Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1887-11-25
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 novembre 1887 25 novembre 1887
Description : 1887/11/25 (Numéro 7280). 1887/11/25 (Numéro 7280).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 25 Novembre 1887
N* 7280 —" Edition quotidienne)»
Vendredi $5 Novêmfeïë 488?
fiDIÏION QUOTIDIENNE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
(Jn an.' , .
Sis mois. .
Trois mois»
PARIS
bt départements
. . 55 »
. . 28 50
. . 15 P
étranger
(dkionpostall)
66 »
34 »
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' ^ abonnements partent des 1 er et 18 de chaque mol*
( Paris . v . . . . 15 cent.
TJN NUMÉRO ^ Départements. 20 —
B ureaux : Pairis, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne h Rome, place du Gesù, 8
paris ;
ci déparjements
Un an. • • ; . . 30 »
Six mois.' .■[; , 16 * »
Trois mois, s * 8 50
étranger
(union postais)
36 »
19 »
10 »
tes abonnement* partent des &" et 1S de cbanue noU .
L'TOIYEBSnei
; ANNOITGES
I. Ch. LAGRANGE, CERF et G 1 ", 6, place de la Bourse
m
FRANGE
PARIS, 24 NOVEMBRE 1887
C'est donc fait. Malgré son énergi
que résistance, M. Grévy a dû se ren
dre à l'évidence et se décider à quitter
l'Elysée. Aujourd'hui, un message pré
sidentielle dernier,serait lu auxGham-
bres,qui leur annoncerait la démission
de M. Grévy.La lecture serait faite par
M. Rouvier, redevenu ministre pour
la circonstance.
Le Congrès se réunirait samedi à
Versailles, conformément à la Consti
tution. Du reste, la réunion du Con
grès paraissait si certaine que, malgré
les refus de M. Grévy, on avait déjà
commencé à préparer une salle pour
lui.
Il paraît que nous aurons un minis
tère Ribot. Le dernier acte de M.
Grévy serait de confier le pouvoir à la
personnalité la plus marquante et la
plus hésitante des députés centre-
gauche. Peut-êtré le président, furieux
d'avoir été lâché par tout le monde,
aurâ-t-il voulu se venger en choisis
sant pour ministre de la dernière
heure un député .dont il n'avait jamais
rien espéré, et qui par conséquent ne
l'avait pas trompé.
Suivant toute probabilité, le pouvoir
de M. Ribot, obligé de remettre sa dé
mission, dès le' lendemain de l'élec
tion, entre lés mains du nou
veau président, sera de courte
durée. Il aura été ministre juste le
temps nécessaire pour pouvoir mettre
sur ses cartes : ancien ministre. Par le
temps qui court, c'est peu de chose.
Inutile de dire que la démission de
M. Grévy a donné une nouvelle ardeur
aux candidatures présidentielles ; les
intrigues se croisent. On annoncepour
demain une réunion plênière des
gauches de la Chambre et du Sénat,
où serait choisi le candidat républicain.
L'accord ne se fera pas tout seul.; .
Quant aux droites, elles auront sans
doute leur candidat au premier tour
de scrutin, comme cela avait été dé
cidé.
L'enquête Wilson continue, appor
tant de nouvelles révélations et prépa
rant de nouveaux scandales. On
dit aujourdhui que les dépositions
« étranges » de Mme de Boissy et de
M. Bouillon visent lacommunication de
documents du ministère de la guerre,
relatifs, d'après les uns, à la mobili
sation du 17° corps d'armée ; d'après
les autres, au plan de mobilisation
générale, qui n"'existe pas. On prononce
môme les mots d'espionnage et de
haute trahison.
Qu'en est-il de cés bruits? On l'i r
gnore. On sait seulement que la com
mission d'enquête parlementairè a de
mandé au ministre de la guerre, qui
a consenti, à ouvrir une ^enquête à
l'administration de la guerre, et que
de nouveaux témoins doivent être en-
tendusj parmi lesquels le général Gaf-
farel. •
Le langàge des journaux allemands
au sujet de la récente visite du czar à
l'empereur d'Allemagne est réellement
curieux. Avant l'entrevue, alors sur
tout qu'elle n'était pas certaine, ils
affectaient le dédain. Puis, changeant
de note,' ils ont salué avec une visible
satisfaction une visite de pure cour
toisie, sans signification politique.
Maintenant, il s s'efforcent de la pré
senter comme un triomphe de M. le
prince de Bismarck, qui aurait dissipé
toutes les préventions du czar et ob
tenu toutes les concessions que pou
vait désirer l'Allemagne. On aurait
tort de se laisser prendre à cette co
médie. .
-—. ; ■'—♦————: ■
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
La Démission
M. Grévy se. résigne à partir.^11 l'a
promis à M. Henry Maret, un député
radical qui a du talent comme jour
naliste,-et qui en aurait peut être com
me orateur s'il pouvait parler.
Il importe peu, d'ailleurs^ que M.
Grévy ait d'abord fait connaître sadé-
cision à M. Maret. Il reconnaît que la
réprobation publique l'a irrévocable
ment frappé et il part. Pour le moment,
tout est là.
> D'après M. Maret et divers journaux
du matin, M. Grévy ne démissionnera
pas sans phrases. Nous aurons un
message, où, nous assure-t-on, le pre
mier président républicain de la troi
sième république s'expliquera et se
justifiera. Il convient d'attendre ce
plaidoyer avant d'en dire davantage
sur l'homme qui va disparaître si mi
sérablement. Et c'est moins de l'hom
me lui-même qu'il faudra s'occuper
que du régime dont il a été, à la fois,
l'instrument, le chef et l'expression.
On est trop porté à ne plus voir au
jourd'hui en M. Grévy que lè beau-
père de M. Wilson. Ne l'oublions pas:
c'est bien le vrai président de la ré
publique libre-penseuse qu'il a été.
Cette crise, dont pendant deux ou
trois semaines on a pu attendre les
plus graves conséquences, les plus
grands changements politiques, se
terminera donc tout simplement par
le jeu régulier de là Constitution. Sé
nateurs et députés vont aller à Versail
les tenir un Congrès où ils éliront un
nouveau président,et le mouvement ré
publicain suivra le cours qui aboutit à
une nouvelle Commune.
Tout le bruit de ces derniers temps
ne sera cependant pas sans profit.
Deux points, dont beaucoup de gens
se doutaient, seront bien établis : le
premier, c'est que la république est
impuissante à fonder un gouverne
ment; le second, c'est que les partis
monarchistes sont aujourd'hui impuis
sants à renverser la république.
Si ces prévisions, entachées peut-
être de pessimisme, sont démenties
par l'événement," nous nous console
rons aisément d'avoir été mauvais
prophète.
En attendant, nous exprimons le dé
sir que les représentants de la Droite
dans le Congrès, se montrant avant
tout hommes de principes, votent au
premier tour de scrutin, sinon jus
qu'au bout, pour un candidat qui soit
vraiment à eux.
E ugène V euiiaot.
A propos de l'affaire Wilson, le
Temps produit une remarque dont il
convient de dire un mot. Voici ce qu'é
crit le Temps :
Nous faision's remarquer, il y a quelques
jours, à,propos du jugement qui a frappé le
comte d'Andlau et ses auxiliaires, l'opposi
tion qui parfois éclatait entre le point de vue
de la morale publique et celui du droit pénal.
Ce qui se passe dans l'affaire de M. Wilspn
n'illustre pas moins cette antithèse et mon
tre encore mieux combien de malentendus
et d'illusions. crée, dans les meilleurs es .
prits, l'.habitude de confondre ces deux choses
absolument différentes : les exigences de la
morale et la justice des tribunaux. On se re
fuse à admettre qu'un fait peut être pro
fondément blâmable, exciter même légiti
mement l'indignation publique et ne pas
être pour cela juridiquement délictueux ou
passible d'une condamnation criminelle.
Quoi cependant de plus fréquent dans la
vie de tous les jours ? Combien y a-t-il d'ac
cusés que la justice est obligée d'absoudre,
et que la conscience publique ne cesse pas
pour cela de condamner ? Il nous parait
urgent d'insister sur. cette distinction capi
tale, parce qu'on est en train de l'oublier ou
de la méconnaître et que la confusion où l'on '
tombe crée, à l'heure actuelle, iin véritable
danger.
-Qu'il y ait trop souvent opposition
entre le point de vue de la morale pu
blique et celui du droit pénal; c'est
ce qu'il est malheureusement facile
d'observer ; si donc le Temps s'était
borné à le constater après tant d'au
tres, ses remarques n'appelleraient
Aucune, protestation. Mais il y a autre
chose dans l'article, du Temps, car il
est manifeste, d'après la tournure de
ses réflexions comme par letton.dont
il les produit, que l'antithèse qu'il si
gnale ne lui semble pas trop regretta
ble. Bien plus, il signale comme une
chose essentiellement blâmable la
« confusion « que l'on voudrait éta
blir entre le point de vue de la morale
et celui du droit pénal. A l'en croire,
il y aurait là un danger public, contre
lequel le Temps, essaie de prémunir, à
la fois le Parlement, « la magistrature
et l'opinion.
D'où il appert que nous sommes en
face d'une théorie qui peut se résumer
ainsi : non seulement,comme l'avaient
soutenu jusqu'ici les légistes, la léga
lité doit être tenue pour le droit; mais,
étant admis que le droit et la légalité
sont vis-à-vis l'un de l'autre dans un
état d'antinomie reconnu de tous, c'est
néanmoins le droit qui doit céder de
vant la légalité. Selon cette théorie
monstrueuse, le droit moral apparaît
dans la société non seulement comme
une superfétation, mais comme une
gêne. Il faut l'exclure; ou du moins
n'en pas tenir compte.
Nous voulons croire que le Temps
n'a pas réfléchi à l'énormité comme
aux conséquences possibles et même
fatales de cette thèse monstrueuse.
Jusqu'ici, ce qu'on appelait « la ma
jesté » de la loi reposait en effet sur la
croyance que cette loi, fondée sur les
principes éternels de morale, s'en ins
pirait le plus près qu'il est possible,
vu l'infirmité de la législation hu
maine. Trop souvent, comme il est fa
cile de s'en apercevoir en parcourant
l'histoire, la loi s'écartait au contraire
étrangement de cet idéal, et par
fois même on l'a vue s'insurger direc
tement contre lui ; mais de même
qu'on a dit que l'hypocrisie était en
core un hommage indirect à la vertu,
de même les légistes les plus entre
prenants contre le droit se vantaient
encore d'en être les: interprètes, et de le
réaliser dans les lois. Le principe de la
loi était funestement déplacé : au lieu
de le placer en Dieu, on le plaçait dans
le prince ou le peuple; mais on ne vou
lait pas laisser croire, que le droit et la
loi fussent ou pussent être en opposi
tion.
Nous avons marché depuis lors, et
la thèse du Temps laisse bien loin der-
rielle elle cette conception de la loi, si
pervertie qu'elle fût au regard de la
conscience et de la raison. Ce parallé
lisme, ou mieux cette identité ae la loi
morale et de la loi civile, impossible
. sans doute à réaliser pleinement, mais
qui devrait être l'idéal de tout politi
que digne, de ce nom, bien loin d'y
voir un salutaire desideratum , on s'en
écarte comme d'une utopie dange
reuse. Et que veut-on mettre à la place?
Une distinction entre la loi morale et
la loi civile, qui est à vrai dire une sé-
fiaration. Présentement on s'en tient
à, mais nous voudrions bien savoir
ce que répondra le Temps aux commu
nards de l'avenir quand, armés de sa
thèse et la poussant à ses dernières
conséquences, ils s'appliqueront à faire
triompher en pratique lè programme
anti-social qui en est le corollaire, 'à
savoir que la loi civile, émanation de
l'Etat quel qu'il soit, fût-il représenté
par des forçats en rupture de ban,doit
être non pas seulement la distinction,
non pas même la séparation, mais la
contradiction de la loi morale ! En ce
temps-là, nous savons bien qu'au prix
d'une inconséquence, les politiciens
du Temps protesteront contre un pareil
abus de leur thèse, mais il sera trop
tard. ...
Auguste Roussel.
La Crise
Elle touche à sa fin, du moins quant
à la question présidentielle, M. Grévy
s'étant finalement résolu à donner sa
démission.
Voici la note communiquée à ce su
jet aux journaux-par l'Agence Havas :
. Les ministres se s'ont réunis ce soir, à
l'Elysée, pour entendra la lecture du mes
sage que M: Jules Grévy adresse aux
Chambres pour motiver sa démission. ■
M. le président de la République s retiré
l'acceptation.de la démission des ministres
pour que M. Rouvier puisse donner lecture
du message demain jeudi, à l'ouverture de
la séance de la Chambre et du Sénat."
r II demandera la convocation du Congrès
à Versailles pour samedi.
C'est, paraît-il, à la suite d'une con
versation avec M. Henry Maret, dépu
té, rédacteur en chef du Radical, que
M- Grévy aurait pris cette résolution.
Voici, d après le Radical , le récit de
cette entrevue : .
Hier à trois héures, notre rédacteur en
chef, Henry Maret, a été appelé à l'Elysée
par M. le président de la République, qui
désirait avoir son avis sur la situation po
litique.
L'avis de M. Henry Maret a été que,
bien que la chose fût regrettable en soi, la
démission du président de. la République
s'imposait comme une nécessité pour rame
ner le calme dans les esprits et permettre
aux affaires publiques de reprendre leur
marche ordinaire.
— Eh bien 1 a répondu M. Jules Grévy,
après quelques instants de réflexion, je
m'en irai. Mais je veux partir honorable
ment et en laissant ma responsabilité cons
titutionnelle à couvert. Je ne puis accepter
que, lorsque je serai parti, on me reproche
d'être cause des malheurs qui peuvent sur
venir, car je ne suis pas sans inquiétude.
Je suis décidé à ne pas user du droit de dis
solution, pour en appeler au pays, mais
j'attendrai que la Chambre, par une mani
festation précise, me mette en: demeure de
démissionner.
— Vous savez bien, monsieur le prési
dent, a répondu M. Henry Maret, que la
Chambré a trop le respect de la Constitu
tion pour faire une manifestation contre
vous. Cette manifestation,, ne l'avez-vous
pas, autant que vous pouvez l'avoir, dans
le refus de former un ministère que vous
ont opposé tous les hommes politiques ap
pelés par vous à l'Elysée ? Est-ce que tous
ne vous ont pas tenu le même langage que
moi ?
— Tous me l'ont dit, en effet, même ceux
sur l'appui desquels j'avais le droit de
compter et dont l'abandon m'a été particu
lièrement péuible.
Puis, après un silence : .
— Dites-moi, monsieur le député, ce que
vous me proposez. '
—• A mon avis, il y a deux procédés, et
seulement deux : Constituer un ministère
qui nous mène au Congrès, ou refuser la
démission du ministère Rouvier pour qu'il
se charge, de l'organisation du Congrès.
— Lequel préférez-vous.?
— La foynation d'un ministère nouveau,
choisi pour cette besogne spéciale, car le
cabinet Rouvier manque de l'autorité né
cessaire ptrar discuter les graves questions
qui né manqueront pas de s'agiter au Con
grès, la revision. de la . Constitution, par
exemple?
— Ce ministère nouveau, pourrais-je le
constituer ? Tout le monde décline mes of
fres.- ■ ■ ' "
— Vous ne le trouverez certainement pas
parmi les membres du parti républicain
avancé. Cependant je ne doute pas que
vous né puissiez quand même, arriver à la
formation du ministère,s'il ëstibien entendu
d'avance que sa besogne prendra fin avec
le Congrès.' , . . . ,
— Je verrai M, Ribot et quelques autres
personnes. .
— Peut-être, n'en faut-il pas voir beau
coup pour agir vite.
Avant de prendre congé du président de
la République, Henry Màret a tenu à l'as
surer du profond respect qu'il avait pour sa-
personne, surtout dans ces circonstances
difficiles qui.seules l'avaient engagé à venir-
à l'Elysée, où il n'avait jamais paru tant
que le, président, n'avait pas .rencontré, de
difficultés.,
Là Paix bat e'n retraité, maïs lente
ment.. Elle écrit :
Tant que la crise ministérielle n'aura pas
reçu unô solution quelconque, tant qu'il n'y
aura pas en un mot de cabinet, M. Grévy
n'est évidemment pas libre de ses. résolu
tions. Il lui-est interdit, pâr son attache
ment même à cette cause républicaine qu'il
a servie toute' sa vie, de déserter son poste.
Pour qu'il recouvre sa , liberté d'action il
faut qu'il existe un gouvernement, il faut
que M. Grévy ait conscience qu'il ne laisse
pas, en se retirant, le vide derrière lui. .
Quand un cabinet- aura été constitué^
quand des'ministres républicains, auront la
charge et la. responsabilité du -maintien des
lois, M. Grévy pourra prendre telle déter
mination que lui dicteront à,la fois et l'in
térêt de la République et le soin de sa di
gnité.
La formation d'un cabinet, voilà donc la
condition sine quâ non de la prompte solu
tion de la crise. Que sera ce cabinet ? Qaels
hommes y entreront? Quels groupes parle
mentaires y seront représentés ? Gela dans
l'état présent des choses; est absolument
secondaire.
Le président a fait .appel, tour à ' tour '"à
toutes les notabilités du Parlement, à tous
les chefs des partis. Aujourd'hui encore M.
Ribot doit venir, à l'Elysée s'entretenir avec
M. Grévy. Quel sera le résultat de cette en-
■jrfevue? Nous l'ignorons et ne . cherchons
même pas à le prévoir, car, nous le répé
tons, l'important, dans ce moment, c'est
d'avoir^ un cabinet, quel qu'il soit, parce
qu'il n'y a pas moyen de sortir autrement
de l'impasse où nous nous débattons.
Ce n'est que lorsque ce résultat sera obte
nu, lorsqu'un cabinet aura repris la direc
tion des affaires et qu'il sera constitué dans
des conditions offrantune sécurité suffisante
aux républicains, quand il y aura au pou
voir des hommes d'une énergie et d'une au
torité suffisantes pour s'opposer, à toutes
les tentatives qui peuvent surgir contre la
république dans un congrès, que M. le pré
sident de la République pourra se démettre
de ses fonctions.
Jusque-là il lui est interdit de le faire.
Ces lenteurs ne sont pas du goût'de
M. Ranc, qui fait dans le Petit Natio
nal la déclaration que voici :
M. Jules Grévy paraît préoccupé d'une
question de procédure constitutionnelle, et
cette préoccupation semble partagée par
quelques hommes politiques et par quelques
journaux. On se demande s'il conviendrait
de former- un ministère • chargé de trans
mettre aux Chambres la démission du pré
sident de là République et de représenter
an Congrès le pouvoir exécutif, .ou, si on
confierait au ministère démissionnaire cette
mission délicate.
Il me semble que cela a peu d'impor
tance. A ceux qui, croient que le cabinet dé
missionnaire manquerait d'autorité, on
peut répondre qu'un ministère 1 constitué
seulement pour opérer la transmission du
pouvoir et pour deux ou trois jours n'au
rait pas beaucoup plus d'autorité et de
force morale.
Tput ce qu'on-peut dire, c'est que le pro
cédé le meilleur sera celui qui hâtera le plus
une solution nécessaire, i .
M. Henry Maret écrit dans" son Ra
dical :
Ce matin, M. Grévy doit voir M. Ribot,
si M. Ribot accepte la mission de former
un cabinet de transition, tout sera prochai
nement terminé. Le président fera un metf
sage dans lequel il expliquera au Parlement
et au pays les raisons qui dictent sa con-f
duite, -et nous irons au Congrès pour
accomplir; telle besogne qui nous con
viendra.
Pour moi, j'ai depuis', longtemps "dit, eS
la conversation d'hier n'a pas transformé mes
idées, qu'un, grave coup était porté, non ait
président, mais à la présidence. < C'est peufc«
être ce que tout le monde n'a pas bien vu.
La présidence," qui a été considérée comme
inattaquable; et* inattaquée depuis- tant,
d'années, devient maintenant responsable**
et par conséquent perd tout son prestige e^
son autorité idéale. Désormais le pouvoir
présidentiel sera en jeu ; et, qu'on le vetuïl»
ou non, l'habitude sera prise de remontes 1
au delà des.ministres. >,;
Là est la gravité de la crise, Elle témoi
gne déjà d'une violation morale de la C oïk
stitution. Le ver est dans le fruit ; le fruit
tombera.
En attendant, le Congrès préoccupé'
singulièrement, les républicains det
l'extrême gauche,qui n'ont en tête qua
complots et intrigues,. La Lanterne sur-*
toiit paraît véritablement affolée. Voici;
les titres qui, à la première page de ce
journal s'étalent en grosses lettres ¥
« La république vendue aux d'Orléans*
—- ; Le complot, La candidature dUf
général Saussier. à la présidence* de là
République. — M. Jules Fèrry président-
dû conseil, —r Le retour des princes, aveCk
force détails qui : se retrouvent, par-
ailleurs, résumés dans la Justice, o&
nous lisons : : ,. )
Avant-hier une réunion intime, sur la
quelle le secret a été rigoureusement gardé,
avait lieu chez l'un des amis personnels de^
M. Jules Ferry. On t^mba d'accord qu'il'
fallait abandonner sa candidature, niais en
même temps que l'intérêt du parti comman^
dait de faire l'élection présidentielle. Pren
dre le pouvoir à tout prix* profiter du'
trouble des esprits,, des divisions, pour po-
ser à la dernière heure une ' candidature
prudemment soustraite à l'exàmen, s'assu
rer le concours de la droite sans la mettra,
ouvertement dans le complot, enlevèr lé
vote par ce stratagème, et s'emparer du.,
gouvernement sous le couvert d'un, homme»
faible, présider aux élections générales,
sauf à en devancer l'heure : tel fut le plan
arrêté. , "
L'homme choisi : le général Saussier f
les moyens, nous allons les révéler. "
On se distribue les rôles. M. Jules Ferry^
changeant une fois encore d'attitude, oon-
eille la retraite au président de là Répu*'
blique et achève de l'ébranler, après l'avoiï»
fortifié dans ses desseins de résistance.
Pour masquer l'intrigue, on convient qua
les opportunistes, mis dans la confidence* 1
soutiendront au premier tour la candidat
ture de M. Pei-ry. :
La droite opérera de son côté une ma
nœuvre semblable. Eile feindra de présen»
ter à la Chambre M. Dompierre-Dornoy*
au Sénat M. Buffet, Mais il est convenu
qu'au deuxième tour les suffrages'des côa-»
lisés se réuniront sur le général Saussier j*
Pour masquer plus sûrement la stratégies
des monarchistes, des notes, sont envoyées
aux journaux du parti (l'une' d'elles a été >
portée ce soir même au Gaulois par. M. de»
Mackau) pour faire connaître la tactiqua
apparente et endormir la vigilance des ré
publicains trompés par les divisions simu
lées des royalistes. 5
Cependant, toute l'intrigue peut être dé»
jouée par la réunion plénière des gauches.*
Cette réunion, éventuellement acceptée pat*
tous les groupes républicains de la Cham
bre et du Sénat, on veutTéviter coûte quë
coûte. 'ii
, La combattre est périlleux, on pré
fère s'y dérober. £,e mot d'ordre donnS
aux initiés est de-ne point s'y rendre, c'est*
à-dire de préparer l'élection , en dehors du
parti. ' . 5
La conjuration ainsi dévoilée, est-il né
cessaire d'en signaler le caractère ? » =
, .Ainsi les mêmes hommes qui se sont éle-s
vés contre-la crainte d'une dictature chiméi
rique,. et qui se flattent d'avoir ( rétabli;la
prééminence, du pouvoir civil sur le mili
taire, ne craign.ent.pas de faire, d'un soldat^,
dont Jls escomptent la faiblesse ou là doci -r
lité, l'arbitre d une .crise gouvernementale*
Ceux qui se sont déclarés prêts à travail-.
1er à la concentration des forces républi*
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 25 novembre 1887
CAUSERIE SCIENTIFIQUE
LE FULMI-C0T8N
On sait que le fulmi-coton possède une
puissance explosible incomparablement plus
grande quo celle de la poudre ordinaire. Ou
ne peut en faire usage dans les armes à feu
qu'il briserait infailliblement ; mais il est
très recommandé pour le chargement des
obus, dont le rôle, chez les nations civili
sées, est d'éclater en le plus grand nombre
" de morceaux possible.
Tout le monde sait que les gaz sont des
corps éminemment élastiques; et partant
de là, on se figure volontiers qu'ils agissent
avec une certaine douceur sur les objets
qui leur font obstacle.' Est-il possible de
comparer l'action du vent, qui renverse
tranquillement un arbre en ayant l'air de
l'inviter à se déraciner lui-même, à celle
d'un boulet de canon qui le tranche net sans
crier gare ? . ,
Tous les corps, cependant, solides, li
quides ou gazeux, sont soumis à une loi
identique: leur action est proportionnelle à
leur masse et au carré de la vitesse dont
ils sont animés. On connaît la formidable
puissance de la ^dynamite ; elle n'agit ce
pendant que par les gaz qu'elle développe,
mais qui possèdent une vitesse presque in
commensurable.
Placez encore, sur une plaque de fer
épaisse, un petit cylindre de fulmi-coton
comprimé, et- faites éclater l'explosif. Le
fulmi-coton disparaît en fumée ; mais au-
dessous de la place occupés par lui vous
trouvez, dans le fer, une excavation circu
laire plus ou moins profonde, dont le dia
mètre est exactement celui du cylindre.
Remplacez l'explosif par un cylindre en fer,
•et frappez sur celui-ci à grands coups de
marteau, vous verrez ce qu'il vous faudra
déployerde force pour obtenirpéniblement
un résultat qu'un peu de gaz a produit en
moins d'un millième de seconde.'
Ces faits ont leur explication matérielle,
et il ne serait .même pas très difficile de
calculer la vitesse des molécules gazeuses au
moment de l'explosion. Mais voici où com
mence le mystère.
Reprenons notre cylindre de fulmi-coton,
et, supposons que sa base inférieure, celle
qui repose sur la plaque de fer, au lieu
d'être lisse, porte des traits ou des carac
tères gravés en. creux. Voici l'explosif trans
formé en un vulgaire cachet,dont la plaque
de fer représente la cire. Nous allons donc
retrouver, après l'explosion, ces lignes et
ces caractères gravés en relief dans le fond
de l'excavation? - ,
C'est tout le contraire qui a lieu. Traits
et caractères sont gravés, comme le cachet,
en creux.
, Ce fait extraordinaire avait déjà été si
gnalé, en 1885, au congrès de l'association
américaine pour l'avancement des sciences,
par M. Jewel, capitaine de frégate dans la
marine des Etats-Unis.
• -Tout dernièrement M. Munroë,.chimiste
attaché aux services de la marine améri
caine, a repris les expériences de M. Jewel,
et il en a fait le sujet d'une conférence que
résume le Scientific American.
Les expériences de M. Munroë ont été
des plus variées, dans le but de permettre,
par la comparaison des î ésultats, de décou
vrir la cause du mystérieux phénomène.
Je laisse de côté une première, série d'ex
périences où le 'cylindre de. fulmi-coton
avait reçu des entailles ou des caractères
en creux, Les résultats ont été ceux que
nous avons signalés plus haut; .
On eut l'idée d'interposer entre le cylin
dre et la plaque une toile métallique en fil
dé laiton. Après l'explosion, la toile avait
complètement disparu ; il n'en restait d'au
tre trace qu'une sorte de bronzage dû mé
tal; mais le tissu était admirablement re
produit, les vides du canevas s'accusant •
par des dépressions dans le fer, tandis que
la place des fils était indiquée par un relief.
On voulut savoir ce que produirait l'in- i
terposition d'une matière peu consistante,
et on remplaça la toile métallique par une
simple feuille d'arbre. Après la détonation,
la feuille avait complètement disparu, mais
son empreinte, dans ses plus délicats linéa- ;
ments, ressortait en relief la plaque de fer.
Comment expliquer ces étranges phéno
mènes? Les théories rie se firent pas at
tendre.
La première et la plus simple a été que
l'air compris dans les creux de la cartouche,
soumis à une compression violente, chan
geait brusquement d'état et agissait méca
niquement sur le métal. Ne semble-t-il pas, ! .
. au contraire, que cet air interposé constitue
un matelas,dont l'effet est d'amortir le choc
des gaz du fulmi-coton ?
On a dit aussi que la force d'expansion
du gaz est en rapport avec la surface d'é
mission; or les creux présentent un plus
grand développement superficiel et fournis
sent, par conséquent, une masse de gaz
plus considérable au. moment de la défla
gration.
Cettejexplication paraît plus logique que
la première, mais peut-être n'est-elle pas
suffisante ; il est même assez probable que
la masse du gaz n'entre que pour une partie
dans les effets obtenus ; le reste serait dû
à la force vive des gaz augmentée par le
chemin qu'ils ont à parcourir, pour arriver
du fond de l'entaille à la surface de la
plaque.
L'injecteur Gifîard n'est-il pas un exem
ple bien frappant des effets vraiment extra
ordinaires delà force vivel
LA, BIÈRE
« La bière est à la fois un aliment et une
boisson, et, à cause de cette double qualité, :
elle mérite la préférence sur toutes les bois
sons alcooliques. » "
Ainsi parle M. Pr. Schwackhœfer dabs
le Cosmos M. Sçhwaçkhefer, comme son'
nom l'indique, aime la bière ; il la connaît,
il l'a étudiée dans sa fabrication, dans sa
conservation, dans ses falsifications; il a
ses préférences et il vous dira quelle bière
il faut assaisonner de knappwurtz, . avec
quelle autre il convient de casser des bret-
chtels. Mais il a tort de dire que la bière
est la plus précieuse des boissons alcooli
ques parce qu'elle est.aussi un aliment.
Qu'il démontre d'abord sa majeure , savoir
d'abord que la qualité nutritive d'une bois
son prime toutes les autres. Le vin, le bon
vin de France n'est pas un aliment ; mais il
réchauffe, il fortifie, il égayé, il met en
danse toutes les petites fées endormies dans
le cœur et dans le cerveau de l'homme. Le
vin console, la' -bière endort ; le vin donne
des ailes, la bière alourdit les pattes; le vin
dilate le cœur, la bière gonfle les intesti
naux, ét les fils de' Gambrinus, à taille
égale, pèsent 20 kilos de plus que les en
fants de Noé.
Mais revenons au travail de M. Fr.
Schwackhœfer.
Il est bien volumineux ce travail, et nous
allons essayer de quintescencier ce gros
foudre, de façon à le réduire à la conte
nance d'un petit tonnelet.
Avant tout, rendons justice à' l'auteur,qui
veut bien, reconnaître une certaine supério
rité au vin sur la bière. Le vin est la plus
ancienne des' boissons fermentées connues ;
« son histoire remonte aux mythes ». Par
don, son histoire remonte à Noë, qui n'é
tait pas un mythe.
« La composition du jus de ..raisin ■ est; si
heureuse, qu'il entre en fermentation spon
tanément, sans notre concours, et que celle-
ci est une fermentation alcoolique pure. »
C'est, dans toute l'acceptation du mot,
une liqueur divine.
La bière est, au .contraire, un 'produit
fabriqué, un produit ' artificiel, et, comme
tout ce qui sort des mains de l'homme, elle
porte un cachet d'infériorité.,
Le plus ancien document relatif à la bière
est un papyrus égyptien, sur lequel on lit
les reproches adressés par un père à son
fils, lequel passait sa vie à la brasserie. Il
n'y a donc rien de nouveau sous le soleil,,
sauf qu'à l'époque des papyrus, la bière
portait les deux noms de haqa et de zehd,
suivant, sans doute, qu'elle était faite avec
de l'orge blanche ou de l'orge ,rouge.
Les Egyptiens ne connaissaient pas le
houblon. Par quoi le remplaçaient-ils ? On
l'ignore et il importe peu. Nos brasseries
d'aujourd'hui s'en passent aussi fort bien.*
Ce n'est qu'au moyen-âge que l'usage
de la bière commence à se propager
't
partout en Europe, Les brasseries > sa
multiplièrent jusqu'au dix-septième siècle»
en Allemagne, avec * une, rapidité [qui
semblerait incroyable si l'on ne savait, par
les documents authentiques, tout ce qu'un
Allemand de cette époque p.ouvait absorber
de bière en un jour. Ainsi le Règlement da
cave du duc Ernest, le Pieux (1648) pres T
crit « sept- moss (litres) dé bière pour chàii
que daipe jioble, »
Jugez de ce qu'elles auraient bu si Ernest
n'avait pas été pieux I Quant à ce qu'en
gloutissaient les hommes, le règlement n'eâ
parle pas. ■ :
La cuisine française porta un coup ter»
rible à la consommation de la bière. On!
continua cependant d'en boire dans les.paya
du Nord.
Notre siècle, a vu la yogue revenir à lai
bière ; l'usage de cette boisson s'est géné
ralisé. A part quelques Bavarois,; on. nâ
trouve plus guère aujourd'hui de ces gouf
fres à bière dont quelques-uns sont . restés
célèbres. Tout le monde aujourd'hui boit'da
la bière, mais modérément. Cependant la
consommation à Munich est de 500''litres
par tête et par an. > . !
M. Schwackhœfer étudie la Composition
des différentes bières. C'est affaire aux
brasseurs, et nous ne suivrons pas l'auteur
dans ses savantes analye.es., t.: - ■ -,
Arrivons à ce qui nous intéresse davan
tage,.aux falsifications, de la. bière. ■
Tôute falsification, est opérée par le fa
bricant, ou par le marchand,, ou par tou^
les deux;
Falsifications
Par Veau pure. Inoffensive ; est toujours (
faite par le marchand. Le brasseur n'apas
besoin de mouiller sa bière; il lui suffit dq|
la fabriquer plus faible.
N* 7280 —" Edition quotidienne)»
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FRANGE
PARIS, 24 NOVEMBRE 1887
C'est donc fait. Malgré son énergi
que résistance, M. Grévy a dû se ren
dre à l'évidence et se décider à quitter
l'Elysée. Aujourd'hui, un message pré
sidentielle dernier,serait lu auxGham-
bres,qui leur annoncerait la démission
de M. Grévy.La lecture serait faite par
M. Rouvier, redevenu ministre pour
la circonstance.
Le Congrès se réunirait samedi à
Versailles, conformément à la Consti
tution. Du reste, la réunion du Con
grès paraissait si certaine que, malgré
les refus de M. Grévy, on avait déjà
commencé à préparer une salle pour
lui.
Il paraît que nous aurons un minis
tère Ribot. Le dernier acte de M.
Grévy serait de confier le pouvoir à la
personnalité la plus marquante et la
plus hésitante des députés centre-
gauche. Peut-êtré le président, furieux
d'avoir été lâché par tout le monde,
aurâ-t-il voulu se venger en choisis
sant pour ministre de la dernière
heure un député .dont il n'avait jamais
rien espéré, et qui par conséquent ne
l'avait pas trompé.
Suivant toute probabilité, le pouvoir
de M. Ribot, obligé de remettre sa dé
mission, dès le' lendemain de l'élec
tion, entre lés mains du nou
veau président, sera de courte
durée. Il aura été ministre juste le
temps nécessaire pour pouvoir mettre
sur ses cartes : ancien ministre. Par le
temps qui court, c'est peu de chose.
Inutile de dire que la démission de
M. Grévy a donné une nouvelle ardeur
aux candidatures présidentielles ; les
intrigues se croisent. On annoncepour
demain une réunion plênière des
gauches de la Chambre et du Sénat,
où serait choisi le candidat républicain.
L'accord ne se fera pas tout seul.; .
Quant aux droites, elles auront sans
doute leur candidat au premier tour
de scrutin, comme cela avait été dé
cidé.
L'enquête Wilson continue, appor
tant de nouvelles révélations et prépa
rant de nouveaux scandales. On
dit aujourdhui que les dépositions
« étranges » de Mme de Boissy et de
M. Bouillon visent lacommunication de
documents du ministère de la guerre,
relatifs, d'après les uns, à la mobili
sation du 17° corps d'armée ; d'après
les autres, au plan de mobilisation
générale, qui n"'existe pas. On prononce
môme les mots d'espionnage et de
haute trahison.
Qu'en est-il de cés bruits? On l'i r
gnore. On sait seulement que la com
mission d'enquête parlementairè a de
mandé au ministre de la guerre, qui
a consenti, à ouvrir une ^enquête à
l'administration de la guerre, et que
de nouveaux témoins doivent être en-
tendusj parmi lesquels le général Gaf-
farel. •
Le langàge des journaux allemands
au sujet de la récente visite du czar à
l'empereur d'Allemagne est réellement
curieux. Avant l'entrevue, alors sur
tout qu'elle n'était pas certaine, ils
affectaient le dédain. Puis, changeant
de note,' ils ont salué avec une visible
satisfaction une visite de pure cour
toisie, sans signification politique.
Maintenant, il s s'efforcent de la pré
senter comme un triomphe de M. le
prince de Bismarck, qui aurait dissipé
toutes les préventions du czar et ob
tenu toutes les concessions que pou
vait désirer l'Allemagne. On aurait
tort de se laisser prendre à cette co
médie. .
-—. ; ■'—♦————: ■
Voir les DERNIÈRES NOUVELLES à la fin
La Démission
M. Grévy se. résigne à partir.^11 l'a
promis à M. Henry Maret, un député
radical qui a du talent comme jour
naliste,-et qui en aurait peut être com
me orateur s'il pouvait parler.
Il importe peu, d'ailleurs^ que M.
Grévy ait d'abord fait connaître sadé-
cision à M. Maret. Il reconnaît que la
réprobation publique l'a irrévocable
ment frappé et il part. Pour le moment,
tout est là.
> D'après M. Maret et divers journaux
du matin, M. Grévy ne démissionnera
pas sans phrases. Nous aurons un
message, où, nous assure-t-on, le pre
mier président républicain de la troi
sième république s'expliquera et se
justifiera. Il convient d'attendre ce
plaidoyer avant d'en dire davantage
sur l'homme qui va disparaître si mi
sérablement. Et c'est moins de l'hom
me lui-même qu'il faudra s'occuper
que du régime dont il a été, à la fois,
l'instrument, le chef et l'expression.
On est trop porté à ne plus voir au
jourd'hui en M. Grévy que lè beau-
père de M. Wilson. Ne l'oublions pas:
c'est bien le vrai président de la ré
publique libre-penseuse qu'il a été.
Cette crise, dont pendant deux ou
trois semaines on a pu attendre les
plus graves conséquences, les plus
grands changements politiques, se
terminera donc tout simplement par
le jeu régulier de là Constitution. Sé
nateurs et députés vont aller à Versail
les tenir un Congrès où ils éliront un
nouveau président,et le mouvement ré
publicain suivra le cours qui aboutit à
une nouvelle Commune.
Tout le bruit de ces derniers temps
ne sera cependant pas sans profit.
Deux points, dont beaucoup de gens
se doutaient, seront bien établis : le
premier, c'est que la république est
impuissante à fonder un gouverne
ment; le second, c'est que les partis
monarchistes sont aujourd'hui impuis
sants à renverser la république.
Si ces prévisions, entachées peut-
être de pessimisme, sont démenties
par l'événement," nous nous console
rons aisément d'avoir été mauvais
prophète.
En attendant, nous exprimons le dé
sir que les représentants de la Droite
dans le Congrès, se montrant avant
tout hommes de principes, votent au
premier tour de scrutin, sinon jus
qu'au bout, pour un candidat qui soit
vraiment à eux.
E ugène V euiiaot.
A propos de l'affaire Wilson, le
Temps produit une remarque dont il
convient de dire un mot. Voici ce qu'é
crit le Temps :
Nous faision's remarquer, il y a quelques
jours, à,propos du jugement qui a frappé le
comte d'Andlau et ses auxiliaires, l'opposi
tion qui parfois éclatait entre le point de vue
de la morale publique et celui du droit pénal.
Ce qui se passe dans l'affaire de M. Wilspn
n'illustre pas moins cette antithèse et mon
tre encore mieux combien de malentendus
et d'illusions. crée, dans les meilleurs es .
prits, l'.habitude de confondre ces deux choses
absolument différentes : les exigences de la
morale et la justice des tribunaux. On se re
fuse à admettre qu'un fait peut être pro
fondément blâmable, exciter même légiti
mement l'indignation publique et ne pas
être pour cela juridiquement délictueux ou
passible d'une condamnation criminelle.
Quoi cependant de plus fréquent dans la
vie de tous les jours ? Combien y a-t-il d'ac
cusés que la justice est obligée d'absoudre,
et que la conscience publique ne cesse pas
pour cela de condamner ? Il nous parait
urgent d'insister sur. cette distinction capi
tale, parce qu'on est en train de l'oublier ou
de la méconnaître et que la confusion où l'on '
tombe crée, à l'heure actuelle, iin véritable
danger.
-Qu'il y ait trop souvent opposition
entre le point de vue de la morale pu
blique et celui du droit pénal; c'est
ce qu'il est malheureusement facile
d'observer ; si donc le Temps s'était
borné à le constater après tant d'au
tres, ses remarques n'appelleraient
Aucune, protestation. Mais il y a autre
chose dans l'article, du Temps, car il
est manifeste, d'après la tournure de
ses réflexions comme par letton.dont
il les produit, que l'antithèse qu'il si
gnale ne lui semble pas trop regretta
ble. Bien plus, il signale comme une
chose essentiellement blâmable la
« confusion « que l'on voudrait éta
blir entre le point de vue de la morale
et celui du droit pénal. A l'en croire,
il y aurait là un danger public, contre
lequel le Temps, essaie de prémunir, à
la fois le Parlement, « la magistrature
et l'opinion.
D'où il appert que nous sommes en
face d'une théorie qui peut se résumer
ainsi : non seulement,comme l'avaient
soutenu jusqu'ici les légistes, la léga
lité doit être tenue pour le droit; mais,
étant admis que le droit et la légalité
sont vis-à-vis l'un de l'autre dans un
état d'antinomie reconnu de tous, c'est
néanmoins le droit qui doit céder de
vant la légalité. Selon cette théorie
monstrueuse, le droit moral apparaît
dans la société non seulement comme
une superfétation, mais comme une
gêne. Il faut l'exclure; ou du moins
n'en pas tenir compte.
Nous voulons croire que le Temps
n'a pas réfléchi à l'énormité comme
aux conséquences possibles et même
fatales de cette thèse monstrueuse.
Jusqu'ici, ce qu'on appelait « la ma
jesté » de la loi reposait en effet sur la
croyance que cette loi, fondée sur les
principes éternels de morale, s'en ins
pirait le plus près qu'il est possible,
vu l'infirmité de la législation hu
maine. Trop souvent, comme il est fa
cile de s'en apercevoir en parcourant
l'histoire, la loi s'écartait au contraire
étrangement de cet idéal, et par
fois même on l'a vue s'insurger direc
tement contre lui ; mais de même
qu'on a dit que l'hypocrisie était en
core un hommage indirect à la vertu,
de même les légistes les plus entre
prenants contre le droit se vantaient
encore d'en être les: interprètes, et de le
réaliser dans les lois. Le principe de la
loi était funestement déplacé : au lieu
de le placer en Dieu, on le plaçait dans
le prince ou le peuple; mais on ne vou
lait pas laisser croire, que le droit et la
loi fussent ou pussent être en opposi
tion.
Nous avons marché depuis lors, et
la thèse du Temps laisse bien loin der-
rielle elle cette conception de la loi, si
pervertie qu'elle fût au regard de la
conscience et de la raison. Ce parallé
lisme, ou mieux cette identité ae la loi
morale et de la loi civile, impossible
. sans doute à réaliser pleinement, mais
qui devrait être l'idéal de tout politi
que digne, de ce nom, bien loin d'y
voir un salutaire desideratum , on s'en
écarte comme d'une utopie dange
reuse. Et que veut-on mettre à la place?
Une distinction entre la loi morale et
la loi civile, qui est à vrai dire une sé-
fiaration. Présentement on s'en tient
à, mais nous voudrions bien savoir
ce que répondra le Temps aux commu
nards de l'avenir quand, armés de sa
thèse et la poussant à ses dernières
conséquences, ils s'appliqueront à faire
triompher en pratique lè programme
anti-social qui en est le corollaire, 'à
savoir que la loi civile, émanation de
l'Etat quel qu'il soit, fût-il représenté
par des forçats en rupture de ban,doit
être non pas seulement la distinction,
non pas même la séparation, mais la
contradiction de la loi morale ! En ce
temps-là, nous savons bien qu'au prix
d'une inconséquence, les politiciens
du Temps protesteront contre un pareil
abus de leur thèse, mais il sera trop
tard. ...
Auguste Roussel.
La Crise
Elle touche à sa fin, du moins quant
à la question présidentielle, M. Grévy
s'étant finalement résolu à donner sa
démission.
Voici la note communiquée à ce su
jet aux journaux-par l'Agence Havas :
. Les ministres se s'ont réunis ce soir, à
l'Elysée, pour entendra la lecture du mes
sage que M: Jules Grévy adresse aux
Chambres pour motiver sa démission. ■
M. le président de la République s retiré
l'acceptation.de la démission des ministres
pour que M. Rouvier puisse donner lecture
du message demain jeudi, à l'ouverture de
la séance de la Chambre et du Sénat."
r II demandera la convocation du Congrès
à Versailles pour samedi.
C'est, paraît-il, à la suite d'une con
versation avec M. Henry Maret, dépu
té, rédacteur en chef du Radical, que
M- Grévy aurait pris cette résolution.
Voici, d après le Radical , le récit de
cette entrevue : .
Hier à trois héures, notre rédacteur en
chef, Henry Maret, a été appelé à l'Elysée
par M. le président de la République, qui
désirait avoir son avis sur la situation po
litique.
L'avis de M. Henry Maret a été que,
bien que la chose fût regrettable en soi, la
démission du président de. la République
s'imposait comme une nécessité pour rame
ner le calme dans les esprits et permettre
aux affaires publiques de reprendre leur
marche ordinaire.
— Eh bien 1 a répondu M. Jules Grévy,
après quelques instants de réflexion, je
m'en irai. Mais je veux partir honorable
ment et en laissant ma responsabilité cons
titutionnelle à couvert. Je ne puis accepter
que, lorsque je serai parti, on me reproche
d'être cause des malheurs qui peuvent sur
venir, car je ne suis pas sans inquiétude.
Je suis décidé à ne pas user du droit de dis
solution, pour en appeler au pays, mais
j'attendrai que la Chambre, par une mani
festation précise, me mette en: demeure de
démissionner.
— Vous savez bien, monsieur le prési
dent, a répondu M. Henry Maret, que la
Chambré a trop le respect de la Constitu
tion pour faire une manifestation contre
vous. Cette manifestation,, ne l'avez-vous
pas, autant que vous pouvez l'avoir, dans
le refus de former un ministère que vous
ont opposé tous les hommes politiques ap
pelés par vous à l'Elysée ? Est-ce que tous
ne vous ont pas tenu le même langage que
moi ?
— Tous me l'ont dit, en effet, même ceux
sur l'appui desquels j'avais le droit de
compter et dont l'abandon m'a été particu
lièrement péuible.
Puis, après un silence : .
— Dites-moi, monsieur le député, ce que
vous me proposez. '
—• A mon avis, il y a deux procédés, et
seulement deux : Constituer un ministère
qui nous mène au Congrès, ou refuser la
démission du ministère Rouvier pour qu'il
se charge, de l'organisation du Congrès.
— Lequel préférez-vous.?
— La foynation d'un ministère nouveau,
choisi pour cette besogne spéciale, car le
cabinet Rouvier manque de l'autorité né
cessaire ptrar discuter les graves questions
qui né manqueront pas de s'agiter au Con
grès, la revision. de la . Constitution, par
exemple?
— Ce ministère nouveau, pourrais-je le
constituer ? Tout le monde décline mes of
fres.- ■ ■ ' "
— Vous ne le trouverez certainement pas
parmi les membres du parti républicain
avancé. Cependant je ne doute pas que
vous né puissiez quand même, arriver à la
formation du ministère,s'il ëstibien entendu
d'avance que sa besogne prendra fin avec
le Congrès.' , . . . ,
— Je verrai M, Ribot et quelques autres
personnes. .
— Peut-être, n'en faut-il pas voir beau
coup pour agir vite.
Avant de prendre congé du président de
la République, Henry Màret a tenu à l'as
surer du profond respect qu'il avait pour sa-
personne, surtout dans ces circonstances
difficiles qui.seules l'avaient engagé à venir-
à l'Elysée, où il n'avait jamais paru tant
que le, président, n'avait pas .rencontré, de
difficultés.,
Là Paix bat e'n retraité, maïs lente
ment.. Elle écrit :
Tant que la crise ministérielle n'aura pas
reçu unô solution quelconque, tant qu'il n'y
aura pas en un mot de cabinet, M. Grévy
n'est évidemment pas libre de ses. résolu
tions. Il lui-est interdit, pâr son attache
ment même à cette cause républicaine qu'il
a servie toute' sa vie, de déserter son poste.
Pour qu'il recouvre sa , liberté d'action il
faut qu'il existe un gouvernement, il faut
que M. Grévy ait conscience qu'il ne laisse
pas, en se retirant, le vide derrière lui. .
Quand un cabinet- aura été constitué^
quand des'ministres républicains, auront la
charge et la. responsabilité du -maintien des
lois, M. Grévy pourra prendre telle déter
mination que lui dicteront à,la fois et l'in
térêt de la République et le soin de sa di
gnité.
La formation d'un cabinet, voilà donc la
condition sine quâ non de la prompte solu
tion de la crise. Que sera ce cabinet ? Qaels
hommes y entreront? Quels groupes parle
mentaires y seront représentés ? Gela dans
l'état présent des choses; est absolument
secondaire.
Le président a fait .appel, tour à ' tour '"à
toutes les notabilités du Parlement, à tous
les chefs des partis. Aujourd'hui encore M.
Ribot doit venir, à l'Elysée s'entretenir avec
M. Grévy. Quel sera le résultat de cette en-
■jrfevue? Nous l'ignorons et ne . cherchons
même pas à le prévoir, car, nous le répé
tons, l'important, dans ce moment, c'est
d'avoir^ un cabinet, quel qu'il soit, parce
qu'il n'y a pas moyen de sortir autrement
de l'impasse où nous nous débattons.
Ce n'est que lorsque ce résultat sera obte
nu, lorsqu'un cabinet aura repris la direc
tion des affaires et qu'il sera constitué dans
des conditions offrantune sécurité suffisante
aux républicains, quand il y aura au pou
voir des hommes d'une énergie et d'une au
torité suffisantes pour s'opposer, à toutes
les tentatives qui peuvent surgir contre la
république dans un congrès, que M. le pré
sident de la République pourra se démettre
de ses fonctions.
Jusque-là il lui est interdit de le faire.
Ces lenteurs ne sont pas du goût'de
M. Ranc, qui fait dans le Petit Natio
nal la déclaration que voici :
M. Jules Grévy paraît préoccupé d'une
question de procédure constitutionnelle, et
cette préoccupation semble partagée par
quelques hommes politiques et par quelques
journaux. On se demande s'il conviendrait
de former- un ministère • chargé de trans
mettre aux Chambres la démission du pré
sident de là République et de représenter
an Congrès le pouvoir exécutif, .ou, si on
confierait au ministère démissionnaire cette
mission délicate.
Il me semble que cela a peu d'impor
tance. A ceux qui, croient que le cabinet dé
missionnaire manquerait d'autorité, on
peut répondre qu'un ministère 1 constitué
seulement pour opérer la transmission du
pouvoir et pour deux ou trois jours n'au
rait pas beaucoup plus d'autorité et de
force morale.
Tput ce qu'on-peut dire, c'est que le pro
cédé le meilleur sera celui qui hâtera le plus
une solution nécessaire, i .
M. Henry Maret écrit dans" son Ra
dical :
Ce matin, M. Grévy doit voir M. Ribot,
si M. Ribot accepte la mission de former
un cabinet de transition, tout sera prochai
nement terminé. Le président fera un metf
sage dans lequel il expliquera au Parlement
et au pays les raisons qui dictent sa con-f
duite, -et nous irons au Congrès pour
accomplir; telle besogne qui nous con
viendra.
Pour moi, j'ai depuis', longtemps "dit, eS
la conversation d'hier n'a pas transformé mes
idées, qu'un, grave coup était porté, non ait
président, mais à la présidence. < C'est peufc«
être ce que tout le monde n'a pas bien vu.
La présidence," qui a été considérée comme
inattaquable; et* inattaquée depuis- tant,
d'années, devient maintenant responsable**
et par conséquent perd tout son prestige e^
son autorité idéale. Désormais le pouvoir
présidentiel sera en jeu ; et, qu'on le vetuïl»
ou non, l'habitude sera prise de remontes 1
au delà des.ministres. >,;
Là est la gravité de la crise, Elle témoi
gne déjà d'une violation morale de la C oïk
stitution. Le ver est dans le fruit ; le fruit
tombera.
En attendant, le Congrès préoccupé'
singulièrement, les républicains det
l'extrême gauche,qui n'ont en tête qua
complots et intrigues,. La Lanterne sur-*
toiit paraît véritablement affolée. Voici;
les titres qui, à la première page de ce
journal s'étalent en grosses lettres ¥
« La république vendue aux d'Orléans*
—- ; Le complot, La candidature dUf
général Saussier. à la présidence* de là
République. — M. Jules Fèrry président-
dû conseil, —r Le retour des princes, aveCk
force détails qui : se retrouvent, par-
ailleurs, résumés dans la Justice, o&
nous lisons : : ,. )
Avant-hier une réunion intime, sur la
quelle le secret a été rigoureusement gardé,
avait lieu chez l'un des amis personnels de^
M. Jules Ferry. On t^mba d'accord qu'il'
fallait abandonner sa candidature, niais en
même temps que l'intérêt du parti comman^
dait de faire l'élection présidentielle. Pren
dre le pouvoir à tout prix* profiter du'
trouble des esprits,, des divisions, pour po-
ser à la dernière heure une ' candidature
prudemment soustraite à l'exàmen, s'assu
rer le concours de la droite sans la mettra,
ouvertement dans le complot, enlevèr lé
vote par ce stratagème, et s'emparer du.,
gouvernement sous le couvert d'un, homme»
faible, présider aux élections générales,
sauf à en devancer l'heure : tel fut le plan
arrêté. , "
L'homme choisi : le général Saussier f
les moyens, nous allons les révéler. "
On se distribue les rôles. M. Jules Ferry^
changeant une fois encore d'attitude, oon-
eille la retraite au président de là Répu*'
blique et achève de l'ébranler, après l'avoiï»
fortifié dans ses desseins de résistance.
Pour masquer l'intrigue, on convient qua
les opportunistes, mis dans la confidence* 1
soutiendront au premier tour la candidat
ture de M. Pei-ry. :
La droite opérera de son côté une ma
nœuvre semblable. Eile feindra de présen»
ter à la Chambre M. Dompierre-Dornoy*
au Sénat M. Buffet, Mais il est convenu
qu'au deuxième tour les suffrages'des côa-»
lisés se réuniront sur le général Saussier j*
Pour masquer plus sûrement la stratégies
des monarchistes, des notes, sont envoyées
aux journaux du parti (l'une' d'elles a été >
portée ce soir même au Gaulois par. M. de»
Mackau) pour faire connaître la tactiqua
apparente et endormir la vigilance des ré
publicains trompés par les divisions simu
lées des royalistes. 5
Cependant, toute l'intrigue peut être dé»
jouée par la réunion plénière des gauches.*
Cette réunion, éventuellement acceptée pat*
tous les groupes républicains de la Cham
bre et du Sénat, on veutTéviter coûte quë
coûte. 'ii
, La combattre est périlleux, on pré
fère s'y dérober. £,e mot d'ordre donnS
aux initiés est de-ne point s'y rendre, c'est*
à-dire de préparer l'élection , en dehors du
parti. ' . 5
La conjuration ainsi dévoilée, est-il né
cessaire d'en signaler le caractère ? » =
, .Ainsi les mêmes hommes qui se sont éle-s
vés contre-la crainte d'une dictature chiméi
rique,. et qui se flattent d'avoir ( rétabli;la
prééminence, du pouvoir civil sur le mili
taire, ne craign.ent.pas de faire, d'un soldat^,
dont Jls escomptent la faiblesse ou là doci -r
lité, l'arbitre d une .crise gouvernementale*
Ceux qui se sont déclarés prêts à travail-.
1er à la concentration des forces républi*
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
du 25 novembre 1887
CAUSERIE SCIENTIFIQUE
LE FULMI-C0T8N
On sait que le fulmi-coton possède une
puissance explosible incomparablement plus
grande quo celle de la poudre ordinaire. Ou
ne peut en faire usage dans les armes à feu
qu'il briserait infailliblement ; mais il est
très recommandé pour le chargement des
obus, dont le rôle, chez les nations civili
sées, est d'éclater en le plus grand nombre
" de morceaux possible.
Tout le monde sait que les gaz sont des
corps éminemment élastiques; et partant
de là, on se figure volontiers qu'ils agissent
avec une certaine douceur sur les objets
qui leur font obstacle.' Est-il possible de
comparer l'action du vent, qui renverse
tranquillement un arbre en ayant l'air de
l'inviter à se déraciner lui-même, à celle
d'un boulet de canon qui le tranche net sans
crier gare ? . ,
Tous les corps, cependant, solides, li
quides ou gazeux, sont soumis à une loi
identique: leur action est proportionnelle à
leur masse et au carré de la vitesse dont
ils sont animés. On connaît la formidable
puissance de la ^dynamite ; elle n'agit ce
pendant que par les gaz qu'elle développe,
mais qui possèdent une vitesse presque in
commensurable.
Placez encore, sur une plaque de fer
épaisse, un petit cylindre de fulmi-coton
comprimé, et- faites éclater l'explosif. Le
fulmi-coton disparaît en fumée ; mais au-
dessous de la place occupés par lui vous
trouvez, dans le fer, une excavation circu
laire plus ou moins profonde, dont le dia
mètre est exactement celui du cylindre.
Remplacez l'explosif par un cylindre en fer,
•et frappez sur celui-ci à grands coups de
marteau, vous verrez ce qu'il vous faudra
déployerde force pour obtenirpéniblement
un résultat qu'un peu de gaz a produit en
moins d'un millième de seconde.'
Ces faits ont leur explication matérielle,
et il ne serait .même pas très difficile de
calculer la vitesse des molécules gazeuses au
moment de l'explosion. Mais voici où com
mence le mystère.
Reprenons notre cylindre de fulmi-coton,
et, supposons que sa base inférieure, celle
qui repose sur la plaque de fer, au lieu
d'être lisse, porte des traits ou des carac
tères gravés en. creux. Voici l'explosif trans
formé en un vulgaire cachet,dont la plaque
de fer représente la cire. Nous allons donc
retrouver, après l'explosion, ces lignes et
ces caractères gravés en relief dans le fond
de l'excavation? - ,
C'est tout le contraire qui a lieu. Traits
et caractères sont gravés, comme le cachet,
en creux.
, Ce fait extraordinaire avait déjà été si
gnalé, en 1885, au congrès de l'association
américaine pour l'avancement des sciences,
par M. Jewel, capitaine de frégate dans la
marine des Etats-Unis.
• -Tout dernièrement M. Munroë,.chimiste
attaché aux services de la marine améri
caine, a repris les expériences de M. Jewel,
et il en a fait le sujet d'une conférence que
résume le Scientific American.
Les expériences de M. Munroë ont été
des plus variées, dans le but de permettre,
par la comparaison des î ésultats, de décou
vrir la cause du mystérieux phénomène.
Je laisse de côté une première, série d'ex
périences où le 'cylindre de. fulmi-coton
avait reçu des entailles ou des caractères
en creux, Les résultats ont été ceux que
nous avons signalés plus haut; .
On eut l'idée d'interposer entre le cylin
dre et la plaque une toile métallique en fil
dé laiton. Après l'explosion, la toile avait
complètement disparu ; il n'en restait d'au
tre trace qu'une sorte de bronzage dû mé
tal; mais le tissu était admirablement re
produit, les vides du canevas s'accusant •
par des dépressions dans le fer, tandis que
la place des fils était indiquée par un relief.
On voulut savoir ce que produirait l'in- i
terposition d'une matière peu consistante,
et on remplaça la toile métallique par une
simple feuille d'arbre. Après la détonation,
la feuille avait complètement disparu, mais
son empreinte, dans ses plus délicats linéa- ;
ments, ressortait en relief la plaque de fer.
Comment expliquer ces étranges phéno
mènes? Les théories rie se firent pas at
tendre.
La première et la plus simple a été que
l'air compris dans les creux de la cartouche,
soumis à une compression violente, chan
geait brusquement d'état et agissait méca
niquement sur le métal. Ne semble-t-il pas, ! .
. au contraire, que cet air interposé constitue
un matelas,dont l'effet est d'amortir le choc
des gaz du fulmi-coton ?
On a dit aussi que la force d'expansion
du gaz est en rapport avec la surface d'é
mission; or les creux présentent un plus
grand développement superficiel et fournis
sent, par conséquent, une masse de gaz
plus considérable au. moment de la défla
gration.
Cettejexplication paraît plus logique que
la première, mais peut-être n'est-elle pas
suffisante ; il est même assez probable que
la masse du gaz n'entre que pour une partie
dans les effets obtenus ; le reste serait dû
à la force vive des gaz augmentée par le
chemin qu'ils ont à parcourir, pour arriver
du fond de l'entaille à la surface de la
plaque.
L'injecteur Gifîard n'est-il pas un exem
ple bien frappant des effets vraiment extra
ordinaires delà force vivel
LA, BIÈRE
« La bière est à la fois un aliment et une
boisson, et, à cause de cette double qualité, :
elle mérite la préférence sur toutes les bois
sons alcooliques. » "
Ainsi parle M. Pr. Schwackhœfer dabs
le Cosmos M. Sçhwaçkhefer, comme son'
nom l'indique, aime la bière ; il la connaît,
il l'a étudiée dans sa fabrication, dans sa
conservation, dans ses falsifications; il a
ses préférences et il vous dira quelle bière
il faut assaisonner de knappwurtz, . avec
quelle autre il convient de casser des bret-
chtels. Mais il a tort de dire que la bière
est la plus précieuse des boissons alcooli
ques parce qu'elle est.aussi un aliment.
Qu'il démontre d'abord sa majeure , savoir
d'abord que la qualité nutritive d'une bois
son prime toutes les autres. Le vin, le bon
vin de France n'est pas un aliment ; mais il
réchauffe, il fortifie, il égayé, il met en
danse toutes les petites fées endormies dans
le cœur et dans le cerveau de l'homme. Le
vin console, la' -bière endort ; le vin donne
des ailes, la bière alourdit les pattes; le vin
dilate le cœur, la bière gonfle les intesti
naux, ét les fils de' Gambrinus, à taille
égale, pèsent 20 kilos de plus que les en
fants de Noé.
Mais revenons au travail de M. Fr.
Schwackhœfer.
Il est bien volumineux ce travail, et nous
allons essayer de quintescencier ce gros
foudre, de façon à le réduire à la conte
nance d'un petit tonnelet.
Avant tout, rendons justice à' l'auteur,qui
veut bien, reconnaître une certaine supério
rité au vin sur la bière. Le vin est la plus
ancienne des' boissons fermentées connues ;
« son histoire remonte aux mythes ». Par
don, son histoire remonte à Noë, qui n'é
tait pas un mythe.
« La composition du jus de ..raisin ■ est; si
heureuse, qu'il entre en fermentation spon
tanément, sans notre concours, et que celle-
ci est une fermentation alcoolique pure. »
C'est, dans toute l'acceptation du mot,
une liqueur divine.
La bière est, au .contraire, un 'produit
fabriqué, un produit ' artificiel, et, comme
tout ce qui sort des mains de l'homme, elle
porte un cachet d'infériorité.,
Le plus ancien document relatif à la bière
est un papyrus égyptien, sur lequel on lit
les reproches adressés par un père à son
fils, lequel passait sa vie à la brasserie. Il
n'y a donc rien de nouveau sous le soleil,,
sauf qu'à l'époque des papyrus, la bière
portait les deux noms de haqa et de zehd,
suivant, sans doute, qu'elle était faite avec
de l'orge blanche ou de l'orge ,rouge.
Les Egyptiens ne connaissaient pas le
houblon. Par quoi le remplaçaient-ils ? On
l'ignore et il importe peu. Nos brasseries
d'aujourd'hui s'en passent aussi fort bien.*
Ce n'est qu'au moyen-âge que l'usage
de la bière commence à se propager
't
partout en Europe, Les brasseries > sa
multiplièrent jusqu'au dix-septième siècle»
en Allemagne, avec * une, rapidité [qui
semblerait incroyable si l'on ne savait, par
les documents authentiques, tout ce qu'un
Allemand de cette époque p.ouvait absorber
de bière en un jour. Ainsi le Règlement da
cave du duc Ernest, le Pieux (1648) pres T
crit « sept- moss (litres) dé bière pour chàii
que daipe jioble, »
Jugez de ce qu'elles auraient bu si Ernest
n'avait pas été pieux I Quant à ce qu'en
gloutissaient les hommes, le règlement n'eâ
parle pas. ■ :
La cuisine française porta un coup ter»
rible à la consommation de la bière. On!
continua cependant d'en boire dans les.paya
du Nord.
Notre siècle, a vu la yogue revenir à lai
bière ; l'usage de cette boisson s'est géné
ralisé. A part quelques Bavarois,; on. nâ
trouve plus guère aujourd'hui de ces gouf
fres à bière dont quelques-uns sont . restés
célèbres. Tout le monde aujourd'hui boit'da
la bière, mais modérément. Cependant la
consommation à Munich est de 500''litres
par tête et par an. > . !
M. Schwackhœfer étudie la Composition
des différentes bières. C'est affaire aux
brasseurs, et nous ne suivrons pas l'auteur
dans ses savantes analye.es., t.: - ■ -,
Arrivons à ce qui nous intéresse davan
tage,.aux falsifications, de la. bière. ■
Tôute falsification, est opérée par le fa
bricant, ou par le marchand,, ou par tou^
les deux;
Falsifications
Par Veau pure. Inoffensive ; est toujours (
faite par le marchand. Le brasseur n'apas
besoin de mouiller sa bière; il lui suffit dq|
la fabriquer plus faible.
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