Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1886-01-11
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 janvier 1886 11 janvier 1886
Description : 1886/01/11 (Numéro 6610). 1886/01/11 (Numéro 6610).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 11 Janvier 1886
PARIS
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N° 6610^ ~ Edition quotidienne.
£undi 11 Janvier 1886
15 cent
20 -rs
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Un Numéro, à Paris. . . . ..
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pèret
On s'abonne, & Btmc, place du ®e«ù» S
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poste.
FRANGE
PARIS, 10 JANVIER 1886
Les renseignements publiés par les
divers journaux plus ou moins offi
cieux sur le conseil des ministres tenu
hier sont sans grand intérêt; ils ne
portent guère que sur les moyens
qu'emploiera le ministère Freycinet
pour ré'ablir le budget en équilibre.
Comme tous les cabinets, celui-ci
nous promet l'équilibre, mais promet
tre et tenir sont deux, surtout pour des
républicains.
Au sujet de la déclaration ministé
rielle comme du message présidentiel
les journaux sont muets. N'en aurait-
il pas été question ? Gela surprendrait,
quoique la déclaration et le message
ne soient plus annoncés que pour
jeudi, la séance de mardi devant être
prise par l'élection des bureaux au
Sénat comme à la Chambre des dé
putés.
Le «premier élu de Paris », qu'on
pourrait presque appeler comme jadis
au temps du Parlement, « Monsieur le
premier », M. Lockroy, connaît son
importance ; il a exigé et obtenu le
rattachement au ministère du com
merce et de l'industrie des syndicats
professionnels. Que pourrait-on refuser
au représentant de la Ville-Lumière ?
Ne doit-on pas lui être reconnaissant
de ce qu'il a daigné se contenter du
ministère du commerce, même addi
tionné de l'industrie.
Que se cache-t-il derrière le ratta
chement des pays de protectorat. au
ministère des affaires étrangères ?
C'est déjà beaucoup trop que d'avoir
remis tous ces pays, parmi lesquels il
y en a plusieurs où l'on est encore en
pleine guerre, à la main si faible de
M. de Freycinet, et voilà qu'une cam
pagne commence pour lui donner
même les colonies. Ainsi le | Temps pu
blie ce matin une note où l'on dit
que notre colonie de Cochinchine va se
trouver englobée dans les pays de pro
tectorat, le Cambodge, ■ l'Annam, le
Tonkin, et qu'il est logique de la re
mettre au ministre des affaires étran
gères. M. de Freycinet, cet homme né
faste dont on ne compte plus les échecs,
a donc bien grande confiance en
lui.
Signalons une campagne d'une au
tre nature, mais non moins signi
ficative; le général de Courcy est atta
qué, ^ouvertement ou sournoisement,
en même temps qu'on essaye de trans
former les massacres de chrétiens faits
en haine de la France en luttes entre
Annamites chrétiens et païens ; l'offi
cieuse Agence Bavas elle-même publie
des correspondances dans ce sens.
Qu'est-ce que tout cela nous pré
pare?
lie Journal officiel publie les change
ments apportés au personnel dirigeant
des ministères de l'intérieur, de la
guerre et de la marine. Les deux mi
nistres de la guerre et de la marine
font, ce qu'on appelle vulgairement,
maisonnette. Cela nous semble re
grettable. Sans viser aucunement les
nouveaux élus, sauf un qui nous paraît
bien mal choisi, le colonel Jung, nous
dirons que, dans des ministères com
me ceux de la marine et de la guerre,
il est dangereux de rompre brusque
ment avec les traditions. Et c'est surtout
dangereux quand les ministères sont
de si courte durée, comme dans la ré
publique peu athénienne et peu sta
ble dont nous sommes ornés.
On avait annoncé que la Russie pro
posait aux puissances signataires du
traité de Berlin de peser sur la Serbie
et la Bulgarie pour les amener à dé
sarmer. Ce bruit semble confirmé. On
ne dit pas qu'il sera pesé également
sur la Grèce, mais il nous semble que
cela va de soi.
L'usure
La loi de 1807, qui fixe le tàux de
l'intérêt à 6 pour cent en matière
commerciale, -et à 5 pour cent en
matière civile, vient d'être modifiée.
hQ maximum en [matière civile de
meure; mais ce gue les économistes
appellent la liberté de l'intérêt devient
la loi en matière de commerce. Les
économistes ont remporté une victoire
signalée, et nul doute qu'elle ne soit
bientôt suivie d'une victoire du même
genre dans le droit civil. L'usure est
un des dogmes fondamentaux de la
révolution française. On a allégué la
liberté des transactions ; ces pauvres
ususiers ne sont-ils pas animés des
meilleures intentions ? pour qu'ils
réussissent dans leurs affaires, n'est-il
pas nécessaire qu'un grand nombre de
familles aient 1 occasion de se ruiner ?
Ah 1 si des parents, des amis s'enten
daient pour constituer un patrimoine
et le conserver, toute la police et toute
la justice seraient sur pied pour ré
primer un pareil scandale. Tous les
hommes d'Etat du moment s'écrie
raient qu'avec la liberté des transac
tions il n'y aurait bientôt plus nicode
civil ni révolution française, et que
d'ailleurs le • gouvernement sait bien
mieux que les particuliers ce qui peut
leur convenir.
L'usurier prête sans doute librement;
mais le commerçant qui est sur le
bord de la faillite, est-il libre d'em
prunter ou de ne pas emprunter ? L'ar
gent est une marchandise ont dit les
économistes; ils ont aussi prétendu
que le travail est une marchandise.
Mais si le travail est une marchandise,
l'homme aussi est une marchandise.
Ils nous apprennent du moins que
l'homme est un capital, un instrument
de travail, ce qui est exactement la
même chose. Qu'il aille où il voudra,
la mère-patrie ne lui garantit rien. Le
libre-échange lui ouvre le monde. Les
économistes lui rendant impossible la
concurrence en France contre l'é
tranger, l'envoient à l'étranger!
L'argent est cosmopolite : on remar
que l'influence croissante qu'exercent
chez nous les capitaux genevois, juifs,
protestants. S'ils commanditent toutes
nos industries, ils deviendront maîtres
de toutes nos industries. La propriété
foncière elle-même qui semble, par sa
nature, exclusivement réservée aux
indigènes, tend à passer en des mains
étrangères. La liberté de l'usure est le
moyen le plus actif de cette substitu
tion des étrangers aux nationaux en
France. Quand on songe à la guerre
constante que fait la législation à la
stabilité des patrimoines, à la durée
des entreprises de commerce et d'in
dustrie, on voit aisément que le capi
taliste étranger n'a qu'à étendre la main
pour saisir tous ces gages et s'en ren
dre acquéreur, en profitant de toutes
les -liquidations forcées. Il n'a vrai
ment que l'embarras du choix. Dira-
t on que l'étranger nous offre la réci
procité? Loin de là ; les nationaux sont
partout protégés par des lois et des
coutumes qui permettent au père de
famille de veiller à la continuation de
son œuvre. Croyez-vous qu'il y a au
tant de Français propriétaires en An
gleterre et en Allemagne qu'il y a
d'Anglais et d'Allemands propriétaires
en France?
Nous objectera-t-on que que nos lois
fiscales et civileg. pèsent sur l'étran
ger? L'étranger qui a des capitaux sait
s'y soustraire. Il conserve aisément
l'unité de ses exploitations en France,
en faisant à ses enfants dans son pays
ou même en France une part qu'ils ne
refusent pas. Ils sont élevés à respec
ter l'autorité paternelle. Voit-on des
procès entre juifs? Nos lois de disso-
lutton sociale attirent l'étranger. : il
est plus sûr de nous conquérir en dé
tail par l'usure qu'en bloc par les ar
mes. Nos troubles civils nous livraient
au seizième siècle aux Italiens, et aux
Genevois à la fin du dix-huitième siè
cle. Si nous manquons de toute force
de résistance, ne faut-il pas l'attribuer
à ces lois d'instabilité qui tiennent tous
les intérêts en suspens? L'aberration
a été telle que sous la Restauration on
a fait des lois pour attirer les étran
gers en France, comme si les Français
étaient incapables de peupler leur ter
ritoire 1
Dans tous nos départements la terre
a diminué de sa valeur. Cette diminu
tion est d'un tiers, souvent de moitié.
Les propriétaires ne trouvent plus de
fermiers. Et ils n'ont pas la ressource
d'attendre des circonstances plus fa
vorables. Il faut pourvoir les enfants,
établir des dots, liquider à tout prix.
Qui empêche l'étranger de se présen
ter? Il amènera avec lui des ouvriers
de son pays. Au nord, à l'ouest, dans
le centre même ne sommes-nous pas
encombrés d'ouvriers qui nous arri
vent de Belgique, d'Allemagne et de
Suisse, sans compter les Italiens qui
nous envahissent par le sud. Ils vien
nent tous travailler à meilleur prix
que nos ouvriers français. Est-ce que
cette invasion ne ressemble pas à celle
des populations germaniques qui, du
consentement des empereuris romains,
venaient occuper le territoire de la
Gaule pour le cultiver et y vivre?
Les économistes nous répondent :
C'est le libre-échange, tous les peu
ples sont frères, et peu importe par
qui le sol est possédé ou cultivé 1 On
ne saurait se débarrasser plus cava
lièrement de l'idée de famille et de
patrie. L'usure est un admirable engin
de destruction. Qu'a fondé chez nous
cette facilité des prêts et des em
prunts qui, depuis l'avènement de
Louis-Napoléon, a suscité un tel -re
muement de capitaux ? D'abord, c'est
le petit propriétaire et le cultivateur
qu'il s'agissait de soulager. Que de
crédits foncier, agricole, immobi
lier, etc.! Tout ce charlatanisme a
abouti à l'état présent de l'agriculture
et de la propriété foncière. Par la li
berté du taux de l'intérêt, le commerce
est livré aux entreprises des capita
listes; ils pourront s'emparer de la
plus grande partie des bénéfices du
commerce, dépouiller le commerçant
forcé de subir des conditions onéreu
ses. La facilité de l'emprunt ruinera
le commerce un peu plus rapidement,
voilà tout. On verra combien nos lois
rendent impuissant le secours que l'on
prétend offrir aux commerçants par
la facilité des emprunts usuraires.
C oquille.
La Persécution
On lit dans la Semaine religieuse du
diocèse de Blois :
Mgr l'évêque dé Blois a été informé, le
31 décembre, que, par deux arrêtés en date
du 19 de ce mois, M. le ministre des cultes
avait supprimé l'indemnité annuelle de
450 fr., attachée à dix vicariats dû diocèse,
qui étaient restés sans titulaires depuis
cinq ans environ, savoir :■ Collettes, Josnes,
Châteauvieux, Chaumont-sur-Tharonne,
Mondoubleau, Sargé, Villedieu, Morée,
Lunay, Villiers, et à sept vicariats qui ne
répondaient plus aux vœux des conseils
municipaux, savoir : Mer, Onzain, Pont-
Levoy,.Saint-Aignan, Saint-Georges, Selles-
sur-Cher et Montoire. ,
Par suite de ces décisions, la liste des
vicariats subventionnés dans le diocèse de
Blois se trouve réduite & huit, à compter
du l 01 janvier 1886.
Sa Grandeur s'est empressée de porter
cettte mesure aussi fâcheuse qu'inattendue
à la connaissance de MM. lee curés qu'elle
concerne. « J'avais fait remarquer, leur
écrit-elle, en m'adressant à M. le ministre
des cultes, dès le. mois de mars dernier,
que dix vicariats étaient restés sans titu
laires, depuis quelques années, soit en rai
son de la pénurie, de prêtres, soit parce
que MM. les curés, encors valides, pou
vaient momentanément se passer d'auxi
liaires; mais j'avais déclaré que l'étendue
territoriale de ces paroisses, ainsi que l'âge
avancé de MM. les curés, rendrait bientôt
nécessaire la présence de vicaires dans
plusieurs d'entr'elles. Je demandais en
conséquence le maintien des vicariats. Mal
heureusement mes raisons n'ont pu con
vaincre M. le ministre. »
« J'ai bien protesté, écrit encore monsei
gneur & MM. les curés, contre les avis dér
favorables des conseils municipaux. J'ai
fait remarquer à M- le ministre que ces
votes étaient émis précisément dans les
communes les plus importantes, là par con
séquent où les vicaires étaient les plus né
cessaires. J'ai affirmé que supprimer ces
vicariats serait désorganiser le service re
ligieux, réduire MM. les curés à l'impos
sibilité de remplir les multiples devoirs de
leur ministère, et mécontenter les parois
siens auprès desquels rien ne justifierait
une pareille mesure.
Mais ces observations n'ont pas fait im
pression sur M. le ministre. Il a mieux aimé
ainsi tenir compte exclusivement des avis
des conseils municipaux, avis émis quel
quefois à une faible majorité, formulés or
dinairement par des hommes incapables
d'apprécier les besoins, spirituels d'une pa
roisse, et trop souvent inspirés par leur
opposition systématique à la religion. Ain
si, d'après ces messieurs, Selles-sur-Cher
avec ses 4,700 habitants, les paroisses de
Mer, Montoire, Saint-Aignan, avec une
population de plus de 3,000 âmes et des
hospices à desservir, pourraient se passer
de vicaires I
Sa Grandeur n'a pu dissimuler, en ter
minant, la part qu'elle prend à la peine
des curés qui, demain peut-être, seront pri
vés du secours indispensable de leurs col
laborateurs.
L'Espérance du Peuple annonce "q ue
dans le diocèse de-Nantes les vicariats
sont supprimés à Saint-Nazaire, à
Nort, à Vertou, etc. ; en un mot, dans
toutes les paroisses dont la population
dépasse 5,000 habitants.
Ils le sont également à Blain et à
Guémené, bien que ces paroisses
n'aient pas 5,000 habitants.
Nota. •— Nos lecteurs auront rectifié
d'eux-mêmes la faute d'impression
qui, dans le récit des faits de persécu
tion publié dans notre dernier numéro,
a fait intervenir Mgr Vévêque oM lieu de
Mgr l'archevêque de Besançon.
Sur la foi d'une dépêche du Times,
nombre de journaux ont annoncé
qu'à la suite d'un prétendu dissenti
ment entre le prince de Monaco et les
jésuites, le prince aurait pris contre
ces dignes religieux un arrêté d'expul
sion, parce qu'ils avaient manifesté
l'intention de faire juger le litige par
les tribunaux civils.
Cette affaire sera éclaircie, et nous
avons sujet de croire que le Times a
été fort mal renseigné sur plus d'un
point. Mais, en attendant, nous voulons
citer une réflexion que fait là-dessus
un rédacteur de la France :
On voit par ce fait-divers que Grimaud
de Monaco est un souverain plein de jus
tice. Quand ses sujets veulent plaider, il
les met d'abord à la porte. Comme on ne
peut pas plaider par téléphone, l'expulsion
équivaut à un déni dé justice. Peut-être lés
jésuites avaient-ils tort, mais il n'y aurait
pas de tribunaux si on empêchait l une des
parties de s'expliquer, sous prétexte qu'elle
ne paraîtrait pas avoir raison.
La réflexion de la France est fort
juste ; il est fâcheux qu'elle vienne un
peu tard, car la France a eu, il y a
plusieurs années, une bonne occasion
de la produire. Ce journal aurait-il ou
blié qu'en France, à cette époque, lés
jésuites avec tous les autres religieux
ont été violemment expulsés de leurs
demeures contre tout droit et que lors
qu'ils ont voulu porter leurs causes
devant les tribunaux, l'accès de ces
tribunaux leur a été fermé?
Dans l'hypothèse où le récit des
faits de Monaco serait exact, la France
aurait donc raison de protester. Mais
que pense-t-elle de ce qui s'est fait
certainement en notre pays ? Or, nous
n'avons pas souvenir çpe la Elance
ait protesté, en ce temps-là contre une
si flagrante iniquité? En tout cas, l'in
justice dojpeure, et, pour être logique^
la France devrait s'associer à nous
pour demander qu'elle disparaisse. Il
est vrai que cette demande aurait peu
de châfice d'être accueillie par le chef
du cabinet, lequel est ce même M. de
Freycinet dont les catholiques.n'ou
blieront pas de sitôt les agissements,
alors que, combattant au Sénat pour
l'adoption du fameux article 7 de là loi
Ferry, il menaçait le Sénat, en cas de
refus, des fameux décrets à l'exécution
desquels s'attachera pour toujours,
dans l'histoire, son nom entaché.
auguste RO 'jssblc
C'est par une erreur d'impression
que la signature de Mgr l'évêque d'Or
léans a été omise au bas de la lettre
collective des archevêques et évêques
de la province ecclésiastique de Paris,
publiée dans l'Univers du 9 janvier.
Voici la note du Temps dont il est
question plus haut :
Les décrets rattachant les protectorats
au ministère des affaires étrangères ont
une importauce considérable ; M. le prési
dent du conseil va donc centraliser les af
faires indo-chinoises et donner à notre
action en extrême-Orient l'unité de vues
que bous avons toujours réclamée. Mais,
parmi les protectorats, se trouve celui du
Cambodge, et, depuis 1864, sa direction
incombait à la Cochinchine française. Sera-
t-il distrait du ministère de la marine et
des colonies ? Dans l'affirmative, il est bon
de faire remarquer que la Cochinchine de
viendrait une enclave au milieu des pays
protégés, et que la logique et les intérêts
bien entendus de la France exigeraient
qu'elle fût administrée par le département
ministériel chargé des protectorats.
Ni la logique, ni les « intérêts bien
entendus de la France » n'ont rien à
voir là-dedans ; ils exigeraient évidem
ment que, dans des pays où l'on se
bat et ou l'on .se battra encore long
temps, l'autorité militaire soit prépon
dérante; mais il faut donner des pla
ces aux frères et amis, dont l'avidité
est insatiable.
L'Agence Eavas communique aux
journaux cette correspondance de Hué,
datée du 23 novembre :
La situation n'est pas très favorable. Dr puis
bienlôt quinze jours on signale des mouvements
insurrectionnels dans tout l'Annam -de Qusng-
Bin'g (30 kilomètres au nord de Ilué) à Than-
Hoa. Prenez une carte de l'Annam et suivez -
moi :
Au Nord,, à Than-Iioa, il y a quatre compa
gnies d'infanterie de marine sous les ordres du
lieutenant-colonel Boilève, qui vient de rempla
cer le colonel Pernot, nommé colonel du 2° ti
railleurs tonkinois. Au-dessous de Than-Iloa se
trouve Vinh, où il y a trois compagnies d'infan
terie de marine sous les ■ ordres du lieutenant-
colonel Chaumont. A côté de Vinh ot au Sud se
trouve la place forte de Hatligue, quartier géné
ral de Thuyet ; au-dessous de Hatligue se trouve
Quang-Binh ou Dong-Heni, où il y a deux com
pagnies d'infanterie de marine, commandées par
le commandant Grégoire.
Nos troupes sont restées dans l'inaction pen
dant un mois. L'infatigable Thuyet en a profité
pour sefortifierjon le poursuivaitjdansle Than-Hoa,
et l'on n'a pas pu empêcher Thuyet de passerai est
arrivé à Hattigne, près deVinh. Hatligue est bien
fortifiée. Thuyet a pu y rallier de nombreux parti
sans, une dizaine de mille, bien airmés ; puis il a
fait brûler tous les villages et intercepter toutes
les communications tant au. nord qu'au sud de
Vinh. Cette place forte est cernée, mais on espère
qu'elle sera bientôt débloquée. Thuyet est avec
l'ancien roi qui n'est pas mort, à ce qu'il paraît.
Il adresse des proclamattons au pays et aux
mandarins, et il a promis de fortes récompenses
^ tous ceux qui lui rapporteront des têtes de
s Français.
Voici très exactement la quantité des objets, or
et argent, pris par la France dans le trésor anna
mite dans la nuit du 3 juillet. L'or et l'argent
viennent d'être versés au Trésorfrançais; l'inven»
■aire en a été laborieux, il a duré trois mois :
or, 1,300 kilog., 600 barres d'argent, 80 kilog.de
taëls en argent, 3.3,780 piastes, 1,209 kilog. de
sapèques de différentes grandeurs. Mais le mon
tant de ces objets (soit 14 à 13 millions) ne fera
pas retour à la France ; tl servira à payer les of
ficiers et les troupes de la mission Brissaud, qui
vient pour réorganiser les troupes.
Les massacres entre chrétiens annamites et
Annamites non catholiques continuent de plus
belle ; il se commet des atrocités de part et d'au
tre; Quantité de villages flambent les uns après
les autres. Dans la province de Quang-Trl, près
de Hué, il y a eu 8,000 Annamites catholiques de
cernés et massacrés, 17 villages brûlés. Dans un
pays comme celui-là, hérissé de montagnes et
d'embûches de toutes sortes, nos troupes ont
beaucoup à souffrir. La mortalité a cessé avec le
choléra, mais il y a un peu de dyssenterie que la
saison des pluies torrentielles que nous avons en
ce moment nous a amenée.
Le général de Courcy arrivera à Ilué le 2 ou le
3 décembre ; il va y séjourner, dit-on, trois mois.
Son ûls sera avec lui.
Cette correspondance d'une agence
officieuse provoque deux observations.
Premièrement, elle semble faite pour ef
frayer et pour jeter le blâme sur l'autori
té militaire. Que signifie cette phrase :
« Les troupes sont restées dans l'inac
tion pendant un mois », si elle n'a
pour but de mettre en cause le géné
ral de Courcy à l'inaction duquel on
oppose l 'activité de « l'infatigable
Thuyet?» •
- Deuxièmement, et ici la chose est en
core plus grave, l'officieuse agence dé
nature {sciemment les faits, lorsqu'elle
dit que « les massacres entre chrétiens
Annamites et Annamites non catho
liques continuent de plus belle et qu'il se
commet des atrocités de part et d'au
tre ». Elle ne peut ignorer que les chré
tiens aiiamites se sont tout au plus
défendus dans deux ou trois endroits ;
qu'ailleurs, ils ont été massacrés; il
n'y a donc pas eu des fhassacres et des
«atrocités » de « part et d'autre ».
Est-ce que nos gouvernants, pour se
mettre à couvert de la responsabilité
<$ui leur incombe dans ces massacres
de chrétiens immolés bien plus en
haine de la France que de la- foi, au
raient donné pour consigne à l'offi
cieuse agence de les calomnier ? Hélas,
avec des hommes comme MM. Ferry et
de Fr eycinet on peut tout croire et tout
craindre.
Remarquons que, comme s'il vou
lait se donner immédiatement un dé
menti, le correspondant de l'Agenee
Eavas , après avoir accusé les chrétiens,
ne parle que de chrétiens massacrés
et de villages chrétiens brûlés ; s'il y
avait des massacres et des atrocités de
part et d'autre, il lui aurait été facile
a'énumérer les milliers de païens
massacrés et les villages païens brû
lés. Cela ne ferait-il pas croire à une
interpolation faite par ordre à Paris.
Nous lisons dans le Figaro :
On avait reproché au général de Courcy
d'avoir fait accompagner son fils rentrant
en France par un officier d'état-major qui
aurait pu rendre de tout autres services au
Tonkin. Ce reproche était inexact. L'offi
cier qui s'estembarqué avec le fils du géné
ral en chef de notre corps expéditionnaire,
le capitaine Poupard, revient en France
pour la seule raison que pa mission est ter
minée. Cette mission avait un caractère
spécial.
M. Poupard est l'inventeur jd'un chiffre
télégraphique tout particulier.. La dépêche
transmise d'après sa méthode est indéchif
frable pour tous ceux qui ne sont pas munis
do l'appareil et de la clef. Le capitaine
avait été chargé par le général Campenon
de faire modifier le service employé jusqu'à
ce jour au Tonkin : il a mis l'état-major
du général de Courcy en possession de sa
méthode, et, cette mission terminée, il est
revenu.
Cstte note fait justice de malveil
lantes imputations que le Temps avait
publiées avec sa doucereuse mauvaise
foi et que la République française avait
commentées avec sa brutalité ordi
naire. Les feuilles opportunistes font
campagne, depuis quelque temps, con
tre le général de Courcy, et elles ne
sont pas scrupuleuses dans le choix
des moyens.
Les funérailles de M. de Falloux ont
eu lieu hier matin en l'église-cathé-
drale d'Angers. Une messe solennelle
de Requiem a été célébrée par M. le
curé de la paroisse. S. G. Mgr Freppel
y assistait et a donné l'absoute :
Derrière le char funèbre fort simple, dit
l'Union de l'Ouest, venait le deuil conduit
par les neveux du' défunt, M: le comte de
Blois et M. le comte de Quinsonas, gendre
de M. le baron de Mackau, celui-ci retenu
par une grave maladie de -Mme de Mac
kau, le vicomte de Bâracé, et le viel ami des
premiers jours et de la vie entière le comte
Albert de Resseguier.
Les cordons du drap mortuaire étaient
tenu par : M. le duc de Broglie, M. Bla-
vier et M. le baron Le Guay, sénateurs,
celui-ci représentant M. le général d'Andi-
gné, empêché ; M. le vicomte de Cumont,
ancien ministre; M. le comte de Maillé et
M. de Soland, députés; M. Ambroise Jou-
bert, ancien député, et M. Ernest Oriolle.
Nous lisons également dans l'Union
de l'Ouest :
M. le comte de Blois a reçu pendant la
cérémonie funèbre la dépêche suivante, que
Monsieur le comte de Paris a daigné lui
adresser, avant d'avoir pu recevoir la let
tre par laquelle la fatale nouvelle a été com
muniquée au prince et qui était adressée au
château d'Eu :
J'apprends que le service funèbre pour le comte
de Falloux sera célébré aujourd'hui i Angers. Je
tiens à vous dire que je m'associe de tout cœur
aux hommages que de nombreux amis vont ren
dre à la mémoire de volrj illustre oncle. Per
sonne ne ressent plus vivement que moi la perte
de cet homme d'Etat si éminent, dont le cœur
était si français, le jugement si juste, le conseil si
éclairé, le commerce si séduisant et si instructif.
Je partage votre douleur et me joins à vos prières.
C omte de P aris.
M. le duc de Chartres a daigné aussi
adresser à M. Oriolle une dépêche de con
doléances.
La Semaine religieuse du diocèse
d'Angers publie, en tête de sa chro
nique diocésaine, la note suivante sur
M. le comté de Falloux :
Nous venons d'apprendre la mort de M.
le comte de Falloux, membre de l'Acadé
mie française, ancien ministre de l'instruc
tion publique et des cultes, décédé à An
gers le 6 janvier. La veille, dans la soirée,
il avait été frappé d'une congestion céré
brale, qui bientôt l'avait privé de tout sen
timent. A peine Monseigneur eut-il appris
l'état du malade', qu'il s'empressa de se
rendre auprès de lui pour iui donner une
suprême bénédiction. Peu d'instants aupa-c
ravant, M. de Falloux, déjà sans connais- 7
sance, avait reçu le sacrement d'extrême-
onction.
Né en 1811, il est mort dans sa soixante-
quinzième année.
Les dissentiments d'un grand nombre de
catholiques avec M. de Falloux dans cer
taines questions religieuses, et le rôle con
testé de cet homme d'Etat en politique ne
sauraient faire oublier les vertus chrétien
nes qu'il pratiquait dans sa vie privée, ni
les services qu'il rendit à' l'Eglise, à diffé
rentes époques • de sa carrière, notamment
à l'occasion de la loi de 1850 sur l'ensei
gnement. D'autre part, son talent d'orateur
et d'écrivain, ses ouvrages où se révèlent
des qualités de style peu communes, lui as->
surent un rang distingué parmi les littéra
teurs de notre temps. Nous ne saurious être
indifférents, pour l'Anjou, à une renommée
dont l'éclat -rejaillit sur notre province. Mais
ce qui, aux yeux de la foi, vaut mieux que des
éloges où entrerait nécessairement une part
de critique, ce sont les prières qui, demain
et les jours suivants, seront répandues'sur
h tombe de M. do Falloux.
« Les sentiments exprimés dans la
Semaine religieuse sont exactement les
nôtres », dit l'Anjou en reproduisant
le jugement ci-dessus,
gomment on écrit l'histoire
III
L 'honnêteté des jugements en his->
toire n'importe pas moins que la fidé-J
lité dans le récit des faits. L'histoire
n'est pas,purement narrative et_desti
née à occuper la curiosité, l'histoire
est un patrimoine national. Il tombe
sous le sens que c'est le jugement qui
fait valoir, qui met en rapport, pour
rait-on dire, ce patrimoine de l'his
toire.
Par le jugement, les peuples sor.t
mis à même de s'instruire, non point
aux utiles exemples uniquement, mais
aussi aux erreurs et aux malheurs du
passé. Ces vérités, qui ont l'évidence
du lieu commun, paraissent néan
moins fort dédaignées d'un bon nom
bre de ceux qui écrivent ou commen
tent l'histoire. Aux allures d'une no
table portion de la littérature et de la
presse, on imaginerait que juger les
événements ou les personnages histo
riques est chose ne relevant d'aucune
règle et d'aucun devoir, et où la fan
taisie ou le paradoxe peuvent se don
ner leurs coudées franches. On juge
en tel sens plutôt qu'en un autre, pour
quoi? Mon Dieu, pour sortir des opi
nions battues, pour étonner la galerie»
à l'occasion pour choquer un senti-<
ment respectable.
Les passions révolutionnaires par
dessus tout corrompent les jugements*
11 en résulte des glorifications abomi
nables. Oii dresse des piédestaux à de
sanglants coquins, ne différant des
assassins de droit commun que par
l'énormité et la multiplicité des for
faits. Outre ses emportements, l'esprit
de parti a ses servitudes non moins
meutrières à la droiture des juge
ments. Le franc parler disparaît, la
liberté du blâme est confisquée. L'his-4
toire alors n'est plus qu'une non-va-<
leur ; elle a aliéné son droit, plutôt sa
mission de flétrir l'injustice, les traî
trises, lés lâches abandons.
Une juste sévérité d'appréciation est
le sel ae l'histoire, le sel qui la fait
saine et d'un salutaire enseignement.
Le mal du jour est que ce sel -s'éva
nouit. La mode n'est plus précisément
aux apothéoses sans vergogne des Ma-
rat et des Carrier. Le tempérament ré
volutionnaire baisse. La violence n'est
guère le fait de l'heure actuelle; sa
caractéristique est bien plutôt une fa
deur malsaine des jugements, un
écœurant optimisme où périt toute ré
probation du mal, toute haine vivaca
du faux.
Nous avons sous les yeux une page
d'histoire extrêmement officielle, em
preinte à souhait de cet optimisme
atone. C'est l'éloge historique du cons
tituant Thouret, prononcé à l'audience
de rentrée de la cour de cassation par
un de MM. les avocats généraux.
Thouret, esprit médiocre, eut les es
pèces de quajités que la médiocrité
comporte, à savoir la correction de la
vie, une certaine mesure extérieure,
toutes chôses que le vulgaire exprime
d'un mot : la tenue. L'homme eut de
l'importance dans les situations qu'il
occupa et la part active qu'il prit aux
débats législatifs du temps ; il eut peu
d'individualité et de physionomie.
Aussi M. l'avocat général Rousselier
n'a-t-il pas entrepris de dessiner un
portrait de Thouret, il en a simple
ment fait l'éloge. Qu'y avait-il dans le
député de Rouen aux Etats généraux
motivant les honneurs d'un éloge pu
blic ? Nous ne démêlons en lui pour
notre part qu'un mérite particulière
ment prononcé : Thouret était un dé
terminé travailleur, ce qu'on appelle à
l'école un bûcheur. Nous n aurions
garde certes de parler irrespectueuse
ment du travail* cet ami, ce gardien
d'une certaine innocence de la vie et
des pensées. On accordera toutefois
que le travail vaut uniquement par le
but où il tend. Dépensé à des œuvres
perverses, le travail n'est plus la pro
duction, il est la destruction et n'a
droit qu'aux réprobations rigoureu^
ses.
En tout cas, Thouret fut par tempé
rament ardent au travail. L'avocat gé
néral a cité un fait excessif : suivant
à l'université de Caen les cours de l'é
cole de droit, le jeune Thouret forma
avec un de ses condisciples le projet,
que l'un et l'autre menèrent à bonne
fin, d'apprendre entièrement par cœur
les Pandectes, commentés par Po-
thier, soit la matière de douze volumes
in-8 en impression ordinaire. Le jeune
émule de Thouret paya de sa vie cet
effort insensé de volonté et de mé
moire. Thouret, plus résistant, en fut
quitté pour un violent ébranlement cé
rébral et une diète de travail de quel
ques mois. Notons en passant que les
deux étudiants se donnèrent un mal
énorme pour un mince profit. Appren
dre de mémoire des multitudes ae tex
tes est bien, croyons^nous, la,manière
la moins intelligente d'apprendre. On
sait mal, imaginerions-nous, parce
qu'on sait sans assez de liberté de ju-t
gement les choses que l'on sait par
cœur. La science ingurgitée par ca
procédé nous encombre plus que nous
ne la possédons; voulons-nous en user ;,
cela tourne à la récitation littérale
plutôt qu'à la libre appréciation qu'il
faut pour user avec choix, L'absolu§
PARIS
On > t » S > t « « > * o » «. « * ï â CSfp. •
Six mois. «eïtoDotooigtsto 28 60
Tïols ZQOil' « O 0 # 0 0 0 • O O d 0 o o o 1
N° 6610^ ~ Edition quotidienne.
£undi 11 Janvier 1886
15 cent
20 -rs
m.
Un Numéro, à Paris. . . . ..
— Départements.
BUREAUX
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On s'abonne, & Btmc, place du ®e«ù» S
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Édition seml-^aotiâiènnQ
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doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANGE
PARIS, 10 JANVIER 1886
Les renseignements publiés par les
divers journaux plus ou moins offi
cieux sur le conseil des ministres tenu
hier sont sans grand intérêt; ils ne
portent guère que sur les moyens
qu'emploiera le ministère Freycinet
pour ré'ablir le budget en équilibre.
Comme tous les cabinets, celui-ci
nous promet l'équilibre, mais promet
tre et tenir sont deux, surtout pour des
républicains.
Au sujet de la déclaration ministé
rielle comme du message présidentiel
les journaux sont muets. N'en aurait-
il pas été question ? Gela surprendrait,
quoique la déclaration et le message
ne soient plus annoncés que pour
jeudi, la séance de mardi devant être
prise par l'élection des bureaux au
Sénat comme à la Chambre des dé
putés.
Le «premier élu de Paris », qu'on
pourrait presque appeler comme jadis
au temps du Parlement, « Monsieur le
premier », M. Lockroy, connaît son
importance ; il a exigé et obtenu le
rattachement au ministère du com
merce et de l'industrie des syndicats
professionnels. Que pourrait-on refuser
au représentant de la Ville-Lumière ?
Ne doit-on pas lui être reconnaissant
de ce qu'il a daigné se contenter du
ministère du commerce, même addi
tionné de l'industrie.
Que se cache-t-il derrière le ratta
chement des pays de protectorat. au
ministère des affaires étrangères ?
C'est déjà beaucoup trop que d'avoir
remis tous ces pays, parmi lesquels il
y en a plusieurs où l'on est encore en
pleine guerre, à la main si faible de
M. de Freycinet, et voilà qu'une cam
pagne commence pour lui donner
même les colonies. Ainsi le | Temps pu
blie ce matin une note où l'on dit
que notre colonie de Cochinchine va se
trouver englobée dans les pays de pro
tectorat, le Cambodge, ■ l'Annam, le
Tonkin, et qu'il est logique de la re
mettre au ministre des affaires étran
gères. M. de Freycinet, cet homme né
faste dont on ne compte plus les échecs,
a donc bien grande confiance en
lui.
Signalons une campagne d'une au
tre nature, mais non moins signi
ficative; le général de Courcy est atta
qué, ^ouvertement ou sournoisement,
en même temps qu'on essaye de trans
former les massacres de chrétiens faits
en haine de la France en luttes entre
Annamites chrétiens et païens ; l'offi
cieuse Agence Bavas elle-même publie
des correspondances dans ce sens.
Qu'est-ce que tout cela nous pré
pare?
lie Journal officiel publie les change
ments apportés au personnel dirigeant
des ministères de l'intérieur, de la
guerre et de la marine. Les deux mi
nistres de la guerre et de la marine
font, ce qu'on appelle vulgairement,
maisonnette. Cela nous semble re
grettable. Sans viser aucunement les
nouveaux élus, sauf un qui nous paraît
bien mal choisi, le colonel Jung, nous
dirons que, dans des ministères com
me ceux de la marine et de la guerre,
il est dangereux de rompre brusque
ment avec les traditions. Et c'est surtout
dangereux quand les ministères sont
de si courte durée, comme dans la ré
publique peu athénienne et peu sta
ble dont nous sommes ornés.
On avait annoncé que la Russie pro
posait aux puissances signataires du
traité de Berlin de peser sur la Serbie
et la Bulgarie pour les amener à dé
sarmer. Ce bruit semble confirmé. On
ne dit pas qu'il sera pesé également
sur la Grèce, mais il nous semble que
cela va de soi.
L'usure
La loi de 1807, qui fixe le tàux de
l'intérêt à 6 pour cent en matière
commerciale, -et à 5 pour cent en
matière civile, vient d'être modifiée.
hQ maximum en [matière civile de
meure; mais ce gue les économistes
appellent la liberté de l'intérêt devient
la loi en matière de commerce. Les
économistes ont remporté une victoire
signalée, et nul doute qu'elle ne soit
bientôt suivie d'une victoire du même
genre dans le droit civil. L'usure est
un des dogmes fondamentaux de la
révolution française. On a allégué la
liberté des transactions ; ces pauvres
ususiers ne sont-ils pas animés des
meilleures intentions ? pour qu'ils
réussissent dans leurs affaires, n'est-il
pas nécessaire qu'un grand nombre de
familles aient 1 occasion de se ruiner ?
Ah 1 si des parents, des amis s'enten
daient pour constituer un patrimoine
et le conserver, toute la police et toute
la justice seraient sur pied pour ré
primer un pareil scandale. Tous les
hommes d'Etat du moment s'écrie
raient qu'avec la liberté des transac
tions il n'y aurait bientôt plus nicode
civil ni révolution française, et que
d'ailleurs le • gouvernement sait bien
mieux que les particuliers ce qui peut
leur convenir.
L'usurier prête sans doute librement;
mais le commerçant qui est sur le
bord de la faillite, est-il libre d'em
prunter ou de ne pas emprunter ? L'ar
gent est une marchandise ont dit les
économistes; ils ont aussi prétendu
que le travail est une marchandise.
Mais si le travail est une marchandise,
l'homme aussi est une marchandise.
Ils nous apprennent du moins que
l'homme est un capital, un instrument
de travail, ce qui est exactement la
même chose. Qu'il aille où il voudra,
la mère-patrie ne lui garantit rien. Le
libre-échange lui ouvre le monde. Les
économistes lui rendant impossible la
concurrence en France contre l'é
tranger, l'envoient à l'étranger!
L'argent est cosmopolite : on remar
que l'influence croissante qu'exercent
chez nous les capitaux genevois, juifs,
protestants. S'ils commanditent toutes
nos industries, ils deviendront maîtres
de toutes nos industries. La propriété
foncière elle-même qui semble, par sa
nature, exclusivement réservée aux
indigènes, tend à passer en des mains
étrangères. La liberté de l'usure est le
moyen le plus actif de cette substitu
tion des étrangers aux nationaux en
France. Quand on songe à la guerre
constante que fait la législation à la
stabilité des patrimoines, à la durée
des entreprises de commerce et d'in
dustrie, on voit aisément que le capi
taliste étranger n'a qu'à étendre la main
pour saisir tous ces gages et s'en ren
dre acquéreur, en profitant de toutes
les -liquidations forcées. Il n'a vrai
ment que l'embarras du choix. Dira-
t on que l'étranger nous offre la réci
procité? Loin de là ; les nationaux sont
partout protégés par des lois et des
coutumes qui permettent au père de
famille de veiller à la continuation de
son œuvre. Croyez-vous qu'il y a au
tant de Français propriétaires en An
gleterre et en Allemagne qu'il y a
d'Anglais et d'Allemands propriétaires
en France?
Nous objectera-t-on que que nos lois
fiscales et civileg. pèsent sur l'étran
ger? L'étranger qui a des capitaux sait
s'y soustraire. Il conserve aisément
l'unité de ses exploitations en France,
en faisant à ses enfants dans son pays
ou même en France une part qu'ils ne
refusent pas. Ils sont élevés à respec
ter l'autorité paternelle. Voit-on des
procès entre juifs? Nos lois de disso-
lutton sociale attirent l'étranger. : il
est plus sûr de nous conquérir en dé
tail par l'usure qu'en bloc par les ar
mes. Nos troubles civils nous livraient
au seizième siècle aux Italiens, et aux
Genevois à la fin du dix-huitième siè
cle. Si nous manquons de toute force
de résistance, ne faut-il pas l'attribuer
à ces lois d'instabilité qui tiennent tous
les intérêts en suspens? L'aberration
a été telle que sous la Restauration on
a fait des lois pour attirer les étran
gers en France, comme si les Français
étaient incapables de peupler leur ter
ritoire 1
Dans tous nos départements la terre
a diminué de sa valeur. Cette diminu
tion est d'un tiers, souvent de moitié.
Les propriétaires ne trouvent plus de
fermiers. Et ils n'ont pas la ressource
d'attendre des circonstances plus fa
vorables. Il faut pourvoir les enfants,
établir des dots, liquider à tout prix.
Qui empêche l'étranger de se présen
ter? Il amènera avec lui des ouvriers
de son pays. Au nord, à l'ouest, dans
le centre même ne sommes-nous pas
encombrés d'ouvriers qui nous arri
vent de Belgique, d'Allemagne et de
Suisse, sans compter les Italiens qui
nous envahissent par le sud. Ils vien
nent tous travailler à meilleur prix
que nos ouvriers français. Est-ce que
cette invasion ne ressemble pas à celle
des populations germaniques qui, du
consentement des empereuris romains,
venaient occuper le territoire de la
Gaule pour le cultiver et y vivre?
Les économistes nous répondent :
C'est le libre-échange, tous les peu
ples sont frères, et peu importe par
qui le sol est possédé ou cultivé 1 On
ne saurait se débarrasser plus cava
lièrement de l'idée de famille et de
patrie. L'usure est un admirable engin
de destruction. Qu'a fondé chez nous
cette facilité des prêts et des em
prunts qui, depuis l'avènement de
Louis-Napoléon, a suscité un tel -re
muement de capitaux ? D'abord, c'est
le petit propriétaire et le cultivateur
qu'il s'agissait de soulager. Que de
crédits foncier, agricole, immobi
lier, etc.! Tout ce charlatanisme a
abouti à l'état présent de l'agriculture
et de la propriété foncière. Par la li
berté du taux de l'intérêt, le commerce
est livré aux entreprises des capita
listes; ils pourront s'emparer de la
plus grande partie des bénéfices du
commerce, dépouiller le commerçant
forcé de subir des conditions onéreu
ses. La facilité de l'emprunt ruinera
le commerce un peu plus rapidement,
voilà tout. On verra combien nos lois
rendent impuissant le secours que l'on
prétend offrir aux commerçants par
la facilité des emprunts usuraires.
C oquille.
La Persécution
On lit dans la Semaine religieuse du
diocèse de Blois :
Mgr l'évêque dé Blois a été informé, le
31 décembre, que, par deux arrêtés en date
du 19 de ce mois, M. le ministre des cultes
avait supprimé l'indemnité annuelle de
450 fr., attachée à dix vicariats dû diocèse,
qui étaient restés sans titulaires depuis
cinq ans environ, savoir :■ Collettes, Josnes,
Châteauvieux, Chaumont-sur-Tharonne,
Mondoubleau, Sargé, Villedieu, Morée,
Lunay, Villiers, et à sept vicariats qui ne
répondaient plus aux vœux des conseils
municipaux, savoir : Mer, Onzain, Pont-
Levoy,.Saint-Aignan, Saint-Georges, Selles-
sur-Cher et Montoire. ,
Par suite de ces décisions, la liste des
vicariats subventionnés dans le diocèse de
Blois se trouve réduite & huit, à compter
du l 01 janvier 1886.
Sa Grandeur s'est empressée de porter
cettte mesure aussi fâcheuse qu'inattendue
à la connaissance de MM. lee curés qu'elle
concerne. « J'avais fait remarquer, leur
écrit-elle, en m'adressant à M. le ministre
des cultes, dès le. mois de mars dernier,
que dix vicariats étaient restés sans titu
laires, depuis quelques années, soit en rai
son de la pénurie, de prêtres, soit parce
que MM. les curés, encors valides, pou
vaient momentanément se passer d'auxi
liaires; mais j'avais déclaré que l'étendue
territoriale de ces paroisses, ainsi que l'âge
avancé de MM. les curés, rendrait bientôt
nécessaire la présence de vicaires dans
plusieurs d'entr'elles. Je demandais en
conséquence le maintien des vicariats. Mal
heureusement mes raisons n'ont pu con
vaincre M. le ministre. »
« J'ai bien protesté, écrit encore monsei
gneur & MM. les curés, contre les avis dér
favorables des conseils municipaux. J'ai
fait remarquer à M- le ministre que ces
votes étaient émis précisément dans les
communes les plus importantes, là par con
séquent où les vicaires étaient les plus né
cessaires. J'ai affirmé que supprimer ces
vicariats serait désorganiser le service re
ligieux, réduire MM. les curés à l'impos
sibilité de remplir les multiples devoirs de
leur ministère, et mécontenter les parois
siens auprès desquels rien ne justifierait
une pareille mesure.
Mais ces observations n'ont pas fait im
pression sur M. le ministre. Il a mieux aimé
ainsi tenir compte exclusivement des avis
des conseils municipaux, avis émis quel
quefois à une faible majorité, formulés or
dinairement par des hommes incapables
d'apprécier les besoins, spirituels d'une pa
roisse, et trop souvent inspirés par leur
opposition systématique à la religion. Ain
si, d'après ces messieurs, Selles-sur-Cher
avec ses 4,700 habitants, les paroisses de
Mer, Montoire, Saint-Aignan, avec une
population de plus de 3,000 âmes et des
hospices à desservir, pourraient se passer
de vicaires I
Sa Grandeur n'a pu dissimuler, en ter
minant, la part qu'elle prend à la peine
des curés qui, demain peut-être, seront pri
vés du secours indispensable de leurs col
laborateurs.
L'Espérance du Peuple annonce "q ue
dans le diocèse de-Nantes les vicariats
sont supprimés à Saint-Nazaire, à
Nort, à Vertou, etc. ; en un mot, dans
toutes les paroisses dont la population
dépasse 5,000 habitants.
Ils le sont également à Blain et à
Guémené, bien que ces paroisses
n'aient pas 5,000 habitants.
Nota. •— Nos lecteurs auront rectifié
d'eux-mêmes la faute d'impression
qui, dans le récit des faits de persécu
tion publié dans notre dernier numéro,
a fait intervenir Mgr Vévêque oM lieu de
Mgr l'archevêque de Besançon.
Sur la foi d'une dépêche du Times,
nombre de journaux ont annoncé
qu'à la suite d'un prétendu dissenti
ment entre le prince de Monaco et les
jésuites, le prince aurait pris contre
ces dignes religieux un arrêté d'expul
sion, parce qu'ils avaient manifesté
l'intention de faire juger le litige par
les tribunaux civils.
Cette affaire sera éclaircie, et nous
avons sujet de croire que le Times a
été fort mal renseigné sur plus d'un
point. Mais, en attendant, nous voulons
citer une réflexion que fait là-dessus
un rédacteur de la France :
On voit par ce fait-divers que Grimaud
de Monaco est un souverain plein de jus
tice. Quand ses sujets veulent plaider, il
les met d'abord à la porte. Comme on ne
peut pas plaider par téléphone, l'expulsion
équivaut à un déni dé justice. Peut-être lés
jésuites avaient-ils tort, mais il n'y aurait
pas de tribunaux si on empêchait l une des
parties de s'expliquer, sous prétexte qu'elle
ne paraîtrait pas avoir raison.
La réflexion de la France est fort
juste ; il est fâcheux qu'elle vienne un
peu tard, car la France a eu, il y a
plusieurs années, une bonne occasion
de la produire. Ce journal aurait-il ou
blié qu'en France, à cette époque, lés
jésuites avec tous les autres religieux
ont été violemment expulsés de leurs
demeures contre tout droit et que lors
qu'ils ont voulu porter leurs causes
devant les tribunaux, l'accès de ces
tribunaux leur a été fermé?
Dans l'hypothèse où le récit des
faits de Monaco serait exact, la France
aurait donc raison de protester. Mais
que pense-t-elle de ce qui s'est fait
certainement en notre pays ? Or, nous
n'avons pas souvenir çpe la Elance
ait protesté, en ce temps-là contre une
si flagrante iniquité? En tout cas, l'in
justice dojpeure, et, pour être logique^
la France devrait s'associer à nous
pour demander qu'elle disparaisse. Il
est vrai que cette demande aurait peu
de châfice d'être accueillie par le chef
du cabinet, lequel est ce même M. de
Freycinet dont les catholiques.n'ou
blieront pas de sitôt les agissements,
alors que, combattant au Sénat pour
l'adoption du fameux article 7 de là loi
Ferry, il menaçait le Sénat, en cas de
refus, des fameux décrets à l'exécution
desquels s'attachera pour toujours,
dans l'histoire, son nom entaché.
auguste RO 'jssblc
C'est par une erreur d'impression
que la signature de Mgr l'évêque d'Or
léans a été omise au bas de la lettre
collective des archevêques et évêques
de la province ecclésiastique de Paris,
publiée dans l'Univers du 9 janvier.
Voici la note du Temps dont il est
question plus haut :
Les décrets rattachant les protectorats
au ministère des affaires étrangères ont
une importauce considérable ; M. le prési
dent du conseil va donc centraliser les af
faires indo-chinoises et donner à notre
action en extrême-Orient l'unité de vues
que bous avons toujours réclamée. Mais,
parmi les protectorats, se trouve celui du
Cambodge, et, depuis 1864, sa direction
incombait à la Cochinchine française. Sera-
t-il distrait du ministère de la marine et
des colonies ? Dans l'affirmative, il est bon
de faire remarquer que la Cochinchine de
viendrait une enclave au milieu des pays
protégés, et que la logique et les intérêts
bien entendus de la France exigeraient
qu'elle fût administrée par le département
ministériel chargé des protectorats.
Ni la logique, ni les « intérêts bien
entendus de la France » n'ont rien à
voir là-dedans ; ils exigeraient évidem
ment que, dans des pays où l'on se
bat et ou l'on .se battra encore long
temps, l'autorité militaire soit prépon
dérante; mais il faut donner des pla
ces aux frères et amis, dont l'avidité
est insatiable.
L'Agence Eavas communique aux
journaux cette correspondance de Hué,
datée du 23 novembre :
La situation n'est pas très favorable. Dr puis
bienlôt quinze jours on signale des mouvements
insurrectionnels dans tout l'Annam -de Qusng-
Bin'g (30 kilomètres au nord de Ilué) à Than-
Hoa. Prenez une carte de l'Annam et suivez -
moi :
Au Nord,, à Than-Iioa, il y a quatre compa
gnies d'infanterie de marine sous les ordres du
lieutenant-colonel Boilève, qui vient de rempla
cer le colonel Pernot, nommé colonel du 2° ti
railleurs tonkinois. Au-dessous de Than-Iloa se
trouve Vinh, où il y a trois compagnies d'infan
terie de marine sous les ■ ordres du lieutenant-
colonel Chaumont. A côté de Vinh ot au Sud se
trouve la place forte de Hatligue, quartier géné
ral de Thuyet ; au-dessous de Hatligue se trouve
Quang-Binh ou Dong-Heni, où il y a deux com
pagnies d'infanterie de marine, commandées par
le commandant Grégoire.
Nos troupes sont restées dans l'inaction pen
dant un mois. L'infatigable Thuyet en a profité
pour sefortifierjon le poursuivaitjdansle Than-Hoa,
et l'on n'a pas pu empêcher Thuyet de passerai est
arrivé à Hattigne, près deVinh. Hatligue est bien
fortifiée. Thuyet a pu y rallier de nombreux parti
sans, une dizaine de mille, bien airmés ; puis il a
fait brûler tous les villages et intercepter toutes
les communications tant au. nord qu'au sud de
Vinh. Cette place forte est cernée, mais on espère
qu'elle sera bientôt débloquée. Thuyet est avec
l'ancien roi qui n'est pas mort, à ce qu'il paraît.
Il adresse des proclamattons au pays et aux
mandarins, et il a promis de fortes récompenses
^ tous ceux qui lui rapporteront des têtes de
s Français.
Voici très exactement la quantité des objets, or
et argent, pris par la France dans le trésor anna
mite dans la nuit du 3 juillet. L'or et l'argent
viennent d'être versés au Trésorfrançais; l'inven»
■aire en a été laborieux, il a duré trois mois :
or, 1,300 kilog., 600 barres d'argent, 80 kilog.de
taëls en argent, 3.3,780 piastes, 1,209 kilog. de
sapèques de différentes grandeurs. Mais le mon
tant de ces objets (soit 14 à 13 millions) ne fera
pas retour à la France ; tl servira à payer les of
ficiers et les troupes de la mission Brissaud, qui
vient pour réorganiser les troupes.
Les massacres entre chrétiens annamites et
Annamites non catholiques continuent de plus
belle ; il se commet des atrocités de part et d'au
tre; Quantité de villages flambent les uns après
les autres. Dans la province de Quang-Trl, près
de Hué, il y a eu 8,000 Annamites catholiques de
cernés et massacrés, 17 villages brûlés. Dans un
pays comme celui-là, hérissé de montagnes et
d'embûches de toutes sortes, nos troupes ont
beaucoup à souffrir. La mortalité a cessé avec le
choléra, mais il y a un peu de dyssenterie que la
saison des pluies torrentielles que nous avons en
ce moment nous a amenée.
Le général de Courcy arrivera à Ilué le 2 ou le
3 décembre ; il va y séjourner, dit-on, trois mois.
Son ûls sera avec lui.
Cette correspondance d'une agence
officieuse provoque deux observations.
Premièrement, elle semble faite pour ef
frayer et pour jeter le blâme sur l'autori
té militaire. Que signifie cette phrase :
« Les troupes sont restées dans l'inac
tion pendant un mois », si elle n'a
pour but de mettre en cause le géné
ral de Courcy à l'inaction duquel on
oppose l 'activité de « l'infatigable
Thuyet?» •
- Deuxièmement, et ici la chose est en
core plus grave, l'officieuse agence dé
nature {sciemment les faits, lorsqu'elle
dit que « les massacres entre chrétiens
Annamites et Annamites non catho
liques continuent de plus belle et qu'il se
commet des atrocités de part et d'au
tre ». Elle ne peut ignorer que les chré
tiens aiiamites se sont tout au plus
défendus dans deux ou trois endroits ;
qu'ailleurs, ils ont été massacrés; il
n'y a donc pas eu des fhassacres et des
«atrocités » de « part et d'autre ».
Est-ce que nos gouvernants, pour se
mettre à couvert de la responsabilité
<$ui leur incombe dans ces massacres
de chrétiens immolés bien plus en
haine de la France que de la- foi, au
raient donné pour consigne à l'offi
cieuse agence de les calomnier ? Hélas,
avec des hommes comme MM. Ferry et
de Fr eycinet on peut tout croire et tout
craindre.
Remarquons que, comme s'il vou
lait se donner immédiatement un dé
menti, le correspondant de l'Agenee
Eavas , après avoir accusé les chrétiens,
ne parle que de chrétiens massacrés
et de villages chrétiens brûlés ; s'il y
avait des massacres et des atrocités de
part et d'autre, il lui aurait été facile
a'énumérer les milliers de païens
massacrés et les villages païens brû
lés. Cela ne ferait-il pas croire à une
interpolation faite par ordre à Paris.
Nous lisons dans le Figaro :
On avait reproché au général de Courcy
d'avoir fait accompagner son fils rentrant
en France par un officier d'état-major qui
aurait pu rendre de tout autres services au
Tonkin. Ce reproche était inexact. L'offi
cier qui s'estembarqué avec le fils du géné
ral en chef de notre corps expéditionnaire,
le capitaine Poupard, revient en France
pour la seule raison que pa mission est ter
minée. Cette mission avait un caractère
spécial.
M. Poupard est l'inventeur jd'un chiffre
télégraphique tout particulier.. La dépêche
transmise d'après sa méthode est indéchif
frable pour tous ceux qui ne sont pas munis
do l'appareil et de la clef. Le capitaine
avait été chargé par le général Campenon
de faire modifier le service employé jusqu'à
ce jour au Tonkin : il a mis l'état-major
du général de Courcy en possession de sa
méthode, et, cette mission terminée, il est
revenu.
Cstte note fait justice de malveil
lantes imputations que le Temps avait
publiées avec sa doucereuse mauvaise
foi et que la République française avait
commentées avec sa brutalité ordi
naire. Les feuilles opportunistes font
campagne, depuis quelque temps, con
tre le général de Courcy, et elles ne
sont pas scrupuleuses dans le choix
des moyens.
Les funérailles de M. de Falloux ont
eu lieu hier matin en l'église-cathé-
drale d'Angers. Une messe solennelle
de Requiem a été célébrée par M. le
curé de la paroisse. S. G. Mgr Freppel
y assistait et a donné l'absoute :
Derrière le char funèbre fort simple, dit
l'Union de l'Ouest, venait le deuil conduit
par les neveux du' défunt, M: le comte de
Blois et M. le comte de Quinsonas, gendre
de M. le baron de Mackau, celui-ci retenu
par une grave maladie de -Mme de Mac
kau, le vicomte de Bâracé, et le viel ami des
premiers jours et de la vie entière le comte
Albert de Resseguier.
Les cordons du drap mortuaire étaient
tenu par : M. le duc de Broglie, M. Bla-
vier et M. le baron Le Guay, sénateurs,
celui-ci représentant M. le général d'Andi-
gné, empêché ; M. le vicomte de Cumont,
ancien ministre; M. le comte de Maillé et
M. de Soland, députés; M. Ambroise Jou-
bert, ancien député, et M. Ernest Oriolle.
Nous lisons également dans l'Union
de l'Ouest :
M. le comte de Blois a reçu pendant la
cérémonie funèbre la dépêche suivante, que
Monsieur le comte de Paris a daigné lui
adresser, avant d'avoir pu recevoir la let
tre par laquelle la fatale nouvelle a été com
muniquée au prince et qui était adressée au
château d'Eu :
J'apprends que le service funèbre pour le comte
de Falloux sera célébré aujourd'hui i Angers. Je
tiens à vous dire que je m'associe de tout cœur
aux hommages que de nombreux amis vont ren
dre à la mémoire de volrj illustre oncle. Per
sonne ne ressent plus vivement que moi la perte
de cet homme d'Etat si éminent, dont le cœur
était si français, le jugement si juste, le conseil si
éclairé, le commerce si séduisant et si instructif.
Je partage votre douleur et me joins à vos prières.
C omte de P aris.
M. le duc de Chartres a daigné aussi
adresser à M. Oriolle une dépêche de con
doléances.
La Semaine religieuse du diocèse
d'Angers publie, en tête de sa chro
nique diocésaine, la note suivante sur
M. le comté de Falloux :
Nous venons d'apprendre la mort de M.
le comte de Falloux, membre de l'Acadé
mie française, ancien ministre de l'instruc
tion publique et des cultes, décédé à An
gers le 6 janvier. La veille, dans la soirée,
il avait été frappé d'une congestion céré
brale, qui bientôt l'avait privé de tout sen
timent. A peine Monseigneur eut-il appris
l'état du malade', qu'il s'empressa de se
rendre auprès de lui pour iui donner une
suprême bénédiction. Peu d'instants aupa-c
ravant, M. de Falloux, déjà sans connais- 7
sance, avait reçu le sacrement d'extrême-
onction.
Né en 1811, il est mort dans sa soixante-
quinzième année.
Les dissentiments d'un grand nombre de
catholiques avec M. de Falloux dans cer
taines questions religieuses, et le rôle con
testé de cet homme d'Etat en politique ne
sauraient faire oublier les vertus chrétien
nes qu'il pratiquait dans sa vie privée, ni
les services qu'il rendit à' l'Eglise, à diffé
rentes époques • de sa carrière, notamment
à l'occasion de la loi de 1850 sur l'ensei
gnement. D'autre part, son talent d'orateur
et d'écrivain, ses ouvrages où se révèlent
des qualités de style peu communes, lui as->
surent un rang distingué parmi les littéra
teurs de notre temps. Nous ne saurious être
indifférents, pour l'Anjou, à une renommée
dont l'éclat -rejaillit sur notre province. Mais
ce qui, aux yeux de la foi, vaut mieux que des
éloges où entrerait nécessairement une part
de critique, ce sont les prières qui, demain
et les jours suivants, seront répandues'sur
h tombe de M. do Falloux.
« Les sentiments exprimés dans la
Semaine religieuse sont exactement les
nôtres », dit l'Anjou en reproduisant
le jugement ci-dessus,
gomment on écrit l'histoire
III
L 'honnêteté des jugements en his->
toire n'importe pas moins que la fidé-J
lité dans le récit des faits. L'histoire
n'est pas,purement narrative et_desti
née à occuper la curiosité, l'histoire
est un patrimoine national. Il tombe
sous le sens que c'est le jugement qui
fait valoir, qui met en rapport, pour
rait-on dire, ce patrimoine de l'his
toire.
Par le jugement, les peuples sor.t
mis à même de s'instruire, non point
aux utiles exemples uniquement, mais
aussi aux erreurs et aux malheurs du
passé. Ces vérités, qui ont l'évidence
du lieu commun, paraissent néan
moins fort dédaignées d'un bon nom
bre de ceux qui écrivent ou commen
tent l'histoire. Aux allures d'une no
table portion de la littérature et de la
presse, on imaginerait que juger les
événements ou les personnages histo
riques est chose ne relevant d'aucune
règle et d'aucun devoir, et où la fan
taisie ou le paradoxe peuvent se don
ner leurs coudées franches. On juge
en tel sens plutôt qu'en un autre, pour
quoi? Mon Dieu, pour sortir des opi
nions battues, pour étonner la galerie»
à l'occasion pour choquer un senti-<
ment respectable.
Les passions révolutionnaires par
dessus tout corrompent les jugements*
11 en résulte des glorifications abomi
nables. Oii dresse des piédestaux à de
sanglants coquins, ne différant des
assassins de droit commun que par
l'énormité et la multiplicité des for
faits. Outre ses emportements, l'esprit
de parti a ses servitudes non moins
meutrières à la droiture des juge
ments. Le franc parler disparaît, la
liberté du blâme est confisquée. L'his-4
toire alors n'est plus qu'une non-va-<
leur ; elle a aliéné son droit, plutôt sa
mission de flétrir l'injustice, les traî
trises, lés lâches abandons.
Une juste sévérité d'appréciation est
le sel ae l'histoire, le sel qui la fait
saine et d'un salutaire enseignement.
Le mal du jour est que ce sel -s'éva
nouit. La mode n'est plus précisément
aux apothéoses sans vergogne des Ma-
rat et des Carrier. Le tempérament ré
volutionnaire baisse. La violence n'est
guère le fait de l'heure actuelle; sa
caractéristique est bien plutôt une fa
deur malsaine des jugements, un
écœurant optimisme où périt toute ré
probation du mal, toute haine vivaca
du faux.
Nous avons sous les yeux une page
d'histoire extrêmement officielle, em
preinte à souhait de cet optimisme
atone. C'est l'éloge historique du cons
tituant Thouret, prononcé à l'audience
de rentrée de la cour de cassation par
un de MM. les avocats généraux.
Thouret, esprit médiocre, eut les es
pèces de quajités que la médiocrité
comporte, à savoir la correction de la
vie, une certaine mesure extérieure,
toutes chôses que le vulgaire exprime
d'un mot : la tenue. L'homme eut de
l'importance dans les situations qu'il
occupa et la part active qu'il prit aux
débats législatifs du temps ; il eut peu
d'individualité et de physionomie.
Aussi M. l'avocat général Rousselier
n'a-t-il pas entrepris de dessiner un
portrait de Thouret, il en a simple
ment fait l'éloge. Qu'y avait-il dans le
député de Rouen aux Etats généraux
motivant les honneurs d'un éloge pu
blic ? Nous ne démêlons en lui pour
notre part qu'un mérite particulière
ment prononcé : Thouret était un dé
terminé travailleur, ce qu'on appelle à
l'école un bûcheur. Nous n aurions
garde certes de parler irrespectueuse
ment du travail* cet ami, ce gardien
d'une certaine innocence de la vie et
des pensées. On accordera toutefois
que le travail vaut uniquement par le
but où il tend. Dépensé à des œuvres
perverses, le travail n'est plus la pro
duction, il est la destruction et n'a
droit qu'aux réprobations rigoureu^
ses.
En tout cas, Thouret fut par tempé
rament ardent au travail. L'avocat gé
néral a cité un fait excessif : suivant
à l'université de Caen les cours de l'é
cole de droit, le jeune Thouret forma
avec un de ses condisciples le projet,
que l'un et l'autre menèrent à bonne
fin, d'apprendre entièrement par cœur
les Pandectes, commentés par Po-
thier, soit la matière de douze volumes
in-8 en impression ordinaire. Le jeune
émule de Thouret paya de sa vie cet
effort insensé de volonté et de mé
moire. Thouret, plus résistant, en fut
quitté pour un violent ébranlement cé
rébral et une diète de travail de quel
ques mois. Notons en passant que les
deux étudiants se donnèrent un mal
énorme pour un mince profit. Appren
dre de mémoire des multitudes ae tex
tes est bien, croyons^nous, la,manière
la moins intelligente d'apprendre. On
sait mal, imaginerions-nous, parce
qu'on sait sans assez de liberté de ju-t
gement les choses que l'on sait par
cœur. La science ingurgitée par ca
procédé nous encombre plus que nous
ne la possédons; voulons-nous en user ;,
cela tourne à la récitation littérale
plutôt qu'à la libre appréciation qu'il
faut pour user avec choix, L'absolu§
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