Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1887-06-14
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 juin 1887 14 juin 1887
Description : 1887/06/14 (Numéro 7118). 1887/06/14 (Numéro 7118).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 44 Juin 1887
N' 7118 — Edition auotidienne'
Mardi U Juin *887 s
ÉDITION QUOTIDIENNE
Un an." , .
Sis mois. .
Trois mois.
paris
' SX DltARTÏMBNTg
. . 55 »
. . 23 50
. . 15 #
ÉTRANGER
himoh postais)
66 B
34 »
18 » '
ht* abonnement» partent de» 1" et 16 do ehaqao niâta
- ti*t ' f" Paris . . . : , . l's cent.
; NUMÉRO J Départements. 20' —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
ÉDITION SEMI-QUOTI0IENNB
PARIS ÉTRANGER.
et département» (union postale)
Un an. .... 30 j». *36/ #
Six mois/ . .. 16 19 »
Trois mois. . . 8 50 10 »
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
lei abonnements partent de» i" et ÎO de,chaque mol»
L'UKIVERS ne répond pas des manaBfirits qui lui sont adressé»
■ . ANNONCES ' '
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et O, 6, place do la Bourso
FRANCE
PARIS, 13 JUIN 1887
C'est aujourd'hui qu'on nomme les
successeurs de MM. ;Spuller et Etien
ne. Le groupe; de l'union, des gauches
a pour candidats MM. Develle etHor-
teur ; M. Deschanel, dont le nom avait
été mis en avant, décline toute candi
dature. La gauche radicale et l'extrê
me gauche opposent aiax candidats
opportunistes MM. de-Mahy et Le Hé
rissé, deux indépendants. s. '.
Après les scrutins pour, la vice-pré
sidence et le secrétariat, la Chambre
commencera la discussion des articles
de la loi militaire.
L'opportuniste Vitry a triomphé?
dans la Haute-Marne, mais il n'a
qu'une faible majorité relative : il a
obtenu 28*622 voix, et M. Bourlon de
Rouvre, candidat conservateur,J27,400;
M. Vitrey, radical^ a eu 1,367 voix. Ce
n'est pas un succès pour l'opportu
nisme, qui est visiblement en baisse.
Aucune nouvelle précise de la santé
de l'empereur Guillaume, dont l'état
semble stationnaire.
Hommage à M. Routier
Un jour,'Mï Charles dô Rémusat,:
qui fit, du temps de Louis-Philippe et
sous la présidence de M. Thiers, figure
,4'homme -d'Etat, avant, au nom du
tiers-parti, vivement attaqué M. Gui-
zot, celuirci répondit qu'aucune poli
tique autre que la sienne n'était pos-:
siblé. — « Nous jouerons le même air,
répliqua M. de Rémusat, mais nous le
jouerons mieux, m .
Si M. .Rouvier et M.. Goblet, frères:
ennemis que l'on verra se réconcilier,
causaient aujourd'hui ensemble, ils
pourraient échanger les mêmes pro-;
pos. Nul doute, en effet, que M. Rou-;
vier ne veuille jouer le même air-que
' M. Goblet et n'espère le jouer mieux.
Rien au fond ne les divise. Il n'y a
entre eux que des rivalités d'intérêt
personne?, qui se déguisent sous des
questions dé forme ou de détail, quel
que chose comme des intonations de
voix., Tous deux tiennent à être minis
tres et se proposent d'affermir par sur
croît la république. Seulement, M.
Goblet prétendait vouloir surtout la li
berté et cherchait son point d'appui à
gauche ; M. Rouvier prétend songer
davantage à l'ordre et veut amener la
droite à le suivre.
M. Goblet, qui pourtant, se pique
d'être lui-même, jouait en somme-le
vieux jeu : le jeu de la « concentration
des gauches» et de « la république des
républicains. » M. Rouvier déclare, lui
aussi, que les républicains seuls doi
vent compter; mais, tout en signifiant
aux monarchistes qu'ils ne sont rien,
qu'ils n'auront rien, il recherche leurs
votes, car il en a besoin ; il y compte
et il les a. Le coup est d'un habile
homme.
On prétend que M. Rouvier ne fait
ici qu'imiter M. Thiers. C'est une
erreur et une injustice. M. Thiers a cer
tainement mis la droite au service de
la gauche; mais c'est en caressant à
la fois l'un et l'autre parti qu'il a fait
les affaires dé là Révolution et douce
ment conduit des monarchistes à éta
blir la république. M. Rouvier agit
différemment.. S'il adresse de tendres
paroles à la droite, c'est tout bas, en
tapinois/ d ans l' om bre des couloirs ;
quais quand il patrie en ministre, quand
il donne des répones qui sont dès en-
gagements, quand il tait un acte,, tout
"^tpour**lâTgàucné. Faut-il rappeler
ses déclarations en faveur de 1 ensei
gnement athée ? Faut-il insister sur
son rôle dans la question de la loi mi
litaire ?
La droite lui sait gré de s'être abs
tenu de voter l'urgence. Oublie-t-elle
qu'en acceptant le projet de loi du gé
néral Boulanger et en faisant dire par
"le ministre de la, guerre qu'il impor
tait de mettre tout de suite ce projet à
l'ordre du jour, il a préparé le vote au-
quel il s'e^t abstenu de prendre part?
D'ailleurs son devoir, en dehors de
tout engagement avec la droite, était
de parler et non de s'abstenir. S.'il
avait repoussé l'urgence * comme le
commandait l'intérêt du pays et de
l'armée, l'urgence n'était point votée;
Mais par cette conduite il se fût éloi
gné de la gauche radicale plus qu'il,
ne veut le faire. Il s'est donc'déclaré
neutre, sachant bien que sa neutralité:
donnait la victoire à ceux qui dans la
loi militaire voientf avant tout, un ins
trument de combat contre l'Eglise.
Voilà le fait, et il n'a rien de rassu
rant. Nous n'avons aucun parti pris
cçntre M. Rouyier;,mais nous, ne pou
vons accepter ses actes, sous le béné
fice des intentions qu'on. lui prête. S'il
change 'de voie, nous changerons de
langage.
r- ,Cette fois encore, vous réclamez
trop vite, nous disent les tacticiens de
la* droite ; avez patience et confiance,
tout ira bien" »
Nous ne réclamons pas, étant con
vaincu que toute réclamation serait
inutile. Nous constatons simplement
que M. Rouvier sert la gauche et est
servi par la droite ; que celle-ci est
battue et contente; que celle-là obtient
tout, se fâche et se déclare trahie. La
situation est étrange ; nous le disons
sans marquer une grande surprise,
car nous savons, par une longue expé
rience, qu'avec le système parlemen
taire ibne faut jamais s'étonner de
voir les choses aller contre la logique
et le bon sens.
Et maintenant,pour rendre justice à
qui de droit, nous reconnaissons que
M. Rouvier, continuant l'œuvre révo
lutionnaire à la'satisfaction de là plu
part des députés conservateursy peut
■ aire avec un juste orgueil : « Je joue
le même air que mes amis Goblet et
.Freycinet ; mais je le joué mieu x. »
Eugène Vkuillot.
Une dépêche de Rome nous informe
que S. Exc. Mgr Rotelli, nonce apos
tolique à . Paris, quitte Rome aujour
d'hui pour se rendre à son poste, où
l'appelle la défense des graves inté
rêts engagés . dans les projets portés
en ce moment devant les Chambres ou
préparés dans les conseils du gouver
nement.
Les catholiques de France se réjoui
ront de cette nouvelle, qui leur per
mettra. de témoigner personnellement
à l'illustre représentant ; du. Saint-
Siège les sentiments de respect, d'af
fection et de dévouement dont il a déjà
reçu l'assurance, à Rome, de la bou
che de l'Eminentissime cardinal Sici-
liano di Rende, son prédécesseur.
Il y avait quelque temps que 17>i-
transigeant n'avait hurlé contre les ca
tholiques. Il se dédommage aujour- :
d'hui en commentant à sa façon '—
c'est-à-dire avec une grossièreté inju
rieuse — un fait- dénoncé,' dans le
même esprit, par le National. Nous ci
tons
Nous trouvons dans le National d'hier le
récit d'un fait incroyable et qui prouve bien
que les catholiques n'abdiquent jamais, que
leur douceur n'est que de l'hypocrisie, et
que si jamais ils revenaient au pouvoir, les
libre-penseurs en verraient de cruelles.
Voici le fait :
Hier matin, à midi, pendant la procession de
la Fête-Dieu, qui faisait le tour de l'église de la
Madeleine à l'intérieur des grilles, un passant
vêtu, avec élégance négligea de retirer son cha
peau. .
Quelques fanatiques qui assistaient au spec
tacle religieux se jetèrent, violemment sur le pas
sant, le Frappèrent en furieux. Ils fut tiré de
leurs mains par plusieurs personnes et il fallut
que les gardiens ae. lapaix le conduisissent auposte
-de police pour le sauver. Il avait déjà les vête
ments "en lambeaux et la figure ensanglantée.
Nous demandons (jeux choses, pour ré
pondre à cet acte de brutalité inqualifiable :
1° Qu'une enquête judiciaire soit faite
et que les auteurs de cetto tentative de
meurtre soient traduits devant les. tribu
naux et punis comme devulgaires escarp.es;
, 2° Que, le. conseil municipal rappelle le
préfet de la Seine au respect de la loi, qui
interdit d'une façon formelle toute exhibi
tion religieuse sur la voie publique. Voici,
en effet,-le texte de l'article 15 de la loi or
ganique du 26 messidor an IX, toujours en
vigueur :
Aucune cérémonie religieuse n'aura, lieu hors ■
des édifices consacrés au culte catholique, dans
les villes où il y a des temples, destinés à. diffé
rents cultes. . "
Ce n'est pas parce qu'une église est en
tourée d'une simple grille qu'il peut être
permis & un curé de procèssionner en fai
sant le tour du bâtiment. Si une procession
faite'dans ces conditions n'était qu'un spec
tacle ridicule, il n'y aurait peut-être cyi'ù en
rire.; mais du moment où la mascarade
présente un danger pour de paisibles cito
yens, il importe d'exécuter la loi dans toute
sa rigueur.
Les catholiques pourront crier à la per
sécution; mais nous comptons bien que,
grâce à l'énergie du conseil municipal, un
fait semblable ne pourra plus se repro
duire.
Notons que cette prose d'énergu-
mèrie s'étale, dans l'Intransigeant, sous
ce titre en grosses lettres : « Bruta
lités bondieusardes. » On peut, sans
aller plus loin, voir de quel côté sont
ici les brutalités.
Pourtant nous voulons bien discuter
un moment avec les hurleurs de l'In
transigeant. Ils demandent une en
quête. Soit, nous la demandons aussi,
avec la conviction que cette enquête
démontrera qu'il y a tout juste autant
de vérité dans le récit du National,
agrémenté par l'Intransigeant , qu'il .y
en avait dans les infâmes inventions
par lesquelles ce dernier journal cher
chait, sous la Commune, à provoquer
contre des religieuses et des prêtres
sans (féfense les naines assassines d'une
plèbe ameutée au récit de ces odieux
mensonges.
; Mais admettons qu'il y ait un fond
idevérité dans le fait rapporté parle
National. Admettons que des catholi
ques, justement indignés de l'outrage
fait au Dieu de l'Eucharistie, aient un
peu trop vivement décoiffé le malotru
qui, se trouvant, non pas sur le pas
sage, mais au milieu même d'une cé
rémonie religieuse, a trouvé de bon
foùt d'affecter une démonstration
'impiété : ces catholiques n'ont-ils
pas leur excuse? Ils étaient.chez eux :
ils y étaient pour prier. De quel droit
prétendrait-on leur imposer la pré
sence d'un monsieur qui n'est pas in
vité à la fête et qui, venu peut-etre en*
curieux, ne sait même pas observer
les lois de la plus simple politesse.
; Ceci nous amène à la dernière par-
tie des objurgations de Y Intransigeant^
11 somme le conseil municipal de
rappeler le , préfet de la Seine au
Respect de l'article 45 de la loi or-
,g'aaique. du. 26- messidor an IX. Or,
4e texte même de cet article écarte, la
sommation, du citoyen marquis de Ro-
chefort,puisque tous les abords de là
Madeleine, clos par une grille, font
partie de l'édifice consacré au culte.
La cérémonie dont il s'agit n'avait
donc pas lieu hors de l'édifice consa
cré . au culte. Et c'est le client du
National qui était hors des convenan
ces, comme ce journal et Y Intransi
geant sont hors de la vérité.
Auguste Roussel.
Sur nos observations, le National
convient que la grande exposition uni
verselle de 1889 ne peut plus, ne doit
plus être universelle. . On a eu tort de
convier l ciper à la célébration du centenaire des
« immortels principes ». Elles n'en
étaient pas dignes.On aurait dû prévoir
« qu'un monde aux trois quarts monar
chique éprouverait une insurpaontable
répugnance à célébrer le centenaire
d'une révolution qui a décapité un roi,
ébranlé les trônes, humilié les gran
des dynasties de l'Europe, proclamé
les peuples libres et imposé, les armes
à la main et pour toujours, un dogme
essentiellement démocratique », etc.
Bref, devant le refus des puissances,
le National estime qu'il faut changer
le caractère, mais non la date de l'ex
position. Il tient à 89.
Au lieu d'être universelle,dit-il, l'ex
position sera nationale,., et voilà tout.
La France ne peut-elle pas se passer de
l'étranger? « Célébrons, s'écrie le Na
tional, l'immortelle Révolution de 89
en famille! » .
Evidemment c'est le proverbe du
linge sale qui inspire le cri du journal
républicain.
LA PRESSE '
et lk
Discours de M. le comte de Mun
L'immense et si légitimé succès ob
tenu à la tribune par M. de Mun se
continue dans la presse. Qu'on en juge
par les extraits de journaux de toutes
nuances que v nous allons donner.
Citons d'abord les journaux conser
vateurs.
i Loplonae s'exprime ainsi :
; ^M. de Mun sait ce qu'il veut dire, et il le
proclame avec cette superbe éloquence qui
fait du député de Pontivy une des gloires
de la tribune française.
Et plus loin : ' ,
Cette magnifique harangue soulève un
enthousiasme presque général.
« Rarement, croyons-nous, s'écrie la
Gazette de France, 1 éloquence humaine
a atteint de pareilles hauteurs ! »
On lit dans le Gaulois :
Nous détachons de la gazette parlemen
taire le discours que le comte de Mun a
■ prononcé hier. C'est un des plus beaux qui
aient, depuis vingt ans, honoré la tribune
française. . .
Figaro :
. M.Ie comte de Mun a honoré la loi mili
taire d'un de ses plus magnifiques discours,
et, à plusieurs reprises, son éloquence a
entraîné toute la Chambre.
Voici ce que dit le Français .v
Quant à M. le comte de Mun, il a rem
porté dans cette discussion un de. ses plus j
beaux triomphes oratoires. Ce matin" tous"
les journaux sans distinction sont obligés
de rendre hommage à cette grande, et fiôre
parole, où vibrait le patriotisme le plus ar
dent,- et qui a provoqué à maintes reprises
les applaudissements -prolongés.-d'un au
ditoire où, cette fois, toutes les divergences
d'opinion s'étaient effacées pour se confon
dre dans un même témoignage d'admira-:*
lion. 1 : ■■■
Le Moniteur formule son opinion *en
ces termes:
M. do Mun excelle dans ces grands
mouvements d'éloquence que scande un
geste noble et mesuré, mais rarement il a
mieux mérité l'enthousiasme qu'il a fait
naître. '
« Il faudrait pouvoir citer en entier
le discours de M. le comte de Mun, »
déclare le Soleil. Et il ajoute :
y Jamais peut-être son admirable talent
n'avait paru aussi complet, aussi noble,
aussi puissant. C'est que le sujet y prête ;
toute une partie de ces accents si vibrants
ët si chauds ne pouvait jaillir que de l'âme
d'un soldat.
Même note dans l'Autorité ;
. . \ ' • . ' ■ i - ;
Jamais M. le cemte de Mun n'a. été
mieux inspiré. Il connaissait, d'une façon
toute particulière, la question. Elle s'accor
dait admirablement avec la nature de son
talent. Aussi a-t-il prononcé, un- discours
vraiment superbe,- ou la puissance de l'ar
gumentation n'à d!égale que..la hauteur de
l'éloquence, qui prouve autant qu'il émeut,
qui s'impose à l'esprit avec non moins de
force qu'à l'âme.
Donnons"le jugement de la Patrie :
Le discours de M. le comte Albert de
Mun restera comme un des plus beaux qui
aient été prononcés à la tribqne française,
L'orateur catholique s'est élevé à des hau
teurs auxquelles nous sommes peu habitués
et a plané au-dessus des passiens mesqui
nes des partis.
Enfin, voici comment s'exprime le
Pays :
Pendant une heure, M. de Mun a ébloui,
charmé, captivé son auditoire. Dans les
rangs de la droite et dans les rangs de la
gauche, nul ne peut avoir la prétention de
1 égaler au point de vue oratoire.
Pour la première fois, nous avons vu
l'assemblée entière, radicaux, opportu
nistes, conservateurs, spectateurs des tri
bunes, journalistes parlementaires de
tous les partis, se lever et acclamer le
puissant orateur, qui en retraçant les épi
sodes les plus glorieux de la guerre de
1870 faisait battre à l'unisson tous les
cœurs.
Passons aux journaux républicains.
Nous lisons d'abord dans le Temps:
M. de Mun a résumé, sous les formes du
plus magnifique langage, les objections fai
tes à la loi principalement par les membres
de la droite.
Et plus loin :
L'orateur à fait de la vie et des vertus du
solàat an tableau d'une éloquence achevée
cl que toute la Chambre a applaudi.
Enfin, après avoir cité le passage
sur la charge de Sedan, le Temps dit
ceci : ;
Il faudrait avoir vu la Chambre h ce
moment ; elle était comme souleyée. d'en
thousiasme et de patriotisme, et l'émotion
qui avait un moment pâli l'orateur et voilé
sa voix étreignait toutes les poitrines.
« Il y a eu un moment, dit 1 e Rappel,
où M. de Mun s'est fait applaudir par
la Chambre entière. »
Ç'a été quand,avec une émotion que tous
orjjj, ressentie comme lui, il a rappelé la con
duite héroïque de notre ancienne armée sur
les funèbres champs de bataille de 1870, 4e
Wissembourg k Sedan. Cet hommage élo-
quemment rendu aux soldats tombés a sou
levé d'unàniifles acclamations.
On lit dans- le Réveil-Matin :
l ...... '
La parole est ensuile à M: de Mun, qui
prononce ùn des plus beaux discours què
ses profondes convictions, non moins que
son grand talent de parole, lui aient jamais
inspirés. Il combat le projet avec ses idées
d'homme d'Etat, connaissant le caractère de
son pays, avec ses souvenirs de soldat
ayant fait ses premières armes dans les vieil»
les armées d'Afrique, et aussi avec son
expérience de membre de la commission
militaire d'e 1872., ■ i
G il Ulas :
Si éloigné que je sois des opinions de M.
le comte de Mun, je ne puis m'empêcher
de rendre hommage au très beau disoours
qu'il a prononcé hier.., M. de Mun a atteint
des effets d'éloquence positivement remar
quables.
Paris s'exprime en ces termes ;
M, de Mun, tout en suivant son argu
mentation, cite des tails militaires qui
émeuvent l'Assemblée. Parlant de la charge
de ReisçhschofTcn et citant le cri d'enthou
siasme du roi de Prusse: « Ah ! les braves
gens ! » il fait éclater, par un magnifique
mouvement oratoire, les applaudissements
de toute la Chambre. " ;
« Depuis longtemps, dit le Matin, la.
tribune française n'avait pas eu un tel
éclat. »
Le Siècle déelare.que « le succès de
M. de M un a été considérable ».
L'Echo de Paris porte ce jugement ;
A ne considérer que le talent oratoire,
c'est-à-dire l'ordonnance du discours, l'art,
delà diction, M . de Mun est sans con
tredit au premier rang parmi les orateurs
de valeur de cotte Chambre'. Il sait capter
l'attention par sa forme très pure etU-èi
élevée, par ses images qui, dans l'espèce,
sont saisissantes, car il parle de choses
vues, ayant été soldat. 71 est assez habile,
en outre, pour laisser de côté les expres
sions trop vives et se tenir dans un ton da
bonne compagnie qu'on pourrait donner en
exemple.
Nous lisons dans l'Estafette :
M. de Mun, qui a pris.la parole eprès le
ministre de la guerre, - est un de ceux du
moins auxquels on ne peut contester d'ar
dentes convictions. U a prononcé un fort
beau discours, plein do mouvements élo
quents et d'émotion sincère.
Le Voltaire dit ceci ;
M. de Mun n a jamais été plus mailre de
son talent, qui est çe*tes remarquable. La
forme est parfois superbe, et l'on sent qu'on
a devaut-.-î,0't un homme convaincu. ;;
« Avec infiniment de talent, déclare
la Lanterne, et dans une langue sUr-
perbe,M. de Mun îéédite les attaques »
des orateurs de la droite.
Puis elle ajoute :
L'orateur a su faire vibfer profondément
la fibre patriotique, et nous avons vu
briller quelques, larmes quand il a évoqué
le souvenir des luttes héroïques de Saint-
Privat et de Sedan, et le mot échappé au
vieux Guillaume devant -l'effort désespéré
de nos régiments : Oh! les hraves gens !
Les braves gens ! »
Enfin, il faut se borner; terminons
donc,mais non sans avoir cité ces deux
extraits de la République française :
M. le comte de Mun attendait que M. 1»
ministre de la guerre eût donné son avis,
pour donner le sien. Il l'a donc donné et da
haut, de sa grande manière patricienne,
dans un des discours les meilleurs qu'il 'dit
jamais prononcés. Certes le paradoxe au
dacieux, ..le sophisme subtil, tiennent, une
large place dans co discours, mais il y. cir
cule un souffle généreux et puissant, par où.
l'orateur a atteint plus d'une fois a fa plus;
mâle éloquence. Il a en tout cas profondé
ment impressionné la Chambre tout entière
et en plus d'une occasion & provoqué nu
FEUILLETON DE L'UNIVERS
bu 14 juin 1887
CAUSERIES LITTÉRAIRES
Con^espondance complète de
Joseph de Haistre (1)
Dans les derniers mois de 1858, h la
veille de la guerre d'Italie, M. de Cavour,
qui avait trouvé aux archives de Turin les
dépêches confidentielles écrites par Joseph
de Maistre pendant qu'il représentait le roi
de Sardaigne à Sainr-Pétersbourg, crut de
voir en livrer quelques extraits à la publi
cité. En 1804, lors du voyage du Pape à
Paris et du couronnement de Napoléon, il
était arrivé à l'illustre auteur des Considé
rations sur la France de laisser tomber de
sa plume, à l'adresse de Pie VII, des phra
ses plus que vives et.assurémentdes modins
respectueuses (2). Elles ne prouvaient en
réalité qu'une chose : la violente haine de
Joseph de Maistre contre Bonaparte. Elles
n'allaient pas au delà. A aucun moment il
n'avait cessé id'être attaché, de raison et de
cœur, à la Chaire de saint Pierre. La viva
cité de sa colère avait été en raison dirocle
de son attachement même : c'était une
colère d'ami. Est-ce que ces dépêches, que
M. de Cavour avait sous les yeux et qu'il
admirait profondément,j'en, suis sûr, ne té
moignaient pas hautement d'une inviolable
fidélité à la cause du Souverain-Pontife ?
' (l)Six volumes in-8°. ~ Vitfe et Perçusse!;
3, place Bellecour, à Lyon, 1886.
j2) Comspwdane?, tome 1, page 270,
N'y trouvait-on pas sur la nécessité du pou
voir temporel les déclarations les plus pré
cises, les plus énergiques, celle-ci par exem
ple, que je'rencontre dans une dépêche au
comte de Vallaise, ministre des affaires de
S. M. le roi de Sardaigne et l'un des pré
décesseurs du comte de Cavour : '
« Il est bien h désirer que les souverains
viennent à reconnaître l'importance, même
politique, du Saint-Père. Qui sait si les puis;
sances séparées ne nous précéderont pas sur
ce point ? J'ai entendu, il y a près de vingt
ans, le fameux- avoyer de Berne_, Steiger,
parler sur ce sujet d'une - manière qui au
rait dû être entendue de toute l'Europe, et
il n'y a pas encore longtemps qu'un person
nage ministériel anglais disait que « tout
homme qui parle d'ôtec un pouce de terrain
ad Pape devrait être pendu ». Pjour moi, je
consens volontiers, pour éviter le carnage,
qu'on change pendu en sifflé (3) ».
Dans une autre lettre, adressée celle-là
au roi Victor-Emmanuel I er , et que M. de
Cavour se sera bien gardé de faire lire à
Victor-Emmanuel II, se trouvent les lignes
suivantes :
'« Nous recevons dans ce moment là nriu-.
velle de la convocation du concile de Paris,
avec, la lettre menaçante de Napoléon, qui
a cassé la glace et menace ouvertement de
déposer le Pape..... lime paraît impossible
que,-d'un côté ou d'un autre, il ne s'élève
pas quelque opposition, quelque protesta
tion sublime. Quoi qu'il en soit. Votre Ma-
jeslé assiste avec nous, à l'une des plus
grandes expériences qui puissent avoir Ijeu
sur ce sujet. .Jamais aucun souvqjain. n'a
mis la main sur un Pape quelconque (avec
ou sans raison, c'est ce que je n'examine
point), et n'a pu se vanter ensuite d'un rè
gne long et heureux. Henri IV (4) a souffert
(3) Correspondance, tome V, page-71.
(4) Henri TV. empereur d'Allemagne
pap la 4iJtç «le t4P5« ■
tout ce que peut souffrir un homme et un
prince. Son fils dénaturé mourut delà peste.
à quarante-quatre ans, après un règne fort
agité. Frédéric I'.' mourut à trente-huit ans
dans le Cydnus. Frédéric II fut empoisonné
par son, fils après s'être vu déposé. Phi
lippe le Bel mourut dune chute de cheval,
à quarante-sept ans. Ma plume se-refuse
aux exemples moins anciens. Cela ne prou
ve rien, dira-t-on : à la bonne heure 1 Tout
ce que je demande, t'est qu'il en - arrive
autant à un autr t, quand même cela ne
prouverait rien ; et c'est ce que nous ver
rons (5) ». ... •
Mais M. de Cavour jie se proposait pas
seulement de faire pièce au Pape ; il visait
aussi l'Autriche, et sur ce terrain il pouvait
en effet trouver dans Joseph de Maistre un
auxiliaire véritable. Catholique et royaliste,
de Maistr# était par cela même un vrai, un
bon patriote : rien dd" plus naturtl dès lors
que son antipathie pour l'Autriche, l'enne
mie séculaire du Piémont; et de cette anti
pathie il ne faisait aucunement mystère. Il
consentait bien parfois à distinguer entre la
cour et le cabinet autrichien; mais cette
concession, qu'il était bien-obligé de faire en
raison des liens étroits de parenté qui unis
saient -à l'empereur le roi de Sardaigne,
était de pure forme et ne touchait, pas au
fond. Toutes les fautes de l'Autriche, ses
faiblesses, ses capitulations étaient rele
vées, dans les dépêches du ministre de Sa
Majesté sarde, avec une rigueur implaca
ble, avec une verve passionnée, avep yn$
incomparable éloquence.
Publiées dans, ieqr texte même, sans la-
ouneg et surtout sans additions, ces dépê?
ches auraient produit un effet considér-a»
ble. Comment un homme aussi avisé que
M. de Cavour ne le comprit-il pas? Com
ment fît-il la faute, de confier le soin de
cette publication à un certain docteur en
(5) Carçe>prm$a}]c«, (9171e I|j, pga
droit de l'université de Turin, M. Albert
Blanc, qui, au lieu du texte intégral, ne
donna que des extraits, taillant, coupant,
mutilant, et, pour"comble de disgrâce, inter
venant lui-même à tout propos; mêlant sans
vergogne sa prose à la prose de Joseph de
Maistre? Si' encore M. Albert Blanc eût
écrit en italien, on eût pu lui pardonner ;
mais non, il écrivait en français, et quoi
français ! J'en veux donner ici un échan
tillon : ;
« A l'époque où la Révolution commence,
Joseph de Maistre était entré fort avant dans
une vie de bénédictin. Il avait interrogé d'é
normes bibliothèques de philosophie reli
gieuse, ses habitudès s'étaient assises dans
l'uniformité de cette existence calme et
froide... Il avait acquis dans l'isolement d";
son travail cellulaire la rigidité ma^islralo
des moines de Zurbaran* de ces gontifs-
hommes du royaume spirituel de (1ère et
noble mine... il garde ainsi une originalité
pittoresque aux yeux de l'artiste.,, mais il
perdit la ■ communion soeiaia.,, D'un autre
côté, il avait trempé son cayactère dans la
glace fortifiante d'un viilieu sans agitation,
ses ardeurs s'étaient cou crétées au fond de'
lui-même, .ses facultés comprimées avaient
pris des formes anguleuses, recte s et précises
par une élaboration semblable aux forma»
tions mystérieuses du cristal dans h »itmce
.des roches intérieures » (6),
J'imagine M. de Cavour du trouver:
le style de son docteur un peu anguleux,
même lorsqu'il était le plus recte, et qu'en
conséquenco il lui lava la tôle. Aussi, lors
que deux ans plus tard, en 1800, parurent
deux nouveaux volumes de la Correspon
dance diplomatique de Joseph de Mais-
(6) Mémoires politiques et Coirespançlctncv di-"
plomatique, de Joseph de Ma{s!vt\ W explication,
et commentaire^ par Albert Blanc,
^fletsup efi 4'rcit "do l'université de Turin. Un
Miçhfîl Lévy, éditeur,
tre (7), le nom (Te, M. Albert Blanc bril
lait bien encore en tête de l'ouvrage;
mais, cette fois, plus d'explication, pas
le moindre Commentaire ! L'éditeur avait
passé d'un extrême à l'autre; Il n'indiquait
même pas à qui les lettres étaient adres
sées; il n'avait mis aucune note, même dans
les endroits où elles auraient été le plus né
cessaires ; il laissait de simples initiales aux
noms propres là où il eût été facile de les
donner en entier. En revanche, quand il
les donnait, il les écorchait presque tou
jours. Sainte-Beuve, qui avait au moin»
cola pour lui d'adorer passionnéoip^ ] es ];_
vrcs et qui était gran^ ttd^ ; ; ru t eur de Joseph
sa place le « savant
docteur ai! l'Université de Turin », et lui
3onna gentiment sur les doigts (8). Il est
vrai que notre Turinois, à défaut du suf
frage de Sainte-Beuve, avait conquis ce
lui de M. Scherer, qui puhlia vers çe
temps-là, dans la Bibliothèque universelle
de Genève, et en style' genevois, un factum
contre l'auteur du Pape, où on lit, entre
autres gentillesses, « que la religion do M.
de Maistre est avant tout une théologie,une
théorie ; que sa foi est-un système sur la foi ;
que M. de Maistre, le plus catholique des
esprits, est le moins chrétien des cœurs ;
qu'il a l'érudition et point de science ;
qu'en histoire il n'est, bien souvent que Vol
taire retourné; enfin, qu'il a le tic prophé
tique. »
A mon gré, le Seherer est joli quelquefois.
' . II.'... ■ -
La première édition du livre du Pape a
paru à Lyon en 18i7. C'est encore à une li
brairie de celte ville, la Librairie générale
(7) Comspondance diplomatique du comte Jo
seph de Maistre, recueillie et publiée par M.
Albert Blanc. Deux volumes in-8", chez Michel
Lévy, 18(50,
(8) Causeries du lundi, tome XV, 67 v
catholique et classique, dirigée par MM.
Vitte et Perrussel, que reviendra l'.' n ô nne ur
d'avoir publié une édition des Couvres com
plètes d» Joseph de Maistre véritable
ment digne, par la pure'^ (ju texte et la
beauté de l'impressior^ de l'auteur du Pape
et* des Soirées de, Saint -Pétersbourg. La
Correspondanc moins de six volumes in-octavo, de cinq"&
six ceïiis pdges chacun. Les éditeurs ont
fondu: ensemble les Lettres publiées, en
IBP j. (10) et la Correspondance diplomatique
mise au jour en 1858 et 1860; ils y ont
joint un grand nombre de lettres-restées
jusqu'ici inédites, si bien qu'au lieu des!8ô
lettres de 1851, nous n'en avons pas moins
aujourd'hui de 586. Sans doute,il est permis
d'espérer que l'on en pourra découvrir en
core quelques-unes : il n'en reste pas moins
que l'édition actuelle peut justement pré
tendre à être tenue pour complète et défi
nitive. ■ - , l
Sans se laisser awêter pur l'opinio^t de
Joseph do Maistre lui-môme, qui se pro
nonce contre l'ordre chronologique dans les
recueils de lettres, « dès qu'il y a une cor
respondance particulière qui a fourni plu
sieurs lettres remarquables, surtout par la
qualité des personnes èt l par uno v-onfianee
plus intime » (il), les nouveaux éditeurs
ont publié toutes les leUr",* par ordre do=
dates, avec grands Maison, suivant moi.
Avec tout autre diplomate, on aurait pu
craindre que c. mélange^ ce pêle-mêie de
lellros privées cl de dépêches politiques ne,
formât parfois une disparate fâcheuse, ne
(11)" Observations critiques sur u»e éditiam cfea
lettres de Mme de Sêvignv, publiées en lSCfi.cfetar,
Bossango, par M. P.-A. llfemelle, aaeida . w".,.
nistve plénipotentiaire. — IMves çl Opwsçc ,i es
inédits du comte de Maistve^ il
page 438. -
(9! Quatnr^ volumes
(10) opuscules inédits- du «a».te Joseph
de i^'^tre', précédés d'une notice bir graphique
son fils le comte Kodolplto d« ?-'V.ipn>e. Deux
volumes iiHSV A. V&ton, éditons
N' 7118 — Edition auotidienne'
Mardi U Juin *887 s
ÉDITION QUOTIDIENNE
Un an." , .
Sis mois. .
Trois mois.
paris
' SX DltARTÏMBNTg
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ÉDITION SEMI-QUOTI0IENNB
PARIS ÉTRANGER.
et département» (union postale)
Un an. .... 30 j». *36/ #
Six mois/ . .. 16 19 »
Trois mois. . . 8 50 10 »
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
lei abonnements partent de» i" et ÎO de,chaque mol»
L'UKIVERS ne répond pas des manaBfirits qui lui sont adressé»
■ . ANNONCES ' '
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et O, 6, place do la Bourso
FRANCE
PARIS, 13 JUIN 1887
C'est aujourd'hui qu'on nomme les
successeurs de MM. ;Spuller et Etien
ne. Le groupe; de l'union, des gauches
a pour candidats MM. Develle etHor-
teur ; M. Deschanel, dont le nom avait
été mis en avant, décline toute candi
dature. La gauche radicale et l'extrê
me gauche opposent aiax candidats
opportunistes MM. de-Mahy et Le Hé
rissé, deux indépendants. s. '.
Après les scrutins pour, la vice-pré
sidence et le secrétariat, la Chambre
commencera la discussion des articles
de la loi militaire.
L'opportuniste Vitry a triomphé?
dans la Haute-Marne, mais il n'a
qu'une faible majorité relative : il a
obtenu 28*622 voix, et M. Bourlon de
Rouvre, candidat conservateur,J27,400;
M. Vitrey, radical^ a eu 1,367 voix. Ce
n'est pas un succès pour l'opportu
nisme, qui est visiblement en baisse.
Aucune nouvelle précise de la santé
de l'empereur Guillaume, dont l'état
semble stationnaire.
Hommage à M. Routier
Un jour,'Mï Charles dô Rémusat,:
qui fit, du temps de Louis-Philippe et
sous la présidence de M. Thiers, figure
,4'homme -d'Etat, avant, au nom du
tiers-parti, vivement attaqué M. Gui-
zot, celuirci répondit qu'aucune poli
tique autre que la sienne n'était pos-:
siblé. — « Nous jouerons le même air,
répliqua M. de Rémusat, mais nous le
jouerons mieux, m .
Si M. .Rouvier et M.. Goblet, frères:
ennemis que l'on verra se réconcilier,
causaient aujourd'hui ensemble, ils
pourraient échanger les mêmes pro-;
pos. Nul doute, en effet, que M. Rou-;
vier ne veuille jouer le même air-que
' M. Goblet et n'espère le jouer mieux.
Rien au fond ne les divise. Il n'y a
entre eux que des rivalités d'intérêt
personne?, qui se déguisent sous des
questions dé forme ou de détail, quel
que chose comme des intonations de
voix., Tous deux tiennent à être minis
tres et se proposent d'affermir par sur
croît la république. Seulement, M.
Goblet prétendait vouloir surtout la li
berté et cherchait son point d'appui à
gauche ; M. Rouvier prétend songer
davantage à l'ordre et veut amener la
droite à le suivre.
M. Goblet, qui pourtant, se pique
d'être lui-même, jouait en somme-le
vieux jeu : le jeu de la « concentration
des gauches» et de « la république des
républicains. » M. Rouvier déclare, lui
aussi, que les républicains seuls doi
vent compter; mais, tout en signifiant
aux monarchistes qu'ils ne sont rien,
qu'ils n'auront rien, il recherche leurs
votes, car il en a besoin ; il y compte
et il les a. Le coup est d'un habile
homme.
On prétend que M. Rouvier ne fait
ici qu'imiter M. Thiers. C'est une
erreur et une injustice. M. Thiers a cer
tainement mis la droite au service de
la gauche; mais c'est en caressant à
la fois l'un et l'autre parti qu'il a fait
les affaires dé là Révolution et douce
ment conduit des monarchistes à éta
blir la république. M. Rouvier agit
différemment.. S'il adresse de tendres
paroles à la droite, c'est tout bas, en
tapinois/ d ans l' om bre des couloirs ;
quais quand il patrie en ministre, quand
il donne des répones qui sont dès en-
gagements, quand il tait un acte,, tout
"^tpour**lâTgàucné. Faut-il rappeler
ses déclarations en faveur de 1 ensei
gnement athée ? Faut-il insister sur
son rôle dans la question de la loi mi
litaire ?
La droite lui sait gré de s'être abs
tenu de voter l'urgence. Oublie-t-elle
qu'en acceptant le projet de loi du gé
néral Boulanger et en faisant dire par
"le ministre de la, guerre qu'il impor
tait de mettre tout de suite ce projet à
l'ordre du jour, il a préparé le vote au-
quel il s'e^t abstenu de prendre part?
D'ailleurs son devoir, en dehors de
tout engagement avec la droite, était
de parler et non de s'abstenir. S.'il
avait repoussé l'urgence * comme le
commandait l'intérêt du pays et de
l'armée, l'urgence n'était point votée;
Mais par cette conduite il se fût éloi
gné de la gauche radicale plus qu'il,
ne veut le faire. Il s'est donc'déclaré
neutre, sachant bien que sa neutralité:
donnait la victoire à ceux qui dans la
loi militaire voientf avant tout, un ins
trument de combat contre l'Eglise.
Voilà le fait, et il n'a rien de rassu
rant. Nous n'avons aucun parti pris
cçntre M. Rouyier;,mais nous, ne pou
vons accepter ses actes, sous le béné
fice des intentions qu'on. lui prête. S'il
change 'de voie, nous changerons de
langage.
r- ,Cette fois encore, vous réclamez
trop vite, nous disent les tacticiens de
la* droite ; avez patience et confiance,
tout ira bien" »
Nous ne réclamons pas, étant con
vaincu que toute réclamation serait
inutile. Nous constatons simplement
que M. Rouvier sert la gauche et est
servi par la droite ; que celle-ci est
battue et contente; que celle-là obtient
tout, se fâche et se déclare trahie. La
situation est étrange ; nous le disons
sans marquer une grande surprise,
car nous savons, par une longue expé
rience, qu'avec le système parlemen
taire ibne faut jamais s'étonner de
voir les choses aller contre la logique
et le bon sens.
Et maintenant,pour rendre justice à
qui de droit, nous reconnaissons que
M. Rouvier, continuant l'œuvre révo
lutionnaire à la'satisfaction de là plu
part des députés conservateursy peut
■ aire avec un juste orgueil : « Je joue
le même air que mes amis Goblet et
.Freycinet ; mais je le joué mieu x. »
Eugène Vkuillot.
Une dépêche de Rome nous informe
que S. Exc. Mgr Rotelli, nonce apos
tolique à . Paris, quitte Rome aujour
d'hui pour se rendre à son poste, où
l'appelle la défense des graves inté
rêts engagés . dans les projets portés
en ce moment devant les Chambres ou
préparés dans les conseils du gouver
nement.
Les catholiques de France se réjoui
ront de cette nouvelle, qui leur per
mettra. de témoigner personnellement
à l'illustre représentant ; du. Saint-
Siège les sentiments de respect, d'af
fection et de dévouement dont il a déjà
reçu l'assurance, à Rome, de la bou
che de l'Eminentissime cardinal Sici-
liano di Rende, son prédécesseur.
Il y avait quelque temps que 17>i-
transigeant n'avait hurlé contre les ca
tholiques. Il se dédommage aujour- :
d'hui en commentant à sa façon '—
c'est-à-dire avec une grossièreté inju
rieuse — un fait- dénoncé,' dans le
même esprit, par le National. Nous ci
tons
Nous trouvons dans le National d'hier le
récit d'un fait incroyable et qui prouve bien
que les catholiques n'abdiquent jamais, que
leur douceur n'est que de l'hypocrisie, et
que si jamais ils revenaient au pouvoir, les
libre-penseurs en verraient de cruelles.
Voici le fait :
Hier matin, à midi, pendant la procession de
la Fête-Dieu, qui faisait le tour de l'église de la
Madeleine à l'intérieur des grilles, un passant
vêtu, avec élégance négligea de retirer son cha
peau. .
Quelques fanatiques qui assistaient au spec
tacle religieux se jetèrent, violemment sur le pas
sant, le Frappèrent en furieux. Ils fut tiré de
leurs mains par plusieurs personnes et il fallut
que les gardiens ae. lapaix le conduisissent auposte
-de police pour le sauver. Il avait déjà les vête
ments "en lambeaux et la figure ensanglantée.
Nous demandons (jeux choses, pour ré
pondre à cet acte de brutalité inqualifiable :
1° Qu'une enquête judiciaire soit faite
et que les auteurs de cetto tentative de
meurtre soient traduits devant les. tribu
naux et punis comme devulgaires escarp.es;
, 2° Que, le. conseil municipal rappelle le
préfet de la Seine au respect de la loi, qui
interdit d'une façon formelle toute exhibi
tion religieuse sur la voie publique. Voici,
en effet,-le texte de l'article 15 de la loi or
ganique du 26 messidor an IX, toujours en
vigueur :
Aucune cérémonie religieuse n'aura, lieu hors ■
des édifices consacrés au culte catholique, dans
les villes où il y a des temples, destinés à. diffé
rents cultes. . "
Ce n'est pas parce qu'une église est en
tourée d'une simple grille qu'il peut être
permis & un curé de procèssionner en fai
sant le tour du bâtiment. Si une procession
faite'dans ces conditions n'était qu'un spec
tacle ridicule, il n'y aurait peut-être cyi'ù en
rire.; mais du moment où la mascarade
présente un danger pour de paisibles cito
yens, il importe d'exécuter la loi dans toute
sa rigueur.
Les catholiques pourront crier à la per
sécution; mais nous comptons bien que,
grâce à l'énergie du conseil municipal, un
fait semblable ne pourra plus se repro
duire.
Notons que cette prose d'énergu-
mèrie s'étale, dans l'Intransigeant, sous
ce titre en grosses lettres : « Bruta
lités bondieusardes. » On peut, sans
aller plus loin, voir de quel côté sont
ici les brutalités.
Pourtant nous voulons bien discuter
un moment avec les hurleurs de l'In
transigeant. Ils demandent une en
quête. Soit, nous la demandons aussi,
avec la conviction que cette enquête
démontrera qu'il y a tout juste autant
de vérité dans le récit du National,
agrémenté par l'Intransigeant , qu'il .y
en avait dans les infâmes inventions
par lesquelles ce dernier journal cher
chait, sous la Commune, à provoquer
contre des religieuses et des prêtres
sans (féfense les naines assassines d'une
plèbe ameutée au récit de ces odieux
mensonges.
; Mais admettons qu'il y ait un fond
idevérité dans le fait rapporté parle
National. Admettons que des catholi
ques, justement indignés de l'outrage
fait au Dieu de l'Eucharistie, aient un
peu trop vivement décoiffé le malotru
qui, se trouvant, non pas sur le pas
sage, mais au milieu même d'une cé
rémonie religieuse, a trouvé de bon
foùt d'affecter une démonstration
'impiété : ces catholiques n'ont-ils
pas leur excuse? Ils étaient.chez eux :
ils y étaient pour prier. De quel droit
prétendrait-on leur imposer la pré
sence d'un monsieur qui n'est pas in
vité à la fête et qui, venu peut-etre en*
curieux, ne sait même pas observer
les lois de la plus simple politesse.
; Ceci nous amène à la dernière par-
tie des objurgations de Y Intransigeant^
11 somme le conseil municipal de
rappeler le , préfet de la Seine au
Respect de l'article 45 de la loi or-
,g'aaique. du. 26- messidor an IX. Or,
4e texte même de cet article écarte, la
sommation, du citoyen marquis de Ro-
chefort,puisque tous les abords de là
Madeleine, clos par une grille, font
partie de l'édifice consacré au culte.
La cérémonie dont il s'agit n'avait
donc pas lieu hors de l'édifice consa
cré . au culte. Et c'est le client du
National qui était hors des convenan
ces, comme ce journal et Y Intransi
geant sont hors de la vérité.
Auguste Roussel.
Sur nos observations, le National
convient que la grande exposition uni
verselle de 1889 ne peut plus, ne doit
plus être universelle. . On a eu tort de
convier l
« immortels principes ». Elles n'en
étaient pas dignes.On aurait dû prévoir
« qu'un monde aux trois quarts monar
chique éprouverait une insurpaontable
répugnance à célébrer le centenaire
d'une révolution qui a décapité un roi,
ébranlé les trônes, humilié les gran
des dynasties de l'Europe, proclamé
les peuples libres et imposé, les armes
à la main et pour toujours, un dogme
essentiellement démocratique », etc.
Bref, devant le refus des puissances,
le National estime qu'il faut changer
le caractère, mais non la date de l'ex
position. Il tient à 89.
Au lieu d'être universelle,dit-il, l'ex
position sera nationale,., et voilà tout.
La France ne peut-elle pas se passer de
l'étranger? « Célébrons, s'écrie le Na
tional, l'immortelle Révolution de 89
en famille! » .
Evidemment c'est le proverbe du
linge sale qui inspire le cri du journal
républicain.
LA PRESSE '
et lk
Discours de M. le comte de Mun
L'immense et si légitimé succès ob
tenu à la tribune par M. de Mun se
continue dans la presse. Qu'on en juge
par les extraits de journaux de toutes
nuances que v nous allons donner.
Citons d'abord les journaux conser
vateurs.
i Loplonae s'exprime ainsi :
; ^M. de Mun sait ce qu'il veut dire, et il le
proclame avec cette superbe éloquence qui
fait du député de Pontivy une des gloires
de la tribune française.
Et plus loin : ' ,
Cette magnifique harangue soulève un
enthousiasme presque général.
« Rarement, croyons-nous, s'écrie la
Gazette de France, 1 éloquence humaine
a atteint de pareilles hauteurs ! »
On lit dans le Gaulois :
Nous détachons de la gazette parlemen
taire le discours que le comte de Mun a
■ prononcé hier. C'est un des plus beaux qui
aient, depuis vingt ans, honoré la tribune
française. . .
Figaro :
. M.Ie comte de Mun a honoré la loi mili
taire d'un de ses plus magnifiques discours,
et, à plusieurs reprises, son éloquence a
entraîné toute la Chambre.
Voici ce que dit le Français .v
Quant à M. le comte de Mun, il a rem
porté dans cette discussion un de. ses plus j
beaux triomphes oratoires. Ce matin" tous"
les journaux sans distinction sont obligés
de rendre hommage à cette grande, et fiôre
parole, où vibrait le patriotisme le plus ar
dent,- et qui a provoqué à maintes reprises
les applaudissements -prolongés.-d'un au
ditoire où, cette fois, toutes les divergences
d'opinion s'étaient effacées pour se confon
dre dans un même témoignage d'admira-:*
lion. 1 : ■■■
Le Moniteur formule son opinion *en
ces termes:
M. do Mun excelle dans ces grands
mouvements d'éloquence que scande un
geste noble et mesuré, mais rarement il a
mieux mérité l'enthousiasme qu'il a fait
naître. '
« Il faudrait pouvoir citer en entier
le discours de M. le comte de Mun, »
déclare le Soleil. Et il ajoute :
y Jamais peut-être son admirable talent
n'avait paru aussi complet, aussi noble,
aussi puissant. C'est que le sujet y prête ;
toute une partie de ces accents si vibrants
ët si chauds ne pouvait jaillir que de l'âme
d'un soldat.
Même note dans l'Autorité ;
. . \ ' • . ' ■ i - ;
Jamais M. le cemte de Mun n'a. été
mieux inspiré. Il connaissait, d'une façon
toute particulière, la question. Elle s'accor
dait admirablement avec la nature de son
talent. Aussi a-t-il prononcé, un- discours
vraiment superbe,- ou la puissance de l'ar
gumentation n'à d!égale que..la hauteur de
l'éloquence, qui prouve autant qu'il émeut,
qui s'impose à l'esprit avec non moins de
force qu'à l'âme.
Donnons"le jugement de la Patrie :
Le discours de M. le comte Albert de
Mun restera comme un des plus beaux qui
aient été prononcés à la tribqne française,
L'orateur catholique s'est élevé à des hau
teurs auxquelles nous sommes peu habitués
et a plané au-dessus des passiens mesqui
nes des partis.
Enfin, voici comment s'exprime le
Pays :
Pendant une heure, M. de Mun a ébloui,
charmé, captivé son auditoire. Dans les
rangs de la droite et dans les rangs de la
gauche, nul ne peut avoir la prétention de
1 égaler au point de vue oratoire.
Pour la première fois, nous avons vu
l'assemblée entière, radicaux, opportu
nistes, conservateurs, spectateurs des tri
bunes, journalistes parlementaires de
tous les partis, se lever et acclamer le
puissant orateur, qui en retraçant les épi
sodes les plus glorieux de la guerre de
1870 faisait battre à l'unisson tous les
cœurs.
Passons aux journaux républicains.
Nous lisons d'abord dans le Temps:
M. de Mun a résumé, sous les formes du
plus magnifique langage, les objections fai
tes à la loi principalement par les membres
de la droite.
Et plus loin :
L'orateur à fait de la vie et des vertus du
solàat an tableau d'une éloquence achevée
cl que toute la Chambre a applaudi.
Enfin, après avoir cité le passage
sur la charge de Sedan, le Temps dit
ceci : ;
Il faudrait avoir vu la Chambre h ce
moment ; elle était comme souleyée. d'en
thousiasme et de patriotisme, et l'émotion
qui avait un moment pâli l'orateur et voilé
sa voix étreignait toutes les poitrines.
« Il y a eu un moment, dit 1 e Rappel,
où M. de Mun s'est fait applaudir par
la Chambre entière. »
Ç'a été quand,avec une émotion que tous
orjjj, ressentie comme lui, il a rappelé la con
duite héroïque de notre ancienne armée sur
les funèbres champs de bataille de 1870, 4e
Wissembourg k Sedan. Cet hommage élo-
quemment rendu aux soldats tombés a sou
levé d'unàniifles acclamations.
On lit dans- le Réveil-Matin :
l ...... '
La parole est ensuile à M: de Mun, qui
prononce ùn des plus beaux discours què
ses profondes convictions, non moins que
son grand talent de parole, lui aient jamais
inspirés. Il combat le projet avec ses idées
d'homme d'Etat, connaissant le caractère de
son pays, avec ses souvenirs de soldat
ayant fait ses premières armes dans les vieil»
les armées d'Afrique, et aussi avec son
expérience de membre de la commission
militaire d'e 1872., ■ i
G il Ulas :
Si éloigné que je sois des opinions de M.
le comte de Mun, je ne puis m'empêcher
de rendre hommage au très beau disoours
qu'il a prononcé hier.., M. de Mun a atteint
des effets d'éloquence positivement remar
quables.
Paris s'exprime en ces termes ;
M, de Mun, tout en suivant son argu
mentation, cite des tails militaires qui
émeuvent l'Assemblée. Parlant de la charge
de ReisçhschofTcn et citant le cri d'enthou
siasme du roi de Prusse: « Ah ! les braves
gens ! » il fait éclater, par un magnifique
mouvement oratoire, les applaudissements
de toute la Chambre. " ;
« Depuis longtemps, dit le Matin, la.
tribune française n'avait pas eu un tel
éclat. »
Le Siècle déelare.que « le succès de
M. de M un a été considérable ».
L'Echo de Paris porte ce jugement ;
A ne considérer que le talent oratoire,
c'est-à-dire l'ordonnance du discours, l'art,
delà diction, M . de Mun est sans con
tredit au premier rang parmi les orateurs
de valeur de cotte Chambre'. Il sait capter
l'attention par sa forme très pure etU-èi
élevée, par ses images qui, dans l'espèce,
sont saisissantes, car il parle de choses
vues, ayant été soldat. 71 est assez habile,
en outre, pour laisser de côté les expres
sions trop vives et se tenir dans un ton da
bonne compagnie qu'on pourrait donner en
exemple.
Nous lisons dans l'Estafette :
M. de Mun, qui a pris.la parole eprès le
ministre de la guerre, - est un de ceux du
moins auxquels on ne peut contester d'ar
dentes convictions. U a prononcé un fort
beau discours, plein do mouvements élo
quents et d'émotion sincère.
Le Voltaire dit ceci ;
M. de Mun n a jamais été plus mailre de
son talent, qui est çe*tes remarquable. La
forme est parfois superbe, et l'on sent qu'on
a devaut-.-î,0't un homme convaincu. ;;
« Avec infiniment de talent, déclare
la Lanterne, et dans une langue sUr-
perbe,M. de Mun îéédite les attaques »
des orateurs de la droite.
Puis elle ajoute :
L'orateur a su faire vibfer profondément
la fibre patriotique, et nous avons vu
briller quelques, larmes quand il a évoqué
le souvenir des luttes héroïques de Saint-
Privat et de Sedan, et le mot échappé au
vieux Guillaume devant -l'effort désespéré
de nos régiments : Oh! les hraves gens !
Les braves gens ! »
Enfin, il faut se borner; terminons
donc,mais non sans avoir cité ces deux
extraits de la République française :
M. le comte de Mun attendait que M. 1»
ministre de la guerre eût donné son avis,
pour donner le sien. Il l'a donc donné et da
haut, de sa grande manière patricienne,
dans un des discours les meilleurs qu'il 'dit
jamais prononcés. Certes le paradoxe au
dacieux, ..le sophisme subtil, tiennent, une
large place dans co discours, mais il y. cir
cule un souffle généreux et puissant, par où.
l'orateur a atteint plus d'une fois a fa plus;
mâle éloquence. Il a en tout cas profondé
ment impressionné la Chambre tout entière
et en plus d'une occasion & provoqué nu
FEUILLETON DE L'UNIVERS
bu 14 juin 1887
CAUSERIES LITTÉRAIRES
Con^espondance complète de
Joseph de Haistre (1)
Dans les derniers mois de 1858, h la
veille de la guerre d'Italie, M. de Cavour,
qui avait trouvé aux archives de Turin les
dépêches confidentielles écrites par Joseph
de Maistre pendant qu'il représentait le roi
de Sardaigne à Sainr-Pétersbourg, crut de
voir en livrer quelques extraits à la publi
cité. En 1804, lors du voyage du Pape à
Paris et du couronnement de Napoléon, il
était arrivé à l'illustre auteur des Considé
rations sur la France de laisser tomber de
sa plume, à l'adresse de Pie VII, des phra
ses plus que vives et.assurémentdes modins
respectueuses (2). Elles ne prouvaient en
réalité qu'une chose : la violente haine de
Joseph de Maistre contre Bonaparte. Elles
n'allaient pas au delà. A aucun moment il
n'avait cessé id'être attaché, de raison et de
cœur, à la Chaire de saint Pierre. La viva
cité de sa colère avait été en raison dirocle
de son attachement même : c'était une
colère d'ami. Est-ce que ces dépêches, que
M. de Cavour avait sous les yeux et qu'il
admirait profondément,j'en, suis sûr, ne té
moignaient pas hautement d'une inviolable
fidélité à la cause du Souverain-Pontife ?
' (l)Six volumes in-8°. ~ Vitfe et Perçusse!;
3, place Bellecour, à Lyon, 1886.
j2) Comspwdane?, tome 1, page 270,
N'y trouvait-on pas sur la nécessité du pou
voir temporel les déclarations les plus pré
cises, les plus énergiques, celle-ci par exem
ple, que je'rencontre dans une dépêche au
comte de Vallaise, ministre des affaires de
S. M. le roi de Sardaigne et l'un des pré
décesseurs du comte de Cavour : '
« Il est bien h désirer que les souverains
viennent à reconnaître l'importance, même
politique, du Saint-Père. Qui sait si les puis;
sances séparées ne nous précéderont pas sur
ce point ? J'ai entendu, il y a près de vingt
ans, le fameux- avoyer de Berne_, Steiger,
parler sur ce sujet d'une - manière qui au
rait dû être entendue de toute l'Europe, et
il n'y a pas encore longtemps qu'un person
nage ministériel anglais disait que « tout
homme qui parle d'ôtec un pouce de terrain
ad Pape devrait être pendu ». Pjour moi, je
consens volontiers, pour éviter le carnage,
qu'on change pendu en sifflé (3) ».
Dans une autre lettre, adressée celle-là
au roi Victor-Emmanuel I er , et que M. de
Cavour se sera bien gardé de faire lire à
Victor-Emmanuel II, se trouvent les lignes
suivantes :
'« Nous recevons dans ce moment là nriu-.
velle de la convocation du concile de Paris,
avec, la lettre menaçante de Napoléon, qui
a cassé la glace et menace ouvertement de
déposer le Pape..... lime paraît impossible
que,-d'un côté ou d'un autre, il ne s'élève
pas quelque opposition, quelque protesta
tion sublime. Quoi qu'il en soit. Votre Ma-
jeslé assiste avec nous, à l'une des plus
grandes expériences qui puissent avoir Ijeu
sur ce sujet. .Jamais aucun souvqjain. n'a
mis la main sur un Pape quelconque (avec
ou sans raison, c'est ce que je n'examine
point), et n'a pu se vanter ensuite d'un rè
gne long et heureux. Henri IV (4) a souffert
(3) Correspondance, tome V, page-71.
(4) Henri TV. empereur d'Allemagne
pap la 4iJtç «le t4P5« ■
tout ce que peut souffrir un homme et un
prince. Son fils dénaturé mourut delà peste.
à quarante-quatre ans, après un règne fort
agité. Frédéric I'.' mourut à trente-huit ans
dans le Cydnus. Frédéric II fut empoisonné
par son, fils après s'être vu déposé. Phi
lippe le Bel mourut dune chute de cheval,
à quarante-sept ans. Ma plume se-refuse
aux exemples moins anciens. Cela ne prou
ve rien, dira-t-on : à la bonne heure 1 Tout
ce que je demande, t'est qu'il en - arrive
autant à un autr t, quand même cela ne
prouverait rien ; et c'est ce que nous ver
rons (5) ». ... •
Mais M. de Cavour jie se proposait pas
seulement de faire pièce au Pape ; il visait
aussi l'Autriche, et sur ce terrain il pouvait
en effet trouver dans Joseph de Maistre un
auxiliaire véritable. Catholique et royaliste,
de Maistr# était par cela même un vrai, un
bon patriote : rien dd" plus naturtl dès lors
que son antipathie pour l'Autriche, l'enne
mie séculaire du Piémont; et de cette anti
pathie il ne faisait aucunement mystère. Il
consentait bien parfois à distinguer entre la
cour et le cabinet autrichien; mais cette
concession, qu'il était bien-obligé de faire en
raison des liens étroits de parenté qui unis
saient -à l'empereur le roi de Sardaigne,
était de pure forme et ne touchait, pas au
fond. Toutes les fautes de l'Autriche, ses
faiblesses, ses capitulations étaient rele
vées, dans les dépêches du ministre de Sa
Majesté sarde, avec une rigueur implaca
ble, avec une verve passionnée, avep yn$
incomparable éloquence.
Publiées dans, ieqr texte même, sans la-
ouneg et surtout sans additions, ces dépê?
ches auraient produit un effet considér-a»
ble. Comment un homme aussi avisé que
M. de Cavour ne le comprit-il pas? Com
ment fît-il la faute, de confier le soin de
cette publication à un certain docteur en
(5) Carçe>prm$a}]c«, (9171e I|j, pga
droit de l'université de Turin, M. Albert
Blanc, qui, au lieu du texte intégral, ne
donna que des extraits, taillant, coupant,
mutilant, et, pour"comble de disgrâce, inter
venant lui-même à tout propos; mêlant sans
vergogne sa prose à la prose de Joseph de
Maistre? Si' encore M. Albert Blanc eût
écrit en italien, on eût pu lui pardonner ;
mais non, il écrivait en français, et quoi
français ! J'en veux donner ici un échan
tillon : ;
« A l'époque où la Révolution commence,
Joseph de Maistre était entré fort avant dans
une vie de bénédictin. Il avait interrogé d'é
normes bibliothèques de philosophie reli
gieuse, ses habitudès s'étaient assises dans
l'uniformité de cette existence calme et
froide... Il avait acquis dans l'isolement d";
son travail cellulaire la rigidité ma^islralo
des moines de Zurbaran* de ces gontifs-
hommes du royaume spirituel de (1ère et
noble mine... il garde ainsi une originalité
pittoresque aux yeux de l'artiste.,, mais il
perdit la ■ communion soeiaia.,, D'un autre
côté, il avait trempé son cayactère dans la
glace fortifiante d'un viilieu sans agitation,
ses ardeurs s'étaient cou crétées au fond de'
lui-même, .ses facultés comprimées avaient
pris des formes anguleuses, recte s et précises
par une élaboration semblable aux forma»
tions mystérieuses du cristal dans h »itmce
.des roches intérieures » (6),
J'imagine M. de Cavour du trouver:
le style de son docteur un peu anguleux,
même lorsqu'il était le plus recte, et qu'en
conséquenco il lui lava la tôle. Aussi, lors
que deux ans plus tard, en 1800, parurent
deux nouveaux volumes de la Correspon
dance diplomatique de Joseph de Mais-
(6) Mémoires politiques et Coirespançlctncv di-"
plomatique, de Joseph de Ma{s!vt\ W explication,
et commentaire^ par Albert Blanc,
^fletsup efi 4'rcit "do l'université de Turin. Un
Miçhfîl Lévy, éditeur,
tre (7), le nom (Te, M. Albert Blanc bril
lait bien encore en tête de l'ouvrage;
mais, cette fois, plus d'explication, pas
le moindre Commentaire ! L'éditeur avait
passé d'un extrême à l'autre; Il n'indiquait
même pas à qui les lettres étaient adres
sées; il n'avait mis aucune note, même dans
les endroits où elles auraient été le plus né
cessaires ; il laissait de simples initiales aux
noms propres là où il eût été facile de les
donner en entier. En revanche, quand il
les donnait, il les écorchait presque tou
jours. Sainte-Beuve, qui avait au moin»
cola pour lui d'adorer passionnéoip^ ] es ];_
vrcs et qui était gran^ ttd^ ; ; ru t eur de Joseph
sa place le « savant
docteur ai! l'Université de Turin », et lui
3onna gentiment sur les doigts (8). Il est
vrai que notre Turinois, à défaut du suf
frage de Sainte-Beuve, avait conquis ce
lui de M. Scherer, qui puhlia vers çe
temps-là, dans la Bibliothèque universelle
de Genève, et en style' genevois, un factum
contre l'auteur du Pape, où on lit, entre
autres gentillesses, « que la religion do M.
de Maistre est avant tout une théologie,une
théorie ; que sa foi est-un système sur la foi ;
que M. de Maistre, le plus catholique des
esprits, est le moins chrétien des cœurs ;
qu'il a l'érudition et point de science ;
qu'en histoire il n'est, bien souvent que Vol
taire retourné; enfin, qu'il a le tic prophé
tique. »
A mon gré, le Seherer est joli quelquefois.
' . II.'... ■ -
La première édition du livre du Pape a
paru à Lyon en 18i7. C'est encore à une li
brairie de celte ville, la Librairie générale
(7) Comspondance diplomatique du comte Jo
seph de Maistre, recueillie et publiée par M.
Albert Blanc. Deux volumes in-8", chez Michel
Lévy, 18(50,
(8) Causeries du lundi, tome XV, 67 v
catholique et classique, dirigée par MM.
Vitte et Perrussel, que reviendra l'.' n ô nne ur
d'avoir publié une édition des Couvres com
plètes d» Joseph de Maistre véritable
ment digne, par la pure'^ (ju texte et la
beauté de l'impressior^ de l'auteur du Pape
et* des Soirées de, Saint -Pétersbourg. La
Correspondanc
six ceïiis pdges chacun. Les éditeurs ont
fondu: ensemble les Lettres publiées, en
IBP j. (10) et la Correspondance diplomatique
mise au jour en 1858 et 1860; ils y ont
joint un grand nombre de lettres-restées
jusqu'ici inédites, si bien qu'au lieu des!8ô
lettres de 1851, nous n'en avons pas moins
aujourd'hui de 586. Sans doute,il est permis
d'espérer que l'on en pourra découvrir en
core quelques-unes : il n'en reste pas moins
que l'édition actuelle peut justement pré
tendre à être tenue pour complète et défi
nitive. ■ - , l
Sans se laisser awêter pur l'opinio^t de
Joseph do Maistre lui-môme, qui se pro
nonce contre l'ordre chronologique dans les
recueils de lettres, « dès qu'il y a une cor
respondance particulière qui a fourni plu
sieurs lettres remarquables, surtout par la
qualité des personnes èt l par uno v-onfianee
plus intime » (il), les nouveaux éditeurs
ont publié toutes les leUr",* par ordre do=
dates, avec grands Maison, suivant moi.
Avec tout autre diplomate, on aurait pu
craindre que c. mélange^ ce pêle-mêie de
lellros privées cl de dépêches politiques ne,
formât parfois une disparate fâcheuse, ne
(11)" Observations critiques sur u»e éditiam cfea
lettres de Mme de Sêvignv, publiées en lSCfi.cfetar,
Bossango, par M. P.-A. llfemelle, aaeida . w".,.
nistve plénipotentiaire. — IMves çl Opwsçc ,i es
inédits du comte de Maistve^ il
page 438. -
(9! Quatnr^ volumes
(10) opuscules inédits- du «a».te Joseph
de i^'^tre', précédés d'une notice bir graphique
son fils le comte Kodolplto d« ?-'V.ipn>e. Deux
volumes iiHSV A. V&ton, éditons
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