Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-02-02
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 février 1889 02 février 1889
Description : 1889/02/02 (Numéro 7706). 1889/02/02 (Numéro 7706).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 2 Février 1889
N* 770(3 «a Editîon'qaotïdienna
Samedi 2 Février 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. , , .
Six mois. . .
Trois mois. .
PARIS
ET DÈTAKTEMENT3
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. 23 50
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ETRANGER
(union postale)
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UN NUMÉRO { ggartements! 20 T'"
BUREAUX: Paris, 10, rue des Saints-Pères
Un an. . .
Six mois. . .
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On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C i0 , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 1" FEVRIER 1889
Quel triomphateur que M. Floquet!
On croyait bien que l'élection du 27
janvier allait amener sa chute : on se
trompait. Le voilà maintenu par un
vote de la majorité républicaine.
La discussion de l'interpellation de
M. de Jouvencel a été chaude et agré
mentée de rappels à l'ordre. Ont pris
notamment la parole : MM. Floquet,
Paul de Cassagnac, Hubbard, Madier
de Montjau, Laguerre, Clémenceau,
Cavaignac et Frédéric Passy ; l'ordre
du jour pur et simple a été écarté, et
un ordre du jour de confiance de MM.
Montaut et Boissy d'Anglas voté à
53 voix de majorité.
Donc M. Floquet triomphe, mais
pour combien de temps? Il nous sem
ble que sa majorité diminue:
^ Au Sénat, on continue à tenir des
séances sans intérêt ; il y a, du reste,
autant et plus de sénateurs au Palais-
Bourbon qu'au Luxembourg.Hier on a
voté d'urgence le projet de conversion
de la Dette tunisienne, et en première
lecture le projet de loi supprimant
les livrets d'ouvriers, qui revenait mo
difié de la Chambre des députés.
La lumière ne se fait pas complète
sur la mort inattendue de l'archiduc
Rodolphe, qui reste mystérieuse. Si la
version officielle dit qu'il a succombé
à une attaque d'apoplexie cardiaque,
on persiste à croire à Vienne soit à un
suicide, soit même à un assassinat.
On trouvera des détails à ce sujet plus
loin.
Quelle que soit du reste la mort du
prince, l'émotion n'est pas moins
grande à l'étranger qu'en Autriche.
On annonce que M. Grispi va ren
contrer une vive opposition pour ses
plans financiers; nombre de députés
se refusent à accepter les nouveaux
impôts sur lesquels compte l'homme
d'Etat italienj non pas pour équilibrer
son budget, c'est là une œuvre impos
sible, mais pour faire face aux besoins
du moment. M.Magliani, dont la com
pétence financière était connue, n'a
pas réussi à faire accepter ses plans ;
on se demande si son successeur, qui
n'a pas son autorité, sera plus heu
reux.
La question des îles Samoa préoc
cupe l'opinion aux Etats-Unis,où l'on
n'accepte pas les procédés trop som
maires des Allemands. Les républicains
se montrent tout aussi peu disposés
que les démocrates, dont à Berlin on
avait escompté la chute, à tolérer que
le drapeau allemand flotte sur ces îles.
Jusqu ici, la politique coloniale ne
parait pas réussir pleinement à M. de
Bismarck.
Cinquante-trois voix de majorité
pour renforcer la république dite par
lementaire, menacée de toutes parts
dans le pays, c'est l'équivalent d'un
échec. Hier encore, pendant une inter
minable et furieuse séance, on a vu ce
régime s'enfoncer de plusieurs degrés
dans le mépris public qui déjà le re
couvre. Rien ne peut décrire exacte
ment cette manifestation et cependant
il faut essayer de la raconter.
D'abord on a renvoyé à lundi une
interpellation de M. Salisbury sur les
lenteurs singulières de la justice à
poursuivre l'affaire Numa Gilly.
Puis l'interpellation de M. dé Jou
vencel « sur les mesures à prendre
« pour faire respecter les pouvoirs pu-
« blics », déposée depuis plus d'un
mois et retardée de nouveau à la veille
de l'élection du général Boulanger, a
été abordée.
L'auteur a prononcé ou plutôt lu
péniblement un long et fastidieux dis
cours presque constamment interrom
pu par les exclamations de la moitié
a© la Chambre et couvert par un
brouhaba continuel. Il s'est perdu
dans des appréciations banales des
menées boulangistes et dans des dis-
sertationsquiavaient des prétentions à
la philosophie. La liberté peut-elle se
nuire à elle-même, et alors comment la
protéger contre ses écarts ? Où finit-elle
et où commence la licence? Que peut-
on espérer d'un gouvernement qui
se trouve menacé par son propre prin
cipe ? M. de Jouvencel a discouru mi
sérablement sur ces sujets complexes,
brouillant la pratique avec la théorie,
lâchant l'une, lâchant l'autre, passant
des lamentations désespérées aux ad
jurations vaines. Il a fort injurié les
conservateurs et les boulangistes; il
a accusé les adversaires de la Républi
que d'exposer la France à succomber
devant les nations européennes; ce qui
lui a valu de vigoureuses ripostes de
la part de M. de Baudry d'Asson. Tout
le développement de cette interoella-
tion n'est qu'un immense fatras, pi
teux et nul. L'ennui et l'agacement
que témoignait la Chambre tout en
tière, a pu faire croire que le débat
allait se terminer après la réponse de
M. Floquet et que le gouvernement,
attaqué d'une manière ridicule, triom
pherait sans peine. Mais les incidents,
toujours possibles, ont surgi; la ba
taille est devenue enragée. Pendant
six heures, les vociférations n'ont pas
cessé.
M. Floquet a débuté en présentant
le projet qui avait été annoncé et qui
a pour but de rétablir le scrutin
d'arrondissement. M. Cunéo d'Ornano
a voulu prendre immédiatement la
parole ; le président s'y est opposé. A
partirde ce moment le tumulte était
déchaîné, et il est allé en s'exaspérant.
M. Floquet, furieux d'être interrompu
a quitté la tribune; M. Cunéo d'Ornano
et M. Gellibert des Seguins ont vaine
ment tenté d'y arriver, ce dernier
pour déposer une demande de dissolu
tion. A la prière du président, le chef
du ministère a repris la parole. M. Flo
quet, très ému, dépouillé de sa ma
jesté de pacotille, la voix faible et trem
blante, s'est engagé dans de pénibles
explications. Après un appel à la con
corde, il a fait retentir une excitation
au combat. Distinguant lui aussi et
avec autant de clarté que l'interpella-
teur, entre la liberté et la licence, il a
déclaré que la répression des abus
de la propagande est nécessaire et
dans ce bnt il a annoncé un pro
jet de loi réprimant ce qu'il ap
pelle les entreprises contre la sû
reté de l'Etat. Toujours préoccupé
de produire de l'effet, le jacobin-
Pruahomme a invectivé les boulan
gistes, leur reprochant d'avoir abaissé
la politique au niveau d'une opéra
tion commerciale ; il s'est plu à reve
nir sur cette formule et il a parlé à
plusieurs reprises de la propagande
salariée ; il a eu son succès. Mais une
heure après il l'a payé cher. Enfin,
M. Floquet a manifesté l'intention de
restreindre la liberté du colportage et
de l'affichage ; il s'est efforcé de justi
fier, aux yeux des opportunistes, le
projet de revision et a offert aux mé
contents son tablier ministériel. Tout
cela au milieu des applaudissements
furibonds de la gauche et des excla
mations railleuses de la droite.
M. de Cassagnac a longuement et
terriblement secoué les tristes pala
dins de la république. Il a constaté
leur hypocrite reniement de leurs prin
cipes et a plaisanté agréablement les
ladres souscripteurs, qui ont feint de
se dépouiller pour le « pauvre Jac
ques ». M. Périllier s'étant misa in
terrompre, l'orateur lui a parlé de
certaine suspension encourue par un
avocat de ce nom. M. de Cassagnac a
rappelé ensuite les déclarations faites
par les patrons de la candidature offi
cielle : ce sont eux qui ont donné à
la lutte électorale l'importance d'une
bataille décisive ; ce sont eux qui ont
mis en cause l'existence de la répu
blique. Qu'ils acceptent le verdict avec
la signification formelle qu'ils y ont
d'avance attachée. La majorité répu
blicaine s'est rendue incapable d'ac
complir la revision. «Allons-nous en » a
conclu M. de Cassagnac; ce qui voulait
dire...«allez vous-en.» Tant mieux si la
concentration des républicains est ^
faite ; la France pourra se débarrasser
d'eux d'un seul coup ! En terminant,
il s'est donné le plaisir « d'imposer »
sa confiance au ministère qu'il juge le
plus capable de favoriser le réveil des
conservateurs et des monarchistes ; et
il a provoqué une explosion d'hilarité
en montrant les républicains réduits
à placer leur espoir suprême dans ce
Sénat qu'ils se sont plu à désarmer
et à rabaisser. On avait tant crié ; qu'il
a fallu suspendre la séance pendant
un quart-d'heure pour reprendre des
forces.
Vers la fin du discours de M. de Cas
sagnac, un incident s'est produit, qui
a bien tristement impressionné l'As
semblée. M. de Baudry-d'Asson s'est
trouvé pris d'une syncope. On a porté
au dehors l'honorable député, qui,
heureusement, a bientôt reparu de
bout et toujours vaillant.
A la reprise, le magnifique et as
sommant Hubbard (Gustave-Adolphe)
a conduit l'attaque des ferrystes. Il a
fulminé contre la « bande » des cons
pirateurs, et a répété les paroles de M.
Floquet au sujet de l'argent des bou
langistes. Il a pressé le gouvernement
•de prendre des mesures promptes et
énergiques et non de s'engager dans
un débat sur la révision. On pouvait
croire qu'il allait s'offrir à emprison
ner et à fusiller le général Boulanger.
M. Gustave-Adolphe a provoqué, de
divers côtés, de véritables huées en
exprimant son opinion à l'égard
des ministres actuels; il a jugé à
propos de dire qu'il avait soutenu
M. Floquet jusqu'à se réjouir de
l'heureuse issue d'une rencontre
sur un autre terrain (le duel avec
le général Boulanger). Ce compli
ment insensé a exaspéré M. Flo
quet, qui était déjà profondément
crispé. Pour comble, le même Gustave-
Adolphe a dénoncé M. de Freycinet
comme suspect de tendances boulan
gistes. Le ministère et la gauche se
sont exclamés. Gustave-Adolphe s'en
est allé, ayant réussi à se rendre en
core plus ridicule qu'auparavant. Il
devait en avoir fait le pari.
Nouveau discours de M. Floquet,
pour justifier la politique ministérielle
et pour offrir — ironiquement — de
céder la place à M. Hubbard.
Ensuite l'inévitable Madier-Montjau,
de plus en plus sourd et tonitruant. Il
a poussé des cris féroces pour expri
mer des idées du même genre. Pas
sons sur cette exhibition d'une répu
gnante vanité sénile ; mais notons que
M. Cunéo d'Ornano ayant fait allusion
à l'acquittement de M. Wilson, s'est
attiré la peine — honorable — de la
censure.
Le boulangisme, dont on avait tant
parlé, a parlé lui-même par la bouche
de M. Laguerre. Si antipathique que
soit le personnage, il faut reconnaître
que son discours, très habile et d'ail
leurs presque tout à fait vrai, a causé
une impression protonde. Sans se lais
ser troubler un instant par les hurle
ments de ses anciens amis, sans sortir
de la modération,le jeune politicien a,
malgré sa voix faible, contraint la ma
jorité à entendre la théorie et l'histori
que de ce mouvement dirigé contre la
république actuelle. Il n'a pas dissi
mulé que, le- 27 janvier, beaucoup de
conservateurs ont voté pour « le gé
néral ». Sont-ils vraiment si royalistes
ou si bonapartistes qu'on le dit? Ils
sont surtout partisans d'un régime
paisible et honnête. De même pour les
républicains qui à Montmartre,comme
à Belleville et à Charonne, ont donné
leurs yoix à-l'adversaire du gouverne
ment. M. Laguerre a rappelé que M.
Floquet ne dédaignait pas autrefois les
suffrages des réactionnaires pour deve
nir présidentdela Chambre. A deux en
droits de ce discours, les ministres ont
été atteints jusqu'au fond et ont lais
sé voir leurs angoisses. M. Laguerre a
rappelé l'ancienne amour de M. Flo
quet pour la liberté archi-absolue en
toutes choses, pour la liberté à tout
prix, dans n'importe quelles condi
tions, pour n'importe quoi : et nous
en sommes à la répression de la pro
pagande, de la presse et du colporta
ge. Poursuivi par la clameur « d'où
vient l'argent ?» M. Laguerre a nié
que d'autres que des Français aient
souscrit pour le « général » et il
a dit que les cotisations d'amis
intimes se sont peu à peu, et sous
l'influence du mécontentement cau
sé par la politique opportuno-radi-
cale, transformées en des versements
énormes alimentés par des citoyens
de toutes catégories. Parmi les sous
cripteurs, il y a beaucoup de fonction
naires ! M. Floquet s'est pâmé de rage 1
Quant à l'importance du vote de Paris,
M. Laguerre a conseillé à, M. Floquet
de se souvenir de l'enthousiasme avec
lequel jadis on vantait l'intelligence
de la capitale « Qui n'a pas Paris n'a
rien », disait alors M. Floquet. Eh
bien ! nous avons Paris et nous aurons
bientôt toute la France, s'est écrié
M. Laguerre; et il a conclu en som
mant la Chambre de se dissoudre
pour se conformer à la volonté du
pays:;:
M: Clémenceau, muet depuis long
temps, est intervenu. Il a prononcé
un discours qui a navré ses derniers
amis. Est-il resté muet trop long
temps ?■ esHl vidé ? Ce qui est sûr,
c'est qu'il n'aurait rien pu faire de
plus significatif s'il avait voulu mon
trer que la destinée l'a traité suivant
son mérite en l'empêchant d'arriver à;
quoi que ce soit. Il a dit : nous avons
été battus, nous sommes battus, le;
ministère est battu, la république est;
battus et il est très probable que tout:
cela, et nous avec, va être battu dans!
toute la France." La gauche était aba
sourdie ; mais M. Clémenceau ne pou
vait se_ lasser de proclamer la défaite.
Et le remède ? M- Clémenceau ne le
connaît pas. Voilà ! L'éminent docteur ;
ne comprend plus rien à ce qui se
passe ; il ne compte pas sur les moyens
de répression et il distingue seule- 1
ment que le boulangisme représente
une organisation « religieuse » une
sorte de « mossianiemo » ot quo M.
Boulanger c'est... « le Messie ». Et
alors? Ce discours idiot s'arrête là.
Encore un prestige usurpé qui est
anéanti.
On n'en pouvait plus . Il fallait en
finir. MM. Cavaignac, Passy, Casimir-
Perier d'un côté, M. Ferroul de l'au
tre, ont déclaré, pour des raisons dif
férentes, refuser leur confiance au mi
nistère.
; Le gouvernement s'est rallié à l'or
dre du jour déposé par MM. Montaut
et Boissy-d'Anglas et conçu en ces
termes : « La Chambre confiante dans
le gouvernement, passe à l'ordre du
jourl »
Par 289 voix contre 236, cette for
mule vague a été adoptée.
Les témoins de cette séance histo
rique se sont séparés vers neuf heu
res, assourdis, épuisés, mais assurés
que'la république dite parlementaire
est blessée à mort.
Eugène Tavernier.
En dehors de l'ordre du jour de M.
de Jouvencel, la Chambre se trouvait
en présence de trois ordres du jour.
Le premier, de MM. Montaut et
Boissy d'Anglas, qui a été voté, est
ainsi conçu :
La Chambre, confiante dans la fermeté
da gouvernement, passe à l'ordre du jour.
Le second, de M. Laguerre et de ses
amis, dont voici le texte :
La Chambre, réprouvant anssi bien les
traditions dictatoriales des régimes passés
que l'imitation que voulait en faire au
jourd'hui le gouvernement, passe à l'ordre
du jour.
Le troisième, enfin de M. Hubbard
La Chambre, considérant que le gouver
nement doit prendre des mesures spéciales
pour arrêter les menées factieuses, passe à
l'ordre du jour.
Sur la séance d'hier, il est bon d'en
tendre le Siècle , organe cher à M. Car-
not. Nous y lisons:
Le ministère a obtenu de la Chambre
une prolongation de bail. Pour combien de
jours ? II n'en sait rien et la Chambre pas
davantage. La prolongation a eu lieu sans
conditions, sans explications, presque à
l'aveuglette.
M. Floquet, il faut lui rendre cette jus
tice, a surpris par sa modestie et son hu
milité. On l'aurait pris pour un simple op
portuniste. Il ne s'est point défendu. Il s'est
offert et sacrifice. La majorité ne le re
connaissait plus et avait presque envie de
laisser le pénitent à ses regrets. Mais
MM. Paul de Cassagnac et Clémenceau
sont venus faire observer que la grandeur
d'âme consistait à ne pas abandonner les
malheureux. Devant le témoignage de ces
deux hautes intelligences politiques, la
Chambre ne pouvait que s'incliner. C'est
ce qu'elle a fait. Par 300 voix, elle a déclaré
que, n'ayant rien tenté pour arrêter les
progrès du boulangisme et ayant même
réussi à les accélérer, le ministère avait
montré une fermeté sans pareille, qui lui
inspirait la plus grande confiance.
•> Comme cette séance, où l'on a parlé cinq
heures durant pour ne rien dire ou se ré
pandre. en menaces vaines et ridicules, nous
inspire beaucoup plus de tristesse que de
goût pour l'ironie, il nous faut expliquer
les pensées de derrière la tête auxquelles
la Chambre a obéi. Sur le véritable senti
ment de la majorité républicaine, il n'y a
pas de doute possible. Pendant trois jours,
et même quelques minutes avant l'entrée
en séance, la plupart des députés de gau
che étaient d'accord pour déclarer que le
cabinet avait montré. une faiblesse sans
bornes, qu'il avait en|lui-même des causes
d'impuissance qui paralysaient ses meilleu
res intentions, que son personnel était à
moitié dans les mains de l'ennemi et qa'il
n'y avait pas plus à espérer de lui dan3
l'avenir que dans le passé.
Mais si, à l'exception de quelques amis
personnels, le ministère était condamné à
peu près par tous les partis, ceux-ci n'a
vaient pas réussi à s'entendre sur le partage
de la succession. Chacun demandait quelle
part lui serait faite. Et chacun,se défiant du
voisin, refusait d'énoncer ses prétentions.
Ce patriotique désintéressement ne pouvait
manquer de porter ses fruits. Les députés
radicaux, tenant la couverture, ont juste
ment pensé qu'il serait souverainement im
prudent de la lâcher, aussi maigre et aussi
peu protectrice qu'elle fût.Les républicains
du gouvernement, avec leur cohésion habi
tuelle, se sont divisés; les uns ne voulant
pas prendre l'initiative d'une modification
ministérielle, les autres assez résolus pour
en proclamer l'impérieuse nécessité, mais
non pour l'expliquer avec l'ampleur et la
hauteur de vues que cette tâche exigeait.
Seul, un jeune homme, M. Hubbard, a
indiqué, avec plus de courage que d'auto
rité, la possibilité et le devoir d'enrayer le
bonlangisme par une ferme application des
lois existantes et sans recourir à aucune
mesure exceptionnelle. Seul, il a eu la fran
chise de dire tout haut ce que tout le mon
de dit tout bas, c'est-à-dire que dans le
ministère même il y a des hommes qui ne
s'effrayent point du césarisme et qui décon
seillent une action rigoureuse contre lui.
Seul, il a eu le bon sens de demander si
c'était avec des projets comme la revision
et l'impôt sur le revenu que le ministère;
pouvait maintenir l'union avec les répu
blicains et défendre nos institutions mena
cées.
Si ce discours avait été prononcé par un
parlementaire exercé, autorisé, par un de
ceux auxquels il appartenait de le pronon
cer, M. Floquet ne pouvait répondre victo
rieusement à ses parties essentielles. Il
ne l'a même pas essayé, et s'est borné à
riposter par une plaisanterie d'un goût dou
teux. ,
En somme, beaucoup de bruit, peu de
besogne .et un. peu plus de discrédi t qu'au
paravant Dour tons, voilà le bilan de cette
triste journée.
Le ministère a gagné quelques jours,
quelques semaines peut-être, mais il a
compromis gravement le seul résultat qui
semblait pouvoir consoler de l'élection de
dimanche : l'union de tous les républicains
pour agir énergiquement contre le césaris
me et ensevelir dans cette unique préoccu
pation toutes les questions de personnes et
tous les programmes de groupes.
Afin qu'on ne se méprenne pas sur
le fond des pensées qu'il exprime de
la sorte, le Siècle a intitulé son arti
cle : «-La journée des dupes. » Et il
nous semble que les « dupes », ce sont
bien les républicains.
On ne tardera pas, du reste, à le
voir encore plus clairement.
La remarquable page écrite récem
ment par Mgr d'Hulstsur la si grave et
très délicate question de l'action des
hommes du jour dans les nominations
épiscopales, a fait dire que de telles
préoccupations n'auraient point de
raison d'être sous un autre gouverne
ment, et surtout avec d'autres gou
vernants. Cela n'est pas juste. On va
voir, en effet, comment le grand évê-
qùe de Poitiers, Mgr Pie, traitait le
même sujet, en janvier 1861, au milieu
du règne de Napoléon III, alors que
ce prince, trahissant ses devoirs en
vers la France, envers l'Eglise, et se
trahissant lui-même, devenait l'hom
me de l'Italie unitaire.
Voici donc ce que disait Mgr Pie
dans l'oraison funèbre de Mgr Masso-
nais, mort évêque de Périgueux,et l'un
des prélats qui ont le mieux travaillé
pour l'Eglise et furent le plus dévoués
au Saint-Siège.
E.V.
... Malheur, s'écriait un jour devant moi
le prélat dont je célèbre l'éloge, malheur à
celui qui s'obstinerait à franchir les mar
ches d'un trône épiscopal, alors qu'il verrait
se produire autourde lui.les sinistres appré
hensions du peuple, le désaveu des bons
prêtres, les répugnances ou seulement les
froideurs de l'épiscopat, les réclamations ou
seulement les hésitations du Siège aposto
lique! Grand Dieu! Là où éclate un concert
universeld'applaudissements.unchœur una
nime d'encouragements, les âmes délicates
tremblent encore d'avancer! Et là où il n'y a
d'adhésion que celle des ennemis de la re
ligion qui chantent victoire, et qui se per
suadent, à tort ou à raison, que c'est dé
sormais un parti pris d'abaisser le
corps des pontifes, quand on ne pourra
pas le diviser ou le pervertir ; là où il n'y
a d'assentiment que celui des ambitieux
qui se flattent de voir naître ou revivre leur
candidature longtemps répudiée; là, dis-je,
et dans de telles conditions, il se trou
verait des âmes -capables d'affronter un
fardeau redoutable aux épaules mêmes
des anges!... Pontife qui m'entendez
du fond de votre tombe, n'est-il pas
vrai que cette seule possibilité vous
faisait frémir,et que vos lèvres ont stigma
tisé devant nous,par des paroles brûlantes,
une audace si inexplicable et si. criminelle?
Et j'ajouterai encore avec vous : Malheur
aux pouvoirs humains qui retourneraient
ainsi contre l'Eglise la plus haute , marque
de confiance dont l'Eglise ait jamais pu ; in
vestir les princes chrétiens ! On a vu, dans
le passé, des gouvernements aveugles s'en
gager dans cette voie d'iniquité ; ç'a été le
symptôme le plus décisif de leur prochaine
ruine.
{Œuvres de Mgr Pie, septième édition,
tome IV, p. 116.)
Suspension de traitement
C'est aujourd'hui que le conseil d'E
tat a statué, en cette affaire, sur les
réclamations de MM. les abbés Sailhol
et Glèna.
A l'heure où nous mettons soùs
presse, nous ignorons encore la déci
sion du conseil en ce qui concerne le
recours de M. l'abbé Glèna. Mais nous
savons que le recours de M. l'abbé
Sailhol, curé de Villefranche-de-Bel-
vès (Dordogne) a été rejeté.
Or le droit des appelants était si
manifeste que lé commissaire du gou
vernement lui-même avait conclu à
l'adoption de leur recours.
On peut juger par là de l'esprit sec
taire qui anime la majorité des con
seillers d'Etat.
L 'Osservatore Romano annonce offi
ciellement le consistoire secret qui
aura lieu le 11 février, ainsi que le
consistoire public du 14 pour la remise
du chapeau à MgrDusmet, Mgr d'An-
nibale et Mgr Macchi.
L' Osservatore Romano annonce, en
outre, qu'un service solennel pour
l'âme du Pape Pie IX sera célébré le
7 février. >
La messe sera célébrée par S. Em.
le cardinal de Hohenlohe.
L'absoute sera donnée par Sa Sain
teté.
UAgen.ce Havas communique aux
journaux la dépêche suivante, qui a
été expédiée de Souakim . au Stan
dard :
Le navire italien Cacidi qui vient d'arri
ver ici, venant du sud, apporte des détails
circonstanciés sur les mouvements de la
mission russe AtchinofT embarquée sur
YAmphilrite.
Il paraît qu'aussitôt que ce bâtiment du
Lloyd autrichien eut quitté Souakim, la
mission dédaigna de dissimuler plus long
temps son vrai caractère, et moines et pay
sans parurent sur le pont en uniforme mi
litaire.
pitaine
barino (l'aviso italien qui l'avait suivi jus
que-là) au cas où il s'approcherait trop.
Atchinoff déclara qu'il agissait confor
mément aux instructions de son gouver
nement. ;
Passant devant Obock, YAmphitrite
échangea des signaux avec la terre et con
tinua sa route sur Tadjourah où ses passa
gers débarquèrent avec 60 tonnes de maté
riel de guerre et quatre canons. Tous les
Cosaques étaient en uniforme.
La canonnière française Météore assistait
au débarquement. L'expédition fut reçue
par le sultan de Tadjourah, qui est sous la/
protection de la France.
Atchinoff gagne l'Abyssinie en passant
par les Etats d'Amphila, sultan d'Àoussa,
lequel est allié de l'Italie et à qui il a as
suré qu'il ne venait pas combattre les Ita
liens. Atchinoff a également annoncé qu'un
autre corps de 300 cosaques arriverait dans
une quinzaine de jours.
L'Agence Havas déclare qu'elle re
produit cette dépêche, mais qu'elle la
sait « inexacte de tous points. »
Plusieurs journaux anglais et alle
mands, notamment le Times de Lon
dres dont le correspondant viennois
est notoirement juif, parlent de la li
gne successorale de la maison de
Habsbourg-Lorraine. Le correspon
dant viennois du Times assure que
Mgr l'archiduc François, fils aîné de
l'archiduc Charles-Louis, héritier pré
somptif du trône, aurait renoncé à
tous ses droits de succession, au mo
ment d'accepter l'héritage que lui
avait légué feu Mgr le duc de Modène.
L'empressement satisfait aveclequel
une certaine presse affirme cette pré
tendue renonciation d'un priuce connu
pour ses sentiments catholiques et
vraiment autrichiens, n'annonce-t-il
pas l'ouverture d'une campagne contre
l'archiduc François de la part de _ la
franc -maçonnerie et de lajuiverie in
ternationales?
Quant au fond de la question, il va
sans dire que le jeune archiduc n'a
signé aucun acte de renonciation à
quoi que ce soit.
La mort de l'archiduc Rodolphe
Berlin, 31 janvier.
Le Reichsanzeiger (moniteur officiel de l'Em
pire) publie en tête de ses colonnes la note
suivante : . _ .
« Sa . Majesté l'empereur et roi a ressenti; nue
douloureuse émotion à la nouvelle qui lui est
parvenue, hier, de la mort subite au prince
îéritier Rodolphe d'Autriche. _ _
« Sa Majesté perd en lui un ami pour lequel
elle professait la plus vive amitié. . (
« La douleur de l'empereur et de la famillS
impériale et royale sera partagée par le peupla
allemand tout entier, en face du cercueil da
; eune prince sur. lequel on fondait de si gran
des espérances, et qui, par ses vues si nettes et
si étendues, les nombreux dons de l'esprit et
les nobles qualités du cœur, promettait d être
un jour pour ses peuples un grand souverain,
uste et doux, et de rester un allié fidèle pour
.'empire d'Allemagne, »
Vienne, 31 janvier.
Le château impérial est toujours le but du pè
lerinage de la population. Les groupes
mentent le triste événement et les déi-aus
donnés par les avis officiels. Chacun émet tfoii
opinion.
A la Chambre, les députés discutent avec ani
mation, dans les couloirs; les conséquences po
litiques de l'événement. ■■■•
Au.Burg, on travaille au milieu de la tristessa
générale au règlement des funérailles.
Ls prince de Hohenlohe, grand-maître de la
cour, a passé la nuit à préparer les instruc
tions pour la durée du deuil et pour la date des
funérailles, sur lesquelles l'empereur doit sa
prononcer.
Sa Majesté est touiours dans un état de pros
tration complète. Elle a dû cependant donner
des signatures cette après-midi. .
Ce matin, à huit heures, François-Joseph s'est
rendu à la gare de l'Ouest pour recevoir sa fille,,
la princesse Gisèlede Bavière. La princesse s'est
; etée dans les bras de son père en plenrant^ et
sa Majesté, très émue, les traits tirés, n'a pu
retenir ses larmes.
On croit que l'embaumement aura lieu ca
soir à dix heures. Immédiatement après, la
corps sera transporté dans la chapelle du châ-
teçu.
Demain aura lieu la bénédiction du corps
faite par Mgr Mayer, chapelain ; cérémonie à.
laquelle assisteront seulement la famille impé
riale et les dignitaires de la cour. Puis le corps
sera exposé dans la petite nef de la chapelle, où
le public sera alors admis.
On pense que l'exposition du corps durera
jusqu'à mardi, jour probable des funérailles. Ea
ce moment, on fait des préparatifs dans l'inté
rieur de la chapelle, où l'on, met en place des
tentures noires et les armes du prince. Le cer
cueil reposera sur un tapis de brocart. A côté,
on placera le chapeau de l'archiduc, ses insignes
de général et son épée. Des gardes du corps et
des prêtres veilleront le corps.
La princesse Stéphanie a déposé la premiers
couronne composée des fleurs préférées du
prince, des roses blanches et des œillets.
La petite princesse Elisabeth a également dé
posé une couronne.
A Meyerling, des gendarmes et des agents de
police gardent les portes du château. Personne
ne peut y pénétrer.
Les membres du conseil municipal de Vien
ne, qui .se sont réunis ce matin a dix heures,
étaient vêtus de noir. ,
Le bourgmestre, M. Uhl. a prononcé une al
locution, quo les conseillers municipaux ont
écoutée debout. Il a fait ressortir les hautes
qualités intellectuelles de l'archiduc défunt, son
vif amour pour l'art et la sciencs et son éduca
tion approfondie, étendue et exempte de préju
gés.
Il a demandé à Dieu d'accorder ses consola
tions à l'empereur, à l'impératrice et à la veuve
du prince impérial, et a prononcé, en terminant,
les paroles suivantes :
« Son image ne sera jamais effacée de notre
cœur, car nous savons comment il aimait sa
ville de Vienne et ce que nous perdons en lui.
« Que Dieu protège notre empereur!
« Que Dieu protège l'Autriche !»
La séance a été ensuite levée.
L'archiduc Ferdinand Salvator, grand-duc da
Toscane, est arrivé ici,venant de Salzbourg.
VienT!». lanvier.
Dès les premières heures de la matinée, on a
commencé les travaux, pour l'érection du cata
falque sous la direction du capitaine de Giesl,
aide de camp de l'archiduc défunt.
L'empereur et l'impératrice se sont rendus le
matin dans la chambre à coucher du prince
impérial, transformée en chambre mortuaire,
où ils ont prié tout bas.
Les archiducs Albrecht, Guillaume et Rénier
et l'archiduchesse Elisabeth sont allés plus tard
chea la princesse impériale; ils se sont rendus
ensuite dans la chambre mortuaire, qui est at
tenante aux appartements de l'archiduchesse
Stéphanie.
L'autopsie du corps aura lieu aujourd'hui.
D'après un bruit qui n'est pas encore confir
mé,' les obsèques auraient lieu mercredi ; mais
on n'a pas encore pris de dispositions définitives
à ce sujet.
Toutes les réunions des groupes de la Cham
bre des députés qui devaient avoir lieu aujour
d'hui ont été ajournées à demain.
Vienne, 31 januier;
Une foule immense se porte vers la Hofburg.
Les assistants considèrent avec émotion les fe
nêtres des appartements du prince impérial et
se retirent en silence.
D'après le Neues Tagblatt, l'empereur aurait
passé la nuit dans ses appartements sans pou
voir dormir.
La princesse impériale a déposé sur le cer
cueil la première couronne ; la princesse Elisa
beth, la jeune enfant du prince impérial, a dé
posé sur le cercueil un ° couronne de roses
mousseuses blanches avec un ruban blanc.
Les ambassadeurs et les ministres se sont
réunis cette après-midi chez le grand-maître de
la maison de l'empereur pour lui transmettre
les condoléances des souverains.
Rome, 3i janvier.
Le bal qui devait avoir lieu à la cour demain
soir a été contremandé à la suite de la mort da
l'archiduc Rodolphe.
Aujourd'hui, le cardinal Rampolla a présenté,
au nom du Pape, ses condoléances au comte
Itovcrtera.
Un service solennel sera célébré le jour des
funérailles.
Londres, 1 er février.
Par suite du désir exprimé par l'empereur
François -Joseph que les funérailles aient un ca
ractère privé, le prince de Galles a renoncé à
son vovage à Vienne.
Un service funèbre aura lieu à la chapelle au
trichienne, à la même heure que le service cé
lébré à Vienne. Les membres de la famille
royale, le corps diplomatique et les ministres y
assisteront probablement.
Parmi les visiteurs qui se sont présentés au
jourd'hui à l'ambassade d'Autriche, on a re
marqué l'impératrice Eugénie, qui a exprimé
ses vifs sentimnts de condoléance.
Bruxelles, 31 janvier.
Le roi et la reine partent ce soir pour Vienne.
La cour dé cassation a décidé da 'ne pas sié
ger pendant plusieurs jours, en signe de deuil.
Le duo d'Aumale s'est rendu ce matin au pa-
N* 770(3 «a Editîon'qaotïdienna
Samedi 2 Février 1889
ÉDITION QUOTIDIENNE
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C i0 , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 1" FEVRIER 1889
Quel triomphateur que M. Floquet!
On croyait bien que l'élection du 27
janvier allait amener sa chute : on se
trompait. Le voilà maintenu par un
vote de la majorité républicaine.
La discussion de l'interpellation de
M. de Jouvencel a été chaude et agré
mentée de rappels à l'ordre. Ont pris
notamment la parole : MM. Floquet,
Paul de Cassagnac, Hubbard, Madier
de Montjau, Laguerre, Clémenceau,
Cavaignac et Frédéric Passy ; l'ordre
du jour pur et simple a été écarté, et
un ordre du jour de confiance de MM.
Montaut et Boissy d'Anglas voté à
53 voix de majorité.
Donc M. Floquet triomphe, mais
pour combien de temps? Il nous sem
ble que sa majorité diminue:
^ Au Sénat, on continue à tenir des
séances sans intérêt ; il y a, du reste,
autant et plus de sénateurs au Palais-
Bourbon qu'au Luxembourg.Hier on a
voté d'urgence le projet de conversion
de la Dette tunisienne, et en première
lecture le projet de loi supprimant
les livrets d'ouvriers, qui revenait mo
difié de la Chambre des députés.
La lumière ne se fait pas complète
sur la mort inattendue de l'archiduc
Rodolphe, qui reste mystérieuse. Si la
version officielle dit qu'il a succombé
à une attaque d'apoplexie cardiaque,
on persiste à croire à Vienne soit à un
suicide, soit même à un assassinat.
On trouvera des détails à ce sujet plus
loin.
Quelle que soit du reste la mort du
prince, l'émotion n'est pas moins
grande à l'étranger qu'en Autriche.
On annonce que M. Grispi va ren
contrer une vive opposition pour ses
plans financiers; nombre de députés
se refusent à accepter les nouveaux
impôts sur lesquels compte l'homme
d'Etat italienj non pas pour équilibrer
son budget, c'est là une œuvre impos
sible, mais pour faire face aux besoins
du moment. M.Magliani, dont la com
pétence financière était connue, n'a
pas réussi à faire accepter ses plans ;
on se demande si son successeur, qui
n'a pas son autorité, sera plus heu
reux.
La question des îles Samoa préoc
cupe l'opinion aux Etats-Unis,où l'on
n'accepte pas les procédés trop som
maires des Allemands. Les républicains
se montrent tout aussi peu disposés
que les démocrates, dont à Berlin on
avait escompté la chute, à tolérer que
le drapeau allemand flotte sur ces îles.
Jusqu ici, la politique coloniale ne
parait pas réussir pleinement à M. de
Bismarck.
Cinquante-trois voix de majorité
pour renforcer la république dite par
lementaire, menacée de toutes parts
dans le pays, c'est l'équivalent d'un
échec. Hier encore, pendant une inter
minable et furieuse séance, on a vu ce
régime s'enfoncer de plusieurs degrés
dans le mépris public qui déjà le re
couvre. Rien ne peut décrire exacte
ment cette manifestation et cependant
il faut essayer de la raconter.
D'abord on a renvoyé à lundi une
interpellation de M. Salisbury sur les
lenteurs singulières de la justice à
poursuivre l'affaire Numa Gilly.
Puis l'interpellation de M. dé Jou
vencel « sur les mesures à prendre
« pour faire respecter les pouvoirs pu-
« blics », déposée depuis plus d'un
mois et retardée de nouveau à la veille
de l'élection du général Boulanger, a
été abordée.
L'auteur a prononcé ou plutôt lu
péniblement un long et fastidieux dis
cours presque constamment interrom
pu par les exclamations de la moitié
a© la Chambre et couvert par un
brouhaba continuel. Il s'est perdu
dans des appréciations banales des
menées boulangistes et dans des dis-
sertationsquiavaient des prétentions à
la philosophie. La liberté peut-elle se
nuire à elle-même, et alors comment la
protéger contre ses écarts ? Où finit-elle
et où commence la licence? Que peut-
on espérer d'un gouvernement qui
se trouve menacé par son propre prin
cipe ? M. de Jouvencel a discouru mi
sérablement sur ces sujets complexes,
brouillant la pratique avec la théorie,
lâchant l'une, lâchant l'autre, passant
des lamentations désespérées aux ad
jurations vaines. Il a fort injurié les
conservateurs et les boulangistes; il
a accusé les adversaires de la Républi
que d'exposer la France à succomber
devant les nations européennes; ce qui
lui a valu de vigoureuses ripostes de
la part de M. de Baudry d'Asson. Tout
le développement de cette interoella-
tion n'est qu'un immense fatras, pi
teux et nul. L'ennui et l'agacement
que témoignait la Chambre tout en
tière, a pu faire croire que le débat
allait se terminer après la réponse de
M. Floquet et que le gouvernement,
attaqué d'une manière ridicule, triom
pherait sans peine. Mais les incidents,
toujours possibles, ont surgi; la ba
taille est devenue enragée. Pendant
six heures, les vociférations n'ont pas
cessé.
M. Floquet a débuté en présentant
le projet qui avait été annoncé et qui
a pour but de rétablir le scrutin
d'arrondissement. M. Cunéo d'Ornano
a voulu prendre immédiatement la
parole ; le président s'y est opposé. A
partirde ce moment le tumulte était
déchaîné, et il est allé en s'exaspérant.
M. Floquet, furieux d'être interrompu
a quitté la tribune; M. Cunéo d'Ornano
et M. Gellibert des Seguins ont vaine
ment tenté d'y arriver, ce dernier
pour déposer une demande de dissolu
tion. A la prière du président, le chef
du ministère a repris la parole. M. Flo
quet, très ému, dépouillé de sa ma
jesté de pacotille, la voix faible et trem
blante, s'est engagé dans de pénibles
explications. Après un appel à la con
corde, il a fait retentir une excitation
au combat. Distinguant lui aussi et
avec autant de clarté que l'interpella-
teur, entre la liberté et la licence, il a
déclaré que la répression des abus
de la propagande est nécessaire et
dans ce bnt il a annoncé un pro
jet de loi réprimant ce qu'il ap
pelle les entreprises contre la sû
reté de l'Etat. Toujours préoccupé
de produire de l'effet, le jacobin-
Pruahomme a invectivé les boulan
gistes, leur reprochant d'avoir abaissé
la politique au niveau d'une opéra
tion commerciale ; il s'est plu à reve
nir sur cette formule et il a parlé à
plusieurs reprises de la propagande
salariée ; il a eu son succès. Mais une
heure après il l'a payé cher. Enfin,
M. Floquet a manifesté l'intention de
restreindre la liberté du colportage et
de l'affichage ; il s'est efforcé de justi
fier, aux yeux des opportunistes, le
projet de revision et a offert aux mé
contents son tablier ministériel. Tout
cela au milieu des applaudissements
furibonds de la gauche et des excla
mations railleuses de la droite.
M. de Cassagnac a longuement et
terriblement secoué les tristes pala
dins de la république. Il a constaté
leur hypocrite reniement de leurs prin
cipes et a plaisanté agréablement les
ladres souscripteurs, qui ont feint de
se dépouiller pour le « pauvre Jac
ques ». M. Périllier s'étant misa in
terrompre, l'orateur lui a parlé de
certaine suspension encourue par un
avocat de ce nom. M. de Cassagnac a
rappelé ensuite les déclarations faites
par les patrons de la candidature offi
cielle : ce sont eux qui ont donné à
la lutte électorale l'importance d'une
bataille décisive ; ce sont eux qui ont
mis en cause l'existence de la répu
blique. Qu'ils acceptent le verdict avec
la signification formelle qu'ils y ont
d'avance attachée. La majorité répu
blicaine s'est rendue incapable d'ac
complir la revision. «Allons-nous en » a
conclu M. de Cassagnac; ce qui voulait
dire...«allez vous-en.» Tant mieux si la
concentration des républicains est ^
faite ; la France pourra se débarrasser
d'eux d'un seul coup ! En terminant,
il s'est donné le plaisir « d'imposer »
sa confiance au ministère qu'il juge le
plus capable de favoriser le réveil des
conservateurs et des monarchistes ; et
il a provoqué une explosion d'hilarité
en montrant les républicains réduits
à placer leur espoir suprême dans ce
Sénat qu'ils se sont plu à désarmer
et à rabaisser. On avait tant crié ; qu'il
a fallu suspendre la séance pendant
un quart-d'heure pour reprendre des
forces.
Vers la fin du discours de M. de Cas
sagnac, un incident s'est produit, qui
a bien tristement impressionné l'As
semblée. M. de Baudry-d'Asson s'est
trouvé pris d'une syncope. On a porté
au dehors l'honorable député, qui,
heureusement, a bientôt reparu de
bout et toujours vaillant.
A la reprise, le magnifique et as
sommant Hubbard (Gustave-Adolphe)
a conduit l'attaque des ferrystes. Il a
fulminé contre la « bande » des cons
pirateurs, et a répété les paroles de M.
Floquet au sujet de l'argent des bou
langistes. Il a pressé le gouvernement
•de prendre des mesures promptes et
énergiques et non de s'engager dans
un débat sur la révision. On pouvait
croire qu'il allait s'offrir à emprison
ner et à fusiller le général Boulanger.
M. Gustave-Adolphe a provoqué, de
divers côtés, de véritables huées en
exprimant son opinion à l'égard
des ministres actuels; il a jugé à
propos de dire qu'il avait soutenu
M. Floquet jusqu'à se réjouir de
l'heureuse issue d'une rencontre
sur un autre terrain (le duel avec
le général Boulanger). Ce compli
ment insensé a exaspéré M. Flo
quet, qui était déjà profondément
crispé. Pour comble, le même Gustave-
Adolphe a dénoncé M. de Freycinet
comme suspect de tendances boulan
gistes. Le ministère et la gauche se
sont exclamés. Gustave-Adolphe s'en
est allé, ayant réussi à se rendre en
core plus ridicule qu'auparavant. Il
devait en avoir fait le pari.
Nouveau discours de M. Floquet,
pour justifier la politique ministérielle
et pour offrir — ironiquement — de
céder la place à M. Hubbard.
Ensuite l'inévitable Madier-Montjau,
de plus en plus sourd et tonitruant. Il
a poussé des cris féroces pour expri
mer des idées du même genre. Pas
sons sur cette exhibition d'une répu
gnante vanité sénile ; mais notons que
M. Cunéo d'Ornano ayant fait allusion
à l'acquittement de M. Wilson, s'est
attiré la peine — honorable — de la
censure.
Le boulangisme, dont on avait tant
parlé, a parlé lui-même par la bouche
de M. Laguerre. Si antipathique que
soit le personnage, il faut reconnaître
que son discours, très habile et d'ail
leurs presque tout à fait vrai, a causé
une impression protonde. Sans se lais
ser troubler un instant par les hurle
ments de ses anciens amis, sans sortir
de la modération,le jeune politicien a,
malgré sa voix faible, contraint la ma
jorité à entendre la théorie et l'histori
que de ce mouvement dirigé contre la
république actuelle. Il n'a pas dissi
mulé que, le- 27 janvier, beaucoup de
conservateurs ont voté pour « le gé
néral ». Sont-ils vraiment si royalistes
ou si bonapartistes qu'on le dit? Ils
sont surtout partisans d'un régime
paisible et honnête. De même pour les
républicains qui à Montmartre,comme
à Belleville et à Charonne, ont donné
leurs yoix à-l'adversaire du gouverne
ment. M. Laguerre a rappelé que M.
Floquet ne dédaignait pas autrefois les
suffrages des réactionnaires pour deve
nir présidentdela Chambre. A deux en
droits de ce discours, les ministres ont
été atteints jusqu'au fond et ont lais
sé voir leurs angoisses. M. Laguerre a
rappelé l'ancienne amour de M. Flo
quet pour la liberté archi-absolue en
toutes choses, pour la liberté à tout
prix, dans n'importe quelles condi
tions, pour n'importe quoi : et nous
en sommes à la répression de la pro
pagande, de la presse et du colporta
ge. Poursuivi par la clameur « d'où
vient l'argent ?» M. Laguerre a nié
que d'autres que des Français aient
souscrit pour le « général » et il
a dit que les cotisations d'amis
intimes se sont peu à peu, et sous
l'influence du mécontentement cau
sé par la politique opportuno-radi-
cale, transformées en des versements
énormes alimentés par des citoyens
de toutes catégories. Parmi les sous
cripteurs, il y a beaucoup de fonction
naires ! M. Floquet s'est pâmé de rage 1
Quant à l'importance du vote de Paris,
M. Laguerre a conseillé à, M. Floquet
de se souvenir de l'enthousiasme avec
lequel jadis on vantait l'intelligence
de la capitale « Qui n'a pas Paris n'a
rien », disait alors M. Floquet. Eh
bien ! nous avons Paris et nous aurons
bientôt toute la France, s'est écrié
M. Laguerre; et il a conclu en som
mant la Chambre de se dissoudre
pour se conformer à la volonté du
pays:;:
M: Clémenceau, muet depuis long
temps, est intervenu. Il a prononcé
un discours qui a navré ses derniers
amis. Est-il resté muet trop long
temps ?■ esHl vidé ? Ce qui est sûr,
c'est qu'il n'aurait rien pu faire de
plus significatif s'il avait voulu mon
trer que la destinée l'a traité suivant
son mérite en l'empêchant d'arriver à;
quoi que ce soit. Il a dit : nous avons
été battus, nous sommes battus, le;
ministère est battu, la république est;
battus et il est très probable que tout:
cela, et nous avec, va être battu dans!
toute la France." La gauche était aba
sourdie ; mais M. Clémenceau ne pou
vait se_ lasser de proclamer la défaite.
Et le remède ? M- Clémenceau ne le
connaît pas. Voilà ! L'éminent docteur ;
ne comprend plus rien à ce qui se
passe ; il ne compte pas sur les moyens
de répression et il distingue seule- 1
ment que le boulangisme représente
une organisation « religieuse » une
sorte de « mossianiemo » ot quo M.
Boulanger c'est... « le Messie ». Et
alors? Ce discours idiot s'arrête là.
Encore un prestige usurpé qui est
anéanti.
On n'en pouvait plus . Il fallait en
finir. MM. Cavaignac, Passy, Casimir-
Perier d'un côté, M. Ferroul de l'au
tre, ont déclaré, pour des raisons dif
férentes, refuser leur confiance au mi
nistère.
; Le gouvernement s'est rallié à l'or
dre du jour déposé par MM. Montaut
et Boissy-d'Anglas et conçu en ces
termes : « La Chambre confiante dans
le gouvernement, passe à l'ordre du
jourl »
Par 289 voix contre 236, cette for
mule vague a été adoptée.
Les témoins de cette séance histo
rique se sont séparés vers neuf heu
res, assourdis, épuisés, mais assurés
que'la république dite parlementaire
est blessée à mort.
Eugène Tavernier.
En dehors de l'ordre du jour de M.
de Jouvencel, la Chambre se trouvait
en présence de trois ordres du jour.
Le premier, de MM. Montaut et
Boissy d'Anglas, qui a été voté, est
ainsi conçu :
La Chambre, confiante dans la fermeté
da gouvernement, passe à l'ordre du jour.
Le second, de M. Laguerre et de ses
amis, dont voici le texte :
La Chambre, réprouvant anssi bien les
traditions dictatoriales des régimes passés
que l'imitation que voulait en faire au
jourd'hui le gouvernement, passe à l'ordre
du jour.
Le troisième, enfin de M. Hubbard
La Chambre, considérant que le gouver
nement doit prendre des mesures spéciales
pour arrêter les menées factieuses, passe à
l'ordre du jour.
Sur la séance d'hier, il est bon d'en
tendre le Siècle , organe cher à M. Car-
not. Nous y lisons:
Le ministère a obtenu de la Chambre
une prolongation de bail. Pour combien de
jours ? II n'en sait rien et la Chambre pas
davantage. La prolongation a eu lieu sans
conditions, sans explications, presque à
l'aveuglette.
M. Floquet, il faut lui rendre cette jus
tice, a surpris par sa modestie et son hu
milité. On l'aurait pris pour un simple op
portuniste. Il ne s'est point défendu. Il s'est
offert et sacrifice. La majorité ne le re
connaissait plus et avait presque envie de
laisser le pénitent à ses regrets. Mais
MM. Paul de Cassagnac et Clémenceau
sont venus faire observer que la grandeur
d'âme consistait à ne pas abandonner les
malheureux. Devant le témoignage de ces
deux hautes intelligences politiques, la
Chambre ne pouvait que s'incliner. C'est
ce qu'elle a fait. Par 300 voix, elle a déclaré
que, n'ayant rien tenté pour arrêter les
progrès du boulangisme et ayant même
réussi à les accélérer, le ministère avait
montré une fermeté sans pareille, qui lui
inspirait la plus grande confiance.
•> Comme cette séance, où l'on a parlé cinq
heures durant pour ne rien dire ou se ré
pandre. en menaces vaines et ridicules, nous
inspire beaucoup plus de tristesse que de
goût pour l'ironie, il nous faut expliquer
les pensées de derrière la tête auxquelles
la Chambre a obéi. Sur le véritable senti
ment de la majorité républicaine, il n'y a
pas de doute possible. Pendant trois jours,
et même quelques minutes avant l'entrée
en séance, la plupart des députés de gau
che étaient d'accord pour déclarer que le
cabinet avait montré. une faiblesse sans
bornes, qu'il avait en|lui-même des causes
d'impuissance qui paralysaient ses meilleu
res intentions, que son personnel était à
moitié dans les mains de l'ennemi et qa'il
n'y avait pas plus à espérer de lui dan3
l'avenir que dans le passé.
Mais si, à l'exception de quelques amis
personnels, le ministère était condamné à
peu près par tous les partis, ceux-ci n'a
vaient pas réussi à s'entendre sur le partage
de la succession. Chacun demandait quelle
part lui serait faite. Et chacun,se défiant du
voisin, refusait d'énoncer ses prétentions.
Ce patriotique désintéressement ne pouvait
manquer de porter ses fruits. Les députés
radicaux, tenant la couverture, ont juste
ment pensé qu'il serait souverainement im
prudent de la lâcher, aussi maigre et aussi
peu protectrice qu'elle fût.Les républicains
du gouvernement, avec leur cohésion habi
tuelle, se sont divisés; les uns ne voulant
pas prendre l'initiative d'une modification
ministérielle, les autres assez résolus pour
en proclamer l'impérieuse nécessité, mais
non pour l'expliquer avec l'ampleur et la
hauteur de vues que cette tâche exigeait.
Seul, un jeune homme, M. Hubbard, a
indiqué, avec plus de courage que d'auto
rité, la possibilité et le devoir d'enrayer le
bonlangisme par une ferme application des
lois existantes et sans recourir à aucune
mesure exceptionnelle. Seul, il a eu la fran
chise de dire tout haut ce que tout le mon
de dit tout bas, c'est-à-dire que dans le
ministère même il y a des hommes qui ne
s'effrayent point du césarisme et qui décon
seillent une action rigoureuse contre lui.
Seul, il a eu le bon sens de demander si
c'était avec des projets comme la revision
et l'impôt sur le revenu que le ministère;
pouvait maintenir l'union avec les répu
blicains et défendre nos institutions mena
cées.
Si ce discours avait été prononcé par un
parlementaire exercé, autorisé, par un de
ceux auxquels il appartenait de le pronon
cer, M. Floquet ne pouvait répondre victo
rieusement à ses parties essentielles. Il
ne l'a même pas essayé, et s'est borné à
riposter par une plaisanterie d'un goût dou
teux. ,
En somme, beaucoup de bruit, peu de
besogne .et un. peu plus de discrédi t qu'au
paravant Dour tons, voilà le bilan de cette
triste journée.
Le ministère a gagné quelques jours,
quelques semaines peut-être, mais il a
compromis gravement le seul résultat qui
semblait pouvoir consoler de l'élection de
dimanche : l'union de tous les républicains
pour agir énergiquement contre le césaris
me et ensevelir dans cette unique préoccu
pation toutes les questions de personnes et
tous les programmes de groupes.
Afin qu'on ne se méprenne pas sur
le fond des pensées qu'il exprime de
la sorte, le Siècle a intitulé son arti
cle : «-La journée des dupes. » Et il
nous semble que les « dupes », ce sont
bien les républicains.
On ne tardera pas, du reste, à le
voir encore plus clairement.
La remarquable page écrite récem
ment par Mgr d'Hulstsur la si grave et
très délicate question de l'action des
hommes du jour dans les nominations
épiscopales, a fait dire que de telles
préoccupations n'auraient point de
raison d'être sous un autre gouverne
ment, et surtout avec d'autres gou
vernants. Cela n'est pas juste. On va
voir, en effet, comment le grand évê-
qùe de Poitiers, Mgr Pie, traitait le
même sujet, en janvier 1861, au milieu
du règne de Napoléon III, alors que
ce prince, trahissant ses devoirs en
vers la France, envers l'Eglise, et se
trahissant lui-même, devenait l'hom
me de l'Italie unitaire.
Voici donc ce que disait Mgr Pie
dans l'oraison funèbre de Mgr Masso-
nais, mort évêque de Périgueux,et l'un
des prélats qui ont le mieux travaillé
pour l'Eglise et furent le plus dévoués
au Saint-Siège.
E.V.
... Malheur, s'écriait un jour devant moi
le prélat dont je célèbre l'éloge, malheur à
celui qui s'obstinerait à franchir les mar
ches d'un trône épiscopal, alors qu'il verrait
se produire autourde lui.les sinistres appré
hensions du peuple, le désaveu des bons
prêtres, les répugnances ou seulement les
froideurs de l'épiscopat, les réclamations ou
seulement les hésitations du Siège aposto
lique! Grand Dieu! Là où éclate un concert
universeld'applaudissements.unchœur una
nime d'encouragements, les âmes délicates
tremblent encore d'avancer! Et là où il n'y a
d'adhésion que celle des ennemis de la re
ligion qui chantent victoire, et qui se per
suadent, à tort ou à raison, que c'est dé
sormais un parti pris d'abaisser le
corps des pontifes, quand on ne pourra
pas le diviser ou le pervertir ; là où il n'y
a d'assentiment que celui des ambitieux
qui se flattent de voir naître ou revivre leur
candidature longtemps répudiée; là, dis-je,
et dans de telles conditions, il se trou
verait des âmes -capables d'affronter un
fardeau redoutable aux épaules mêmes
des anges!... Pontife qui m'entendez
du fond de votre tombe, n'est-il pas
vrai que cette seule possibilité vous
faisait frémir,et que vos lèvres ont stigma
tisé devant nous,par des paroles brûlantes,
une audace si inexplicable et si. criminelle?
Et j'ajouterai encore avec vous : Malheur
aux pouvoirs humains qui retourneraient
ainsi contre l'Eglise la plus haute , marque
de confiance dont l'Eglise ait jamais pu ; in
vestir les princes chrétiens ! On a vu, dans
le passé, des gouvernements aveugles s'en
gager dans cette voie d'iniquité ; ç'a été le
symptôme le plus décisif de leur prochaine
ruine.
{Œuvres de Mgr Pie, septième édition,
tome IV, p. 116.)
Suspension de traitement
C'est aujourd'hui que le conseil d'E
tat a statué, en cette affaire, sur les
réclamations de MM. les abbés Sailhol
et Glèna.
A l'heure où nous mettons soùs
presse, nous ignorons encore la déci
sion du conseil en ce qui concerne le
recours de M. l'abbé Glèna. Mais nous
savons que le recours de M. l'abbé
Sailhol, curé de Villefranche-de-Bel-
vès (Dordogne) a été rejeté.
Or le droit des appelants était si
manifeste que lé commissaire du gou
vernement lui-même avait conclu à
l'adoption de leur recours.
On peut juger par là de l'esprit sec
taire qui anime la majorité des con
seillers d'Etat.
L 'Osservatore Romano annonce offi
ciellement le consistoire secret qui
aura lieu le 11 février, ainsi que le
consistoire public du 14 pour la remise
du chapeau à MgrDusmet, Mgr d'An-
nibale et Mgr Macchi.
L' Osservatore Romano annonce, en
outre, qu'un service solennel pour
l'âme du Pape Pie IX sera célébré le
7 février. >
La messe sera célébrée par S. Em.
le cardinal de Hohenlohe.
L'absoute sera donnée par Sa Sain
teté.
UAgen.ce Havas communique aux
journaux la dépêche suivante, qui a
été expédiée de Souakim . au Stan
dard :
Le navire italien Cacidi qui vient d'arri
ver ici, venant du sud, apporte des détails
circonstanciés sur les mouvements de la
mission russe AtchinofT embarquée sur
YAmphilrite.
Il paraît qu'aussitôt que ce bâtiment du
Lloyd autrichien eut quitté Souakim, la
mission dédaigna de dissimuler plus long
temps son vrai caractère, et moines et pay
sans parurent sur le pont en uniforme mi
litaire.
pitaine
barino (l'aviso italien qui l'avait suivi jus
que-là) au cas où il s'approcherait trop.
Atchinoff déclara qu'il agissait confor
mément aux instructions de son gouver
nement. ;
Passant devant Obock, YAmphitrite
échangea des signaux avec la terre et con
tinua sa route sur Tadjourah où ses passa
gers débarquèrent avec 60 tonnes de maté
riel de guerre et quatre canons. Tous les
Cosaques étaient en uniforme.
La canonnière française Météore assistait
au débarquement. L'expédition fut reçue
par le sultan de Tadjourah, qui est sous la/
protection de la France.
Atchinoff gagne l'Abyssinie en passant
par les Etats d'Amphila, sultan d'Àoussa,
lequel est allié de l'Italie et à qui il a as
suré qu'il ne venait pas combattre les Ita
liens. Atchinoff a également annoncé qu'un
autre corps de 300 cosaques arriverait dans
une quinzaine de jours.
L'Agence Havas déclare qu'elle re
produit cette dépêche, mais qu'elle la
sait « inexacte de tous points. »
Plusieurs journaux anglais et alle
mands, notamment le Times de Lon
dres dont le correspondant viennois
est notoirement juif, parlent de la li
gne successorale de la maison de
Habsbourg-Lorraine. Le correspon
dant viennois du Times assure que
Mgr l'archiduc François, fils aîné de
l'archiduc Charles-Louis, héritier pré
somptif du trône, aurait renoncé à
tous ses droits de succession, au mo
ment d'accepter l'héritage que lui
avait légué feu Mgr le duc de Modène.
L'empressement satisfait aveclequel
une certaine presse affirme cette pré
tendue renonciation d'un priuce connu
pour ses sentiments catholiques et
vraiment autrichiens, n'annonce-t-il
pas l'ouverture d'une campagne contre
l'archiduc François de la part de _ la
franc -maçonnerie et de lajuiverie in
ternationales?
Quant au fond de la question, il va
sans dire que le jeune archiduc n'a
signé aucun acte de renonciation à
quoi que ce soit.
La mort de l'archiduc Rodolphe
Berlin, 31 janvier.
Le Reichsanzeiger (moniteur officiel de l'Em
pire) publie en tête de ses colonnes la note
suivante : . _ .
« Sa . Majesté l'empereur et roi a ressenti; nue
douloureuse émotion à la nouvelle qui lui est
parvenue, hier, de la mort subite au prince
îéritier Rodolphe d'Autriche. _ _
« Sa Majesté perd en lui un ami pour lequel
elle professait la plus vive amitié. . (
« La douleur de l'empereur et de la famillS
impériale et royale sera partagée par le peupla
allemand tout entier, en face du cercueil da
; eune prince sur. lequel on fondait de si gran
des espérances, et qui, par ses vues si nettes et
si étendues, les nombreux dons de l'esprit et
les nobles qualités du cœur, promettait d être
un jour pour ses peuples un grand souverain,
uste et doux, et de rester un allié fidèle pour
.'empire d'Allemagne, »
Vienne, 31 janvier.
Le château impérial est toujours le but du pè
lerinage de la population. Les groupes
mentent le triste événement et les déi-aus
donnés par les avis officiels. Chacun émet tfoii
opinion.
A la Chambre, les députés discutent avec ani
mation, dans les couloirs; les conséquences po
litiques de l'événement. ■■■•
Au.Burg, on travaille au milieu de la tristessa
générale au règlement des funérailles.
Ls prince de Hohenlohe, grand-maître de la
cour, a passé la nuit à préparer les instruc
tions pour la durée du deuil et pour la date des
funérailles, sur lesquelles l'empereur doit sa
prononcer.
Sa Majesté est touiours dans un état de pros
tration complète. Elle a dû cependant donner
des signatures cette après-midi. .
Ce matin, à huit heures, François-Joseph s'est
rendu à la gare de l'Ouest pour recevoir sa fille,,
la princesse Gisèlede Bavière. La princesse s'est
; etée dans les bras de son père en plenrant^ et
sa Majesté, très émue, les traits tirés, n'a pu
retenir ses larmes.
On croit que l'embaumement aura lieu ca
soir à dix heures. Immédiatement après, la
corps sera transporté dans la chapelle du châ-
teçu.
Demain aura lieu la bénédiction du corps
faite par Mgr Mayer, chapelain ; cérémonie à.
laquelle assisteront seulement la famille impé
riale et les dignitaires de la cour. Puis le corps
sera exposé dans la petite nef de la chapelle, où
le public sera alors admis.
On pense que l'exposition du corps durera
jusqu'à mardi, jour probable des funérailles. Ea
ce moment, on fait des préparatifs dans l'inté
rieur de la chapelle, où l'on, met en place des
tentures noires et les armes du prince. Le cer
cueil reposera sur un tapis de brocart. A côté,
on placera le chapeau de l'archiduc, ses insignes
de général et son épée. Des gardes du corps et
des prêtres veilleront le corps.
La princesse Stéphanie a déposé la premiers
couronne composée des fleurs préférées du
prince, des roses blanches et des œillets.
La petite princesse Elisabeth a également dé
posé une couronne.
A Meyerling, des gendarmes et des agents de
police gardent les portes du château. Personne
ne peut y pénétrer.
Les membres du conseil municipal de Vien
ne, qui .se sont réunis ce matin a dix heures,
étaient vêtus de noir. ,
Le bourgmestre, M. Uhl. a prononcé une al
locution, quo les conseillers municipaux ont
écoutée debout. Il a fait ressortir les hautes
qualités intellectuelles de l'archiduc défunt, son
vif amour pour l'art et la sciencs et son éduca
tion approfondie, étendue et exempte de préju
gés.
Il a demandé à Dieu d'accorder ses consola
tions à l'empereur, à l'impératrice et à la veuve
du prince impérial, et a prononcé, en terminant,
les paroles suivantes :
« Son image ne sera jamais effacée de notre
cœur, car nous savons comment il aimait sa
ville de Vienne et ce que nous perdons en lui.
« Que Dieu protège notre empereur!
« Que Dieu protège l'Autriche !»
La séance a été ensuite levée.
L'archiduc Ferdinand Salvator, grand-duc da
Toscane, est arrivé ici,venant de Salzbourg.
VienT!». lanvier.
Dès les premières heures de la matinée, on a
commencé les travaux, pour l'érection du cata
falque sous la direction du capitaine de Giesl,
aide de camp de l'archiduc défunt.
L'empereur et l'impératrice se sont rendus le
matin dans la chambre à coucher du prince
impérial, transformée en chambre mortuaire,
où ils ont prié tout bas.
Les archiducs Albrecht, Guillaume et Rénier
et l'archiduchesse Elisabeth sont allés plus tard
chea la princesse impériale; ils se sont rendus
ensuite dans la chambre mortuaire, qui est at
tenante aux appartements de l'archiduchesse
Stéphanie.
L'autopsie du corps aura lieu aujourd'hui.
D'après un bruit qui n'est pas encore confir
mé,' les obsèques auraient lieu mercredi ; mais
on n'a pas encore pris de dispositions définitives
à ce sujet.
Toutes les réunions des groupes de la Cham
bre des députés qui devaient avoir lieu aujour
d'hui ont été ajournées à demain.
Vienne, 31 januier;
Une foule immense se porte vers la Hofburg.
Les assistants considèrent avec émotion les fe
nêtres des appartements du prince impérial et
se retirent en silence.
D'après le Neues Tagblatt, l'empereur aurait
passé la nuit dans ses appartements sans pou
voir dormir.
La princesse impériale a déposé sur le cer
cueil la première couronne ; la princesse Elisa
beth, la jeune enfant du prince impérial, a dé
posé sur le cercueil un ° couronne de roses
mousseuses blanches avec un ruban blanc.
Les ambassadeurs et les ministres se sont
réunis cette après-midi chez le grand-maître de
la maison de l'empereur pour lui transmettre
les condoléances des souverains.
Rome, 3i janvier.
Le bal qui devait avoir lieu à la cour demain
soir a été contremandé à la suite de la mort da
l'archiduc Rodolphe.
Aujourd'hui, le cardinal Rampolla a présenté,
au nom du Pape, ses condoléances au comte
Itovcrtera.
Un service solennel sera célébré le jour des
funérailles.
Londres, 1 er février.
Par suite du désir exprimé par l'empereur
François -Joseph que les funérailles aient un ca
ractère privé, le prince de Galles a renoncé à
son vovage à Vienne.
Un service funèbre aura lieu à la chapelle au
trichienne, à la même heure que le service cé
lébré à Vienne. Les membres de la famille
royale, le corps diplomatique et les ministres y
assisteront probablement.
Parmi les visiteurs qui se sont présentés au
jourd'hui à l'ambassade d'Autriche, on a re
marqué l'impératrice Eugénie, qui a exprimé
ses vifs sentimnts de condoléance.
Bruxelles, 31 janvier.
Le roi et la reine partent ce soir pour Vienne.
La cour dé cassation a décidé da 'ne pas sié
ger pendant plusieurs jours, en signe de deuil.
Le duo d'Aumale s'est rendu ce matin au pa-
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