Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1887-05-14
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 mai 1887 14 mai 1887
Description : 1887/05/14 (Numéro 7090). 1887/05/14 (Numéro 7090).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7059090
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 44 Mai 1887
N* 7090. — Edition Quotidienne
Samedi Mai 1*887
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER,
:.A : . EX DÉPARTEMENTS (ONION POSTALE)
Ûn an." . ... 55 » 66 »
Six mois. . . .-- 28 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
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L'UNIVERS- ne répond pas des manuscrits qtji lai sont adressé?
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF ét C i0 , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 13 MA1 1887
On croit si peu à un succès de M.
Goblet qu'on considère comme ouverte
la succession du ministère,et déjà l'on
parle des diverses combinaisons pos-
sibles.C'est peut-être aller un peu vite,
mais on doit reconnaître que la situa
tion du ministère est fort difficile.
Gela, du reste, nous émeut assez peu.
D'après certainsnouvellistes, M. Pel-
letan lirait son rapport demain à la
commission du budget, et le dépose
rait immédiatement ; alors la discus
sion aurait lieu lundi. Dans tous les
cas, le dépôt ne sera pas fait plus tard
que lundi, ce qui renverrait la discus
sion à mardi. Tout le monde paraît
pressé d'en finir.
Hier, au Sénat, après avoir repoussé
une demande d'urgence, on a com
mencé la discussion du projet de loi
relatif au conseil général de la Seine.
M. Buffet a Fait des objections aux-
Suelles ont essayé de répondre MM,,
e Freycinet et Tolain, tous les deux
sénateurs de la Seine. Puis on a ren
voyé la suite de la discussion à la pro
chaine séance, c'est-à-dire à mardi;
s'il y cl une crise ministérielle, l'ajour-
nemerit sera sans doute plus long.
A lia Chambre des députés, après une
question de M.Steenackers sur les dan
gers d'incendie à l'Opéra-Comique, qui
n'est pas le seul théâtre dans ce cas,
on a repris la discussion de la loi sur
le régime des sucres. Le projet du gou
vernement a été vivement critiqué par
MM. Renard et Ribot; ce:dernier a dé
posé un contre-projet,signé par M.Mé-
iine et par lui , et dont le renvoi à la
commission a été demandé par le rap
porteur. Dès lors, il était de droit. De
main, suite de la discussion des su
cres.
A la fin de la séance, M. Hubbard
a proposé une modification au règle
ment,qui a été votée immédiatement.
. C'est aujourd'hui que vient devant
le conseil d'Etat la discussion du
pourvoi dés princes contre les décrets
qui'les ont privés de leurs grades
dans l'armée française. La question
est* de là plus haute importance, non
seulement au point de vue politique,
mais aussi au point de vue des inté
rêts des officiers, que la, loi de 1834,
toujours ,en vigueur, avait déclarés
propriétaires de leur grade.
Les manifestations des étudiants
allemands contre le doyen de la fa
culté de droit de Vienne, coupable
d'avoir soutenu le ministère dans ses
efforts pour donner satisfaction à la
population tchèque, ont pris une telle
gravité que le gouvernement a dû
menacer de fermer momentanément
la faculté. Cela suffira-t-il à arrêter le
mouvement?
Il est maintenant certain que le
gouvernement anglais ne prendra pas
officiellement part à l'exposition aiî
centenaire .de 1.789. Il est, impossible
que nos gouvernants n'avaientpasprévu
les échecs qu'ils éprouvent dans les
diverses cours- étrangères, et c'est ce
qui les condamne. Par crainte des
criailleries radicales, ils se sont [attiré
«ne leçon, qui retombe en définitive
sur la France.
Napoléon (i)
Cé qui frappe M. Taine dans son
étude iîtir Napoléon, c'est cet esprit de
détail et de précisipn qui s'allie à une
imagination démesurée. Leà condiseir
pies de Bonaparte à l'école de Brienne
constatent son inaptitude ou son. peu
dê goût pour les lettres ; en revanche,
il* le donnent pou* le premier mathé
maticien de l 'école, ^s mathemati-
fïu&it nui développeiît .l a,t;t ,eij .i.w )n, lés
ait de détail et de précision, repo.wnt
cependant sur des fictions, des ab&-
tviciioni représentent rien de
réel Et c'est. pow mettait au dernier raftg fr» sciences.
Il est évident que les chiffres se J&içsgnt
"®nier. gi- l 'on calculé 6& qu>ne
pièce de vingt francs, placée à inté
rêts composés sou» le regne de saint
Louis rapporterait aujourdhui, on
arrive â des milliards, et la pï$jïV9 est
irréfragable'. Seulement ces îïiUWFag
sont fictifs, rien dans la nature n y ré
pond. On reproche souvent aux ma
thématiciens d'être à &Qte du bon
sens, et d'avoir des opinions bwres
ou des plans irréalisables. - .
L'habitude de joue? avec 1 abstrait,
pri dehors de toutes conditions maté
riel It'S , caractérise les rêveurs. Bona
parte Avt -il pas m im rêveur? Il a
rêvé l'emp're universel, 1PÏWP 11 * 0 « Oc
cident. Il a cru qu'e» quelques an
nées il avait constitue qijfllguB cfrosfi
de solide. Quand il. s est trouve aux
prises avec la mauvaise fortune, il n a
rien vu de ce que tout le mo^de voyait.
Il s'en rapportait à son étoile, fc» " eu
de compter ses ennemis. Cette *ragl-'
lité de l'empire en 1814, en 1815, en
1870, doit-elle nous étonner? Apres
tout, cette grande machine était en
papier; elle n'avait pas pour fonde
(1) Voir l' Univers du 6 mai.
ment des coutumes de familles ou de
corporations. La vie en était absente.
Ce vaste mécanisme ne se défendait
pas par lui-même. Tout gisait dans la
main du mécanicien suprême, seul
actif et responsable. Qu'avait duré
l'empire d'Alexandre et celui de Char
les-Quint? Et l'empire romain lui-mê
me ?
: Tout était minutieusement prévu
par les lois, la régularité mathémati
que de toutes les administrations po
litiques atteignait la perfection. Seule
ment,cé mécanisme dépendaitde l'exis
tence ou de la santé d'un seul homme.
En 1814 et en 1870, l'échafaudage s'est
écroulé tout d'un coup devant l'étran
ger; et il a encore été moins solide
devant la moindre émeute de l'inté
rieur. Il a l'inconvénient de n'être pas
transmissible. Napoléon n'a jamais
pensé que la main débile de son fils
pût y suffire ; et il n'a pas tenté de lui
créer en France un établissement as
suré,tant ia chimère de l'empire uni
versel l'absorbait toutentier. Metternich
remarque que la qualité dominante
en Bonaparte est la volonté ; c'est par
là qu'il dépassait la nature humaine
et brisait toute volonté contraire. L'in-
tfelligènce, selon Metternich, était bien
inférieure. Et ce contraste explique les
succès et les revers. Il comblait par
son imagination, par sa volonté, la
disproportion entre le but etles moyens
de l'atteindre. Le désastre de Russie
ne l'éclairé pas. Il croit à son étoile, à
la fatalité, et même à Sainte-Hélène
il n'est pas désabusé.
La France moderne est l'œuvre des
Bonaparte, mais cette œuvre est for
mée des matériaux laissés par la Ré
volution, et aujourd'hui elle s'effondre
de toutes parts. Le prince Victor énu-
mère avec complaisance les institu
tions impériales, le code civil, la Ban
que de France , le Concordat, la
magistrature, l'administration, l'ar
mée, la Légion d'honneur. Y a-t-il
donc à nous vanter du code civil, que
repoussent les plus grandes nations
de l'Europe, et qui en France même
est tombé dans un grand discrédit?
Nos finances sont elles dans un é*at
bien prospère? Le Concordat est-il bien
solide, la magistrature bien indépen
dante, et nos préfets et sous-préfets
sônt-ils de bien forts appuis pour le
pouvoir? .
! ' En ramenant l'empire à son origine,
qui est la Révolution, le prince Victor
:ne s'aperçoit pas qu'il en tue l'héré
dité et lui conserve sa forme élective.
Il se pose en candidat, non en héri
tier. Personne n'a hérité dans la mai
son Bonaparte, si même on peut don
ner ce nom dé maison à une famille qui
a été tout aussi instable que lés autres
familles françaises. L'hérédité promise
parles chartes, les constitutions, les
sénatus-consultes n'est qu'un vœu pla
tonique tant que le fait ne s'y ajoute
pas. Les lois défont en un clin d'œil ce
qu'elles ont établi: Louis Napoléon n'a
pas invoqué l'hérédité, mais le vote
populaire; il is'est même plusieurs fois
trempé dans le suffrage universel. Il
se montrait en cela fidèle à la tradition
impériale. Et on n'a pas saisi le sens
de ses relations avec le suffrage uni
versel et le Corps législatif, quand il
les subalternisait à sa volonté parles
candidatures officielles. Au fond, il se
regardait comme le seul vrai représen
tant du peuple, celui dont le titre était
adéquat au vote universel. Dans ce
système, les députés ne représentent
la nation qu'à un titre inférieur ; cha
cun d'eux n'est que l'homme d'une lo
calité. Et la nation, comme telle, n'a
d'autre représentant que l'empereur
qu'elle a élu, ou qui est censé avoir
reçu d'elle son investiture, le droit
absolu de la gouverner, le pouvoir im
périal m confondant avec la souverai
neté du peuple,
Dans un discours mis dans îa bou
che de Marie-Louise en l'absence de
l'empereur, alors retenu au fond' de
l'Allemagne, le Corps législatif se trou
vait qualifié de représentant de la na
tion. Une note foudroyante, rédigée
à la.point» de i'épée et insérée au Mo
niteur ■, apprit au public que le minis
tère s'était trompé et que la plume lui
ftvait fourché, et que le seul représen-
^LXLjt fa la nation, c'est l'empereur.
Après Irçi, ftipftl la famille impériale,
puis le Sénat, én§a Çorps législatif.
Ces représentants subordonnés 4®
nation sont dans l'ordre où ils se rap-
pï&efàsn* le plus; de la volonté impé
riale et d* î'miîueûGC ?- {ercée s .ur eux
par l'empereur. A vrai dire, J?° •
une espèce d'écoulement du droit re
présentatif attribué à l'empereur. Le
ypflet du mandataire du peuple est
plus intense sur ga famille,qui dépend
absolument de lui, que sur les séna
teurs qu'il a nommés ; et à leur tour,
ces sénateurs passent avant les dépu
tés, qqj xi'pnt reçu qu'une simple dé
signation.
Les idées, les préjugés, les ambi
tions qu'a réalisés le génie de Bona
parte sont loin de nous. Les Français
ne songent plus à conquérir le monde,
ke parti bonapartiste, dont le prince
Victor a l'^ir (je prendre la direction,
n'est qu'un pastiche du passé; il ne ré
pond 4 rien ue sérieux. Il trouve eepen-r
dant,dans la tradition impériale même,
bien des principes de conservation so-
0l cipes de j89, 4e ces utopies des consti
tuants que Napoléon a si souvent ba
foués. I quéj son rôle officiel ou,césarien,
Napoléon gardait son mépris pour la
Révolution et les hommes qu'elle a
produits. Il mettait à d'autres temps
de rectifier bien des choses.
Les Mémoires de Metternich nous
révèlent que l'impression générale de
l'Europe fut que la Restauration recu
lait jusqu'en 1789. Les cours étrangè
res, qui avaient surtout combattu la
Révolution, furent choquées d'une po
litique qui affaiblissait l'ordre conser
vateur qu'elles avaient cru établir en
Europe par les traités de Vienne. Il
leur sembla que les institutions impé
riales offraient moins de danger pour
la France et garantissaient mieux la
stabilité de la dynastie. La charte én
effet remettait le pouvoir suprême au
suffrage populaire. La loi qui sous
trayait l'armée à la direction royale,
laissait le roi sans défense contre, les
factions. N'était-ce pas rétrograder au
début de la Révolution ? Les hommes
de 89 ne voulaient pas d'un roi pour
chef de l'armée, mais un ministre
soumis aux fluctuations de l'assemblée
populaire. Le retour de Louis XVIII
parut donc un retour à 89.
L'empire constituait un vrai roi, "un
chef d'armée. Tout le monde est sans
doute d'accord que c'est là le vrai
droit royal. L'instabilité, sociale, dont
nous ne prévoyons pas là fin" et qui
commence à menacer notre existence
nationale, a préoccupé l'empereur,
et la discussion du code civil nous le
montre moins révolutionnaire que ses
légistes. N'émettait-il pas l'opinion de
rendra indivisible un immeuble d'une
valeur inférieure à cent mille francs'
Il devançait son époque, et c'est là
toute la réforme de l'agriculture. 11
s'inquiétait de la diminution des pâtu
rages et il disait à ses légistes du con
seil d'Etat : « Messieurs, nous ne man
querons pas de bêtes en France, mais
nous manquerons de bétail. » Il com
prenait l'avenir que nous préparaient
nos lois de morcellement et d'instabi
lité.
. L'institution des majorats n'est-elle
pas étonnante pour l'époque ? n'attes-
te-t-elle pas, du moins en théorie, un
esprit plus monarchique ou plus con
servateur que celui de l'ancienne mo
narchie pendant les trois derniers
siècles de son existence ? Si l'on écarte
la folie de l'empire universel et si l'on
suppose Bonaparte non plus empereur
romain, mais modestement roi de
France,- n'a-t-on pas une perspective
inattendue? D'autant plus qu'alors il
n'aurait plus eu de môtifs de prétendre
au souverain pontificat de l'Eglise ca
tholique. Ce côté de la tradition impé
riale est peu goûté du parti bonapar
tiste, qui aime mieux invoquer les
principes de la Révolution que s'atta
cher aux témoignages contre-révolu
tionnaires de son héros. Metternich
raconte que, dans une conversation où
il mettait en contradiction la loi élec
torale et le système impérial, Napoléon
lui répondit qu'il ne laisserait pas son
fils aux prises avec un pareil suffrage.
Il exprima la pensée que le suffrage
populaire deviendrait inoffensif et
vraiment monarchique, si dans cha
que circonscription l'empereur choi
sissait le député parmi les trois candi
dats qui auraient obtenu le plus de
voix. Nous le croyons sans peine, et
c'est une sôlution de la question élec
torale que nous recommandons vo
lontiers. Si le prince Victor veut ré
gner en France saus sortir du parti
conservateur, c'est à cet ordre d'idées
qu'il doit se reporter. Il signale les
moments de haute lucidité du génie
impérial et nous ramène à cette con
solidation des fortunes et des intérêts
qui fait la force et la durée des Etats.
Le parti bonapartiste parait atten
dre plus de la Révolution. Louis-Napo
léon a continué l'oncle sans le com
prendre. Napoléon laissait entendre
que ses lois de destruction sociale
avaient pour but d'achever la démoli
tion de l'ancien régime, et qu'il fau r
drait d'autres lois pour fonder le nou
veau et r^ppuyei! sur l'esprit de fa
mille. Le neveu, imitateur maladroit,
appliqua aux intérêts nouveaux pour
les empêcher de s'affermir, L*s lois de
dissqlutipn . sociale. Et la dèmoqrçtje
moderne, afant 4e s être fermée, se
dissent dans }e socialisme parce qu'elle
ne peut plus supporter le droit depro*
priété et l'esprit de famille.
Les bonapartistes ne savent pas
utiliser les souvenirs impériaux qui
seraient de nature' à nous réconci-
Jiflj? ÇLyep l'Europe, puisqu'ils sont en
dehors au' régiïrie' ae ' çdn'qi}ête' J e't de
révolution propagé pendant quinze
ans par le premier Bonaparte. Les bo-
-""^artistes espèrent toujours en la Ré-
Uu». .
volutîon, tnafs la Révolution n'a plus
besoin de dictateurs, elle est répandue
partout; la presse, les chemins de fer,
les télégraphes, le libre-échange lui as
surent une unité, une facilité d'action
et de direction dont il est facile de me
surer la portée.^ Elle n'a même plus be
soin de sociétés secrètes, tant la so
ciété officielle lui offre de garanties
et se charge elle-même de se démolir.
Louis-Napoléon a épuisé la légende
impériale, et pas plus que les tenta
tives du cousin Jérôme, la lettre du
prince Victor ne la ravivera.
COQUILLB.
, ; + ■ ——'
Au commencement de la séanoe du
Sénat, on pouvait croire qu'elle dure
rait cinq minutes, puisque tous les
orateurs ouvraient la bouche pour an
noncer qu'ils ne voulaient pas prendre
la parole.. A propos des agents des
compagnies de chemins de fer, tout le
monde s'est effacé ; M. Tolain en reti
ràht son contre-projet, M. Cuvinofc en
refusant de soutenir le projet de la
commission. Restait le projet qui crée
le conseil général de la Seine : l'ur
gence était repoussée à l'unanimité;
le rapporteur, M. Georges Martin, ex
pliquait avec peine qu'il était tout prêt
à défendre son œuvre, mais lorsque
ses adversaires auraient parlé. Or,
ceux-ci ne bronchaient pas, disposés
qu'ils étaient à rejeter l'idée d'un con
seil général de la Seine, sans même
lui faire l'honneur d'une discussion
sommaire; et M. Georges Martin, l'air
navré, un gros dossier sous le bras, al
lait et venait, cherchant des adversai
res et assurant qu'il avait d'excellents
arguments à faire valouère en /eveur
du conseil général de Péris. M. Buffet,
ayant voulu voir ces fameux argu
ments, la discussion s'est engagée et
elle est devenue vive et intéressante..
Quelles sont, a demandé M. Buffet,
les raisons, d'ordre administratif qui
pourraient motiver l'institution d'un
conseil général? M. Georges Martin a
répondu qu'il y en avait un tas, des
tas, des montagnes ; ainsi par exem
ple,.. euh... «h ! bien oui, tenez,le gaz,
Je gaz évidemment, et puis... et puis
l'eau ; les habitants de la banlieue
payent le gaz et l'eau plus cher qu'ils
ne les payeraient si le préfetde la Seine
pouvait soutenir les intérêts de la ban
lieue devant un conseil général. Il pa
raît que ledit préfet est extrêmement
embarrassé au milieu des conseillers
municipaux. Il est certain que si M..
Poubelle est aussi emberressé que l'é
tait hier M. Georges Martin, les com
munes suburbaines sont assez mal re
présentées. -
Mais tout cela n'est pas sérieux, a
répliqué M. Buffet. Et analysant la
^question avec l'admirable netteté qui
caractérise son talent, M. Buffet a
montré que l'institution d'un conseil
général de la Seine serait le prélude
de la mairie centrale de Paris, cette
mairie qui effraye d'avance jusqu'aux
opportunistes. En effet, dès qu'on ac
cepte l'idée du droit commun pour la
Seine, la division du département et
de la municipalité s'ensuit; et quand
on aura donné au département son
conseil général, la municipalité récla
mera son maire ; or, la mairie centrale
c'est la Commune, c'est 93 et 71.
A la surprise générale, M. de Freyci
net est intervenu. Il y avait si long
temps qu'il n'avait pas capitulé qu'il en
était fatigué. Il a raconté les origines
du projet actuel et, sans le soutenir for
mellement, il l'a montré comme une
œuvre opposée au conseil munici-
pal.
: M. Tolain, à son tour, obligé comme
M- de Freycinet à donner une satis
faction aux électeurs de la banlieue, a
répété que l'idée d'un conseil général
est mal vue de la plus grande partie
du conseil municipal. Or, comme c'est
le conseil municipal qui désire la mai
rie centrale, il faudrait croire, d'après
M. Tolain, que le conseil général sera
un obstacle à cette mairie et par con
séquent une garantie d'ordre.
M. Tolain sait bien cependant que
le sentiment des conseillers munici
paux ne signifie rien et ne garantit
rien. Ils sont jaloux ; leur vanité les
emporte à critiquer un projet qui, en
réalité, sert leurs intentions; cela se
voit souvent et le. contraire également,
Ils veulent là mairie centrale, mais ils
sont vexés de perdre un peu de leur
importance et ils voudraient obte
nir la mairie à d'autres conditions.
Est-ce qu'on n'a jamais vu des gens
combattre un-système conforme à
leur doctrine ou en soutenir un nui
sible à leur cause, selon qu'apparaît
l'intérêt personnel ou que se manifeste
la passion du moment? Ainsi MM. de
Freycinet et Tolain sont mécontents et
effrayés de ce projet de çqr^çùl géné
ral ; c'est avec to,uta la mauvaise grâce
possible qu'ifs sont entrés en rapports
avec la ligue de la banlieue, et hier,
s'ils se disaient contents et rassqréa,
C'est parce que l'intérêt électoral les
contraint à pyerçdre cet ajr et ces ma
nières. Au fond, ils ne veulent p^s du
tout du conseil général et, au fond, les
conseillers municipaux" centralistes,
si agacés qu'ils seient à la pensée de
n'être plus tout, savent bien que le
conseil départemental amènerait fata
lement la mairie.
M. Tolain a exprimé 1$ désir de
connaître l'aw| du gouvernement. On
s'est 1 "àjourhê à mardi pour entendre
M. Goblet, qui n'avait pas besoin de
cette nouvelle occupation.
Eugène Tavernier,
grande et continuelle rumeur courait
à travers les.couloirs, et les cent cin
quante députés qui avaient pris place
dans la salle, réunis par petits grou
pes, tenaient des conciliabules pleins
d'animation, au lieu d'écouter l'hono
rable M. Renard. Qu'ils eussent tort,
c'est positif, car M. Renard connait
parfaitement la question des sucres, et
combattait la loi proposée avec beau
coup de vigueur et une incontestable
solidité d'argumentation ; mais il faut
le reconnaître : il y avait des circons
tances atténuantes. La séculaire ques
tion des sucres, reparaissant à la
veille d'une crise ministérielle, tombe
mal et perd évidemment beaucoup de
son intérêt pour une Assemblée par
lementaire.
Cependant lorsque M. Ribot est
monté à la tribune, le silence, tout de
suite, s'est rétabli. M. Ribot «rentrait»
au Palais-Bourbon. La Chambre de
1885 n'avait pas encore joui du plaisir
de l'entendre. Il était ému. Il a, du
reste, assez vite dominé cette émotion,
et nous a fait bientôt voir qu'il n'a
vait rien perdu de son talent. Député
du Pas-de-Calais, il repousse, avec
raison, le projet de loi tel que la com
mission le présente, car il serait très
nuisible aux régions du Nord. Il veut
,au moins qu'on l'amende sérieuse
ment. Il a démontré, d'une façon
péremptoire, que la loi de 1884 sur les
sucres n'avait pas coûté au Trésor
tant de millions que le prétendent mi
nistres et commissaires. C'est de beau
coup qu'il s'en faut. Par contre, la loi
de 1884 a produit pour les fabricants
et les consommateurs des résultats
merveilleux, inespérés. Donc, n'y tou
chons qu'avec prudence. M. Ribot,
sur ce sujet aride et technique, a su se
faire écouter, avec plaisir, par ce temps
de crise, pendant plus d'une heure.
Quel dommage que le caractère de cet
homme ne soit point à la hauteur de
son talent! Mais il est et restera un
pusillanime! '
Après une réponse ennuyeuse et
grincheuse de M. Wilson, la Chambre
a clos la discussion générale.
Pierre Veuillot.
UNE
Définition de l 'économie politique
M. Dauphin écoutait hier, avec at
tention et recueillement, les orateurs
qui se succédaient à la tribune, par
lant, sur le projet de. loi relatif aux
sucres. Il multipliait les signes de né
gation, d'assentiment ; il prenait force
notes; il était bien à son affaire. N'est-
il point le ministre des finances ? et le
ministre des finances* ne doit-il pas
intervenir dans la discussion de ce
projet, qui peut, s'il est voté, accroître
notablement les ressources du Trésor
appauvri ? Sans aucun doute, Mais,
lorsque viendra l'heure pour le minis
tre des finances démonter à la tribune,
le ministre des finances sera-t-il en
core M. Dauphin? C'est la question.
M. Dauphin ne semblait pas se préoc
cuper du tout de cette vétille. .
Il était bien le seul. Autour de lui,
on ne parlait que de la crise pro
chaine; nul ne la mçt en doute. Une
L'économie politique, de l'aveu
même de ses plus chauds partisans,
est une science encore dans l'en
fance, et sujette à bien.des lacunes.
Elle a été, on peut le dire, conçue
dans le péché, et elle tient de ges
origines un sang plus .ou moins vicié.
La philosophie du dix-huitième siècle,
en même temps qu'elle lui imprimait
le sceau du matérialisme, lui inspi
rait un tel orgueil qu'elle estimait
être la reine des sciences. Rien de
plus naturel en effet : au temps de
saint Thomas, des grandes cathédra
les, des croisades, Dieu et l'âme
étaient au premisr plan ; de : là, la
royauté de la théologie ; au siècle der
nier et de nos jours encore, une con-,
céption fausse et basse de la vie, une
perversion de la fin supérieure , de
l'homme a pour conséquence fatale
de mettre sur le trône les arts e-t les
scienoes dont le but est de faire de la
terre une sort» de nouvel Eden. C'est
là ce qui explique l'importance déme
surée donnée à l'éoonomie politique
et la, physionomie matérialiste qu'elle
revêt,
Plusieurs ont déjà tenté de la remet
tre à sa véritable place et de baptiser
cette pauvre infidèle. Il n'est que juste
de citer MM. de Villeneuve-Bar?^-
mont, Périn, Claudio Jannet, fîïants,
etc. ; l'éeale de l'illustre M. Le Play, et
l'QEww des Cercles catholiques d'ou
vriers marchent dans la même voie
avec les différence leur sont ppqpresu.
.ti es , éminents rédacteurs de la Ci-
viltç, çatiolica , cette revue catholique
type, ont parfaitement compris com
bien il était important de ne pas
abandonner aux gens du dehors la
direction de la science économique.
Dans cette question du pain Quotidien,
qui implique tant de questions prati-
ques, délicate^ et dont la solution
s'impose chaque jour plus impérieu-
s.eméntj la religion a le droit de dire
son mot: la parole qui fait la lumière,
qui répand la charité et qui proclame
la justice.
.Alissi aammes-nous heureux de voir
la Civil ta commencer, dans son avant-
dernière livraison , une étude de
longue haleine et approfondie du pro
blème économique à la lumière de
l'expérience, de la soience et, ce qui
est capital, des principes traditionnels
catholiques,
Le premier article, en quelques pages
très olair^, assigne à l'économie poli
tique son véritable rang dans-la hié
rarchie des connaissances humaines et
en donne une idée très nette et très
juste.
L'économie politique appartient in
contestablement à la classe des scien
ces sociales ; car elle a en vue un bien
social, non pas sans doute tout le bien
social, la richesse, le bien-être maté
riel n'étant qu'une portion, apprécia
ble à la vérité, secondaire cependant,
de cette félicité du temps, félicitas tem
porales, qui est le but propre et pro
chain de la société publique. L'homme
étant autre qu'un outil animé de
production, et la société n'étant pas
un pur atelier et une simple usine, il
e§t évident que la science économique
est naturellement subordonnée à l'ordre
et à la science politiques. A son tour
l'ordre " politique est essentiellement
dépendant de l'ordre moral ; il n'y a
pas, il ne peut y avoir de bien poli
tique véritable à l'encontre de l'hon
nête et du juste proclamés par la loi
morale.
Dès lors, et par une conséquence
nécessaire,l'ordre économique est sou
mis à l'ordre moral ; une science éco
nomique émancipée de la science mo
rale est un contre-sens. Ces principes
suivis et appliqués mènent loin, et
font bonne justice .d'une foule de
prétentions des tenants de l'économie
libérale.
Il n'est pas difficile,après cela, de
donner une définition ou, si l'on veut,
une description exacte de l'économie
politique. L'on peut,avec le docte écri
vain de la Civil ta, la définir : La science
de la richesse publique coordonnée, con
formément à la loi morale, au bien-être;
social.
Cette définition ouvre un vaste jour
"sur la science tout entière ; elle en
montre l'objet précis, elle en déclare
la, subordination essentielle à l'ordre
politique et à l'ordre moral, elle en dit
le caractère social. Bref, elle fait de
l'économie politique une science vrai
ment humaine, si non plus une science
animale. ,
G. de Pascal.
Assemblée générale des catholiques
! ' La présence de M. le comte Albert de Mun
;au congrès catholique avait attiré hier une
assistance si considérable que cotte fois
encore on a refusé un grand nombre de
personnes munies de lettres d'invitation.
Le fauteuil de la présidence était occupé par
Mgr d'Hulst, entouré, do MM. Chesnelong
et de Belcastel, MM. de Lamarzelle, Thel-
lier de Poncheville, Domet de Vorges, de
Marolles, le R. P. Clerc, etc. '
■ 'M. dê Launay a lu un rapport de M. Ro-
haut de Fleury sur l'état de,l'église du Vœu
national, dont une partie a été bénie
et livrée au culte. Le plan de M. Abadie,
continué par des architectes dignes de la
plus grande confiance, assure la plus par
faite exécution à cette œuvre; des pèleri
nages nombreux viennent la visiter. Il
importe de répandre le Bulletin du Vœu
national , et d'exciter par tous les moyens
le zèle en faveur de l'œuvre.
M. le général de Montariy a parlé des
œuvres do militaire e (, marins et fait
allusion au r^ our vers j es principes chré-
tien-= qui se fait dans les hautes régions de
• l'armée. Il souhaite que les officiers chré
tiens facilitent aux soldats l'accomplisse
ment de leurs dévoirs religieux, surtout à
l'hôpital, et,en cas de guerre, il espère que
la voix catholique sera assez forte pour im
poser l'acceptation d'aumôniers volontaires
en sus du nombre insuffisant d'aumôniers
réguliers. r
M. le comte de Caulaincourt a lu un rap
port du R. P. Abbts, S. J., sur la franc-
maçonnerie. Le Saint-Père a encouragé îa
ligue anti-mâçonnique et témoigné son ap
probation aux auteurs des articles de la
Civilta Cattolica relatifs à la question ma-
çonnique. A l'exemple de ce qui se fait en
Belgique, dans l'Equateur et ailleurs, lca
catholiques de France devraient prendre
l'engagement formel de se préserver et de
préserver de la franc-maçonnerie ceux suc
qui ils peuvent avoir quelque action.
C'est en s'inspirant d'une pçnsée: analogue
que M. le comte Yvert u p>r r lé de la société
des propriétaire* détiens . Cette société^
a prâsà tâcb» de réveiller l'actionnaire qui
dort, tendis que son argent agit parfois
Pl'ls ou moins moralement. Qn ne doit ja
mais placer d'argent dans une entreprise
destinée à répandre le mal, telle qu'un mau
vais journal, mais il existe, des entreprises,
indifférentes en elles-mêmes, où il peut se
produire des abus dont un chrétien ne doit
pas être le complice. Les actionnaires ont
le droit de demander au conseil d'adminis
tration des explications et le pouvoir de lui
imposer certaines conditions : qu'ils s'en
servent pour le bien, pour supprimer ou
restreindre le travail du dimanche dans le
personnel, etc. D'heureux résultats ont déjà
été obtenus dans ce sens.
M. le vicomte de Damas rappelle le vœu
émis l'an dernier pour la formation de co
mités destinés à recueillir les offrandes en
vue du jubilé sacerdotal de Léon XIII. Los
comités ont été formés, ils fonctionnent et
recueillent en grand nombre les cadeaux
dont M. de Damas cite et décrit les princi
paux. Les villes de France rivalisent, de zèle
et de générosité à cet égard. L'orateur ter
mine en engageant ses auditeurs à redou
bler, eux jtussi, do zèle et d'empressement.
Un rapport de M. de Pcnanrun sur Tasso-
ciation pour l'observation du dimanche
dans l'industrie du bâtiment a donné d'inté
ressants détails sur les dispositions excel
lentes des ouvriers à cet égard.
On espère accroîtra dans de bonnes pro
portions le nombre des architectes, entre
preneurs, menuisiers adhérents, et on Tait
appel aux prières et aux encouragements
de l'assembléo, ■
L 'assemblée adopte ensuite trois vœux
émis par les Commissions, et que nous don-
nei'O'Vs ultérieurement.
M. le comte Albert de' Mun, accueilli par
les'applaudissements de toute la salle, pro
nonce alors le magnifique discours que nos
lecteurs trouveront plus loin. C'est un vé
ritable triomphe pour l'orateur et pour-
l'œuvre qu'il représente.
Mgr d'Hulst dit qu'il n'est ni opti
miste, ni pessimiste, dans la question de-
l'avenir dù pays.. Les catholiques doivent
reconquérir les positions qu'ilsoni perdues^
mais du moins leur faut-il pour cela la
sympathie et l'appui de l'esprit public,
N* 7090. — Edition Quotidienne
Samedi Mai 1*887
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER,
:.A : . EX DÉPARTEMENTS (ONION POSTALE)
Ûn an." . ... 55 » 66 »
Six mois. . . .-- 28 50 34 »
Trois mois. . . 15 » 18 »
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Les abonnement» partent des I" et le de chaque mois
L'UNIVERS- ne répond pas des manuscrits qtji lai sont adressé?
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF ét C i0 , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 13 MA1 1887
On croit si peu à un succès de M.
Goblet qu'on considère comme ouverte
la succession du ministère,et déjà l'on
parle des diverses combinaisons pos-
sibles.C'est peut-être aller un peu vite,
mais on doit reconnaître que la situa
tion du ministère est fort difficile.
Gela, du reste, nous émeut assez peu.
D'après certainsnouvellistes, M. Pel-
letan lirait son rapport demain à la
commission du budget, et le dépose
rait immédiatement ; alors la discus
sion aurait lieu lundi. Dans tous les
cas, le dépôt ne sera pas fait plus tard
que lundi, ce qui renverrait la discus
sion à mardi. Tout le monde paraît
pressé d'en finir.
Hier, au Sénat, après avoir repoussé
une demande d'urgence, on a com
mencé la discussion du projet de loi
relatif au conseil général de la Seine.
M. Buffet a Fait des objections aux-
Suelles ont essayé de répondre MM,,
e Freycinet et Tolain, tous les deux
sénateurs de la Seine. Puis on a ren
voyé la suite de la discussion à la pro
chaine séance, c'est-à-dire à mardi;
s'il y cl une crise ministérielle, l'ajour-
nemerit sera sans doute plus long.
A lia Chambre des députés, après une
question de M.Steenackers sur les dan
gers d'incendie à l'Opéra-Comique, qui
n'est pas le seul théâtre dans ce cas,
on a repris la discussion de la loi sur
le régime des sucres. Le projet du gou
vernement a été vivement critiqué par
MM. Renard et Ribot; ce:dernier a dé
posé un contre-projet,signé par M.Mé-
iine et par lui , et dont le renvoi à la
commission a été demandé par le rap
porteur. Dès lors, il était de droit. De
main, suite de la discussion des su
cres.
A la fin de la séance, M. Hubbard
a proposé une modification au règle
ment,qui a été votée immédiatement.
. C'est aujourd'hui que vient devant
le conseil d'Etat la discussion du
pourvoi dés princes contre les décrets
qui'les ont privés de leurs grades
dans l'armée française. La question
est* de là plus haute importance, non
seulement au point de vue politique,
mais aussi au point de vue des inté
rêts des officiers, que la, loi de 1834,
toujours ,en vigueur, avait déclarés
propriétaires de leur grade.
Les manifestations des étudiants
allemands contre le doyen de la fa
culté de droit de Vienne, coupable
d'avoir soutenu le ministère dans ses
efforts pour donner satisfaction à la
population tchèque, ont pris une telle
gravité que le gouvernement a dû
menacer de fermer momentanément
la faculté. Cela suffira-t-il à arrêter le
mouvement?
Il est maintenant certain que le
gouvernement anglais ne prendra pas
officiellement part à l'exposition aiî
centenaire .de 1.789. Il est, impossible
que nos gouvernants n'avaientpasprévu
les échecs qu'ils éprouvent dans les
diverses cours- étrangères, et c'est ce
qui les condamne. Par crainte des
criailleries radicales, ils se sont [attiré
«ne leçon, qui retombe en définitive
sur la France.
Napoléon (i)
Cé qui frappe M. Taine dans son
étude iîtir Napoléon, c'est cet esprit de
détail et de précisipn qui s'allie à une
imagination démesurée. Leà condiseir
pies de Bonaparte à l'école de Brienne
constatent son inaptitude ou son. peu
dê goût pour les lettres ; en revanche,
il* le donnent pou* le premier mathé
maticien de l 'école, ^s mathemati-
fïu&it nui développeiît .l a,t;t ,eij .i.w )n, lés
ait de détail et de précision, repo.wnt
cependant sur des fictions, des ab&-
tviciioni représentent rien de
réel Et c'est. pow
Il est évident que les chiffres se J&içsgnt
"®nier. gi- l 'on calculé 6& qu>ne
pièce de vingt francs, placée à inté
rêts composés sou» le regne de saint
Louis rapporterait aujourdhui, on
arrive â des milliards, et la pï$jïV9 est
irréfragable'. Seulement ces îïiUWFag
sont fictifs, rien dans la nature n y ré
pond. On reproche souvent aux ma
thématiciens d'être à &Qte du bon
sens, et d'avoir des opinions bwres
ou des plans irréalisables. - .
L'habitude de joue? avec 1 abstrait,
pri dehors de toutes conditions maté
riel It'S , caractérise les rêveurs. Bona
parte Avt -il pas m im rêveur? Il a
rêvé l'emp're universel, 1PÏWP 11 * 0 « Oc
cident. Il a cru qu'e» quelques an
nées il avait constitue qijfllguB cfrosfi
de solide. Quand il. s est trouve aux
prises avec la mauvaise fortune, il n a
rien vu de ce que tout le mo^de voyait.
Il s'en rapportait à son étoile, fc» " eu
de compter ses ennemis. Cette *ragl-'
lité de l'empire en 1814, en 1815, en
1870, doit-elle nous étonner? Apres
tout, cette grande machine était en
papier; elle n'avait pas pour fonde
(1) Voir l' Univers du 6 mai.
ment des coutumes de familles ou de
corporations. La vie en était absente.
Ce vaste mécanisme ne se défendait
pas par lui-même. Tout gisait dans la
main du mécanicien suprême, seul
actif et responsable. Qu'avait duré
l'empire d'Alexandre et celui de Char
les-Quint? Et l'empire romain lui-mê
me ?
: Tout était minutieusement prévu
par les lois, la régularité mathémati
que de toutes les administrations po
litiques atteignait la perfection. Seule
ment,cé mécanisme dépendaitde l'exis
tence ou de la santé d'un seul homme.
En 1814 et en 1870, l'échafaudage s'est
écroulé tout d'un coup devant l'étran
ger; et il a encore été moins solide
devant la moindre émeute de l'inté
rieur. Il a l'inconvénient de n'être pas
transmissible. Napoléon n'a jamais
pensé que la main débile de son fils
pût y suffire ; et il n'a pas tenté de lui
créer en France un établissement as
suré,tant ia chimère de l'empire uni
versel l'absorbait toutentier. Metternich
remarque que la qualité dominante
en Bonaparte est la volonté ; c'est par
là qu'il dépassait la nature humaine
et brisait toute volonté contraire. L'in-
tfelligènce, selon Metternich, était bien
inférieure. Et ce contraste explique les
succès et les revers. Il comblait par
son imagination, par sa volonté, la
disproportion entre le but etles moyens
de l'atteindre. Le désastre de Russie
ne l'éclairé pas. Il croit à son étoile, à
la fatalité, et même à Sainte-Hélène
il n'est pas désabusé.
La France moderne est l'œuvre des
Bonaparte, mais cette œuvre est for
mée des matériaux laissés par la Ré
volution, et aujourd'hui elle s'effondre
de toutes parts. Le prince Victor énu-
mère avec complaisance les institu
tions impériales, le code civil, la Ban
que de France , le Concordat, la
magistrature, l'administration, l'ar
mée, la Légion d'honneur. Y a-t-il
donc à nous vanter du code civil, que
repoussent les plus grandes nations
de l'Europe, et qui en France même
est tombé dans un grand discrédit?
Nos finances sont elles dans un é*at
bien prospère? Le Concordat est-il bien
solide, la magistrature bien indépen
dante, et nos préfets et sous-préfets
sônt-ils de bien forts appuis pour le
pouvoir? .
! ' En ramenant l'empire à son origine,
qui est la Révolution, le prince Victor
:ne s'aperçoit pas qu'il en tue l'héré
dité et lui conserve sa forme élective.
Il se pose en candidat, non en héri
tier. Personne n'a hérité dans la mai
son Bonaparte, si même on peut don
ner ce nom dé maison à une famille qui
a été tout aussi instable que lés autres
familles françaises. L'hérédité promise
parles chartes, les constitutions, les
sénatus-consultes n'est qu'un vœu pla
tonique tant que le fait ne s'y ajoute
pas. Les lois défont en un clin d'œil ce
qu'elles ont établi: Louis Napoléon n'a
pas invoqué l'hérédité, mais le vote
populaire; il is'est même plusieurs fois
trempé dans le suffrage universel. Il
se montrait en cela fidèle à la tradition
impériale. Et on n'a pas saisi le sens
de ses relations avec le suffrage uni
versel et le Corps législatif, quand il
les subalternisait à sa volonté parles
candidatures officielles. Au fond, il se
regardait comme le seul vrai représen
tant du peuple, celui dont le titre était
adéquat au vote universel. Dans ce
système, les députés ne représentent
la nation qu'à un titre inférieur ; cha
cun d'eux n'est que l'homme d'une lo
calité. Et la nation, comme telle, n'a
d'autre représentant que l'empereur
qu'elle a élu, ou qui est censé avoir
reçu d'elle son investiture, le droit
absolu de la gouverner, le pouvoir im
périal m confondant avec la souverai
neté du peuple,
Dans un discours mis dans îa bou
che de Marie-Louise en l'absence de
l'empereur, alors retenu au fond' de
l'Allemagne, le Corps législatif se trou
vait qualifié de représentant de la na
tion. Une note foudroyante, rédigée
à la.point» de i'épée et insérée au Mo
niteur ■, apprit au public que le minis
tère s'était trompé et que la plume lui
ftvait fourché, et que le seul représen-
^LXLjt fa la nation, c'est l'empereur.
Après Irçi, ftipftl la famille impériale,
puis le Sénat, én§a Çorps législatif.
Ces représentants subordonnés 4®
nation sont dans l'ordre où ils se rap-
pï&efàsn* le plus; de la volonté impé
riale et d* î'miîueûGC ?- {ercée s .ur eux
par l'empereur. A vrai dire, J?° •
une espèce d'écoulement du droit re
présentatif attribué à l'empereur. Le
ypflet du mandataire du peuple est
plus intense sur ga famille,qui dépend
absolument de lui, que sur les séna
teurs qu'il a nommés ; et à leur tour,
ces sénateurs passent avant les dépu
tés, qqj xi'pnt reçu qu'une simple dé
signation.
Les idées, les préjugés, les ambi
tions qu'a réalisés le génie de Bona
parte sont loin de nous. Les Français
ne songent plus à conquérir le monde,
ke parti bonapartiste, dont le prince
Victor a l'^ir (je prendre la direction,
n'est qu'un pastiche du passé; il ne ré
pond 4 rien ue sérieux. Il trouve eepen-r
dant,dans la tradition impériale même,
bien des principes de conservation so-
0l
tuants que Napoléon a si souvent ba
foués. I quéj son rôle officiel ou,césarien,
Napoléon gardait son mépris pour la
Révolution et les hommes qu'elle a
produits. Il mettait à d'autres temps
de rectifier bien des choses.
Les Mémoires de Metternich nous
révèlent que l'impression générale de
l'Europe fut que la Restauration recu
lait jusqu'en 1789. Les cours étrangè
res, qui avaient surtout combattu la
Révolution, furent choquées d'une po
litique qui affaiblissait l'ordre conser
vateur qu'elles avaient cru établir en
Europe par les traités de Vienne. Il
leur sembla que les institutions impé
riales offraient moins de danger pour
la France et garantissaient mieux la
stabilité de la dynastie. La charte én
effet remettait le pouvoir suprême au
suffrage populaire. La loi qui sous
trayait l'armée à la direction royale,
laissait le roi sans défense contre, les
factions. N'était-ce pas rétrograder au
début de la Révolution ? Les hommes
de 89 ne voulaient pas d'un roi pour
chef de l'armée, mais un ministre
soumis aux fluctuations de l'assemblée
populaire. Le retour de Louis XVIII
parut donc un retour à 89.
L'empire constituait un vrai roi, "un
chef d'armée. Tout le monde est sans
doute d'accord que c'est là le vrai
droit royal. L'instabilité, sociale, dont
nous ne prévoyons pas là fin" et qui
commence à menacer notre existence
nationale, a préoccupé l'empereur,
et la discussion du code civil nous le
montre moins révolutionnaire que ses
légistes. N'émettait-il pas l'opinion de
rendra indivisible un immeuble d'une
valeur inférieure à cent mille francs'
Il devançait son époque, et c'est là
toute la réforme de l'agriculture. 11
s'inquiétait de la diminution des pâtu
rages et il disait à ses légistes du con
seil d'Etat : « Messieurs, nous ne man
querons pas de bêtes en France, mais
nous manquerons de bétail. » Il com
prenait l'avenir que nous préparaient
nos lois de morcellement et d'instabi
lité.
. L'institution des majorats n'est-elle
pas étonnante pour l'époque ? n'attes-
te-t-elle pas, du moins en théorie, un
esprit plus monarchique ou plus con
servateur que celui de l'ancienne mo
narchie pendant les trois derniers
siècles de son existence ? Si l'on écarte
la folie de l'empire universel et si l'on
suppose Bonaparte non plus empereur
romain, mais modestement roi de
France,- n'a-t-on pas une perspective
inattendue? D'autant plus qu'alors il
n'aurait plus eu de môtifs de prétendre
au souverain pontificat de l'Eglise ca
tholique. Ce côté de la tradition impé
riale est peu goûté du parti bonapar
tiste, qui aime mieux invoquer les
principes de la Révolution que s'atta
cher aux témoignages contre-révolu
tionnaires de son héros. Metternich
raconte que, dans une conversation où
il mettait en contradiction la loi élec
torale et le système impérial, Napoléon
lui répondit qu'il ne laisserait pas son
fils aux prises avec un pareil suffrage.
Il exprima la pensée que le suffrage
populaire deviendrait inoffensif et
vraiment monarchique, si dans cha
que circonscription l'empereur choi
sissait le député parmi les trois candi
dats qui auraient obtenu le plus de
voix. Nous le croyons sans peine, et
c'est une sôlution de la question élec
torale que nous recommandons vo
lontiers. Si le prince Victor veut ré
gner en France saus sortir du parti
conservateur, c'est à cet ordre d'idées
qu'il doit se reporter. Il signale les
moments de haute lucidité du génie
impérial et nous ramène à cette con
solidation des fortunes et des intérêts
qui fait la force et la durée des Etats.
Le parti bonapartiste parait atten
dre plus de la Révolution. Louis-Napo
léon a continué l'oncle sans le com
prendre. Napoléon laissait entendre
que ses lois de destruction sociale
avaient pour but d'achever la démoli
tion de l'ancien régime, et qu'il fau r
drait d'autres lois pour fonder le nou
veau et r^ppuyei! sur l'esprit de fa
mille. Le neveu, imitateur maladroit,
appliqua aux intérêts nouveaux pour
les empêcher de s'affermir, L*s lois de
dissqlutipn . sociale. Et la dèmoqrçtje
moderne, afant 4e s être fermée, se
dissent dans }e socialisme parce qu'elle
ne peut plus supporter le droit depro*
priété et l'esprit de famille.
Les bonapartistes ne savent pas
utiliser les souvenirs impériaux qui
seraient de nature' à nous réconci-
Jiflj? ÇLyep l'Europe, puisqu'ils sont en
dehors au' régiïrie' ae ' çdn'qi}ête' J e't de
révolution propagé pendant quinze
ans par le premier Bonaparte. Les bo-
-""^artistes espèrent toujours en la Ré-
Uu». .
volutîon, tnafs la Révolution n'a plus
besoin de dictateurs, elle est répandue
partout; la presse, les chemins de fer,
les télégraphes, le libre-échange lui as
surent une unité, une facilité d'action
et de direction dont il est facile de me
surer la portée.^ Elle n'a même plus be
soin de sociétés secrètes, tant la so
ciété officielle lui offre de garanties
et se charge elle-même de se démolir.
Louis-Napoléon a épuisé la légende
impériale, et pas plus que les tenta
tives du cousin Jérôme, la lettre du
prince Victor ne la ravivera.
COQUILLB.
, ; + ■ ——'
Au commencement de la séanoe du
Sénat, on pouvait croire qu'elle dure
rait cinq minutes, puisque tous les
orateurs ouvraient la bouche pour an
noncer qu'ils ne voulaient pas prendre
la parole.. A propos des agents des
compagnies de chemins de fer, tout le
monde s'est effacé ; M. Tolain en reti
ràht son contre-projet, M. Cuvinofc en
refusant de soutenir le projet de la
commission. Restait le projet qui crée
le conseil général de la Seine : l'ur
gence était repoussée à l'unanimité;
le rapporteur, M. Georges Martin, ex
pliquait avec peine qu'il était tout prêt
à défendre son œuvre, mais lorsque
ses adversaires auraient parlé. Or,
ceux-ci ne bronchaient pas, disposés
qu'ils étaient à rejeter l'idée d'un con
seil général de la Seine, sans même
lui faire l'honneur d'une discussion
sommaire; et M. Georges Martin, l'air
navré, un gros dossier sous le bras, al
lait et venait, cherchant des adversai
res et assurant qu'il avait d'excellents
arguments à faire valouère en /eveur
du conseil général de Péris. M. Buffet,
ayant voulu voir ces fameux argu
ments, la discussion s'est engagée et
elle est devenue vive et intéressante..
Quelles sont, a demandé M. Buffet,
les raisons, d'ordre administratif qui
pourraient motiver l'institution d'un
conseil général? M. Georges Martin a
répondu qu'il y en avait un tas, des
tas, des montagnes ; ainsi par exem
ple,.. euh... «h ! bien oui, tenez,le gaz,
Je gaz évidemment, et puis... et puis
l'eau ; les habitants de la banlieue
payent le gaz et l'eau plus cher qu'ils
ne les payeraient si le préfetde la Seine
pouvait soutenir les intérêts de la ban
lieue devant un conseil général. Il pa
raît que ledit préfet est extrêmement
embarrassé au milieu des conseillers
municipaux. Il est certain que si M..
Poubelle est aussi emberressé que l'é
tait hier M. Georges Martin, les com
munes suburbaines sont assez mal re
présentées. -
Mais tout cela n'est pas sérieux, a
répliqué M. Buffet. Et analysant la
^question avec l'admirable netteté qui
caractérise son talent, M. Buffet a
montré que l'institution d'un conseil
général de la Seine serait le prélude
de la mairie centrale de Paris, cette
mairie qui effraye d'avance jusqu'aux
opportunistes. En effet, dès qu'on ac
cepte l'idée du droit commun pour la
Seine, la division du département et
de la municipalité s'ensuit; et quand
on aura donné au département son
conseil général, la municipalité récla
mera son maire ; or, la mairie centrale
c'est la Commune, c'est 93 et 71.
A la surprise générale, M. de Freyci
net est intervenu. Il y avait si long
temps qu'il n'avait pas capitulé qu'il en
était fatigué. Il a raconté les origines
du projet actuel et, sans le soutenir for
mellement, il l'a montré comme une
œuvre opposée au conseil munici-
pal.
: M. Tolain, à son tour, obligé comme
M- de Freycinet à donner une satis
faction aux électeurs de la banlieue, a
répété que l'idée d'un conseil général
est mal vue de la plus grande partie
du conseil municipal. Or, comme c'est
le conseil municipal qui désire la mai
rie centrale, il faudrait croire, d'après
M. Tolain, que le conseil général sera
un obstacle à cette mairie et par con
séquent une garantie d'ordre.
M. Tolain sait bien cependant que
le sentiment des conseillers munici
paux ne signifie rien et ne garantit
rien. Ils sont jaloux ; leur vanité les
emporte à critiquer un projet qui, en
réalité, sert leurs intentions; cela se
voit souvent et le. contraire également,
Ils veulent là mairie centrale, mais ils
sont vexés de perdre un peu de leur
importance et ils voudraient obte
nir la mairie à d'autres conditions.
Est-ce qu'on n'a jamais vu des gens
combattre un-système conforme à
leur doctrine ou en soutenir un nui
sible à leur cause, selon qu'apparaît
l'intérêt personnel ou que se manifeste
la passion du moment? Ainsi MM. de
Freycinet et Tolain sont mécontents et
effrayés de ce projet de çqr^çùl géné
ral ; c'est avec to,uta la mauvaise grâce
possible qu'ifs sont entrés en rapports
avec la ligue de la banlieue, et hier,
s'ils se disaient contents et rassqréa,
C'est parce que l'intérêt électoral les
contraint à pyerçdre cet ajr et ces ma
nières. Au fond, ils ne veulent p^s du
tout du conseil général et, au fond, les
conseillers municipaux" centralistes,
si agacés qu'ils seient à la pensée de
n'être plus tout, savent bien que le
conseil départemental amènerait fata
lement la mairie.
M. Tolain a exprimé 1$ désir de
connaître l'aw| du gouvernement. On
s'est 1 "àjourhê à mardi pour entendre
M. Goblet, qui n'avait pas besoin de
cette nouvelle occupation.
Eugène Tavernier,
grande et continuelle rumeur courait
à travers les.couloirs, et les cent cin
quante députés qui avaient pris place
dans la salle, réunis par petits grou
pes, tenaient des conciliabules pleins
d'animation, au lieu d'écouter l'hono
rable M. Renard. Qu'ils eussent tort,
c'est positif, car M. Renard connait
parfaitement la question des sucres, et
combattait la loi proposée avec beau
coup de vigueur et une incontestable
solidité d'argumentation ; mais il faut
le reconnaître : il y avait des circons
tances atténuantes. La séculaire ques
tion des sucres, reparaissant à la
veille d'une crise ministérielle, tombe
mal et perd évidemment beaucoup de
son intérêt pour une Assemblée par
lementaire.
Cependant lorsque M. Ribot est
monté à la tribune, le silence, tout de
suite, s'est rétabli. M. Ribot «rentrait»
au Palais-Bourbon. La Chambre de
1885 n'avait pas encore joui du plaisir
de l'entendre. Il était ému. Il a, du
reste, assez vite dominé cette émotion,
et nous a fait bientôt voir qu'il n'a
vait rien perdu de son talent. Député
du Pas-de-Calais, il repousse, avec
raison, le projet de loi tel que la com
mission le présente, car il serait très
nuisible aux régions du Nord. Il veut
,au moins qu'on l'amende sérieuse
ment. Il a démontré, d'une façon
péremptoire, que la loi de 1884 sur les
sucres n'avait pas coûté au Trésor
tant de millions que le prétendent mi
nistres et commissaires. C'est de beau
coup qu'il s'en faut. Par contre, la loi
de 1884 a produit pour les fabricants
et les consommateurs des résultats
merveilleux, inespérés. Donc, n'y tou
chons qu'avec prudence. M. Ribot,
sur ce sujet aride et technique, a su se
faire écouter, avec plaisir, par ce temps
de crise, pendant plus d'une heure.
Quel dommage que le caractère de cet
homme ne soit point à la hauteur de
son talent! Mais il est et restera un
pusillanime! '
Après une réponse ennuyeuse et
grincheuse de M. Wilson, la Chambre
a clos la discussion générale.
Pierre Veuillot.
UNE
Définition de l 'économie politique
M. Dauphin écoutait hier, avec at
tention et recueillement, les orateurs
qui se succédaient à la tribune, par
lant, sur le projet de. loi relatif aux
sucres. Il multipliait les signes de né
gation, d'assentiment ; il prenait force
notes; il était bien à son affaire. N'est-
il point le ministre des finances ? et le
ministre des finances* ne doit-il pas
intervenir dans la discussion de ce
projet, qui peut, s'il est voté, accroître
notablement les ressources du Trésor
appauvri ? Sans aucun doute, Mais,
lorsque viendra l'heure pour le minis
tre des finances démonter à la tribune,
le ministre des finances sera-t-il en
core M. Dauphin? C'est la question.
M. Dauphin ne semblait pas se préoc
cuper du tout de cette vétille. .
Il était bien le seul. Autour de lui,
on ne parlait que de la crise pro
chaine; nul ne la mçt en doute. Une
L'économie politique, de l'aveu
même de ses plus chauds partisans,
est une science encore dans l'en
fance, et sujette à bien.des lacunes.
Elle a été, on peut le dire, conçue
dans le péché, et elle tient de ges
origines un sang plus .ou moins vicié.
La philosophie du dix-huitième siècle,
en même temps qu'elle lui imprimait
le sceau du matérialisme, lui inspi
rait un tel orgueil qu'elle estimait
être la reine des sciences. Rien de
plus naturel en effet : au temps de
saint Thomas, des grandes cathédra
les, des croisades, Dieu et l'âme
étaient au premisr plan ; de : là, la
royauté de la théologie ; au siècle der
nier et de nos jours encore, une con-,
céption fausse et basse de la vie, une
perversion de la fin supérieure , de
l'homme a pour conséquence fatale
de mettre sur le trône les arts e-t les
scienoes dont le but est de faire de la
terre une sort» de nouvel Eden. C'est
là ce qui explique l'importance déme
surée donnée à l'éoonomie politique
et la, physionomie matérialiste qu'elle
revêt,
Plusieurs ont déjà tenté de la remet
tre à sa véritable place et de baptiser
cette pauvre infidèle. Il n'est que juste
de citer MM. de Villeneuve-Bar?^-
mont, Périn, Claudio Jannet, fîïants,
etc. ; l'éeale de l'illustre M. Le Play, et
l'QEww des Cercles catholiques d'ou
vriers marchent dans la même voie
avec les différence
.ti es , éminents rédacteurs de la Ci-
viltç, çatiolica , cette revue catholique
type, ont parfaitement compris com
bien il était important de ne pas
abandonner aux gens du dehors la
direction de la science économique.
Dans cette question du pain Quotidien,
qui implique tant de questions prati-
ques, délicate^ et dont la solution
s'impose chaque jour plus impérieu-
s.eméntj la religion a le droit de dire
son mot: la parole qui fait la lumière,
qui répand la charité et qui proclame
la justice.
.Alissi aammes-nous heureux de voir
la Civil ta commencer, dans son avant-
dernière livraison , une étude de
longue haleine et approfondie du pro
blème économique à la lumière de
l'expérience, de la soience et, ce qui
est capital, des principes traditionnels
catholiques,
Le premier article, en quelques pages
très olair^, assigne à l'économie poli
tique son véritable rang dans-la hié
rarchie des connaissances humaines et
en donne une idée très nette et très
juste.
L'économie politique appartient in
contestablement à la classe des scien
ces sociales ; car elle a en vue un bien
social, non pas sans doute tout le bien
social, la richesse, le bien-être maté
riel n'étant qu'une portion, apprécia
ble à la vérité, secondaire cependant,
de cette félicité du temps, félicitas tem
porales, qui est le but propre et pro
chain de la société publique. L'homme
étant autre qu'un outil animé de
production, et la société n'étant pas
un pur atelier et une simple usine, il
e§t évident que la science économique
est naturellement subordonnée à l'ordre
et à la science politiques. A son tour
l'ordre " politique est essentiellement
dépendant de l'ordre moral ; il n'y a
pas, il ne peut y avoir de bien poli
tique véritable à l'encontre de l'hon
nête et du juste proclamés par la loi
morale.
Dès lors, et par une conséquence
nécessaire,l'ordre économique est sou
mis à l'ordre moral ; une science éco
nomique émancipée de la science mo
rale est un contre-sens. Ces principes
suivis et appliqués mènent loin, et
font bonne justice .d'une foule de
prétentions des tenants de l'économie
libérale.
Il n'est pas difficile,après cela, de
donner une définition ou, si l'on veut,
une description exacte de l'économie
politique. L'on peut,avec le docte écri
vain de la Civil ta, la définir : La science
de la richesse publique coordonnée, con
formément à la loi morale, au bien-être;
social.
Cette définition ouvre un vaste jour
"sur la science tout entière ; elle en
montre l'objet précis, elle en déclare
la, subordination essentielle à l'ordre
politique et à l'ordre moral, elle en dit
le caractère social. Bref, elle fait de
l'économie politique une science vrai
ment humaine, si non plus une science
animale. ,
G. de Pascal.
Assemblée générale des catholiques
! ' La présence de M. le comte Albert de Mun
;au congrès catholique avait attiré hier une
assistance si considérable que cotte fois
encore on a refusé un grand nombre de
personnes munies de lettres d'invitation.
Le fauteuil de la présidence était occupé par
Mgr d'Hulst, entouré, do MM. Chesnelong
et de Belcastel, MM. de Lamarzelle, Thel-
lier de Poncheville, Domet de Vorges, de
Marolles, le R. P. Clerc, etc. '
■ 'M. dê Launay a lu un rapport de M. Ro-
haut de Fleury sur l'état de,l'église du Vœu
national, dont une partie a été bénie
et livrée au culte. Le plan de M. Abadie,
continué par des architectes dignes de la
plus grande confiance, assure la plus par
faite exécution à cette œuvre; des pèleri
nages nombreux viennent la visiter. Il
importe de répandre le Bulletin du Vœu
national , et d'exciter par tous les moyens
le zèle en faveur de l'œuvre.
M. le général de Montariy a parlé des
œuvres do militaire e (, marins et fait
allusion au r^ our vers j es principes chré-
tien-= qui se fait dans les hautes régions de
• l'armée. Il souhaite que les officiers chré
tiens facilitent aux soldats l'accomplisse
ment de leurs dévoirs religieux, surtout à
l'hôpital, et,en cas de guerre, il espère que
la voix catholique sera assez forte pour im
poser l'acceptation d'aumôniers volontaires
en sus du nombre insuffisant d'aumôniers
réguliers. r
M. le comte de Caulaincourt a lu un rap
port du R. P. Abbts, S. J., sur la franc-
maçonnerie. Le Saint-Père a encouragé îa
ligue anti-mâçonnique et témoigné son ap
probation aux auteurs des articles de la
Civilta Cattolica relatifs à la question ma-
çonnique. A l'exemple de ce qui se fait en
Belgique, dans l'Equateur et ailleurs, lca
catholiques de France devraient prendre
l'engagement formel de se préserver et de
préserver de la franc-maçonnerie ceux suc
qui ils peuvent avoir quelque action.
C'est en s'inspirant d'une pçnsée: analogue
que M. le comte Yvert u p>r r lé de la société
des propriétaire* détiens . Cette société^
a prâsà tâcb» de réveiller l'actionnaire qui
dort, tendis que son argent agit parfois
Pl'ls ou moins moralement. Qn ne doit ja
mais placer d'argent dans une entreprise
destinée à répandre le mal, telle qu'un mau
vais journal, mais il existe, des entreprises,
indifférentes en elles-mêmes, où il peut se
produire des abus dont un chrétien ne doit
pas être le complice. Les actionnaires ont
le droit de demander au conseil d'adminis
tration des explications et le pouvoir de lui
imposer certaines conditions : qu'ils s'en
servent pour le bien, pour supprimer ou
restreindre le travail du dimanche dans le
personnel, etc. D'heureux résultats ont déjà
été obtenus dans ce sens.
M. le vicomte de Damas rappelle le vœu
émis l'an dernier pour la formation de co
mités destinés à recueillir les offrandes en
vue du jubilé sacerdotal de Léon XIII. Los
comités ont été formés, ils fonctionnent et
recueillent en grand nombre les cadeaux
dont M. de Damas cite et décrit les princi
paux. Les villes de France rivalisent, de zèle
et de générosité à cet égard. L'orateur ter
mine en engageant ses auditeurs à redou
bler, eux jtussi, do zèle et d'empressement.
Un rapport de M. de Pcnanrun sur Tasso-
ciation pour l'observation du dimanche
dans l'industrie du bâtiment a donné d'inté
ressants détails sur les dispositions excel
lentes des ouvriers à cet égard.
On espère accroîtra dans de bonnes pro
portions le nombre des architectes, entre
preneurs, menuisiers adhérents, et on Tait
appel aux prières et aux encouragements
de l'assembléo, ■
L 'assemblée adopte ensuite trois vœux
émis par les Commissions, et que nous don-
nei'O'Vs ultérieurement.
M. le comte Albert de' Mun, accueilli par
les'applaudissements de toute la salle, pro
nonce alors le magnifique discours que nos
lecteurs trouveront plus loin. C'est un vé
ritable triomphe pour l'orateur et pour-
l'œuvre qu'il représente.
Mgr d'Hulst dit qu'il n'est ni opti
miste, ni pessimiste, dans la question de-
l'avenir dù pays.. Les catholiques doivent
reconquérir les positions qu'ilsoni perdues^
mais du moins leur faut-il pour cela la
sympathie et l'appui de l'esprit public,
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