Christ, le Pape et la démocratie.
Pans, Garnier f"ères, éditeurs, 1884. Dé
cret du Saint-Office, 19 septembre 1888.
examiné les discours qui seront prononcés
dans cette séance. Elle a dû pratiquer
dans celui de M. Zola des coupures nota
bles, auxquelles l'auteur du Rêve s'est
prêté d'ailleurs de la meilleure grâce du
monde. M. de Lesseps est chargé de ré
pondre au récipiendaire.
« L'Académie désigne ensuite M. de
Lesseps comme rapporteur des prix de
vertu pour l'exercice 1889.
« Le reste de la séance est consacré & la
préparation du Dictionnaire historique de la
langue française. »
J'imagine que, dans toutes les imprime
ries de journaux, on a dû faire clicher cette
dernière phrase. Les autres varient peu,
mais celle-ci ne varie point. 11 y a vingt-
cinq ans que je la lis, pour ma part, et je
voudrais être assuré de la pouvoir lire en
core aussi longtemps qu'elle s'imprimera.
Cependant nous l'attendons toujours, ce
fameux Dictionnaire historique ,et nul indice
ne nous permet de prévoir à quelle époque
on le mettra sous presse. Sera-ce l'année
prochaine, sera ce vers 1930 ? On n'en sait
absolument rien, et M. de Lesseps lui-
même, qui sait très positivement à quelle
date il inaugurera le canal de Panama, ne
sait pas du tout à quelle époque sera don
né le bon à tirer du Dictionnaire historique.
Autrefois, l'Académie en prenait moins
à son aise. Vers la fin du dix-septième ''siè
cle, elle avait soin de faire savoir au public
à quelle lettre elle était parvenue. Vous sa
vez i'épigramme classique :
Depuis sept ans dessusTF on travaille,
Et le destin m'aurait tort obligé, .
S'il m'avait dit : Ta vivras jusqu'au G.
Chose étrange! en ce siècle du reportage,
de l'interview et du téléphone, nous som
mes moins bien informés des travaux aca
démiques que ne l'étaient nospères en 1G89.
Ils savaient, eux, qu'on en était à l'F, et ils
tablaient là-dessus pour calculer les proba
bilités.
Nous autres, nous ne savons si on en est
à l'M illustré par M. Margue ou au Z illus
tré par M. Schnerb. Notrç.. légitime curio
sité ne reçoit d'autre pâture que l'alinéa
hebdomadaire aux termes duquel nos im
mortels se sont occupés à huis clos du Dic
tionnaire historique.
Le huis clos m'étonne.
Dans un temps où tout est public, où ce
n'est pas seulement le valet de £hambre
d'Alceste qui « est mis dans la gazette »,
mais Alceste lui-même et ses affaires de
cour et ses affaires de cœur; dans un temps
où tout ce qu'ont de plus intime les secrets
de l'Etat est révélé quotidiennement à tout
être créé possédant cinq centimes pour ache
ter un journal, il est vraiment étrange que
l'Académie échappe seule aux cent yeux du
reportage et aux cent trompettes de la pu
blicité. \
Pourquoi se cache-t-elle ? Ce n'est pas
un crime, après tout, que de composer un
dictionnaire, même avec la lenteur tradi
tionnelle que l'illustre compagnie apporte
à ce travail. L'Etat, en somme, n'alloue aux
immortels qu'une rente annuelle de 1,200
francs, et il serait étrange que,pour ce prix
modique, il exigeât d'eux un travail plus
considérable que celui de nos députés à
25 francs par jour.
Mais au moins nos députés travaillent
en public. Pourquoi l'Académie ne ferait-
elle pas comme eux ? Pensez-vous qu'il se
rait moins intéressant et moins utile pour
l'instruction de la jeunesse d'entendre
M. Gaston Boissier ou M. Jules Simon
discuter quelque haute question de phi
lologie transcendante, que d'écouter Mi-
chon (de l'Aube) ou Guillot (de l'Isère)
traitant, avec l'éloquence qui les distingue
et l'autorité qui leur appartient, des rap
ports de l'Etat et de l'Eglise et de la Dé
claration de 1682 ?
Pour moi, mon choix est fait d'avance si
jamais on me donne le choix. Mais
Savez-vous une idée affreuse qui me vient ?
C'est qu'en ces conciliabules académi
ques les choses pourraient fort bien se pas
ser comme dans la consultation célèbre de
Molière, où les médecins parlent do leurs
montures, des beautés de Paris, du temps
qu'il fait, des cancans du jour, de tout en
un mot, hormis de leur malade. Il ne fau
drait plus s'étonner dès lors si l'enfantement
du Dictionnaire historique tire un peu en lon
gueur.
Voici comment je m'imagine que l'Acadé
mie travaille au Dictionnaire :
Il est trois heures.
M. Camille Doucet. — Messieurs, l'ordre
du jour appelle la préparation du Diction
naire historique. Nous en étions restés, vous
le savez, au mot agissement, qui paraît avoir
soulevé quelques difficultés.
M. Gaston Boissier. — De difficultés je
n'en sais qu'une,'mais elle est considérable :
« agissement » n'est pas français.
M. John Lemoinne. — On l'emploie pour
tant beaucoup à la Chambre... (Rires étouf
fés) et même au Sénat. (Les rires cessent.)
M. le duc de Broglie. — La caution est
bourgeoise!
Al. de Mazade. — On l'a même employé
à la Revue des Deux-Mondes, mais en
ayant soin de supprimer le t au pluriel.
Nous écrivons agissemens. C'est la tradition
de la maison.
M. Legouvé. — Toujours est-il qu'aucun
de nos bons auteurs n'a employé agissemmt,
On ne le trouve pas dans Racine.
M. d'Haussonville. — Ni dans Mme de
Staël,
M. Emile Augier. — Ni dans Labiche.
M. Ludovic Halévy, — Ni dans Henri
Meilhac.
M. Henri Meilhac. — Ni dans Ludovic
Halévy.
M. Pasteur. — Mais enfin, agissement ne
s'est pas fait tout seul. Il n'y a pas plus de
générations spontanées pour les mots que
pour les infasoires.
M. Hervé. — Je crois me rappeler qu'a-
gissement fut lancé vers 1874 par l'honora
ble M. Savary, alors sous-secrétaire d'Etat
au ministère delà justice. Le mot fit for
tune. On disait couramment alors : « les
agissements bonapartistes » comme on
dit aujourd'hui : t les menées plébisoi-
« te.ires. »
M. Legouvé. — J'aime mieux menées. Et
vous, monsieur Renan ?
M. Renan. — La chose semble pos
sible,
M. Legouvé, — Plaît-il?
M. Renan. — Il se pourrait.
M. Legouvé. — Mais encore ?
M. Renan. — Houl hou!
M. d'Haussonville. — Et qu'est-il devenu
ce pauvre Savary?
M. le duc de Broglie. — On dit qu'il en
seigne le français au Canada.
M. Mézièrts. — Eh bien,s'il leur enseigne
agissement !
M. X. Marrnier. — Le Canada produit
d'admirables fourrures. Avez-vous vu ma
pelisse en loutre? Depuis que je la porte,
je n'ai pas attrapé un rhume. C'est merveil
leux ! Vous devriez en avoir une pareille.
M. Victorien Sardou. — Moi, les pastilles
Géraudel me suffisent,
M. de Lesseps. — Mon plan est à la fois
très grandiose el très simple. A l'aide de
dragues puissantes, je détache l'Islande du
fond madréporique sur leqnel elle repose.
J'y attelle une flottille de remorqueurs, et
tout doucement je la conduis dans le Pas-
de-Calais, où je l'amarre solidement. Qu'en,
dites-vous ? •
M. I amiral Jurien de la Gravi'ère. —C'est
superbe.
M. de Lesseps. — Vous prendrez des ac
tions ?
M. I amiral Jurien de la Gravière. —*AhI
non, par exemple !
M. de Lesseps. — Vous avez tort. Un vrai
placement de père de famille. Le général
Boulanger a déjà souscrit pour 500,000 ,fr.
M. Pailleron. — A propos de Boulanger,
pour qui avez-vous voté, dimanche, mon
cher Coppée ?
M. François Coppée. — Je n'en sais tron
rien,
M. Pailleron. — Sérieusement ?
M. Coppée. — Sérieusement. Ecoutez
plutôt ce petit récit que je viens de dédier
à un « jeune littérateur » qui m'a trouvé
« l'œil calabrais. »
(Un groupe se forme autour de M. Frau-
çoisCoppée.qui récite avec un grand charma
la poésie suivante :
soir d'élection
à />. À.
Le vingt-sept janvier mii huit cent quaire -vingt-
a [neuf;
r. quatre heures.j'allais pensif sur le Pont-Neut
Où la toute, ce flot, incessamment déferle.
Ce jour-là, je portais un pantalon gris-perlé
Que j'avais retroussé, — car je suis très
n . , , v [soigneux
Depuis le temps où, gnolls encore et besoigneux,
Je grattais du papier au tond d'un ministère.—
Temps lointain ! souvenir obsédant ! Doux
r, . [mystèrel
Oomme je m oubliais à voir couler I ôs flots
Verts sous le pont superbe et gris, £eux
[camelots
M'abordèrent. Tous deux portaient sur leurs
T . . [casquettes
Un nom de candidat; et-de leurs rouflaquettes
N* 7709 — Edition" quotifiienn®
«BtfBaMpf'i ■■■T'"r" , i"ifiiiMiiirr?ffr fn t* irrrriiiiii i 1 '""
Mardi 5 Février 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
it eépabtehiwts (union postale)
Un an. , . . 55 » 66 »
Six mois. ... 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
"UN NUMERO ^ Départements. 20 —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints -PèreB
On s'abonne ï Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
paris
et départements
Un an 30 »
Six mois. ... 16 »
Trois mois. . . 8 50
étranger
(union postale)
36 »
19 »
10 »
Les abonnements partent de* 1" et te ;!a chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MSI. Ch. LAGUA à 'GE , CERF et C ie , 6, place de la Bourse
FRANCS
PARIS, i FEVRIER 1889
Où en est le remaniement ministé_
riel que rêvait M. Floquet, pour ren_
dreun peu de force à son cabinet chan
celant ? Il est assez difficile de le sa
voir, au milieu des versions contra
dictoires des journaux. Un seul fait
semble acquis : M. de la Porte, après
avoir retiré sa démission, s'en va. Il
paraît également certain que M. Flo
quet avait songé à s'associer le con
cours de M. Sigismond Lacroix, soit
comme ministre de la justice, soit
comme préfet de la Seine avec la
haute direction de la police. Nous
cherchons vainement quelle force ap
portait au président du conseil ce
Polonais mal francisé. Quant à l'en
trée de M. Rouvier dans le cabinet
comme ministre des finances, elle est
présentée par la République française,
dont la parole doit faire autorité dans
la circonstance, comme une mauvaise
plaisanterie. Ce journal et les autres
organes opportunistes sont fort durs
aux radicaux et à M. Floquet lui-même.
Par contre, les journaux, radicaux ne
sont pas tendres à M. Jules Ferry, ni
à ses doublures, MM. Waldeck-Rous-
seau et Rouvier
Q uelle singulière concentration ! Ah,
si les conservateurs pouvaient s'en
tendre 1
A la Chambre des députés, aujour
d'hui, après une proposition de M.
Faure réservant au pavillon français
la navigation entre la France et l'Al
gérie, on doit, si nous en croyons l'or
dre du jour, discuter l'interpellation de
M. Salis au sujet des retards apportés
au jugement des poursuites intentées
contre M. Gilly; seulement la Lanterne
annonce que l'interpellation n'aura
pas lieu, l'affaire venant devant la jus-
ce.On reprendrait alors le projet de loi
sur le travail des femmes et des en
fants.
Il yavait bien précédemment en tête
de l'ordre du jour une interpellation
de M. Dupuy sur les désordres d'Ori-
gny-en-Thiêrache ; mais elle a dis
paru.
On a inauguré hier en grand appa
rat la statue de Jean-Jacques Rous
seau; la République se montre recon
naissante envers l'un de ses pères.
C'est peut-être d'un bon naturel, et
nous ne nierons pas que la Révolu
tion doive beaucoup au « philosophe
genevois »; mais il nous semble que
la Franck ne doit aucune gratitude à
ce triste personnage dont l'influence a
été si néfaste.
Ne voulant pas accepter la version
officielle d'un suicide, encore bien mal
expliqué, l'opinion à Vienne cherche
toujours comment est mort l'archiduc
Rodolphe. Meurtre ou duel, telles sont
les deux hypothèses entre lesquelles
elle hésite. Les récits les plus contra
dictoires, les plus invraisemblables
aussi, circulent ei trouvent créance.
La vérité se dégagera-t-elle pleine
ment, ou la mort de l'archiduc vien-
dra-t-elle augmenter le nombre des
problèmes historiques dont l'historien
cherche vainement la solution ?
Dans ce désordre des esprits, un
fait reste, qui doit frapper, c'est l'élan
de l'opinion populaire vers l'empereur,
pour lequel se multiplient les témoi
gnages d'affection. C'est là une grande
lorce.
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 5 février 1889
PROPOS DIVERS
Chaque semaine,, les journaux publient
en vingt lignes le procès-verbal delà séance
tenue, le jeudi, par messieurs de l'Aca
démie française. Ces procès-verbaux se sui
vent et se ressemblent. Ils sont à. peu près
conçus en ces termes :
« L'Académie française a tenu hier, sa
séance hebdomadaire. Etaient présents :
MM. Halévy, directeur; d'Haussonville,
chancelier ; Camille Doucet, secrétaire per
pétuel ; de Mazade, Hervé, John Lemoinne,
Ferdinand de Lesséps, Mézières, Gaston
Boissier, Pasteur, Bertrand.
« M. de Lesseps fait hommage à l'Aca
démie de son savant mémoire intitulé :
Projet de reconstitution d'un isthme entre
Calais et Douvres. L'Académie vote des re
merciements au grand Français, qui inau
gure ainsi sa seconde manière.
« L'Académie décide ensuite (pour n'en
pas perdre l'habitude) qu'une délégation
composée de trois membres ira représen
ter à M. Floquet qu'il y va de sa gloire à
rappeler en France le donateur de Chan
tilly. Cette délégation comprend MM.
Hervé, Jules Simon et de Lesseps.
« M. le secrétaire perpétuel propose de
fixer au prochain mardi gras la réception
de M. Emile JSola. Le bureau, dit-il, a
L'émotion est grande en Irlande et
même en Angleterre à l'occasion de
l'affaire de M. O'Brien. M. Balfour a
cette fois dépassé la mesure, et si,
comme il le prétendait, la politique
conservatrice avait gagné du terrain,
elle l'a complètement reperdu et au
delà. La lutte reprend une nouvelle
vigueur de ces abus de la force, que
les Anglais, ces parleurs de liberté et
de tolérance, se permettent si volon
tiers dès qu'ils croient pouvoir le faire
avec avantage ou sans danger. Ici les
conservateurs et leurs tristes alliés, les
unionistes, se sont absolument trom
pés.
Nous donnons aujourd'hui le texte
des résolutions votées par les catho
liques du Tyrol réunis à Inspruck au
sujet de la question romaine. Leur
ferme langage fait écho à celui des
catholiques de tous les pays. N'en dé
plaise à M. Crispi, ce n'est pas une
question purement italienne que celle
dont s'occupe ainsi l'univers tout en
tier.
voir les DERNIERES NOUVELLES à la fin
Jean-Jacques Rousseau
Au temps des Pèlerinages de Suisse,
Louis Veuillot, passant par Genève,
tomba au milieu d'une féte dont la
statue du « philosophe de Genève »
était le centre. « La chose, dit-il, n'é
tait pas somptueuse », mais il y avait
foule. « Nous vîmes bon nombre de
« dames genevoises, beaucoup de
« bourgeois qui conduisaient là leurs
« enfants, faisant le tour des quin-
« quets avec de grandes jeunes per-
« sonnes au bras. J'aurais voulu con-
« naître ces pères de famille pour leur
« demander s'ils faisaient lire à leurs
« filles les œuvres de l'écrivain qu'ils
« honoraient d'une si belle statue,
« de si beaux godets et d'une si
« éloquente solennité... Mais l'allu-
« meur des lampions se gonflait d'une
« dignité et d'un sentiment de sa
« gloire qui nous firent désirer d'avoir
« son opinion sur le héros de la céré-
« monie.—Quel est ce monument? lui
« demandâmes-nous. —C'est, dit-il,
« la statue du grand Jean-Jacques
« Rousseau. — C'était donc un Gene-
« vois? — Et un fameux! — Mais
« qu'a-t-il fait? — Il a écrit contre
« ces gredins de prêtres.
« Un membre du Grand-Conseil ou
« de la vénérable compagnie des pas-
« teurs n'aurait certainement pas
« mieux répondu. Voilà tout le secret
« de ces ineptes hommages. Les
« bourgeois de Genève, les plus aris-
« tocrates des hommes et les plus
« vaniteux des gouvernants, expul-
« seraient de la ville quiconque s'a-
« viserait d'élever contre leur pou-
« voir les principes politiques de Jean-
« Jacques Rousseau ; mais pour ce
« qu'il y a dans ses ouvrages de fiel et
« d'infamies contre l'Eglise catholique,
« ils lui ont tout pardonné, la honte
« de ses mœurs,le poison de ses livres
« le scandale de sa vie. Voilà pour-
« quoi on a dressé un monument à
« cette mémoire fangeuse, pourquoi
« on lui décerne sans respect humain
« des fêtes publiques ; tristes fêtes,
« dont personne n'est dupe, dont les
« Genevois eux-mêmes n'osent pas par
te 1er sans affecter une espèce de dé-
« dain et de moquerie ; tristes fêtes,
« dont nous n'osons plus rire quand
« nous songeons qu'il est une au-
« tre vie, et que ce malheureux
« Rousseau, mort dans l'hérésie,
« sans sacrements et, selon toute ap-
« parence, sans repentir, a probable-
« ment plus à faire à la justice de
« Dieu qu'à sa clémence. Hélas ! où
« il est maintenant, quel supplice
« pour lui que toute cette misérable
« et fausse gloire, s'il est vrai qu'une
« peine est ajoutée aux peines des.
« maudits à mesure qu'une âme est
« perdue par eux... Pauvres gens de
« Genève, c'était bien la peine de bri-
« ser les saintes images, d'abolir la
« messe et le culte des saints, pour
« enseigner à votre peuple, à vos fem-
« mes, à vos filles, le culte de Jean-
« Jacques Rousseau ! »
Plus tard, vers 1860, Louis Veuillot
repasse par Genève et retrouve ce sou
venir. Il écrit dans Ça et Là :
« J'ai, je crois, déjà sifflé ce même
« Jean-Jacques sur ce même piédes-
« tal. C'est une statue bête et com-
« mune. Si je l'ai dit, pourquoi ne le
« redirais-je pas? Les gens du dix-hui-
« tième siècle me font mal au cœur.
« J'ai toujours haï leur philosophie,
« leur raillerie, leur polissonnerie.
« Rousseau surtout m'est insupporta-
« ble. C'est ma bête. Tous mes ins-
« tincts se piètent contre lui. Il me
« répugne dans ses raisonnements,
« dans ses sentiments, dans ses agré-
« ments. Ce Rousseau est l'effronterie
« incarnée, l'ingratitude incarnée,
« l'emphase incarnée. Il est sale. Il
« est de cette nature de domestiques
« qui souillent les maisons. Je n'adr
« mire rien de ce qu'il a dit, j'ai dé-
« goût de tout ce qu'il a fait. Quand
« il est dans le vrai, j'attends
« avec impatience qu'il en sorte,
« je ne le plains d'aucun de ses
« malheurs. Il a couru après toutes
« ses disgrâces, et toutes sont de légi-
« times punitions de sa bassesse ou de
« son orgueil. Le vilain être, avec son
« habit arménien, sa sonde, sa Julie,
« sa Thérèse, ses pleurs, sa pose, son
« droit de cité dans Genève, sa noire
« et méchante folie! Et qu'il est en-
« nuyeux ! et quels disciples il a faits !
« Tous les professeurs, tous les révo-
« lutionnaires, toutes : les femmes de
« lettrés émancipées raffolent de
« Rousseau. Culte, d'ailleurs, bien na-
« turel ! Rousseau a passé sa vie à re-
« nier trois choses : son Dieu, sa pa-
« trie et ses enfants. »
Tel est l'homme auquel Paris, à son
tour, érigeait hier une statue. Et,pour
que rien ne manquât au genre d'apo
théose qu'on lui voulait faire, c'est
dans le Panthéon, d'où l'on a chassé
le culte de sainte Geneviève, que se
sont réunis ceux qui se réjouissent
de voir, sur la montagne célèbre, s'é
lever son monument. Presque sur
l'emplacement de la chaire, où reten
tissaient naguères les louanges de
l'humble et sublime vierge qui délivra
Paris, des tréteaux avaient été mon
tés pour servir de tribune aux prêtres
du nouveau culte, prêtres bien dignes,
d'ailleurs, de cette répugnante idole!
Pourtant, il semble qu'à certains
moments eux-mêmes aient eu honte
du personnage qu'ils offraient ainsi
en exemple au monde. Jules Simon,
le sophiste aux souplesses ophidiennes,
si naturellement désigné pour être
le principal joueur de flûte dans
la cérémonie d'hier, lui-même a
reculé devant la glorification complè
te des hontes de son héros. N'osant
ni les flétrir ni lui en faire honneur, il
s'est demandé si la statue était érigée
à l'auteur des Confessions , de la Nou
velle Héloïse ou du Contrat social ; et,sans
se préoccuper de donner la réponse, il
s'est tiré de peine en disant que
l'hommage était rendu à l'écrivain.
Mais il ajoutait que de Rous
seau surtout l'on peut dire que
« le style c'est l'homme », et par
suite il a contresigné l'éloge des
ignominies du philosophe. C'est ce
qu'ont fait, avec plus d'impudeur en
core, les autres discoureurs associés
à M. Jules Simon pour cette vilaine
besogne. Et il faut noter de plus que
le gouvernement patronait la fête.
Dans ce temple profané, à la date où
nous sommes, ces saturnales d'esprits
en débauche sont pour faire frémir.
Sidéjà l'on peut voir tout ce qu'a opere
pour la ruine en France de la mora
lité, du patriotisme_ et de la religion,
l'influence du personnage qui a passé
sa vie à renier « son Dieu, sa patrie et
ses enfants », quelles ruines plus
grandes encore ces fêtes impies ne
nous réservent-elles pas !
Auguste Roussel.
Va-t-onremanier le ministère? On
le dit. Dans quel sens ? On ne le sait
pas encore. Dans quelle proportion,
enfin? On ne le sait pas non plus. Il
est possible que toutes les modifica
tions annoncées se réduisent au seul
remplacement de M. de la Porte, sous-
secrétaire d'Etat aux colonies, par un
député quelconque. Aucun de nos élus
ne pouvant se montrer inférieur à M.
de la Porte, ce serait toujours cela de
gagné.
Quoi qu'il en soit, un remaniement
plus sérieux, qui porterait sur trois ou
quatre membres du ministère, n'est
pas tout à fait improbable. Aurait-il
la vertu de prolonger l'existence, en
péril, du cabinet ? Nous ne le pensons
point.
Examinons rapidement la situation :
Ou, dans le simple but d'infuser au
Conseil un peu de sang nouveau, M.
Floquet, son président, se contente
rait d'y introduire, à la place de quel
ques-uns de ses collègues par trop dis
crédités, des titulaires tout neufs,
mais appartenant à la même nuance
d'opinion que les boucs émissaires
Ou, jugeant qu'il faut accentuer sa
politique dans le sens radical, il
ferait, appel à deux ou trois mem
bres de l'extrême-gauche. Ou, enfin,
estimant qu'il lui est plus avantageux
de rétrograder, il s'adresserait, pour
combler le vide, à l'Union des gau
ches. Voilà les trois hypothèses. Voilà
les trois remaniements possibles. Des
trois, en est-il un qui puisse sauver
M. Floquet?
S'il se contente de remplacer l'op
portuniste Pierre Legrand par l'op
portuniste Pierre Ricard, et le radical
Lockroy par le radical Lacroix, nous
aurons le même ministère. Et com
me c'est surtout le président du con
seil qui est atteint dans son prestige,
qui est frappé de discrédit, le cabinet
ne' se trouvera pas en meilleure
« posture ». Les sentiments hostiles
de l'Union des gauches ne seront
point adoucis. Les marques de lassi
tude que commence à donner l'ex-
trême-gauche ne feront que s'accen
tuer. Gare!
Si M. Floquet juge devoir s'avancer
encore plus vers la Montagne qu'il ne
l'a osé jusqu'à présent, que ce Robes
pierre des temps modernes se méfie
de la Plaine ! La Plaine est pusillani
me; cependant elle peut avoir ses
jours de nerfs, et alors un moment de
révolte est possible. Il s'est passé quel
que chose comme cela, en plus grand,
le 9 thermidor!... Beaucoup d'opportu
nistes qui votent à regret, par manque
de courage, pour le ministère, s'en ex
cusent (mal) sur ce prétexte, qu'après
tout, ils comptent deux ou trois des
leurs, M. Pierre Legrand, M. Deluns-
Montaud, dans ce cabinet, plus radi
cal en paroles qu'en actions. Il serait
dangereux de leur enlever jusqu'à
cette apparence de motif.
Si M. le président du conseil estime
qu'il se sauvera par l'adjonction de
trois ou quatre membres de l'Union
des gauches, il se trompe encore plus
grossièrement. L'extrême-gauche, fa
tiguée d'être ministérielle depuis dix
mois, et ne voyant toujours rien venir
de ce qu'elle attendait, ne le suit plus
qu'avec une hésitation grandissante.
C'est pour le ; coup, qu'elle l'abandon^
nerait ! Et il ne faut pas s'imaginer
qu'en échange il rallierait les voix des
quarante ferrystes, qui, sans avoir pu
entraîner jusqu'à présent leurs collè
gues du centre", votent régulièrement
contre le ministère. Ceux-là, ils veu
lent le pouvoir, tout entier, pour eux
seuls, afin de rompre absolument avec
le radicalisme, et d'appliquer, c'est du
moins leur intention, une politique
modérée qui ramènerait, pensent-ils,
au régime actuel une grande partie des
conservateurs. On trouvera plus loin
une citation de la République française
qui confirme, pleinement ce que nous
avançons. Aussi M. le président du
conseil n'obtiendrait-il pas le con
cours d'un opportuniste de marque.
Il devrait se contenter de comparses
dépourvus d'influence, ne jouissant
d'aucun crédit. La preuve, c'est que
déjà M. Rouvier refuse la succession
de M. Peytral, avant même qu'on la
lui ait offerte !
Alors?... Alors, le ministère Floquet,
bien malade, ne nous paraît plus de
voir traîner longtemps. C'est triste pour
M. Boulanger ; mais c'est ainsi.
Pierre Veuillot.
La Situation
Le Siècle , dont la lecture ne laisse
pas que d'offrir un certain intérêt par
ce temps de crise, dit ironiquement à
propos des changements que M. Flo
quet est soupçonné de vouloir appor
ter dans la composition du ministère ;
La nation n'a aujourd'hui de confiance en
personne,c'est son plus grand mal.En bloc,
elle met M. Floquet, M. Jules Ferry, M.de
Freycinet, M. Rouvier sur la même ligne,
et s'imaginer qu'elle se passionnerait pour
le départ de l'un ou l'arrivée de l'autre est
une pure aberration. Les trois quarts de3
brouillons, des haineux ou des mécontents
qui votent pour le général Boulanger sont
dans le même cas, ils n'ont pas plus de
confiance en leur idole qu'en les autres. Ca
qu'ils veulent, c'est un changement de po
litique, une orientation nouvelle, et surtout
un gouvernement.
Aussi isolé, flatté et trompé qu'on puissa
être dans un salon ministériel ou dans un
bureau de rédaction, comment peut-on donc
s'imaginer que le départ ou le maintien de
M. Ferrouillat changera un iota à la situa
tion ? Est ce que la France sait seulement
le nom de l'honorable garde des sceaux ?
Est-ce qu'elle sait s'il est radical ou oppor
tuniste, sénateur ou député ? Ce pauvre
ministre de la justice, si discret, si bienveil
lant, doit être assurément bien surpris de
se voir subitement devenir l'arbitre des
destinées gouvernementales. Il doit être
d'autant plus surpris qu'il s'est trouvé, pa
rait-il, dans ces derniers jours, avec M.
Viette, le seul ministre qui se montrât fa
vorable à une politique d'action contre le
général et ses amis. « Quelle chose bizarre
« que la vie humaine ! doit se dire cet ai-
« mable philosophe. Mes collègues m'ont
« jugé excellent tant que j'ai incliné aveo
« eux pour l'inertie ; je suis pris subite-
« ment d'un accès de, vigueur : c'est
« l'heure qu'ils choisissent pour me congé-
« dier. » i
Et si l'infortuné garde des sceaux n'y
comprend rien lui-même, comment veut-on
que le pays y comprenne quelque chose ?
D'autre part, la République française,
où M. Rouvier compte nombre d'amis,
repousse bien loin l'idée de voir en
trer M. Rouvier au ministère :
Le ministère sent si bien sa faiblesse qu'il
ne soDge à rien qu'à se fortifier par des
changements de personnes et par des trocs
de portefeuilles. Les journaux sont pleins
de nouvelles se résumant toutes en ceci :
que le couteau de Janot n'ayant plus ni
manche ni lame, on veut y mettre manche
et lame neufs, avec la prétention de ne pas
le changer. On nous a dit de la sorte que
M. Ferrouillat allait être congédié, que M.
Peytral serait prié d'aller, en son labora
toire, manigancer quelque drogue finan
cière autre que l'impôt sur le revenu.
La succession du premier aurait été of
ferte à M. Sigismond Lacroix. Mais celui-
ci, qui a affronté bravement, aujourd'hui
même, la balle de M. Laguerre, n'a pas'eu
le courage d'accepter la succession de d'A-
guesseau et s'est dérobé devant le coup de
pistolet et le : Vlan, tu l'as ! de M. Flo ¬
quet. Quant à M. Rouvier, l'idée de lui of
frir un portefeuille dans le cabinet actuel
est une bonne plaisanterie. Que si le bruit
en a couru, il n'y faut voir qu'un symptôme
de l'inquiétude ou de l'affolement oït se
trouvent plongés les Pyrrhus du cabinet
radical. On pourra, quelque temps encore,
garder le ministère actuel. Mais il ne sau
rait être ni modifié, ni raccommodé, ni for
tifié. La situation est telle que les ques
tions de personnes disparaissent. Il ne s'a
git plus, comme en des temps tranquilles,
de satisfaire — s'ils le voulaient bien —-
tel ou tel : il ne peut s'agir que d'une mo
dification sérieuse dans l'orientation de la
politique du pays.
C'est, dit-on, M. Challemel-Lacour
qui, sous la signature de X..., secoua
ainsi le ministère. '
Précédemment la République fran
çaise avait déjà dit :
Il faut rompre, sans esprit de retour,
avec les doctrines radicales;
Il faut opposer à l'anarchie, à la réac
tion et à la dictature un énergique parti
gouvernemental républicain et conserva
teur.
Combien sommes-nous, à celte heure
précise, dans le Parlement et dans la
presse, d'hommes résolus à vouloir ainsi,
avec une volonté invincible, ce programme
qui tient en deux lignes'?
Il est possible que nous ne soyons pas
cent, mais il y a longtemps aussi que l'his
toire a démontré que cent hommes réso
lus, sachant ce qu'ils veulent, décidés à. ne
reculer devant rien pour sauver la patrie
et la liberté, sont plus forts que cent mille
individus vivant au jour le jour, sans au
dace, sans énergie, flottant entre la vérité
et_ le mensonge, désirant le bien et laissant
faire le mal, incapables de reconnaître
qu'en politique, comme à la guerre, il faut
toujours procéder par l'offensive.
Ce parti nouveau, nous serons de ceux
qui consacreront toutes leurs forces à le
constituer.
Sur quoi, le Parti National , organe
de M. Ribot, ' s'écrie avec empresse
ment :
A la bonne heure ! Comme cela on finira'
par s'entendre. Le jour où des hommes de
la valeur des Jules Ferry, des Waldeck
Rousseau, des Rouvier, etc., consentiront
à tourner définitivement les talons aux cas
se-cous de l'extrême gauche, et à travailler
sincèrement à fa formation de ce grand
parti dont parle M. Reinach, la république
fera un nouveau bail avec le pays.
Ce jour-là, la République françaisé est
sûre de nous trouver aux avant-postes à
côté d'elle.
^Ce jour-là!... le Parti National en
rêvera longtemps encore avant de le
voir se lever, car le centre gauche,
même renforcé des opportunistes,
n'apparaît pas moins impuissant pour
gouverner que le radicalisme.
Nous avons publié dernièrement une
décision de la Congrégation de l'Index
condamnant plusieurs ouvrages de. M.
l'abbé Roca, chanoine honoraire, an
cien élève de l'école des Hautes-Etudes
des Carmes.
Rappelons-en les titres :
— Le Christ, le Pape et la démocratie.
Pans, Garnier f"ères, éditeurs, 1884. Dé
cret du Saint-Office, 19 septembre 1888.
examiné les discours qui seront prononcés
dans cette séance. Elle a dû pratiquer
dans celui de M. Zola des coupures nota
bles, auxquelles l'auteur du Rêve s'est
prêté d'ailleurs de la meilleure grâce du
monde. M. de Lesseps est chargé de ré
pondre au récipiendaire.
« L'Académie désigne ensuite M. de
Lesseps comme rapporteur des prix de
vertu pour l'exercice 1889.
« Le reste de la séance est consacré & la
préparation du Dictionnaire historique de la
langue française. »
J'imagine que, dans toutes les imprime
ries de journaux, on a dû faire clicher cette
dernière phrase. Les autres varient peu,
mais celle-ci ne varie point. 11 y a vingt-
cinq ans que je la lis, pour ma part, et je
voudrais être assuré de la pouvoir lire en
core aussi longtemps qu'elle s'imprimera.
Cependant nous l'attendons toujours, ce
fameux Dictionnaire historique ,et nul indice
ne nous permet de prévoir à quelle époque
on le mettra sous presse. Sera-ce l'année
prochaine, sera ce vers 1930 ? On n'en sait
absolument rien, et M. de Lesseps lui-
même, qui sait très positivement à quelle
date il inaugurera le canal de Panama, ne
sait pas du tout à quelle époque sera don
né le bon à tirer du Dictionnaire historique.
Autrefois, l'Académie en prenait moins
à son aise. Vers la fin du dix-septième ''siè
cle, elle avait soin de faire savoir au public
à quelle lettre elle était parvenue. Vous sa
vez i'épigramme classique :
Depuis sept ans dessusTF on travaille,
Et le destin m'aurait tort obligé, .
S'il m'avait dit : Ta vivras jusqu'au G.
Chose étrange! en ce siècle du reportage,
de l'interview et du téléphone, nous som
mes moins bien informés des travaux aca
démiques que ne l'étaient nospères en 1G89.
Ils savaient, eux, qu'on en était à l'F, et ils
tablaient là-dessus pour calculer les proba
bilités.
Nous autres, nous ne savons si on en est
à l'M illustré par M. Margue ou au Z illus
tré par M. Schnerb. Notrç.. légitime curio
sité ne reçoit d'autre pâture que l'alinéa
hebdomadaire aux termes duquel nos im
mortels se sont occupés à huis clos du Dic
tionnaire historique.
Le huis clos m'étonne.
Dans un temps où tout est public, où ce
n'est pas seulement le valet de £hambre
d'Alceste qui « est mis dans la gazette »,
mais Alceste lui-même et ses affaires de
cour et ses affaires de cœur; dans un temps
où tout ce qu'ont de plus intime les secrets
de l'Etat est révélé quotidiennement à tout
être créé possédant cinq centimes pour ache
ter un journal, il est vraiment étrange que
l'Académie échappe seule aux cent yeux du
reportage et aux cent trompettes de la pu
blicité. \
Pourquoi se cache-t-elle ? Ce n'est pas
un crime, après tout, que de composer un
dictionnaire, même avec la lenteur tradi
tionnelle que l'illustre compagnie apporte
à ce travail. L'Etat, en somme, n'alloue aux
immortels qu'une rente annuelle de 1,200
francs, et il serait étrange que,pour ce prix
modique, il exigeât d'eux un travail plus
considérable que celui de nos députés à
25 francs par jour.
Mais au moins nos députés travaillent
en public. Pourquoi l'Académie ne ferait-
elle pas comme eux ? Pensez-vous qu'il se
rait moins intéressant et moins utile pour
l'instruction de la jeunesse d'entendre
M. Gaston Boissier ou M. Jules Simon
discuter quelque haute question de phi
lologie transcendante, que d'écouter Mi-
chon (de l'Aube) ou Guillot (de l'Isère)
traitant, avec l'éloquence qui les distingue
et l'autorité qui leur appartient, des rap
ports de l'Etat et de l'Eglise et de la Dé
claration de 1682 ?
Pour moi, mon choix est fait d'avance si
jamais on me donne le choix. Mais
Savez-vous une idée affreuse qui me vient ?
C'est qu'en ces conciliabules académi
ques les choses pourraient fort bien se pas
ser comme dans la consultation célèbre de
Molière, où les médecins parlent do leurs
montures, des beautés de Paris, du temps
qu'il fait, des cancans du jour, de tout en
un mot, hormis de leur malade. Il ne fau
drait plus s'étonner dès lors si l'enfantement
du Dictionnaire historique tire un peu en lon
gueur.
Voici comment je m'imagine que l'Acadé
mie travaille au Dictionnaire :
Il est trois heures.
M. Camille Doucet. — Messieurs, l'ordre
du jour appelle la préparation du Diction
naire historique. Nous en étions restés, vous
le savez, au mot agissement, qui paraît avoir
soulevé quelques difficultés.
M. Gaston Boissier. — De difficultés je
n'en sais qu'une,'mais elle est considérable :
« agissement » n'est pas français.
M. John Lemoinne. — On l'emploie pour
tant beaucoup à la Chambre... (Rires étouf
fés) et même au Sénat. (Les rires cessent.)
M. le duc de Broglie. — La caution est
bourgeoise!
Al. de Mazade. — On l'a même employé
à la Revue des Deux-Mondes, mais en
ayant soin de supprimer le t au pluriel.
Nous écrivons agissemens. C'est la tradition
de la maison.
M. Legouvé. — Toujours est-il qu'aucun
de nos bons auteurs n'a employé agissemmt,
On ne le trouve pas dans Racine.
M. d'Haussonville. — Ni dans Mme de
Staël,
M. Emile Augier. — Ni dans Labiche.
M. Ludovic Halévy, — Ni dans Henri
Meilhac.
M. Henri Meilhac. — Ni dans Ludovic
Halévy.
M. Pasteur. — Mais enfin, agissement ne
s'est pas fait tout seul. Il n'y a pas plus de
générations spontanées pour les mots que
pour les infasoires.
M. Hervé. — Je crois me rappeler qu'a-
gissement fut lancé vers 1874 par l'honora
ble M. Savary, alors sous-secrétaire d'Etat
au ministère delà justice. Le mot fit for
tune. On disait couramment alors : « les
agissements bonapartistes » comme on
dit aujourd'hui : t les menées plébisoi-
« te.ires. »
M. Legouvé. — J'aime mieux menées. Et
vous, monsieur Renan ?
M. Renan. — La chose semble pos
sible,
M. Legouvé, — Plaît-il?
M. Renan. — Il se pourrait.
M. Legouvé. — Mais encore ?
M. Renan. — Houl hou!
M. d'Haussonville. — Et qu'est-il devenu
ce pauvre Savary?
M. le duc de Broglie. — On dit qu'il en
seigne le français au Canada.
M. Mézièrts. — Eh bien,s'il leur enseigne
agissement !
M. X. Marrnier. — Le Canada produit
d'admirables fourrures. Avez-vous vu ma
pelisse en loutre? Depuis que je la porte,
je n'ai pas attrapé un rhume. C'est merveil
leux ! Vous devriez en avoir une pareille.
M. Victorien Sardou. — Moi, les pastilles
Géraudel me suffisent,
M. de Lesseps. — Mon plan est à la fois
très grandiose el très simple. A l'aide de
dragues puissantes, je détache l'Islande du
fond madréporique sur leqnel elle repose.
J'y attelle une flottille de remorqueurs, et
tout doucement je la conduis dans le Pas-
de-Calais, où je l'amarre solidement. Qu'en,
dites-vous ? •
M. I amiral Jurien de la Gravi'ère. —C'est
superbe.
M. de Lesseps. — Vous prendrez des ac
tions ?
M. I amiral Jurien de la Gravière. —*AhI
non, par exemple !
M. de Lesseps. — Vous avez tort. Un vrai
placement de père de famille. Le général
Boulanger a déjà souscrit pour 500,000 ,fr.
M. Pailleron. — A propos de Boulanger,
pour qui avez-vous voté, dimanche, mon
cher Coppée ?
M. François Coppée. — Je n'en sais tron
rien,
M. Pailleron. — Sérieusement ?
M. Coppée. — Sérieusement. Ecoutez
plutôt ce petit récit que je viens de dédier
à un « jeune littérateur » qui m'a trouvé
« l'œil calabrais. »
(Un groupe se forme autour de M. Frau-
çoisCoppée.qui récite avec un grand charma
la poésie suivante :
soir d'élection
à />. À.
Le vingt-sept janvier mii huit cent quaire -vingt-
a [neuf;
r. quatre heures.j'allais pensif sur le Pont-Neut
Où la toute, ce flot, incessamment déferle.
Ce jour-là, je portais un pantalon gris-perlé
Que j'avais retroussé, — car je suis très
n . , , v [soigneux
Depuis le temps où, gnolls encore et besoigneux,
Je grattais du papier au tond d'un ministère.—
Temps lointain ! souvenir obsédant ! Doux
r, . [mystèrel
Oomme je m oubliais à voir couler I ôs flots
Verts sous le pont superbe et gris, £eux
[camelots
M'abordèrent. Tous deux portaient sur leurs
T . . [casquettes
Un nom de candidat; et-de leurs rouflaquettes
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