Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1887-01-14
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 janvier 1887 14 janvier 1887
Description : 1887/01/14 (Numéro 6971). 1887/01/14 (Numéro 6971).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi ii janvier 1887
N° 6971. — Edition quotidienne*
Vendredi M Janvier 488!?
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION jSEMI-QTXOTIDIENNE
•'Un an." , .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
?t départements
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..28 50
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doit être accompagnée d'une des dernières
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poste. - ■'.."■■■
FRANGE
PARIS, 13 JANVIER 1887
On n'attend pas aujourd'hui de
séances bien mouvementées : le Sénat
élit son bureau et la Chambre des dé
putés, après avoir entendu le discours
de remerciement de M. Floquet, règle
son ordre du jour. Toutefois, des inci
dents pourraient se produire au sujçt
de l'ordre de discussion des diverses
questions dont la Chambre des dépu
tés est saisie.
D^près les décisions prises hier dans
la réunion de la gauche radicale, ce
ne serait pas sur les fonds secrets du
ministère de l'intérieur que le minis
tère Goblet serait mis en échec. Le
président du groupe, M. Bovsset,. était
allé demander au président du conseil
de déclarer qu'il emploierait les fonds
secrets dans l'intérêt de la république
et surtout des républicains.
En fait, cette déclaration engageait
pe.u, et les scrupules de la gauche ra
dicale contre les fonds secrets étaient
bien peu sérieux, puisqu'ils se con
tentaient de si. peu. Mais M. Goblet
est rageur ; il a trouvé mauvais,
qn'on lui demande une déclaration
qu'on n'avait encore réclamée d'aucun
"ministère républicain, et il prétend
obtenir les fonds secrets dans les mê
mes conditions que ses prédécesseurs.
Il fallait donc ou que lçt gauche radi
cale vote les fonds secrets, malgré ses
« scrupules », ou qu'elle s'expose à
renverser dès le premier, jour le mi
nistère; elle s'est décidée à voter,après
que' son président aurait fait une dé
claration pour expliquer cette faiblesse.
Comme le voté del'union des gauches
est d'avance acquis, la majorité parait
assurée au ministère sur cette ques
tion:
11 se produira sans doute, à bref dé
lai, d'autres difficultés.
: On n'a pas eu hier, comme on l'es-
{>èrait, le vote sur la loi militaire al-
emande ; la discussion a^continué sans
beaucoup avancer. M. de Bismarck, le
général Bronsart. de ' Schellendorff,
ministre de la guerre ; M, Windthorst,
qui tient ferme pour les trois ans, ont
pris part aux débats. Le grand chan
celier a affirmé sa volonté d'obtenir la
loi dans son intégralité. Ou il aura
son vote, ou le Reichstag. sera dis
sous ; cela lui donne quelques chances
de. succès, malgré les mauvaises dis-
f>ositions de beaucoup de députés et
'opposition du centre.
Hier, nous avons donné un résumé
du discours de M. de Bismarck dans la
première séance de la discussion ; au
jourd'hui nous croyons devoir repro
duire textuellement les parties qui in
téressent particulièrement la France.
Comme on l'aura vu par une dé-
pêcheque nous avons publiée hier aux
Dernières Nouvelles, la situation en"
Crète est très grave. Les Turcs sont
menacés et par la Grèce et par l'An-
gletèrre. Cette dernière nation serait
soupçonnée de chercher dans l'occu
pation de la Crète une compensation
à; son échec de plus en plus probable
en Bulgarie. C'est dans les traditions
anglaises. Est-il nécessaire de rappe-
ler l'occupation de Chypre? La Crète
ferait un utile pendant.
L'usufruit
L'utilité de la propriété, foncière se
résume dans l'usufruit. Et même l'u
sufruit indéfiniment prolongé se con
fondrait avec la propriété. Ce qu'il y
a de plus dans la propriété entière,
c'est, le droit de disposer de la chose,
le jus abutendi. Mais ce droit qui im
plique la faculté de la détruire est-il si
grécieux ? importe-t-il tant à l'espèce
umaine? A quoi servira-t-il aux
femmes, aux enfants, à beaucoup!
d'hommes incapables de se conduire ?
N'est-ce pas un bienfait pour une. fa
mille qu'une main prévoyante ait mis
en sûreté ce droit dangereux, pour;
n'en laisser atix membres de la fa
mille que le côté utile, le jus utendi,
fruendi ? Pourquoi le droit de propriété
serait-il dans le commerce ? Est-ce que
•les droits et les ' intérêts essentiels de
la famille sont dans le commerce? Les
légistes et les économistes ne rêvent
que ventes et liquidations. Mais l'hom
me d'Etat qui voit la paix sociale atta
chée à la stabilité des familles, applau
dit aux institutions qui. permettent à
la famille de se perpétuer.
Si le droit dé propriété n'est pas em-;
ployé à assurer la fixité de certains
laits, de certains éléments sociaux, .il
n'a plus que l'utilité d'un usufruit
transitoire. Et cet usufruit est néces
sairement, influencé dans sa qualité
par les • révolutions ou changemen'
auxquels le droit est -soumis. Est-ce
que les biens; qui changent fréquem
ment de propriétaires, sont mieux
administrés ou mieux.cultivés ? ' Tom .
bent-ils toujours entre les mains d'un
propriétaire aisé, qui consacre, à la
culture ses soins et ses capitaux?
L'hypothèse de ventes successives
atteste le contraire. On vend parce
qu'on est forcé dé vendre ou qu'on, se
dégoûte de la culture. Le système du
code civil entrave la production. L'ex
ploitation agricole, comme toutes^ les
exploitations, a besoin d'un régime
stable, qui accumule l'expérience et
le capital sous une direction unique
et permanente; ce qui n'est possible
que par la transmission intégrale de
l'exploitation rurale, aux conditions
déterminées par le .propriétaire lui-
même.
Entre les mains du père de famille,
l'usufruit est un moyen de gouverne
ment. Ce n'est pas un "droit de pro
priété qu'il faut à tel enfant dissipa
teur ou incapable, c'est un usufruit
qui le mettra à l'abri du besoin. Le lé
gislateur pénètre-t-il dans chaque fa
mille pour en apprécier le caractère,
l'aptitude, l'intérêt? Saura-t-il mieux-
que le père de famille distribuer le par
trimoine ou en assurer la productivité?
La loi qui condamne à se disperser le
capital formé • pour la production,
anéantit la valeur de ce capital 1 ou la
réduit aux plus minimes proportions.
Seul, le fondateur d'une maison; d'une
famille : a mission de pourvoir à la
conservation de cette maison, de cette
famille, n'a-t-il pas travaillé pour ses-
enfants? La venté du bien de famille
n'est_pas le but qu'un législateur sensé
doit poursuivre. Aux Etats-Unis et dans
diverses contrées de l'Allemagne, sous
l'impulsion de lois nouvelles, les petits
cultivateurs affranchissent tout ou par
tie de leur hien de toute possibilité'
d'hypothèque, ou d'aliénation afin.de
réserver à leur héritier le moyen de
vivre avec sa famille. Livrée à elle-
même, la classe laborieuse tend à con
server, à perpétuer l'instrument de
son travail et à le transmettre intact,
parce que morcelé il ne remplit plus
les conditions nécessaires à Texistence
d'une famille.
La société civile est une vaste subs
titution transmise d'une génération à
une autre. On lit dans les Mémoires de
Saint-Simon que le droit d'emprunter
n'était pas pleinement reconnu à l'Etat.
Les plus sages esprits y mettaiént des
restrictions. C'est au point que plu
sieurs reconnaissaient au roi de France
le droit de répudier les dettes de son
prédécesseur si elles portaient atteinte
aux ressources et à l'unité du pays.
Cette doctrine tenait à cette idée que la
société est une substitution, et que
chaque génération jouit des fruits de
cette substitution sans avoir le droit-
d'en entamer le capital. Par ce prin
cipe, le pouvoir de l'Etat était limité. Il
n'était pas permis au' gouvernement
d'accaparer les ressources de l'avenir.
Le roi avait la couronne en usufruit,et
non en propriété. C'est pour cela qu'il
ne pouvait en disposer.
Les familles souveraines sont heu
reuses, même à notre époque, de s'ap
proprier ces principes: Mais veillent-
elles avec autant de soin à -ce que les
familles particulières, qui en parta
geaient le bénéfice, puissent encore
les invoquer ? La notion de l'usufruit-
nous conduit ainsi sur les sommets
de la politique et- de l'histoire. L'usu
fruit touche aux plus graves.intérêts.
Les forêts affectées de temps immémo
rial à la jouissance des communes
sont des usufruits perpétuels: ni la
commune ni les habitants ne peuvent
en disposer. Les, communes ont eu à
pâtir de nos guerres sociales. Pour la
plupart elles ont été dépouillées. La
France n'a plus ses forêts : de simples
particuliers ne peuvent garder ce genre
de propriété, qui donne à long terme
ses produits et qui ne convient qu'à
une famille ou corporation perpé
tuelle. Nos familles à partage "forcé se
hâtent de les vendre ; elles demandent
et obtiennent facilement l'autorisation
de défricher. Le Midi, dénudé, a perdu
une partie de sa végétation, il est en
proie aux inondations, parce que les
forêts qui couvraient ses montagnes
ont. été détruites. Ces. forêts entrete
naient la fraîcheur et les sources, elles
disciplinaient les eaux. En général,.
les pays.de domination romaine sont
en proie à-la sécheresse. Les historiens
nous décrivent l'étendue de leurs fo
rêts où s'abritait l'indépendance des
populations. Les Romains, aussi des
tructeurs que les Arabes et les Turcs,
n'ont rien laissé subsister; l'Espagne,
le Midi de la France et l'Italie ont subi
cette loi du vainqueur. Nos huit mil
lions d'hectares de bois ont été en
butte aux attaques des financiers, et
nous avons eu bien de la peine à les ;
défendre contre la dent meurtrière du
fisc. Les forêts retiennent les habitants
des campagnes par les affouages (ad
focum) qu'ils en tirent. La conserva
tion des ..forêts est nécessaire pour
notre marine et la construction en gé
néral : et notre législation nous force
de nous adresser à l'étranger.
Les propriétaires de bois se plaignent
souvent des obligations que leur im
pose l'administration forestière. ; Mais
ils n'ont jamais eu sur les forêts un
droit de propriété pure et simple. Ils
ne les ont reçues que chargées de la
servitude de ne pas défricher. Comme
particuliers, ils ont intérêt à défricher;
mais la France a intérêt à-ce qu'ils ne
défrichent pas. Cet intérêt public a,
de tout temps, été reconnu. Qui ne
peut exercer qu'une jouissance via
gère a évidemment intérêt au- défriche-
ment. Seul, le propriétaire, perpétuel;
réserve l'avenir. Il ne vise qu à conser
ver; et il faut aux forêts un système de
conservation qu'un propriétaire col
lectif,et perpétuel est seul capable de
leur assurer. - .
Nos lois de morcellement frappent
toute grande culture. Les forêts pé
rissent dans les divisions d'héritages ;
elles ne se protègent que par leur
masse..Ce qui est vrai des forêts l'est
aussi des pâturages. Comment l'élève
du bétail se développerait-il sur un
morceau de terre? Les pâturages com
munaux offraient aux plus pauvres
habitants des campagnes le moyen
d'avoir une vache et quelques mou
tons. Avec les divisions et les défri
chements il faut y renoncer. Les par
tages de biens, communaux dépouil
lent la majorité au profit d'une infime
minorité. Le pauvre devenu proprié-,
taire est bientôt obligé de vendre,
faute de ressources pour cultiver utile
ment. Simple usager, il avait un béné
fice net, appréciable et qu'il n'était
pas exposé à perdre. Ne sait-on pas
que la richesse de la Suisse consiste
dans ses biens communaux ? Nos ré
volutions démocratiques ont cruelle
ment pesé sur les populations rurales-
Un décret du 14 novembre 1792 or
donna le partage des communaux-en
tre-les'• habitants. Un autre décret du
10juinl793 modifia le premier, en dé
clarant le partage facultatif, et en
exigeant, pour qu'il fût obtenu, l'as
sentiment du tiers des habitants. Il y
eut de vives réclamations. Les paysans
étaient aisément victimes des intri
gues qui les poussaient à demander
le partage. La Révolution voulait s'at
tacher le peuple des campagnes. En
lui distribuant des terres, elle savait
qu'elle se créerait de hardis partisans,
liés à elle par l'intérêt de la spoliation;;
C'est- ainsi qu'elle distribua, à des prix
dérisoires 1 , les terres de la noblesse et
du clergé. Cette politique nous jeta
dans des proscriptions et des lois
agraires imitées de l'antiquilé païenne.
Imbus des-principes du droit romain
sxvcYager publicus, les chefs de la Révo
lution française considéraient le .sol
comme la propriété de la.nation ; et en
qualité, de représentants de la nation,
ils ledistribuaient à leurs amis,comme
autrefois Marius et Sylla à leurs vété
rans.
Les traces du communisme s'oflrani
partout dans nos lois : sait-on ce que
représentent les. droits de mutation?
Ils représentent l'idée qu'à la mort du
détenteur les biens retournent à l'E
tat, et que l'Etat, moyennant finance,
les rend aux héritiers. La vente, qui
opère un changement de propriétaire,
est assimilée à la mort quant aux
droits de mutation. Telle est l'origine
historique des droits fiscaux. A diffé
rents titres, la propriété foncière paie
au moins à l'Etat le cinquième de ses
revenus: c'est la quotité que se réser
vaient les Pharaons, et l'histoire nous,
dit que les rois d'Egypte étaient pro :
priétairesdu quart ou du cinquième
sol. N'est-ce pas un peu la situation de
nos gouvérnements modernes?
Comment' les communes sont-elles
devenues propriétaires ? Il n'y a pas
de date précise. La coutume a établi
les relations entre, les seigneurs et les
cultivateurs. La race germanique pro
cède du droit d'association : elle part
de ce principe, contraire à celui des
légistes, que c'est l'association qui fait-
le gouvernement. Avant tout, elle con
çoit l'homme dans l'association et
dans la propriété collective, qui est la
conséquence matérielle du principe
d'Association. Si les Francs avaient
dévié de ce principe, le christianisme
l'aurait inculqué aux différents grou
pes ruraûx, à titre de fraternité chré- !
tienne. Que le propriétaire ait, par des
concessions, attiré des cultivateurs sur
son domaine, ou qu'il ait laissé à
d'anciens colons prendre des fruits de
diverse sorte, en encouragement des
services qu'ils rendaient, toujours est-
il qu'il se forma des us.ages non écrits
mais gravés dans les mémoires et qui
constituaient entre le maitre et les
serviteurs un accord tacite, une "asso- ;
ciation véritable. La population rurale
avait ainsi conquis sur les forêts, sur
les prairies des droits d'usage qui de
venaient un usufruit perpétuel ou une
propriété perpétuelle.
Les usages communaux sont ainsi
une coutume immémoriale, le plus
précis, le plus positif dis droits, puis-,
qu'il est toujours un fait' visible, pal
pable, permanent et qu'il s'exerce en.
présence et de l'aveu de.tous ceux qui
auraient eu intérêt à le contredire.
Sont venus les légistes avec leurs for
malités frauduleuses : ils ont introduit
l'idée que les titres écrits étaient les
meilleurs, les vrais titres et qu'ils
l'emportaient de beaucoup sur la cou
tume et sur la possession d'état. C'é
tait le bouleversement de toute la so
ciété chrétienne qui n'avait pas d'autre
droit que la coutume et n'en imagi
nait pas d'autre. Du moment qu'il
fallait un titre, bien des familles se
retournèrent contre les communes et
leur demandèrent leurs titres. Il y eut
des procès qui généralement se déci
dèrent contre les communes. Il y en
eut même de notre temps, et nos tri
bunaux jugèrent comme les Parle
ments. On exigeait des titres de ceux
qui avaient le plus incontestable de
tous les titres, la prescription la plus
authentique.' Il est, à remarquer que
dans ces circonstances, le parti démo
cratique se garda bien de soutenir
l'intérêt des communes, tant la Révo
lution est. hostile "aux droits et aux in
térêts-populaires. Les arrêts de la jtis-
tice se sont unis aux spoliations des
guerres- sociales pour dépouiller les
communes. La ruse des légistes et les
cupidités qu'elle servait furent ap
puyées par une fausse économie poli
tique. On prétendit que les biens des
communes produiraient davantage par
la culture des céréales, comme si tou
tes les terres réclamaient cette culture
et que la plupart des biens commu-.
naux ne fussent pas des bois ou des
prairies. Cette destruction spoliatrice
devait détacher des champs le paysan
et le pousser vers les villes. N'était-ce
pas décréter pour un grand nombre
d'habitants l'absentéisme obligatoire?
Dans les débats que soulève la pos-
sessioni le point, capital esf de savoir à
qui incombe la preuve. Les légistes,
invoquant les textes du droit romain,
attribuaient aux seigneurs le béné
fice de là possession et rejetaient sur
les communes le fardeau de la preuve.
Par une fiction de droit, ils suppo
saient que les seigneurs, maîtres du
territoire à l'origine, n'avaient fait aux
habitants que des concessions grâcieu-
ses, révocables, et qu'ainsi c'était aux
habitants à prouver le contraire. Ils
mettaient leur fiction au-dessus d'une
coutume six ou sept fois séculaires; ils
tenaient le passé pour non avenu et
dénué de faits juridiques. Ils biffaient
d'un trait toute la coutume chrétienne,
pour nous re jeter dans une conception
juridique qui divisait simplement les
hommes en libres et en esclaves, et
n'attribuait le droit qu'aux premiers.
La communauté chrétienne se révé
lait partout; elle était lé fruit naturel
de l'Eglise. Ces villages, corporations
ou communautés de cultivateurs, ten
dirent à se perpétuer, à se procurer
les ressources nécessaires. Delà le bien
commun, ces usages concédés ou obte
nus. Les relations des tenanciers entre
eux et avec leurs seigneurs n'étaient
plus les relations de maitre à fermier
du droit romain ou de notre droit ac
tuel. Les légistes eurent l'art de mettre
les communes en suspicion, en leur
demandant leurs passe-ports ; elles
n'en avaient pas. Et cette manœuvre
les livra sans défense aux incursions
de la chicane et de la mauvaise foi.
Emportés par leurs préjugés de droit
romain, Dumoulin et d'Argentré pri
rent .partipour les seigneurs et ils
furent suivis de la plupart des légis
tes. Les usages relatifs aux forêts dé
notaient une co-propriété. On, conçoit
que cette co-propriété ait représenté
le prix des services rendus à la cul
ture. La société chrétienne ne recon
naissait pas l'esclavage juridique des
romains; et cet esclavage n'existait
plus depuis la chute de l'empire, puis
que le serf ou serviteur avait droit à la
religion et à la famille. Comment n'au
rait-il pas elidroit à la propriété? Cette
propriété lui est venue par le travail, -
elle est née du développement des in- '
térêts communs.
Soit ignorance ou mauvaise foi, les
légistes affectèrent de ne rien com
prendre à tout ce passé chrétien de la
France. Ils ne comprenaient même
.pas le droit romain qui fut moins une
législation régulière et appliquée
qu'une conception arbitraire et logi
que de législes qui se posaient en lé
gislateurs. Placés au point de vue du
césàrisme, ils n'avaient rien de com
mun avec la Société chrétienne qu'ils
avaient persécutée pendant trois siè
cles. Les principes d'union,de corpora
tion, inconnus de la société païenne,
enveloppaient tous les intérêts privés
et de famille. Les biens ruraux appar
tenaient à des familles, à dès corpora
tions, et se perpétuaient sous la formé
de l'indivision. Les relations entre sei
gneurs et cultivateurs établirent par
les usages une sorte de co-propriété
des forêts. Sous les noms d'usufruit,
de possession, d'usage, de propriété ou
de co-propriété, ces droits des habi
tants sur les forêts constituent un dé
membrement de la propriété. Le sei
gneur était en relation avec la masse
des habitants, avec la commune. Il
traitait avec cette commune ; les usa
ges sont le fruit d'un accord tacite ou
formel., Ils se défendent par eux-mê
mes et n'ont pas besoin de.titres écrits,
certificats, chartes, attestations. En
bonne justice, c'était aux seigneurs
qui prétendaient rentrer. dans leurs
droits à prouver leurs droits. C'est au
demandeur, non au défendeur, à
faire la preuve. Ce principe est de
tous les temps"et de tous les pays; et
il eùt-prévalu sans l'intervention de
légistes, car il exprime une vérité na
turelle. Les habitants n'avaient qu'à
s'abriter sous l'ancienne formule : pos-
sideô quia possideo. Les coutumes se
sont formées ponr la protection des
classes laborieuses dont le droit ro
main s'inquiétait fort peu. La réforme
du XVI e siècle déchaîna les légistes
sur la société chrétienne. En France,
l'assaut fut formidable, et la société ci
vile fut encore plus abîmée que la so
ciété religieuse.
Des décisions arbitraires tranchè
rent des questions de droit entre 'sei
gneurs et hahitants. Il y eut des or
donnances royales qui supposèrent
que les seigneurs avaient été. spoliés
par les comfflitnes. Rien n'était p+us
absurde, puisque le seigneur avait
toujours été en mesure aef protester et
d'affirmer son droit. Si donc fl &'çst
tu et a laissé au fait le temps de se lé
gitimer, d'acquérir la prescription,
c'est qu'il v a consenti et la posses
sion est devenue irrévocable. Des dé-
fensenrs maladroits de là noblesse,
entre autres Boulainvilliers, dé réfu
giaient jusqu'au début de cette no
toire et prétendaient que les Francs
s'étaient partagé tout le territoire de
la Gaule et avaient laissé pour héri
tiers tous les nobles de France. Cette
fable ne s'dppuie sur aucun document
contemporain et elle est contraire aux
faits les ptus avérés. Cette division de
la France en peuple franc et conqtîé-,
rant, représenté par la noblesse, et en
peuple gaulois et conquis, représenté
par le reste des français, rentre dans
la donnée des légistes ; elle mécon
naît tout le développement historique
imprimé par le christiàuisme aux évé
nements politiques et aux intérêts
particuliers. Le système de Boulain
villiers a aerrédité l'idée qu'il y avait
deuxFrances, celle des nobles et celle
des roturiers ; Frances ennemies, puis
que la distinction remonte à la con
quête et s'en inspire. En 1789, les
préjugés contre la noblesse éclatèrent
avec fureur, et les prétendus vaincus
crurent prendre leur revanche. L'in
fluence-néfaste des légistes avait pro
duit des divisions, d'intérêts, des senti
ments d'antagonisme qui devaient se
transformer'en haines sociales et nous
ramener au temps des proscriptions
romaines et du césàrisme. .
C oquille.
A propos des funérailles de Paul
Bert, M. Octave Chambon écrit dans
la Bourgogne d'Auxerre :
La Constitution annonce que les obsèques
civiles de P. Bert auront lieu vendredi,
comme il avait été décidé en conseil des
ministres ; d'autre part,l 'Agence Havas fait
savoir que Y Annamite ayant éprouvé dure-
tard n'arrivera à Toulon que demain jeudi,
et, qu'alors les obsèques seraient ajournées
à samedi- t — ou à dimanche.
Quoi qu'il en soii.,nous adjurons les gens
sérieux et surtout les catholiques de ne pas
se laisser aller à un sentiment de curiosité
qui les porterait à assister, même derrière
leurs fenêtres, à'cette orgie funèbre.
N'oublions pas que la promenade de ce
cadavre en putréfaction, constitue un scan
dale et une impiété, que les enfants,filles et,
garçons, dos écoles et du collège, vont être
obligés de parader derrière le malheureux,
qu'en un mot l'outrage à Dieu sera public,
et que la ville tout entière sera comme as
sociée à ce blasphème et à ces débauches
d'irréligion.
Dieu qui tient, dans ses mains puissantes
les empires et les cités, voudra-t.-il iivoir
pitié de noire malheureuse ville ?
Nous le souhaitons, comme nous souhai
tons qu'il épargne la rigueur de ses justices
à tant d'inconscients, à tant de malheureux
peres de familles qui, en assistant à l'en-
î'ouissement, donneront à leurs enfants le
plus triste exemple.
Ah! je sais bien que les imbéciles et les
esprits forts de la libre-pensée ne me com
prendront pas ou ne- voudront pas me com
prendre. Je sais bien qu'on essaie de nier
encore, de nier toujours l'intervention di
vine dansles événements de ce monde, mais
c'est, aux chrétiens que je m'adresse, .c'est
pour eux que j'écris avec une émotion que
je ne puis dissimuler, c'est, à leur esprit de
foi que'je fais appel. Qu'ils se détournent
avec dégoût du spectacle hideux qui va leur
être offert, et que Dieu ait pitié des foules
qui' ne savent pas ce qu'elles font»
Ces chrétiennes observations seront
entendues, nous l'espérons fermement,
et il faut féliciter M. 0. Chambon de
les avoir publiées avec tant d'à-propos,
quarante-huit heures avant la mani
festation impie qui se prépare à
Auxerre pour demain.
. On sait que Mgr Fava, évêque de
Grenoble, par l'énergie de son attitude
et la fermeté de ses déclarations à l'en
droit de la franc-maçonnerie, a l'hon
neur d'être particulièrement désigné à
la haine de la secte. Aussi pouvait-il
paraître vraisemblable qu'au nombre
des ennemis du prélat il se trouvât un
détraqué, plus criminel qu'inconscient,
pour placarder à son adresse des me
naces de mort. C'est ce qui serait arrivé
à Grenoble, si l'on en croit un journal
radical de cette ville. De deux affiches
dont# cette feuille donne le texte, nous
reproduisons la moins extravagante :
Au nom du peuple de la liberté ! .
Le tribunal secret a condamné, en au
dience privée, le 2 janvier, M. Amand-Jo-
seph Fava, ci-devant évêque de Grenoble,
à la peine de mort!
En conséquence, le président du tribunal
secret mande et ordonne, à tous les déposi
taires de la justice, de mettre le présent
jugement à exécution,
A savoir, , que M. AmandJoseph Fava,
ci-devant évêque de Grenoble, doit mourir
dans les qùinze jours qui suivent le juge
ment.
: Fait à Vienne, le 8 janvier 1887.
; Le président,
Le trésorier, D. 1\ P. V, A. +
11. L. W.i
Lundi soir, au moment de la ferme
ture de la cathédrale, ces menaces pa
rurent avoir un commencement d'exé
cution ; deux formidables détonations
retentirent près de la porte qui com
munique avec l'évêché.
L'église fut aussitôt remplie d'une
épaisse fumée.
Dès que la détonation! fut entendue
à l'évêché, M. le chanoine Meresse, se
crétaire intifhe de Mgr Fava, descendit
pour voir ce qui s'était passé. Il ne
constata aucun dégât matériel, mais
une simple trace de poudre sur le seuil
de la porte. :
Le Salut Public dit que la police a
ouvert une enquête.
Nos renseignements particuliers
confirment d'autre part l'opinion du
Nouvelliste de Lyon, qu'il ne s'agit que
d'une odieuse fumisterie.
On lit dans l'Intransigeant
-Certains journaux prétendent ,que le mi
nistre de la guerre aurait, accepté de consi
dérables réductions sur le crédit de 360 mil
lions demandé par lui pour la transforma
tion du matériel et l'organisation définitive
de notre système défensif.
Nous savons de source très sûre que ccv
crédit n'a même pas été discuté, au conseil
des ministres et ne pouvait l'être,, puisqu'il
a été accepté sans aucun débat. Les 360
millions en' question ne . seront employés-
que successivement, au fur et, à mesure des
besoins, par annuités. Nous pouvons ajou
ter que la somme prélevée sur ce crédit,
pour l'exercice 1887, s'élève à 86 millions.
Lord Iddeslelgb, dont nous commen
tions hier la retraite du cabinet Sa.-
lisbury, n'était plus de ce monde a
l'heure où paraissait notre article. L n
peu après trois heures, 10 secrétaires
d'Etat aux affaires étrangères, qui sor- ;
tait d'une entrevue d'adieux avec les
principaux employés de son ministère,.
tombait foudroyé daus l'antichambre,
de lord Salisbury, à Downing strcel-
C'est une maladie de cœur (probable
ment la rupture d'un anévrisme) qui
a amené cette mort foudroyante. Ceux
qui attribuaient à un mauvais état
de santé la retraite de lord Iddesieign
diront sans doute que la mort du lieu
tenant de lord Salisbury justifie leurs
assertions. Mais cette thèse ne peut
guère tenir devant les faits. _
Hier même le Standard publiait une,
lettre de lord Saint-Cyres, le fils ame
de lord Iddesleigh, lequel affirmait
que son père ne s'était jamais mifiux.
porté. En outre, dans l'entrevue qu il
a eue avec le personnel dp son minisr
tère, lord Iddesleigh a déclaré qu il
ne voulait pas pour le moment rester
dans les fonctions officielles malgré
les offres qui lui étaient faites ; mfl-is
que sa retraite ne devait pas être éter
nelle et.que, toujours fidèle à la cause
conservatrice, ii comptait reprendre
en d'autres circonstances sa p^rt des
fonctions publiques. Sans doute, lord
Iddesleigh n'était point brouillé aveft
lord Salisbury. Nous avons dit qu 'il
avait été foudroyé dans l'antichambre-,
même de ce dernier. Il venait préci
sément le consulter au sujet d'une-
Impérial.
Un ministre malade ne se prodigue
point en conférence. D'ailleurs tous
ceux qui l'ont vu avant la dernière
crise déclarent qu'il semblait jpuir de
sa santé ordinaire, et cette panté pa
raissait robuste.
En réalité, lord Iddesleigh, : comrne
nous le mentionnions hier,. se reti-r
rait de la vie publique non sans
abnégation, mais sans doute avec le
sentiment qu'il était injustement sa
crifié. Son fils, M. Northcote, qui jouit
à ce qu'on dit d'une parfaite santé, se
retire aussi de la carrière officielle et
abandonne un poste lucratif dans
YOrdnance' department. Cela prouve
bien à notre avis qu'il y a dans cette
histoire une question de dignité bles-,
sée, et que,comme lord Iddesleigh, sa
famille n'a point subi sans méconten
tement les nécessités politiques impo
sées à lord Salisbury. .
Aujourd'hui, du reste, la chose est à
peu près avouée par les journaux an-r
glais. Et c'est pourquof nous croyons
devoir insister sur la signification qu'a
pour l'avenir du cabinet la retraite de
lord Iddesleigh si promptement suivie
de sa mort. Cet avenir n'est pas en
effet très brillant. L'élément unioniste
qu'il veut s'incorporer en la personne*
de M. Goschen, l'ex-banquier anglo-
égyptien, nommé au poste.de chance
lier de l'Echiquier, ne le fortifiera pas
beaucoup. Encore quelques jours, et il
est possible que nous voyions lord Sa
lisbury acculé comme notre digne M.
Goblet à la nécessité d'une dissolu
tion.
Quant à lord Iddesleigh, c'était,
comme nous le disions hier, un des
hommes les plus populaires du parti
tory dans toute l'Angleterre. Mme
Gladstone, au nom de son mari, a
envoyé par dépêche des condoléances
presque affectueuses. Lord Iddesleigh
ne comptait pas d'ennemis. Il est vrai
qu'en revanche il avait été plusieurs
fois sacrifié par son propre parti à
l'ambition de son jeune et remuant
collègue lord Raridolph Churchill, qui
aujourd'hui semble avoir définitive
ment posé sa- candidature à la place
de lord Salisbury. /
L. N emours G odré.
Nous lisons'dans la Gazotte de Franc
fort : '
Les feuilles parisiennes publient, avec ou
sans commentaires, un article de la Nèckar-
zeitung qui recommande à l'Allemagne de
s'entendre avec la Russie, de lui livrer
Cohstantinople et de tomber ensuite sur la
France pour la morceler.
N° 6971. — Edition quotidienne*
Vendredi M Janvier 488!?
ÉDITION QUOTIDIENNE
ÉDITION jSEMI-QTXOTIDIENNE
•'Un an." , .
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PARIS
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doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste. - ■'.."■■■
FRANGE
PARIS, 13 JANVIER 1887
On n'attend pas aujourd'hui de
séances bien mouvementées : le Sénat
élit son bureau et la Chambre des dé
putés, après avoir entendu le discours
de remerciement de M. Floquet, règle
son ordre du jour. Toutefois, des inci
dents pourraient se produire au sujçt
de l'ordre de discussion des diverses
questions dont la Chambre des dépu
tés est saisie.
D^près les décisions prises hier dans
la réunion de la gauche radicale, ce
ne serait pas sur les fonds secrets du
ministère de l'intérieur que le minis
tère Goblet serait mis en échec. Le
président du groupe, M. Bovsset,. était
allé demander au président du conseil
de déclarer qu'il emploierait les fonds
secrets dans l'intérêt de la république
et surtout des républicains.
En fait, cette déclaration engageait
pe.u, et les scrupules de la gauche ra
dicale contre les fonds secrets étaient
bien peu sérieux, puisqu'ils se con
tentaient de si. peu. Mais M. Goblet
est rageur ; il a trouvé mauvais,
qn'on lui demande une déclaration
qu'on n'avait encore réclamée d'aucun
"ministère républicain, et il prétend
obtenir les fonds secrets dans les mê
mes conditions que ses prédécesseurs.
Il fallait donc ou que lçt gauche radi
cale vote les fonds secrets, malgré ses
« scrupules », ou qu'elle s'expose à
renverser dès le premier, jour le mi
nistère; elle s'est décidée à voter,après
que' son président aurait fait une dé
claration pour expliquer cette faiblesse.
Comme le voté del'union des gauches
est d'avance acquis, la majorité parait
assurée au ministère sur cette ques
tion:
11 se produira sans doute, à bref dé
lai, d'autres difficultés.
: On n'a pas eu hier, comme on l'es-
{>èrait, le vote sur la loi militaire al-
emande ; la discussion a^continué sans
beaucoup avancer. M. de Bismarck, le
général Bronsart. de ' Schellendorff,
ministre de la guerre ; M, Windthorst,
qui tient ferme pour les trois ans, ont
pris part aux débats. Le grand chan
celier a affirmé sa volonté d'obtenir la
loi dans son intégralité. Ou il aura
son vote, ou le Reichstag. sera dis
sous ; cela lui donne quelques chances
de. succès, malgré les mauvaises dis-
f>ositions de beaucoup de députés et
'opposition du centre.
Hier, nous avons donné un résumé
du discours de M. de Bismarck dans la
première séance de la discussion ; au
jourd'hui nous croyons devoir repro
duire textuellement les parties qui in
téressent particulièrement la France.
Comme on l'aura vu par une dé-
pêcheque nous avons publiée hier aux
Dernières Nouvelles, la situation en"
Crète est très grave. Les Turcs sont
menacés et par la Grèce et par l'An-
gletèrre. Cette dernière nation serait
soupçonnée de chercher dans l'occu
pation de la Crète une compensation
à; son échec de plus en plus probable
en Bulgarie. C'est dans les traditions
anglaises. Est-il nécessaire de rappe-
ler l'occupation de Chypre? La Crète
ferait un utile pendant.
L'usufruit
L'utilité de la propriété, foncière se
résume dans l'usufruit. Et même l'u
sufruit indéfiniment prolongé se con
fondrait avec la propriété. Ce qu'il y
a de plus dans la propriété entière,
c'est, le droit de disposer de la chose,
le jus abutendi. Mais ce droit qui im
plique la faculté de la détruire est-il si
grécieux ? importe-t-il tant à l'espèce
umaine? A quoi servira-t-il aux
femmes, aux enfants, à beaucoup!
d'hommes incapables de se conduire ?
N'est-ce pas un bienfait pour une. fa
mille qu'une main prévoyante ait mis
en sûreté ce droit dangereux, pour;
n'en laisser atix membres de la fa
mille que le côté utile, le jus utendi,
fruendi ? Pourquoi le droit de propriété
serait-il dans le commerce ? Est-ce que
•les droits et les ' intérêts essentiels de
la famille sont dans le commerce? Les
légistes et les économistes ne rêvent
que ventes et liquidations. Mais l'hom
me d'Etat qui voit la paix sociale atta
chée à la stabilité des familles, applau
dit aux institutions qui. permettent à
la famille de se perpétuer.
Si le droit dé propriété n'est pas em-;
ployé à assurer la fixité de certains
laits, de certains éléments sociaux, .il
n'a plus que l'utilité d'un usufruit
transitoire. Et cet usufruit est néces
sairement, influencé dans sa qualité
par les • révolutions ou changemen'
auxquels le droit est -soumis. Est-ce
que les biens; qui changent fréquem
ment de propriétaires, sont mieux
administrés ou mieux.cultivés ? ' Tom .
bent-ils toujours entre les mains d'un
propriétaire aisé, qui consacre, à la
culture ses soins et ses capitaux?
L'hypothèse de ventes successives
atteste le contraire. On vend parce
qu'on est forcé dé vendre ou qu'on, se
dégoûte de la culture. Le système du
code civil entrave la production. L'ex
ploitation agricole, comme toutes^ les
exploitations, a besoin d'un régime
stable, qui accumule l'expérience et
le capital sous une direction unique
et permanente; ce qui n'est possible
que par la transmission intégrale de
l'exploitation rurale, aux conditions
déterminées par le .propriétaire lui-
même.
Entre les mains du père de famille,
l'usufruit est un moyen de gouverne
ment. Ce n'est pas un "droit de pro
priété qu'il faut à tel enfant dissipa
teur ou incapable, c'est un usufruit
qui le mettra à l'abri du besoin. Le lé
gislateur pénètre-t-il dans chaque fa
mille pour en apprécier le caractère,
l'aptitude, l'intérêt? Saura-t-il mieux-
que le père de famille distribuer le par
trimoine ou en assurer la productivité?
La loi qui condamne à se disperser le
capital formé • pour la production,
anéantit la valeur de ce capital 1 ou la
réduit aux plus minimes proportions.
Seul, le fondateur d'une maison; d'une
famille : a mission de pourvoir à la
conservation de cette maison, de cette
famille, n'a-t-il pas travaillé pour ses-
enfants? La venté du bien de famille
n'est_pas le but qu'un législateur sensé
doit poursuivre. Aux Etats-Unis et dans
diverses contrées de l'Allemagne, sous
l'impulsion de lois nouvelles, les petits
cultivateurs affranchissent tout ou par
tie de leur hien de toute possibilité'
d'hypothèque, ou d'aliénation afin.de
réserver à leur héritier le moyen de
vivre avec sa famille. Livrée à elle-
même, la classe laborieuse tend à con
server, à perpétuer l'instrument de
son travail et à le transmettre intact,
parce que morcelé il ne remplit plus
les conditions nécessaires à Texistence
d'une famille.
La société civile est une vaste subs
titution transmise d'une génération à
une autre. On lit dans les Mémoires de
Saint-Simon que le droit d'emprunter
n'était pas pleinement reconnu à l'Etat.
Les plus sages esprits y mettaiént des
restrictions. C'est au point que plu
sieurs reconnaissaient au roi de France
le droit de répudier les dettes de son
prédécesseur si elles portaient atteinte
aux ressources et à l'unité du pays.
Cette doctrine tenait à cette idée que la
société est une substitution, et que
chaque génération jouit des fruits de
cette substitution sans avoir le droit-
d'en entamer le capital. Par ce prin
cipe, le pouvoir de l'Etat était limité. Il
n'était pas permis au' gouvernement
d'accaparer les ressources de l'avenir.
Le roi avait la couronne en usufruit,et
non en propriété. C'est pour cela qu'il
ne pouvait en disposer.
Les familles souveraines sont heu
reuses, même à notre époque, de s'ap
proprier ces principes: Mais veillent-
elles avec autant de soin à -ce que les
familles particulières, qui en parta
geaient le bénéfice, puissent encore
les invoquer ? La notion de l'usufruit-
nous conduit ainsi sur les sommets
de la politique et- de l'histoire. L'usu
fruit touche aux plus graves.intérêts.
Les forêts affectées de temps immémo
rial à la jouissance des communes
sont des usufruits perpétuels: ni la
commune ni les habitants ne peuvent
en disposer. Les, communes ont eu à
pâtir de nos guerres sociales. Pour la
plupart elles ont été dépouillées. La
France n'a plus ses forêts : de simples
particuliers ne peuvent garder ce genre
de propriété, qui donne à long terme
ses produits et qui ne convient qu'à
une famille ou corporation perpé
tuelle. Nos familles à partage "forcé se
hâtent de les vendre ; elles demandent
et obtiennent facilement l'autorisation
de défricher. Le Midi, dénudé, a perdu
une partie de sa végétation, il est en
proie aux inondations, parce que les
forêts qui couvraient ses montagnes
ont. été détruites. Ces. forêts entrete
naient la fraîcheur et les sources, elles
disciplinaient les eaux. En général,.
les pays.de domination romaine sont
en proie à-la sécheresse. Les historiens
nous décrivent l'étendue de leurs fo
rêts où s'abritait l'indépendance des
populations. Les Romains, aussi des
tructeurs que les Arabes et les Turcs,
n'ont rien laissé subsister; l'Espagne,
le Midi de la France et l'Italie ont subi
cette loi du vainqueur. Nos huit mil
lions d'hectares de bois ont été en
butte aux attaques des financiers, et
nous avons eu bien de la peine à les ;
défendre contre la dent meurtrière du
fisc. Les forêts retiennent les habitants
des campagnes par les affouages (ad
focum) qu'ils en tirent. La conserva
tion des ..forêts est nécessaire pour
notre marine et la construction en gé
néral : et notre législation nous force
de nous adresser à l'étranger.
Les propriétaires de bois se plaignent
souvent des obligations que leur im
pose l'administration forestière. ; Mais
ils n'ont jamais eu sur les forêts un
droit de propriété pure et simple. Ils
ne les ont reçues que chargées de la
servitude de ne pas défricher. Comme
particuliers, ils ont intérêt à défricher;
mais la France a intérêt à-ce qu'ils ne
défrichent pas. Cet intérêt public a,
de tout temps, été reconnu. Qui ne
peut exercer qu'une jouissance via
gère a évidemment intérêt au- défriche-
ment. Seul, le propriétaire, perpétuel;
réserve l'avenir. Il ne vise qu à conser
ver; et il faut aux forêts un système de
conservation qu'un propriétaire col
lectif,et perpétuel est seul capable de
leur assurer. - .
Nos lois de morcellement frappent
toute grande culture. Les forêts pé
rissent dans les divisions d'héritages ;
elles ne se protègent que par leur
masse..Ce qui est vrai des forêts l'est
aussi des pâturages. Comment l'élève
du bétail se développerait-il sur un
morceau de terre? Les pâturages com
munaux offraient aux plus pauvres
habitants des campagnes le moyen
d'avoir une vache et quelques mou
tons. Avec les divisions et les défri
chements il faut y renoncer. Les par
tages de biens, communaux dépouil
lent la majorité au profit d'une infime
minorité. Le pauvre devenu proprié-,
taire est bientôt obligé de vendre,
faute de ressources pour cultiver utile
ment. Simple usager, il avait un béné
fice net, appréciable et qu'il n'était
pas exposé à perdre. Ne sait-on pas
que la richesse de la Suisse consiste
dans ses biens communaux ? Nos ré
volutions démocratiques ont cruelle
ment pesé sur les populations rurales-
Un décret du 14 novembre 1792 or
donna le partage des communaux-en
tre-les'• habitants. Un autre décret du
10juinl793 modifia le premier, en dé
clarant le partage facultatif, et en
exigeant, pour qu'il fût obtenu, l'as
sentiment du tiers des habitants. Il y
eut de vives réclamations. Les paysans
étaient aisément victimes des intri
gues qui les poussaient à demander
le partage. La Révolution voulait s'at
tacher le peuple des campagnes. En
lui distribuant des terres, elle savait
qu'elle se créerait de hardis partisans,
liés à elle par l'intérêt de la spoliation;;
C'est- ainsi qu'elle distribua, à des prix
dérisoires 1 , les terres de la noblesse et
du clergé. Cette politique nous jeta
dans des proscriptions et des lois
agraires imitées de l'antiquilé païenne.
Imbus des-principes du droit romain
sxvcYager publicus, les chefs de la Révo
lution française considéraient le .sol
comme la propriété de la.nation ; et en
qualité, de représentants de la nation,
ils ledistribuaient à leurs amis,comme
autrefois Marius et Sylla à leurs vété
rans.
Les traces du communisme s'oflrani
partout dans nos lois : sait-on ce que
représentent les. droits de mutation?
Ils représentent l'idée qu'à la mort du
détenteur les biens retournent à l'E
tat, et que l'Etat, moyennant finance,
les rend aux héritiers. La vente, qui
opère un changement de propriétaire,
est assimilée à la mort quant aux
droits de mutation. Telle est l'origine
historique des droits fiscaux. A diffé
rents titres, la propriété foncière paie
au moins à l'Etat le cinquième de ses
revenus: c'est la quotité que se réser
vaient les Pharaons, et l'histoire nous,
dit que les rois d'Egypte étaient pro :
priétairesdu quart ou du cinquième
sol. N'est-ce pas un peu la situation de
nos gouvérnements modernes?
Comment' les communes sont-elles
devenues propriétaires ? Il n'y a pas
de date précise. La coutume a établi
les relations entre, les seigneurs et les
cultivateurs. La race germanique pro
cède du droit d'association : elle part
de ce principe, contraire à celui des
légistes, que c'est l'association qui fait-
le gouvernement. Avant tout, elle con
çoit l'homme dans l'association et
dans la propriété collective, qui est la
conséquence matérielle du principe
d'Association. Si les Francs avaient
dévié de ce principe, le christianisme
l'aurait inculqué aux différents grou
pes ruraûx, à titre de fraternité chré- !
tienne. Que le propriétaire ait, par des
concessions, attiré des cultivateurs sur
son domaine, ou qu'il ait laissé à
d'anciens colons prendre des fruits de
diverse sorte, en encouragement des
services qu'ils rendaient, toujours est-
il qu'il se forma des us.ages non écrits
mais gravés dans les mémoires et qui
constituaient entre le maitre et les
serviteurs un accord tacite, une "asso- ;
ciation véritable. La population rurale
avait ainsi conquis sur les forêts, sur
les prairies des droits d'usage qui de
venaient un usufruit perpétuel ou une
propriété perpétuelle.
Les usages communaux sont ainsi
une coutume immémoriale, le plus
précis, le plus positif dis droits, puis-,
qu'il est toujours un fait' visible, pal
pable, permanent et qu'il s'exerce en.
présence et de l'aveu de.tous ceux qui
auraient eu intérêt à le contredire.
Sont venus les légistes avec leurs for
malités frauduleuses : ils ont introduit
l'idée que les titres écrits étaient les
meilleurs, les vrais titres et qu'ils
l'emportaient de beaucoup sur la cou
tume et sur la possession d'état. C'é
tait le bouleversement de toute la so
ciété chrétienne qui n'avait pas d'autre
droit que la coutume et n'en imagi
nait pas d'autre. Du moment qu'il
fallait un titre, bien des familles se
retournèrent contre les communes et
leur demandèrent leurs titres. Il y eut
des procès qui généralement se déci
dèrent contre les communes. Il y en
eut même de notre temps, et nos tri
bunaux jugèrent comme les Parle
ments. On exigeait des titres de ceux
qui avaient le plus incontestable de
tous les titres, la prescription la plus
authentique.' Il est, à remarquer que
dans ces circonstances, le parti démo
cratique se garda bien de soutenir
l'intérêt des communes, tant la Révo
lution est. hostile "aux droits et aux in
térêts-populaires. Les arrêts de la jtis-
tice se sont unis aux spoliations des
guerres- sociales pour dépouiller les
communes. La ruse des légistes et les
cupidités qu'elle servait furent ap
puyées par une fausse économie poli
tique. On prétendit que les biens des
communes produiraient davantage par
la culture des céréales, comme si tou
tes les terres réclamaient cette culture
et que la plupart des biens commu-.
naux ne fussent pas des bois ou des
prairies. Cette destruction spoliatrice
devait détacher des champs le paysan
et le pousser vers les villes. N'était-ce
pas décréter pour un grand nombre
d'habitants l'absentéisme obligatoire?
Dans les débats que soulève la pos-
sessioni le point, capital esf de savoir à
qui incombe la preuve. Les légistes,
invoquant les textes du droit romain,
attribuaient aux seigneurs le béné
fice de là possession et rejetaient sur
les communes le fardeau de la preuve.
Par une fiction de droit, ils suppo
saient que les seigneurs, maîtres du
territoire à l'origine, n'avaient fait aux
habitants que des concessions grâcieu-
ses, révocables, et qu'ainsi c'était aux
habitants à prouver le contraire. Ils
mettaient leur fiction au-dessus d'une
coutume six ou sept fois séculaires; ils
tenaient le passé pour non avenu et
dénué de faits juridiques. Ils biffaient
d'un trait toute la coutume chrétienne,
pour nous re jeter dans une conception
juridique qui divisait simplement les
hommes en libres et en esclaves, et
n'attribuait le droit qu'aux premiers.
La communauté chrétienne se révé
lait partout; elle était lé fruit naturel
de l'Eglise. Ces villages, corporations
ou communautés de cultivateurs, ten
dirent à se perpétuer, à se procurer
les ressources nécessaires. Delà le bien
commun, ces usages concédés ou obte
nus. Les relations des tenanciers entre
eux et avec leurs seigneurs n'étaient
plus les relations de maitre à fermier
du droit romain ou de notre droit ac
tuel. Les légistes eurent l'art de mettre
les communes en suspicion, en leur
demandant leurs passe-ports ; elles
n'en avaient pas. Et cette manœuvre
les livra sans défense aux incursions
de la chicane et de la mauvaise foi.
Emportés par leurs préjugés de droit
romain, Dumoulin et d'Argentré pri
rent .partipour les seigneurs et ils
furent suivis de la plupart des légis
tes. Les usages relatifs aux forêts dé
notaient une co-propriété. On, conçoit
que cette co-propriété ait représenté
le prix des services rendus à la cul
ture. La société chrétienne ne recon
naissait pas l'esclavage juridique des
romains; et cet esclavage n'existait
plus depuis la chute de l'empire, puis
que le serf ou serviteur avait droit à la
religion et à la famille. Comment n'au
rait-il pas elidroit à la propriété? Cette
propriété lui est venue par le travail, -
elle est née du développement des in- '
térêts communs.
Soit ignorance ou mauvaise foi, les
légistes affectèrent de ne rien com
prendre à tout ce passé chrétien de la
France. Ils ne comprenaient même
.pas le droit romain qui fut moins une
législation régulière et appliquée
qu'une conception arbitraire et logi
que de législes qui se posaient en lé
gislateurs. Placés au point de vue du
césàrisme, ils n'avaient rien de com
mun avec la Société chrétienne qu'ils
avaient persécutée pendant trois siè
cles. Les principes d'union,de corpora
tion, inconnus de la société païenne,
enveloppaient tous les intérêts privés
et de famille. Les biens ruraux appar
tenaient à des familles, à dès corpora
tions, et se perpétuaient sous la formé
de l'indivision. Les relations entre sei
gneurs et cultivateurs établirent par
les usages une sorte de co-propriété
des forêts. Sous les noms d'usufruit,
de possession, d'usage, de propriété ou
de co-propriété, ces droits des habi
tants sur les forêts constituent un dé
membrement de la propriété. Le sei
gneur était en relation avec la masse
des habitants, avec la commune. Il
traitait avec cette commune ; les usa
ges sont le fruit d'un accord tacite ou
formel., Ils se défendent par eux-mê
mes et n'ont pas besoin de.titres écrits,
certificats, chartes, attestations. En
bonne justice, c'était aux seigneurs
qui prétendaient rentrer. dans leurs
droits à prouver leurs droits. C'est au
demandeur, non au défendeur, à
faire la preuve. Ce principe est de
tous les temps"et de tous les pays; et
il eùt-prévalu sans l'intervention de
légistes, car il exprime une vérité na
turelle. Les habitants n'avaient qu'à
s'abriter sous l'ancienne formule : pos-
sideô quia possideo. Les coutumes se
sont formées ponr la protection des
classes laborieuses dont le droit ro
main s'inquiétait fort peu. La réforme
du XVI e siècle déchaîna les légistes
sur la société chrétienne. En France,
l'assaut fut formidable, et la société ci
vile fut encore plus abîmée que la so
ciété religieuse.
Des décisions arbitraires tranchè
rent des questions de droit entre 'sei
gneurs et hahitants. Il y eut des or
donnances royales qui supposèrent
que les seigneurs avaient été. spoliés
par les comfflitnes. Rien n'était p+us
absurde, puisque le seigneur avait
toujours été en mesure aef protester et
d'affirmer son droit. Si donc fl &'çst
tu et a laissé au fait le temps de se lé
gitimer, d'acquérir la prescription,
c'est qu'il v a consenti et la posses
sion est devenue irrévocable. Des dé-
fensenrs maladroits de là noblesse,
entre autres Boulainvilliers, dé réfu
giaient jusqu'au début de cette no
toire et prétendaient que les Francs
s'étaient partagé tout le territoire de
la Gaule et avaient laissé pour héri
tiers tous les nobles de France. Cette
fable ne s'dppuie sur aucun document
contemporain et elle est contraire aux
faits les ptus avérés. Cette division de
la France en peuple franc et conqtîé-,
rant, représenté par la noblesse, et en
peuple gaulois et conquis, représenté
par le reste des français, rentre dans
la donnée des légistes ; elle mécon
naît tout le développement historique
imprimé par le christiàuisme aux évé
nements politiques et aux intérêts
particuliers. Le système de Boulain
villiers a aerrédité l'idée qu'il y avait
deuxFrances, celle des nobles et celle
des roturiers ; Frances ennemies, puis
que la distinction remonte à la con
quête et s'en inspire. En 1789, les
préjugés contre la noblesse éclatèrent
avec fureur, et les prétendus vaincus
crurent prendre leur revanche. L'in
fluence-néfaste des légistes avait pro
duit des divisions, d'intérêts, des senti
ments d'antagonisme qui devaient se
transformer'en haines sociales et nous
ramener au temps des proscriptions
romaines et du césàrisme. .
C oquille.
A propos des funérailles de Paul
Bert, M. Octave Chambon écrit dans
la Bourgogne d'Auxerre :
La Constitution annonce que les obsèques
civiles de P. Bert auront lieu vendredi,
comme il avait été décidé en conseil des
ministres ; d'autre part,l 'Agence Havas fait
savoir que Y Annamite ayant éprouvé dure-
tard n'arrivera à Toulon que demain jeudi,
et, qu'alors les obsèques seraient ajournées
à samedi- t — ou à dimanche.
Quoi qu'il en soii.,nous adjurons les gens
sérieux et surtout les catholiques de ne pas
se laisser aller à un sentiment de curiosité
qui les porterait à assister, même derrière
leurs fenêtres, à'cette orgie funèbre.
N'oublions pas que la promenade de ce
cadavre en putréfaction, constitue un scan
dale et une impiété, que les enfants,filles et,
garçons, dos écoles et du collège, vont être
obligés de parader derrière le malheureux,
qu'en un mot l'outrage à Dieu sera public,
et que la ville tout entière sera comme as
sociée à ce blasphème et à ces débauches
d'irréligion.
Dieu qui tient, dans ses mains puissantes
les empires et les cités, voudra-t.-il iivoir
pitié de noire malheureuse ville ?
Nous le souhaitons, comme nous souhai
tons qu'il épargne la rigueur de ses justices
à tant d'inconscients, à tant de malheureux
peres de familles qui, en assistant à l'en-
î'ouissement, donneront à leurs enfants le
plus triste exemple.
Ah! je sais bien que les imbéciles et les
esprits forts de la libre-pensée ne me com
prendront pas ou ne- voudront pas me com
prendre. Je sais bien qu'on essaie de nier
encore, de nier toujours l'intervention di
vine dansles événements de ce monde, mais
c'est, aux chrétiens que je m'adresse, .c'est
pour eux que j'écris avec une émotion que
je ne puis dissimuler, c'est, à leur esprit de
foi que'je fais appel. Qu'ils se détournent
avec dégoût du spectacle hideux qui va leur
être offert, et que Dieu ait pitié des foules
qui' ne savent pas ce qu'elles font»
Ces chrétiennes observations seront
entendues, nous l'espérons fermement,
et il faut féliciter M. 0. Chambon de
les avoir publiées avec tant d'à-propos,
quarante-huit heures avant la mani
festation impie qui se prépare à
Auxerre pour demain.
. On sait que Mgr Fava, évêque de
Grenoble, par l'énergie de son attitude
et la fermeté de ses déclarations à l'en
droit de la franc-maçonnerie, a l'hon
neur d'être particulièrement désigné à
la haine de la secte. Aussi pouvait-il
paraître vraisemblable qu'au nombre
des ennemis du prélat il se trouvât un
détraqué, plus criminel qu'inconscient,
pour placarder à son adresse des me
naces de mort. C'est ce qui serait arrivé
à Grenoble, si l'on en croit un journal
radical de cette ville. De deux affiches
dont# cette feuille donne le texte, nous
reproduisons la moins extravagante :
Au nom du peuple de la liberté ! .
Le tribunal secret a condamné, en au
dience privée, le 2 janvier, M. Amand-Jo-
seph Fava, ci-devant évêque de Grenoble,
à la peine de mort!
En conséquence, le président du tribunal
secret mande et ordonne, à tous les déposi
taires de la justice, de mettre le présent
jugement à exécution,
A savoir, , que M. AmandJoseph Fava,
ci-devant évêque de Grenoble, doit mourir
dans les qùinze jours qui suivent le juge
ment.
: Fait à Vienne, le 8 janvier 1887.
; Le président,
Le trésorier, D. 1\ P. V, A. +
11. L. W.i
Lundi soir, au moment de la ferme
ture de la cathédrale, ces menaces pa
rurent avoir un commencement d'exé
cution ; deux formidables détonations
retentirent près de la porte qui com
munique avec l'évêché.
L'église fut aussitôt remplie d'une
épaisse fumée.
Dès que la détonation! fut entendue
à l'évêché, M. le chanoine Meresse, se
crétaire intifhe de Mgr Fava, descendit
pour voir ce qui s'était passé. Il ne
constata aucun dégât matériel, mais
une simple trace de poudre sur le seuil
de la porte. :
Le Salut Public dit que la police a
ouvert une enquête.
Nos renseignements particuliers
confirment d'autre part l'opinion du
Nouvelliste de Lyon, qu'il ne s'agit que
d'une odieuse fumisterie.
On lit dans l'Intransigeant
-Certains journaux prétendent ,que le mi
nistre de la guerre aurait, accepté de consi
dérables réductions sur le crédit de 360 mil
lions demandé par lui pour la transforma
tion du matériel et l'organisation définitive
de notre système défensif.
Nous savons de source très sûre que ccv
crédit n'a même pas été discuté, au conseil
des ministres et ne pouvait l'être,, puisqu'il
a été accepté sans aucun débat. Les 360
millions en' question ne . seront employés-
que successivement, au fur et, à mesure des
besoins, par annuités. Nous pouvons ajou
ter que la somme prélevée sur ce crédit,
pour l'exercice 1887, s'élève à 86 millions.
Lord Iddeslelgb, dont nous commen
tions hier la retraite du cabinet Sa.-
lisbury, n'était plus de ce monde a
l'heure où paraissait notre article. L n
peu après trois heures, 10 secrétaires
d'Etat aux affaires étrangères, qui sor- ;
tait d'une entrevue d'adieux avec les
principaux employés de son ministère,.
tombait foudroyé daus l'antichambre,
de lord Salisbury, à Downing strcel-
C'est une maladie de cœur (probable
ment la rupture d'un anévrisme) qui
a amené cette mort foudroyante. Ceux
qui attribuaient à un mauvais état
de santé la retraite de lord Iddesieign
diront sans doute que la mort du lieu
tenant de lord Salisbury justifie leurs
assertions. Mais cette thèse ne peut
guère tenir devant les faits. _
Hier même le Standard publiait une,
lettre de lord Saint-Cyres, le fils ame
de lord Iddesleigh, lequel affirmait
que son père ne s'était jamais mifiux.
porté. En outre, dans l'entrevue qu il
a eue avec le personnel dp son minisr
tère, lord Iddesleigh a déclaré qu il
ne voulait pas pour le moment rester
dans les fonctions officielles malgré
les offres qui lui étaient faites ; mfl-is
que sa retraite ne devait pas être éter
nelle et.que, toujours fidèle à la cause
conservatrice, ii comptait reprendre
en d'autres circonstances sa p^rt des
fonctions publiques. Sans doute, lord
Iddesleigh n'était point brouillé aveft
lord Salisbury. Nous avons dit qu 'il
avait été foudroyé dans l'antichambre-,
même de ce dernier. Il venait préci
sément le consulter au sujet d'une-
Impérial.
Un ministre malade ne se prodigue
point en conférence. D'ailleurs tous
ceux qui l'ont vu avant la dernière
crise déclarent qu'il semblait jpuir de
sa santé ordinaire, et cette panté pa
raissait robuste.
En réalité, lord Iddesleigh, : comrne
nous le mentionnions hier,. se reti-r
rait de la vie publique non sans
abnégation, mais sans doute avec le
sentiment qu'il était injustement sa
crifié. Son fils, M. Northcote, qui jouit
à ce qu'on dit d'une parfaite santé, se
retire aussi de la carrière officielle et
abandonne un poste lucratif dans
YOrdnance' department. Cela prouve
bien à notre avis qu'il y a dans cette
histoire une question de dignité bles-,
sée, et que,comme lord Iddesleigh, sa
famille n'a point subi sans méconten
tement les nécessités politiques impo
sées à lord Salisbury. .
Aujourd'hui, du reste, la chose est à
peu près avouée par les journaux an-r
glais. Et c'est pourquof nous croyons
devoir insister sur la signification qu'a
pour l'avenir du cabinet la retraite de
lord Iddesleigh si promptement suivie
de sa mort. Cet avenir n'est pas en
effet très brillant. L'élément unioniste
qu'il veut s'incorporer en la personne*
de M. Goschen, l'ex-banquier anglo-
égyptien, nommé au poste.de chance
lier de l'Echiquier, ne le fortifiera pas
beaucoup. Encore quelques jours, et il
est possible que nous voyions lord Sa
lisbury acculé comme notre digne M.
Goblet à la nécessité d'une dissolu
tion.
Quant à lord Iddesleigh, c'était,
comme nous le disions hier, un des
hommes les plus populaires du parti
tory dans toute l'Angleterre. Mme
Gladstone, au nom de son mari, a
envoyé par dépêche des condoléances
presque affectueuses. Lord Iddesleigh
ne comptait pas d'ennemis. Il est vrai
qu'en revanche il avait été plusieurs
fois sacrifié par son propre parti à
l'ambition de son jeune et remuant
collègue lord Raridolph Churchill, qui
aujourd'hui semble avoir définitive
ment posé sa- candidature à la place
de lord Salisbury. /
L. N emours G odré.
Nous lisons'dans la Gazotte de Franc
fort : '
Les feuilles parisiennes publient, avec ou
sans commentaires, un article de la Nèckar-
zeitung qui recommande à l'Allemagne de
s'entendre avec la Russie, de lui livrer
Cohstantinople et de tomber ensuite sur la
France pour la morceler.
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