Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1887-03-01
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 mars 1887 01 mars 1887
Description : 1887/03/01 (Numéro 7017). 1887/03/01 (Numéro 7017).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi i eï Mars 1887
N* 7017. — Edition trttôtidieïms.
Mardi A eT Mars 4887
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SESÎ2-QUOTÎDIENNE
On an. , .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
3t départements
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'52 * • ^
19 # 7-v.
10 » * '
On s'abonno à Rome, place du Gesù, 8
Le* «"bonnement» partent de» i" et 16 de chaque mou
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé»
.ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C", 6, place dé laBourso
FRANCE
PARIS, 28 FEVRIER 1887
La priorité ayant été maintenue aux
droits sur les céréales à deux voix de
majorité, la Chambre des députés
continuera aujourd'hui cette discus
sion,qui passionne les protectionnistes
et- les libre-échangistes et qui est du
yeste d'une haute importance pour
l'avenir de notre agriculture. Il se
pourrait cependant qu'il se produisît
un incident à la séanc9 ; on doit dé
poser le rapport concluant contre la
prise en considération des résolutions
du citoyen Antide Bover et de M.
Frédéric Passy au sujet de l'arbitrage
international, et des députés auraient
l'intention de demander la lecture et
le vote immédiat de ces conclusions,
pour en finir avec une question qui a
été fort inopportunément soulevée. Ils
n'auraient pas tort.
Au Sénat pas de séance avant le
lundi7 mars; l'ordre du jour est peu
chargé, les sénateurs en profitent pour
se donner un petit congé : cela leur
compensera le repos du carnaval,qu'ils
ont sacrifié au désir du ministère d'a
voir son budget avant le 1" mars.
Dès hier, le Journal officiel promul
guait le budget des recettes et le bud
get des dépenses sur recettes extraor
dinaires; ce matin il promulgue le
budget des dépenses ; c'était la der
nière limite.
Les deux élections qui ont eu lieu
hier dans l'Aveyron et dans les Bas
ses-Pyrénées ont tourné à l'avantage
des opportunistes. M. Rodât, ancien
député, a été élu dans l'Aveyron, il
n'avait pas de concurrent conserva
teur ; un candidat socialiste, le citoyen
Soubrié, a eu peu de voix.
Dans les Basses-Pyrénées, le candi
dat conservateur, M. de Joantho,a eu
34,000 voix : le candidat opportuniste
M. Vignaucourt, un ancien députe,
jadis catholique, a été élu avec 46,000
voix.
Lorsque des journaux ont annoncé
qu'un journaliste bonapartiste corse,
M. Leandri, ne pouvant obtenir justice
d'une magistrature républicaine à la
discrétion de M. de Gasabianca, un ex
favori du régime impérial aujourd'hui
fougueux républicain, s'était jeté dans
le maquis avec un certain nombre
d'hommes déterminés, un démenti of
ficieux est venu déclarer dédaigneuse
ment que la nouvelle ainsi donnée
était fausse : M. Leandri avait gagné
le maquis, mais il était seul ou à peu
près et sa fuite n'avait aucune impor
tance. Or, la peu suspecte Agence Ha
vas publie des dépèches annonçant
qu'onr envoie deux compagnies à Sar
tène, à cause de M. Leandri et que la
gendarmerie est à sa poursuite. Gela
ne concorde guère avec les dédai-
gneuxdémentis officieux des premiers
jours.
Si l'accalmie continue de l'autre
côté du Rhin, il n'en est pas de même
en Bulgarie, oû l'agitation est graade ;
on a même annoncé une révolution à
Sofia ; le fait est, démenti, mais n'est-
ce pas déjà significatif que ce bruit
ait pu courir et être accepté? Si les
grandes puissances veulentréellement,
comme nous l'espérons, le maintien
de la paix européenne, elles feront
bien de veiller sur la question bulgare
et d'y donner une solution.
Une démonstration socialiste a eu
lieu hier à Londres à l'église Saint-
Paul; il n'y a pas eu de désordre, di
sent les dépêcnés, et les socialis tes se
sont dispersés tranquillement. Des ma
nifestations semblables n'en ont pas
moins une certaine gravité, surtout
lorsqu'elles se renouvellent. Or, voilà
Î)Iusieurs manifestations que les socia-
istes font dans les églises cle Londres.
L'endroit est assez
choisi.
singulièrement
Pas encore de ministère italien.
, P. S.— A la dernière heure, une dé
pêche de l'Agence Havas nous apporte
la triste nouvelle que tout faisait pré
voir. S. Em- le cardinal Jacobini a suc
combé à la maladie qui déjà, plusieurs
fois, avait mis ses jours en danger.
La loi morale et physiologique qui
régit le Sénat est celle-ci : la capitula
tion est d'autant plus certaine que la
résistance a été plus énergique. Cette
loi s'observe dans les plus petits faits ;
ainsi, par exemple, quand vers six
heures, la fatigue étant générale,
quelqu'un s'avise de proposer de clore
la séance, la, majorité se réveille pour
protester comme si l'idée du repos
était offensante pour elle; alors tout le
monde est fixé : on peut parier que
les sénateurs s'en iront dans vingt
minutes.
Vendredi soir, lorsqu'il a été question
d'une séance de nuit, la majorité a crié
en masse : «Allons donc! Pasdeséance
de nuit! Continuons à travailler.»
Alors tout le monde a été certain que
la séance de nuit aurait lieu ; et en
effet, une demi-heure après, le Sénat
décidait d'aller dîner et de revenir
siéger à 8 heures Ij2. C'était imman
quable. On ne pouvait douter que les
modifications faites au budget ne fus
sent défaites. La loi de la capitulation
proportionnée à la résistance s'est
exercée hier avec.-une régularité ma
thématique.
Le bel Hippolyte Maze a fait du vo
lume et du vacarme. Ce n'est pas lui
qui pouvait en imposer au Sénat. M.
Tirard, président de la commission du
budget, a proposé de plier pour ne pas
laisser le ministère sans budget et la
république sans ministère ; et il a été
écouté avec sympathie. M. Léon Say,
lui, a dit des choses sérieuses : il a de
mandé compte des théories soutenues
la veille à la Chambre par les minis
tres, et il a prié ces messieurs de dire
où ils avaient vu dans la Constitution
que la Chambre doit toujours avoir le
dernier mot. D'après les ministres, le
Sénat ne peut élever un crédit voté
par la Chambre, que lorsque le ,gou-
vernement est partisan de l'élévation ;
de sorte que, lorsque le gouvernement
sera d'accord avec la Chambre, les
sénateurs auront beau voter et revo
ter, ce sera comme s'ils avaient des.
cartes à jouer au lieu de bulletins.
M. Dauphin, qui avait bel et bien
soutenu cette théorie la veille à la
Chambre, s'est carrément défendu de
l'avoir jamais approuvée. Cette . con
cession faite à la nécessité, il a obli
geamment prévenu les sénateurs que,
pour avoir rétabli des crédits confor
mément au désir du ministère, ils se
raient responsables du conflit qui
s'annonçait !
Les plus résignés à la capitulation
ont été abasourdis. Ainsi le conflit
éclaterait parce qu'ils ne suivaient pas
aveuglément le ministère, résistant
quand il résiste, cédant quand il cède !
Que sont-ils donc ? Peu de chose, leur
a dit M. Dauphin ; et c'est pourquoi
il les a invités à se soumettre puisque
la Chambre avait daigné, par pure
condescendance, accepter quelques-
unes de leurs modifications.
— Mais vous avez besoin des six
cent mille francs supprimés dans votre
administration centrale ! — Oui; aussi
je demanderai plus tard des crédits
supplémentaires, répond M. Dauphin.
— Mais c'est irrégulier. — Oh ! pour
irrégulier, c'est tout ce. qu'il y a de
plus irrégulier, mais connaissez-vous
un autre moyen? — Mais, conclut
M. Léon Say, si la Chambre repousse
les futurs crédits supplémentaires et si
on nous conteste encore le droit de
voter autrement que la Chambre en
matière financière, le Sénat se trou
vera avoir contribué malgré lui à une
suppression absurde?
M. Dauphin a secoué la tête. M. Go-
blet a crié au secours. La majorité,
accablée d'embarras, d'humiliation,
d'inquiétudes, de fatigue, dit :—Tant
pis! advienne que pourra. Je n'en puis
plus et je n'y comprends plus rien, —
et elle a signé la capitulation. Après
quoi elle a paru soulagée. M. Goblet
s'est épanoui. De tous côtés, à gauche,
on s'est félicité. Au départ, l'allégresse
était sur les visages.
Ces législateurs avaient travaillé pen
dant la matinée du dimanche pour
manifester que leur rôle est de ne
servir à rien. Le soleil était superbe.
Que pouvait-il manquer à la joie com
mune? Au prochain budget, le Sénat
recommencera de menacer pour mieux
s'humilier, jusqu'à ce qu'il soit sup
primé ou comme une institution inu
tile, ou comme une institution encom
brante, puisque, lorsqu'il agit,, il se
donne l'air d'avoir usurpé sur les droits
du voisin.
En attendant, il prend huit jours de
vacances.
Eugène Tavernier.
Le Journal officiel a publié la loi qui
porte fixation au budget des recettes
et du budget des dépenses sur ressour
ces extraordinaires de l'exercice 1887.
Certaines dispositions du titre I", qui
n'ont peut-être pas été assez remar
quées au cours de la discussion rapide
qui en a été faite, méritent qu'on s'y
arrêtç un instant.
Ainsi, nous lisons à l'article I" du
paragraphe I" inscrit sous la rubrique
« impôts et revenus autorisés »:
Art. 1". — A partir du 1" avril 1887, les
étudiants inscrits dans les faculte's et dans
les écoles d'enseignement supérieur del'Etat
seront soumis à un droit d'inscription de 3 0
francs par trimestre.
Sont dispensés de ce droit les boursiers,
les maîtres répétiteurs et maîtres d'études
des établissements publics d'enseignement
secondaire. Peuvent, en outre, en ôtre dis
pensés, un dixième des étudiants astreints
au droit d'inscription dans chaque établis
sement.
De même, on lit à l'article 3 :
Art. 3. — A partir du 1 er avril 1887, les
aspirants aux brevets de capacité pour l'en
seignement primaire seront soumis à un
droit d'examen. Ce droit est fixé à 10 fr.
pour les candidats au brevet élémentaire ou
de second ordre et à 20 fr. pour les candi
dats au brevet supérieur ou de premier
ordre.
Les, élèves des écoles normales primaires
d'instituteurs et d'institutrices sont exemptés
de ce droit.
Ce double texte est très significatif,
et pour le prouver il suffit d y joindre
de brèves observations.
En ce qui concerne d'abord les droits
d'inscription de 30 francs par trimes
tre, qui seront désormais réclamés
des étudiants, dans les facultés et les
écoles d'enseignement supérieur de
l'Etat, il faut rappeler qu'à l'époque où
fut accordée — avec quelles restric
tions, on le sait— la liberté de fonder
des universités libres, l'Etat, qui se
résignait difficilement à l'exercice
de cette liberté même amoindrie, prit
soin de faire voter par les Chambres
une disposition d'après laquelle les
étudiants des facultés de l'Etat seraient
désormais exemptés de tout droit
d'inscription pour leurs cours d'exa
men.
C'était rendre, pour ainsi dire, toute'
concurrence impossible aux universi
tés libres, ca,r, pendant que les univer-
; sites d'Etat ont à leur service le buck
get d'Etat, les universités libres n'a
vaient pour se soutenir que les contri
butions de leurs élèves et la libre
générosité des catholiques. Cette géné
rosité, heureusement, ne leur fit pas
défaut, et, puisque l'Etat supprimait les
droits d'inscription dans ses. facultés,
on s'astreignit à ne pas les réclamer
dans les universités libres.
Aujourd'hui, cependant, l'Etat s'a
perçoit que cette mesure perfide a
principalement tourné contre lui, en
créant dans le budget universitaire un
déficit auquel il est nécessaire de parer
et c'est pourquoi il rétablit les droits
d'inscription. N'est-ce pas, nous le di
sions, absolument significatif?
Ce qui ne l'est pas moins, c'est C8
qui va se passer,d'après l'article 3 cité
ci-dessus, en matière d'enseignement
primaire. Pendant que les élèves des
écoles normales d'Etat sont exemptés
de tout droit d'inscription, on l'exige,
ce droit, des élèves qui, venant d'au
tres écoles, réclameront les brevets de
capacité simples ou supérieurs. Il n'est
pas besoin de beaucoup de réflexion
pour voir que nous sommes ici en
face d'une nouvelle mesure de persé
cution fiscale, quia pour but la ruine
de l'enseignement libre.
Auguste Roussel.
Le droit de puoir
II
Sur le fondement et l'étendue du
droit de punir, on connaît le sophis
me cher à l'école libérale. La thèse est
renouvelée de Montesquieu, circons
tance qui ne l'empêche pas d'être du
haut en bas factice, au contraire.
Rappelons-en en q-ueïques mots la
substance. La pénalité chez les diffé
rents peuples est liée de près à la cons-
titutionpolitique. Suivant la part large
ou restreinte qu'elle fait-aux particu
liers dans les affaires publiques, la
constitution en effet cote l'homme en
quelque sorte et son importance dans
l'Etat. Le point, assure-t-on, ne sau
rait être indifférent, il doit sensible
ment influer sur le châtiment des dé
lits. Dans les Etats populaires, où les
gouvernés sont en même temps les
gouvernants , tous part prenante à
un certain exercice de la souveraineté,
le premier quidam est un personnage.
La loi ne sévira qu'avec réserve: jusque
dans la répression elle se montrera
respectueuse.
A l'inverse (ceci pour la symétrie et
la belle ordonnance du raisonnement)
à l'inverse, la loi pénale sera sans pitié
dans les états régis par le,poignet de
fer d'un autocrate. Le sujet est gou
verné, taillé, imposé sans qu'il s'en
mêle ou qu'on lui demande son avis.
La loi pénale s'inquiète peu de cette
créature passive. Elle frappe, elle
frappe fort pour l'exemple, c'est l'es
sentiel. Elle n'a cure de la proportion
et de l'humanité dans la peine.
M. l'avocat général Villard a décrit
ici et mis à la charge de l'ancien ré
gime monarchique des orgies de
cruauté légale.La mort est prodiguée,
appliquée pour des délits modiques.
S'agit-il d'accusations capitales, la
mort simple, c'est-à-dire réduite à la
privation de lavie, est considéréecomme
un minimum de répression. Pour les
grands crimes, les tourments variés
font cortège à la mort pénale et en
multiplient l'horreur. Au total, les sé
vices du droit pénal seraient au pro
rata de l'état de dépression où le
citoyen est réduit par la loi constitu
tionnelle : voilà l'axiome indiscuté de
la gent libérale. Il. est très convenu
d'ailleurs que c'est la royauté de droit
divin qui est, en principe, le pouvoir
le plus absolument contempteur des
personnes privées. On en donne cette
belle raison que, le roi régnant par la
grâce de Dieu, Yomnis potestas a Deo,
étant dogme d'Etat, il n'est plus ques
tion de. délégation du droit de sou
veraineté par le peuple. Le peuple ne
possède pas en soi, le peuple ne dé
lègue pas le pouvoir. Comme droit,
le peuple est une immense non-valeur.
Quant à l'individu, son inanité est in
comparable. Dans cette entière anni
hilation du peuple, que peut-il être
qu'un grain perdu de poussière hu
maine ?
Ces fictions impertinentes sont souf
fletées par le fait de tous les temps et
de tous les jours. Dans le fait, il n'y a
de réglé, il n'y a se renfermant reli
gieusement dans sa fonction toute
tutélaire et protégeante, il n'y a que la
seule souveraineté chrétienne, laquelle
se tient pour déléguée de Dieu sous les
charges et les obligations attachées par
la loi de Dieu à la possession du sou
verain pouvoir.
Le respect chrétien des sujets est,
par la force des choses, essentiel à la
monarchie chrétienne. A l'opposé, le
principe, plutôt la chimère de la sou
veraineté du peuple, implique le mé
pris du peuple, dé son droit, de ses
■besoins; Souveraineté du peuple, mé
pris du peuple, cette apparente anti
thèse est la vérité même, l'implacable
vérité. La démocratie vit du continuel
sacrifice du droit des individus. Ce
point est clair comme le jour pour
quiconque a une teinture des républi
ques classiques. La souveraineté du
peuple est ce qui a été inventé de plus
nire à broyer les existences inaivi-
les. Il n'y a qu'à en observer un
peu attentivement le mécanisme. La
souveraineté du peuple est censée être
la somme> énorme des droits de tous
les citoyens, de tous sans exception.
Cette masse du droit de tous, en réa
lité, n'est à personne. Nul dans le
peuple ne peut prétendre se l'appro
prier. Nul, en effet, n'est que soi-même,
nul n'est le peuple, nul n'est la collec
tivité et ne saurait disposer de l'im
mense droit collectif. Conséquence :
personne individuellement ne possède
le suprême droit dit de souveraineté
du peuple; tous, individuellement, en
subissent le poids.
Ce poids est accablant. Chétif que je
suis, que peut devenir mon infime
droit personnel sous la formidable
poussée du droit de tout le peuple ? En
appellerai-je à l'éternelle équité de
l'iniquité du grand collectif?—Non pas.
On connaît trop la science démocrati
que : le peuple n'a pas besoin d'avoir
raison, n'a pas besoin d'avoir droit.
Son vouloir tient lieu de raison, pro
ratione voluntas. Ses bévues font loi.
Contre sa volonté on ne peut invoquer
le droit,attendu que le droit, c'est sim
plement tout ce que veut ou voudra le
peuple souverain. Voilà le droit en dé
mocratie; il n'y en a pas d'autres. Le
droit est une sécrétion naturelle du
peuple.Donc,pasde loi supérieure àjla-
quelle on puisse recourir, pas d'auto
rité placée au-dessus du peuple pour
réparer ses sottises, pas d'issue pour
se soustraire à l'exécution de ses
ukases insensés ou féroces.
Les démocrates du genre doctrinaire
'offrent aux mécontents une fiche de
consolation assez singulière. Vous vous
plaignez, disent-ils, d'être écrasés sous
la pression de la souveraineté de tous.
Faites attention que vous êtes vous-
même une partie de cette force oppri
mante. Vous êtes tyrannisé, soit; mais,
pour dédommager votre orgueil hu
milié, souvenez-vous que vous êtes
aussi ie : tyran, tout au moins une vi
vante molécule du tyran. Vous avez
un maître absolument stupide et in
traitable, c'est vrai; mais ce maître,
c'est vous-même dans une certaine
mesure. L'orgueil est indemne. Cette
loi brutale ou infecte, sujet de votre
juste courroux, cette loi, songez que
c'est vous qui vous l'êtes faite, indi
rectement si vous voulez et par man
dataires, mais exactement, comme le
surplus du bétail électoral. Exultez
donc au lieu de geindre, montez au
Capitole rendre grâces aux dieux qui
vous ont fait homme libre. L'homme
"libre, suivant la formule du Contrat
social , se connaît à cette marque
«d'obéir aux lois que lui-même a faites.
Voilà une liberté qui ressemble, à s'y
tromper, à la plus étroite contrainte.
Qu'importe? La contrainte en tel cas
n'est point blâmable. Rendre les hom
mes libres par force n'est pas une
mauvaise action ; le procédé est ap
prouvé du Contrat social. Souveraineté
de tous est un mot qui engendre un
fait effroyablement réel, le total asser-
vissement de tous. On allègue, pour
m'apàiser, que, si j'appartiens à la
masse asservie, j'entre aussi pour une
certaine fraction, un dix millionième
peut-être, dans l'agglomération asser-
vissante. Aimable compensation en
vérité; consolation insolemment iro
nique !
Le comble est que ce peuple souve
rain au nom duquel on nous pressure,
ce peuple souverain n'existe pas. Où
l'a-t-on vu? où délibère-t-il, où tient-il
ses assemblées plénières? Force énor
me ! il n'y a pas à proprement parler
de peuple ; • il y a des individus dis
persés, dispersés moralement et cor-
porellement, sans unité, sans accord
des volontés et des pensées. Le peuple
souverain est un personnage fictif, un
mannequin que les roublards font par
ler à la cantonnade et dont ils se di
sent les porte-voix. Le Génois Gam-
be'tta s'intitulait et se faisait appeler
par ses sous-ordres « le récepteur de la
pensée et de la volonté nationale ». Avec
ce mythe, avec ce Groquemitaine in
visible, le peuple souverain, quelques
charlatans effrontés tiennent sous leurs
Jûeds une nation jadis glorieuse et
ière. La moquerie énorme se joint à
la tyrannie ; nous buvons l'avilisse
ment jusqu'à la lie.
Les factieux qui ont fait le 4 sep
tembre devant 1 ennemi ont assis leur
gouvernement sur ce blasphème : Il
n'y a pas de Dieu.L'athéisme d'Etat
c'est, par une inexorable déduction,
l'avilissement de la personne humaine
érigé en maxime dEtât. Individu ou
gouvernement, l'athée ne saurait ap
porter dans son commerce avec les
hommes que le mépris des hommes.
Quelle raison l'impie aurait-il d'ho
norer l'homme? — A ces questions
pas de réponse, et au fait, considéré
avec la vue bornée de l'impie,l'homme
apparaît comme une chose fortuite,
produit de l'on ne sait quelle ' cause
innommée, si tant est qu'il ait une
cause. On ne lui connaît pas et il ne
se connaît pas d'origine, pas de but
non plus,partantpas de route à suivre,
pas de devoirs;au total, aucune espèce
de raison d'être. , ,, .
- L'homme manque dfe" naïss'àncé.'Lë
prestige d'une grande origine lui fait
défaut, c'est clair, dans la donnée
athée. Mais enfin, l'homme, cette mal
heureuse épave, est capable de vertu,
on le voit s'élever à la beauté morale ;
voilà aussi des titres à la respectabi
lité, à la bienveillance «n tout cas.
Vertu, beauté morale, c'est à mer
veille; seulement, n'oublions pas que
c'est du point de vue athée qu'il est
question. Parlez donc à l'athée de
beauté morale,' parlez-lui do vertu !
Les vertus sont dans l'homme un ado
rable ouvrage de la grâce de Dieu,
ouvrage où l'âme fidèle a une part de
coopération. Ces choses s'illuminent
aux clartés de la religion, l'impie n'y
distingue goutte; L'impie ne croit pas
à la vertu. S'il croyait à la vertu, s'il
en sentait la grandeur, incontinent il
ne serait plus l'impie : il croirait, il
adorerait. En revanche, il démêle avec
une entière lucidité que l'homme est
menteur, bassement égoïste, lâche,
ingrat, etc. Qu'il s'observe lui-même
ou observe ses pareils, l'impie n'aper
çoit pas de motif d'estimer l'homme ;
par contre, il constate à foison la vi
lenie humaine. Sa conclusion est le
mépris de l'espèce.
La république athée n'a pas d'autre
philosophie. Le mépris de l'homme
n'est point, pour les gouvernants
du jour, simplement un paradoxe, une
perversité'spéculative de l'esprit: c'est
leur principe d'action. Qu'on scrute,
qu'on analyse les faits et gestes de ces
mécréants, qu'on distille leur poli
tique, on trouvera invariablement au
fond cet unique résidu : le mépris de
l'homme. La qualité d'homme n'est
d'aucune considération. Nul droit dans
la république athée, nulle inviolabi
lité ne s'attache à la qualité d'homme.
Il n'y a de considéré sous ce régime
que des catégories malfaisantes d'indi
vidus, blasphémateurs publics, allu
meurs des haines de classe, artisans de
toutes les corruptions, de toutes sub
versions. A ceux-là toute l'importance ;
c'est tout simple, la république les re
doute et elle a besoin d'eux. A ces es
pèces, l'accaparement des droits, de
tous les droits et de plusieurs autres
innommés des codes, notamment le
droit d'opprimer le clérical, le droit
d'insulter aux personnes sacrées et de
les dépouiller, le droit à l'impunité des
méfaits, etc. '
Quant à l'individu qui ne fait pas
profession d'opinions antisociales, qui
n'est pas ouvrier notoire de révolu
tion, qui n'est qu'un homme enfin, il
n'y a pas de droit pour lui. Voilà les
masses catholiques : les catholiques
sont des hommes; beaucoup sont re-
commandables ; en général, ils sont
integri status , purs de déchéance légale.
Les catholiques sont une proie ; l'Etat
les abandonne sans défense aux fureurs
sectaires. Père,le catholique est dégradé
des droits de la paternité, destitué de
sa fonction éducatrice. Enfant, il est
pris de force, infecté obligatoirement
par l'école athée.
Et que dire de la condition faite aux
minorités conservatrices dans le pays
et dans les Chambres ? Ceux qui con
stituent ces groupes sont des nommes
apparemment, de vaillants hommes,
peut-on dire sans présomption. Ce sont
des citoyens dans l'intégrité de leur
état civil et civique. Ils sont un chif
fre tout au moins; ils doivent, semble-
t-il, influer dans une proportion sur
la confection des lois et la politique
générale. Point du tout. Dans les co
mices et au Parlement, les minorités
de droite sont simplement mises hors
la loi, mises hors ae l'unité française.
Est tenu pour non avenu le mandat
du député représentant des intérêts
catholiques et conservateurs ;. est
comptée pour néant la volonté des
millions d'électeurs massés derrière
ce député. A la Chambre, l'élu jette
son vote dans le • vide ; ses commet
tants, lesquels se chiffrent par mil
lions, ne pèsent non plus qu un fétu
dans les délibérations de la législature
et du pouvoir. Simplement les minis
tres de la république suppriment les
minorités avec un cynisme et des jac
tances sans précédents dans l'histoire.
.La république, ennemie née des éli
tes, semble garder pour les assassins
et autres malandrins ce qu'il peut y
avoir en elle de bienveillante indul
gence. Faut-il voir dans ce contraste
un manque de logique ? Non certes.
Ces choses procèdent en droite ligne
du même principe. On est tendre aùx
assassins, pourquoi? — Parce qu'on
est sans pitié ni respect des victimes,
sans indignation devant les attentats
à la vie. Le mépris de l'homme tou
jours est au fond de ces anomalies. La
vigueur des châtiments importe, au
premier chef, à la santé morale des
peuple?.
L impunité des crimes est un empoi
sonnement pèrmanent de la société;
« Quelque ' chose sent le pourri au
royaume de Danemark ». C'est le
crime invengé qui séjourne et se dé
compose à l'air libre. Au ci-devqmt
royaume des lys, on est à cette heure
iiîcommodé, plus qu'en lieu qui soit
au monde,, de ce méphitisme de l'im
punité'continue. L'inénarrable relâ
chement du jury, les fades mansuétu
des du président Grévy nous font ces
miasmes pestiférés. A la république
sans foi et sans Dieu qu'importe
l'hygiène morale de la nation, ses be
soins de justice, sa sécurité ? Les gou
vernements réguliers se regardent
commè indéclinablement tenus d'é
tablir, .et ..d'appliquer -une v pénalité
énergique. C'est leur dette envers la
conscience publique, qui a faim et
soif de justice ; c'est leur dette comme .
gardiens de la paix des foyers. « Le
mal étant sur la terre agit constam
ment, dit Joseph de Maistre, et, jpar
une conséquence nécessaire, doit être
réprimé -constamment pa,r le châti
ment. » Il ajoute, dans la langue puis- '
santé e't simple qui n'est qu'à lui :
« Le glaive de la justice n'a pas de
« fourreau. Toujours il doit menacer
« ou frapper. »
L'avocat général à la cour de Nancy
a contesté sur d'autres points encore,
les doctrines de de Maistre en matièro
pénale. D'abord, de Màistre, justicier
-mystique, découvre le péché dans le
délit. Indubitablement, il y a dans le
crime juridique le péché, et lë tort de
Joseph de Maistre . est simplement de
voir les choses comme elles sont. On.
insiste toutefois ; sous cette préoccu
pation de l'offense à Dieu, l'illustre
polémiste est amené à .réclamer une,
répression intrépide des délits de la
pensée. Incriminer les pensées paraît
à l'orateur le plus inquisitorial, par
conséquent le plus détestable abus du
pouvoir judiciaire. On pourrait deman
der à M. l'avocat général s'il connaît;
au monde un autre coupable que la
pensée.
Pu. Serret.
L'Agence Havas nous communique
les dépêches suivantes :
Ajacoio, 2t février.
Deux compagnies de la garnison d'Ajac-
cio sont parties dans la direction de Sar
tène, Leandri ayant été vu dans les envi
rons de cette ville, cherchant à recruter
des partisans.
Bastia, 27 février.
On parle d'une centaine d'hommes qui s»
seraient groupés autour de Leandri, lequel,
est actuellement dans l'arrondissement de
Sartène. On leur attribue l'intention de se
rendre à Sartène pour faire les dernières
sommations aux membres du tribunal.
Bastia, 27 février.
Une grande émotion règne â Sartène.
Leandri serait parti d'Aullône, à la tête de
70 partisans, pour aller à Sartène, où sont
réunies deux brigades de gendarmerie, et
où l'on attend encore deux compagnies du
112 c Jde ligne sous les ordres du .comman
dant Dumez.
En ce moment, Leandri serait dans la
montagne : lagendarmerie serait à sa pour
suite.
—* : — '
Sous ce titre : « Le gâchis péniten
tiaire » , ont lit dans la France :
En attendant de nouvelles révoltes, ce
qui ne va pas tarder, nous voilà dans una
série d'évasions.
Il en a été signalé, depuis une quinzaine
de jours, à Cambrai, à Orléans, à Joigny,
etc. On annonçait même hier que plusieurs
condamnés avaient pu s'échapper de la mai
son centrale de Gaillon.
Est-ce que l'action dissolvante des mau
vais choix du personnel se serait étendue
jusqne parmi les agents du service de garde
et de surveillance ?
Notons gue c'est un journal répu
blicain qui dénonce ainsi l'action dis
solvante des mauvais choix du per
sonnel républicain.
On lit dans le Temps :
Plusieurs journaux ont prétendu qu'au
cun magistrat, aucun représentant du gou
vernement n'assistait aux obsèques de M.
Demolombe; ils en prenaient texte pour
rappeler que cette prétendue abstention
avait pour cause la consultation rédigée par
M. Demolombe lors de l'exécution des dé
crets pour blâmer cette mesure.
' Ije Journal de Caen dément cette nou
velle et rapporte que les magistrats de la
cour d'appel et du tribunal de première ins
tance, le préfet, le général, le maire de Caen
et d'autres représentants du gouvernement
assistaient aux obsèques.
D'après le Temps , le Journal de Caen
ajoute:
On a été, il est vrai, fort surpris que de
hauts fonctionnaires, tels que le premier
président ou le préfet, n'aient point été ap
pelés à tenir les coins du poêle et qu'ils
aient été obligés de marcher confondus dans
le cortège.
Mais cela tient à ce que l'héritier de M.
Demolombe, M. Grévin, ancien magistrat
démissionnaire lors des décrets de mars, l'a
exigé.
Si cela est exact, on comprend à
merveille le sentiment qui a guidé M.
Grévin et, bien loin de le blâmer, il
convient d'y applaudir.
Les socialistes anglais ont adopté
depuis quelque temps une singulière
tactique. Ils se donnent rendez-vous
sur un point quelconque de Londres,
s'organisent là en colonne et comme
une procession vont envahir un des
temples de la grande ville. Naturelle
ment nos socialistes n'organisent point
ces expéditions dans un but de prière.
Leur programme est d'étaler dans une
réunion des classes dirigeantes leur
misère et leurs revendications. Ils
bousculent les fidèles, interrompent
le prêche et ne se retirent qu'après
avoir obtenu un joli succès de scan
dale. Leur retraite, quand ils ont fini
leur manifestation,est encore pire que
leur arrivée. Ils déploient des banniè
res, chantent ou sifflent la Marseillaise
et d'autres chants populaires,et jettent
N* 7017. — Edition trttôtidieïms.
Mardi A eT Mars 4887
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION SESÎ2-QUOTÎDIENNE
On an. , .
Six mois. .
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PARIS
3t départements
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'52 * • ^
19 # 7-v.
10 » * '
On s'abonno à Rome, place du Gesù, 8
Le* «"bonnement» partent de» i" et 16 de chaque mou
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé»
.ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C", 6, place dé laBourso
FRANCE
PARIS, 28 FEVRIER 1887
La priorité ayant été maintenue aux
droits sur les céréales à deux voix de
majorité, la Chambre des députés
continuera aujourd'hui cette discus
sion,qui passionne les protectionnistes
et- les libre-échangistes et qui est du
yeste d'une haute importance pour
l'avenir de notre agriculture. Il se
pourrait cependant qu'il se produisît
un incident à la séanc9 ; on doit dé
poser le rapport concluant contre la
prise en considération des résolutions
du citoyen Antide Bover et de M.
Frédéric Passy au sujet de l'arbitrage
international, et des députés auraient
l'intention de demander la lecture et
le vote immédiat de ces conclusions,
pour en finir avec une question qui a
été fort inopportunément soulevée. Ils
n'auraient pas tort.
Au Sénat pas de séance avant le
lundi7 mars; l'ordre du jour est peu
chargé, les sénateurs en profitent pour
se donner un petit congé : cela leur
compensera le repos du carnaval,qu'ils
ont sacrifié au désir du ministère d'a
voir son budget avant le 1" mars.
Dès hier, le Journal officiel promul
guait le budget des recettes et le bud
get des dépenses sur recettes extraor
dinaires; ce matin il promulgue le
budget des dépenses ; c'était la der
nière limite.
Les deux élections qui ont eu lieu
hier dans l'Aveyron et dans les Bas
ses-Pyrénées ont tourné à l'avantage
des opportunistes. M. Rodât, ancien
député, a été élu dans l'Aveyron, il
n'avait pas de concurrent conserva
teur ; un candidat socialiste, le citoyen
Soubrié, a eu peu de voix.
Dans les Basses-Pyrénées, le candi
dat conservateur, M. de Joantho,a eu
34,000 voix : le candidat opportuniste
M. Vignaucourt, un ancien députe,
jadis catholique, a été élu avec 46,000
voix.
Lorsque des journaux ont annoncé
qu'un journaliste bonapartiste corse,
M. Leandri, ne pouvant obtenir justice
d'une magistrature républicaine à la
discrétion de M. de Gasabianca, un ex
favori du régime impérial aujourd'hui
fougueux républicain, s'était jeté dans
le maquis avec un certain nombre
d'hommes déterminés, un démenti of
ficieux est venu déclarer dédaigneuse
ment que la nouvelle ainsi donnée
était fausse : M. Leandri avait gagné
le maquis, mais il était seul ou à peu
près et sa fuite n'avait aucune impor
tance. Or, la peu suspecte Agence Ha
vas publie des dépèches annonçant
qu'onr envoie deux compagnies à Sar
tène, à cause de M. Leandri et que la
gendarmerie est à sa poursuite. Gela
ne concorde guère avec les dédai-
gneuxdémentis officieux des premiers
jours.
Si l'accalmie continue de l'autre
côté du Rhin, il n'en est pas de même
en Bulgarie, oû l'agitation est graade ;
on a même annoncé une révolution à
Sofia ; le fait est, démenti, mais n'est-
ce pas déjà significatif que ce bruit
ait pu courir et être accepté? Si les
grandes puissances veulentréellement,
comme nous l'espérons, le maintien
de la paix européenne, elles feront
bien de veiller sur la question bulgare
et d'y donner une solution.
Une démonstration socialiste a eu
lieu hier à Londres à l'église Saint-
Paul; il n'y a pas eu de désordre, di
sent les dépêcnés, et les socialis tes se
sont dispersés tranquillement. Des ma
nifestations semblables n'en ont pas
moins une certaine gravité, surtout
lorsqu'elles se renouvellent. Or, voilà
Î)Iusieurs manifestations que les socia-
istes font dans les églises cle Londres.
L'endroit est assez
choisi.
singulièrement
Pas encore de ministère italien.
, P. S.— A la dernière heure, une dé
pêche de l'Agence Havas nous apporte
la triste nouvelle que tout faisait pré
voir. S. Em- le cardinal Jacobini a suc
combé à la maladie qui déjà, plusieurs
fois, avait mis ses jours en danger.
La loi morale et physiologique qui
régit le Sénat est celle-ci : la capitula
tion est d'autant plus certaine que la
résistance a été plus énergique. Cette
loi s'observe dans les plus petits faits ;
ainsi, par exemple, quand vers six
heures, la fatigue étant générale,
quelqu'un s'avise de proposer de clore
la séance, la, majorité se réveille pour
protester comme si l'idée du repos
était offensante pour elle; alors tout le
monde est fixé : on peut parier que
les sénateurs s'en iront dans vingt
minutes.
Vendredi soir, lorsqu'il a été question
d'une séance de nuit, la majorité a crié
en masse : «Allons donc! Pasdeséance
de nuit! Continuons à travailler.»
Alors tout le monde a été certain que
la séance de nuit aurait lieu ; et en
effet, une demi-heure après, le Sénat
décidait d'aller dîner et de revenir
siéger à 8 heures Ij2. C'était imman
quable. On ne pouvait douter que les
modifications faites au budget ne fus
sent défaites. La loi de la capitulation
proportionnée à la résistance s'est
exercée hier avec.-une régularité ma
thématique.
Le bel Hippolyte Maze a fait du vo
lume et du vacarme. Ce n'est pas lui
qui pouvait en imposer au Sénat. M.
Tirard, président de la commission du
budget, a proposé de plier pour ne pas
laisser le ministère sans budget et la
république sans ministère ; et il a été
écouté avec sympathie. M. Léon Say,
lui, a dit des choses sérieuses : il a de
mandé compte des théories soutenues
la veille à la Chambre par les minis
tres, et il a prié ces messieurs de dire
où ils avaient vu dans la Constitution
que la Chambre doit toujours avoir le
dernier mot. D'après les ministres, le
Sénat ne peut élever un crédit voté
par la Chambre, que lorsque le ,gou-
vernement est partisan de l'élévation ;
de sorte que, lorsque le gouvernement
sera d'accord avec la Chambre, les
sénateurs auront beau voter et revo
ter, ce sera comme s'ils avaient des.
cartes à jouer au lieu de bulletins.
M. Dauphin, qui avait bel et bien
soutenu cette théorie la veille à la
Chambre, s'est carrément défendu de
l'avoir jamais approuvée. Cette . con
cession faite à la nécessité, il a obli
geamment prévenu les sénateurs que,
pour avoir rétabli des crédits confor
mément au désir du ministère, ils se
raient responsables du conflit qui
s'annonçait !
Les plus résignés à la capitulation
ont été abasourdis. Ainsi le conflit
éclaterait parce qu'ils ne suivaient pas
aveuglément le ministère, résistant
quand il résiste, cédant quand il cède !
Que sont-ils donc ? Peu de chose, leur
a dit M. Dauphin ; et c'est pourquoi
il les a invités à se soumettre puisque
la Chambre avait daigné, par pure
condescendance, accepter quelques-
unes de leurs modifications.
— Mais vous avez besoin des six
cent mille francs supprimés dans votre
administration centrale ! — Oui; aussi
je demanderai plus tard des crédits
supplémentaires, répond M. Dauphin.
— Mais c'est irrégulier. — Oh ! pour
irrégulier, c'est tout ce. qu'il y a de
plus irrégulier, mais connaissez-vous
un autre moyen? — Mais, conclut
M. Léon Say, si la Chambre repousse
les futurs crédits supplémentaires et si
on nous conteste encore le droit de
voter autrement que la Chambre en
matière financière, le Sénat se trou
vera avoir contribué malgré lui à une
suppression absurde?
M. Dauphin a secoué la tête. M. Go-
blet a crié au secours. La majorité,
accablée d'embarras, d'humiliation,
d'inquiétudes, de fatigue, dit :—Tant
pis! advienne que pourra. Je n'en puis
plus et je n'y comprends plus rien, —
et elle a signé la capitulation. Après
quoi elle a paru soulagée. M. Goblet
s'est épanoui. De tous côtés, à gauche,
on s'est félicité. Au départ, l'allégresse
était sur les visages.
Ces législateurs avaient travaillé pen
dant la matinée du dimanche pour
manifester que leur rôle est de ne
servir à rien. Le soleil était superbe.
Que pouvait-il manquer à la joie com
mune? Au prochain budget, le Sénat
recommencera de menacer pour mieux
s'humilier, jusqu'à ce qu'il soit sup
primé ou comme une institution inu
tile, ou comme une institution encom
brante, puisque, lorsqu'il agit,, il se
donne l'air d'avoir usurpé sur les droits
du voisin.
En attendant, il prend huit jours de
vacances.
Eugène Tavernier.
Le Journal officiel a publié la loi qui
porte fixation au budget des recettes
et du budget des dépenses sur ressour
ces extraordinaires de l'exercice 1887.
Certaines dispositions du titre I", qui
n'ont peut-être pas été assez remar
quées au cours de la discussion rapide
qui en a été faite, méritent qu'on s'y
arrêtç un instant.
Ainsi, nous lisons à l'article I" du
paragraphe I" inscrit sous la rubrique
« impôts et revenus autorisés »:
Art. 1". — A partir du 1" avril 1887, les
étudiants inscrits dans les faculte's et dans
les écoles d'enseignement supérieur del'Etat
seront soumis à un droit d'inscription de 3 0
francs par trimestre.
Sont dispensés de ce droit les boursiers,
les maîtres répétiteurs et maîtres d'études
des établissements publics d'enseignement
secondaire. Peuvent, en outre, en ôtre dis
pensés, un dixième des étudiants astreints
au droit d'inscription dans chaque établis
sement.
De même, on lit à l'article 3 :
Art. 3. — A partir du 1 er avril 1887, les
aspirants aux brevets de capacité pour l'en
seignement primaire seront soumis à un
droit d'examen. Ce droit est fixé à 10 fr.
pour les candidats au brevet élémentaire ou
de second ordre et à 20 fr. pour les candi
dats au brevet supérieur ou de premier
ordre.
Les, élèves des écoles normales primaires
d'instituteurs et d'institutrices sont exemptés
de ce droit.
Ce double texte est très significatif,
et pour le prouver il suffit d y joindre
de brèves observations.
En ce qui concerne d'abord les droits
d'inscription de 30 francs par trimes
tre, qui seront désormais réclamés
des étudiants, dans les facultés et les
écoles d'enseignement supérieur de
l'Etat, il faut rappeler qu'à l'époque où
fut accordée — avec quelles restric
tions, on le sait— la liberté de fonder
des universités libres, l'Etat, qui se
résignait difficilement à l'exercice
de cette liberté même amoindrie, prit
soin de faire voter par les Chambres
une disposition d'après laquelle les
étudiants des facultés de l'Etat seraient
désormais exemptés de tout droit
d'inscription pour leurs cours d'exa
men.
C'était rendre, pour ainsi dire, toute'
concurrence impossible aux universi
tés libres, ca,r, pendant que les univer-
; sites d'Etat ont à leur service le buck
get d'Etat, les universités libres n'a
vaient pour se soutenir que les contri
butions de leurs élèves et la libre
générosité des catholiques. Cette géné
rosité, heureusement, ne leur fit pas
défaut, et, puisque l'Etat supprimait les
droits d'inscription dans ses. facultés,
on s'astreignit à ne pas les réclamer
dans les universités libres.
Aujourd'hui, cependant, l'Etat s'a
perçoit que cette mesure perfide a
principalement tourné contre lui, en
créant dans le budget universitaire un
déficit auquel il est nécessaire de parer
et c'est pourquoi il rétablit les droits
d'inscription. N'est-ce pas, nous le di
sions, absolument significatif?
Ce qui ne l'est pas moins, c'est C8
qui va se passer,d'après l'article 3 cité
ci-dessus, en matière d'enseignement
primaire. Pendant que les élèves des
écoles normales d'Etat sont exemptés
de tout droit d'inscription, on l'exige,
ce droit, des élèves qui, venant d'au
tres écoles, réclameront les brevets de
capacité simples ou supérieurs. Il n'est
pas besoin de beaucoup de réflexion
pour voir que nous sommes ici en
face d'une nouvelle mesure de persé
cution fiscale, quia pour but la ruine
de l'enseignement libre.
Auguste Roussel.
Le droit de puoir
II
Sur le fondement et l'étendue du
droit de punir, on connaît le sophis
me cher à l'école libérale. La thèse est
renouvelée de Montesquieu, circons
tance qui ne l'empêche pas d'être du
haut en bas factice, au contraire.
Rappelons-en en q-ueïques mots la
substance. La pénalité chez les diffé
rents peuples est liée de près à la cons-
titutionpolitique. Suivant la part large
ou restreinte qu'elle fait-aux particu
liers dans les affaires publiques, la
constitution en effet cote l'homme en
quelque sorte et son importance dans
l'Etat. Le point, assure-t-on, ne sau
rait être indifférent, il doit sensible
ment influer sur le châtiment des dé
lits. Dans les Etats populaires, où les
gouvernés sont en même temps les
gouvernants , tous part prenante à
un certain exercice de la souveraineté,
le premier quidam est un personnage.
La loi ne sévira qu'avec réserve: jusque
dans la répression elle se montrera
respectueuse.
A l'inverse (ceci pour la symétrie et
la belle ordonnance du raisonnement)
à l'inverse, la loi pénale sera sans pitié
dans les états régis par le,poignet de
fer d'un autocrate. Le sujet est gou
verné, taillé, imposé sans qu'il s'en
mêle ou qu'on lui demande son avis.
La loi pénale s'inquiète peu de cette
créature passive. Elle frappe, elle
frappe fort pour l'exemple, c'est l'es
sentiel. Elle n'a cure de la proportion
et de l'humanité dans la peine.
M. l'avocat général Villard a décrit
ici et mis à la charge de l'ancien ré
gime monarchique des orgies de
cruauté légale.La mort est prodiguée,
appliquée pour des délits modiques.
S'agit-il d'accusations capitales, la
mort simple, c'est-à-dire réduite à la
privation de lavie, est considéréecomme
un minimum de répression. Pour les
grands crimes, les tourments variés
font cortège à la mort pénale et en
multiplient l'horreur. Au total, les sé
vices du droit pénal seraient au pro
rata de l'état de dépression où le
citoyen est réduit par la loi constitu
tionnelle : voilà l'axiome indiscuté de
la gent libérale. Il. est très convenu
d'ailleurs que c'est la royauté de droit
divin qui est, en principe, le pouvoir
le plus absolument contempteur des
personnes privées. On en donne cette
belle raison que, le roi régnant par la
grâce de Dieu, Yomnis potestas a Deo,
étant dogme d'Etat, il n'est plus ques
tion de. délégation du droit de sou
veraineté par le peuple. Le peuple ne
possède pas en soi, le peuple ne dé
lègue pas le pouvoir. Comme droit,
le peuple est une immense non-valeur.
Quant à l'individu, son inanité est in
comparable. Dans cette entière anni
hilation du peuple, que peut-il être
qu'un grain perdu de poussière hu
maine ?
Ces fictions impertinentes sont souf
fletées par le fait de tous les temps et
de tous les jours. Dans le fait, il n'y a
de réglé, il n'y a se renfermant reli
gieusement dans sa fonction toute
tutélaire et protégeante, il n'y a que la
seule souveraineté chrétienne, laquelle
se tient pour déléguée de Dieu sous les
charges et les obligations attachées par
la loi de Dieu à la possession du sou
verain pouvoir.
Le respect chrétien des sujets est,
par la force des choses, essentiel à la
monarchie chrétienne. A l'opposé, le
principe, plutôt la chimère de la sou
veraineté du peuple, implique le mé
pris du peuple, dé son droit, de ses
■besoins; Souveraineté du peuple, mé
pris du peuple, cette apparente anti
thèse est la vérité même, l'implacable
vérité. La démocratie vit du continuel
sacrifice du droit des individus. Ce
point est clair comme le jour pour
quiconque a une teinture des républi
ques classiques. La souveraineté du
peuple est ce qui a été inventé de plus
nire à broyer les existences inaivi-
les. Il n'y a qu'à en observer un
peu attentivement le mécanisme. La
souveraineté du peuple est censée être
la somme> énorme des droits de tous
les citoyens, de tous sans exception.
Cette masse du droit de tous, en réa
lité, n'est à personne. Nul dans le
peuple ne peut prétendre se l'appro
prier. Nul, en effet, n'est que soi-même,
nul n'est le peuple, nul n'est la collec
tivité et ne saurait disposer de l'im
mense droit collectif. Conséquence :
personne individuellement ne possède
le suprême droit dit de souveraineté
du peuple; tous, individuellement, en
subissent le poids.
Ce poids est accablant. Chétif que je
suis, que peut devenir mon infime
droit personnel sous la formidable
poussée du droit de tout le peuple ? En
appellerai-je à l'éternelle équité de
l'iniquité du grand collectif?—Non pas.
On connaît trop la science démocrati
que : le peuple n'a pas besoin d'avoir
raison, n'a pas besoin d'avoir droit.
Son vouloir tient lieu de raison, pro
ratione voluntas. Ses bévues font loi.
Contre sa volonté on ne peut invoquer
le droit,attendu que le droit, c'est sim
plement tout ce que veut ou voudra le
peuple souverain. Voilà le droit en dé
mocratie; il n'y en a pas d'autres. Le
droit est une sécrétion naturelle du
peuple.Donc,pasde loi supérieure àjla-
quelle on puisse recourir, pas d'auto
rité placée au-dessus du peuple pour
réparer ses sottises, pas d'issue pour
se soustraire à l'exécution de ses
ukases insensés ou féroces.
Les démocrates du genre doctrinaire
'offrent aux mécontents une fiche de
consolation assez singulière. Vous vous
plaignez, disent-ils, d'être écrasés sous
la pression de la souveraineté de tous.
Faites attention que vous êtes vous-
même une partie de cette force oppri
mante. Vous êtes tyrannisé, soit; mais,
pour dédommager votre orgueil hu
milié, souvenez-vous que vous êtes
aussi ie : tyran, tout au moins une vi
vante molécule du tyran. Vous avez
un maître absolument stupide et in
traitable, c'est vrai; mais ce maître,
c'est vous-même dans une certaine
mesure. L'orgueil est indemne. Cette
loi brutale ou infecte, sujet de votre
juste courroux, cette loi, songez que
c'est vous qui vous l'êtes faite, indi
rectement si vous voulez et par man
dataires, mais exactement, comme le
surplus du bétail électoral. Exultez
donc au lieu de geindre, montez au
Capitole rendre grâces aux dieux qui
vous ont fait homme libre. L'homme
"libre, suivant la formule du Contrat
social , se connaît à cette marque
«d'obéir aux lois que lui-même a faites.
Voilà une liberté qui ressemble, à s'y
tromper, à la plus étroite contrainte.
Qu'importe? La contrainte en tel cas
n'est point blâmable. Rendre les hom
mes libres par force n'est pas une
mauvaise action ; le procédé est ap
prouvé du Contrat social. Souveraineté
de tous est un mot qui engendre un
fait effroyablement réel, le total asser-
vissement de tous. On allègue, pour
m'apàiser, que, si j'appartiens à la
masse asservie, j'entre aussi pour une
certaine fraction, un dix millionième
peut-être, dans l'agglomération asser-
vissante. Aimable compensation en
vérité; consolation insolemment iro
nique !
Le comble est que ce peuple souve
rain au nom duquel on nous pressure,
ce peuple souverain n'existe pas. Où
l'a-t-on vu? où délibère-t-il, où tient-il
ses assemblées plénières? Force énor
me ! il n'y a pas à proprement parler
de peuple ; • il y a des individus dis
persés, dispersés moralement et cor-
porellement, sans unité, sans accord
des volontés et des pensées. Le peuple
souverain est un personnage fictif, un
mannequin que les roublards font par
ler à la cantonnade et dont ils se di
sent les porte-voix. Le Génois Gam-
be'tta s'intitulait et se faisait appeler
par ses sous-ordres « le récepteur de la
pensée et de la volonté nationale ». Avec
ce mythe, avec ce Groquemitaine in
visible, le peuple souverain, quelques
charlatans effrontés tiennent sous leurs
Jûeds une nation jadis glorieuse et
ière. La moquerie énorme se joint à
la tyrannie ; nous buvons l'avilisse
ment jusqu'à la lie.
Les factieux qui ont fait le 4 sep
tembre devant 1 ennemi ont assis leur
gouvernement sur ce blasphème : Il
n'y a pas de Dieu.L'athéisme d'Etat
c'est, par une inexorable déduction,
l'avilissement de la personne humaine
érigé en maxime dEtât. Individu ou
gouvernement, l'athée ne saurait ap
porter dans son commerce avec les
hommes que le mépris des hommes.
Quelle raison l'impie aurait-il d'ho
norer l'homme? — A ces questions
pas de réponse, et au fait, considéré
avec la vue bornée de l'impie,l'homme
apparaît comme une chose fortuite,
produit de l'on ne sait quelle ' cause
innommée, si tant est qu'il ait une
cause. On ne lui connaît pas et il ne
se connaît pas d'origine, pas de but
non plus,partantpas de route à suivre,
pas de devoirs;au total, aucune espèce
de raison d'être. , ,, .
- L'homme manque dfe" naïss'àncé.'Lë
prestige d'une grande origine lui fait
défaut, c'est clair, dans la donnée
athée. Mais enfin, l'homme, cette mal
heureuse épave, est capable de vertu,
on le voit s'élever à la beauté morale ;
voilà aussi des titres à la respectabi
lité, à la bienveillance «n tout cas.
Vertu, beauté morale, c'est à mer
veille; seulement, n'oublions pas que
c'est du point de vue athée qu'il est
question. Parlez donc à l'athée de
beauté morale,' parlez-lui do vertu !
Les vertus sont dans l'homme un ado
rable ouvrage de la grâce de Dieu,
ouvrage où l'âme fidèle a une part de
coopération. Ces choses s'illuminent
aux clartés de la religion, l'impie n'y
distingue goutte; L'impie ne croit pas
à la vertu. S'il croyait à la vertu, s'il
en sentait la grandeur, incontinent il
ne serait plus l'impie : il croirait, il
adorerait. En revanche, il démêle avec
une entière lucidité que l'homme est
menteur, bassement égoïste, lâche,
ingrat, etc. Qu'il s'observe lui-même
ou observe ses pareils, l'impie n'aper
çoit pas de motif d'estimer l'homme ;
par contre, il constate à foison la vi
lenie humaine. Sa conclusion est le
mépris de l'espèce.
La république athée n'a pas d'autre
philosophie. Le mépris de l'homme
n'est point, pour les gouvernants
du jour, simplement un paradoxe, une
perversité'spéculative de l'esprit: c'est
leur principe d'action. Qu'on scrute,
qu'on analyse les faits et gestes de ces
mécréants, qu'on distille leur poli
tique, on trouvera invariablement au
fond cet unique résidu : le mépris de
l'homme. La qualité d'homme n'est
d'aucune considération. Nul droit dans
la république athée, nulle inviolabi
lité ne s'attache à la qualité d'homme.
Il n'y a de considéré sous ce régime
que des catégories malfaisantes d'indi
vidus, blasphémateurs publics, allu
meurs des haines de classe, artisans de
toutes les corruptions, de toutes sub
versions. A ceux-là toute l'importance ;
c'est tout simple, la république les re
doute et elle a besoin d'eux. A ces es
pèces, l'accaparement des droits, de
tous les droits et de plusieurs autres
innommés des codes, notamment le
droit d'opprimer le clérical, le droit
d'insulter aux personnes sacrées et de
les dépouiller, le droit à l'impunité des
méfaits, etc. '
Quant à l'individu qui ne fait pas
profession d'opinions antisociales, qui
n'est pas ouvrier notoire de révolu
tion, qui n'est qu'un homme enfin, il
n'y a pas de droit pour lui. Voilà les
masses catholiques : les catholiques
sont des hommes; beaucoup sont re-
commandables ; en général, ils sont
integri status , purs de déchéance légale.
Les catholiques sont une proie ; l'Etat
les abandonne sans défense aux fureurs
sectaires. Père,le catholique est dégradé
des droits de la paternité, destitué de
sa fonction éducatrice. Enfant, il est
pris de force, infecté obligatoirement
par l'école athée.
Et que dire de la condition faite aux
minorités conservatrices dans le pays
et dans les Chambres ? Ceux qui con
stituent ces groupes sont des nommes
apparemment, de vaillants hommes,
peut-on dire sans présomption. Ce sont
des citoyens dans l'intégrité de leur
état civil et civique. Ils sont un chif
fre tout au moins; ils doivent, semble-
t-il, influer dans une proportion sur
la confection des lois et la politique
générale. Point du tout. Dans les co
mices et au Parlement, les minorités
de droite sont simplement mises hors
la loi, mises hors ae l'unité française.
Est tenu pour non avenu le mandat
du député représentant des intérêts
catholiques et conservateurs ;. est
comptée pour néant la volonté des
millions d'électeurs massés derrière
ce député. A la Chambre, l'élu jette
son vote dans le • vide ; ses commet
tants, lesquels se chiffrent par mil
lions, ne pèsent non plus qu un fétu
dans les délibérations de la législature
et du pouvoir. Simplement les minis
tres de la république suppriment les
minorités avec un cynisme et des jac
tances sans précédents dans l'histoire.
.La république, ennemie née des éli
tes, semble garder pour les assassins
et autres malandrins ce qu'il peut y
avoir en elle de bienveillante indul
gence. Faut-il voir dans ce contraste
un manque de logique ? Non certes.
Ces choses procèdent en droite ligne
du même principe. On est tendre aùx
assassins, pourquoi? — Parce qu'on
est sans pitié ni respect des victimes,
sans indignation devant les attentats
à la vie. Le mépris de l'homme tou
jours est au fond de ces anomalies. La
vigueur des châtiments importe, au
premier chef, à la santé morale des
peuple?.
L impunité des crimes est un empoi
sonnement pèrmanent de la société;
« Quelque ' chose sent le pourri au
royaume de Danemark ». C'est le
crime invengé qui séjourne et se dé
compose à l'air libre. Au ci-devqmt
royaume des lys, on est à cette heure
iiîcommodé, plus qu'en lieu qui soit
au monde,, de ce méphitisme de l'im
punité'continue. L'inénarrable relâ
chement du jury, les fades mansuétu
des du président Grévy nous font ces
miasmes pestiférés. A la république
sans foi et sans Dieu qu'importe
l'hygiène morale de la nation, ses be
soins de justice, sa sécurité ? Les gou
vernements réguliers se regardent
commè indéclinablement tenus d'é
tablir, .et ..d'appliquer -une v pénalité
énergique. C'est leur dette envers la
conscience publique, qui a faim et
soif de justice ; c'est leur dette comme .
gardiens de la paix des foyers. « Le
mal étant sur la terre agit constam
ment, dit Joseph de Maistre, et, jpar
une conséquence nécessaire, doit être
réprimé -constamment pa,r le châti
ment. » Il ajoute, dans la langue puis- '
santé e't simple qui n'est qu'à lui :
« Le glaive de la justice n'a pas de
« fourreau. Toujours il doit menacer
« ou frapper. »
L'avocat général à la cour de Nancy
a contesté sur d'autres points encore,
les doctrines de de Maistre en matièro
pénale. D'abord, de Màistre, justicier
-mystique, découvre le péché dans le
délit. Indubitablement, il y a dans le
crime juridique le péché, et lë tort de
Joseph de Maistre . est simplement de
voir les choses comme elles sont. On.
insiste toutefois ; sous cette préoccu
pation de l'offense à Dieu, l'illustre
polémiste est amené à .réclamer une,
répression intrépide des délits de la
pensée. Incriminer les pensées paraît
à l'orateur le plus inquisitorial, par
conséquent le plus détestable abus du
pouvoir judiciaire. On pourrait deman
der à M. l'avocat général s'il connaît;
au monde un autre coupable que la
pensée.
Pu. Serret.
L'Agence Havas nous communique
les dépêches suivantes :
Ajacoio, 2t février.
Deux compagnies de la garnison d'Ajac-
cio sont parties dans la direction de Sar
tène, Leandri ayant été vu dans les envi
rons de cette ville, cherchant à recruter
des partisans.
Bastia, 27 février.
On parle d'une centaine d'hommes qui s»
seraient groupés autour de Leandri, lequel,
est actuellement dans l'arrondissement de
Sartène. On leur attribue l'intention de se
rendre à Sartène pour faire les dernières
sommations aux membres du tribunal.
Bastia, 27 février.
Une grande émotion règne â Sartène.
Leandri serait parti d'Aullône, à la tête de
70 partisans, pour aller à Sartène, où sont
réunies deux brigades de gendarmerie, et
où l'on attend encore deux compagnies du
112 c Jde ligne sous les ordres du .comman
dant Dumez.
En ce moment, Leandri serait dans la
montagne : lagendarmerie serait à sa pour
suite.
—* : — '
Sous ce titre : « Le gâchis péniten
tiaire » , ont lit dans la France :
En attendant de nouvelles révoltes, ce
qui ne va pas tarder, nous voilà dans una
série d'évasions.
Il en a été signalé, depuis une quinzaine
de jours, à Cambrai, à Orléans, à Joigny,
etc. On annonçait même hier que plusieurs
condamnés avaient pu s'échapper de la mai
son centrale de Gaillon.
Est-ce que l'action dissolvante des mau
vais choix du personnel se serait étendue
jusqne parmi les agents du service de garde
et de surveillance ?
Notons gue c'est un journal répu
blicain qui dénonce ainsi l'action dis
solvante des mauvais choix du per
sonnel républicain.
On lit dans le Temps :
Plusieurs journaux ont prétendu qu'au
cun magistrat, aucun représentant du gou
vernement n'assistait aux obsèques de M.
Demolombe; ils en prenaient texte pour
rappeler que cette prétendue abstention
avait pour cause la consultation rédigée par
M. Demolombe lors de l'exécution des dé
crets pour blâmer cette mesure.
' Ije Journal de Caen dément cette nou
velle et rapporte que les magistrats de la
cour d'appel et du tribunal de première ins
tance, le préfet, le général, le maire de Caen
et d'autres représentants du gouvernement
assistaient aux obsèques.
D'après le Temps , le Journal de Caen
ajoute:
On a été, il est vrai, fort surpris que de
hauts fonctionnaires, tels que le premier
président ou le préfet, n'aient point été ap
pelés à tenir les coins du poêle et qu'ils
aient été obligés de marcher confondus dans
le cortège.
Mais cela tient à ce que l'héritier de M.
Demolombe, M. Grévin, ancien magistrat
démissionnaire lors des décrets de mars, l'a
exigé.
Si cela est exact, on comprend à
merveille le sentiment qui a guidé M.
Grévin et, bien loin de le blâmer, il
convient d'y applaudir.
Les socialistes anglais ont adopté
depuis quelque temps une singulière
tactique. Ils se donnent rendez-vous
sur un point quelconque de Londres,
s'organisent là en colonne et comme
une procession vont envahir un des
temples de la grande ville. Naturelle
ment nos socialistes n'organisent point
ces expéditions dans un but de prière.
Leur programme est d'étaler dans une
réunion des classes dirigeantes leur
misère et leurs revendications. Ils
bousculent les fidèles, interrompent
le prêche et ne se retirent qu'après
avoir obtenu un joli succès de scan
dale. Leur retraite, quand ils ont fini
leur manifestation,est encore pire que
leur arrivée. Ils déploient des banniè
res, chantent ou sifflent la Marseillaise
et d'autres chants populaires,et jettent
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