Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1889-01-31
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 31 janvier 1889 31 janvier 1889
Description : 1889/01/31 (Numéro 7704). 1889/01/31 (Numéro 7704).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706524t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 31 Janvier 1889
N* 7704 — Edition quotidienn®
Jeudi 31 Janvier 1889
OB
53
ÉDITION QUOTIDIENNE
... PARIS ■ ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (UNION POSTAI®)
■ Un an. . , . . 55 » 66 »
Six.mois. . . 28 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
» ( Paris 15 cent.
UN NUMÉRO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris; 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8 '
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (ONION POSTALE)
Un an 30 a 36 »
Six mois. ... 16 » 19 »
Trois mois. . . 8 50 10 »
Les abonnements partent des l" et le ïs chaque uioi*
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C 10 , 6, place de la Bourse
fRAHCB
PARIS, 30 JANVIER 1889
Qu'adviendra-t-il demain, du minis
tère Floquet ? Des manifestations très
significatives se produisent contre lui
dans les groupes opportunistes de la
Chambre des députés et surtout du
Sénat. Même les sénateurs du centre
gauche deviennent belliqueux. Le dis
cours de M. Bardoux prenant posses
sion de la présidence, discours que
nous reproduisons intégralement, pro
cède de la même inspiration que celui
de M. Challemel-Lacour dans la dis
cussion du budget. Il faut ajouter que
déjà une démarche a été faite auprès
de M. Garnot par M. Barbey, porte-
parole des groupes républicains: du
Sénat, pour lui demander un, nouveau
ministère qui défendrait,mieux que M.
Floquet, la république contre le bou-
langisme.
Que va faire demain M. Floquet pour
parer à ces attaques ?
Jusqu'ici M. Floquet n'annonce d'au
tre remède contre le boulangisme que
le scrutin d'arrondissement ; c'est, du
moins, ce qui résulte de la note de
l'officieuse Agence ffavas au sujet du
conseil des ministres d'hier matin. On
parle bien d'un décret établissantl'état
de siège, qui serait déjà signé; mais
c'est bien gros, id'autant qu'il nous
semble que la législation actuelle ne
permet plus au gouvernement d'éta
blir l'état de siège sans l'autorisation
préalable des Chambres. Les lois chan
gent si souvent qu'on s'y perd.
A l'occasion de ce retour, mainte
nant certain, au scrutin uninominal,
on remarquera le respect des républi
cains pour le suffrage universel, qu'ils
lie cessent de proclamer : le maître
absolu ; au fond, ils ne veulent que
s'en servir pour enlever le pouvoir et
s'y maintenir.
Hier, à la Chambre des députés,
on & commencé la discussion en
deuxième lecture de la loi rela
tive au travail des femmes et des
enfants dans les manufactures; trois
articles ont été votés. M. le comte
Albert de Mun a prononcé un discours
dont on trouvera le texte au compte
rendu de la séance. M. Andrieux, tou
jours fantaisiste, a déclaré,au début de
.la discussion, qu'elle était purement
platonique; il n'avait pas complète
ment tort.
Au Séxiat, les séances,continuent à
être dénuées d'intérêt ; on a voté hier
d'urgence la prorogation de là réforme
judiciaire en Egypte, et en première
lecture un projet relatif à la procé
dure devant les conseils de préfecture.
On ne s'occupait guère de ce qui se
faisait en séance. L'attention était aux
. réunions des bureaux,dont noqsavons
déjà signalé le caractère.
M. Tisza voyait plus juste que ses.
.adversaires: ia Chambre hongroise a
voté, à une assez forte majorité, 267
voix contre 141, qu'elle passait à la
discussion des articles de loi militaire,
mais lés dernières séances ont été foFt
mouvementées. Il parait, du resté, que
les adversaires de la loi ne perdent pas
courage, ils reprendront la lutte sur
certains articles.
En dehors du Parlement les mani
festations contre la loi continuent, tou
jours, violentes ; elles affectent de plus
en plu3 un caractère révolutionnaire,
comme le témoigne l'intervention de
Kossuth.
Le Reichstag a yoté en deuxième
lecture la loi sur les crédits africains ;
le triomphe de M. de Bismarck était
certain du moment que le centre ac
ceptait ses projets de colonisation,
dans l'espoir d'en voir sortir l'abolition
de l'esclavage.
P.-S. — A la dernière heure, l'Agence
Havas nous communique la dépêche
suivante, constatant que l'Angleterre
ne conteste pas le protectorat français
sur l'archipel Coolc. C'est une première
et heureuse conséquence de la ques
tion de Mgr Freppel :
Londres, 30 janvier.
Lord Salisbury, dans un entretien qu'il
a eu avec M. "VVaddington, lui a déclaré
que le gouvernement de la Grande-Breta
gne n'avait jamais songé à contester notre
protectorat sur les deux tles de l'archipel
Ceok,NOÙ il est établi depuis une cinquan
taine d'années.
Le scrutin de liste étant la forme
essentiellement politique du suffrage
universel et permettant mieux que le
scrutin uninominal de faire connaître,
aux jours de crise, le vœu du pays, les
républicains n'en veulent plus. Ils en
ont peur. Ils ont bien raison d'en
avoir peur, car cette fois, il les chas
serait. Ils en sont eux-mêmes ab
solument convaincus. De là le projet
de réforme électorale que présentera
demain M. Floquet.
Les voilà donc réduits ces apolo
gistes effrénés de la souveraineté du
peuple à trembler devant le bulletin
de vote, à ruser avec le suffrage uni
versel, à vouloir le discipliner, c'est-
à dire l'escamoter. Ils vont faire une
loi électorale contre un homme. Et
cette loi par laquelle ils se donneront
un démenti, ne suffira pas à les ras
surer. Ils y ajouteront des dispositions
particulières qui viseront plus direc
tement encore M. Boulanger. Ne par
lent-ils pas déjà d'empêcher les can
didatures multiples ? Pourquoi ne pas
frapper tout de suite le Général d'iné-
ligibilité! M. Floquet devrait proposer
cela. Ne l'en défions pas. Il est homme
à le taire. Il y mettrait même la crâne-
rie qui lui est propre : la crânerie d'un
pion qui joue le Gid.
La nouvelle loi électorale jettera cer
tainement du trouble dans les plans
de M. Boulanger et gênera aussi en
divers départements les conservateurs.
Mais comme résultat d'ensemble, ni
le Général, ni surtout les conserva
teurs n'en seront affaiblis. La popula
rité de M- Boulanger; est d'autant plus
difficile à ruiner qu'elle n'est pas née
de son mérite et de ses services. Elle a
pour raison d'être les fautes de ceux
qui veulent le proscrire, le dégoût
qu'ils inspirent et, par conséquent
elle durera tant qu'ils seront là. Plus
ils le désigneront comme l'ennemi,
plus on le poussera contre eux.
Quant aux conservateurs, le scrutin
uninominal, tout en rendant plus dif
ficile l'accord entre les divers groupes,
ne l'empêchera point. On -s'entendra
en vertu de l'axiome: nécessité fait
loi. Gela, au fond, pourra valoir mieux
que l'union conservatrice, dqnt il ne
fallait attendre qu'une majorité sans
principes arrêtés, une majorité inco
lore assez forte pour renverser des mi
nistères, mais impuissante à former
un gouvernement.
Nous combattrons néanmoins le pro
jet de M. Floquet, parce qu'il donne
rait un regain d'espoir aux républi
cains et pourrait à la fois aggraver èt
prolonger la crise; mais qu'il soit
adopté ou repoussé, l'élection ' pari
sienne du .27 janvier n'en aura pas
moins pour résultat la fin du régime
actuel.
Eugène Veuillot.
En attendant la bataille de demain,
il fallait bien occuper la Chambre à
autre chose que des bavardages de
couloirs ; et, naturellement, on devait
suivre l'ordre du jour. Après avoir voté
un projet concernant le port de
Bayonne, la Chambre se trouvait en
face de ce grand problème : le travail
des enfants et des femmes dans les
usines. Comme M. Andrieux l'a rap
pelé, la proposition qui se rapporte
à ce sujet a déjà été discutée
au Palais-Bourbon et au Sénat,et elle
a subi diverses modifications qui en
ont réduit beaucoup la portée. Le ma
licieux orateur a constaté qu'une dis
cussion nouvelle,engagée en un pareil
moment, ne pouvait avoir qu'un sim
ple caractère académique.
Néanmoins le débat n'a manqué ni
d'intérêt ni de gravité. L'article 1 er et
l'article 2 fixent le minimum de treize
ans pour l'entrée des enfants dans les
établissements industriels et imposent
la production d'un certificat d'apti
tude physique ; ces articles ont été
adoptés. L'article 3 a pris toute la
séance ; il concerne le maximum des
heures de travail : dix heures pour les
enfants ; onze pour les filles mineures
au-dessus de dix-huit ans et pour les
femmes.
M. Albert Ferry a combattu vive
ment ces dispositions, et il a demandé
qu'on se bornât à limiter la durée du
travail à douze heures, en développant
uniquement des raisons d'ordre pra
tique. Il a insisté sur le rôle de la
femme et des enfants dans les usines,
qui consiste principalement à préparer
là besogne des ouvriers ; il a soutenu
que le travail de nuit est, d'une ma
nière générale, parfaitement compati
ble avec l'existence familiale.
M. Lyonnais a répondu en citant
l'exemple de l'Angleterre, où, depuis
1867, a-t-il dit, le travail des femmes
est supprimé ; de l'Allemagne, où les
femmes ne travaillent plus la nuit et
où le travail de jour est limité à dix
heures ; de l'Autriche et de la Suisse,
où le travail de nuit est également in
terdit aux femmes. Cet exemple que
nous donnent les nations étrangères
M. Lyonnais nous le propose,en invo
quant des considérations de justice et
d'intérêt. L'ex-mécanicien a fait avec
rudesse le tableau de ces ménages où
la femme est prise par l'usine le jour
et le mari la nuit; où il n'y a plus de
paix ni de joie parce qu'il n'y a plus
de repos.
M. Frédéric Passy, qui défendra en
core les sophismes de 1791 quand le
monde entier les aura répudiés, a,
comme d'ordinaire, célébré les avan
tages de la liberté absolue. Il a no
tamment reproché aux réglementa-
teurs d'empêcher les familles d'aug
menter leurs ressources.
Le rapporteur, M. Richard Wad
dington, a lait observer qu'on discu
tait le travail de nuit à propqs du tra
vail de jour ; ces deux queslions diffé
rentes sont traitées en deux articles
différents.
M. {kmélinat ayant demandé plus
que la commission n'accorde, le gou
vernement a proposé un système de
conciliation.
M. le comte de Mun est intervenu
alors pour résumer etpréciser les prin
cipes qu'il a déjà exposés avec urçe si
noble et si brillante éloquence. L'il
lustre orateur a approuvé le procédé
de transaction parce qu'il est désireux
et impatient de voir améliorer la con
dition des familles ouvrières. Il s'est
de nouveau, dans une improvisation
chaleureuse, élevé contre cette pré
tendue liberté qui fait de l'individu,
soit ouvrier, soit patron, la victime de
la concurrence. Avec l'autorité de son
séduisant caractère et de son admi
rable talent, il a affirmé la légitimité
et la nécessité du principe de régle
mentation. Aux adversaires qui lui op
posaient les pays où la réglementation
sera moindre, M. de Mun a nettement
répondu en exposant l'idée d'une lé
gislation internationale ; et il a fait al
lusion à la-proposition de ce genre pré
sentée récemment au Parlement fédéral
de Genève, par M. Favon, un libéral,
et M. Decurtins, un catholique. (Nous
avons nous-mêmes publié la plus
grande partie du discours de M. De
curtins.) M. de Mun ne peut se dissi
muler que l'activité industrielle tend
de toutes ses forces à confondre les
marchés de tous les peuples dans un
marché unique, dans le marché du
monde ; il envisage hardiment cette
perspective et demande à ceux qui ont
le souci de la justice et de l'humanité
de concerter leurs efforts et leurs vo
lontés pour un but éminemment mo
ral et généreux ! ;M. de Mun a été vi
vement applaudi même par la gauche
avancée.
M. Albert Duchesne a cru devoir pro
tester contre ce qu'il appelle le socia
lisme d'Etat.
Au vote, la droite s'est divisée. Il a
fallu un pointage. Néanmoins, une
majorité de 29 voix a fait prévaloir la
rédaction portant: dix heures de tra
vail pour les enfants ; onze heures
pour les filles mineures ou les fem
mes.
Et demain on reprend la bataille
politique.
Eugène Tavernier.
Le Sénat s'est occupé hier officielle
ment de discussions techniques abso
lument étrangères au général Boulan
ger; mais à voir les groupes qui se for
maient dans la salle même du Sénat,
discutant debout contre les murs,
dans les coins, avec autant d'anima
tion que peut en comporter le tempé
rament sénatorial, on devinait qu'il
ne s'agissait pas exclusivement des
conseils de préfecture.
On a commencé par voter un crédit
de 76,744 trancs pour faire face à des
dépenses de matériel et à des frais de
transports de détenus et de libérés.
C'est une sage prévoyance.
Ensuite on a voté sans observations,
sans opposiiion, comme sans adhé
sion, les mains dans les poches, en
application du gui ne dit rien consent,
vingt-trois articles de la proposition de
loi de MM. Lisbonne et Clément sur
la procédure à suivre devant les con
seils de préfecture. A propos de l'ar
ticle 24, M. Bozérian a formulé quel
ques observations,sur lesquelles il n'a
d'ailleurs pas insisté.
Les articles 25 à 46 ont été yotés
comme les précédents. Rien à signaler
que l'adoption d'un amendement de
M. Lenoël ayant pour but d'éviter les
arrêtés de partage, et . prescrivant que
ces arrêtés soient toujours rendus par
des conseillers délibérant en nombre
impair. Quelques sénateurs se sont
abstenus, craignant de passer pour
cléricaux : Numéro deus impare gaudet.
Le reste de la loi a été voté sans dé
bats.
J. M.
La situation
Le général Boulanger adresse la let
tre suivante aux électeurs du dépar
tement de la Seine :
Electeurs de la Seine ,
Encore sous le. coup de la profonde émo
tion où m'a laissé la merveilleuse manifes
tation de dimanche, je ne veux cependant
pas ajourner l'expression de ma reconnais
sance à l'admirable population qui a si bra
vement marché en colonne serrée contre la
coalition parlementaire, composée de tous
cenx qui se réclamaient audacieusement de
la République, que leurs fautes, leur im
puissance et leurs intrigues ont si grave
ment compromise. '
Jamais, sous aucun régime, campagne
officielle d'attaques infâmes, de mensonges
calculés et de menaces odieuses n'avait été
plus scandaleusement menée contre nn can
didat. Votre bulletin à la main, vous avez
d'un seul coup balayé calomnies et calom
niateurs.
Le parti républicain national, basé sur la
probité des fonctionnaires et sur la sincé
rité du suffrage universel, est désormais
fondé. La Chambre, qui l'a combattu avec
une fureur sans précédent, n'a plus en face
d'elle que la dissolution, à laquelle elle
n'échappera pas.
Electeurs de la Seine,
C'est à vous, à votre énergie et à votre
bon sens que la Patrie, notre grande Pa
trie, devra d'être débarrassée des parasites
qui la dévorent tout en la déshonorant.
La République est maintenant ouverte à
tous les Français de bonne volonté.
Qu'ils y entrerft, et que les autres en
sortent 1 ■
Vive la France I
Vive la République !
Général Boulanger.
Paris, 29 janvier 188Q.
C'est la journée de demain qui pa
raît devoir décider de la situation;
mais il est difficile, d'après ce qui
s'est passé hier dans les groupes par
lementaires, de prévoir l'issue de cette
journée.
A l'extrême gauche, on s'est montré
assez divisé sur la question de disso
lution, que combattait vivement M.
Henry Maret. Finalement le bureau a
été chargé de voir M. Floquet pour lui
demander une politique d'action éner
gique, mais « sans proposer de lois
nouvelles et seulement à l'aide des lois
existantes ». —
La gauche radicale, elle, a décidé de
soutenir le ministère.
Par contre, l'union des gauches veut
que M. Floquet s'en aille. S'il dépose
son projet de rétablissement de soru-
tin d'arrondissement, elle le votera;
mais elle veut que oe soit avant toute
demande d'interpellation et par consé
quent tout vote de confiance. Sinon
elle votera contre M. Floquet. Là-des
sus les organes dy> 5 parti sont très
nets.
On lit dans le Siècle, qui passe pour
avoir l'oreille de l'Elysée :
Il fq,ut faire de la pelitique nouvelle avec
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 31 janvier 1889
La troisième série de l'ouvrage de M. le
marquis de Ségur sur La Bonté chez les
saints va paraître dans quelques jours à la
librairie Retaux,82,rue Bonaparte.Les trois
volumes forment un ensemble complet,
tout en se vendant séparément. Voici le
dernier chapitre du dernier volume, que
l'auteur veut bien nous communiquer sur
épreuves.
Saint Benoît Labre
Saint Benoît Labro est, avec saint Al
phonse de Liguori, un des deruiers saints
canonisés, il est même le dernier de tou3
par la date de sa naissance. De p^s il est
un saint trançais. A ces divers titres, nous
lui devons une place dans notre travail,
dont sa biographie formera le dernier cha
pitre. Nous espérons établir que, malgré
son incroyable mépris pourson corps et pour
les exigences légitimes delà nature, il doit
Ggurer dans un ouvrage qui a pour titre et
pour objet la bonté et les affections naturel
les chez les saints.
(Ici, M. le marquis de Ségur rappelle
combien les vocations des savants sont di
verses, et combien aussi leur sainteté est
diverse dans ses voies et sus manifestations.
Puis il continue ainsi) ;
Ces distinctions faites, il nous eora facile
de comprendre la vie de saint Benoit La
bre, par la nature particulière et certaine
ment extraordinaire de sa vocation. Cette
vocation se résume en un mot qui se re
trouve dans la vie de tous les saints, mais
qui dans celui-ci, est et doit être en quel
que sorte la forme absolue de sa sainteté :
la mortification, et la mortification publi
que. Gomme la mission de saint Jean-
Baptiste fut d'annoncer Jésus-Christ en
prêchant et en pratiquant la pénitence ab
solue, celle de saint Benoît Labre fat de
confesser Jésus-Christ par le mépris illi
mité, inouï, j'oserai dire provoquant, des
deux grandes puissances infernales qui do
minèrent son siècle: le sensualisme et le
respect humain.
Le sensualisme est de tous les temps; mais
il se trouve des époques malheureuses où
il monte, écume et déborde au point de
menacer la terre d'un nouveau déluge. Il
en était ainsi quand Benoit Labre vint au
monde. C'était en 1748, au milieu du règne
de Louis XV; et quand, vingt-deux ans
plus tard, le sublime mendiant fut poussé
par Dieu sur les grands chemins de l'Eu
rope pour étaler à tous les yeux le prodige
de sa pauvreté et de sa pénitence, le mal
avait atteint son apogée et la marquise de
Pompadour allait faire place k Mme Du
barry! En France, particulièrement, patrie
de Benoit Labre, lès hautes classes respi
raient le luxe et la volupté. Louis XV occu
pait la plaee de saint Louis, et le mépris du
mariage était devenu, dans ie monde des
courtisans, une mode presque obligatoire.
La contagion descendait peu à peu de
Goucfre en couche, et menaçait d'atteindre
les classes populaires en passant par la
bourgeoisie.
Quant au respect humain, cette plaie
honteuse des temps modernes, ce misé
rable tyran des âmes faible^ et des carac
tères sans ressort, il régnait souveraine
ment dans la société littéraire et polie ; il
tenait cour ouverte dans les académies, dans
les salons, et il avait pris la forme puérile,
mais redoutable, de la raillerie et du sar
casme.Le rire satanique'de Voltaire, ce rire
qni ne prouve rien, qui ne sait rien, mais
qui se moque de tout, qui pénètre partout,
qui répond à tout comme le tarte à la crème
du stupide marquis de Molière; ce rire
impie qui tient lieu de raison, de science,
de vertu, et qui, pçr sa futilité même, est
au-dessus ou au-dessous de toute disgus-
sion, battait on brèche la sainte Eglise de
Jésus-Christ et préparait les ruines pro
chaines de la Révolution. Il descendait du
haut en bas da la société, comme le sen
sualisme, et ses éclats sinistres retentis
saient d'échos en échos jusqu'aux bas-fonds
du peuple très chréLien. — Au moment où
Benoit Labre revêtit ses haillons et com
mença sa vie de pèlerin et de mendiant, il
était devenu aussi difficile de résister au
courant de l'impiété qu'à celui de la dé
bauche. La vocation dû saint pauvre d'A-
mettes fut de protester héroïquement contre
l'une et l'autre 1 , et de promener silencieu
sement sa protestation d'un bout à l'autre
de l'Europe catholique.
Il semble que cette vocation lui fut en
voyée dès ses plus jeunes années, et qne,
sans la connaître encore, il en avait dès
lors le pressentiment mystérieux. A peine
put-il parler qu'il parla de Dieu ; à
peine put-il penser qu'il pensa à Dieu et
lui consacra la plus grande partie de
ses journées et même de ses nuits, Encore
enfant, il aimait déjà à se retirer dans un
coin de grenier ou d'étable, où il prolon
geait indéfiniment sa prière. Il recherchait
le silence, et, tout en se montrant doux et
affable envers ses camarades, il fuyait leur
compagnie pour s'entretenir seul à seul
avec Dieu. Son maître d'école, le voyant
toujours sortir de la classe après les autres,
lui on demanda la raison. Le jeune enfant
lui répondit avec une naïveté charmante :
« J'aime mieux laisser partir les autres avant
moi, parce que, en sortant après eux, j'ar
rive plus vite à la maison. » A par'ir de
l'âge de six ou sept ans, il mit son bonheur
à assister aux offices, à se confesser, h ser
vir la messe avec une si tendre piété qu'il
faisait déjà l'édification delà paroisse. Vers
cet âge, il perdit une petite soeur, qui passa
de la terre au ciel après quelques jours
d'existence. En la contemplant morte dans
son berceau, il s'écria, avec un accent de
désir angélique : «Chère petite, que ton
sort est digne d'envie! Que ne puis-je 6 re
aussi heureux que toi !»
A treize ans, aprèî avoir fait sa première
communion, on l'envoya étudier le latin
chez un de ses oncles, curé d'Erin, qui
était aussi son parrain. Le désir de ses pa
rents, en le voyant si pieurç et si intelligent,
était de le donner à Dieu dans le sacerdoce.
Par obéissance, il se livra pendaut plusieurs
années à cette étude, et il étonna son on
cle par son esprit de foi, do charité qt de
pénitence. Mais, dès lors, il ne dissimulait
pas son manque d'attrait pour l'état ecclé
siastique, dont il se croyait indigne, et, à
toutes les instances du curé d'Erin il ré
pondait invariablement ; « Je ne demeure
rai jamais dans le monde ; ma vocation est
de me retirer dans un désert. » Et comme
le bon prêtre l'excitait à ne pas négliger ses
études, il lui répondait, avec autant de dé
cision que de respect : « Mon cher par
rain, je dois vous l'avouer, j'ai pris un dé
goût extrême de toute science profane et
étrangère au salut de mon âme. J'ai résisté
tant que j'ai pu, pour vous complaire; mais
je me sens vaincu par une force supérieure
à. ma volonté; je suis donc résolu à me re
tirer dans un cloître, et j'ai choisi le plus
régulier, que je crois être celui de la
Trappe, »
Ses parents, auxquels on l'envoya pour
les consulter, cherchèrent à lui persuader
qu'il ne devait pas les quitter, mais conti
nuer ses études ecclésiastiques ; et, par
obéissance filiale, il retourna à Erin. Il y
mena dès lors la vie d'on anachorète ; on
l'appelait le jeune saint , et on le vénérait
comme tel, malgré sa jeunesse, — Sur ces
entrefaites, une maladie contagieuse éclata
dans la paroisse d'Erin et y fit, en peu do
temps, de nombreuses victimes. Benoît
Labre montra alors, par son admirable dé
vouement, que la charité est le fond de toute
sainteté, Il se prodigua, comme son oncle
lui même, à soigner les malades, à les
préparer au grand passage, à ensevelir les
morts. Il alla plus loin, et, pour venir en
aide aux pauvres habitants du village que
la maladie ompêchait de travailler, il les
suppléa autant qu'il put dans leur travail,
prenant pour lui les services les plus rebu
tants, et se faisant garçon d'écurie ■ pour
leur conserver les chevaux et le bétail qui
formaient tout leur avoir. Malgré tant de
fatigues, il fut épargné par le fléau. Mais
le bon curé d'Erin en fut atteint et mourut
entre les bras de son neveu, béni et pleuré
de tous ses paroissiens.
Après sa mort, I^enoîfc resta encore six se
maines à Ecin, luttant jusqu'au bout contre
le typhus et se faisant tout à tous, comme
s'il eût été le pasteur de ce troupeau désolé.
Puis, le Qéau yaiqcu et sa tâjhe terminée,
il revint à Amette3, ver3 l'année 1703. Il
avait alors dix neuf ans, et il .
nouveau ses parents de 1 "'
laTrapne---' „ -"'««r partir pour
ri ^ttis, cette fois encore, le trou-
v .^^ 'rop jeune pour supporter les austé
rités '4 UH Q"dfo aussi rigoureux, ils lui re
fusèrent leur consentement. Il s'en consola,
en menant chez lui la vie d'un trappiste, et
quand sa mère lui reprochait l'excès de ses
mortifications, il lui répondait doucement :
« Oh ! ne vous fâchez pas, ma chère mère ;
Dieu m'appelle à la vie austère de la Trap
pe ; ne iaut-il pas que je m'y habitue avant
de l'entreprendre ? Je me prépare à suivre
les voies de Dieu. »
Sa ferveur grandissait avec sa pénitence.
Quand il s'approchait de la sainte table, le
rayonnement de son visage était tel que ceux
qui le voyaient communier brûlaient du
désir de communier comme lui et de
mourir ensuite dans le baiser eucharisli'
que. Voici le témoignage de sa mère après
la mort du saint : « Quoiqu'il n'eût pas
encore dix-neuf ans accomplis à son retour
d'Erin, il semblait tellement mort aumonde
qu'iln'était pas enétat do rendrscomptedes
lieux où il allait. Son recueillement en Dieu
était déjà si constant qu'on pouvait regar
der sa vie comme une prière et une oraison
con'.inuelles. Il était si scrupuleux obser
vateur de la juslice que, quand je sortais
pour quelque empiète, il me priait quelque
fois de ne pas marchander, de orainte que
le marchand ne gagnât pas autant qu'il
é!ait juste, ou n'en prît occasion de mentir
ou de se parjurer. »
Enfin, ses parents, vaincus par l'éviden
ce, le laissèrent suivre sa vocation ; mais,
à leur prière, il essaya d'abord de la vie
des Chartreux, moins rude que celie des
Trappistes et il entra en 1767à la Chartreu
se du Val de Sainte-Aldegonde, située dans
le voisinage d'Amcilcs. Ce n'était pas là
que Dieu l'appelait : il tomba bientôt si
gravement malade qu'il dut quitter le cou
vent et retourner- se guérir chez lui. A la
Trappe, ofo il se présonta ensuite, on ne
voulut pas l'accepter à cause do son âge.
Enfin, après une nouvelle maladie qui le
retint si* semaines à Amettes, H r&fiîirti*-
pour-la Chartreuse de Neuvili» -' u * lu j
rTi 10 ÏÔ "-ir, et,'cette fois,
f.B.-'r ■--udon de ne plus revenir au
natal. Il fit ses adieux à ses parents
et leur dit" en les quittant : « Je ne revien
drai plus, quoi qu'il arrive, et je ne vous
reverrai plus que d ins la vallée de Josa-
phat. » C'était le 12 août 1769 ; il n'avait
pas accompli sa vingt-deuxième année.
des hommes nouveaux, pris n'importe où»
mais qui n'aient pas ébranlé la Constitution,
qui n'aient pas détruit l'autorité,qui n'aient
pas affaibli l'administration, qui n'aient
point surtout préparé le césarisme en ameu
tant toutes les convoitises en bas et toutes
les frayeurs en haut.
L'heure est passée de la politique des
groupes, des manœuvres parlementaires,
des syndicats électoraux ; ce n'est point la
Chambre qu'il faut sauver, c'est la liberté,
c'est l'avenir de la patrie.
La République française est non
moins nette :
Le cabinet affecte de ne pas se sentir at«
teint par la défaite.
Je ne veux pas récriminer ; cependant»
comment ne pas rappeler d'un mot qua
cette défaite, — qui n'est pas, hélas I seu
lement la défaite de M. le président du
conseil, — c'est le cabinet qui l'a préparée
et qui l'a voulue ?
Nous aurions reconnu à M. le
président du conseil vainqueur le droit
de monter au Capitole, où il est pro
bable que quelques strapontins seulement
nous eussent été réservés ; M. le président
du conseil vaincu a-t-il oui ou non le de
voir de s'incliner ?
Qu'il le demande à ceux de ses amis
politiques et personnels qui, repoussant
comme indigne d'eux en un pareil moment
tonte vaine et misérable préoccupation da
coterie, ne songent qu'à l'intérêt supérieur
de la république menacée !
Mais M. Floquet paraît bien vouloir
s'obstiner à rester. Et il court à ce su
jet toute sorte de bruits. On racon
tait même hier que là mise en état de
siège de Paris serait dès à présent ar
rêtée et même signée. Mais on consi
dère comme peu probable que M. Car-
not se prête à contresigner cette me-'
sure. Comme le disait assez pittores-
quement le Temps il y a deux jours,
on ne mène pas les trois cinquièmes
de Paris au poste.
_ L Agence v Ilavas nous communique
la note suivante :
Le ministre de la marine a reçu ce ma-
m 1 j 116 ^Pêche du gouverneur général de
1 lndo Chine lui annonçant que Dong-Kahn,
roi d'Annam, est mort le 27 janvier, à Hué,
après une très courte maladie. ■-
Décidément il y a brouille com
plète entre le chancelier allemand et
les conservateurs. Il vient de frapper
un grand coup contre eux. La Gazette
de la Croix & été saisie pour avoir pu
blié un article intitulé : Sentiments mo
narchiques. De plus, on a fait une per
quisition minutieuse dans les bureaux
du journal.
M. de Hammerstein, rédacteur en
chef, s'est déclaré l'auteur de l'article.
Il serait poursuivi pour crime de lèse-
majesté. ,
Cette brouille est survenue à la suite
de l'affaire Morier-Geffcken,
La Civiltà cattolica qui nous par
vient aujourd'hui contient un impor
tant document. C'est le texte latin d'un
postulatum présenté au concile du Va
tican par Sa Sainteté Léon XIII, alors
cardinal Pecci, évêque de Pérouse,
contre l'ontologisme, comme ouvrant
la voie au rationalisme, au panthéisme
et à Téolectisme.
Cette publication est faite pour con
fondre un soi-disant prélat romain
qui, pour défendre le rosminianisme,
a prétendu, dans une publication ré
cents, que le Pape lui-même avait,
jusque dans son encyclique Libertas,
soutenu la thèse rosminienne.
Il disait vrai, et pourtant le dernier mot
de sa vocation ne lui avait pas encore été
révélé. Mais il se sentait poussé comme
par les épaules hors de la maison pater
nelle, loin du lieu de sa naissance, loin da
tout ce qu'il aimait ici-bas. Ainsi Jean-Bap
tiste, enfant, quittait pour toujours la mai
son de Zacharie et d'Elisabeth, emporté au
désert par lo souffle du divin Esprit. Ainsi,
dans une vocation également sublime, quoi
que d'un ordre inférieur, Jeanne d'Arc,
guidée par ses voix mystérieuses, abandon
nait Vaucouleurs pour sauver soa pays et
mourir nj.artyre à Rouen.
Six semaines après son entrée 'à la Char
treuse de Neuville, Benoît Ij'abre en sortait
encore une fois et partait pour la Trappe
de wept-Foiits, « Mon fils, lui avait dit le
prieur des Chartreux, la Providence na
vous appelle pas dans notre institut ; sui
vez les inspirations de la grâce. » Il se re-
mit en marche, à pied, sans ressources,
et fit ainsi les quatre-vingls lieues qui le sé
paraient du monastère de Sept-Fonds. Là 3
se crut enfin au terme de ses voyages, lui qui
devait être levoyageurde Jésus-Christ pen
dant plus de d ix ans. Il fu t. admis comme novi
ce sous le nom de frère Urbain, et embauma
lo couvent du parfum de sa sainteté. Mais
après^ six mois de noviciat, poursuivi pa,r la
pensée qu'il n'était pas dans sa vocation,
désolé, ne sachant plus ce qn,e Dieu voulait
de lui, il tomba malade ci fut transporté
dans l'hôpital des pauvres. Ceux qui le soi
gnaient racontaient que su vie était un©
converaatien non interrompue avec Dieu,
tandis qu'aucune parole humaine ne sortait
de sa bouche. Ils se disaient entre eux
avec admiration ; « Le jeune Labre est un
saint ; allons lq voir. » Qn^uf. <1 fut rétabli,
le pèr-e abbé lai adieux, en lui di
sant, corntQû '/à Prieur des Chartreux :
« Mo^ jji Si vous n'Êtes pas destiné pour
notre couvert; Dieu vous veut ailleurs. »
Tout en quittant à regret la Trappe da
Sept-Fonls, la saint jeune homme sentait
bien dans son âme que Dieu le voulait ail
leurs. Mais oîi donc Dieu le voulait-il? Où
et comment pourrait-il mener, hors d'un
cloître la vie péaitento, solitaire et cachée
à laquelle il se sentait appelé dès son en-
fance ? Le moment était venu où le. secret
divin allait lui être révélé. Sans savoir ec
N* 7704 — Edition quotidienn®
Jeudi 31 Janvier 1889
OB
53
ÉDITION QUOTIDIENNE
... PARIS ■ ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (UNION POSTAI®)
■ Un an. . , . . 55 » 66 »
Six.mois. . . 28 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
UN NUMÉRO | Départements. 20 —
BUREAUX : Paris; 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8 '
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (ONION POSTALE)
Un an 30 a 36 »
Six mois. ... 16 » 19 »
Trois mois. . . 8 50 10 »
Les abonnements partent des l" et le ïs chaque uioi*
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C 10 , 6, place de la Bourse
fRAHCB
PARIS, 30 JANVIER 1889
Qu'adviendra-t-il demain, du minis
tère Floquet ? Des manifestations très
significatives se produisent contre lui
dans les groupes opportunistes de la
Chambre des députés et surtout du
Sénat. Même les sénateurs du centre
gauche deviennent belliqueux. Le dis
cours de M. Bardoux prenant posses
sion de la présidence, discours que
nous reproduisons intégralement, pro
cède de la même inspiration que celui
de M. Challemel-Lacour dans la dis
cussion du budget. Il faut ajouter que
déjà une démarche a été faite auprès
de M. Garnot par M. Barbey, porte-
parole des groupes républicains: du
Sénat, pour lui demander un, nouveau
ministère qui défendrait,mieux que M.
Floquet, la république contre le bou-
langisme.
Que va faire demain M. Floquet pour
parer à ces attaques ?
Jusqu'ici M. Floquet n'annonce d'au
tre remède contre le boulangisme que
le scrutin d'arrondissement ; c'est, du
moins, ce qui résulte de la note de
l'officieuse Agence ffavas au sujet du
conseil des ministres d'hier matin. On
parle bien d'un décret établissantl'état
de siège, qui serait déjà signé; mais
c'est bien gros, id'autant qu'il nous
semble que la législation actuelle ne
permet plus au gouvernement d'éta
blir l'état de siège sans l'autorisation
préalable des Chambres. Les lois chan
gent si souvent qu'on s'y perd.
A l'occasion de ce retour, mainte
nant certain, au scrutin uninominal,
on remarquera le respect des républi
cains pour le suffrage universel, qu'ils
lie cessent de proclamer : le maître
absolu ; au fond, ils ne veulent que
s'en servir pour enlever le pouvoir et
s'y maintenir.
Hier, à la Chambre des députés,
on & commencé la discussion en
deuxième lecture de la loi rela
tive au travail des femmes et des
enfants dans les manufactures; trois
articles ont été votés. M. le comte
Albert de Mun a prononcé un discours
dont on trouvera le texte au compte
rendu de la séance. M. Andrieux, tou
jours fantaisiste, a déclaré,au début de
.la discussion, qu'elle était purement
platonique; il n'avait pas complète
ment tort.
Au Séxiat, les séances,continuent à
être dénuées d'intérêt ; on a voté hier
d'urgence la prorogation de là réforme
judiciaire en Egypte, et en première
lecture un projet relatif à la procé
dure devant les conseils de préfecture.
On ne s'occupait guère de ce qui se
faisait en séance. L'attention était aux
. réunions des bureaux,dont noqsavons
déjà signalé le caractère.
M. Tisza voyait plus juste que ses.
.adversaires: ia Chambre hongroise a
voté, à une assez forte majorité, 267
voix contre 141, qu'elle passait à la
discussion des articles de loi militaire,
mais lés dernières séances ont été foFt
mouvementées. Il parait, du resté, que
les adversaires de la loi ne perdent pas
courage, ils reprendront la lutte sur
certains articles.
En dehors du Parlement les mani
festations contre la loi continuent, tou
jours, violentes ; elles affectent de plus
en plu3 un caractère révolutionnaire,
comme le témoigne l'intervention de
Kossuth.
Le Reichstag a yoté en deuxième
lecture la loi sur les crédits africains ;
le triomphe de M. de Bismarck était
certain du moment que le centre ac
ceptait ses projets de colonisation,
dans l'espoir d'en voir sortir l'abolition
de l'esclavage.
P.-S. — A la dernière heure, l'Agence
Havas nous communique la dépêche
suivante, constatant que l'Angleterre
ne conteste pas le protectorat français
sur l'archipel Coolc. C'est une première
et heureuse conséquence de la ques
tion de Mgr Freppel :
Londres, 30 janvier.
Lord Salisbury, dans un entretien qu'il
a eu avec M. "VVaddington, lui a déclaré
que le gouvernement de la Grande-Breta
gne n'avait jamais songé à contester notre
protectorat sur les deux tles de l'archipel
Ceok,NOÙ il est établi depuis une cinquan
taine d'années.
Le scrutin de liste étant la forme
essentiellement politique du suffrage
universel et permettant mieux que le
scrutin uninominal de faire connaître,
aux jours de crise, le vœu du pays, les
républicains n'en veulent plus. Ils en
ont peur. Ils ont bien raison d'en
avoir peur, car cette fois, il les chas
serait. Ils en sont eux-mêmes ab
solument convaincus. De là le projet
de réforme électorale que présentera
demain M. Floquet.
Les voilà donc réduits ces apolo
gistes effrénés de la souveraineté du
peuple à trembler devant le bulletin
de vote, à ruser avec le suffrage uni
versel, à vouloir le discipliner, c'est-
à dire l'escamoter. Ils vont faire une
loi électorale contre un homme. Et
cette loi par laquelle ils se donneront
un démenti, ne suffira pas à les ras
surer. Ils y ajouteront des dispositions
particulières qui viseront plus direc
tement encore M. Boulanger. Ne par
lent-ils pas déjà d'empêcher les can
didatures multiples ? Pourquoi ne pas
frapper tout de suite le Général d'iné-
ligibilité! M. Floquet devrait proposer
cela. Ne l'en défions pas. Il est homme
à le taire. Il y mettrait même la crâne-
rie qui lui est propre : la crânerie d'un
pion qui joue le Gid.
La nouvelle loi électorale jettera cer
tainement du trouble dans les plans
de M. Boulanger et gênera aussi en
divers départements les conservateurs.
Mais comme résultat d'ensemble, ni
le Général, ni surtout les conserva
teurs n'en seront affaiblis. La popula
rité de M- Boulanger; est d'autant plus
difficile à ruiner qu'elle n'est pas née
de son mérite et de ses services. Elle a
pour raison d'être les fautes de ceux
qui veulent le proscrire, le dégoût
qu'ils inspirent et, par conséquent
elle durera tant qu'ils seront là. Plus
ils le désigneront comme l'ennemi,
plus on le poussera contre eux.
Quant aux conservateurs, le scrutin
uninominal, tout en rendant plus dif
ficile l'accord entre les divers groupes,
ne l'empêchera point. On -s'entendra
en vertu de l'axiome: nécessité fait
loi. Gela, au fond, pourra valoir mieux
que l'union conservatrice, dqnt il ne
fallait attendre qu'une majorité sans
principes arrêtés, une majorité inco
lore assez forte pour renverser des mi
nistères, mais impuissante à former
un gouvernement.
Nous combattrons néanmoins le pro
jet de M. Floquet, parce qu'il donne
rait un regain d'espoir aux républi
cains et pourrait à la fois aggraver èt
prolonger la crise; mais qu'il soit
adopté ou repoussé, l'élection ' pari
sienne du .27 janvier n'en aura pas
moins pour résultat la fin du régime
actuel.
Eugène Veuillot.
En attendant la bataille de demain,
il fallait bien occuper la Chambre à
autre chose que des bavardages de
couloirs ; et, naturellement, on devait
suivre l'ordre du jour. Après avoir voté
un projet concernant le port de
Bayonne, la Chambre se trouvait en
face de ce grand problème : le travail
des enfants et des femmes dans les
usines. Comme M. Andrieux l'a rap
pelé, la proposition qui se rapporte
à ce sujet a déjà été discutée
au Palais-Bourbon et au Sénat,et elle
a subi diverses modifications qui en
ont réduit beaucoup la portée. Le ma
licieux orateur a constaté qu'une dis
cussion nouvelle,engagée en un pareil
moment, ne pouvait avoir qu'un sim
ple caractère académique.
Néanmoins le débat n'a manqué ni
d'intérêt ni de gravité. L'article 1 er et
l'article 2 fixent le minimum de treize
ans pour l'entrée des enfants dans les
établissements industriels et imposent
la production d'un certificat d'apti
tude physique ; ces articles ont été
adoptés. L'article 3 a pris toute la
séance ; il concerne le maximum des
heures de travail : dix heures pour les
enfants ; onze pour les filles mineures
au-dessus de dix-huit ans et pour les
femmes.
M. Albert Ferry a combattu vive
ment ces dispositions, et il a demandé
qu'on se bornât à limiter la durée du
travail à douze heures, en développant
uniquement des raisons d'ordre pra
tique. Il a insisté sur le rôle de la
femme et des enfants dans les usines,
qui consiste principalement à préparer
là besogne des ouvriers ; il a soutenu
que le travail de nuit est, d'une ma
nière générale, parfaitement compati
ble avec l'existence familiale.
M. Lyonnais a répondu en citant
l'exemple de l'Angleterre, où, depuis
1867, a-t-il dit, le travail des femmes
est supprimé ; de l'Allemagne, où les
femmes ne travaillent plus la nuit et
où le travail de jour est limité à dix
heures ; de l'Autriche et de la Suisse,
où le travail de nuit est également in
terdit aux femmes. Cet exemple que
nous donnent les nations étrangères
M. Lyonnais nous le propose,en invo
quant des considérations de justice et
d'intérêt. L'ex-mécanicien a fait avec
rudesse le tableau de ces ménages où
la femme est prise par l'usine le jour
et le mari la nuit; où il n'y a plus de
paix ni de joie parce qu'il n'y a plus
de repos.
M. Frédéric Passy, qui défendra en
core les sophismes de 1791 quand le
monde entier les aura répudiés, a,
comme d'ordinaire, célébré les avan
tages de la liberté absolue. Il a no
tamment reproché aux réglementa-
teurs d'empêcher les familles d'aug
menter leurs ressources.
Le rapporteur, M. Richard Wad
dington, a lait observer qu'on discu
tait le travail de nuit à propqs du tra
vail de jour ; ces deux queslions diffé
rentes sont traitées en deux articles
différents.
M. {kmélinat ayant demandé plus
que la commission n'accorde, le gou
vernement a proposé un système de
conciliation.
M. le comte de Mun est intervenu
alors pour résumer etpréciser les prin
cipes qu'il a déjà exposés avec urçe si
noble et si brillante éloquence. L'il
lustre orateur a approuvé le procédé
de transaction parce qu'il est désireux
et impatient de voir améliorer la con
dition des familles ouvrières. Il s'est
de nouveau, dans une improvisation
chaleureuse, élevé contre cette pré
tendue liberté qui fait de l'individu,
soit ouvrier, soit patron, la victime de
la concurrence. Avec l'autorité de son
séduisant caractère et de son admi
rable talent, il a affirmé la légitimité
et la nécessité du principe de régle
mentation. Aux adversaires qui lui op
posaient les pays où la réglementation
sera moindre, M. de Mun a nettement
répondu en exposant l'idée d'une lé
gislation internationale ; et il a fait al
lusion à la-proposition de ce genre pré
sentée récemment au Parlement fédéral
de Genève, par M. Favon, un libéral,
et M. Decurtins, un catholique. (Nous
avons nous-mêmes publié la plus
grande partie du discours de M. De
curtins.) M. de Mun ne peut se dissi
muler que l'activité industrielle tend
de toutes ses forces à confondre les
marchés de tous les peuples dans un
marché unique, dans le marché du
monde ; il envisage hardiment cette
perspective et demande à ceux qui ont
le souci de la justice et de l'humanité
de concerter leurs efforts et leurs vo
lontés pour un but éminemment mo
ral et généreux ! ;M. de Mun a été vi
vement applaudi même par la gauche
avancée.
M. Albert Duchesne a cru devoir pro
tester contre ce qu'il appelle le socia
lisme d'Etat.
Au vote, la droite s'est divisée. Il a
fallu un pointage. Néanmoins, une
majorité de 29 voix a fait prévaloir la
rédaction portant: dix heures de tra
vail pour les enfants ; onze heures
pour les filles mineures ou les fem
mes.
Et demain on reprend la bataille
politique.
Eugène Tavernier.
Le Sénat s'est occupé hier officielle
ment de discussions techniques abso
lument étrangères au général Boulan
ger; mais à voir les groupes qui se for
maient dans la salle même du Sénat,
discutant debout contre les murs,
dans les coins, avec autant d'anima
tion que peut en comporter le tempé
rament sénatorial, on devinait qu'il
ne s'agissait pas exclusivement des
conseils de préfecture.
On a commencé par voter un crédit
de 76,744 trancs pour faire face à des
dépenses de matériel et à des frais de
transports de détenus et de libérés.
C'est une sage prévoyance.
Ensuite on a voté sans observations,
sans opposiiion, comme sans adhé
sion, les mains dans les poches, en
application du gui ne dit rien consent,
vingt-trois articles de la proposition de
loi de MM. Lisbonne et Clément sur
la procédure à suivre devant les con
seils de préfecture. A propos de l'ar
ticle 24, M. Bozérian a formulé quel
ques observations,sur lesquelles il n'a
d'ailleurs pas insisté.
Les articles 25 à 46 ont été yotés
comme les précédents. Rien à signaler
que l'adoption d'un amendement de
M. Lenoël ayant pour but d'éviter les
arrêtés de partage, et . prescrivant que
ces arrêtés soient toujours rendus par
des conseillers délibérant en nombre
impair. Quelques sénateurs se sont
abstenus, craignant de passer pour
cléricaux : Numéro deus impare gaudet.
Le reste de la loi a été voté sans dé
bats.
J. M.
La situation
Le général Boulanger adresse la let
tre suivante aux électeurs du dépar
tement de la Seine :
Electeurs de la Seine ,
Encore sous le. coup de la profonde émo
tion où m'a laissé la merveilleuse manifes
tation de dimanche, je ne veux cependant
pas ajourner l'expression de ma reconnais
sance à l'admirable population qui a si bra
vement marché en colonne serrée contre la
coalition parlementaire, composée de tous
cenx qui se réclamaient audacieusement de
la République, que leurs fautes, leur im
puissance et leurs intrigues ont si grave
ment compromise. '
Jamais, sous aucun régime, campagne
officielle d'attaques infâmes, de mensonges
calculés et de menaces odieuses n'avait été
plus scandaleusement menée contre nn can
didat. Votre bulletin à la main, vous avez
d'un seul coup balayé calomnies et calom
niateurs.
Le parti républicain national, basé sur la
probité des fonctionnaires et sur la sincé
rité du suffrage universel, est désormais
fondé. La Chambre, qui l'a combattu avec
une fureur sans précédent, n'a plus en face
d'elle que la dissolution, à laquelle elle
n'échappera pas.
Electeurs de la Seine,
C'est à vous, à votre énergie et à votre
bon sens que la Patrie, notre grande Pa
trie, devra d'être débarrassée des parasites
qui la dévorent tout en la déshonorant.
La République est maintenant ouverte à
tous les Français de bonne volonté.
Qu'ils y entrerft, et que les autres en
sortent 1 ■
Vive la France I
Vive la République !
Général Boulanger.
Paris, 29 janvier 188Q.
C'est la journée de demain qui pa
raît devoir décider de la situation;
mais il est difficile, d'après ce qui
s'est passé hier dans les groupes par
lementaires, de prévoir l'issue de cette
journée.
A l'extrême gauche, on s'est montré
assez divisé sur la question de disso
lution, que combattait vivement M.
Henry Maret. Finalement le bureau a
été chargé de voir M. Floquet pour lui
demander une politique d'action éner
gique, mais « sans proposer de lois
nouvelles et seulement à l'aide des lois
existantes ». —
La gauche radicale, elle, a décidé de
soutenir le ministère.
Par contre, l'union des gauches veut
que M. Floquet s'en aille. S'il dépose
son projet de rétablissement de soru-
tin d'arrondissement, elle le votera;
mais elle veut que oe soit avant toute
demande d'interpellation et par consé
quent tout vote de confiance. Sinon
elle votera contre M. Floquet. Là-des
sus les organes dy> 5 parti sont très
nets.
On lit dans le Siècle, qui passe pour
avoir l'oreille de l'Elysée :
Il fq,ut faire de la pelitique nouvelle avec
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 31 janvier 1889
La troisième série de l'ouvrage de M. le
marquis de Ségur sur La Bonté chez les
saints va paraître dans quelques jours à la
librairie Retaux,82,rue Bonaparte.Les trois
volumes forment un ensemble complet,
tout en se vendant séparément. Voici le
dernier chapitre du dernier volume, que
l'auteur veut bien nous communiquer sur
épreuves.
Saint Benoît Labre
Saint Benoît Labro est, avec saint Al
phonse de Liguori, un des deruiers saints
canonisés, il est même le dernier de tou3
par la date de sa naissance. De p^s il est
un saint trançais. A ces divers titres, nous
lui devons une place dans notre travail,
dont sa biographie formera le dernier cha
pitre. Nous espérons établir que, malgré
son incroyable mépris pourson corps et pour
les exigences légitimes delà nature, il doit
Ggurer dans un ouvrage qui a pour titre et
pour objet la bonté et les affections naturel
les chez les saints.
(Ici, M. le marquis de Ségur rappelle
combien les vocations des savants sont di
verses, et combien aussi leur sainteté est
diverse dans ses voies et sus manifestations.
Puis il continue ainsi) ;
Ces distinctions faites, il nous eora facile
de comprendre la vie de saint Benoit La
bre, par la nature particulière et certaine
ment extraordinaire de sa vocation. Cette
vocation se résume en un mot qui se re
trouve dans la vie de tous les saints, mais
qui dans celui-ci, est et doit être en quel
que sorte la forme absolue de sa sainteté :
la mortification, et la mortification publi
que. Gomme la mission de saint Jean-
Baptiste fut d'annoncer Jésus-Christ en
prêchant et en pratiquant la pénitence ab
solue, celle de saint Benoît Labre fat de
confesser Jésus-Christ par le mépris illi
mité, inouï, j'oserai dire provoquant, des
deux grandes puissances infernales qui do
minèrent son siècle: le sensualisme et le
respect humain.
Le sensualisme est de tous les temps; mais
il se trouve des époques malheureuses où
il monte, écume et déborde au point de
menacer la terre d'un nouveau déluge. Il
en était ainsi quand Benoit Labre vint au
monde. C'était en 1748, au milieu du règne
de Louis XV; et quand, vingt-deux ans
plus tard, le sublime mendiant fut poussé
par Dieu sur les grands chemins de l'Eu
rope pour étaler à tous les yeux le prodige
de sa pauvreté et de sa pénitence, le mal
avait atteint son apogée et la marquise de
Pompadour allait faire place k Mme Du
barry! En France, particulièrement, patrie
de Benoit Labre, lès hautes classes respi
raient le luxe et la volupté. Louis XV occu
pait la plaee de saint Louis, et le mépris du
mariage était devenu, dans ie monde des
courtisans, une mode presque obligatoire.
La contagion descendait peu à peu de
Goucfre en couche, et menaçait d'atteindre
les classes populaires en passant par la
bourgeoisie.
Quant au respect humain, cette plaie
honteuse des temps modernes, ce misé
rable tyran des âmes faible^ et des carac
tères sans ressort, il régnait souveraine
ment dans la société littéraire et polie ; il
tenait cour ouverte dans les académies, dans
les salons, et il avait pris la forme puérile,
mais redoutable, de la raillerie et du sar
casme.Le rire satanique'de Voltaire, ce rire
qni ne prouve rien, qui ne sait rien, mais
qui se moque de tout, qui pénètre partout,
qui répond à tout comme le tarte à la crème
du stupide marquis de Molière; ce rire
impie qui tient lieu de raison, de science,
de vertu, et qui, pçr sa futilité même, est
au-dessus ou au-dessous de toute disgus-
sion, battait on brèche la sainte Eglise de
Jésus-Christ et préparait les ruines pro
chaines de la Révolution. Il descendait du
haut en bas da la société, comme le sen
sualisme, et ses éclats sinistres retentis
saient d'échos en échos jusqu'aux bas-fonds
du peuple très chréLien. — Au moment où
Benoit Labre revêtit ses haillons et com
mença sa vie de pèlerin et de mendiant, il
était devenu aussi difficile de résister au
courant de l'impiété qu'à celui de la dé
bauche. La vocation dû saint pauvre d'A-
mettes fut de protester héroïquement contre
l'une et l'autre 1 , et de promener silencieu
sement sa protestation d'un bout à l'autre
de l'Europe catholique.
Il semble que cette vocation lui fut en
voyée dès ses plus jeunes années, et qne,
sans la connaître encore, il en avait dès
lors le pressentiment mystérieux. A peine
put-il parler qu'il parla de Dieu ; à
peine put-il penser qu'il pensa à Dieu et
lui consacra la plus grande partie de
ses journées et même de ses nuits, Encore
enfant, il aimait déjà à se retirer dans un
coin de grenier ou d'étable, où il prolon
geait indéfiniment sa prière. Il recherchait
le silence, et, tout en se montrant doux et
affable envers ses camarades, il fuyait leur
compagnie pour s'entretenir seul à seul
avec Dieu. Son maître d'école, le voyant
toujours sortir de la classe après les autres,
lui on demanda la raison. Le jeune enfant
lui répondit avec une naïveté charmante :
« J'aime mieux laisser partir les autres avant
moi, parce que, en sortant après eux, j'ar
rive plus vite à la maison. » A par'ir de
l'âge de six ou sept ans, il mit son bonheur
à assister aux offices, à se confesser, h ser
vir la messe avec une si tendre piété qu'il
faisait déjà l'édification delà paroisse. Vers
cet âge, il perdit une petite soeur, qui passa
de la terre au ciel après quelques jours
d'existence. En la contemplant morte dans
son berceau, il s'écria, avec un accent de
désir angélique : «Chère petite, que ton
sort est digne d'envie! Que ne puis-je 6 re
aussi heureux que toi !»
A treize ans, aprèî avoir fait sa première
communion, on l'envoya étudier le latin
chez un de ses oncles, curé d'Erin, qui
était aussi son parrain. Le désir de ses pa
rents, en le voyant si pieurç et si intelligent,
était de le donner à Dieu dans le sacerdoce.
Par obéissance, il se livra pendaut plusieurs
années à cette étude, et il étonna son on
cle par son esprit de foi, do charité qt de
pénitence. Mais, dès lors, il ne dissimulait
pas son manque d'attrait pour l'état ecclé
siastique, dont il se croyait indigne, et, à
toutes les instances du curé d'Erin il ré
pondait invariablement ; « Je ne demeure
rai jamais dans le monde ; ma vocation est
de me retirer dans un désert. » Et comme
le bon prêtre l'excitait à ne pas négliger ses
études, il lui répondait, avec autant de dé
cision que de respect : « Mon cher par
rain, je dois vous l'avouer, j'ai pris un dé
goût extrême de toute science profane et
étrangère au salut de mon âme. J'ai résisté
tant que j'ai pu, pour vous complaire; mais
je me sens vaincu par une force supérieure
à. ma volonté; je suis donc résolu à me re
tirer dans un cloître, et j'ai choisi le plus
régulier, que je crois être celui de la
Trappe, »
Ses parents, auxquels on l'envoya pour
les consulter, cherchèrent à lui persuader
qu'il ne devait pas les quitter, mais conti
nuer ses études ecclésiastiques ; et, par
obéissance filiale, il retourna à Erin. Il y
mena dès lors la vie d'on anachorète ; on
l'appelait le jeune saint , et on le vénérait
comme tel, malgré sa jeunesse, — Sur ces
entrefaites, une maladie contagieuse éclata
dans la paroisse d'Erin et y fit, en peu do
temps, de nombreuses victimes. Benoît
Labre montra alors, par son admirable dé
vouement, que la charité est le fond de toute
sainteté, Il se prodigua, comme son oncle
lui même, à soigner les malades, à les
préparer au grand passage, à ensevelir les
morts. Il alla plus loin, et, pour venir en
aide aux pauvres habitants du village que
la maladie ompêchait de travailler, il les
suppléa autant qu'il put dans leur travail,
prenant pour lui les services les plus rebu
tants, et se faisant garçon d'écurie ■ pour
leur conserver les chevaux et le bétail qui
formaient tout leur avoir. Malgré tant de
fatigues, il fut épargné par le fléau. Mais
le bon curé d'Erin en fut atteint et mourut
entre les bras de son neveu, béni et pleuré
de tous ses paroissiens.
Après sa mort, I^enoîfc resta encore six se
maines à Ecin, luttant jusqu'au bout contre
le typhus et se faisant tout à tous, comme
s'il eût été le pasteur de ce troupeau désolé.
Puis, le Qéau yaiqcu et sa tâjhe terminée,
il revint à Amette3, ver3 l'année 1703. Il
avait alors dix neuf ans, et il .
nouveau ses parents de 1 "'
laTrapne---' „ -"'««r partir pour
ri ^ttis, cette fois encore, le trou-
v .^^ 'rop jeune pour supporter les austé
rités '4 UH Q"dfo aussi rigoureux, ils lui re
fusèrent leur consentement. Il s'en consola,
en menant chez lui la vie d'un trappiste, et
quand sa mère lui reprochait l'excès de ses
mortifications, il lui répondait doucement :
« Oh ! ne vous fâchez pas, ma chère mère ;
Dieu m'appelle à la vie austère de la Trap
pe ; ne iaut-il pas que je m'y habitue avant
de l'entreprendre ? Je me prépare à suivre
les voies de Dieu. »
Sa ferveur grandissait avec sa pénitence.
Quand il s'approchait de la sainte table, le
rayonnement de son visage était tel que ceux
qui le voyaient communier brûlaient du
désir de communier comme lui et de
mourir ensuite dans le baiser eucharisli'
que. Voici le témoignage de sa mère après
la mort du saint : « Quoiqu'il n'eût pas
encore dix-neuf ans accomplis à son retour
d'Erin, il semblait tellement mort aumonde
qu'iln'était pas enétat do rendrscomptedes
lieux où il allait. Son recueillement en Dieu
était déjà si constant qu'on pouvait regar
der sa vie comme une prière et une oraison
con'.inuelles. Il était si scrupuleux obser
vateur de la juslice que, quand je sortais
pour quelque empiète, il me priait quelque
fois de ne pas marchander, de orainte que
le marchand ne gagnât pas autant qu'il
é!ait juste, ou n'en prît occasion de mentir
ou de se parjurer. »
Enfin, ses parents, vaincus par l'éviden
ce, le laissèrent suivre sa vocation ; mais,
à leur prière, il essaya d'abord de la vie
des Chartreux, moins rude que celie des
Trappistes et il entra en 1767à la Chartreu
se du Val de Sainte-Aldegonde, située dans
le voisinage d'Amcilcs. Ce n'était pas là
que Dieu l'appelait : il tomba bientôt si
gravement malade qu'il dut quitter le cou
vent et retourner- se guérir chez lui. A la
Trappe, ofo il se présonta ensuite, on ne
voulut pas l'accepter à cause do son âge.
Enfin, après une nouvelle maladie qui le
retint si* semaines à Amettes, H r&fiîirti*-
pour-la Chartreuse de Neuvili» -' u * lu j
rTi 10 ÏÔ "-ir, et,'cette fois,
f.B.-'r ■--udon de ne plus revenir au
natal. Il fit ses adieux à ses parents
et leur dit" en les quittant : « Je ne revien
drai plus, quoi qu'il arrive, et je ne vous
reverrai plus que d ins la vallée de Josa-
phat. » C'était le 12 août 1769 ; il n'avait
pas accompli sa vingt-deuxième année.
des hommes nouveaux, pris n'importe où»
mais qui n'aient pas ébranlé la Constitution,
qui n'aient pas détruit l'autorité,qui n'aient
pas affaibli l'administration, qui n'aient
point surtout préparé le césarisme en ameu
tant toutes les convoitises en bas et toutes
les frayeurs en haut.
L'heure est passée de la politique des
groupes, des manœuvres parlementaires,
des syndicats électoraux ; ce n'est point la
Chambre qu'il faut sauver, c'est la liberté,
c'est l'avenir de la patrie.
La République française est non
moins nette :
Le cabinet affecte de ne pas se sentir at«
teint par la défaite.
Je ne veux pas récriminer ; cependant»
comment ne pas rappeler d'un mot qua
cette défaite, — qui n'est pas, hélas I seu
lement la défaite de M. le président du
conseil, — c'est le cabinet qui l'a préparée
et qui l'a voulue ?
Nous aurions reconnu à M. le
président du conseil vainqueur le droit
de monter au Capitole, où il est pro
bable que quelques strapontins seulement
nous eussent été réservés ; M. le président
du conseil vaincu a-t-il oui ou non le de
voir de s'incliner ?
Qu'il le demande à ceux de ses amis
politiques et personnels qui, repoussant
comme indigne d'eux en un pareil moment
tonte vaine et misérable préoccupation da
coterie, ne songent qu'à l'intérêt supérieur
de la république menacée !
Mais M. Floquet paraît bien vouloir
s'obstiner à rester. Et il court à ce su
jet toute sorte de bruits. On racon
tait même hier que là mise en état de
siège de Paris serait dès à présent ar
rêtée et même signée. Mais on consi
dère comme peu probable que M. Car-
not se prête à contresigner cette me-'
sure. Comme le disait assez pittores-
quement le Temps il y a deux jours,
on ne mène pas les trois cinquièmes
de Paris au poste.
_ L Agence v Ilavas nous communique
la note suivante :
Le ministre de la marine a reçu ce ma-
m 1 j 116 ^Pêche du gouverneur général de
1 lndo Chine lui annonçant que Dong-Kahn,
roi d'Annam, est mort le 27 janvier, à Hué,
après une très courte maladie. ■-
Décidément il y a brouille com
plète entre le chancelier allemand et
les conservateurs. Il vient de frapper
un grand coup contre eux. La Gazette
de la Croix & été saisie pour avoir pu
blié un article intitulé : Sentiments mo
narchiques. De plus, on a fait une per
quisition minutieuse dans les bureaux
du journal.
M. de Hammerstein, rédacteur en
chef, s'est déclaré l'auteur de l'article.
Il serait poursuivi pour crime de lèse-
majesté. ,
Cette brouille est survenue à la suite
de l'affaire Morier-Geffcken,
La Civiltà cattolica qui nous par
vient aujourd'hui contient un impor
tant document. C'est le texte latin d'un
postulatum présenté au concile du Va
tican par Sa Sainteté Léon XIII, alors
cardinal Pecci, évêque de Pérouse,
contre l'ontologisme, comme ouvrant
la voie au rationalisme, au panthéisme
et à Téolectisme.
Cette publication est faite pour con
fondre un soi-disant prélat romain
qui, pour défendre le rosminianisme,
a prétendu, dans une publication ré
cents, que le Pape lui-même avait,
jusque dans son encyclique Libertas,
soutenu la thèse rosminienne.
Il disait vrai, et pourtant le dernier mot
de sa vocation ne lui avait pas encore été
révélé. Mais il se sentait poussé comme
par les épaules hors de la maison pater
nelle, loin du lieu de sa naissance, loin da
tout ce qu'il aimait ici-bas. Ainsi Jean-Bap
tiste, enfant, quittait pour toujours la mai
son de Zacharie et d'Elisabeth, emporté au
désert par lo souffle du divin Esprit. Ainsi,
dans une vocation également sublime, quoi
que d'un ordre inférieur, Jeanne d'Arc,
guidée par ses voix mystérieuses, abandon
nait Vaucouleurs pour sauver soa pays et
mourir nj.artyre à Rouen.
Six semaines après son entrée 'à la Char
treuse de Neuville, Benoît Ij'abre en sortait
encore une fois et partait pour la Trappe
de wept-Foiits, « Mon fils, lui avait dit le
prieur des Chartreux, la Providence na
vous appelle pas dans notre institut ; sui
vez les inspirations de la grâce. » Il se re-
mit en marche, à pied, sans ressources,
et fit ainsi les quatre-vingls lieues qui le sé
paraient du monastère de Sept-Fonds. Là 3
se crut enfin au terme de ses voyages, lui qui
devait être levoyageurde Jésus-Christ pen
dant plus de d ix ans. Il fu t. admis comme novi
ce sous le nom de frère Urbain, et embauma
lo couvent du parfum de sa sainteté. Mais
après^ six mois de noviciat, poursuivi pa,r la
pensée qu'il n'était pas dans sa vocation,
désolé, ne sachant plus ce qn,e Dieu voulait
de lui, il tomba malade ci fut transporté
dans l'hôpital des pauvres. Ceux qui le soi
gnaient racontaient que su vie était un©
converaatien non interrompue avec Dieu,
tandis qu'aucune parole humaine ne sortait
de sa bouche. Ils se disaient entre eux
avec admiration ; « Le jeune Labre est un
saint ; allons lq voir. » Qn^uf. <1 fut rétabli,
le pèr-e abbé lai adieux, en lui di
sant, corntQû '/à Prieur des Chartreux :
« Mo^ jji Si vous n'Êtes pas destiné pour
notre couvert; Dieu vous veut ailleurs. »
Tout en quittant à regret la Trappe da
Sept-Fonls, la saint jeune homme sentait
bien dans son âme que Dieu le voulait ail
leurs. Mais oîi donc Dieu le voulait-il? Où
et comment pourrait-il mener, hors d'un
cloître la vie péaitento, solitaire et cachée
à laquelle il se sentait appelé dès son en-
fance ? Le moment était venu où le. secret
divin allait lui être révélé. Sans savoir ec
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.92%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.92%.
- Collections numériques similaires Foggia Francesco Foggia Francesco /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Foggia Francesco" or dc.contributor adj "Foggia Francesco")Basso per l'organo. Motetti d'autori eccellentissimi [V. Mazzochi, Fr. Foggia, H. Benevoli, G. Carpani, D. C. Moretti, St Fabri, D. Ch. Tomei, D. M. Moretti, D. S. Naldini, D. G. Carissimi, D. Benedetto Pace, G. Morese, T. Cima, N. Gasparucci, P. Giovanni della Madonna delle Neve, D. N. Cherubini, G. F. Marcorelli, D. Fr. Antici, P. S. Lazzarini, D. G. Sabbatini, N. C., D. D. Dufreni, D. D. Massentio, D. Gr. Allegri], a 2, 3, 4, 5, e 6 voci... Seconda raccolta di D. Benedetto Pace... /ark:/12148/btv1b10884077r.highres Psalmodia vespertina, quinque vocibus concinenda ad organi sonum accomodata... Liber secundus, opus decimum tertium /ark:/12148/btv1b10872759g.highres
- Auteurs similaires Foggia Francesco Foggia Francesco /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Foggia Francesco" or dc.contributor adj "Foggia Francesco")Basso per l'organo. Motetti d'autori eccellentissimi [V. Mazzochi, Fr. Foggia, H. Benevoli, G. Carpani, D. C. Moretti, St Fabri, D. Ch. Tomei, D. M. Moretti, D. S. Naldini, D. G. Carissimi, D. Benedetto Pace, G. Morese, T. Cima, N. Gasparucci, P. Giovanni della Madonna delle Neve, D. N. Cherubini, G. F. Marcorelli, D. Fr. Antici, P. S. Lazzarini, D. G. Sabbatini, N. C., D. D. Dufreni, D. D. Massentio, D. Gr. Allegri], a 2, 3, 4, 5, e 6 voci... Seconda raccolta di D. Benedetto Pace... /ark:/12148/btv1b10884077r.highres Psalmodia vespertina, quinque vocibus concinenda ad organi sonum accomodata... Liber secundus, opus decimum tertium /ark:/12148/btv1b10872759g.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k706524t/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k706524t/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k706524t/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k706524t/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k706524t
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k706524t
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k706524t/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest