Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1885-11-18
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 novembre 1885 18 novembre 1885
Description : 1885/11/18 (Numéro 6558). 1885/11/18 (Numéro 6558).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 18 Novembre 1888
M 6558. M ' Edition çtioUdlennë)
Mercredi 18 Novembre 188#
PARIS
Un an. . ;
Six mois. /"»
Trois moi* «
Un Numéro, à Paris
' - ' Départements.
, DÉPARTEMENTS
Un. an >.i«Bgaii.'iBi«DiBi 85 i
Six mois. toeo. eo.^oo.. t oeo 28 69
TrOlS IQOiï •OO'.OOO.OBoO.OO 15 ®
Édition semi-quotidienne
Un an, 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 60
L'UNIVERS a» répond pu des manuscrits qui lai sont adressai
ANNONCES •
KM. Gh: IlSBiNSE, GEBF et G 18 , 6) place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 17 NOVEMBRE 1885
Il n'y a pas eu de crise ministé
rielle, et M. Brisson a donné lecture
de la déclaration dont nous avons pu
blié le texte. Dès hier, nous avons pu
constater qu'à la Chambre l'enthou
siasme avait été médiocre ; il en a été
de même au Sénat.: Aujourd'hui, la
presse est froide ; les journaux dévoués
, — ils sont peu nombreux et peu in
fluents — se battent en vain les flancs
pour célébrer cette pauvre pièce ; ils
ne parviennent pas a jouer la convic
tion.
Nous serions étonnés que les minis
tres, cependant disposés à l'optimisme,
se figurent qu'ils ont remporté un
succès et consolidé leur situation. Sans
le Congrès et la trêve des confiseurs,
ils ne gagneraient certainement pas
l'année prochaine. Même avec cela,
il n'est pas sûr qu'ils iaillent jusque-
là, et certains journaux font déjà,
sans la moindre pitié, l'oraison funè
bre de M. Brisson.
Si la question de l'amnistie^ a été
- passée sous silence dans la déclara
tion, elle ne pawûfc>fwrar«nterrée pour
cela. La proposition Glovis Hugues a
déjà réuni plus de cent signatures, et
elle en aura, dit-on, plus de deux cent
cinquante. Dans le Voltaire , M. Paul
Bert regrette que le ministère n'ait pas
pris l'initiative et semble dire qu'il
faudra qu'il cède. M. Grévy et M. de
Freycinet, qui ont plié devant M. Bris
son, ne sont assurément pas devenus
hostiles, du jour au lendemain, à l'am
nistie.
Demain, dans une nouvelle réunion
plènière, une décision doit être prise
au sujet de la proposition d'amnistie,
qui serait déposée jeudi.
Les réunions parlementaires se mul
tiplient à la Chambre des députés, au
point qu'on finit par ne plus s'y re
connaître. Est-ce un témoignage de la
solidité de la concentration? Hier, sur
l'initiative de M. Clémenceau, il y a
eu une réunion radicale, qui doit être
suivie d'une autre plus complète au
jourd'hui. Les nouveaux députés veu
lent également se réunir. Ils ne tien
draient qu'une seule réunion pour ar
rêter une ligne de conduite. Et si cela
ne suffit pas ?
Au Sénat, après la lecture par M.
Brisson de la « complainte ministé
rielle », M. Isaac, sénateur des colo
nies, a posé une question au ministre
de la marine au sujet de la suppression
du sous-secrétariat des colonies; le mi
nistre a répondu que cette suppression
n'était nullement provisoire. M. Isaac
n'était pas content.
Avant la séance, le Sénat avait eu
à nommer de nombreuses commis-
sions; il n'a pas pu terminer : la com
mission de l'armee notamment est loin
d'être complète. Aujourd'hui, nouvelle
réunion dans les bureaux pour achever
les nominations. Jusqu'ici il n'y a de
majorité acquise ni pour, ni contre
ladite loi de désorganisation militaire.
Hier, première séance du conseil
général de la Seine, et à la suite
séance du conseil municipal de Paris.
Nos conseillers généraux ne pouvaient
rester en arrière des conseillers muni
cipaux, avec lesquels ils se confondent
du reste pour Paris ; ils ont émis un
vœu en faveur de l'amnistie. Quant
aux conseillers municipaux, ils ont
voté 52,000 fr. pour la laïcisation de
l'hôpital -Cochin, imposant ainsi une
nouvelle charge aux contribuables
pour une mesure contre laquelle pro
testent les intéressés, les malades, dont
M. le docteur Desprès a déposé une
pétition.
Un vrai républicain s'inquiète bien
des pauvreâ-diâblÊs 'qui vont se
soigner à l'hôpital !
Les succès des Serbes sont confir
més; les Bulgares, mal organisés, mal
préparés, 11'ont pu tenir nulle part.
Les positions les plus importantes ont:
été enlevées parl'armée serbe, qu'au
cun obstacle n'arrête plus sur la route
de Sofia. Le prince Alexandre ne
croyait donc pas à l'attaque des Ser
bes. Se figurait-il ou que lés puissan
ces retiendraient la Serbie ou que les.
Turcs défendraient la Bulgarie?
On annonce que les Grecs, enhardis
par les succès des Serbes, vont en
vahir la Macédoine.
Quant aux Turcs, ils attendent. On
se demande si ce sont là ces terribles
Ottomans, qui jadis faisaient trem
bler l'Europe chrétienne. Aujourd'hui,
ils n'osent même pas se défendre sans
permission.
Quoique la lutte ait commencé entre
les Serbes et les Bulgares, la confé
rence continue ses séances et ses ater
moiements. Elle prendra une décision
jeudi. 11 parait que la sommation
au prince Alexandre et sans doute au
roi Milan pour le rétablissement du
statu quo ante sera faite au nom de la
Turquie ; les puissances ne paraîtraient
pas. On voudrait ainsi leur éviter un
échec moral. Nous né comprenons
guè res la. difl'érence. JluL Ja somma
tion ne sera-pas* appuyée par une ar
mée turque, et alors autant ne pas Ja
faire, surtout maintenant ; ou elle sera
appuyée par des forces sérieuses, et
dans ce cas il n'y a pas à craindre
d'échec, ni moral, ni matériel.
Jamais, du reste, la diplomatie eu
ropéenne n'aura, comme, dans cette
question de la Bulgarie, montré son
imprévoyance et son impuissance.
Une dépêche dit que la conférence
devra sans doute faire place à un
congrès. Le nom ne changera rien à
la chose, et jamais congrès n'a abouti
qu'après une guerre, alors que les ad
versaires étaient épuisés. Serait-ce le
cas ici, où derrière la Serbie il y a
l'Autriche, et derrière la Bulgarie, sans
doute quelque autre puissance ?
Riel a été exécuté; le gouvernement
anglo-canadien n'a pas voulu faire
acte de clémence,quoique l'état mental
du promoteur de la récente révolte iût
de nature à faire douter de sa pleine
responsabilité. Un avenir prochain
montrera si, dans la circonstance, il
a été bien inspiré. Pour notre part,
nous en doutons beaucoup* -
Le scrutin de liste devait donner à la
république une majorité, réduite peut-
être quant au nombre, mais vigou
reuse, politique, propre enfin à cons
tituer un parti de gouvernement. C'était
l'idée de Gambetta, et presque tous les
républicains de vieille date l'avaient
acceptée. Le programme sans accent,
sans vues, sans style que le morne
M. Brisson vient de lire platement aux
Chambres, prouve, que Gambetta, en
ce point comme en tant d'autres, s'é
tait fortement trompé sur les aptitudes
gouvernementales et les ressources in
tellectuelles de son parti.,Le scrutin de
liste, continuant, le scrutin d'arrondis
sement, a élu, lui aussi, une majorité
de « sous-vétérinaires».Et M. Brisson,
en présentant à cette cohue un pro
gramme où s'accusent l'impuissance
et la méchanceté, a donné tout ce qu'il
peut personnellement produire et tout
ce qu elle peut porter.
On a beau lire et presser la décla
ration ministérielle : il est impossible
d'y trouver une idée politique, d'en
faire sortir un indice qui puisse mon
trer où le gouvernement veut aller.
C'est qu'en réalité M. Brisson et ses
collègues, comme M. Grévy lui-même,
ne veulent aller nulle part; Leur af
faire, c'est de rester où ils sont. Ils se
gardent d'être opportunistes, puisque
l'opportunisme a été condamné ; ils
se gardent également d'être radicaux,
puisque le radicalisme, bien qu'il ait
gagné du terrain, n'est pas encore le
maître. En conséquence, n'ayant pour
tout système que l'amour des porte
feuilles, ils prennent une position mixte
afm de pouvoir suivre la voie que là
majorité indiquera. ■ >
Mais la majorité, étant le produit et
l'expression, des diverses fractions ré-:
publicaines, manque nécessairement
de toute cohésion politique, de tout
esprit de gouvernement ; elle attend
une direction de ceux mêmes qui lui
demandent de les diriger. De ces deux
impuissances on ne pourra faire sur
gir une force. Peut-être cependant
verrait-on ce prodige, si le parti répu
blicain comptait dans là Chambre un
homme de taille à s'imposer à tous.
Mais cet homme, à moins que ce ne soit
le cabaretier Basly ou le fondeur Ca-
mélinat, il n'existe point. Des chefs des
trois principaux groupes républicains,
l'un, M. Ferry, est usé; l'autre, M. Bris
son, est coulé; le troisième, M. Clé
menceau, perd déjà pied. Il faut cher
cher ailleurs, et l'on cherchera sans
trouver. La législature de 1885 ne peut
donc sortir des voies où s'est miséra
blement traînée la législature de 1881.
Elle achèvera la décomposition du ré
gime. Puisse-t-elle mener à fin sa
besogne sans mener à fin son man
dat!
Si le programme du ministère est
vide d'idée et montre l'absence d'es
prit gouvernemental, il contient, erç.
revanche, des aveux. Il confesse que"
l'agriculture, le commerce et l'indus
trie souffrent, que les finances péricli
tent, qu'il y a déficit, que l'économie
s'impose, qu'il faudra augmenter les
charges des contribuable; il reconnaît
qu'il ne peut être question ni d'évacuer
le Tonkin, ni de renoncer à tout droit
sur Madagascar; enfin, en même temps
qu'il attaque de nouveau contre toute
justice le clergé, il déclare nettement
que la séparation de l'Eglise et de l'E
tat n'est pas dans les désirs, dans la
volonté du pays. Naturellement, pour
faire passer cet aveu, il y joint des
menaces ; mais l'aveu reste et, quant
à présent, cela suffit.
Au total, les choses ne vont pas mal
et l'infirme programme du ministère,
à cause même de son infirmité, nous
plaît. Ces gens-là font leur dernière
étape. Mais quand ils disparaîtront
après avoir accumulé tant de ruines,
aurons-nous un parti et un homme
pour relever la France ?
Eugène Veuillot.
11 est entendu qu'une déclaration'
ministérielle doit toujours être banale*
Pourquoi? Nous n'en savons rien, et
même jamais on ne nous a dit, posi
tivement, que ce fût là une de ces
règles immuables qui ne souffrent au
cune exception. Mais ayant déjà, de
puis quatre ans à peu près, écouté,
avec un respect que le lecteur devine,
la lecture peu divertissante de plu
sieurs déclarations ministérielles, il
nous a bien fallu leur reconnaître à
toutes, jusqu'à l'évidence absolue, ce
caractère accentué de banalité grisâ
tre. Et alors qu'en devons-nous con
clure, sinon que c'est une loi iné
luctable, à laquelle pas un cabinet ne
peut se dérober?
Or, il n'existe point un seul hom
me en ce monde plus soumis aux lois,
plus esclave des lois que le sévère
M. Brisson. Quelle conscience ! Le
président du conseil (il l'est encore)
pousse même en vérité cette sou
mission, cet esclavage, beaucoup trop
loin; il devient d'un puritanisme ef
frayant; il dépasse les bornes de
l'exagération la plus intense. Témoin
le document qu'il a lu hier à la Cham
bre. Il est manifeste qu'avant de s'at
teler à la pénible rédaction de cette
pièce mémorable, le chef du cabinet
s'est tenu le langage honnête et aus
tère que voici : « Je vais faire une dé
claration ; donc, je dois être banal,
c'est la loi 1 Eh bien, je montrerai à
tous quel respect inouï j'ai pour la loi,
je serai banal, mais banal à fond, mais
banal comme personne encore sur
cette terre ne le fut jamais, pas même
moi ! Je serai plus banal qu'une ha
rangue de Floquet, je serai, oui, je se
rai plus banal qu'un discours d'Antonin
Dubost ! »
"* Le serment, proclamons-le, était
hardi ; cependant il n'était point té
méraire. M. Brisson se connaît, il sait
de quelle perfection dans la banalité
il est capable : le serment a été bien
tenu. C'est égal, M. Brisson a eu du
mérite à le tenir, et il a fallu qu'il
travaillât ferme et longtemps. ^ On a
beau avoir, en effet, les dispositions les
plus heureuses, les plus merveilleuses
même, pour la banalité, on n'arrive
pas du premier coup, ni du second, à
réussir comme cela I II y. faut de longs
et laborieux efforts. Vingt fois sur le;
métier M. le président du conseil a
remis sa déclaration. Tant de persé
vérance a été enfin récompensé; M.
Brisson est parvenu au summum de la
banalité. On ne peut pas être plus ba
nal, pour le fond et pour la^ forme,
qu'il a su l'être, et il est bien à crain
dre que cet homme prodigieux, que
ce ministre unique; n'obtienne point
lui-même, une seconde fois, un aussi
beau succès.
On a déjà lu cette pièce que nous
avons donnée hier, on 1 a lue; mais lire
ce n'est rienl « Ahl s'écriait Eschine,
exilé à Rhodes., un jour qu'il venait de
lire à ses disciples tout émus, empoi-
, gués, le discours - sur la Couronne, de
son vainqueur Démosthène, vous êtes
enthousiasmés ! Que serait-ce donc si
vous aviez entendu rugir la bête elle-
même? » Ah 1 lecteurs, vous avez lu la
déclaration ministérielle, et vous la
trouvez d'une banalité sans pareille,
et vous la proclamez morne affreu
sement, et terne, et flasque, et vide! Que
serait-ce donc si vous l'aviez entendue,
psalmodiée du nez par M. Brisson lui-
même? Nous aurons beau faire, nous
ne parviendrons point à vous donner
une idée de ce spectacle !
Pas un geste ; bien plus, pas un
mouvement 1 Un être figé, gelé, débi
tant de la même voix basse, un peu
tremblante et très sourde, avec le
même accent navré, toujours à la mê
me allure lente, et constamment sur
le même ton somnolent, une série de
platitudes insipides et maladroites, —
cela pendant vingt-cinq longues mi
nutes, et devant une Chambre encore
plus ahurie que gouailleuse..., quel ré
gal pour l'œil et pour l'oreille ! On eût
juré qu'on avait là une statue, pis en
core : un cadavre parlant,
i - Et, d'ailleurs, ministériellement, M.
Brisson est presque un cadavre déjà.
Pas moyen d'en douter, — et c'est en
effet l'avis de tous, — après l'accueil
glacial qu'il a reçu hier. On faisait le
vide autour de lui, quand la séance a
été levée, et ceux mêmes qui, jusqu'à
ce dernier jour, étaient demeurés ses
amis avec obstination, cédant au cou
rant général, s'éloignaient enfin com
me tous les autres. Ce pauvre homme
a trouvé moyen de mécontenter pro
fondément la Chambre tout entiè
re par sa déclaration. 11 a mécon
tenté le centre, en avouant le mauvais
état de nos finances, et en ajoutant
qu'il faudrait, avant peu sans doute,
recourir à de nouveaux impôts ; il a
mécontenté la gauche^en se refusant
à l'évacuation du Tonkin, à la sépa
ration de l'Eglise et de l'Etat, et en ne
disant pas un traître-mot de l'amnis
tie; il a mécontenté la droite aussi,
"bien entendu. Et, après avoir mécon
tenté chaque groupe en particulier, il
les a tous mécontentés ensemble par
son manque absolu de netteté, par son
attitude avachie.
pertes, on avait bien raison de pré
dire que M. Brisson s'userait vite au
pouvoir. Et même son effondrement
dépasse toutes les attentes ! .
Pierre Veuillot.
Même au Sénat, où d'ordinaire la
majorité se contente facilement des
restes de la Chambre, la déclaration a
paru trop fade. Au début, la claque
officielle fonctionnait ; elle s'est bien
tôt lassée. Pour la réveiller, il a fallu
quelques exclamations de||la droite,
indignée des sottes injures adressées
au clergé par le croque-mort qui rem
plit les fonctions de président du con
seil. Quand le lugubre lecteur a cons
taté que le pays est hostile à la sépa
ration de l'Eglise et de l'Etat, M* Peyrat
a sursauté d'horreur. A mesure que le
croque-mort lisait sa déclaration lour
de comme lui, noire comme lui, froi
de comme lui,' nulle comme lui, l'au
ditoire se glaçait. Si la déclaration,
qui n'est pas courte, eût été d'un tiers
plus longue, on aurait à la fin de la
séance ramassé cent cinquante séna
teurs anéantis, paralysés, gelés. A
peine s'est-il trouvé six hommes vali
des pour faire entendre le hurlement
obligatoire qui doit répondre à toute
exclamation venant de la droite, M. le;
marquis de l'Angle-Beaumanoir ayant
dit : « Ce n'est pas une déclaration
« ministérielle ; c'est une complainte
« ministérielle. » Fualdès-Brisson dis-
parures hauts législateurs ont fui dans
les couloirs pour y chercher la vie et
des idées. j
Devant les fauteuils vides un noir,,
représentant de la Martinique ou de
là Guadeloupe ou d'un autre pays, à
développé sous forme de question une
interpellation adressée au ministre dé
la marine. En style nègre, M. Isaac à
demandé le rétablissement du sous-
sçprétariat pour les colonies et
le remplacement des gouverneurs mi
litaires par des gouverneurs civils.
L'amiral Galiber a répondu carrément
2u'il ne veut plus de sous-secrétaire
'Etat ; qu'il a présenté, au président
de la République un fonctionnaire
pour occuper le poste de directeur des
colonies, et qu'il ne consent pas du
tout à supprimer les gouverneurs mi
litaires. M. Isaac s'est donné la satis
faction de déposer un projet de loi
sur l'administration des colonies.
Quand ce papier-là sortira des car
tons et sera transformé en loi, nous
aurons vu passer bien des ministres,
et peut-être M. Isaac lui-même.
Avant la séance; on avait, pendant"
deux heures, délibéré et voté dans les
bureaux pour nommer une douzaine
de commissions. A la fin de la séance,
M. Le Royer a constaté avec douleur
que ses élèves avaient à peu près per
du leur temps, et les a exhortés à ré
parer leur négligence. On nommera
donc aujourd'hui encore des commis
sions, dont l'une, celle qui concerne
la nouvelle loi sur l'armée, est impor
tante ; et l'on siégera une heure pour
la forme.
Eugène Tavernier.
La déclaration ministérielle appor
tée par M. Brisson aux Chambres est
aussi froidement accueillie dans la
presse républicaine qu'elle l'a été par
le Parlement.
Pour commencer par l'extrême gau
che, \'Intransigeant et le Cri du Peuple
trouvent la piece si exsangue, si mori
bonde, qu'ils disent que c'en est fait
de M. Brisson ; l'un parle de suicide,
l'autre de funérailles. Le Radical dit
d'un mot que c'est une déclaration de
décès. Il ajoute : « Le ministère qui
tient à la Chambre et à la France le
langage terne, incolore, glacial que
M. Brisson a fait entendre, ne peut
être soutenu ni par les radicaux, ni
par les modérés. »
_ La Justice constate que la déclara
tion a été entendue par la majorité
dans un silence qui traduisait à la fois
la stupeur et l'affliction générales.
Dans sa bonne volonté à maintenir
l'entente et à faire marcher la machine
républicaine, la feuille de M. Clémen
ceau souhaite que la 'déclaration ne
soit qu'un accident d'un jour et deman
de pour elle l'oubli. Le Rappel est déçu
autant que consterné. M. Brisson était
son homme, et le voilà qui se perd et
qui perd avec lui tout le ministère-
« Si, dit il, l'union s'est faite entre
tous les membre^ dq cabinet et si o'est
au noi$ de tous ses collègue® ^ ue M.le'
président du cons^ a parlé) trop
clair qiI5 cet accord n'a été réalisé que
sur un programme absolument nul et
vide. » Pour le Rappel, la déclaration
ministérielle n'est que le programme
de la commune impuissance.
Entre deux, on n'est guère plus con
tent, quelque effort qu'on fasse. pour
ne pas manifester un réel dépit. Le
XIX e Siècle ne peut s'empêcher de
qualifier la déclaration de terne. Ce
qui lui plaît surtout, « c'est ce qui n'y
est pas ». Pour la République française,,
au contraire, « ce qui prête à la criti
que, dans la profession de foi du mi
nistère, c'est bien moins ce qu'on y
rencontre que ce qui ne s'y trouve
pas». De part et d'autre, ce n'est
qu'une satisfaction négative. Le Jour
nal des Débats porte ce jugement, qui
fiourrait servir de trait d'union entre
es deux appréciations contraires du
XIX e Siècle et de lâ République fran
çaise : « Le plus grand éloge à faire de
la déclaration ministérielle, c'est de
dire qu'elle est absolument insigni
fiante. » La Paix se borne à peu près
à une analyse de la pièce.
Le Siècle seul est content* le Siècle
le journal de M. Brisson. Pour lui,
« la déclàration du 17 novembre est
ce qu'elle devait être au lendemain des
élections dernières, en présence d'une
Chambre où la minorité compte deux
cents voix, à la face d'un pays plus
préoccupé de bonnes lois d'affaires que
de réformes politiques. » Le Siècle
ajoute : « Son inappréciable mérite
est d'offrir aux représentants du parti
républicain un terrain d'union. »
On voit que le seul terrain d'union
que la déclaration dè M. Brisson ait
offert jusqu'ici aux représentants du
parti républicain, c'est celui d'un com
mun mécontentement. Le premier ef
fet de cette union pourrait bien être
de séparer la Chambre de M. Brisson.
Au rédacteur
Monsieur le rédacteur,
Permettez-moi de vous adresser quelques
réflexions qui, pour traiter d'une matière
délicate, n'en seront pas moins, je crois, &
leur place dans vos colonnes.
Rien n'est touchant comme de voir enter
rer, à la façon des pauvres, un jésuite, un
dominicain, un franciscain, une sœur du
Carmel ou de Saint-Vincent de Paul. Le
corbillard de dernière classe est là tout à
fait à sa place et clôt logiquement une exis
tence vouée à la sainte pauvreté.
Je vous avoue que je suis beaucoup moins
édifié lorsque je vois des laïques, qui ont
vécu dans tous les raffinements du luxe et
qui laissent une grande fortune, demander
par testament les funérailles les plus sim
ples possible.
Par ce temps d'enterrements oivils qui
sévit, il me semble qu'il ne résulte aucune
édification de la trop grande simplicité et
de l'obscurité voulue des obsèques chré
tiennes et catholiques.
A mon humble avis, on doit se laisser
enterrer par ses héritiers selon sa condi
tion, sa fortune, ses relations sociales et la
position qu'on a occupée de son vivant.
Que si l'on veut des funérailles simples,
il conviendrait que les honoraires d'un en
terrement convenable fussent versés à l'é
glise paroissiale.
Que deviendront le clergé, les nom
breux employés des églises, et les églises
elles-mêmes, si les ressources du casuel
leur sont enlevées au moment où ces res
sources sent tout ce qui leur reste?
Ne faisons pas le jeu de nos adversaires
par une modestie mal entendue, Pas plus
que toute autre égalité, l'égalité devant la
mort n'est réelle, témoin les cimetières. Il se
déploie là, au détriment de la liturgie ca
tholique, un luxe déraisonable et presque
païen. Tel qui a marchandé à son curé le
coût d'un enterrement convenable, ne re
garde à rien lorsqu'il s'agit d'acheter une
concession perpétuelle, de creuser un ca
veau et d'éçtffler un monument où se mê
lent les ïaarbres rares, les métaux pré
cieux et une coûteuse main-d'œuvre.
Il y a des oouronnes flétries au bout de
vingt-quatre heures qui dépassent cent fois
l'honoraire d'une messe.
FEUILLETON DE UINÏVERS
su 18 novembre 1885
LE VÉRITABLE AUTEUR
du
«
CHANT DE LA«UARSEILLAISE»
vu
SAISONS, MAITRE DE CHAPELLE A SAINT-OMER
Jean-Baptiste-Lucien . Cîrisons n'a pas
laissé de nom; l'auteur de l'oratorio d&s-
ther est un inconnu. Pour s'être approprié
une œuvre qui n'était pas de lui, Rouget
de Lisle est célèbre dans le monde entier;
■««lui oui l'a composée a laissé à peine un
souvenir dans la ville «Ù il a vécu plus d'un
demi-siècle. La postérité sera-t-elle plus
juste envers Grisons?/ï^es préjugés se re
fusent ordinairement à la preuve histori
que ;il y en a d'invincibles. Une longue
(1) Voir les feuilletons dus 23, 26, Si octo
bre, i, 10,13 et 16 novembre.
possession d'état compte toujours dans
l'opinion comme le meilleur des titres. Par
une de ces erreurs incorrigibles comme il
y en a tant dans l'histoire, le nom de Rou
get de Lisle demeurera probablement at
taché à la Marseillaise. Il sera du moins
possible de savoir que l'auteur de cette mu-
Bique fameuse n'est pas le Tyrtée inspiré
de la Révolution, mais un modeste maître
de chapelle de gaintiOmef.
Jean Baptiste-Lucien' Grisons est né à
Lèns (Pas-de-Calais), en 1746. Son père
s'appelait Eugène-Joseph Grisons et sa
mère Jeanne-Catherine Caboche. L'enfant
reçut, probablement de son père, des le
çons de musique qui lui permirent & 1?
ansi de vepir chercher fortune à Saint-
Omer. 1} ep était aifisi autrefois, ^e père
apprenait à son fils ce qu'il savait. Les géné-
rations s e succédaient dans la même indus
trie, le même commerce, le même art. La
petite ville de Grisons lui offrait pas des
ressources sufflgantes ; ro^is prj^s de là
s'élevait la cité audomar°ise, qyi était &
cette époque une des plus importantes du
nord de la France. Ville épiscopale et place
forte de première classe, Saint-Omer comp
tait dans son enceinte une population de
plus de vingt mille âmes. Son évêché, sa
grande abbaye de St-Bertiny entretenaient,
avant la |lévplution, une vlp ecclésiastique
£$s active. $n un temps ofi la musique se
(songeai# BFêfîFJ® Mît liff,
Saint-Omer avec sa belle et vaste cathé
drale, ses offices capitulaires, sa florissante
maîtrise, devait attirer un jeune homme
trop pauvre pour vivre cheg lui et assez
instruit pour chercher à tirer parti de son
talent musical.
L'ancien enfant de chœur de Lens se fit
admettre à la cathédrale de Saint-Omer en
qualité de « haute-contre », à l'âge de dix-
sept ans. Une supplique adressée p^r lui,
deux ans et demi après son entrée en
charge, au chapitre de la cathédrale, nous
donne les premiers renseignements sur les
débuts de sa carrière. La position du jeune
choriste était modeste et précaire. Il aspi
rait & une écoterje qu îj un l^énéfipe qui lui
eussent assiiré un rçvénu stable. Il crut
pouvoir.adresser, & cet effet, une requête
au chapitre, ^a pjècp est tque^ante. On la
lira avec intérêt comme le premier docu
ment se rapportant à un musicien qui au
rait mérité la célébrité de Rouget de Lisle.
Voici la pièce
4 Messieurs,
Messiçyrs les vÇnérablçs doyen,chqntre et chanoines
de l'illustre cathidrqle dç Saint Qm&'<
Supplie très humblement Jean-Baptiste-Lucien
Grisons, haute-contre de votre cathédrale, disant
qu'il y a deux ans et demie qu'il a l'honneur de
vous servir en cette qualité et seul depuis près
de deux ans en cette partie.
Lorsque vfius efttes \i bont^, messieurs, de le
.«airitin .r. Mltn "^ mm îpsj
irciàq
bénéfice "'ip ^ ul
ej apj&s gue là suppliant serait tonsuré, Unique
ment occupé de satisfaire & vos déairs, le suj>
Îiliant receut la tonsure et attendit de vos bontés
a faveur que vous aves bien voulu lui pro
mettre.
Le suppliant a l'honneur de vous représenter,
messieurs, que ses gages ne sont point suffisants
pour fournir i sa pension et à son entretien ; il
lui en coûte cent écus par chaquç $nnée pour
sa subsistance. Que lui restât-il aprçs cç'a pour
son entretien .qu'il s'-çfforçe de rendre conforme 4
la décence de son état^
Le suppliant a l'honneur de vous représenter,
messieurs, qu'il se trouve actuellement une éco-
terle vacante par le décès du sieur Pardoë.a et un
bénéfice à remplir par la démission du sieur dç
S&int-Aubert. Si vous , le jugez digne, messieurs,
de l'un ou de l'autre, jo suppliant s'efforcera de
mériter de plus en plus votre confiance. Si au
.çontraiïe vous ne jugez pas, messieurs, à propos
'aè lui conférer l'un ou l'autre de ces Ijgpéflcçs,
il espère que vous voucjre?' bien, messieurs,
lui tarder quelques gratifications ou augmen
tations de gages pour pouvoir remplir avec dé
cence le zèle qu'il a de vous servir. Dans cette
confiance, il a l'honneur de vous adresser sa très
humble requête :
Hgssieuçs,
,Qe que dessus considéré il vous plaise répandre
vos bontés sur le suppliant afin de le mettre à
même de soutenir la décence de son état. Quoi
faisant ne cessera d'adresser ses vœux au Ciel
pour la santé et prospérité de vo3 seigneu
ries. . . ' ■ . ' y '
J.-B.-L. Grisons.
Le chapitre ne .Qt droit qu'es partie à
cette l^mbje requête. Il jugea sans doute
(jue le sujet était trop jeune pour obtenir
lune ou l'autre de ces places vacantes, et,
pour toute faveur, lui açoey^a, par acte
capitulaire du 3 mai 1765, une gratification
de 24 florins (2).
Cependant, Jean-Baptiste Grisons se mon
trait plein de zèle à remplir ses modestes
fonctions. A cette époque, le service de
chœur dans les cathédrales occupait une
grande partie de la journée. On chantait
tous les jours les matines et les petites heu
res canoniales. De pieuses fondations allon
geaient mtoe souvent l'office. A Saint-Omer,
ea vertu d'une fondation de l'an 1322, « de
Mgr Ghilebert de Sainte-Audegonde, sei
gneur de Loys, et doyens de Saint-Omer
et de maîstre Guillaume de Sainte-Aude
gonde son frère canoines en ladite église, »
fondation dont le titre encastré dans lè mur
de clôture du chœur se lit encore aujour
d'hui, où chantait tous les vendredis à l'is
sue des vêpres, pour le repos des âmes des
fondateurs, kantienne Tuam Crucem avec
une autre antienne à la sainte Vierge, et la
Salve Regina tous les samedis.
Les comptes de la fcbrëque de la cathé
drale pour I03 années 1764, 1765 et 1766
nous montrent Grisons participant ave'â les
douze vicaires de chœur, lçg feuit écotiers
résidentâ, l'organiste et les chantres solistes
ses collègues, à la distribution des 26 livres
(2) Au dos de la requête ondoie; Par acte ca-
prendre des calendes de la grande Bourse.
La quittance de Grisons çslj archives.
affectées à l'exécution des pieuses volontés
des défunts. Pour sa modeste part, il rece
vait chaque mois un denier parisis, et de
huit à treize sous, suivant le nombre des
Tuam crucem et des Salve. Il y avait aussi
des gratifications du dimanche qui s'éle
vaient à peu près à la même somme. C'é
taient là de bien petits profits, mais les
moyens d'existence des serviteurs de l'é
glise ne se composaient que de ces modi
ques revenus. On voit par une quittance du
13 novembre 1765 que Grisons avait reçu
du chapitre oette année-là, outre son trai
tement de « haute-contre », la somme do
trente florins, « pour avoir sonné la clo
chette pendant l'année. » Son assistance
régulière aux offices lui valait aussi quel
quefois, ainsi qu'à ses oollègues, des distri
butions extraordinaires à titre d'enooura-
gement et de satisfaction de la part du
chapitre. En 1773, Grisons était pourvu du
bénéfice qu'il avait prématurément solli
cité (3). Sa régularité, ses services lui
avaient valu oette récompense. Deux ans
après, la place de maître de musique étant
devenue vacante par la démission du sieur
Cœugniet, elle fut donnée à Jean-Baptista
Grisons, comme au plus méritant (4).
lie chapitre de Notre-Dame ds Saint-
(3) Àtoanach de l'Artois, 1 "73. — Chapitre da
la cathédjale de Saint-Omer. ■ -
(i) Dans les comptes de la fabrique de la cathô-
dçal^ de Saint-Otner 4» 1776, Grisons est qua,
M 6558. M ' Edition çtioUdlennë)
Mercredi 18 Novembre 188#
PARIS
Un an. . ;
Six mois. /"»
Trois moi* «
Un Numéro, à Paris
' - ' Départements.
, DÉPARTEMENTS
Un. an >.i«Bgaii.'iBi«DiBi 85 i
Six mois. toeo. eo.^oo.. t oeo 28 69
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L'UNIVERS a» répond pu des manuscrits qui lai sont adressai
ANNONCES •
KM. Gh: IlSBiNSE, GEBF et G 18 , 6) place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 17 NOVEMBRE 1885
Il n'y a pas eu de crise ministé
rielle, et M. Brisson a donné lecture
de la déclaration dont nous avons pu
blié le texte. Dès hier, nous avons pu
constater qu'à la Chambre l'enthou
siasme avait été médiocre ; il en a été
de même au Sénat.: Aujourd'hui, la
presse est froide ; les journaux dévoués
, — ils sont peu nombreux et peu in
fluents — se battent en vain les flancs
pour célébrer cette pauvre pièce ; ils
ne parviennent pas a jouer la convic
tion.
Nous serions étonnés que les minis
tres, cependant disposés à l'optimisme,
se figurent qu'ils ont remporté un
succès et consolidé leur situation. Sans
le Congrès et la trêve des confiseurs,
ils ne gagneraient certainement pas
l'année prochaine. Même avec cela,
il n'est pas sûr qu'ils iaillent jusque-
là, et certains journaux font déjà,
sans la moindre pitié, l'oraison funè
bre de M. Brisson.
Si la question de l'amnistie^ a été
- passée sous silence dans la déclara
tion, elle ne pawûfc>fwrar«nterrée pour
cela. La proposition Glovis Hugues a
déjà réuni plus de cent signatures, et
elle en aura, dit-on, plus de deux cent
cinquante. Dans le Voltaire , M. Paul
Bert regrette que le ministère n'ait pas
pris l'initiative et semble dire qu'il
faudra qu'il cède. M. Grévy et M. de
Freycinet, qui ont plié devant M. Bris
son, ne sont assurément pas devenus
hostiles, du jour au lendemain, à l'am
nistie.
Demain, dans une nouvelle réunion
plènière, une décision doit être prise
au sujet de la proposition d'amnistie,
qui serait déposée jeudi.
Les réunions parlementaires se mul
tiplient à la Chambre des députés, au
point qu'on finit par ne plus s'y re
connaître. Est-ce un témoignage de la
solidité de la concentration? Hier, sur
l'initiative de M. Clémenceau, il y a
eu une réunion radicale, qui doit être
suivie d'une autre plus complète au
jourd'hui. Les nouveaux députés veu
lent également se réunir. Ils ne tien
draient qu'une seule réunion pour ar
rêter une ligne de conduite. Et si cela
ne suffit pas ?
Au Sénat, après la lecture par M.
Brisson de la « complainte ministé
rielle », M. Isaac, sénateur des colo
nies, a posé une question au ministre
de la marine au sujet de la suppression
du sous-secrétariat des colonies; le mi
nistre a répondu que cette suppression
n'était nullement provisoire. M. Isaac
n'était pas content.
Avant la séance, le Sénat avait eu
à nommer de nombreuses commis-
sions; il n'a pas pu terminer : la com
mission de l'armee notamment est loin
d'être complète. Aujourd'hui, nouvelle
réunion dans les bureaux pour achever
les nominations. Jusqu'ici il n'y a de
majorité acquise ni pour, ni contre
ladite loi de désorganisation militaire.
Hier, première séance du conseil
général de la Seine, et à la suite
séance du conseil municipal de Paris.
Nos conseillers généraux ne pouvaient
rester en arrière des conseillers muni
cipaux, avec lesquels ils se confondent
du reste pour Paris ; ils ont émis un
vœu en faveur de l'amnistie. Quant
aux conseillers municipaux, ils ont
voté 52,000 fr. pour la laïcisation de
l'hôpital -Cochin, imposant ainsi une
nouvelle charge aux contribuables
pour une mesure contre laquelle pro
testent les intéressés, les malades, dont
M. le docteur Desprès a déposé une
pétition.
Un vrai républicain s'inquiète bien
des pauvreâ-diâblÊs 'qui vont se
soigner à l'hôpital !
Les succès des Serbes sont confir
més; les Bulgares, mal organisés, mal
préparés, 11'ont pu tenir nulle part.
Les positions les plus importantes ont:
été enlevées parl'armée serbe, qu'au
cun obstacle n'arrête plus sur la route
de Sofia. Le prince Alexandre ne
croyait donc pas à l'attaque des Ser
bes. Se figurait-il ou que lés puissan
ces retiendraient la Serbie ou que les.
Turcs défendraient la Bulgarie?
On annonce que les Grecs, enhardis
par les succès des Serbes, vont en
vahir la Macédoine.
Quant aux Turcs, ils attendent. On
se demande si ce sont là ces terribles
Ottomans, qui jadis faisaient trem
bler l'Europe chrétienne. Aujourd'hui,
ils n'osent même pas se défendre sans
permission.
Quoique la lutte ait commencé entre
les Serbes et les Bulgares, la confé
rence continue ses séances et ses ater
moiements. Elle prendra une décision
jeudi. 11 parait que la sommation
au prince Alexandre et sans doute au
roi Milan pour le rétablissement du
statu quo ante sera faite au nom de la
Turquie ; les puissances ne paraîtraient
pas. On voudrait ainsi leur éviter un
échec moral. Nous né comprenons
guè res la. difl'érence. JluL Ja somma
tion ne sera-pas* appuyée par une ar
mée turque, et alors autant ne pas Ja
faire, surtout maintenant ; ou elle sera
appuyée par des forces sérieuses, et
dans ce cas il n'y a pas à craindre
d'échec, ni moral, ni matériel.
Jamais, du reste, la diplomatie eu
ropéenne n'aura, comme, dans cette
question de la Bulgarie, montré son
imprévoyance et son impuissance.
Une dépêche dit que la conférence
devra sans doute faire place à un
congrès. Le nom ne changera rien à
la chose, et jamais congrès n'a abouti
qu'après une guerre, alors que les ad
versaires étaient épuisés. Serait-ce le
cas ici, où derrière la Serbie il y a
l'Autriche, et derrière la Bulgarie, sans
doute quelque autre puissance ?
Riel a été exécuté; le gouvernement
anglo-canadien n'a pas voulu faire
acte de clémence,quoique l'état mental
du promoteur de la récente révolte iût
de nature à faire douter de sa pleine
responsabilité. Un avenir prochain
montrera si, dans la circonstance, il
a été bien inspiré. Pour notre part,
nous en doutons beaucoup* -
Le scrutin de liste devait donner à la
république une majorité, réduite peut-
être quant au nombre, mais vigou
reuse, politique, propre enfin à cons
tituer un parti de gouvernement. C'était
l'idée de Gambetta, et presque tous les
républicains de vieille date l'avaient
acceptée. Le programme sans accent,
sans vues, sans style que le morne
M. Brisson vient de lire platement aux
Chambres, prouve, que Gambetta, en
ce point comme en tant d'autres, s'é
tait fortement trompé sur les aptitudes
gouvernementales et les ressources in
tellectuelles de son parti.,Le scrutin de
liste, continuant, le scrutin d'arrondis
sement, a élu, lui aussi, une majorité
de « sous-vétérinaires».Et M. Brisson,
en présentant à cette cohue un pro
gramme où s'accusent l'impuissance
et la méchanceté, a donné tout ce qu'il
peut personnellement produire et tout
ce qu elle peut porter.
On a beau lire et presser la décla
ration ministérielle : il est impossible
d'y trouver une idée politique, d'en
faire sortir un indice qui puisse mon
trer où le gouvernement veut aller.
C'est qu'en réalité M. Brisson et ses
collègues, comme M. Grévy lui-même,
ne veulent aller nulle part; Leur af
faire, c'est de rester où ils sont. Ils se
gardent d'être opportunistes, puisque
l'opportunisme a été condamné ; ils
se gardent également d'être radicaux,
puisque le radicalisme, bien qu'il ait
gagné du terrain, n'est pas encore le
maître. En conséquence, n'ayant pour
tout système que l'amour des porte
feuilles, ils prennent une position mixte
afm de pouvoir suivre la voie que là
majorité indiquera. ■ >
Mais la majorité, étant le produit et
l'expression, des diverses fractions ré-:
publicaines, manque nécessairement
de toute cohésion politique, de tout
esprit de gouvernement ; elle attend
une direction de ceux mêmes qui lui
demandent de les diriger. De ces deux
impuissances on ne pourra faire sur
gir une force. Peut-être cependant
verrait-on ce prodige, si le parti répu
blicain comptait dans là Chambre un
homme de taille à s'imposer à tous.
Mais cet homme, à moins que ce ne soit
le cabaretier Basly ou le fondeur Ca-
mélinat, il n'existe point. Des chefs des
trois principaux groupes républicains,
l'un, M. Ferry, est usé; l'autre, M. Bris
son, est coulé; le troisième, M. Clé
menceau, perd déjà pied. Il faut cher
cher ailleurs, et l'on cherchera sans
trouver. La législature de 1885 ne peut
donc sortir des voies où s'est miséra
blement traînée la législature de 1881.
Elle achèvera la décomposition du ré
gime. Puisse-t-elle mener à fin sa
besogne sans mener à fin son man
dat!
Si le programme du ministère est
vide d'idée et montre l'absence d'es
prit gouvernemental, il contient, erç.
revanche, des aveux. Il confesse que"
l'agriculture, le commerce et l'indus
trie souffrent, que les finances péricli
tent, qu'il y a déficit, que l'économie
s'impose, qu'il faudra augmenter les
charges des contribuable; il reconnaît
qu'il ne peut être question ni d'évacuer
le Tonkin, ni de renoncer à tout droit
sur Madagascar; enfin, en même temps
qu'il attaque de nouveau contre toute
justice le clergé, il déclare nettement
que la séparation de l'Eglise et de l'E
tat n'est pas dans les désirs, dans la
volonté du pays. Naturellement, pour
faire passer cet aveu, il y joint des
menaces ; mais l'aveu reste et, quant
à présent, cela suffit.
Au total, les choses ne vont pas mal
et l'infirme programme du ministère,
à cause même de son infirmité, nous
plaît. Ces gens-là font leur dernière
étape. Mais quand ils disparaîtront
après avoir accumulé tant de ruines,
aurons-nous un parti et un homme
pour relever la France ?
Eugène Veuillot.
11 est entendu qu'une déclaration'
ministérielle doit toujours être banale*
Pourquoi? Nous n'en savons rien, et
même jamais on ne nous a dit, posi
tivement, que ce fût là une de ces
règles immuables qui ne souffrent au
cune exception. Mais ayant déjà, de
puis quatre ans à peu près, écouté,
avec un respect que le lecteur devine,
la lecture peu divertissante de plu
sieurs déclarations ministérielles, il
nous a bien fallu leur reconnaître à
toutes, jusqu'à l'évidence absolue, ce
caractère accentué de banalité grisâ
tre. Et alors qu'en devons-nous con
clure, sinon que c'est une loi iné
luctable, à laquelle pas un cabinet ne
peut se dérober?
Or, il n'existe point un seul hom
me en ce monde plus soumis aux lois,
plus esclave des lois que le sévère
M. Brisson. Quelle conscience ! Le
président du conseil (il l'est encore)
pousse même en vérité cette sou
mission, cet esclavage, beaucoup trop
loin; il devient d'un puritanisme ef
frayant; il dépasse les bornes de
l'exagération la plus intense. Témoin
le document qu'il a lu hier à la Cham
bre. Il est manifeste qu'avant de s'at
teler à la pénible rédaction de cette
pièce mémorable, le chef du cabinet
s'est tenu le langage honnête et aus
tère que voici : « Je vais faire une dé
claration ; donc, je dois être banal,
c'est la loi 1 Eh bien, je montrerai à
tous quel respect inouï j'ai pour la loi,
je serai banal, mais banal à fond, mais
banal comme personne encore sur
cette terre ne le fut jamais, pas même
moi ! Je serai plus banal qu'une ha
rangue de Floquet, je serai, oui, je se
rai plus banal qu'un discours d'Antonin
Dubost ! »
"* Le serment, proclamons-le, était
hardi ; cependant il n'était point té
méraire. M. Brisson se connaît, il sait
de quelle perfection dans la banalité
il est capable : le serment a été bien
tenu. C'est égal, M. Brisson a eu du
mérite à le tenir, et il a fallu qu'il
travaillât ferme et longtemps. ^ On a
beau avoir, en effet, les dispositions les
plus heureuses, les plus merveilleuses
même, pour la banalité, on n'arrive
pas du premier coup, ni du second, à
réussir comme cela I II y. faut de longs
et laborieux efforts. Vingt fois sur le;
métier M. le président du conseil a
remis sa déclaration. Tant de persé
vérance a été enfin récompensé; M.
Brisson est parvenu au summum de la
banalité. On ne peut pas être plus ba
nal, pour le fond et pour la^ forme,
qu'il a su l'être, et il est bien à crain
dre que cet homme prodigieux, que
ce ministre unique; n'obtienne point
lui-même, une seconde fois, un aussi
beau succès.
On a déjà lu cette pièce que nous
avons donnée hier, on 1 a lue; mais lire
ce n'est rienl « Ahl s'écriait Eschine,
exilé à Rhodes., un jour qu'il venait de
lire à ses disciples tout émus, empoi-
, gués, le discours - sur la Couronne, de
son vainqueur Démosthène, vous êtes
enthousiasmés ! Que serait-ce donc si
vous aviez entendu rugir la bête elle-
même? » Ah 1 lecteurs, vous avez lu la
déclaration ministérielle, et vous la
trouvez d'une banalité sans pareille,
et vous la proclamez morne affreu
sement, et terne, et flasque, et vide! Que
serait-ce donc si vous l'aviez entendue,
psalmodiée du nez par M. Brisson lui-
même? Nous aurons beau faire, nous
ne parviendrons point à vous donner
une idée de ce spectacle !
Pas un geste ; bien plus, pas un
mouvement 1 Un être figé, gelé, débi
tant de la même voix basse, un peu
tremblante et très sourde, avec le
même accent navré, toujours à la mê
me allure lente, et constamment sur
le même ton somnolent, une série de
platitudes insipides et maladroites, —
cela pendant vingt-cinq longues mi
nutes, et devant une Chambre encore
plus ahurie que gouailleuse..., quel ré
gal pour l'œil et pour l'oreille ! On eût
juré qu'on avait là une statue, pis en
core : un cadavre parlant,
i - Et, d'ailleurs, ministériellement, M.
Brisson est presque un cadavre déjà.
Pas moyen d'en douter, — et c'est en
effet l'avis de tous, — après l'accueil
glacial qu'il a reçu hier. On faisait le
vide autour de lui, quand la séance a
été levée, et ceux mêmes qui, jusqu'à
ce dernier jour, étaient demeurés ses
amis avec obstination, cédant au cou
rant général, s'éloignaient enfin com
me tous les autres. Ce pauvre homme
a trouvé moyen de mécontenter pro
fondément la Chambre tout entiè
re par sa déclaration. 11 a mécon
tenté le centre, en avouant le mauvais
état de nos finances, et en ajoutant
qu'il faudrait, avant peu sans doute,
recourir à de nouveaux impôts ; il a
mécontenté la gauche^en se refusant
à l'évacuation du Tonkin, à la sépa
ration de l'Eglise et de l'Etat, et en ne
disant pas un traître-mot de l'amnis
tie; il a mécontenté la droite aussi,
"bien entendu. Et, après avoir mécon
tenté chaque groupe en particulier, il
les a tous mécontentés ensemble par
son manque absolu de netteté, par son
attitude avachie.
pertes, on avait bien raison de pré
dire que M. Brisson s'userait vite au
pouvoir. Et même son effondrement
dépasse toutes les attentes ! .
Pierre Veuillot.
Même au Sénat, où d'ordinaire la
majorité se contente facilement des
restes de la Chambre, la déclaration a
paru trop fade. Au début, la claque
officielle fonctionnait ; elle s'est bien
tôt lassée. Pour la réveiller, il a fallu
quelques exclamations de||la droite,
indignée des sottes injures adressées
au clergé par le croque-mort qui rem
plit les fonctions de président du con
seil. Quand le lugubre lecteur a cons
taté que le pays est hostile à la sépa
ration de l'Eglise et de l'Etat, M* Peyrat
a sursauté d'horreur. A mesure que le
croque-mort lisait sa déclaration lour
de comme lui, noire comme lui, froi
de comme lui,' nulle comme lui, l'au
ditoire se glaçait. Si la déclaration,
qui n'est pas courte, eût été d'un tiers
plus longue, on aurait à la fin de la
séance ramassé cent cinquante séna
teurs anéantis, paralysés, gelés. A
peine s'est-il trouvé six hommes vali
des pour faire entendre le hurlement
obligatoire qui doit répondre à toute
exclamation venant de la droite, M. le;
marquis de l'Angle-Beaumanoir ayant
dit : « Ce n'est pas une déclaration
« ministérielle ; c'est une complainte
« ministérielle. » Fualdès-Brisson dis-
parures hauts législateurs ont fui dans
les couloirs pour y chercher la vie et
des idées. j
Devant les fauteuils vides un noir,,
représentant de la Martinique ou de
là Guadeloupe ou d'un autre pays, à
développé sous forme de question une
interpellation adressée au ministre dé
la marine. En style nègre, M. Isaac à
demandé le rétablissement du sous-
sçprétariat pour les colonies et
le remplacement des gouverneurs mi
litaires par des gouverneurs civils.
L'amiral Galiber a répondu carrément
2u'il ne veut plus de sous-secrétaire
'Etat ; qu'il a présenté, au président
de la République un fonctionnaire
pour occuper le poste de directeur des
colonies, et qu'il ne consent pas du
tout à supprimer les gouverneurs mi
litaires. M. Isaac s'est donné la satis
faction de déposer un projet de loi
sur l'administration des colonies.
Quand ce papier-là sortira des car
tons et sera transformé en loi, nous
aurons vu passer bien des ministres,
et peut-être M. Isaac lui-même.
Avant la séance; on avait, pendant"
deux heures, délibéré et voté dans les
bureaux pour nommer une douzaine
de commissions. A la fin de la séance,
M. Le Royer a constaté avec douleur
que ses élèves avaient à peu près per
du leur temps, et les a exhortés à ré
parer leur négligence. On nommera
donc aujourd'hui encore des commis
sions, dont l'une, celle qui concerne
la nouvelle loi sur l'armée, est impor
tante ; et l'on siégera une heure pour
la forme.
Eugène Tavernier.
La déclaration ministérielle appor
tée par M. Brisson aux Chambres est
aussi froidement accueillie dans la
presse républicaine qu'elle l'a été par
le Parlement.
Pour commencer par l'extrême gau
che, \'Intransigeant et le Cri du Peuple
trouvent la piece si exsangue, si mori
bonde, qu'ils disent que c'en est fait
de M. Brisson ; l'un parle de suicide,
l'autre de funérailles. Le Radical dit
d'un mot que c'est une déclaration de
décès. Il ajoute : « Le ministère qui
tient à la Chambre et à la France le
langage terne, incolore, glacial que
M. Brisson a fait entendre, ne peut
être soutenu ni par les radicaux, ni
par les modérés. »
_ La Justice constate que la déclara
tion a été entendue par la majorité
dans un silence qui traduisait à la fois
la stupeur et l'affliction générales.
Dans sa bonne volonté à maintenir
l'entente et à faire marcher la machine
républicaine, la feuille de M. Clémen
ceau souhaite que la 'déclaration ne
soit qu'un accident d'un jour et deman
de pour elle l'oubli. Le Rappel est déçu
autant que consterné. M. Brisson était
son homme, et le voilà qui se perd et
qui perd avec lui tout le ministère-
« Si, dit il, l'union s'est faite entre
tous les membre^ dq cabinet et si o'est
au noi$ de tous ses collègue® ^ ue M.le'
président du cons^ a parlé) trop
clair qiI5 cet accord n'a été réalisé que
sur un programme absolument nul et
vide. » Pour le Rappel, la déclaration
ministérielle n'est que le programme
de la commune impuissance.
Entre deux, on n'est guère plus con
tent, quelque effort qu'on fasse. pour
ne pas manifester un réel dépit. Le
XIX e Siècle ne peut s'empêcher de
qualifier la déclaration de terne. Ce
qui lui plaît surtout, « c'est ce qui n'y
est pas ». Pour la République française,,
au contraire, « ce qui prête à la criti
que, dans la profession de foi du mi
nistère, c'est bien moins ce qu'on y
rencontre que ce qui ne s'y trouve
pas». De part et d'autre, ce n'est
qu'une satisfaction négative. Le Jour
nal des Débats porte ce jugement, qui
fiourrait servir de trait d'union entre
es deux appréciations contraires du
XIX e Siècle et de lâ République fran
çaise : « Le plus grand éloge à faire de
la déclaration ministérielle, c'est de
dire qu'elle est absolument insigni
fiante. » La Paix se borne à peu près
à une analyse de la pièce.
Le Siècle seul est content* le Siècle
le journal de M. Brisson. Pour lui,
« la déclàration du 17 novembre est
ce qu'elle devait être au lendemain des
élections dernières, en présence d'une
Chambre où la minorité compte deux
cents voix, à la face d'un pays plus
préoccupé de bonnes lois d'affaires que
de réformes politiques. » Le Siècle
ajoute : « Son inappréciable mérite
est d'offrir aux représentants du parti
républicain un terrain d'union. »
On voit que le seul terrain d'union
que la déclaration dè M. Brisson ait
offert jusqu'ici aux représentants du
parti républicain, c'est celui d'un com
mun mécontentement. Le premier ef
fet de cette union pourrait bien être
de séparer la Chambre de M. Brisson.
Au rédacteur
Monsieur le rédacteur,
Permettez-moi de vous adresser quelques
réflexions qui, pour traiter d'une matière
délicate, n'en seront pas moins, je crois, &
leur place dans vos colonnes.
Rien n'est touchant comme de voir enter
rer, à la façon des pauvres, un jésuite, un
dominicain, un franciscain, une sœur du
Carmel ou de Saint-Vincent de Paul. Le
corbillard de dernière classe est là tout à
fait à sa place et clôt logiquement une exis
tence vouée à la sainte pauvreté.
Je vous avoue que je suis beaucoup moins
édifié lorsque je vois des laïques, qui ont
vécu dans tous les raffinements du luxe et
qui laissent une grande fortune, demander
par testament les funérailles les plus sim
ples possible.
Par ce temps d'enterrements oivils qui
sévit, il me semble qu'il ne résulte aucune
édification de la trop grande simplicité et
de l'obscurité voulue des obsèques chré
tiennes et catholiques.
A mon humble avis, on doit se laisser
enterrer par ses héritiers selon sa condi
tion, sa fortune, ses relations sociales et la
position qu'on a occupée de son vivant.
Que si l'on veut des funérailles simples,
il conviendrait que les honoraires d'un en
terrement convenable fussent versés à l'é
glise paroissiale.
Que deviendront le clergé, les nom
breux employés des églises, et les églises
elles-mêmes, si les ressources du casuel
leur sont enlevées au moment où ces res
sources sent tout ce qui leur reste?
Ne faisons pas le jeu de nos adversaires
par une modestie mal entendue, Pas plus
que toute autre égalité, l'égalité devant la
mort n'est réelle, témoin les cimetières. Il se
déploie là, au détriment de la liturgie ca
tholique, un luxe déraisonable et presque
païen. Tel qui a marchandé à son curé le
coût d'un enterrement convenable, ne re
garde à rien lorsqu'il s'agit d'acheter une
concession perpétuelle, de creuser un ca
veau et d'éçtffler un monument où se mê
lent les ïaarbres rares, les métaux pré
cieux et une coûteuse main-d'œuvre.
Il y a des oouronnes flétries au bout de
vingt-quatre heures qui dépassent cent fois
l'honoraire d'une messe.
FEUILLETON DE UINÏVERS
su 18 novembre 1885
LE VÉRITABLE AUTEUR
du
«
CHANT DE LA«UARSEILLAISE»
vu
SAISONS, MAITRE DE CHAPELLE A SAINT-OMER
Jean-Baptiste-Lucien . Cîrisons n'a pas
laissé de nom; l'auteur de l'oratorio d&s-
ther est un inconnu. Pour s'être approprié
une œuvre qui n'était pas de lui, Rouget
de Lisle est célèbre dans le monde entier;
■««lui oui l'a composée a laissé à peine un
souvenir dans la ville «Ù il a vécu plus d'un
demi-siècle. La postérité sera-t-elle plus
juste envers Grisons?/ï^es préjugés se re
fusent ordinairement à la preuve histori
que ;il y en a d'invincibles. Une longue
(1) Voir les feuilletons dus 23, 26, Si octo
bre, i, 10,13 et 16 novembre.
possession d'état compte toujours dans
l'opinion comme le meilleur des titres. Par
une de ces erreurs incorrigibles comme il
y en a tant dans l'histoire, le nom de Rou
get de Lisle demeurera probablement at
taché à la Marseillaise. Il sera du moins
possible de savoir que l'auteur de cette mu-
Bique fameuse n'est pas le Tyrtée inspiré
de la Révolution, mais un modeste maître
de chapelle de gaintiOmef.
Jean Baptiste-Lucien' Grisons est né à
Lèns (Pas-de-Calais), en 1746. Son père
s'appelait Eugène-Joseph Grisons et sa
mère Jeanne-Catherine Caboche. L'enfant
reçut, probablement de son père, des le
çons de musique qui lui permirent & 1?
ansi de vepir chercher fortune à Saint-
Omer. 1} ep était aifisi autrefois, ^e père
apprenait à son fils ce qu'il savait. Les géné-
rations s e succédaient dans la même indus
trie, le même commerce, le même art. La
petite ville de Grisons lui offrait pas des
ressources sufflgantes ; ro^is prj^s de là
s'élevait la cité audomar°ise, qyi était &
cette époque une des plus importantes du
nord de la France. Ville épiscopale et place
forte de première classe, Saint-Omer comp
tait dans son enceinte une population de
plus de vingt mille âmes. Son évêché, sa
grande abbaye de St-Bertiny entretenaient,
avant la |lévplution, une vlp ecclésiastique
£$s active. $n un temps ofi la musique se
(songeai# BFêfîFJ® Mît liff,
Saint-Omer avec sa belle et vaste cathé
drale, ses offices capitulaires, sa florissante
maîtrise, devait attirer un jeune homme
trop pauvre pour vivre cheg lui et assez
instruit pour chercher à tirer parti de son
talent musical.
L'ancien enfant de chœur de Lens se fit
admettre à la cathédrale de Saint-Omer en
qualité de « haute-contre », à l'âge de dix-
sept ans. Une supplique adressée p^r lui,
deux ans et demi après son entrée en
charge, au chapitre de la cathédrale, nous
donne les premiers renseignements sur les
débuts de sa carrière. La position du jeune
choriste était modeste et précaire. Il aspi
rait & une écoterje qu îj un l^énéfipe qui lui
eussent assiiré un rçvénu stable. Il crut
pouvoir.adresser, & cet effet, une requête
au chapitre, ^a pjècp est tque^ante. On la
lira avec intérêt comme le premier docu
ment se rapportant à un musicien qui au
rait mérité la célébrité de Rouget de Lisle.
Voici la pièce
4 Messieurs,
Messiçyrs les vÇnérablçs doyen,chqntre et chanoines
de l'illustre cathidrqle dç Saint Qm&'<
Supplie très humblement Jean-Baptiste-Lucien
Grisons, haute-contre de votre cathédrale, disant
qu'il y a deux ans et demie qu'il a l'honneur de
vous servir en cette qualité et seul depuis près
de deux ans en cette partie.
Lorsque vfius efttes \i bont^, messieurs, de le
.«airitin .r. Mltn "^ mm îpsj
irciàq
bénéfice "'ip ^ ul
ej apj&s gue là suppliant serait tonsuré, Unique
ment occupé de satisfaire & vos déairs, le suj>
Îiliant receut la tonsure et attendit de vos bontés
a faveur que vous aves bien voulu lui pro
mettre.
Le suppliant a l'honneur de vous représenter,
messieurs, que ses gages ne sont point suffisants
pour fournir i sa pension et à son entretien ; il
lui en coûte cent écus par chaquç $nnée pour
sa subsistance. Que lui restât-il aprçs cç'a pour
son entretien .qu'il s'-çfforçe de rendre conforme 4
la décence de son état^
Le suppliant a l'honneur de vous représenter,
messieurs, qu'il se trouve actuellement une éco-
terle vacante par le décès du sieur Pardoë.a et un
bénéfice à remplir par la démission du sieur dç
S&int-Aubert. Si vous , le jugez digne, messieurs,
de l'un ou de l'autre, jo suppliant s'efforcera de
mériter de plus en plus votre confiance. Si au
.çontraiïe vous ne jugez pas, messieurs, à propos
'aè lui conférer l'un ou l'autre de ces Ijgpéflcçs,
il espère que vous voucjre?' bien, messieurs,
lui tarder quelques gratifications ou augmen
tations de gages pour pouvoir remplir avec dé
cence le zèle qu'il a de vous servir. Dans cette
confiance, il a l'honneur de vous adresser sa très
humble requête :
Hgssieuçs,
,Qe que dessus considéré il vous plaise répandre
vos bontés sur le suppliant afin de le mettre à
même de soutenir la décence de son état. Quoi
faisant ne cessera d'adresser ses vœux au Ciel
pour la santé et prospérité de vo3 seigneu
ries. . . ' ■ . ' y '
J.-B.-L. Grisons.
Le chapitre ne .Qt droit qu'es partie à
cette l^mbje requête. Il jugea sans doute
(jue le sujet était trop jeune pour obtenir
lune ou l'autre de ces places vacantes, et,
pour toute faveur, lui açoey^a, par acte
capitulaire du 3 mai 1765, une gratification
de 24 florins (2).
Cependant, Jean-Baptiste Grisons se mon
trait plein de zèle à remplir ses modestes
fonctions. A cette époque, le service de
chœur dans les cathédrales occupait une
grande partie de la journée. On chantait
tous les jours les matines et les petites heu
res canoniales. De pieuses fondations allon
geaient mtoe souvent l'office. A Saint-Omer,
ea vertu d'une fondation de l'an 1322, « de
Mgr Ghilebert de Sainte-Audegonde, sei
gneur de Loys, et doyens de Saint-Omer
et de maîstre Guillaume de Sainte-Aude
gonde son frère canoines en ladite église, »
fondation dont le titre encastré dans lè mur
de clôture du chœur se lit encore aujour
d'hui, où chantait tous les vendredis à l'is
sue des vêpres, pour le repos des âmes des
fondateurs, kantienne Tuam Crucem avec
une autre antienne à la sainte Vierge, et la
Salve Regina tous les samedis.
Les comptes de la fcbrëque de la cathé
drale pour I03 années 1764, 1765 et 1766
nous montrent Grisons participant ave'â les
douze vicaires de chœur, lçg feuit écotiers
résidentâ, l'organiste et les chantres solistes
ses collègues, à la distribution des 26 livres
(2) Au dos de la requête ondoie; Par acte ca-
prendre des calendes de la grande Bourse.
La quittance de Grisons çslj archives.
affectées à l'exécution des pieuses volontés
des défunts. Pour sa modeste part, il rece
vait chaque mois un denier parisis, et de
huit à treize sous, suivant le nombre des
Tuam crucem et des Salve. Il y avait aussi
des gratifications du dimanche qui s'éle
vaient à peu près à la même somme. C'é
taient là de bien petits profits, mais les
moyens d'existence des serviteurs de l'é
glise ne se composaient que de ces modi
ques revenus. On voit par une quittance du
13 novembre 1765 que Grisons avait reçu
du chapitre oette année-là, outre son trai
tement de « haute-contre », la somme do
trente florins, « pour avoir sonné la clo
chette pendant l'année. » Son assistance
régulière aux offices lui valait aussi quel
quefois, ainsi qu'à ses oollègues, des distri
butions extraordinaires à titre d'enooura-
gement et de satisfaction de la part du
chapitre. En 1773, Grisons était pourvu du
bénéfice qu'il avait prématurément solli
cité (3). Sa régularité, ses services lui
avaient valu oette récompense. Deux ans
après, la place de maître de musique étant
devenue vacante par la démission du sieur
Cœugniet, elle fut donnée à Jean-Baptista
Grisons, comme au plus méritant (4).
lie chapitre de Notre-Dame ds Saint-
(3) Àtoanach de l'Artois, 1 "73. — Chapitre da
la cathédjale de Saint-Omer. ■ -
(i) Dans les comptes de la fabrique de la cathô-
dçal^ de Saint-Otner 4» 1776, Grisons est qua,
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