Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1887-12-20
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 décembre 1887 20 décembre 1887
Description : 1887/12/20 (Numéro 7305). 1887/12/20 (Numéro 7305).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k706125z
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Maïdi 20 Décembre 4887
[N* 73Ô5 - Edition quotidienne
Mardi 20 Béôembré 1887
ËDIYXON QUOTI DIENNE ,
PARIS ÉTRANGER
■ BT DÉPARTEMENTS (0NION POSTÀLB) i
" XJn an: ,...65 » 66, »
Six mois. . ; . 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 '»
■ . çj) abonnements partent des I» et l< de ctynqao mou
, ;—: . • , . J
ttvt vTt«.ir,r, ( Paris 1S cent.
UN NUMERO J Départements,- 2q —
BUREAUX : Paris, 10, rué des Saints-Pèrea
On s'abonne-à Rome, place du Geaù ( if}. ,
EDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS
i ' < ET DÉPARTEMENT»
Du an T . . . « 30 # •
Sixniois. i 16 »
Trois mois, „. ; 8 50 <
. ÉTRANGER
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36 »
19 »
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Let abonnements partent dos i» et 18 de chaque moM
.L'UBIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé»
_ ANNONCES
MM, Ch^AGRÀNGE, CERF et C">, 6, place de. la Bourse *
■ ■ ■ } J - • "1 • : f > r * ; •"} »!*< :< > r \ • :• f ; • f %ïfï.
FRANCE
PARIS, 19 DECEMBRE 1887
: Maintenant que les Chambres sont
parties et que nous avons, provisoire
ment, un gouvernement, on. ; va- s'oc
cuper desélections sénatoriales ? i! en
est temps 'puisqu'elles ont lieu le 1 5
janvier. Ges élections, malgré ; le rôle
effacé que le Sénat joue habituelle
ment; peuvent avoir une grande in
fluence. Il ne faut pas oublier que la
question de la.dissolution a été posée
et qu'elle s'imposera tôt ou tard, plus
tôt que plus tard ; or, il faut pour la
dissolution l'assentiment du Sénat. Le
renouvellement de-près du tiersdu Sé
nat — ;1 il faut défalquer' les inamovi
bles encoïe vivants — peut singulière
ment changer les dispositions de la ma
jorité républicaine.
1 ,«»i "i.*".^ ■ V-'-' 1 -M. . i ' 1 ' •*. .*
Que fera M. Tirard pour le préfet de
la Seine? L"installera-t-il à 1 hôtel de
ville, malgré le terrible Hovelacque et
les non moins terribles autonomistes
du conseil municipal ?, La République
française pousse M. Tirard à user de
son autorité; Il est incontestable qu'il
a pour lui, avec le texte et -l'esprit de
la loi, une. décision du conseil d'Etat;
mais il est grave de se heurter aux
conseillers municipaux, dont jusqu'ici
on a à peine osé annuler sans bruit
quelques délibérations par trop illé
gales et violentes. On dit que déjà il y;
a, scission dans le conseil des ministres"
au sujet de cette installation manu mi
litari du préfet de la Seine à l'hôtel de
ville; quelquesministres :s : ^effrayeraient i
de la lutte que cela entraînerait.
On . demande à M. Carnot; comme
don de joyeux avènement, une amnis
tie politique. 11 n'y. avait d'abord que
le . citoyen Basly et les conseillers mu
nicipaux; mais le mouvement s'accen
tue: Nous avons donné la lettre des
députés de Saône-et-Loirej portés sur
la même liste que le ministre Sarrien. \
Voici les déserteurs à l'étrangers et lés
insoumis qui vont avoir à Bruxelles
une réunion où l'on élaborera un ap
pel à la clémence du président.
Que fera M. Carnot?
Aucun - changement appréciable
dans la situation respective de l'Autri-:
çhe et de; la Russie. Il y à eu à Vienne
un premier conseil militaire prépara-;
toire. . sur les décisions duquel on
ne sait rien ; il. doit y en avoir un
nouveau aujourd'hui. ,Les. journaux
russes renoncent à leur modéra
tion, qui n'a pas été de longue:
durée ; les journaux allemands sem
blent appuyer les feuilles autrichien
nes; mais, d'autre part, l'ambassa
deur allemand, M. de Schweidnitz, qui
était en congé à Berlin, retourne à
Saint-Pétersbourg,' cè qui est plutôt'
un indice pacifiquè.
II.est, en somme, assez difficile„de
se faire une opinion sérieuse au milieu
de ces contradictions ; mais nous per
sistons à croire que tout se bornera,'
au moins pour le moment, à une lutte
de plume.
■ On s'en apercevra facilement en re
lisant l'une après l'autre , les quatorze
propositions, contenues dans le ma
nifeste dont nous venons de-rappeler
l'origine. Il y a sans doute une idée
générale qui les a toutes inspirées, à
savoir l'idée de destruction sociale ;
mais dans l'application il se trouve
que nos réformateurs, ouvriers de des
tructions', n'ont pas songé; à faire
concorder tel ou. tel article de leur
programme qui ; devient ainsi un
amas de contradictions. Prenons un
exemple. ■
Il est, dit à l'article ÏX que les signa
taires devront poursuivre avec « la sé
paration des .Eglises et de l'Etat » la
.« suppression du budget des, cultes et
des congrégations religieuses ». Mais il
est dît incontinent à l'article X que
liberté absolue , sera donnée, aux ci
toyens de « s'àssocier »,et nous suppo
sons que cette liberté-là comprend
aussi le droit d'association religieuse,;
ou bien c'est uri mensonge de parler
d'une liberté absolue. De toute façon;'
il y a contradiction soit entre l'article
X et l'article IX, soit entre les promes-
-ses de l'article X et les. menaces diri
gées contre les congrégations.-Cette:
contradiction -est si manifeste ; que la '
Lanterne elle-même se'voit contrainte
de la signaler-: « La liberté absolue de
«'associer,; dit-elle, en< son langage de;
journal incroyant, suppose qu'on' peut
s'associer pour toutes sortes de motifs,
aussi bien pour faire des l'entomologie;
que pour rendre uri culte â un fétiches
quelconque. Si vous ne l 'admettez pas;
pour les fidèles d'un Culte; ne parlez :
pas de la liberté absolue de s'associer».;
Et la Lanterne ajoute : ;
Une fois le. budget des coites supprimé, \
les gens qui ' ont des besoins cultiiels ne
pourront-les satisfaire qu'à la ; condition de
s'associer : àllèz-vous proscrire ces associa-i
tions ? Le programme; manque de clarté*
sur ce point. r
■Il manque'encore , de clarté quand il pro- 1
clame l'enseignement intégral gratuit pour;
tons, et à. tous ,lés degrés. Gomment ! nous
nous plaignons que les programmés' sont
trop chargés ; qu'on fait des cerveaux des
enfants une sorte dé Dictionnaire Larousse,;
où tout est si entassé * que tout s'y môle ét
s'y confond ; des hommes de l'Université,
comme MaLa-yisse, -finissent par condam
ner l'institution des examens qui sont , la
conséquence de , ce • mode d'enseignement,
et vous voulez l'étendre à tous 1 . _
Si vous haïssèzla bourgeoisie, laissez-lui
donc le baccalauréat : il lui 1 a fait bien as
sez de mai l ' ■ *
Je sais-que l'article 8 divise cet enseigne-,
ment intégral en énseignement scientifique,
professionnel; et /militaire.. Mais un ensei
gnement ainsi divisé devient un enseigne
ment spécial et n'est pas un enseignement
intégral..
Il nous 1 'semble que, venant d'un-
journal comme la Lanterne, cette cita
tion' suffît à< caractériser l'incohérence
du programme souscrit par les mem
bres 1 du gro upe socialiste: II' faudra;
que ceux-ci trouvent autre chose.
Auguste Roussel, t
Les forces morales
Ce n'est pas un grand embarras d'a
ligner à la suite quatorze articles d'un
programme, dont on, fait ensuite l'é
vangile du socialisme. Il n'est donc !
pas surprenant que- ce trayail n'ait'
coûté^qu'une seule séance aux ; mem
bres au nouveau groupé socialiste de
la Chambre. Mais, s'il -s'agit .d'établir
un lien logique entre ces quatorze ar-:
ticlës, de façon à en former un cùrps
de doctrine où rien ne.se heurte et rie
se contredise, c'est autre chose. • " ' !
Lés forcés morales, que .les sophistes}
et les matérialistes de nos joyrs es-j
sayerit de nièr," sont aussi -évidentes
'que les forces physiques et les forces
intéllectùelles, C'est la force morale
qui, cultivée avec .intensité , ët persé-
vérancë, fait les héros et les. saintsJ
S'il était au, pouvoir de : quelqu'un dei
supprimer les forces morales, le .monde!
, deviendrait la proie de la, forcé physi
que, laquelle, dirigée par des intelli
gences aëpourvués de moralité, cause
rait lé malheur et la ruiné du monde.
Heureusement, lès forces morales;
ont des racines aussi profondes que;
les raciries"des..forces pnysiques et m-;
tellectuellesi Jusqu'à son dernier jour,"
l'humanité produira des héros et des
I Saints. .
• Par quelle aberration .inexplicable
la France gouvernementale actuellè
ne veut-elle plus de héros , et de
saints? Car elle n'en veut plus, c'est
trop évident, et, tout ce qu'elle peut
dire pour affirmer le contraire ne ,sau-
rait infirmer la force probante dé
ses lois et de ses actes. L héroïsme et
la sainteté ne croissent nulle part
spontanément ; ce sont des plantes qui
exigent une culture appropriée à leur
essence et à leur tempérament. Cette
culture c'est la religion, et puisque
nous parlons de vrais héros et de vrais
saints, cette culture c'est la religion
chrétienne. Un peuple qui cesserait
d'être chrétien ne tarderait pas à être
sans saints et sans héros. Supposez —
pour préciser —- que le conseil muni-
pal de Paris, tel qu'il est composé ac
tuellement, devienne le maître delà
France et la gouverne à son gré pen
dant une génération ou deux ; qu'il
tarisse la source du sacerdoce.:; qu'il
détruise sous toutes ses formes rensei
gnement chrétien, le résultat.sera une
agglomération d'hommes-qui n'aurait
de nom en aucune langue. Mênae le
nom de démagogie ne lui conviendrait
pas, caries démagogies les plus in
sensées et lçs plus atroces ont besoin
de héros et de saints pour livrer leur
.batailles et monter sur leurs écha-
fauds. . ■ ... t ■' , . . .. : '
Il n'est au pouvoir de.- personne de'
déraciner la force morale. On peut
la combattrej l'entraver, la rendre plus
rare; on ne la ; supprimera jamais. Un:
romancier a dépeint un vieux paysan
réfractaire à tout progrès,, qui refuse
de céder un morceau de son terrain
nécessaire à l'assie'tte d'un chemin de
fer, malgré le ]iaut prix qu'on lui of
fre. Condamné par 'le jury d'expro-1
priation, il ne se tient pas pour battu.
La première fois que la locomotive
touche au terrain refusé, elle trouve
le vieux paysan qui, armé d'une lourde
barre de fer, essaye de s'opposer au
passage, du train. Le train passe, et le
malheureux est broyé. •
Les laïciseurs,qui s'efforcent de s'op
poser à l'influence des forces reli
gieuses et morales,oie sont pas plus
sensés que ce vieux paysan, et ils sont
presque aussi ridicules.
Plusieurs rie nient pas les forces
morales, mais ilsles confondent avec:
les forces, intellectuelles. L'ignorance,
disent-ils, ^est la mère de tous ou de
presque tous «les; vices. .Répandons^
partout l'instruction gratuite, obliga
toire et laïque : tout le monde, dans
quelques années,, saura lire, écrire et
compter, . et; lorsque ' tout le monde
saura lire, écrire et compter, la mora
lité se répandra avec l'instruction
dans les dernières couches sociales;- !
C'est là une des grandes erreurs con
temporaines^ une des moins explica
bles. Il suffit de laplus simple réflexion,
pour voir qu'il n'existe aucune rela
tion appréciable entre l'écriture et la
probité, le calcul et la; chasteté, l'or
thographe et la tempérance, la géor
graphie et le patriotisme. D'ailleurs,
là statistique démontre que le niveau
de la moralité ne s'élève pas avec le
niveau de l'instruction. Plusieurs de
nos assassins sont des hommes distin
gués qui ne seraient,pas déplacés dans
un salon. Quant aux notaires-, aux
banquiers* aux caissiers en fuite ou en
faillite, leur profession indique suffi
samment qu'ils rie sont pas des illet
trés. Instruire le peuple, ce n'est le
moraliser qu'autant qu'on l'instruit
des vérités'supérieures et religieuses.
Si ces vérités. sont écartées, de l'ins
truction populaire, cette instruction
est, par ce seul fait, non seulement
non moralisante, mais démoralisante.:
Et c'est pourquoi, dussions-nous nous
faire lapider, nous n'hésitons pas à
dire à haute et intelligible voix : ■ ■ i
Pas d'iristruction du tout, plutôt
qu'une instruction, qui n'est pas mo
rale et chrétienne !
Nous ne prétendons pas qu'une cer
taine moralité inférieure et ae dernière
marque ne puisse se rencontrer chez
des hommes dépourvus du sentiment
religieux et des croyancee chrétiennes.
Mais ne. leur demandez ni esprit de
sacrifice, ni abnégation, ni dévoue- :
ment véritable; ni cette délicatesse
de conscience qui résiste à toutes les
tentations et à toutes les séductions..
Demandez-leur encore moins ces ad
mirables vertus, qu'on appelle l'humi- :
lité,.la chasteté., la charité; ils en sont
incapables, radicalement incapables,
Cueille-tTon des raisins sur les épines
et des figues sur les ronces?
. Les pauvres, les petits, les ignorants,
les misérables ne doivent pas attendre
d'eux des services désintéressés et
gratuits. Donnant donnant est leur
devise. Il leur fautde bons traitements,
de bonnes pensions de retraite, de
brillantes croix d'officier, de comman
deur. S'ils risquent leur vie,c'est qu'ils
ne peuvent pas faire autrement, ou
qu'ils se sont assurés qus les risques
de maladie et de mort : sont compensés
par les chances de gain, d'avance
ment et de gloire,.
. Exjger d^une ,laïque,, mariée ou à-
marier,, qui ne .croit peut-être pas en
Dieu, les sacrifices d'une vierge con
sacrée à Dieu et qui voit Jésus-Christ
dans le pauvre ou le malade qu'elle
soigne, c'est exiger l'impossible. Nous
nous contenterons du possible, répon
dent leslaïciseurs. A la bonne heure !
Mais vous imitez ce paysan qui, au.
lieu de labourer son-champ avec la
charrue perfectionnée, de nos jours,:
emploierait le vieux soc de bois ae ses
ancêtres. Comme, il ferait de la mau
vaise agriculture, yous. faites de la
mauvaise administration et de la mau
vaise assistance .publique. Lorsqu'on a
sous la main un outillage de premier
choix, on n'a pas recours à de vieux
ustensiles, démodés. Une "sœur , de;
Charité coûte moitié moins qu'une:
infirmière laïque, et elle fait deux, fois
.plus de besogneiVous aimez mieux
cependant l'infirmière.laïque : ce n'est
pas agir en père de famille, en bon
administrateur, mais en gaspilleur des
deniers publics.A des soins gratuitsou
presque gratuits, dévoués,-délicats, de
jour et.de nuit; vous préférez des soins
tarifés, calculés, mercenaires ; c'est
le fait de sectaires et de fanatiques.
A l'usage'ori connaît lé drap,, dit un
proverbe. Il y a longtemps que la bure
ae la fille de Saint-Vincent de Paul,
du frère du vénérable de la Salle et du
frère de Saint-Jean de Dieu a fait ses
preuves. Pour être d'étoffe plus fine et
de coupe plus élégante, les mantelets
des infirmières et les paletots des insti
tuteurs ne feront pas oublier la pauvre
livrée de ces serviteurs de Jésus-Christ.
Encore un peu de temps, et les articles
des journaux républicains iront re
joindre les procès-verbaux des délibé
rations des conseils municipaux laïci-
seurs. Des pauvres auront souffert,
des malheureux n'auront pas été con
solés, des pêcheurs seront morts sans
repentir; c'est un grand malheur et
un grand crime. Mais le jour de la
iustice se lèvera, et les instituteurs et
les infirmières congréganistes seront
ramenés en triomptie à léurs écoles, à
leurs hôpitaux, à léurs asiles. Ces
forces moralés et chrétiennes que les
laïciseurs avaient cru détruire, repa
raîtront si jeunes, si vivantes, si éner
giques, que leurs ennemis seront obli
gés de reconnaître qu'elles sont indes
tructibles.
Jean Granges.
Hier matin Figaro publiait la dépê
che suivante :
. Berlin, 17. décembre, 9 h. soir.
; La Gazette de l'Allemagne du Nord pu
blie,un article à sensation sur les déclara
tions de l'Invalide fusse;
L'organe de la chancellerie dit qu'on s'at
tendait à plus'de loyauté ; on aurait été.en
droit d'attendre, sinon une reculade de la
Russie, tout au moins des explications, sur
les rassenblements de troupes aux frontiè
res et une promesse de ne pas continuer:
dans cette voie. Ces promesses et ces expli
cations n'ayant pas été données, l'Autriche:
se voit obligée de'prendre* 'des mesures
énergiques pour rétablir l'équilibre des for
ces'en présence sur ses frontières. ' '
Cet article produit une profondé impres
sion. ■ ■ v
' D'autre part, la République française
publie aujourd'hui la dépêche ci-après :
- - Berlin, 18 décembre.
L'article de la Gazette de l'Allemagne du
Nord, déclarant que l'Autriche, en présence
du silence gardé par la Russie sur la concen
tration de ses troupes à la frontière;- est
obligée de recourir à des mesures énergi
ques et d'augmenter ses forces militaires, a
produit hier soir une impresssion très;
vive. -
Elle a confirmé le brtiit qui courait dans
l'après-midi et d'après lequel, dans le con
seil militaire qui a été tenu hier matin,sous,
la présidence de l'empereur, ayant-à ses cô- :
tés le prince Guillaume, de graves mesures
auràient été débattues et arrêtées entre
MM.' de Moltke, les généraux de Walder-
see, Bronsart de Schellendorff et d'Albo-
dyll.
.Nous recevons la Gazette d'Allema
gne du Nord. Or, ni dans l'édition' du :
matin de ce journal, ni dans l'édition
du soir du numéro portant la date du;
17 décembre, il n'est trace de l'articlei
dont il est parlé ci-dessus.,
P.-S. — Le numéro de la Gazette de
VAllemagne du Nord portant la date du
18 vient de nous arriver, et il ne con
tient pas plus que celui du 17 l'article
à sensation signalé par Figaro.
Qu'est-ce que cela veut aire ? On at
tend les explications du correspond
dant de Figaro.
Parce qu'Aubertin est menacé de
succomber aux accès de delirium qui
sont le fruit de son état d'exaltation,
un certain nombre dé feuilles républi
caines veulent établir qué les provoca
tions de la presse ne sont pour rien
dans sa teritative de meurtre. A qui,
diserit-ils, voulez-vous faire remonter
la responsabilité de l'attentat d'un
fou?
: Dans la République française, M.
Francisque. Sarcëy réfute cette argu
mentation. Avant de. dire ce que nous
avons à y reprendre, donnons d'abord
toute sa conclusion :
Qui est le coupable, à -vôtre avis, le vrai
coupable ?
Oh I je le sais bien, le journaliste recule
devant les conséquences : il ne - se doutait
pas de l'effet qu'allait produire sa prose. Il
avait écrit en dilettante sceptique, parlant
au hasard d'assassinat, parce que c'est un
mot à p&nache, et n'imaginant pas qu'il y
aurait là un imbécile pour, le prendre au
sérieux ou un névrosé pour le traduire en
■acte.' - ■:>
Mais il y a dea imbéciles partout et par
tout il y a des névrosés, surtout en notre
temps. Qu'est-ce que c'était ' que liavaillac,
autrefois ? Un suggestionné à-qui les jésuites
avaient persuadé qu'il ferait œuvre pie en
tuant Heuri IV. Cet Aubertin a été, à-sa
manière, un Ravaillac. Des fanatiques (il• y
a des fanatiques de l'intransigeance comme
de la religion, et chaque parti, a ses .jé
suites), des fanatiques ont armé . sa main
d'un revolver et l'ont poussé, inconscient et
abruti, au crime qu'il a manqué, fort heu
reusement pour nous. • ! _
Le vrai coupable, c'est donc le journa
liste ; car c'est lui qui a conduit le bras,
sans .y avoir pensé, je .le. veuxi bien. ■ ;
Mais cela me rappelle une revup du
temps passé où Grassot magnétisait quel
qu'un sur la scène : il jetait du fluide à
poignées,, et tout à coup (c'était la, scène
dans la salle) une personne s'endoimait au,
balcon. . t 1 v
— Ah 1 pardon,- disait-il, ce n'est pas
ma faute ! Mon fluide - s'est trompé dq
route.
Le journaliste pourrait répondre de mô
me : « Je n'avais aucunement l'intention de
suggérer à cô'Monsieur l'idée "d'assassiner
M. Ferry. J'en parlais, il est vrai, tous les
matins;'mais pouvais-^ e.nM douter qu'on ne
verrait pas que c'était là histoire, de rire un
brio et de-ticeE à~disxnille..de plus ?. Si
j'eusse été, en . effet, convaincu que le salut
dë la France exigeait que l'on abattît Ferry
comple-an simple "lapin,serais, chargé de cette bésogne, au lien de
la conseiller aux,autres.. » r : i \
Il s'est trouvé un autre qui l'a fait. Mais,
comine dit Corneille : /.
Il ne fut que le bras, c'est toi qui lus la tête.
Donc, les journalistes sont coupa
bles, c'est entendu, et ià-deSsus nous
sommes volontiers dè l'avis du préopï-
nant, comme oh disait jadis. Mais M.
Sarcey pyend trop de libertés avec
l'histoire, quand, usant d'un terme
de comparaison ét citant le nom de
Ravaillac, il dit que ce fut « un sug
gestionné à qui les jésuites avaient
persuadé qu'il ferait œuvre pie en
tuant Henri "IV. » Laissons de côté
provisoirement le fait de la sug
gestion : M. Sarcey est-il excusable
d'ignorer - à » ce point l'histoire de
Ravaillac ? Les jésuites ont bon.
dos,et lés faussaires de l'histoire ne se
sont ; gênés en aucun' temps ; pour
leur attribuer calomnieusement urie
série de forfaits qii'ôn serait bien em
barrassé de prouver. Encore faudrait-
il ; n;e pas méntir' trop iiripudemmerit à
l'histoire.; Or l'histoire établit : que
Ravàillac, après avoir été chez les
Feuiliants,ën avait été chaèsé pour ses
excentricités, et.qu'il fit ensuite -de
vains efforts pour entrer chez les jé
suites, qui ne voulurent jamais l'ad
mettre
Dès lors, commentles jésuites pour
raient-ils être ; accusés d'avoir « sug
gestionné »' l'assassin de Henri iIV,?
M. Francisque Sarcey nous à bien
confessé jadis qu'il; a professé la logi
que ; saris en avoir jamais rien su ; ce
pendant, le raisonnement ci-dessus
est assez facile à saisir pour qu'il en
puisse être-touché. Il voudra peut-être
nous dire ce qu'il en pense, et, par
suite, comment il compte satisfaire
aux devoirs de la loyauté. ,
. Auguste Roussel.
LE JUBILÉ SACERDOTAL
; ;. ' DE! , '
SA SAINTETÉ LÉON XIII
Voici le texte des paroles pronon
cées par le prince, de Liehtenstein en
présentant à Sa Sainteté la lettre et les
dons de S. M. l'eiripereur d'Autriche.
Très-Saint-Père,
En me conférant l'insigne honneur de
remettre à .Votre.Sainteté sa lettre de féli-'
citation et' son don offert à l'occasion du
jubilé, Sa Majesté l'empereur et roi a dai
gné me charger. de ; réitérer de vive voix
l'expression de ses sentiments de respect
et dévouement -filial. ;
, Sa Mâjesté m'a encore chargé de dire à
Votre: Sainteté combien la haute bienveil
lance que Votre Sainteté lui a témoignée
en-toute occasion remplit son epeur de gra
titude.
Voicila réponse du Souverain Pon-»
tife : ■
La noble mission confiée à Votre
Altesse et qu'elle vient d'accomplir
en ce moment' Nous cause la plus
vive satisfaction et joie.
Nous - connaissons l'âme hautè-
ment religieuse ;de Sa Majesté l'Em-^
pereur d'Autriche Roi d'Hongrie et
les pieux sentiments qui animent
les membres de Son auguste Fa
mille. — Dès les débuts de , Notre
Pontificat,^ Sa, Maj ësté Nous.' a, tou
jours témoigné Sa > piété . filiale et
Son i dévouement sincère au Saint-*
Siège Apostolique. Aujourd'hui, à
l'occasion de Notre Jubilé Sacerdo-
FEUILLETON DE h'UNIVERS
. DU 20 DÉCEMBRE 1887
PROPOS DIVÈRS
François Colletet qui partage avec lé mé-.
decin Théophraste Renaudot l'honneur
d'avoir été an des premiers journalistes de
France (j'entends des premiers en date), fut
d'ailleurs un assez pauvre diable'. Fils d'un
écrivain qui collabora avec Richelieu, et
auquel le cardinal-poète donna l'un des
quarante iauteuils de son Académie nais
sante, il n'hérita ni du fauteuil de son père
ni'de la faveur des ministres, et tout fait
supposer que son Journal d'avis ne le con
duisit pas à la fortune.
Boileau, dans un distique célèbre, nous
le lait voir,
... crotté.jusqu'à l'échiné,
Allant chercher son. pain _de cuisine en caisine.
Et la postérité en a conclu, trop légère
ment selon moi,* que "cet ancêtre des Gi-
rardin, des Villemessant et tutti quanti
était aussi dépourvu de dignité jprofession-
nelle que d'argent comptant.
Parbleu ! Boileau en parlait à son aise.
Chéri du roi, goûté h la cour, applaudi à
la ville, et l'un des mieux rentés parmi les
beaux esprits de ce siècle où l'on reniait les
beaux esprits, il rie'sévit jamais réduit
aux expédients lamentables du pauvre Col
letet, et son dlnier 'ne .dépendit jamais de
l'humeur plus ou moins pitoyable de quel-,
que marmiton. .
' Qui me prouve qu'en une nécessité pa
reille il eût été plus fier? Fallait-il donc que,
par dignité, pure, Colletet se laissât mourir
d'inanition? Qu'on m'en trouve beaucoup,;
soit dans son siècle, soit dans le nôtre, qui
fussent capables d'un semblable héroïsme!,
; J'observe, d'ailleurs, que le morceau de
pain qu'obtenait Colletet lui était : donné de
bonne amitié, et qu'on De lui demandait,' en-
échange, ni de'trahir-sa foi, ni d'insulter
personne. J'estime que, dans cés conditions,
il pouvait l'acceptér sans rougir, et j'en sais^
beaucoup qui, chaque jour, ■ font de ces 7
choses, le plus gaillardement du monde,;
sans pouvoir; • comme Colletet, plaider l'ex
cuse dé la faim.
Mais ce n'est pas à ceux-là que, pour au
jourd'hui, j'ai affaire; mais à d'autres,qui se
croiraient déshonorés s'ils gueusaient, de
cuisine en cuisine, quelques morceaux de
pain, et qui s'en vont de cercle en cercle
gueuser des rebuffades.
Au surplus, voici la.chose.
Tout le monde sait qu'il existe à Paris
nombre de cercles où l'on se réunit pour
lire les journaux, causer des nouvelles du
jour, et jouer avec impunité les jeux de
hasard que la police réprimé partout ailleurs
avec une vigilance qui l'honore, quoique
d'ailleurs, elle n'empêche rien.
L'un.do ces cercles, depuis quelques an
nées, faisait assez mal ses affaires.
Ses membres n'étaient plus assez nom
breux, sa partie plus assez active, et les bi
lans annuels accusaient un déficit de plits
en plus difficile à combler. Une grande ré
solution s'imposait : elle fut prise, et le cer
cle mourant, s'ihspirant peut-être de l'heu
reux euphémisme d'un journal récemment
dispara, se concentra avec ùn autre cercle
dont les affaires allaient mieux.
. A cette occasion, et pour, renforcer en-
pore son budget des recettes,"le cercle con
centré fit savoir qu'il recevrait dans son sein
les artistes et'les gens,de lettres qui, après
examen d'une 'commission compétente, se
raient jugés dignes dé cet honneur.
L'appel fut entendu, fet, pendant quel
ques jours, on admit: sans difficulté des
auteurs dramatiques, des romanciers, des
peintres et des musiciens. Un beau 'matin,
gagné par l'exemple, un journaliste se pré
senta; après une courte délibération* on
l'écondùisit. Pourquoi? C'est ce qu'on ne
prit pas la peine de lui dire, et, d'ailleurs,
il n'est pas d'usage de motiver ces sortes
de sentences.
Un second journaliste, s'étant bien exa-
miné et se. croyant dans les conditions re
quises,' se présenta à son tour, et fut écoh-
dait comme le premier; quelques autres
avaient manifesté l'intention de poser leur
candidature, on leur fit dire de s'en épar
gner la peine, attendu qu'on était bien dé
cidé à n'en recevoir aucun.
Les choses % en sont là, et tout naturelle
ment elles ont fait quelque bruit, les évin
cés n'ayant pas eu la sagesse de taire leur'
mésaventure. Ils tonnent tous dans leurs
gazettes respectives sur l'affront fait en leur
personne à la dignité de la.presse ; ils pro
testent qu'en se présentant au cercle ils lui
faisaient trop d'honneur, et que des imbé
ciles seuls ont pu leur en fermer la porte;
Que demain ces imbéciles se ravisent et
que la porte se rouvre, ils oublieront leur
colère et voudront tous entrer.
. On m'en nommait ùn, l'autre jour, que
huit échecs successifs ne rebutèrent pas et
qui s'estima très honoré d'entrer à la neu
vième épreuve.
Franchement j'aime encore mieux, puis
qu'il s'agit de dignité, mon ancêtre Colletet
que mon confrère Z.
J'en sais un autre, et non pas des pre
miers venus je vous prie, qu'ils ont éconduit
de la bonne sorte, et qui ne peut s'en con
soler, et qui remplit de' ses doléances les
dix journaux auxquels il collabore.
D'autres, à sa place, se tiendraient .fort
-satisfaits de leur lot.ll a la Mascarille, oh peu
d'élus trouvent accès, et qui, pour lui, s'ou- '
vrit à deux battants lorsqu'il lui plut d'y
entrer,ou plutôt d'y .rentrer.-Il a le Courrier,,
où, lorsque vient son jour, le tirage monte
sensiblement. Il a le Scapin, qui met à ses
pieds cinq cent mille lecteurs. Il a le XX°
Siècle,où une fois par semaine il dit son mot
sur les choses du jour. Ici il parle des li
vres, là il parle des théâtres, et partout ses
jugements sont accueillis avec une défé
rence que n'obtiennent pas toujours les ar
rêts de la cour de Paris, même quand on a
pris soin de doubler le nombre des magis.
trats appelés à les rendre.
J'ajoute qu'il possède les deux qualités
fondamentales qu'hier, à' l'Académie des
sciences morales, M. Jules Simon deman
dait au journaliste : c'est à savoir, du boq
sens et de l'esprit. Nul ne s'entend à souli
gner d'un trait plus fin les ridicules dè son
temps, nul ne sait mieux s'élever au-dessus
des mesquines vanités, et des ambitions pué
riles de ses contemporains. '
Et pourtant ce sage a sa folie; cet hommç
fort a sa faiblesse, cet invulnérable a son
talon d'Achille. Sa réputation établie, ses
succès incontestés lui apparaissent comme
des choses dé nul prix s'il n'y joint
l'honneur d'être accepté dans le cercle à la
mode, en compagnie de quelques centaines
de gens du monde dont les sept huitièmes,
à coup sûr, ne le valent pas. ' . -,
Notez que, dans ce cercle, on a reçu à
bras ouverts certain jouvenceau de sa fa
mille dont le bagage littéraire se compose
jusqu'ici de trois actes légers, représentés
l'an passé sur une scène boulevardière,
mais qui, n'ayant jamais écrit d&ns un
journal, n'a pas eu à craindre en se pré?
sentant les catastrophes du blackboulage.
Ce serait mal connaître le cœur humain de
croire.que et que notre journaliste a trouvé dans le
succès dii jouvenceau un adoucissement à
sa propre défaite.
. Tout au contraire, il ne songe depuis lo'rs
qu'à tirer de l'outrage une éclatante ven
geance, et comme la rancune est ingénieuse^
il a trouvé tout du premier coup le moyen
de punir les gens du monde de leurs dé
dains injilrieux. ' ' .
Ce moyen est bien simple : il consisté à
supprimer à l'avenir et radicalement les
échos mondains que certains journaux ont
coutume de consacrer, en première page,
aux faits et gestes des classes dirigeantes.
Vous croyez peut-être, lecteurs de l'Uni
vers ; que c'est là peu de chose, et que les
classes dirigeantes seront heureuses de
pouvoir - désormais dîner, "danser, jouer la
comédie, se marier", divorcer, naître : et
mourir, sans voir le boulevard se mettre en
tiers dans ces mêmes : incidents de leur
existence, intime ? Vous imaginez peut-être
que lorsque M. de Guilloutet éleva son mur
célèbre, aujourd'hui démoli, il agissait com
me mandataire officieux des gens du mon
de, et que le défunt article 11 .traduisait en
loi lés griefs de la bonne,société, lassée par
les indiscrétions d'une, presse qui. voyait
tout et prétendait tout dire ?
Hélas ! que n'avez-yous lu les recueils
de jurisprudence ! La loi Guilloutet fut, j'en crois Dalloz, invoquée jusqu'à trois
fois, toujours devant des tribunaux de pro-
vincé. Le plus notable de ces trois juge
ments fut rendu au profit d'un bourgeois
dont la feuille du cru, rendant compte de
je ne sais quelle représentation théâtrale,
avait signalé la présence dans un fauteuil
d'orchestre. Le bourgeois, alléguait, Guil
loutet à la main, qu'on n'avait pas le droit
de mettre le public dans la confidence de
ses divertissements. Le tribunal lui alloua.
1 franc de dommages-intérêts, et il de
meura ridicule pour le reste de ses jours,
même peut-être aux yeux de M. de Guil
loutet en qui il avait cru. . . .
. À Paris, les journaux continuèrent leur
train ordinaire, et la loi Guilloutet demeura
vierge des applications de la jurispru
dence. . • ,
Et comment en eût-il été, autrement ? ,
Quand vous lisez dans ,1e Mascarille.la
récit du bal masqué donné par la duchesse
de X..., ou le menu du dernier dîner donné s
par Turcaret, perisez.-vous donc que le
détail de ces belles choses ait-été obtenu à
prix d'or de l'indiscrétion des valets ou de
[N* 73Ô5 - Edition quotidienne
Mardi 20 Béôembré 1887
ËDIYXON QUOTI DIENNE ,
PARIS ÉTRANGER
■ BT DÉPARTEMENTS (0NION POSTÀLB) i
" XJn an: ,...65 » 66, »
Six mois. . ; . 23 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 '»
■ . çj) abonnements partent des I» et l< de ctynqao mou
, ;—: . • , . J
ttvt vTt«.ir,r, ( Paris 1S cent.
UN NUMERO J Départements,- 2q —
BUREAUX : Paris, 10, rué des Saints-Pèrea
On s'abonne-à Rome, place du Geaù ( if}. ,
EDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS
i ' < ET DÉPARTEMENT»
Du an T . . . « 30 # •
Sixniois. i 16 »
Trois mois, „. ; 8 50 <
. ÉTRANGER
• (onion postais) .
36 »
19 »
10 »
i s 1
* ! !-
Let abonnements partent dos i» et 18 de chaque moM
.L'UBIYERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé»
_ ANNONCES
MM, Ch^AGRÀNGE, CERF et C">, 6, place de. la Bourse *
■ ■ ■ } J - • "1 • : f > r * ; •"} »!*< :< > r \ • :• f ; • f %ïfï.
FRANCE
PARIS, 19 DECEMBRE 1887
: Maintenant que les Chambres sont
parties et que nous avons, provisoire
ment, un gouvernement, on. ; va- s'oc
cuper desélections sénatoriales ? i! en
est temps 'puisqu'elles ont lieu le 1 5
janvier. Ges élections, malgré ; le rôle
effacé que le Sénat joue habituelle
ment; peuvent avoir une grande in
fluence. Il ne faut pas oublier que la
question de la.dissolution a été posée
et qu'elle s'imposera tôt ou tard, plus
tôt que plus tard ; or, il faut pour la
dissolution l'assentiment du Sénat. Le
renouvellement de-près du tiersdu Sé
nat — ;1 il faut défalquer' les inamovi
bles encoïe vivants — peut singulière
ment changer les dispositions de la ma
jorité républicaine.
1 ,«»i "i.*".^ ■ V-'-' 1 -M. . i ' 1 ' •*. .*
Que fera M. Tirard pour le préfet de
la Seine? L"installera-t-il à 1 hôtel de
ville, malgré le terrible Hovelacque et
les non moins terribles autonomistes
du conseil municipal ?, La République
française pousse M. Tirard à user de
son autorité; Il est incontestable qu'il
a pour lui, avec le texte et -l'esprit de
la loi, une. décision du conseil d'Etat;
mais il est grave de se heurter aux
conseillers municipaux, dont jusqu'ici
on a à peine osé annuler sans bruit
quelques délibérations par trop illé
gales et violentes. On dit que déjà il y;
a, scission dans le conseil des ministres"
au sujet de cette installation manu mi
litari du préfet de la Seine à l'hôtel de
ville; quelquesministres :s : ^effrayeraient i
de la lutte que cela entraînerait.
On . demande à M. Carnot; comme
don de joyeux avènement, une amnis
tie politique. 11 n'y. avait d'abord que
le . citoyen Basly et les conseillers mu
nicipaux; mais le mouvement s'accen
tue: Nous avons donné la lettre des
députés de Saône-et-Loirej portés sur
la même liste que le ministre Sarrien. \
Voici les déserteurs à l'étrangers et lés
insoumis qui vont avoir à Bruxelles
une réunion où l'on élaborera un ap
pel à la clémence du président.
Que fera M. Carnot?
Aucun - changement appréciable
dans la situation respective de l'Autri-:
çhe et de; la Russie. Il y à eu à Vienne
un premier conseil militaire prépara-;
toire. . sur les décisions duquel on
ne sait rien ; il. doit y en avoir un
nouveau aujourd'hui. ,Les. journaux
russes renoncent à leur modéra
tion, qui n'a pas été de longue:
durée ; les journaux allemands sem
blent appuyer les feuilles autrichien
nes; mais, d'autre part, l'ambassa
deur allemand, M. de Schweidnitz, qui
était en congé à Berlin, retourne à
Saint-Pétersbourg,' cè qui est plutôt'
un indice pacifiquè.
II.est, en somme, assez difficile„de
se faire une opinion sérieuse au milieu
de ces contradictions ; mais nous per
sistons à croire que tout se bornera,'
au moins pour le moment, à une lutte
de plume.
■ On s'en apercevra facilement en re
lisant l'une après l'autre , les quatorze
propositions, contenues dans le ma
nifeste dont nous venons de-rappeler
l'origine. Il y a sans doute une idée
générale qui les a toutes inspirées, à
savoir l'idée de destruction sociale ;
mais dans l'application il se trouve
que nos réformateurs, ouvriers de des
tructions', n'ont pas songé; à faire
concorder tel ou. tel article de leur
programme qui ; devient ainsi un
amas de contradictions. Prenons un
exemple. ■
Il est, dit à l'article ÏX que les signa
taires devront poursuivre avec « la sé
paration des .Eglises et de l'Etat » la
.« suppression du budget des, cultes et
des congrégations religieuses ». Mais il
est dît incontinent à l'article X que
liberté absolue , sera donnée, aux ci
toyens de « s'àssocier »,et nous suppo
sons que cette liberté-là comprend
aussi le droit d'association religieuse,;
ou bien c'est uri mensonge de parler
d'une liberté absolue. De toute façon;'
il y a contradiction soit entre l'article
X et l'article IX, soit entre les promes-
-ses de l'article X et les. menaces diri
gées contre les congrégations.-Cette:
contradiction -est si manifeste ; que la '
Lanterne elle-même se'voit contrainte
de la signaler-: « La liberté absolue de
«'associer,; dit-elle, en< son langage de;
journal incroyant, suppose qu'on' peut
s'associer pour toutes sortes de motifs,
aussi bien pour faire des l'entomologie;
que pour rendre uri culte â un fétiches
quelconque. Si vous ne l 'admettez pas;
pour les fidèles d'un Culte; ne parlez :
pas de la liberté absolue de s'associer».;
Et la Lanterne ajoute : ;
Une fois le. budget des coites supprimé, \
les gens qui ' ont des besoins cultiiels ne
pourront-les satisfaire qu'à la ; condition de
s'associer : àllèz-vous proscrire ces associa-i
tions ? Le programme; manque de clarté*
sur ce point. r
■Il manque'encore , de clarté quand il pro- 1
clame l'enseignement intégral gratuit pour;
tons, et à. tous ,lés degrés. Gomment ! nous
nous plaignons que les programmés' sont
trop chargés ; qu'on fait des cerveaux des
enfants une sorte dé Dictionnaire Larousse,;
où tout est si entassé * que tout s'y môle ét
s'y confond ; des hommes de l'Université,
comme MaLa-yisse, -finissent par condam
ner l'institution des examens qui sont , la
conséquence de , ce • mode d'enseignement,
et vous voulez l'étendre à tous 1 . _
Si vous haïssèzla bourgeoisie, laissez-lui
donc le baccalauréat : il lui 1 a fait bien as
sez de mai l ' ■ *
Je sais-que l'article 8 divise cet enseigne-,
ment intégral en énseignement scientifique,
professionnel; et /militaire.. Mais un ensei
gnement ainsi divisé devient un enseigne
ment spécial et n'est pas un enseignement
intégral..
Il nous 1 'semble que, venant d'un-
journal comme la Lanterne, cette cita
tion' suffît à< caractériser l'incohérence
du programme souscrit par les mem
bres 1 du gro upe socialiste: II' faudra;
que ceux-ci trouvent autre chose.
Auguste Roussel, t
Les forces morales
Ce n'est pas un grand embarras d'a
ligner à la suite quatorze articles d'un
programme, dont on, fait ensuite l'é
vangile du socialisme. Il n'est donc !
pas surprenant que- ce trayail n'ait'
coûté^qu'une seule séance aux ; mem
bres au nouveau groupé socialiste de
la Chambre. Mais, s'il -s'agit .d'établir
un lien logique entre ces quatorze ar-:
ticlës, de façon à en former un cùrps
de doctrine où rien ne.se heurte et rie
se contredise, c'est autre chose. • " ' !
Lés forcés morales, que .les sophistes}
et les matérialistes de nos joyrs es-j
sayerit de nièr," sont aussi -évidentes
'que les forces physiques et les forces
intéllectùelles, C'est la force morale
qui, cultivée avec .intensité , ët persé-
vérancë, fait les héros et les. saintsJ
S'il était au, pouvoir de : quelqu'un dei
supprimer les forces morales, le .monde!
, deviendrait la proie de la, forcé physi
que, laquelle, dirigée par des intelli
gences aëpourvués de moralité, cause
rait lé malheur et la ruiné du monde.
Heureusement, lès forces morales;
ont des racines aussi profondes que;
les raciries"des..forces pnysiques et m-;
tellectuellesi Jusqu'à son dernier jour,"
l'humanité produira des héros et des
I Saints. .
• Par quelle aberration .inexplicable
la France gouvernementale actuellè
ne veut-elle plus de héros , et de
saints? Car elle n'en veut plus, c'est
trop évident, et, tout ce qu'elle peut
dire pour affirmer le contraire ne ,sau-
rait infirmer la force probante dé
ses lois et de ses actes. L héroïsme et
la sainteté ne croissent nulle part
spontanément ; ce sont des plantes qui
exigent une culture appropriée à leur
essence et à leur tempérament. Cette
culture c'est la religion, et puisque
nous parlons de vrais héros et de vrais
saints, cette culture c'est la religion
chrétienne. Un peuple qui cesserait
d'être chrétien ne tarderait pas à être
sans saints et sans héros. Supposez —
pour préciser —- que le conseil muni-
pal de Paris, tel qu'il est composé ac
tuellement, devienne le maître delà
France et la gouverne à son gré pen
dant une génération ou deux ; qu'il
tarisse la source du sacerdoce.:; qu'il
détruise sous toutes ses formes rensei
gnement chrétien, le résultat.sera une
agglomération d'hommes-qui n'aurait
de nom en aucune langue. Mênae le
nom de démagogie ne lui conviendrait
pas, caries démagogies les plus in
sensées et lçs plus atroces ont besoin
de héros et de saints pour livrer leur
.batailles et monter sur leurs écha-
fauds. . ■ ... t ■' , . . .. : '
Il n'est au pouvoir de.- personne de'
déraciner la force morale. On peut
la combattrej l'entraver, la rendre plus
rare; on ne la ; supprimera jamais. Un:
romancier a dépeint un vieux paysan
réfractaire à tout progrès,, qui refuse
de céder un morceau de son terrain
nécessaire à l'assie'tte d'un chemin de
fer, malgré le ]iaut prix qu'on lui of
fre. Condamné par 'le jury d'expro-1
priation, il ne se tient pas pour battu.
La première fois que la locomotive
touche au terrain refusé, elle trouve
le vieux paysan qui, armé d'une lourde
barre de fer, essaye de s'opposer au
passage, du train. Le train passe, et le
malheureux est broyé. •
Les laïciseurs,qui s'efforcent de s'op
poser à l'influence des forces reli
gieuses et morales,oie sont pas plus
sensés que ce vieux paysan, et ils sont
presque aussi ridicules.
Plusieurs rie nient pas les forces
morales, mais ilsles confondent avec:
les forces, intellectuelles. L'ignorance,
disent-ils, ^est la mère de tous ou de
presque tous «les; vices. .Répandons^
partout l'instruction gratuite, obliga
toire et laïque : tout le monde, dans
quelques années,, saura lire, écrire et
compter, . et; lorsque ' tout le monde
saura lire, écrire et compter, la mora
lité se répandra avec l'instruction
dans les dernières couches sociales;- !
C'est là une des grandes erreurs con
temporaines^ une des moins explica
bles. Il suffit de laplus simple réflexion,
pour voir qu'il n'existe aucune rela
tion appréciable entre l'écriture et la
probité, le calcul et la; chasteté, l'or
thographe et la tempérance, la géor
graphie et le patriotisme. D'ailleurs,
là statistique démontre que le niveau
de la moralité ne s'élève pas avec le
niveau de l'instruction. Plusieurs de
nos assassins sont des hommes distin
gués qui ne seraient,pas déplacés dans
un salon. Quant aux notaires-, aux
banquiers* aux caissiers en fuite ou en
faillite, leur profession indique suffi
samment qu'ils rie sont pas des illet
trés. Instruire le peuple, ce n'est le
moraliser qu'autant qu'on l'instruit
des vérités'supérieures et religieuses.
Si ces vérités. sont écartées, de l'ins
truction populaire, cette instruction
est, par ce seul fait, non seulement
non moralisante, mais démoralisante.:
Et c'est pourquoi, dussions-nous nous
faire lapider, nous n'hésitons pas à
dire à haute et intelligible voix : ■ ■ i
Pas d'iristruction du tout, plutôt
qu'une instruction, qui n'est pas mo
rale et chrétienne !
Nous ne prétendons pas qu'une cer
taine moralité inférieure et ae dernière
marque ne puisse se rencontrer chez
des hommes dépourvus du sentiment
religieux et des croyancee chrétiennes.
Mais ne. leur demandez ni esprit de
sacrifice, ni abnégation, ni dévoue- :
ment véritable; ni cette délicatesse
de conscience qui résiste à toutes les
tentations et à toutes les séductions..
Demandez-leur encore moins ces ad
mirables vertus, qu'on appelle l'humi- :
lité,.la chasteté., la charité; ils en sont
incapables, radicalement incapables,
Cueille-tTon des raisins sur les épines
et des figues sur les ronces?
. Les pauvres, les petits, les ignorants,
les misérables ne doivent pas attendre
d'eux des services désintéressés et
gratuits. Donnant donnant est leur
devise. Il leur fautde bons traitements,
de bonnes pensions de retraite, de
brillantes croix d'officier, de comman
deur. S'ils risquent leur vie,c'est qu'ils
ne peuvent pas faire autrement, ou
qu'ils se sont assurés qus les risques
de maladie et de mort : sont compensés
par les chances de gain, d'avance
ment et de gloire,.
. Exjger d^une ,laïque,, mariée ou à-
marier,, qui ne .croit peut-être pas en
Dieu, les sacrifices d'une vierge con
sacrée à Dieu et qui voit Jésus-Christ
dans le pauvre ou le malade qu'elle
soigne, c'est exiger l'impossible. Nous
nous contenterons du possible, répon
dent leslaïciseurs. A la bonne heure !
Mais vous imitez ce paysan qui, au.
lieu de labourer son-champ avec la
charrue perfectionnée, de nos jours,:
emploierait le vieux soc de bois ae ses
ancêtres. Comme, il ferait de la mau
vaise agriculture, yous. faites de la
mauvaise administration et de la mau
vaise assistance .publique. Lorsqu'on a
sous la main un outillage de premier
choix, on n'a pas recours à de vieux
ustensiles, démodés. Une "sœur , de;
Charité coûte moitié moins qu'une:
infirmière laïque, et elle fait deux, fois
.plus de besogneiVous aimez mieux
cependant l'infirmière.laïque : ce n'est
pas agir en père de famille, en bon
administrateur, mais en gaspilleur des
deniers publics.A des soins gratuitsou
presque gratuits, dévoués,-délicats, de
jour et.de nuit; vous préférez des soins
tarifés, calculés, mercenaires ; c'est
le fait de sectaires et de fanatiques.
A l'usage'ori connaît lé drap,, dit un
proverbe. Il y a longtemps que la bure
ae la fille de Saint-Vincent de Paul,
du frère du vénérable de la Salle et du
frère de Saint-Jean de Dieu a fait ses
preuves. Pour être d'étoffe plus fine et
de coupe plus élégante, les mantelets
des infirmières et les paletots des insti
tuteurs ne feront pas oublier la pauvre
livrée de ces serviteurs de Jésus-Christ.
Encore un peu de temps, et les articles
des journaux républicains iront re
joindre les procès-verbaux des délibé
rations des conseils municipaux laïci-
seurs. Des pauvres auront souffert,
des malheureux n'auront pas été con
solés, des pêcheurs seront morts sans
repentir; c'est un grand malheur et
un grand crime. Mais le jour de la
iustice se lèvera, et les instituteurs et
les infirmières congréganistes seront
ramenés en triomptie à léurs écoles, à
leurs hôpitaux, à léurs asiles. Ces
forces moralés et chrétiennes que les
laïciseurs avaient cru détruire, repa
raîtront si jeunes, si vivantes, si éner
giques, que leurs ennemis seront obli
gés de reconnaître qu'elles sont indes
tructibles.
Jean Granges.
Hier matin Figaro publiait la dépê
che suivante :
. Berlin, 17. décembre, 9 h. soir.
; La Gazette de l'Allemagne du Nord pu
blie,un article à sensation sur les déclara
tions de l'Invalide fusse;
L'organe de la chancellerie dit qu'on s'at
tendait à plus'de loyauté ; on aurait été.en
droit d'attendre, sinon une reculade de la
Russie, tout au moins des explications, sur
les rassenblements de troupes aux frontiè
res et une promesse de ne pas continuer:
dans cette voie. Ces promesses et ces expli
cations n'ayant pas été données, l'Autriche:
se voit obligée de'prendre* 'des mesures
énergiques pour rétablir l'équilibre des for
ces'en présence sur ses frontières. ' '
Cet article produit une profondé impres
sion. ■ ■ v
' D'autre part, la République française
publie aujourd'hui la dépêche ci-après :
- - Berlin, 18 décembre.
L'article de la Gazette de l'Allemagne du
Nord, déclarant que l'Autriche, en présence
du silence gardé par la Russie sur la concen
tration de ses troupes à la frontière;- est
obligée de recourir à des mesures énergi
ques et d'augmenter ses forces militaires, a
produit hier soir une impresssion très;
vive. -
Elle a confirmé le brtiit qui courait dans
l'après-midi et d'après lequel, dans le con
seil militaire qui a été tenu hier matin,sous,
la présidence de l'empereur, ayant-à ses cô- :
tés le prince Guillaume, de graves mesures
auràient été débattues et arrêtées entre
MM.' de Moltke, les généraux de Walder-
see, Bronsart de Schellendorff et d'Albo-
dyll.
.Nous recevons la Gazette d'Allema
gne du Nord. Or, ni dans l'édition' du :
matin de ce journal, ni dans l'édition
du soir du numéro portant la date du;
17 décembre, il n'est trace de l'articlei
dont il est parlé ci-dessus.,
P.-S. — Le numéro de la Gazette de
VAllemagne du Nord portant la date du
18 vient de nous arriver, et il ne con
tient pas plus que celui du 17 l'article
à sensation signalé par Figaro.
Qu'est-ce que cela veut aire ? On at
tend les explications du correspond
dant de Figaro.
Parce qu'Aubertin est menacé de
succomber aux accès de delirium qui
sont le fruit de son état d'exaltation,
un certain nombre dé feuilles républi
caines veulent établir qué les provoca
tions de la presse ne sont pour rien
dans sa teritative de meurtre. A qui,
diserit-ils, voulez-vous faire remonter
la responsabilité de l'attentat d'un
fou?
: Dans la République française, M.
Francisque. Sarcëy réfute cette argu
mentation. Avant de. dire ce que nous
avons à y reprendre, donnons d'abord
toute sa conclusion :
Qui est le coupable, à -vôtre avis, le vrai
coupable ?
Oh I je le sais bien, le journaliste recule
devant les conséquences : il ne - se doutait
pas de l'effet qu'allait produire sa prose. Il
avait écrit en dilettante sceptique, parlant
au hasard d'assassinat, parce que c'est un
mot à p&nache, et n'imaginant pas qu'il y
aurait là un imbécile pour, le prendre au
sérieux ou un névrosé pour le traduire en
■acte.' - ■:>
Mais il y a dea imbéciles partout et par
tout il y a des névrosés, surtout en notre
temps. Qu'est-ce que c'était ' que liavaillac,
autrefois ? Un suggestionné à-qui les jésuites
avaient persuadé qu'il ferait œuvre pie en
tuant Heuri IV. Cet Aubertin a été, à-sa
manière, un Ravaillac. Des fanatiques (il• y
a des fanatiques de l'intransigeance comme
de la religion, et chaque parti, a ses .jé
suites), des fanatiques ont armé . sa main
d'un revolver et l'ont poussé, inconscient et
abruti, au crime qu'il a manqué, fort heu
reusement pour nous. • ! _
Le vrai coupable, c'est donc le journa
liste ; car c'est lui qui a conduit le bras,
sans .y avoir pensé, je .le. veuxi bien. ■ ;
Mais cela me rappelle une revup du
temps passé où Grassot magnétisait quel
qu'un sur la scène : il jetait du fluide à
poignées,, et tout à coup (c'était la, scène
dans la salle) une personne s'endoimait au,
balcon. . t 1 v
— Ah 1 pardon,- disait-il, ce n'est pas
ma faute ! Mon fluide - s'est trompé dq
route.
Le journaliste pourrait répondre de mô
me : « Je n'avais aucunement l'intention de
suggérer à cô'Monsieur l'idée "d'assassiner
M. Ferry. J'en parlais, il est vrai, tous les
matins;'mais pouvais-^ e.nM douter qu'on ne
verrait pas que c'était là histoire, de rire un
brio et de-ticeE à~disxnille..de plus ?. Si
j'eusse été, en . effet, convaincu que le salut
dë la France exigeait que l'on abattît Ferry
comple-an simple "lapin,
la conseiller aux,autres.. » r : i \
Il s'est trouvé un autre qui l'a fait. Mais,
comine dit Corneille : /.
Il ne fut que le bras, c'est toi qui lus la tête.
Donc, les journalistes sont coupa
bles, c'est entendu, et ià-deSsus nous
sommes volontiers dè l'avis du préopï-
nant, comme oh disait jadis. Mais M.
Sarcey pyend trop de libertés avec
l'histoire, quand, usant d'un terme
de comparaison ét citant le nom de
Ravaillac, il dit que ce fut « un sug
gestionné à qui les jésuites avaient
persuadé qu'il ferait œuvre pie en
tuant Henri "IV. » Laissons de côté
provisoirement le fait de la sug
gestion : M. Sarcey est-il excusable
d'ignorer - à » ce point l'histoire de
Ravaillac ? Les jésuites ont bon.
dos,et lés faussaires de l'histoire ne se
sont ; gênés en aucun' temps ; pour
leur attribuer calomnieusement urie
série de forfaits qii'ôn serait bien em
barrassé de prouver. Encore faudrait-
il ; n;e pas méntir' trop iiripudemmerit à
l'histoire.; Or l'histoire établit : que
Ravàillac, après avoir été chez les
Feuiliants,ën avait été chaèsé pour ses
excentricités, et.qu'il fit ensuite -de
vains efforts pour entrer chez les jé
suites, qui ne voulurent jamais l'ad
mettre
Dès lors, commentles jésuites pour
raient-ils être ; accusés d'avoir « sug
gestionné »' l'assassin de Henri iIV,?
M. Francisque Sarcey nous à bien
confessé jadis qu'il; a professé la logi
que ; saris en avoir jamais rien su ; ce
pendant, le raisonnement ci-dessus
est assez facile à saisir pour qu'il en
puisse être-touché. Il voudra peut-être
nous dire ce qu'il en pense, et, par
suite, comment il compte satisfaire
aux devoirs de la loyauté. ,
. Auguste Roussel.
LE JUBILÉ SACERDOTAL
; ;. ' DE! , '
SA SAINTETÉ LÉON XIII
Voici le texte des paroles pronon
cées par le prince, de Liehtenstein en
présentant à Sa Sainteté la lettre et les
dons de S. M. l'eiripereur d'Autriche.
Très-Saint-Père,
En me conférant l'insigne honneur de
remettre à .Votre.Sainteté sa lettre de féli-'
citation et' son don offert à l'occasion du
jubilé, Sa Majesté l'empereur et roi a dai
gné me charger. de ; réitérer de vive voix
l'expression de ses sentiments de respect
et dévouement -filial. ;
, Sa Mâjesté m'a encore chargé de dire à
Votre: Sainteté combien la haute bienveil
lance que Votre Sainteté lui a témoignée
en-toute occasion remplit son epeur de gra
titude.
Voicila réponse du Souverain Pon-»
tife : ■
La noble mission confiée à Votre
Altesse et qu'elle vient d'accomplir
en ce moment' Nous cause la plus
vive satisfaction et joie.
Nous - connaissons l'âme hautè-
ment religieuse ;de Sa Majesté l'Em-^
pereur d'Autriche Roi d'Hongrie et
les pieux sentiments qui animent
les membres de Son auguste Fa
mille. — Dès les débuts de , Notre
Pontificat,^ Sa, Maj ësté Nous.' a, tou
jours témoigné Sa > piété . filiale et
Son i dévouement sincère au Saint-*
Siège Apostolique. Aujourd'hui, à
l'occasion de Notre Jubilé Sacerdo-
FEUILLETON DE h'UNIVERS
. DU 20 DÉCEMBRE 1887
PROPOS DIVÈRS
François Colletet qui partage avec lé mé-.
decin Théophraste Renaudot l'honneur
d'avoir été an des premiers journalistes de
France (j'entends des premiers en date), fut
d'ailleurs un assez pauvre diable'. Fils d'un
écrivain qui collabora avec Richelieu, et
auquel le cardinal-poète donna l'un des
quarante iauteuils de son Académie nais
sante, il n'hérita ni du fauteuil de son père
ni'de la faveur des ministres, et tout fait
supposer que son Journal d'avis ne le con
duisit pas à la fortune.
Boileau, dans un distique célèbre, nous
le lait voir,
... crotté.jusqu'à l'échiné,
Allant chercher son. pain _de cuisine en caisine.
Et la postérité en a conclu, trop légère
ment selon moi,* que "cet ancêtre des Gi-
rardin, des Villemessant et tutti quanti
était aussi dépourvu de dignité jprofession-
nelle que d'argent comptant.
Parbleu ! Boileau en parlait à son aise.
Chéri du roi, goûté h la cour, applaudi à
la ville, et l'un des mieux rentés parmi les
beaux esprits de ce siècle où l'on reniait les
beaux esprits, il rie'sévit jamais réduit
aux expédients lamentables du pauvre Col
letet, et son dlnier 'ne .dépendit jamais de
l'humeur plus ou moins pitoyable de quel-,
que marmiton. .
' Qui me prouve qu'en une nécessité pa
reille il eût été plus fier? Fallait-il donc que,
par dignité, pure, Colletet se laissât mourir
d'inanition? Qu'on m'en trouve beaucoup,;
soit dans son siècle, soit dans le nôtre, qui
fussent capables d'un semblable héroïsme!,
; J'observe, d'ailleurs, que le morceau de
pain qu'obtenait Colletet lui était : donné de
bonne amitié, et qu'on De lui demandait,' en-
échange, ni de'trahir-sa foi, ni d'insulter
personne. J'estime que, dans cés conditions,
il pouvait l'acceptér sans rougir, et j'en sais^
beaucoup qui, chaque jour, ■ font de ces 7
choses, le plus gaillardement du monde,;
sans pouvoir; • comme Colletet, plaider l'ex
cuse dé la faim.
Mais ce n'est pas à ceux-là que, pour au
jourd'hui, j'ai affaire; mais à d'autres,qui se
croiraient déshonorés s'ils gueusaient, de
cuisine en cuisine, quelques morceaux de
pain, et qui s'en vont de cercle en cercle
gueuser des rebuffades.
Au surplus, voici la.chose.
Tout le monde sait qu'il existe à Paris
nombre de cercles où l'on se réunit pour
lire les journaux, causer des nouvelles du
jour, et jouer avec impunité les jeux de
hasard que la police réprimé partout ailleurs
avec une vigilance qui l'honore, quoique
d'ailleurs, elle n'empêche rien.
L'un.do ces cercles, depuis quelques an
nées, faisait assez mal ses affaires.
Ses membres n'étaient plus assez nom
breux, sa partie plus assez active, et les bi
lans annuels accusaient un déficit de plits
en plus difficile à combler. Une grande ré
solution s'imposait : elle fut prise, et le cer
cle mourant, s'ihspirant peut-être de l'heu
reux euphémisme d'un journal récemment
dispara, se concentra avec ùn autre cercle
dont les affaires allaient mieux.
. A cette occasion, et pour, renforcer en-
pore son budget des recettes,"le cercle con
centré fit savoir qu'il recevrait dans son sein
les artistes et'les gens,de lettres qui, après
examen d'une 'commission compétente, se
raient jugés dignes dé cet honneur.
L'appel fut entendu, fet, pendant quel
ques jours, on admit: sans difficulté des
auteurs dramatiques, des romanciers, des
peintres et des musiciens. Un beau 'matin,
gagné par l'exemple, un journaliste se pré
senta; après une courte délibération* on
l'écondùisit. Pourquoi? C'est ce qu'on ne
prit pas la peine de lui dire, et, d'ailleurs,
il n'est pas d'usage de motiver ces sortes
de sentences.
Un second journaliste, s'étant bien exa-
miné et se. croyant dans les conditions re
quises,' se présenta à son tour, et fut écoh-
dait comme le premier; quelques autres
avaient manifesté l'intention de poser leur
candidature, on leur fit dire de s'en épar
gner la peine, attendu qu'on était bien dé
cidé à n'en recevoir aucun.
Les choses % en sont là, et tout naturelle
ment elles ont fait quelque bruit, les évin
cés n'ayant pas eu la sagesse de taire leur'
mésaventure. Ils tonnent tous dans leurs
gazettes respectives sur l'affront fait en leur
personne à la dignité de la.presse ; ils pro
testent qu'en se présentant au cercle ils lui
faisaient trop d'honneur, et que des imbé
ciles seuls ont pu leur en fermer la porte;
Que demain ces imbéciles se ravisent et
que la porte se rouvre, ils oublieront leur
colère et voudront tous entrer.
. On m'en nommait ùn, l'autre jour, que
huit échecs successifs ne rebutèrent pas et
qui s'estima très honoré d'entrer à la neu
vième épreuve.
Franchement j'aime encore mieux, puis
qu'il s'agit de dignité, mon ancêtre Colletet
que mon confrère Z.
J'en sais un autre, et non pas des pre
miers venus je vous prie, qu'ils ont éconduit
de la bonne sorte, et qui ne peut s'en con
soler, et qui remplit de' ses doléances les
dix journaux auxquels il collabore.
D'autres, à sa place, se tiendraient .fort
-satisfaits de leur lot.ll a la Mascarille, oh peu
d'élus trouvent accès, et qui, pour lui, s'ou- '
vrit à deux battants lorsqu'il lui plut d'y
entrer,ou plutôt d'y .rentrer.-Il a le Courrier,,
où, lorsque vient son jour, le tirage monte
sensiblement. Il a le Scapin, qui met à ses
pieds cinq cent mille lecteurs. Il a le XX°
Siècle,où une fois par semaine il dit son mot
sur les choses du jour. Ici il parle des li
vres, là il parle des théâtres, et partout ses
jugements sont accueillis avec une défé
rence que n'obtiennent pas toujours les ar
rêts de la cour de Paris, même quand on a
pris soin de doubler le nombre des magis.
trats appelés à les rendre.
J'ajoute qu'il possède les deux qualités
fondamentales qu'hier, à' l'Académie des
sciences morales, M. Jules Simon deman
dait au journaliste : c'est à savoir, du boq
sens et de l'esprit. Nul ne s'entend à souli
gner d'un trait plus fin les ridicules dè son
temps, nul ne sait mieux s'élever au-dessus
des mesquines vanités, et des ambitions pué
riles de ses contemporains. '
Et pourtant ce sage a sa folie; cet hommç
fort a sa faiblesse, cet invulnérable a son
talon d'Achille. Sa réputation établie, ses
succès incontestés lui apparaissent comme
des choses dé nul prix s'il n'y joint
l'honneur d'être accepté dans le cercle à la
mode, en compagnie de quelques centaines
de gens du monde dont les sept huitièmes,
à coup sûr, ne le valent pas. ' . -,
Notez que, dans ce cercle, on a reçu à
bras ouverts certain jouvenceau de sa fa
mille dont le bagage littéraire se compose
jusqu'ici de trois actes légers, représentés
l'an passé sur une scène boulevardière,
mais qui, n'ayant jamais écrit d&ns un
journal, n'a pas eu à craindre en se pré?
sentant les catastrophes du blackboulage.
Ce serait mal connaître le cœur humain de
croire.que
succès dii jouvenceau un adoucissement à
sa propre défaite.
. Tout au contraire, il ne songe depuis lo'rs
qu'à tirer de l'outrage une éclatante ven
geance, et comme la rancune est ingénieuse^
il a trouvé tout du premier coup le moyen
de punir les gens du monde de leurs dé
dains injilrieux. ' ' .
Ce moyen est bien simple : il consisté à
supprimer à l'avenir et radicalement les
échos mondains que certains journaux ont
coutume de consacrer, en première page,
aux faits et gestes des classes dirigeantes.
Vous croyez peut-être, lecteurs de l'Uni
vers ; que c'est là peu de chose, et que les
classes dirigeantes seront heureuses de
pouvoir - désormais dîner, "danser, jouer la
comédie, se marier", divorcer, naître : et
mourir, sans voir le boulevard se mettre en
tiers dans ces mêmes : incidents de leur
existence, intime ? Vous imaginez peut-être
que lorsque M. de Guilloutet éleva son mur
célèbre, aujourd'hui démoli, il agissait com
me mandataire officieux des gens du mon
de, et que le défunt article 11 .traduisait en
loi lés griefs de la bonne,société, lassée par
les indiscrétions d'une, presse qui. voyait
tout et prétendait tout dire ?
Hélas ! que n'avez-yous lu les recueils
de jurisprudence ! La loi Guilloutet fut,
fois, toujours devant des tribunaux de pro-
vincé. Le plus notable de ces trois juge
ments fut rendu au profit d'un bourgeois
dont la feuille du cru, rendant compte de
je ne sais quelle représentation théâtrale,
avait signalé la présence dans un fauteuil
d'orchestre. Le bourgeois, alléguait, Guil
loutet à la main, qu'on n'avait pas le droit
de mettre le public dans la confidence de
ses divertissements. Le tribunal lui alloua.
1 franc de dommages-intérêts, et il de
meura ridicule pour le reste de ses jours,
même peut-être aux yeux de M. de Guil
loutet en qui il avait cru. . . .
. À Paris, les journaux continuèrent leur
train ordinaire, et la loi Guilloutet demeura
vierge des applications de la jurispru
dence. . • ,
Et comment en eût-il été, autrement ? ,
Quand vous lisez dans ,1e Mascarille.la
récit du bal masqué donné par la duchesse
de X..., ou le menu du dernier dîner donné s
par Turcaret, perisez.-vous donc que le
détail de ces belles choses ait-été obtenu à
prix d'or de l'indiscrétion des valets ou de
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