Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1888-07-24
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 juillet 1888 24 juillet 1888
Description : 1888/07/24 (Numéro 7517). 1888/07/24 (Numéro 7517).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 24 Juillet 188S
N* 7517 Edition quotidienne
Mardi 24 Juillet 1888
gDIÏION QUOTIDIENNE
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Six mois. . . « 23 50 / 34 e
Trois mois, , .15 » r 18 »
EDITION SEMI-QUOTIDIENNE
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NUMERO l Départements. 30 —
HUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
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PARIS
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On s'abonne à B.éme, place du Gesù,~8
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annoitces
I. Ch. LAGRANGE, CERF et C">, 6, place de laBourSO
FRANCE
PARIS, 23 JUIILET Ï688
Décidément, M.-Càrnot est au moîris
maladroite Sa réponse au petit, triais
excellent discours de Mgr Fa^a, était
une faute; il l'avait compris, puisqu'il
la faisait atténuer, sinon retirer, par le
Journal officiel ; et le voila; o "ui retombe
dans la même faute à Valence. En
l'élevant à la présidence de la Répu
blique, les uns fau^ de mieux, les
autres crainte de j&ire, les républi
cains n'ont pas doué leur élu des
qualités nécessa ; ir ®s.
Ajoutons qu'à l e petit discours de
Vizille,.doht r\ous avons donné le texte
hier, a été a.u-dessous de tout ce qu'on
pouvait attendre, même du moins élo
quent et dix moins , adroit des prési
dents; Faire une allusion dédaigneuse
aux régî'ments d'Austrasie et de Royal-
Marine , alors que chez toutes les autres
puissances les régiments ont leurs
iiomt's dont ils sont fiers et que, dans
l'armée française, on multiplie les
"éfïcirts pour rattacher nos régiments
uniformément numérotés aux corps
d'e l'ancienne armée, c'est montrer
Tune rare inintelligence* des choses mi
litaires.
^ Plus justement que lors de l'élec
tion de la Charente, les opportunistes
triomphent. Ce n'est plus l'excentri
que et encombrant Déroulède qui est
battu malgré l'appui;du général Bou
langer, «'est le général lui-même, et
c'est le candidat opportuniste qui
triomphe dans l'Ardèche.
Dans le Rhône, le candidat de la
coalition républicaine Chépié triom
phé également, mais sans gloire; il
n'obtient pas le cinquième des voix.
Les quatre cinquièmes des électeurs
s'abstiennent. C'est beaucoup.
Dans la Dordogne, au contraire,
c'est le candidat conservateur, M. Tail-
Jefer, qui passe. Depuis les élections
générales, c'est la deuxième fois seu
lement que les conservateurs l'empor
tent, et cela dans des départements où
ils n'avaient pas eu la majorité en oc
tobre 1885.
, Toujours les mêmes incertitudes et
les memes contradictions au sujet des
conséquences de l'entrevue des deux
empereurs. Il est certain que le ozar
a répondu à la visite courtoise de l'em
pereur d'Allemagne en lui faisant le
plus brillant accueil ; il est à peu près
sûr qu'il en résultera un certain
rapprochement; ou au moins des rap
ports moins tendus entre l'Allemagne
et la Russie, mais jusqu'où cela ira-t-
il? Voilà ce qu'on ne sait pas et ne
saura peut-être pas de longtemps.
En pareille occurrence, le mieux est
de suspendre son jugement.
Nos lecteurs trouveront plus loin
une très bonne allocution prononcée
par le général Saint-Marc, à la dis
tribution ' des prix du collège fondé à
Tunis par S. Em. le cardinal Lavi-
gerie. De semblables paroles font du
bien à entendre, surtout dans des
pays où l'action catholique est le prin
cipal, sinon le seul soutien de l'in*
iluence française.
L'impôt individuel
Aujourd'hui, c'est une vérité banale
et relative que la République est en
train de ruiner la France. Eh bien!
cette vérité, d'une évidence écrasante;
semble n'être pas comprise, à moins
FEUILLETON DE UUNIVERS
DU 24 JUILLET 1888
que le Français ne veuille, de gaieté
de coeur, se mettre à la besace. On dit
bien, et cela paraît être fondé, qu'il
y a una réaction, qu'on se dégoûte
tout même de la République. Mais
le dégoût est loin d'être en raison
d r ^sTuines innombrables qu'elle amon
celle.
Les élections de 1885 étaient bien
un indice de dégoût, mais elles n'ont
été qu'un coup de collier, qui n'a
guère eu de suite. Nous sortons des
élections municipales. S'il y a une
question où l'électeur soit compétent
et ne vote pas à l'aveuglette, c'est
bien quand il s'agit du conseil muni
cipal, car l'électeur connaît le con-
didat : c'est son voisin, son ami. Il sait
très bien à qui il confie ses intérêts,
et les intérêts qui le touchent de plus
près, ses intérêts moraux et financiers.
Nous ne parlons que du côté finan
cier. L'argent, çà se compte, et les
chiffres ont une logique brutale con
tre laquelle on ne peut regimber.
. Eh bien ! est-ce que l'ensemble des
conseils municipaux n'est pas répu
blicain? Bien plus, ne /tournent-ils
pas au radicalisme ? Et pourtant la ré
publique ruine la France, et avec une
rapidité vertigineuse. Et on a l'air de
ne pas voir.
Quand un professeur s'adresse à des
élèves indociles ou légers, il pratique
une figure de rhétorique qui n'est
pas dans les manuels , au moins sous
son vrai nom : c'est le rabâchage. La
France est cet élève, qui donne du fil
à retordre à ceux qui voudraient la
mettre dans le bon chemin ; il faut lui
rabâcher les mêmes vérités; sous mille
lormes, tâcher de les rendre tellement
frappantes qu'elles finissent par lui
entrer dans la tête. Etudions donc la
marche de l'impôt considéré au point
de vue individuel depuis la fin delà mo-
.narchie jusqu'à l'an de grâce 1887.
En 1847, chaque Français,y compris
la femme et l'enfant, chacun des
trente-sept millions de Français payait
45 francs 46 centimes d'impôts. Sait-
on à quelle somme, de 1847 à 1887,
c'est-à-dire dans l'espace de quarante
ans, s'est élevée cette quote-part indi
viduelle des dépenses publiques ? Elle
s'est majorée de 65 francs 54 centimes,
c'est-à-dire qu'elle a beaucoup plus
que doublé.
Voyons comment s'est répartie cette
augmentation énorme, et quelle part
revient à chacun des régimes sous les
quels a passé la France depuis 1847.
La république de 1848 et l'empire jus
qu'en 1869, avant la guerre de l'inva
sion prussienne, c'est-à-dire pendant
une période de vingt-deux ans, ont
augmenté de 12 francs 54 centimes
la quote-part d'impôt afférente à cha
que Français. Et on avait eu les guer
res de Crimée, de Chine, du Mexique,
d'Italie. Malgré tout, l'augmentation
de l'impôt ne fut que da 12 francs
54 centimes.
Mais la République de 1848 ne fut
guère entre les mains des républicains;
si l'empire dilapidait, il avait encore
des administrateurs des vieilles cou
ches, et d'ailleurs il ne faisait qu'ou
vrir un chenal qui a été joliment
élargi depuis. De 1869 à 1875, l'impôt
individuel a augmenté de 24 francs;
24 francs en six ans 4 soit 4 francs par
an. Mais c'était la liquidation des der
nières folies de l'empire, des pilleries
du gouvernement; de la Défense na
tionale et des désastres de l'invasion
allemande. Dix milliards jetés à la
mer, c'est un jaii denier. Mais enfin
nous étions vaincus ; le terrible axiome
païen Vœ tncrtslnous fut appliqué dans
toute sa rigueur par un vainqueur
impitoyable. , . .
Après cetta terrible brèche, on pou
vait espérer que le gouvernement,quel
qu'il fût, concentrerait ses efforts pour
faire des économies, ou au moins pour
ne pas acïiever de saigner à blanc des
1.
victimes déjà si rudement éeorchée^.
On a dit en effet que la République
voulait se recueillir. Mais son recueil
lement n'a pas été tellement concentré
qu'elle n'ait lait la guerre de Tunisie,
qui ne fut du reste guère qu'une pro
menade peu coûteuse, et qu'elle n'ait
entrepris l'expédition beaucoup plus sé
rieuse du Tonkin. Toutefois ces deux
expéditions sont loin d'expliquer la
surcharge de 29 francs dont est grevé
de plus qu'en 1876 le budget de cha
que Français.
Si cet énorme accroissement d'im
pôt se fait, on peut le dire, en pleine
paix, il ne se fait certes pas en pleine
prospérité. Le commerce languit, l'in
dustrie crie misère, l'agriculture est
aux abois; la gêne, bien plus la ruine
pénètrent partout, rien ne marche.
Il n'y a que l'impôt qui prospère et se
gonfle à plaisir, et malgé cela, la
dette publique grossit démesurément
chaque année, ce qui promet encore
une nouvelle ou plutôt de nouvelles
additions à la colonne de cent onze
francs d'impôt que paye aujour
d'hui chacun des 36 millions de Fran
çais. —
Comment expliquer ce jet,continu ?
Sans doute le fonctionnarisme nous
ronge ; les bouches qui mangent au
râtelier budgétaire sont innombra
bles; c'est une nuée de sauterelle»
d'une faim insatiable. Les travaux
stériles se multiplient. La république
est généreuse pour les vieux de 1848,
de 1852, ceux qui ne sont pas arri
vés, ou qui ont eu des malheurs. L'ad
ministration (nouvelle couche) joue
avec les millions, on en a vu escamo
ter comme une muscade. Et puis, que
d'autres trous plus ou moins mysté
rieux par lesquels disparaît l'or de la
France !
Mais la cause principale, la cause
maudite qui fait que l'argent se fond
sans profit entre les mains de la répu
blique, c'est la guerre à l'Eglise, la
guerre à Dieu. Arracher les âmes à
Dieu pour les livrer à Moloch, cela
coûte cher. Moloch veut des temples
splendides, et des prêtres et des prê
tresses. Si les palais scolaires ne sont
pas toujours peuplés d'élèves, ils le
sont au moins d'instituteurs et d'ins
titutrices de tous calibres. Et comme
les palais scolaires n'ont pas été bâtis
par une fée, les seigneurs et seigneu-
resses qui s'y pavanent ne vivent pas
d'ambroisie. Or, cela coûte cher. •
Tout de même, il faut avouer que le
diable est un fin matois. Il trouve à la
fois le moyen de ruiner la France par
la guerre à l'Eglise, d'en faire payer
les frais surtout aux catholiques, qui
sont l'immense majorité des contri
buables, et de faire croire encore à la
masse des badauds - que la république
est par excellence le gouvernement à
bon marché; si bien que, tout en
payant aujourd'hui cent onze francs,
sans préjudice des décimes de demain,
vous trouvez encore des citoyens
qui vous disent que la république est
le gouvernement économe.
Finira-t-on par voir clair ? On di
rait que les écailles commencent à
tomber des yeux. Mais en attendant
elle coûte cher, la république, et la
carte qu'elle laissera à payer est in
connue. L'âge des comptables n'est
pas passé.
Le Général est battu dans l'Ardèche,
bien battu. C'est un second renfonce
ment, plus grave que l'échec déjà sé
rieux subi en Charente, si grave
même qu'il sera peut-être définitif. Il
faudra voir pourtant. Les antiboulan-
gistes exultent; mais les boulangistes
ne veulent point encore désespérer.
La Presse, l' Intransigeant, font assez
bonne contenance. Inquiets, ces jour
naux doivent l'être; furieux, ils le sont;
geguragés, non pas. Ils ne.peuvent
nier* que le Général soit atteint ; seu
lement, pour eux, la blessure n'est
point mortelle, n'est même pas très
grave. Le programme : dissolution,
revision, est toujours assuré d'un ra
pide et complet triomphe dans le pays.
M. Boulanger se rétablira aussi vite
de ce nouveau coup-là, que du coup
d'épée de M. Floquet. Il n'est battu,
en somme, que par suite des circon
stances; elles ne lui étaient vraiment
guère favorables. Encore l'eût-il em
porté tout de même, si le gouverne
ment n'avait point recouru à la plus
audacieuse pression, aux manœuvres
les plus scandaleuses.
Les journaux boulangistes n'ont pas
tort, absolument. Il est incontestable
qu'il y a eu pression, et que les agents
du ministère ont usé, contre la can
didature du Général, de manœuvres
inouïes. On pourrait donc très bien
dire, si l'aspirant César n'était distan
cé que de quelques centaines, de quel
ques milliers même de voix, qu'il se
rait sorti vainqueur de la lutte sans
l'évidente, l'impudente action gouver
nementale. Mais l'opportuniste Beaus-
sier laisse son concurrent à une" telle
distance, que la pression officielle ne
suffit ppint, seule, à expliquer la
"défaite du candidat de M. Thié-
baud. Il y a autre chose, il y a plus :
la fortune du général 8sten pleine dé
cadence. Et si l'on nous demande les
raisons du déclin, nous demanderons
la cause du succès.
M. Boulanger est donc malade, très
malade, en péril de mort,—comme dic
tateur. Il ne faut pas en dire davantage
pour le moment ; et ses ennemis vont
trop loin en criant qu'il est tout à fait
mort, et même enterré. Opportunistes
et radicaux, méfiez;-vous ! Ce n'est pas
tout d'avoir pris \e requin, et de l'a
voir halé sur le p'ont de votre galère ;
il faut encore luv donner le coup de
grâce ; avant de le recevoir, il est bien
capable, dans Ves soubresauts suprê
mes, de casser iun certain nombre de
jambes.
Songez que 3e Général, grièvement
blessé, blessé p ar un vieil avocat, ce qui
le rendait un'peu ridicule,a pu,malgré
votre union., malgré vos efforts, mal
gré tous le .°i moyens déloyaux, scan
daleux, auxquels vous avez eu recours,
grouper, dans ;le premier département
venu, dan s une région où il n'a point
d'attacher, etsansparaître, sans même
s'expliquer, vingt-cinq mille voix.
C'est faire preuve encore, il nous sem
ble, d'nin certain reste de force. Nous
croyons que vous pourrez bientôt
chanter victoire, définitivement. C'est
au. moins très probable. Mais attendez
tout de même un peu. -
Et puis, quand deux ou trois dé
faites comme celle de l'Ardèche auront
absolument détruit le boulangisme,
réfléchissez à une chose, républicains,
à ceci : que le boulangisme ne s ? est
pas fait tout seul. Il a eu pour cause
votre dérive [constante et inquiétante
vers le radicalisme, vos dilapidations
financières, vos persécutions religieu
ses, votre déplorable politique enfin.
Si vous en êtes capables, profitez de
cette chaude leçon.
P ierre V euillot.
Au sujot de l'élection de l'Ardèche,
on lit dans Figaro :
- N'oubVions pas toutefois, pour bien don
ner à l' élection de l'Ardèche son véritable
caractère, qu'il s'agissait de remplacer non
un conservateur, mais un républicain, et
que la journée d'hier ne change rien à des
positions prises depuis longtemps.
Fin politique comme ailleurs, il y a béné
fice à agir avec droiture : faire du roya-
li finie ou du bonapartisme sous le masque
imprudence dont on commence à voiries
conséquences, mais un aveu d'impuissance
et d'impopularité, pour les principes que
l'on prétend défendre. — F. M.
Voilà une observation qu'on ne sera
pas peu surpris de trouver dans un
journal connu pour son dédain des
principes,et dont le programme se ré
sume à empêcher qu'on ne trouble les
plaisirs du boulevard.
Mais, si peu d'autorité qu'ait une
observation de ce genre, venant du
Figaro , elle n'en est pas moins à rete
nir. Oui, certes, il y a bénéfice, en po
litique comme ailleurs, à agir avec
droiture, et si le Figaro s'en aperçoit
un peu tard, lui qui en toutes circon
stances s'est plu à verser le ridicule
ou lé discrédit sur les hommes francs
d'allure et de principe en-politique
comme ailleurs, nous ne sommes que
mieux fondés à prendre acte de cet
aveu pour le recommander à l'atten
tion des politiciens du jour. _
Trop souvent, hélas ! il arrive que
ceux-ci, pour conservateurs qu'ils se
donnent et qu'ils soient, n'ont qu'une
préoccupation : celle de ne pas afficher
leurs principes et d'empêcher qu'on
leur attribue publiquement les idées
qu'ils déclarent professer dans le se
cret. C'est de: la couardise, et on ne
change pas le caractère de cette atti
tude volontairement effacée parce qu'à
l'occasion on la décore du nom de
prudence. L'expérience, du moins, est-
elle à l'avantage d'une tactique qui,
même au prix d'un succès trop chère
ment acheté de la sorte, révolterait
les âmes fières? Pas le moins du
monde, et l'on est bien forcé d'avouer
que l'on n'agit pas sur la foule au
moyen d'un déguisement.
A ce propos, il est bon de rappeler
l'exemple que nous avons déjà donné,
mais sur lequel on ne saurait trop in
sister. C'était à Langres, aux dernières
élections municipales. Les conserva
teurs, découragés, n'avaient pas osé
engager la lutte contre le radicalisme.
Et bien moins avaient-ils osé se pré-,
senter en déclarant hautement qu'ils
luttaient pour la défense de la reli
gion, en d'autres termes pour le « clé
ricalisme ». Seul, un chrétien de foi
eut ce courage. A l'encontre de toutes
les contradictions, malgré les timides
ou les habiles, dont les conseils ne lui
manquaient pas pour l'avertir qu'il
courait à une aventure et à une mésa
venture, il tint ferme, parla clair et
net aux électeurs, arborant fièrement
la croix, dont il déclarait prendre les
intérêts. Et qu'arriva-t-il? C'est qu'à
l'honneur de son courage il remporta
un beau triomphe et fut élu.
Sait-on de quels triomphes pareils
ne seraient pas capables en France,
sur beaucoup de points, les catholi
ques, si bravement ils s'offraient com
me tels ? Si nous étions seuls à dire
cela, nous n'échapperions pas au re
proche Ordinaire d'être des impru
dents, des intransigeants et des exa
gérés. Mais aujourd'hui c'est la sagesse
mondaine du Figaro qui parle, et ce
qu'elle dit, c'est qu'en somme il y a
bénéfice,en politique comme ailleurs,
à agir avec droiture. Finira-t-on par
en être persuadé ?
A uguste R oussul. ,
Tout en refusant d'accepter la polé
mique à laquelle par cette dénoncia
tion M. l'abbé Lagrange nous conviait,
nous avons établi très brièvement que
nous n'avions rien dit de trop et que
l'interprétation de l'écrivain ecclésias
tique accusait un bien vif désir de
nous chercher querelle.
M. Lagrange ne s'est pas rendu,
mais il faut croire qu'en relisant les
trois lignes dont nous affirmions con
tre lui l'innocence et même la jus
tesse, il a cessé de les trouver coupa
bles, car, pour maintenir son accusa
tion, il les a fortement modifiées.
Voici sa version du 19, telle qu'il IA
soulignée : « Il ( l'Univers ) avait dit que
« même sous la forme la plus adoucie
« le libéralisme avait été toujours la
« plaie de l'Eglise. » .
Nous faire dire : toujours la plaie de
l'Eglise , quand nous avons dit : la-
grande plaie de ce siècle, c'est en user
librement. •i
De cette traduction libre — nous ne
voùlons pas dire libérale — M. La
grange, fécond en déductions et in
ductions, a conclu : d'abord que nous
avions voulu désigner comme plaie de
l'Eglise Mgr Dupanloup, M. de Monta-
lembert, M. de Falloux , puis, qne nous
avions attribué ce jugement S-U Pape
lui-même. Voici son texte : -
A cette 'prétention formidable, de faire dé
clarer par le Pape, que de tels hommes ont
toujours été la plaie de l'Eglise, nous avons
cru avoir le droit d'opp.oser, sans même
nommer l'écrivain qui se l'était permise,
une pure et simple dénégation.
Et voilà comment, par une suite^ de
commentaires et d'assertions mêlés
d'objurgations, interprétations et au-
tresornements oratoires,M.Lagrange,
né éloquent, a fait.sortir de ce texte ir
réprochable :« Le libéralisme aura été
la grande plaie dé ce siècle », cette
affirmation qu'il nous àHribue en la
déclarant formidable, et en noïs accu
sant, par surcroît,de l'avoir nous -mome
attribuée au Pape : Mgr Dupanloup, Af.^
de Montalembcrt, M. de Falloux-ont- éle
toujours la plaie de l'Eglise. ; .
Tels sont, en matière de discussion
et de citation les procédés de cetts
école. Et si nous réclamons, elle nous
dénonce comme voulant à. tout prix
une polémique; et si nous ne récla
mons pas, il reste acquis que nous
avons tenu les propos qu'elle nous a
prêtés. . ,
Nous reconnaissons, d'ailleurs, que
tout cet article de M. l'abbé Lagrange
est d'un écrivain troublé; mais si la
polémique le trouble à ce point, qu'il
cesse de la chercher. Qu'il sache au
moins, pour sa gouverne, que si nous
pouvons négliger ses fréquentes allu
sions, nous ne tolérerons jamais qu'il
nous représente comme méconnais
sant ou faussant les enseignements du
Saint-Père.
E ugène V euillot.
M. l'abbé Lagrange nous met dans
l'obligation de lui dire deux mots en
core. Nous lui avons montré qu'il
nous devait sur un point important
une rectification, et il ne l'a pas faite.
Nous devons insister.
Dans la Défense du 16 juillet, il a
extrait d'un article de l'Univers vieux
de quinze jours une petite phrase où il
a dénoncé une contradiction directe de
la parole du Saint-Père. Voici cette
phrase : « Le libéralisme sous toutes
« ses formes, depuis la plus brutale
« jusqu'à la plus adoucie, aura été la
« grande plaie de ce siècle. »
On nous annonce de Rome que Sa
Sainteté a daigné conférer la grand'^
croix de son Ordre de Saint-Grégoire-
le-Grand à l'honorable M. ; Honoré
Mercier, premier ministre] du gouver
nement de la province de Québec au
Canada. Cette distinction récompense
les services rendus à la religion par M.
Mercier, qui en plusieurs circonstan
ces s'est employé activement à la
bonne solution de questions où étaient
mêlés de graves intérêts religieux.
Par une initiative qui l'honore,
M. Mercier vient de prendre une me
sure qui aura du retentissement en
Europe, et particulièrement en France,
où l'on garde le souvenir du zèle avec
lequel M. le curé Labelle s'est fait, il
y a plusieurs années, l'apôtre de la co
lonisation au Canada. Au cours du
débat sur l'adresse, M. Mercier a an
noncé officiellement que M. le curé
Figaro, toujours en quête d'un nouveau
moyen de réchauffer le zèle pour l'abonue-
ment, a imaginé de consulter ses lectrices
sur la culpabilité respective du mari adul
tère et de la femme adultère; et content
d'avoir inventé ce truc et ajouté un outil à
sa trousse, il assure_qae l'outil est bon et
qu'il s'en servira de temps en temps pour
pratiquer de nouvelles saignées.
Est-cé qu'il y a pénurie à la rédaction du
Figaro 1 Ne s'y trouverait-il pas quelqu'un
capable de déraisonner suffisamment sur
l'adultère ? L'idée de consulter des femmes
sur ce cas est bizarre.Que pouvaient-elles,
si ce n'est rendre au Figaro la monnaie de
6a pièce, lui retourner par lettre ce qu'il
leur avait inculqué par sa presse ? Faute de
part et d'autre, circonstances aggravantes,
circonstances atténuantes ; impossible de
sortir de là sans tomber dans le saugrenu,
ce qui est arrivé à celles qui désiraient une
mention au Figaro.
' Le plus curieux de l'affaire, c'est que les
avis, avec prière de résoudre le cas, ont
été remis à un théologien consultant, à M.
Alexandre Dumas fils, théologien du demi-
Mqnde, et que celui ci a pris son rôle au
sérieux. Il a tout ln ; et finalement il a dé
cerné le prix à un ancien lauréat du Figaro
qui, certes, est bien modeste, s'il peut sup
porter un si grand honneur.
Pourquoi M. Alexandre Dumas ne s'en
est-il. pas tenu au rôle glorieux et facile
d'ép,hore? Il donne aussi son avis sans
cre,indre de se compromettre. Voici cette
charade : « La faute est-elle égale chez
rbomme et chez la femme ? Voilà ce que
Vous demandez. L'état des deux époux
est-il identique? Voilà ce que je vous ré
ponds. Donnez-moi d'abord l'équation entre
les deux membres, je vous la résoudrai
ensuite et je trouverai la valeur de la quan
tité inconnue qui est liée aux quantités
connues. Hors de là, je reste dans la fan
taisie. et dans la littérature. » Autrement
dit, je donne m'a langue aux chats. Figaro
s'extasie naturellement devant cette sen
tence.
Nous connaissons la philosophie, la théo
logie, la sociologie de M. Alexandre Du
mas. Il a pris soin d'exposer ses idées
dans l' Homme-Femme, dans la Question du
divorce et probablement ailleurs. Il est éton
nant, après cela, qu'il ait conservé quelque
renom de penseur même aux yeux du Fi
garo. « Je reste, dit-il, dans la fantaisie et
dans la littérature. » C'est bien cela, à peu
près. Dans la littérature, quelquefois; dans
la fantaisie, toujours.
Passons sur sa lettre au figaro, écrite à
la vérité avec l'esprit qui convient aux ha
bitués delà maison. C'est dans une œuvre
méditée, de longue haleine, écrite au repos
comme la Question du divorce , que M.
Alexandre Dumas a donné la mesure de ses
idées et de sa valeur. Si l'on veut bien me
permettre de disséquer cette œuvre, il me
suffira, j'espère, de quelques pages pour
démontrer, non seulement que M. Alexan
dre Dumas manque de métaphysique, mais
qu'il lai manque même,pour diriger sa pen
sée, ce fil conducteur qu'on appelle la logi
que ou le vulgaire bon sens. .
A côté de cet intérêt, il y a d'ailleurs
l'intérêt autrement grave qui s'attache à la
question elle-même. Avec le divorce, l'en
nemi est entré dans la place, un principe
faux et dangereux s'est installé, dans la lé
gislation. Il faut le combatti;-© sans trêve,
ou tout au moins ne pas cesser de crier
à l'ennemi I en attendant qne le moment
soit venu de l'en déloger..'
En ouvrant la Question du divorce,
j'ai cru que je trouverais, dans un plai
doyer qui se prête à merveille aux considé
rations philosophiques, au moins une bot-
telée d'idées nouvelles. Déception ! Et pour
tant M. Dumas a écrit tout un volume sur
le divorce. Ecrire un fort volume sur cette
seule question, c'est déjà une jolie beso
gne. Que penser de cet auteur,si l'on ob
serve qu'il a écrit le sien sans respirer,
tout d'une tirade, négligeant les repos, cha
pitres, paragraphes au moyen desquels la
plupart des auteurs allègent leur livres ! Le
procédé de M. A. Dumas est simple. Il a
bourré sa plume de toutes les idées qu'il a
conçues ou ramassées sur le divorce, et il a
couché cela le long de 417 pages.
L'idée principale, il va sans dire, est quo
le divorce est une sage institution; et bien
que, par une contradiction dont il ne faut
pas être surpris,. M. Dumas ne veuille
qu'un divorce restreint, le divorce à ses
yeux est un élément nécessaire de toute
bonne société. Pour donner un peu de
consistance à son livre, il emprunte quel
ques faits à un sieur Drouet, versé évi
demment dans la matière, puisqu'il a
fait hommage de son travail aux séna
teurs et anx députés, M. Dumas bâtit
sa thèse là-dessus, sans s'inquiéter de
contredire à la vingtième page ce qu'il
énonce à la première, agrémentant son dis
cours de mots piquants, d'épigrammes vi
ves à l'adresse des Papes, des conciles, de
Dieu lui-uiême et de*tout ce qui tient en
core contre le divorce. Quant à des idées
nouvelles, même baroques, sur Dieu, sur
l'homme, sur la religion, il n'y en a pas. A
peine un ou deux paradoxes, une ou deux
phrases qui vous sautent au visage, une
réminiscenoe du iameux « triangle » et de
l'homme « en conscience », c'est tout. C'est
peu. M. Dumas baisse.
On dirait que le romancier a senli le ridi
cule qu'il s'était donné en élaborant, dans
Yilomme-Femme, une théorie de toutes
pièces sur la religion et sur l'homme ; et
qu'il a voulu se venger de son échec
-ridiculisant les vieilles, théories
debout, et en se mettant JL pt
démolir avec rage. Je vois ^ïaute
raison au singulier contraste que présen _
tent les deux écrits de M. Alexandre Dumas.
Dans le premier, il avait montré une cer
taine tenue. Il paraissait exempt de la pas
sion antireligieuse ; on le croyait chercheur
de bonne foi, capable de comprendre les
grandes idées et d'admirer les grandes
choses. La Question du divorce nous le
montre sous un tout autre aspect. Ce livre
n'est d'un bout à l'autre qu'une longue dia
tribe, un persiflage envenimé contre le
dogme et contre la discipline de l'Eglise ca
tholique. Et ce qu'il y a de plus singulier,
c'est qu'il se targue de n'en vouloir parler
qu'avec respect.
Le dix-huitième siècle a eu l'incongruité
de railler ouvertement la religion etd'avouer
même soi} dessein d'en rire. Il croyait que
c'était le plus sûr moyen d'en finir. Le dix-
neuvième, prenant son parti d'une longévité
qui déjoue tous les calculs, ne s'approche
de cette vénérable aïeule qu'en portant la
main au chapeau; mais en jeune homme
éclairé, qui a vu le monde, il hausse les
épaules, ébauche un-sourire fin et superbe
quand il la voit récalcitrante aux idées nou
velles, toujours obstinée dans ses vieux
dogmes. « Soyez-en sûr, je ne m'écarterai
pas une minute, monsieur l'abbé, d'j res
pect que j'ai toujours eu pour tout ce que
respectent nombre d'honr/ 0les gens. » Ainsi
parle M. Alexandre filmas
Est-ceune déri ;< ; ion inconsciei)tc?
Que ce so, _. une ^ 3anl ..«astS 'pair le souffle d'ironie qui règne
««ans tout l'ouvbàge, et à cette page môme
où l'écriVain proteste de tout son respéôu
Avant de caractériser cette œuvre, qui est
un pamphlët plutôt qu'une thèse., il est né
cessaire d'examiner les principaux argu
ments sur lesquels l'auteur a appuyé ses
conclusions. On peut les ramener à. deux
chefs : la question du mariage et la question
du divorce. Nous verrons ensuite, et môme
chemin faisant, de quelle façon il traite les
choses qu'il veut recpecter ; ce qui nous
fera connaître* sinon les idées, au moins
l'état d'esprit de M. Alexandre Dumas.
I
Le don d'écrire comme le don de parler
est quelquefois nuisible à celui qui le pos
sède. Il se persuade à bon compte qu'il
peut parler de tout : l'aisance même avec
laquelle il le fait le trompa lui-même et
trompe son public. On pardonne à un jour
naliste d'écrire hâtivement et au jugé sur
des questions que les hasards de la polé
mique lui imposent au jour le jour ; mais
un homme chaussé de brodequin, quel be
soin a-t-il d'aller fourrager d'ius 1® do
maine de la théologie ? Les lauriers de
M. Renan ont excité peut-être la■ .-ja
lousie de M. Alexandre Dumas et lui
ont fait voir des triomphes à récolter par là.
Ce jeune clerc, après avoir suivi deux ans
les leçons d'un maître en théologie, a cru
qu'il avait ravi le feu du ciel et qu'il em
portait dans sa valise toute la science de
la religion. Pourquoi M.Alexandre Dumas,
écrivain, académicien comme lui, n exploi
terait-il pas cette veine ? On a beau parler
théologie comme une portière parle politi
que, cela dônne du relief. M. Alexandre
Dumas s'est doue mis à dompulserl histoire,
les conciles et la Bible ; il a versé un peu da
•-nt. cela dans son écriloiré; et, de son^ ena-
vw, .,. -, - ■ n a uréO'œa-
lumeau plongé fculle dô
Vr* trahit toujours isavon, , . -. - .
• Le vice radical de M. Alexandre.Dumas,'
vice d'origine, -est de vouloir raisonner sur
la foi sans avoir la foi, et de confondre con
tinuellement ce qui est du domaine de la
foi avec ce qui est du domaine de la
raison. Il y a des vérités qui na se démon
trent que par la raison ; d'autres ne se dé
montrent que par la foi ; et d'autres «nfin
se démontrent en même temps par ïa foi et
par la raison. Sur les premières^ croyante
et incroyants peuvent disputer ensemble.
Sur les secondes, l«s croyaâats seuls dis
putent. entre eux. Sur lea troisièmes, les
croyants seuls disputent, en faisant usage
indifféremment des arguments de foi et des
arguments de raison, sauf à maintenir la
démarcation profonde qui sépare ces deux
ordres de preuves. Mais st ir ces mêmes ré
N* 7517 Edition quotidienne
Mardi 24 Juillet 1888
gDIÏION QUOTIDIENNE
>*« : • -T——• .
i . ■ _ . paris 'étranger
ÏT DBPÀKTKiâBîfTS . ÎÏOîîlOK POSTAUÛ
KJq AU» i « i * ï v 60' B
Six mois. . . « 23 50 / 34 e
Trois mois, , .15 » r 18 »
EDITION SEMI-QUOTIDIENNE
-Jç Abonnement» parte nt de» » «; %t 10 de ehaigne mole
tJM WHMTÎ'Rn f v » > * 15 cent.
NUMERO l Départements. 30 —
HUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
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PARIS
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l'COTRSnei
On s'abonne à B.éme, place du Gesù,~8
i muiTii 11 il lui i iiiiHii
annoitces
I. Ch. LAGRANGE, CERF et C">, 6, place de laBourSO
FRANCE
PARIS, 23 JUIILET Ï688
Décidément, M.-Càrnot est au moîris
maladroite Sa réponse au petit, triais
excellent discours de Mgr Fa^a, était
une faute; il l'avait compris, puisqu'il
la faisait atténuer, sinon retirer, par le
Journal officiel ; et le voila; o "ui retombe
dans la même faute à Valence. En
l'élevant à la présidence de la Répu
blique, les uns fau^ de mieux, les
autres crainte de j&ire, les républi
cains n'ont pas doué leur élu des
qualités nécessa ; ir ®s.
Ajoutons qu'à l e petit discours de
Vizille,.doht r\ous avons donné le texte
hier, a été a.u-dessous de tout ce qu'on
pouvait attendre, même du moins élo
quent et dix moins , adroit des prési
dents; Faire une allusion dédaigneuse
aux régî'ments d'Austrasie et de Royal-
Marine , alors que chez toutes les autres
puissances les régiments ont leurs
iiomt's dont ils sont fiers et que, dans
l'armée française, on multiplie les
"éfïcirts pour rattacher nos régiments
uniformément numérotés aux corps
d'e l'ancienne armée, c'est montrer
Tune rare inintelligence* des choses mi
litaires.
^ Plus justement que lors de l'élec
tion de la Charente, les opportunistes
triomphent. Ce n'est plus l'excentri
que et encombrant Déroulède qui est
battu malgré l'appui;du général Bou
langer, «'est le général lui-même, et
c'est le candidat opportuniste qui
triomphe dans l'Ardèche.
Dans le Rhône, le candidat de la
coalition républicaine Chépié triom
phé également, mais sans gloire; il
n'obtient pas le cinquième des voix.
Les quatre cinquièmes des électeurs
s'abstiennent. C'est beaucoup.
Dans la Dordogne, au contraire,
c'est le candidat conservateur, M. Tail-
Jefer, qui passe. Depuis les élections
générales, c'est la deuxième fois seu
lement que les conservateurs l'empor
tent, et cela dans des départements où
ils n'avaient pas eu la majorité en oc
tobre 1885.
, Toujours les mêmes incertitudes et
les memes contradictions au sujet des
conséquences de l'entrevue des deux
empereurs. Il est certain que le ozar
a répondu à la visite courtoise de l'em
pereur d'Allemagne en lui faisant le
plus brillant accueil ; il est à peu près
sûr qu'il en résultera un certain
rapprochement; ou au moins des rap
ports moins tendus entre l'Allemagne
et la Russie, mais jusqu'où cela ira-t-
il? Voilà ce qu'on ne sait pas et ne
saura peut-être pas de longtemps.
En pareille occurrence, le mieux est
de suspendre son jugement.
Nos lecteurs trouveront plus loin
une très bonne allocution prononcée
par le général Saint-Marc, à la dis
tribution ' des prix du collège fondé à
Tunis par S. Em. le cardinal Lavi-
gerie. De semblables paroles font du
bien à entendre, surtout dans des
pays où l'action catholique est le prin
cipal, sinon le seul soutien de l'in*
iluence française.
L'impôt individuel
Aujourd'hui, c'est une vérité banale
et relative que la République est en
train de ruiner la France. Eh bien!
cette vérité, d'une évidence écrasante;
semble n'être pas comprise, à moins
FEUILLETON DE UUNIVERS
DU 24 JUILLET 1888
que le Français ne veuille, de gaieté
de coeur, se mettre à la besace. On dit
bien, et cela paraît être fondé, qu'il
y a una réaction, qu'on se dégoûte
tout même de la République. Mais
le dégoût est loin d'être en raison
d r ^sTuines innombrables qu'elle amon
celle.
Les élections de 1885 étaient bien
un indice de dégoût, mais elles n'ont
été qu'un coup de collier, qui n'a
guère eu de suite. Nous sortons des
élections municipales. S'il y a une
question où l'électeur soit compétent
et ne vote pas à l'aveuglette, c'est
bien quand il s'agit du conseil muni
cipal, car l'électeur connaît le con-
didat : c'est son voisin, son ami. Il sait
très bien à qui il confie ses intérêts,
et les intérêts qui le touchent de plus
près, ses intérêts moraux et financiers.
Nous ne parlons que du côté finan
cier. L'argent, çà se compte, et les
chiffres ont une logique brutale con
tre laquelle on ne peut regimber.
. Eh bien ! est-ce que l'ensemble des
conseils municipaux n'est pas répu
blicain? Bien plus, ne /tournent-ils
pas au radicalisme ? Et pourtant la ré
publique ruine la France, et avec une
rapidité vertigineuse. Et on a l'air de
ne pas voir.
Quand un professeur s'adresse à des
élèves indociles ou légers, il pratique
une figure de rhétorique qui n'est
pas dans les manuels , au moins sous
son vrai nom : c'est le rabâchage. La
France est cet élève, qui donne du fil
à retordre à ceux qui voudraient la
mettre dans le bon chemin ; il faut lui
rabâcher les mêmes vérités; sous mille
lormes, tâcher de les rendre tellement
frappantes qu'elles finissent par lui
entrer dans la tête. Etudions donc la
marche de l'impôt considéré au point
de vue individuel depuis la fin delà mo-
.narchie jusqu'à l'an de grâce 1887.
En 1847, chaque Français,y compris
la femme et l'enfant, chacun des
trente-sept millions de Français payait
45 francs 46 centimes d'impôts. Sait-
on à quelle somme, de 1847 à 1887,
c'est-à-dire dans l'espace de quarante
ans, s'est élevée cette quote-part indi
viduelle des dépenses publiques ? Elle
s'est majorée de 65 francs 54 centimes,
c'est-à-dire qu'elle a beaucoup plus
que doublé.
Voyons comment s'est répartie cette
augmentation énorme, et quelle part
revient à chacun des régimes sous les
quels a passé la France depuis 1847.
La république de 1848 et l'empire jus
qu'en 1869, avant la guerre de l'inva
sion prussienne, c'est-à-dire pendant
une période de vingt-deux ans, ont
augmenté de 12 francs 54 centimes
la quote-part d'impôt afférente à cha
que Français. Et on avait eu les guer
res de Crimée, de Chine, du Mexique,
d'Italie. Malgré tout, l'augmentation
de l'impôt ne fut que da 12 francs
54 centimes.
Mais la République de 1848 ne fut
guère entre les mains des républicains;
si l'empire dilapidait, il avait encore
des administrateurs des vieilles cou
ches, et d'ailleurs il ne faisait qu'ou
vrir un chenal qui a été joliment
élargi depuis. De 1869 à 1875, l'impôt
individuel a augmenté de 24 francs;
24 francs en six ans 4 soit 4 francs par
an. Mais c'était la liquidation des der
nières folies de l'empire, des pilleries
du gouvernement; de la Défense na
tionale et des désastres de l'invasion
allemande. Dix milliards jetés à la
mer, c'est un jaii denier. Mais enfin
nous étions vaincus ; le terrible axiome
païen Vœ tncrtslnous fut appliqué dans
toute sa rigueur par un vainqueur
impitoyable. , . .
Après cetta terrible brèche, on pou
vait espérer que le gouvernement,quel
qu'il fût, concentrerait ses efforts pour
faire des économies, ou au moins pour
ne pas acïiever de saigner à blanc des
1.
victimes déjà si rudement éeorchée^.
On a dit en effet que la République
voulait se recueillir. Mais son recueil
lement n'a pas été tellement concentré
qu'elle n'ait lait la guerre de Tunisie,
qui ne fut du reste guère qu'une pro
menade peu coûteuse, et qu'elle n'ait
entrepris l'expédition beaucoup plus sé
rieuse du Tonkin. Toutefois ces deux
expéditions sont loin d'expliquer la
surcharge de 29 francs dont est grevé
de plus qu'en 1876 le budget de cha
que Français.
Si cet énorme accroissement d'im
pôt se fait, on peut le dire, en pleine
paix, il ne se fait certes pas en pleine
prospérité. Le commerce languit, l'in
dustrie crie misère, l'agriculture est
aux abois; la gêne, bien plus la ruine
pénètrent partout, rien ne marche.
Il n'y a que l'impôt qui prospère et se
gonfle à plaisir, et malgé cela, la
dette publique grossit démesurément
chaque année, ce qui promet encore
une nouvelle ou plutôt de nouvelles
additions à la colonne de cent onze
francs d'impôt que paye aujour
d'hui chacun des 36 millions de Fran
çais. —
Comment expliquer ce jet,continu ?
Sans doute le fonctionnarisme nous
ronge ; les bouches qui mangent au
râtelier budgétaire sont innombra
bles; c'est une nuée de sauterelle»
d'une faim insatiable. Les travaux
stériles se multiplient. La république
est généreuse pour les vieux de 1848,
de 1852, ceux qui ne sont pas arri
vés, ou qui ont eu des malheurs. L'ad
ministration (nouvelle couche) joue
avec les millions, on en a vu escamo
ter comme une muscade. Et puis, que
d'autres trous plus ou moins mysté
rieux par lesquels disparaît l'or de la
France !
Mais la cause principale, la cause
maudite qui fait que l'argent se fond
sans profit entre les mains de la répu
blique, c'est la guerre à l'Eglise, la
guerre à Dieu. Arracher les âmes à
Dieu pour les livrer à Moloch, cela
coûte cher. Moloch veut des temples
splendides, et des prêtres et des prê
tresses. Si les palais scolaires ne sont
pas toujours peuplés d'élèves, ils le
sont au moins d'instituteurs et d'ins
titutrices de tous calibres. Et comme
les palais scolaires n'ont pas été bâtis
par une fée, les seigneurs et seigneu-
resses qui s'y pavanent ne vivent pas
d'ambroisie. Or, cela coûte cher. •
Tout de même, il faut avouer que le
diable est un fin matois. Il trouve à la
fois le moyen de ruiner la France par
la guerre à l'Eglise, d'en faire payer
les frais surtout aux catholiques, qui
sont l'immense majorité des contri
buables, et de faire croire encore à la
masse des badauds - que la république
est par excellence le gouvernement à
bon marché; si bien que, tout en
payant aujourd'hui cent onze francs,
sans préjudice des décimes de demain,
vous trouvez encore des citoyens
qui vous disent que la république est
le gouvernement économe.
Finira-t-on par voir clair ? On di
rait que les écailles commencent à
tomber des yeux. Mais en attendant
elle coûte cher, la république, et la
carte qu'elle laissera à payer est in
connue. L'âge des comptables n'est
pas passé.
Le Général est battu dans l'Ardèche,
bien battu. C'est un second renfonce
ment, plus grave que l'échec déjà sé
rieux subi en Charente, si grave
même qu'il sera peut-être définitif. Il
faudra voir pourtant. Les antiboulan-
gistes exultent; mais les boulangistes
ne veulent point encore désespérer.
La Presse, l' Intransigeant, font assez
bonne contenance. Inquiets, ces jour
naux doivent l'être; furieux, ils le sont;
geguragés, non pas. Ils ne.peuvent
nier* que le Général soit atteint ; seu
lement, pour eux, la blessure n'est
point mortelle, n'est même pas très
grave. Le programme : dissolution,
revision, est toujours assuré d'un ra
pide et complet triomphe dans le pays.
M. Boulanger se rétablira aussi vite
de ce nouveau coup-là, que du coup
d'épée de M. Floquet. Il n'est battu,
en somme, que par suite des circon
stances; elles ne lui étaient vraiment
guère favorables. Encore l'eût-il em
porté tout de même, si le gouverne
ment n'avait point recouru à la plus
audacieuse pression, aux manœuvres
les plus scandaleuses.
Les journaux boulangistes n'ont pas
tort, absolument. Il est incontestable
qu'il y a eu pression, et que les agents
du ministère ont usé, contre la can
didature du Général, de manœuvres
inouïes. On pourrait donc très bien
dire, si l'aspirant César n'était distan
cé que de quelques centaines, de quel
ques milliers même de voix, qu'il se
rait sorti vainqueur de la lutte sans
l'évidente, l'impudente action gouver
nementale. Mais l'opportuniste Beaus-
sier laisse son concurrent à une" telle
distance, que la pression officielle ne
suffit ppint, seule, à expliquer la
"défaite du candidat de M. Thié-
baud. Il y a autre chose, il y a plus :
la fortune du général 8sten pleine dé
cadence. Et si l'on nous demande les
raisons du déclin, nous demanderons
la cause du succès.
M. Boulanger est donc malade, très
malade, en péril de mort,—comme dic
tateur. Il ne faut pas en dire davantage
pour le moment ; et ses ennemis vont
trop loin en criant qu'il est tout à fait
mort, et même enterré. Opportunistes
et radicaux, méfiez;-vous ! Ce n'est pas
tout d'avoir pris \e requin, et de l'a
voir halé sur le p'ont de votre galère ;
il faut encore luv donner le coup de
grâce ; avant de le recevoir, il est bien
capable, dans Ves soubresauts suprê
mes, de casser iun certain nombre de
jambes.
Songez que 3e Général, grièvement
blessé, blessé p ar un vieil avocat, ce qui
le rendait un'peu ridicule,a pu,malgré
votre union., malgré vos efforts, mal
gré tous le .°i moyens déloyaux, scan
daleux, auxquels vous avez eu recours,
grouper, dans ;le premier département
venu, dan s une région où il n'a point
d'attacher, etsansparaître, sans même
s'expliquer, vingt-cinq mille voix.
C'est faire preuve encore, il nous sem
ble, d'nin certain reste de force. Nous
croyons que vous pourrez bientôt
chanter victoire, définitivement. C'est
au. moins très probable. Mais attendez
tout de même un peu. -
Et puis, quand deux ou trois dé
faites comme celle de l'Ardèche auront
absolument détruit le boulangisme,
réfléchissez à une chose, républicains,
à ceci : que le boulangisme ne s ? est
pas fait tout seul. Il a eu pour cause
votre dérive [constante et inquiétante
vers le radicalisme, vos dilapidations
financières, vos persécutions religieu
ses, votre déplorable politique enfin.
Si vous en êtes capables, profitez de
cette chaude leçon.
P ierre V euillot.
Au sujot de l'élection de l'Ardèche,
on lit dans Figaro :
- N'oubVions pas toutefois, pour bien don
ner à l' élection de l'Ardèche son véritable
caractère, qu'il s'agissait de remplacer non
un conservateur, mais un républicain, et
que la journée d'hier ne change rien à des
positions prises depuis longtemps.
Fin politique comme ailleurs, il y a béné
fice à agir avec droiture : faire du roya-
li finie ou du bonapartisme sous le masque
conséquences, mais un aveu d'impuissance
et d'impopularité, pour les principes que
l'on prétend défendre. — F. M.
Voilà une observation qu'on ne sera
pas peu surpris de trouver dans un
journal connu pour son dédain des
principes,et dont le programme se ré
sume à empêcher qu'on ne trouble les
plaisirs du boulevard.
Mais, si peu d'autorité qu'ait une
observation de ce genre, venant du
Figaro , elle n'en est pas moins à rete
nir. Oui, certes, il y a bénéfice, en po
litique comme ailleurs, à agir avec
droiture, et si le Figaro s'en aperçoit
un peu tard, lui qui en toutes circon
stances s'est plu à verser le ridicule
ou lé discrédit sur les hommes francs
d'allure et de principe en-politique
comme ailleurs, nous ne sommes que
mieux fondés à prendre acte de cet
aveu pour le recommander à l'atten
tion des politiciens du jour. _
Trop souvent, hélas ! il arrive que
ceux-ci, pour conservateurs qu'ils se
donnent et qu'ils soient, n'ont qu'une
préoccupation : celle de ne pas afficher
leurs principes et d'empêcher qu'on
leur attribue publiquement les idées
qu'ils déclarent professer dans le se
cret. C'est de: la couardise, et on ne
change pas le caractère de cette atti
tude volontairement effacée parce qu'à
l'occasion on la décore du nom de
prudence. L'expérience, du moins, est-
elle à l'avantage d'une tactique qui,
même au prix d'un succès trop chère
ment acheté de la sorte, révolterait
les âmes fières? Pas le moins du
monde, et l'on est bien forcé d'avouer
que l'on n'agit pas sur la foule au
moyen d'un déguisement.
A ce propos, il est bon de rappeler
l'exemple que nous avons déjà donné,
mais sur lequel on ne saurait trop in
sister. C'était à Langres, aux dernières
élections municipales. Les conserva
teurs, découragés, n'avaient pas osé
engager la lutte contre le radicalisme.
Et bien moins avaient-ils osé se pré-,
senter en déclarant hautement qu'ils
luttaient pour la défense de la reli
gion, en d'autres termes pour le « clé
ricalisme ». Seul, un chrétien de foi
eut ce courage. A l'encontre de toutes
les contradictions, malgré les timides
ou les habiles, dont les conseils ne lui
manquaient pas pour l'avertir qu'il
courait à une aventure et à une mésa
venture, il tint ferme, parla clair et
net aux électeurs, arborant fièrement
la croix, dont il déclarait prendre les
intérêts. Et qu'arriva-t-il? C'est qu'à
l'honneur de son courage il remporta
un beau triomphe et fut élu.
Sait-on de quels triomphes pareils
ne seraient pas capables en France,
sur beaucoup de points, les catholi
ques, si bravement ils s'offraient com
me tels ? Si nous étions seuls à dire
cela, nous n'échapperions pas au re
proche Ordinaire d'être des impru
dents, des intransigeants et des exa
gérés. Mais aujourd'hui c'est la sagesse
mondaine du Figaro qui parle, et ce
qu'elle dit, c'est qu'en somme il y a
bénéfice,en politique comme ailleurs,
à agir avec droiture. Finira-t-on par
en être persuadé ?
A uguste R oussul. ,
Tout en refusant d'accepter la polé
mique à laquelle par cette dénoncia
tion M. l'abbé Lagrange nous conviait,
nous avons établi très brièvement que
nous n'avions rien dit de trop et que
l'interprétation de l'écrivain ecclésias
tique accusait un bien vif désir de
nous chercher querelle.
M. Lagrange ne s'est pas rendu,
mais il faut croire qu'en relisant les
trois lignes dont nous affirmions con
tre lui l'innocence et même la jus
tesse, il a cessé de les trouver coupa
bles, car, pour maintenir son accusa
tion, il les a fortement modifiées.
Voici sa version du 19, telle qu'il IA
soulignée : « Il ( l'Univers ) avait dit que
« même sous la forme la plus adoucie
« le libéralisme avait été toujours la
« plaie de l'Eglise. » .
Nous faire dire : toujours la plaie de
l'Eglise , quand nous avons dit : la-
grande plaie de ce siècle, c'est en user
librement. •i
De cette traduction libre — nous ne
voùlons pas dire libérale — M. La
grange, fécond en déductions et in
ductions, a conclu : d'abord que nous
avions voulu désigner comme plaie de
l'Eglise Mgr Dupanloup, M. de Monta-
lembert, M. de Falloux , puis, qne nous
avions attribué ce jugement S-U Pape
lui-même. Voici son texte : -
A cette 'prétention formidable, de faire dé
clarer par le Pape, que de tels hommes ont
toujours été la plaie de l'Eglise, nous avons
cru avoir le droit d'opp.oser, sans même
nommer l'écrivain qui se l'était permise,
une pure et simple dénégation.
Et voilà comment, par une suite^ de
commentaires et d'assertions mêlés
d'objurgations, interprétations et au-
tresornements oratoires,M.Lagrange,
né éloquent, a fait.sortir de ce texte ir
réprochable :« Le libéralisme aura été
la grande plaie dé ce siècle », cette
affirmation qu'il nous àHribue en la
déclarant formidable, et en noïs accu
sant, par surcroît,de l'avoir nous -mome
attribuée au Pape : Mgr Dupanloup, Af.^
de Montalembcrt, M. de Falloux-ont- éle
toujours la plaie de l'Eglise. ; .
Tels sont, en matière de discussion
et de citation les procédés de cetts
école. Et si nous réclamons, elle nous
dénonce comme voulant à. tout prix
une polémique; et si nous ne récla
mons pas, il reste acquis que nous
avons tenu les propos qu'elle nous a
prêtés. . ,
Nous reconnaissons, d'ailleurs, que
tout cet article de M. l'abbé Lagrange
est d'un écrivain troublé; mais si la
polémique le trouble à ce point, qu'il
cesse de la chercher. Qu'il sache au
moins, pour sa gouverne, que si nous
pouvons négliger ses fréquentes allu
sions, nous ne tolérerons jamais qu'il
nous représente comme méconnais
sant ou faussant les enseignements du
Saint-Père.
E ugène V euillot.
M. l'abbé Lagrange nous met dans
l'obligation de lui dire deux mots en
core. Nous lui avons montré qu'il
nous devait sur un point important
une rectification, et il ne l'a pas faite.
Nous devons insister.
Dans la Défense du 16 juillet, il a
extrait d'un article de l'Univers vieux
de quinze jours une petite phrase où il
a dénoncé une contradiction directe de
la parole du Saint-Père. Voici cette
phrase : « Le libéralisme sous toutes
« ses formes, depuis la plus brutale
« jusqu'à la plus adoucie, aura été la
« grande plaie de ce siècle. »
On nous annonce de Rome que Sa
Sainteté a daigné conférer la grand'^
croix de son Ordre de Saint-Grégoire-
le-Grand à l'honorable M. ; Honoré
Mercier, premier ministre] du gouver
nement de la province de Québec au
Canada. Cette distinction récompense
les services rendus à la religion par M.
Mercier, qui en plusieurs circonstan
ces s'est employé activement à la
bonne solution de questions où étaient
mêlés de graves intérêts religieux.
Par une initiative qui l'honore,
M. Mercier vient de prendre une me
sure qui aura du retentissement en
Europe, et particulièrement en France,
où l'on garde le souvenir du zèle avec
lequel M. le curé Labelle s'est fait, il
y a plusieurs années, l'apôtre de la co
lonisation au Canada. Au cours du
débat sur l'adresse, M. Mercier a an
noncé officiellement que M. le curé
Figaro, toujours en quête d'un nouveau
moyen de réchauffer le zèle pour l'abonue-
ment, a imaginé de consulter ses lectrices
sur la culpabilité respective du mari adul
tère et de la femme adultère; et content
d'avoir inventé ce truc et ajouté un outil à
sa trousse, il assure_qae l'outil est bon et
qu'il s'en servira de temps en temps pour
pratiquer de nouvelles saignées.
Est-cé qu'il y a pénurie à la rédaction du
Figaro 1 Ne s'y trouverait-il pas quelqu'un
capable de déraisonner suffisamment sur
l'adultère ? L'idée de consulter des femmes
sur ce cas est bizarre.Que pouvaient-elles,
si ce n'est rendre au Figaro la monnaie de
6a pièce, lui retourner par lettre ce qu'il
leur avait inculqué par sa presse ? Faute de
part et d'autre, circonstances aggravantes,
circonstances atténuantes ; impossible de
sortir de là sans tomber dans le saugrenu,
ce qui est arrivé à celles qui désiraient une
mention au Figaro.
' Le plus curieux de l'affaire, c'est que les
avis, avec prière de résoudre le cas, ont
été remis à un théologien consultant, à M.
Alexandre Dumas fils, théologien du demi-
Mqnde, et que celui ci a pris son rôle au
sérieux. Il a tout ln ; et finalement il a dé
cerné le prix à un ancien lauréat du Figaro
qui, certes, est bien modeste, s'il peut sup
porter un si grand honneur.
Pourquoi M. Alexandre Dumas ne s'en
est-il. pas tenu au rôle glorieux et facile
d'ép,hore? Il donne aussi son avis sans
cre,indre de se compromettre. Voici cette
charade : « La faute est-elle égale chez
rbomme et chez la femme ? Voilà ce que
Vous demandez. L'état des deux époux
est-il identique? Voilà ce que je vous ré
ponds. Donnez-moi d'abord l'équation entre
les deux membres, je vous la résoudrai
ensuite et je trouverai la valeur de la quan
tité inconnue qui est liée aux quantités
connues. Hors de là, je reste dans la fan
taisie. et dans la littérature. » Autrement
dit, je donne m'a langue aux chats. Figaro
s'extasie naturellement devant cette sen
tence.
Nous connaissons la philosophie, la théo
logie, la sociologie de M. Alexandre Du
mas. Il a pris soin d'exposer ses idées
dans l' Homme-Femme, dans la Question du
divorce et probablement ailleurs. Il est éton
nant, après cela, qu'il ait conservé quelque
renom de penseur même aux yeux du Fi
garo. « Je reste, dit-il, dans la fantaisie et
dans la littérature. » C'est bien cela, à peu
près. Dans la littérature, quelquefois; dans
la fantaisie, toujours.
Passons sur sa lettre au figaro, écrite à
la vérité avec l'esprit qui convient aux ha
bitués delà maison. C'est dans une œuvre
méditée, de longue haleine, écrite au repos
comme la Question du divorce , que M.
Alexandre Dumas a donné la mesure de ses
idées et de sa valeur. Si l'on veut bien me
permettre de disséquer cette œuvre, il me
suffira, j'espère, de quelques pages pour
démontrer, non seulement que M. Alexan
dre Dumas manque de métaphysique, mais
qu'il lai manque même,pour diriger sa pen
sée, ce fil conducteur qu'on appelle la logi
que ou le vulgaire bon sens. .
A côté de cet intérêt, il y a d'ailleurs
l'intérêt autrement grave qui s'attache à la
question elle-même. Avec le divorce, l'en
nemi est entré dans la place, un principe
faux et dangereux s'est installé, dans la lé
gislation. Il faut le combatti;-© sans trêve,
ou tout au moins ne pas cesser de crier
à l'ennemi I en attendant qne le moment
soit venu de l'en déloger..'
En ouvrant la Question du divorce,
j'ai cru que je trouverais, dans un plai
doyer qui se prête à merveille aux considé
rations philosophiques, au moins une bot-
telée d'idées nouvelles. Déception ! Et pour
tant M. Dumas a écrit tout un volume sur
le divorce. Ecrire un fort volume sur cette
seule question, c'est déjà une jolie beso
gne. Que penser de cet auteur,si l'on ob
serve qu'il a écrit le sien sans respirer,
tout d'une tirade, négligeant les repos, cha
pitres, paragraphes au moyen desquels la
plupart des auteurs allègent leur livres ! Le
procédé de M. A. Dumas est simple. Il a
bourré sa plume de toutes les idées qu'il a
conçues ou ramassées sur le divorce, et il a
couché cela le long de 417 pages.
L'idée principale, il va sans dire, est quo
le divorce est une sage institution; et bien
que, par une contradiction dont il ne faut
pas être surpris,. M. Dumas ne veuille
qu'un divorce restreint, le divorce à ses
yeux est un élément nécessaire de toute
bonne société. Pour donner un peu de
consistance à son livre, il emprunte quel
ques faits à un sieur Drouet, versé évi
demment dans la matière, puisqu'il a
fait hommage de son travail aux séna
teurs et anx députés, M. Dumas bâtit
sa thèse là-dessus, sans s'inquiéter de
contredire à la vingtième page ce qu'il
énonce à la première, agrémentant son dis
cours de mots piquants, d'épigrammes vi
ves à l'adresse des Papes, des conciles, de
Dieu lui-uiême et de*tout ce qui tient en
core contre le divorce. Quant à des idées
nouvelles, même baroques, sur Dieu, sur
l'homme, sur la religion, il n'y en a pas. A
peine un ou deux paradoxes, une ou deux
phrases qui vous sautent au visage, une
réminiscenoe du iameux « triangle » et de
l'homme « en conscience », c'est tout. C'est
peu. M. Dumas baisse.
On dirait que le romancier a senli le ridi
cule qu'il s'était donné en élaborant, dans
Yilomme-Femme, une théorie de toutes
pièces sur la religion et sur l'homme ; et
qu'il a voulu se venger de son échec
-ridiculisant les vieilles, théories
debout, et en se mettant JL pt
démolir avec rage. Je vois ^ïaute
raison au singulier contraste que présen _
tent les deux écrits de M. Alexandre Dumas.
Dans le premier, il avait montré une cer
taine tenue. Il paraissait exempt de la pas
sion antireligieuse ; on le croyait chercheur
de bonne foi, capable de comprendre les
grandes idées et d'admirer les grandes
choses. La Question du divorce nous le
montre sous un tout autre aspect. Ce livre
n'est d'un bout à l'autre qu'une longue dia
tribe, un persiflage envenimé contre le
dogme et contre la discipline de l'Eglise ca
tholique. Et ce qu'il y a de plus singulier,
c'est qu'il se targue de n'en vouloir parler
qu'avec respect.
Le dix-huitième siècle a eu l'incongruité
de railler ouvertement la religion etd'avouer
même soi} dessein d'en rire. Il croyait que
c'était le plus sûr moyen d'en finir. Le dix-
neuvième, prenant son parti d'une longévité
qui déjoue tous les calculs, ne s'approche
de cette vénérable aïeule qu'en portant la
main au chapeau; mais en jeune homme
éclairé, qui a vu le monde, il hausse les
épaules, ébauche un-sourire fin et superbe
quand il la voit récalcitrante aux idées nou
velles, toujours obstinée dans ses vieux
dogmes. « Soyez-en sûr, je ne m'écarterai
pas une minute, monsieur l'abbé, d'j res
pect que j'ai toujours eu pour tout ce que
respectent nombre d'honr/ 0les gens. » Ainsi
parle M. Alexandre filmas
Est-ceune déri ;< ; ion inconsciei)tc?
Que ce so, _. une ^ 3anl ..«astS 'pair le souffle d'ironie qui règne
««ans tout l'ouvbàge, et à cette page môme
où l'écriVain proteste de tout son respéôu
Avant de caractériser cette œuvre, qui est
un pamphlët plutôt qu'une thèse., il est né
cessaire d'examiner les principaux argu
ments sur lesquels l'auteur a appuyé ses
conclusions. On peut les ramener à. deux
chefs : la question du mariage et la question
du divorce. Nous verrons ensuite, et môme
chemin faisant, de quelle façon il traite les
choses qu'il veut recpecter ; ce qui nous
fera connaître* sinon les idées, au moins
l'état d'esprit de M. Alexandre Dumas.
I
Le don d'écrire comme le don de parler
est quelquefois nuisible à celui qui le pos
sède. Il se persuade à bon compte qu'il
peut parler de tout : l'aisance même avec
laquelle il le fait le trompa lui-même et
trompe son public. On pardonne à un jour
naliste d'écrire hâtivement et au jugé sur
des questions que les hasards de la polé
mique lui imposent au jour le jour ; mais
un homme chaussé de brodequin, quel be
soin a-t-il d'aller fourrager d'ius 1® do
maine de la théologie ? Les lauriers de
M. Renan ont excité peut-être la■ .-ja
lousie de M. Alexandre Dumas et lui
ont fait voir des triomphes à récolter par là.
Ce jeune clerc, après avoir suivi deux ans
les leçons d'un maître en théologie, a cru
qu'il avait ravi le feu du ciel et qu'il em
portait dans sa valise toute la science de
la religion. Pourquoi M.Alexandre Dumas,
écrivain, académicien comme lui, n exploi
terait-il pas cette veine ? On a beau parler
théologie comme une portière parle politi
que, cela dônne du relief. M. Alexandre
Dumas s'est doue mis à dompulserl histoire,
les conciles et la Bible ; il a versé un peu da
•-nt. cela dans son écriloiré; et, de son^ ena-
vw, .,. -, - ■ n a uréO'œa-
lumeau plongé fculle dô
Vr* trahit toujours i
• Le vice radical de M. Alexandre.Dumas,'
vice d'origine, -est de vouloir raisonner sur
la foi sans avoir la foi, et de confondre con
tinuellement ce qui est du domaine de la
foi avec ce qui est du domaine de la
raison. Il y a des vérités qui na se démon
trent que par la raison ; d'autres ne se dé
montrent que par la foi ; et d'autres «nfin
se démontrent en même temps par ïa foi et
par la raison. Sur les premières^ croyante
et incroyants peuvent disputer ensemble.
Sur les secondes, l«s croyaâats seuls dis
putent. entre eux. Sur lea troisièmes, les
croyants seuls disputent, en faisant usage
indifféremment des arguments de foi et des
arguments de raison, sauf à maintenir la
démarcation profonde qui sépare ces deux
ordres de preuves. Mais st ir ces mêmes ré
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