Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1884-01-17
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 janvier 1884 17 janvier 1884
Description : 1884/01/17 (Numéro 5899). 1884/01/17 (Numéro 5899).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 17 Janvier, .1884
B899. ^ Edition quotidienne
Jeudi 17 Janvier Ï8S4
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Un an. , ;
Six mois..'
Trois mois
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28 50
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Un Numéro, à Paris. ..... 15 cent.
— Départements. 20 ' — ,
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
On n'abonné, A Rome, place du GesA, 8
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DÉPARTEMENTS /
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Six mois. • • ■ i ■ * • î • .•«!*<' ^8 80
Trois mois ■ • « • • • • i ( 15
Édition semi-quotidienne
Un an, 30 £r. — Six mois, 16 fr, — Trois mois, S fr. 50
• L'UNIVKRS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES . ; ! ' r
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et G 10 , 6, placé de la Bourse
FRANCE
PARIS, 16 JANVIER 1884
Quoique la plus grande partie de la
presse, sansien excepter les journaux
républicains> condamne la digue qui
menace le mont Saint-Michel, M. An
tonin Proust a échoué dans son inter
pellation. La majorité de la Chambre
des députés a l'habitude de la servilité
poussée à tel point que 306 voix
contre 16 ; 1 ont voté l'ordre du jour pur.
et simple que demandait M. Raynal.
Le ministère avait parlé, cela suffi
sait.
On a commencé ensuite la discus
sion dû projet de loi sur le rattache
ment de la police ; M. Andrieux a com
battu le projet avec esprit et succès ;
M. Waldeck-Rousseau a fait, malgré
lui, un semblant de réponse. Cet ora
teur gourmé et pédant ne gagne pas
au voisinage dé l'ancien préfet de po
lice. lȈ discussion continuera de
main.
Prise;d'une grande ardeur de travail,
la Chambre a décidâ qu'elle siégerait
le Vendredi; les _ affaires publiques y\
gagneront-elles?
Avant la séance, on a élu Ja com
mission chargée d'examiner la de
mande en autorisation de poursuites
contre le citoyen TaJandier. Huit com
missaires sur onze sont favorables aux
poursuites. Sans défëndre le député de
Vincennes ni son journal, nous ferons
remarquer que lés républicains, en
poursuivant un député pour délit de
presse, manquent absolument à leurs
prétendus principes. Cela leur arrive
si souvent !
Hier, nous avons donné, aux der
nières nouvelles, les noms des mem
bres de la commission sénatoriale des
incompatibilités parlementaires ; nous
donnons aujourd'hui la répartition des
voix. Gomme les sénateurs étaient peu
nombreux, les dispositions de la ma
jorité des commissaires élus, qui sont
favorables à la loi, ne préjugeraient
rien avec un Sénat quelque peu ferme.
En séance, M. Clément a été réélu
secrétaire, mais par 161 voix; c'est le
seul du bureau qui en ait eu autant.
Cela décidera-t-il la droite à accep
ter?
On a commencé la discussion du
projet de loi sur les syndicats ouvriers;
le Sénat a repoussé et l'ajournement
demandé sur bonnes raisons par M.
Jouin, et l'urgence. La discussion con
tinuera jeudi.
Vendredi, discussion du budget ex
traordinaire ; le rapport de M. Dauphin
a été distribué hier.
Nous empruntons aux journaux ra
dicaux le texte d'un manifeste de la
ligue de la révision signé Laurent Pi-
chat, le Laurent Pichat qu'un jour un
mot du général Changarnier clouait à
son banc. Sans nous exagérer l'impor
tance dé cette pièce et des agissements
des révisionnistes/ nous croyons que
M. Jules Ferry pourra regretter d'avoir
levé, sans, nécessité bien établie, le
lièvre de la révision ; il s'est préparé
bien des ennuis.
L'empereur François-Joseph ira-t-il
à Rome? Une information de l 'Unione
parlait d'une lettre de l'empereur au
Pape, dans laquelle le prince affirmait
qu'il ' ne ferait pas visite à Rome au
roi Humbert; la Germania confirme
l'existence de cette lettre, que nie le
Fremdenblatt.
M. Christich a adressé au roi de
Serbie un rapport sur la dernière in
surrection. Le premier ministre accuse
le parti radical des désordreé qui ont
"éclaté sur divers points du royaume.
J1 prétend que les paysans ne se se
raient pas révoltés si les agents du
parti radical ne leur avaient pas per
suadé que le décret de désarmement
était entaché d'illégalité. Donnant une
statistique complète de l'œuvre de ré
pression dont a été chargée la cour
martiale de Zaïtchar, le ministre con
state que la peiné de mort a été pro
noncée contre 94 aecusés; sur ce
nombre, 10 se sont échappés, 1 s'est
suicidé, 63 ont obtenu une commuta
tion de peine et gO ont été exécutés;
.567 prévenus ont été condamnés aux
travaux forcés, 5 à la réclusion, 68 à
l'emprisonnement et enfin 75 ont été
acquittés. Ces chiffres sont significa
tifs.
Trop de zèle ! trop de zèle ! De quoi
s'avise M. le député Folliet? Quelle
mouche le pique?D'où lui vient au tra
vail cette ardeur qu'on ne lui connais
sait point encore? Pourquoi donc, en
fin, propose-t-il à la Chambre de sié
ger désormais le vendredi, et de con
sacrer ce jour de séance àla discussion
des interpellations? La Chambre gro
gne, elle n'est pas contente du tout, la
Chambre î Rien volontiers elle enver
rait la proposition de M. Folliet et
M. Folliet lui-même à tous les diables.
(Les petits cadeaux entretiennent l'a
mitié :) — Mais que diraient les élec
teurs/ces terribles électeurs! Ils re
procheraient certainement à leurs dé
putés d'aimer trop le repos, de négli
ger les affaires du pays. La majorité
redoute d'encourir ce blâme, elle yeut
avoir l'air de s'occuper ^jsidûmeiit de
toutes les affaires du pays; elle se ré
signe donc à voter la proposition de ce
m al en ctiïïtî%ax Toll iet, duïùôins eîléên *
vote la première partie. On siégera
désormais le vendredi, et l'on fera ce
que l'on voudra ; si l'on veut discuter
une interpellation, soit I on la discu
tera; si l'on veut discuter une loi, on
pourra la discuter aussi !
Tant pis! tant pis! La Chambre fait
déjà bien assez de mauvaise besogne ;
siégeant une fois de plus par semaine,
elle ne peut manquer d'accumuler un
plus grand nombre encore de sottises.
Davantage on piétine|;dans la boue,
et davantage le gâchis augmente. Il est
vrai qu'un espoir nous reste ; la Cham
bre, bien entendu, demeure absolu
ment maîtresse de décider que tel jour
elle siégera, ou ne siégera pas. Quand
son beau zèle aura diminué, elle saura
fort bien, si elle en éprouve la moindre
envie, et cette envie, elle l'éprouvera,
elle saura fort bien décider le jeudi
soir que la séance suivante n'aura
pas lieu avant~le surlendemain same
di. Comptons là-dessus et raffermis
sons nos courages.
C'est hier, au début de lajournée, que
la majorité a pris cette admirable ré
solution. Tout de suite après, l'on s'est
occupé de l'interpellation de M. Anto-
nin Proust, relative-à la digue fameuse
du mont Saint-Michel. M. Proust désap
prouve complètementla construction de
cette digue, il a bien raison. Relier le
mont Saint-Michel à la terre ferme par
une digue qui banni la mer d'un large
espace, c'est d'abord tout simplement
un acte de vandalisme- Le mont Saint-
Michel ne se conçoit pas le moins du
monde au milieu cle champs de pom
mes de terre, ni même au milieu de
champs de navets.
Puis, ce n'est pas tout, à beaucoup
près. Non seulement la digue en ques
tion gâte horriblement le mont Saint-
Michel en lui enlevant sa plus grande
beauté, c'est-à-dire sa « position insu
laire», pour parler comme M. Antonin
Proust; mais, de plus, elle le ruine.
S' appuyant aux remparts, elle les
ébranle, ils commencent à crouler, et
les tours voisines sont déjà sillonnées
de lézardes. Les ingénieurs maladroits
qui ont construit ce rattachement stu-
pide sont eux-mfêmes forcés de recon
naître qu'il cause d'inquiétants dégâts.
Aussi proposent -ils de recommencer la
digue; on la fera, cette fois, aboutir
sur un point plus résistant, sur le
roc.
M. Proust est d'un autre avis, du bon
avis, qui est tout siraplament de dé
molir la digue et de n'en point élever
de nouvelle. Si M. Proust avait parlé
d'une manière à peu près supportable,
il est certain qu'il serait parvenu à
ranger la majorité derrière lui. Mais
M. Antonin Proust est un orateur aussi
endormant-que prétentieux. Et il est
d'un prétentieux ! Il a péroré tout près
d'une heure, sans parvenir à se faire
"écouter, et, franchement, il ne méri
tait point de l'être. On n|est pas en
nuyeux comme cela! Il n'a dit qu'un!
seul mot qui vaille la peine d'être si
gnalé, encore n'est-ce pas sûr du tout
qu'il l'ait fait exprès. Parlant du prix
fabuleux auquel revient chaque hec
tare de terrain enlevé à la mer, et de
la mauvaise qualité de ce terrain :
« Je ne trouve, a-t-il déclaré, je ne
trouve à la digue aucun mérite agri
cole. » M. Méline. était là, sur son banc
de ministre; on l'a regardé, et l'on a
ri joyeusement. L'invention du Mérite
agricole n'a obtenu décidément, et
n obtient encore qu'un joli succès de
ridicule. La grande pensée de M. Mé
line reste méconnue.
M. Raynal, ministre des travaux pu
blics; M. Morel, député de la Manche,
et M. de Douvillé-Maillefeu, plaideur
désintéresse, ont, tous les trois, ré
pondu à M. Antonin Proust. Tous .les
trois, ils sont partisans de la digue.
La digue est belle, la digue est bonne,
elle rend de grands services, elle en
rendra d'immenses, elle a mille qua
lités, et n'a pas un seul défaut. Avant
qu'elle fût" construite, on se noyait
constamment dans ces parages terri
bles (tant que cela?). On ne s'y noie
plus du tout maintenant ; l'intérêt de
l'art peut-il être mis en balance avec
la vie des hommes, le peut-il?
— Non, a répondu la Chambre, en
écartant l'ordre du jour de blâme con
tre la digue, et en votant,' à la majo
rité de 297 voix contre 160, l'ordre du
jour pur et simple demandé par M.
Raynal.
On a commencé ensuite la discus
sion du projet de loi, cher à M. Wal
deck-Rousseau, qui enlève au budget
de la ville de Paris presque tous les
services de la préfecture de police,
pour les rattacher directement à l'E
tat. M. Andrieux a combattu le susdit
projet dans un long discours, très
habile et fort méchant, où foisonnaient
des arguments pour tous les goûts et
des épigrammes contre le cabinet, Ne
sachant comment répondre, M. Drey
fus, rapporteur de la commission,
s'est déclaré incompétent. Singulier
rapporteur ! IL "Waldeck-Rousseau est
alors intervenu ayec brièveté, et sans
grand éclat. I^ais nous le^ re verrons,
car le ministre compte évidemment
remonter à la tribune. Il doit avoir
préparé quelque grand discours, et il
n'attend qu'une occasion pour nous
inonder des flots de son éloquence mu-
cilagineuse.
P ierre Y euillot.
lia. majorité, sénatoriale, poussée par ;
on ne sait quel sentiment, a réélu se
crétaire M. Clément par 160 suffrages
sur 180 votants. Nos lecteurs se rap
pellent que l'honorable membre de la
droite avait refusé ces fonctions, en
face de l'obstination de la gauche à
n'accorder à la droite qu'un siège
parmi les six places de secrétaires. Il
faut renoncer à découvrir la raison qui
a porté la majorité à réélire M. Clé
ment et par un nombre de voix plus
considérable que celui par lequel le pré
sident a été élu. Dire que les despotes se
repentaient serait s'avancer imprudem
ment; toutefois ils éprouvaient bien
certain regret, mêlé au désir d'étaler
leur puissance en nommant, pour
ainsi dire, de force un membre de la
droite. Quand il s'agit de cette majo
rité, on peut tout supposer hormis le
juste, le raisonnable et le convenable.
La droite a jugé que, quel que fût le
mobile de la conduite dés despotes,
M. Clément pouvait accepter le ùénér
fice de cette élection,qu'il n'avait nulle
ment sollicitée.
La loi des syndicats professionnels,
déjà votée par le Sénat, puis modifiée
par la Chambre, et de nouveau en
discussion, a fait naître un de ces dé
bats inqualifiables xjui précipiteront,
heureusement, la fin du régime parle
mentaire. M. Jouin et M. Marcel Bar
the font remarquer que des amende
ments à la loi proposée viennent seu
lement d'être distribués ;_ qu'ils ont
une grande importance. Ils deman
dent, en conséquence, l'ajournement
de cette discussion jusqu'à la date où
elle pourra se faire en connaissance
de cause. M. Tolain, qui a remplacé
M. Barthe comme rapporteur, la loi
ayant été modifiée dans le sens révo
lutionnaire, réclame le débat immé
diat, tout en reconnaissant que l'exa
men du budget extraordinaire va l'in
terrompre. La majorité prend parti
pour M. Tolain et décide qu'elle va
séance tenante tout discuter et tout
voter. On ne la connaît pas cette ma
jorité : quand elle se met à l'ouvrage,
rien ne peut la retenir pendant ;au
moins cinq minutes.
En effet, M. de Gavardie pose une
question préjudicielle et rappelle que
le Sénat ést saisi de trois projets qui
se lient d'une manière indivisible au
projet actuel. Il établit cette" connexité
en donnant lecture de déclarations
faites devant la commission extra-par
lementaire des associations, nommée
par le ministre de l'intérieur. Evidem
ment, comme le soutient l'honorable
orateur, les syndicats se rattachent
aux projets de lois sur les associa
tions, sur les sociétés en général et
sur les sociétés de secours mutuels.
A propos d'aveux caractéristiques faits
par des révolutionnaires à l'égard des
anciennes corporations, M. de Gavar
die a mis en évidence la sollicitude
de la monarchie pour les intérêts des
travailleurs. Il a rappelé l'organisation
savante et si- salutaire des ouvriers
avant 1790, sous le règne de saint
Louis et même auparavant ; et il a fait
allusion, en termes justement indi
gnés, à la honteuse masearade qui
s'est jouée, ces jours-ci, dans l'hôpital
qui porte le nom du saint roi. Nous
parlons ailleurs de ce scandale. Il, a
conclu en montrant que la loi à venir
sur les sociétés de secours mutuels est
formellement visée dans le projet en
discussion.
M. Testelin, de la gauche, a dû
confesser que la majorité avait eu tort
de voter la discussion immédiate à la
veille de l'examen du budget extraor
dinaire. En revanche, il a demandé
que le Sénat votât l'urgence, afin de
supprimer la seconde délibération. Le
ministre du commerce est venu à la
rescousse et s'est hérissé pour faire
triompher la demande d'urgence. M.
Marcel Barthe a répliqué, en mon
trant les inconvénients d'une délibé
ration précipitée, surtout sur des ma
tières d'une telle importance. L'ur
gence a été repoussée.
Que faire alors? S'en aller, n'est-ce
pas ? après avoir fixé à la hâte un or
dre du jour quelconque. A vendredi la
discussion du budget extraordinaire.
A demain la suite (la prétendue suite)
de la discussion sur les syndicats pro
fessionnels, qui devra être encore une
fois interrompue. Commencer, par es
prit d'opposition, un débat impossible,
puis l'abandonner, puis choisir le jour
où l'on pourra le recommencer, puis
passer le temps en scrutins pour ré
gler les questions les plus insignifian
tes; laisser la besogne importante s'a
masser jusqu'au moment où l'on sera
contraint de la balayer d'un coup,
c'est ce que les parlementaires appel
lent veiller au salut du pays.
E ugène T avernier.
Orgies funèbres
Parmi les observations que M. de
Gavardie présentait hier au Sénat pour
l 1 ajournement d'un certain projet de
loi, nous voulons citer, d'après le
compte rendu in extenso, ce qui suit :
M. de Gavardie. — Votre loi sera une loi
qui nè créera que des difficultés et ne fera
absolument rien en faveur des ouvriers.
Sous le règne de saint Louis... (Exclama
tions à gauche), — vous ne savez pas seu
lement ce que je vais dire, — sous le rè
gne de ce patron des ouvriers dont, pour
le dire en passant, on vient dans celte ca
pitale, que vous prétendez pourtant si fièrç
de sa .civilisation,, d'outrager la mémoire à
l'hôpital qui porte sou nom... (Interrup
tions sur iâs mêmes bancs) par une masca
rade sacrilège contre laquelle s'élèvent mê
me vos journaux...
M. le président. — Monsieur de Gavar- '
die, je crois que vous n'êtes pas tout à fait
dans la question. (Rire général.)
M. de Gavardie. — Dans la question pré
judicielle? je vous demande pardon, je ne
m'en éloigne pas.
Malgré le .« rire général » par le
quel le Journal officiel fait accueillir
les observations de M. de Gavardie,
l'honorable sénateur avait grandement
raison, à propos d'une loi qui inté
resse le sort des ouvriers, de flétrir
l'ignoble parodie qu'on a osé produire
dans l'un dés hôpitaux où les ouvriers
comptent un grand nombre de leurs
frères. Disons deux mots de cette
odieuse tentative. •
Il y a quelque temps, les journaux
du boulevard annonçaient avec une
bienveillance marquée la prochaine
exécution d'une pièce étrange, qui se
rait jouée dans des conditions non
moins étranges, par des acteurs étran
gers à la scène, sur un théâtre fort
inattendu. Qui eût imaginé qu'il s'agis
sait tout simplement d'installer des
tréteaux dans l'un des asiles de la
souffrance, d'y amener les figurantes
de l'Opéra et, sur des planches dont
demain peut-être on fera des cercueils,
d'exécuter à grand orchestre une sorte
de danse macabre, au milieu des gre
lots de la folie agités par des aliénés
d'un nouveau genre.
C'est pourtant d'un pareil divertisse
ment qu'avaient rêvé MM. les inter
nes des hôpitaux laïcisés, et telles
sont les pensées qu'inspire à ces Bi-
chat des temps modernes la considé
ration des souffrances qu'ils ont pour
mission de consoler, et, s'ils le peu
vent, de guérir. Se moquer des saints
et de la religion dans une pièce impie,
battre des entrechats--et faire éclater
les chants grivois à côté des grabats
où, torturés par la douleur, de pau
vres agonisants réclament vainement
peut-être les secours de cette religion
qui leur apportait comme un dernier
sourire : quelle idée de génie pour les
savants modernes, quelle abominable
et démoniaque idée, dirons-nous, aux
yeux de tous ceux qui n'ont pas perdu,
avec tout sens moral, tout respect de
la douleur !
C'est pourtant à cette idée-là que le
philanthrope directeur de l'Assistance
publique a voulu donner son concours
après' en avoir autorisé l'exécution.
Pour le citoyen Quentin , ce divertisse
ment a paru tout naturel, les pauvres
malades devant, par un ingénieux pré
texte des initiateurs de la chose, béné
ficier du produit de la représentation.
C'est avec cette excuse et dans ces con
ditions qu'on a joué dans l'hôpital
Saint-Louis la pièce ayant pour titre :
Louis IX, opéra polymorphe. Ce mot de
polymorphe est là pour un autre, car
on aurait pu dire plus justement :
opéra pornographe. Qu'on en juge par
ce résumé du journal le Temps :
: La bouffonnerie qu'on nous a jouée est
parfois drôle, parfois lugubre, souvent spi
rituelle ; mais elle eût été plus à sa place
dans un cercle et entre hommes que dans
une salle d'hôpital. .
Pour en donner une idée, disons que l'un
des « clous » de la soirée a été une série
de couplets chantés par un garçon d'am
phithéâtre ivre auprès d'une table de dis
section.
Un autre, le trio de la pariotomie, de l'o-
variotomie et d'une autre... tomie encore,
admirablement chanté par MM. Sellier,
Pugère et Belhomme.
Nous passons un couplet sur la ceinture
de chasteté, dont tout l'effort de la censure
— car la censure avait passé par là, ce
dont on ne se fût guère douté — a fait une
ceinture de... sûreté.
La soirée s'est terminée à deux heures et
demie du matin, par la tarentelle de la
Muette de Porlici, dansée par les danseuses
de l'Opéra.
Il faut ajouter que, dans tout le
cours de la pièce, saint Louis, descendu
de son piédestal pour la circonstance,
est censé se promener à travers toutes
les salles de l'hôpital et qu'on l'y fait
assister à des scènes fort malpropres,
que les auteurs ont pris soin ae souli
gner par des mots qui offensent aussi
bien toute croyance que toute pudeur.
« Un petit peu de gaillardise, dit l'O
pinion, journal républicain, a frisé la
pornographie daAs la Ceinture de chas
teté et l'Amour blesse », chansons dé
clamées sur la scène par les artistes du
dehors venues pour aiderUM. les in
ternes dans leurs rôles d'acteurs im
provisés. Est-ce tout? Non, voici ce
qu'ajoute le même journal républicain.
Il cite ce passage du livret :
h'amphithéâtre ou les joyeux macchabées :
Nombreux cadavres étendus dans les cer
cueils en carton, le matériel de l'hôpital ne
pouvant servir pour cette circonstance. Les
« joyeux macchabées » veulent justifier
leur épithète ; ils esquissent un pas des plus
entraînants':
Oa nous a sans doute oubliés,
Nous ne serons pas découpés 1
Et il poursuit ;
Répétons, pour qu'on ne l'oublie pas, que
nous sommes, à Saint-Louis, qu'à Saint-
Louis il y a des chirurgiens et des malades
qu'on opèse.
Nous n'insisterons pas sur les cercueils.
Ils sont en carton, « le matériel de l'hôpital
ne pouvant servir pour cette circonstance».
Mais que pensez-vous de ceg macchabées
chantant ;
On nous a sans doiitè oubliés,
Nons ne serons pas découpés.
Peut-on rire ainsi de la peu? du pauvre,
cette peur qui le fait frissonner à l'idée que
-r- faute de la somme qui achètera ce corps
qui ne lui appartient pas (monstruosité I) —
il sera porté sur les dalles froides de l'am
phithéâtre, où il sera découpé par ceux qui
le raillent aujourd'hui ?
. Ne profanons pas cette pudeur posthume
du pauvre pour son cadavre.
Ainsi l'indignation du journal répu
blicain lui-même se fait jour contre ces
abominables farces. Mais-cequi est peut-
être plus lamentable que ce scandale,
c'est la complaisance avec laquelle en
ont rendu compte certains journaux
du boulevard, que nous devrions peut-
être [nommer, qui donnent pour
conservateurs, et qui n'ont pas honte
d'applaudir à cette indécence, où rien
n'est respecté, ni la religion, ni l'inno
cence, ni la douleur. Croit-on que le
peuple à qui viennent les échos de ces :
infâmes orgies n'a pas sujet d'en
être révolté ? Et faut-il s'étonner quand,
instrument inconscient de la Provi
dence à laquelle on ne veut plus qu'il
croie, il menace, par ses rugissements,
d'accomplir sur la société qui tolère de
pareilles abominations les justices ven
geresses du Ciel ?
A uguste R oussel.
Le Temps publie la dépêche sui
vante :
Berlin, 1S janvier, 9 h., matin.
La Germania annonce que, lors de la ré
ception diplomatique qui a eu lieu, le 29
décembre dernier, au Vatican, le comte
Paar, ambassadeur d'Autriche-Hongrie, a
remis au Saint-Père une lettre de l'empe
reur ; dans cette lettre, le souverain renou
velait l'assurance de 'sa déférence envers le
chef de l'Eglise et affirmait qu'il ne son
geait nullement à rendre au' roi d'Italie la
visite qu'il en avait reçue. D'après la Ger
mania, les déclarations de l'emperéur Fran
çois-Joseph seraient extrêmement catégo
riques; le journal ultramoniain en conclut
que le souverain sait faire la différence en
tre les, devoirs d'un chef d'Etat protestant
et ceux d'un monarque catholique.
D'autre part, le Journal des Débats
publie la dépêche que voici :
Vienne, iS janvier, 7 h. 50, soir.
La nouvelle donnée par le Standard et la
Germania , que l'empereur d'Autriche aurait
adressé une lettre au Pape au sujet de son
voyage éventuel à Rome est fausse. On as
sure au contraire qu'il n'a jamais été ques
tion dans ces derniers temps d'un voyage
de l'empereur en Italie.
Cette dépêche, fabriquée avec un
emprunt fait au Fremdenblatt , n'est
pas un démenti» car elle repose sur une
équivoque. L'empereur d'Autriche a
pu très bien écrire au Pape en des ter
mes généraux qui excluaient toute
idée d'une visite au Quirinal, sans
parler spécialement d'un voyage éven
tuel à Rome. L'affirmation même du
Fremdenblatt répétée par le corres
pondant des Débats, et déclarant qu'il
n'a jamais été question de ce voyage
dans la pensée du souverain autrichien,
est une preuve des dispositions dans
lesquelles on a dit qu'était conçue
la lettre de l'empereur d'Autriche à"
Sa Sainteté.
Les journaux républicains publient
avec un certain empressement la let
tre ci-jointe, adressée au rédacteur en
chef du Nontronnais, journal de la Dor-
dogne :
Paris, le 7 janvier 1884.
•Monsieur,
J'ai été profondément dévoué à la royauté
durant la vie de M. le comte de Cham
bord.-
Après cette mort cruelle et irréparable,
il est du devoir de tous les vrais royalistes
de se rallier à la seule légitimité possible
aujourd'hui : la république.
Je tiens à ce qu'on le sache à Nontron,
c'est ce qui me fait vous écrire.
Veuillez donc compter sur moi à dater de
ce jour pour la défense énergique du gou
vernement actuel.
Agréez, monsieur, etc. ,
" J F erdinand de G eslin.
On nous permettra de douter qu'un
royaliste qui a voulu, du vivant de
Monsieur le Comte de Chambord, tra
vailler à l'exécution du programme
royal, puisse aujourd'hui vouloir tra
vailler à-l'a « defense énergique » du
gouvernement qui, sur tous les points,
poursuit une politique opposée à ce
programme. La lettre dont il s'agit est
donc d'un homme peu sérieux ou c'est
une mystification. • -
Dans l'un et l'autre cas, elle nous
fournit l'occasion de répéter ce que
nous avons dit souvent, à savoir que
le devoir des catholiques royalistes n'a
pas. changé par la mort de ..Monsieur
le Comte de Chambord, car ils ont là
même obligation de redoubler d'eft
forts pour travailler à l'application de
son programme, en dehors duquel on
chercherait vainement le salut de la
France chrétienne.
Le Times , jugeant la situation du
marquis Tseng fort embarrassée et un
peu ridicule pour le moment, vient au
secours de ce grand homme. Non-seu^
lement il consacre un nouvel article
aux affaires du Tonkin pour prouver
que la France s'est jetée maladroite
ment et injustement dans une aven
ture pleine de périls; mais encore il
emploie deux où trois immenses co
lonnes à'cbahter la gloire, les mérites
et la brillante carrière du marquis
Tseng.
L|ous apprenons que le diplomate
chinois est le plus grajid honame de
son pays, — ce qui est médiocrement
flatteur- pour les habitants dé'.l'em
pire du Milieu—et qu'il a joué un rôle
très brillant contre les hommes d'Etat
français. On comprend que t le Times
soit pressé de célébrer le malencon
treux ambassadeur dont les manœu
vres bizarres ont amené une crise dont
la solution ne peut plus être agréable
à son gouvernement. Mais nous pen
sons qu'à Pékin on pourra être d'iin
autre avis : on y aura forcément peu
de reconnaissance pour le diplomate
du Times,
Du reste, ceci est l'affaire du gouver
nement chinois. Qu'il se loue ou non
du mandarin dont les indiscrétions
et les fanfaronnades ont provoqué ei}
France contre la Chine l'irritation des
moins belliqueux, ce n'est pas notre
affaire. Ce ne devrait pas non plus être
celle du Times , qui fera mieux de nous
tenir au courant des triomphes de la
politique anglaise en Egypte, et de
nous raconter la gloire du mahdi.
ORAISON FUNÈBRE
t • . de
MONSEIGNEUR COLET
archevêque de tours
prononcée
le 15 janvier 1884, dans l'église métropolitaine
de tours
par
Mgr FREPPEL, évêque d'Angers
Ideo habentes administra'
Honcm juxta quod misericor-
diarn conseculi sumus, non
deficimus.
C'est pourquoi ayant l'ad
ministration des choses sain-
- tes selon la miséricorde que
nous avons obtenue, nous
ne savons pas ce que c'est
que la défaillance.
(II® aux Cor., IV, 1.)
Mes Frères,
Il y a neuf ans, du haut de cette chaire,
je payais le tribut de ma vénération et de
mes regrets à l'avant-dernier devos arche
vêques. Je ne croyais pas être appelé si
tôt à rendre le même devoir au successeur
de Mgr Fruchaud. Cette pensée de tris
tesse, j'aimais à l'écarter, parce que, dans
la situation où se trouve notre pays, la
mort d'un évêque n'est pas seulement un
sujet de deuil dans le présent, mais encore
un motif d'inquiétude pour l'avenir. J'ai
mais à l'écarter devant un épiscopat qui
semblait vous promettre une plus longue
durée. Sans doute l'éminent prélat dont
nous pleurons la perte était arrivé au mi
lieu de vous laissant déjà derrière lui près
d'un demi-siècle de ministère sacerdotal;
mais, à le voir encore si plein de vigueur
jusque dans un âge avancé, on se rappe
lait cette parole de. la Sainte Ecriture :
Usque in senectutem permansit illi virtus (1).
Un coup inattendu allait tromper nos espé
rances, en frappant le Pontife dans l'exer
cice de ses fonctions saintes, comme le
soldat qui tombe sur le champ de bataille.
Il avait plu à Dieu d'avancer pour son
fidèle serviteur le jour de l'éternelle récom
pense.
Grande page, Mes Frères, dans l'histoire
d'une province que cette succession d'évê-
ques se passant de main en main la hou
lette pastorale 1 C'est par elle surtout que
se manifestent l'unité et la perpétuité de la
vie sociale à travers toutes les vicissitudes
des événements. Depuis l'époque lointain»
où votre ville était devenue le chef-lieu de la
troisième Lyonnaise jusqu'au milieu du dix-
neuvième siècle, que de changements dans
votre état politique et civil! Cette contrée que
I la Providence s'est plu à combler de ses dons,
je la vois passer successivement sous vingt
régimes divers, des Visigoths aux Francs,
de l'Austrasie à - la Neustrie et à l'Aquitai
ne, des comtes de Tours aux ducs d'Anjou,
de l'Angleterre à la France, avant d'unir
ses destinées pour toujours à celles de' la
patrie commune. Souveraineté territoriale,
administration, fortune militaire, tout a va
rié d'âge en âge sur ces rives de la Loire
témoins de tant et de si grandes choses.
Il n'y a qu'une institution qui ait traversé
votre histoire, toujours la même et n'ayant
rien perdu de sa vigueur dans son immor-
tellé jeunesse. Seule, la dynastie épiscopale
y est restée debout comme à son originé et
sans aucune interruption, reliant la chaîne
des temps par-dessus les hommes et leurs
œuvres. Elle est l'arbre généalogique au
troûc duquel se rattache depuis- dix-huit
siècles tout ce qu'il v-a* eu parmi Vous de
puissance et de grandéur morales.
Aussi bien aucune gloire n'aura-t-elle
manqué à cette ligné'e sacerdotale dans le
cours de sa longue histoire ; ni les mérites
de la sainteté, avec les Gatien, les Lidoire >
les Martin, les Perpétue; ni les lumières de
la science et de l'érudition, avec les Gré
goire, les Hildebert, les Boisgelin; ni l'éclat
du rang et des services, avec les Georges
d'Armagnac, les Simon de Maillé," les Ma
thieu d'Hairvault, les Jacques de Rasti-
gnac. Faut-il s'étonner que, dans le monde
chrétien, le nom de la Touràine soit devenu
inséparable du nom et de-la dignité de ses
archevêques ? Faut-il s'étonner que vos tris
tesses prennent le caractère d'un deuil pu
blic, chaque fois que la mort vient récou
vrir d'un voile funèbre la chaire métropoli
taine? Ces sentiments qui honorent une
grande cité, vous les avez manifestés de
nouveau il y a quelques semaines, et j'en ai
encore le cœur tout ému. De ces funérailles
qui ressemblaient à un triomphe, on avait
bien pu écarter, pour la première fois dess
honneurs que la- sagesse politique envisa
geait jusqu'ici comme une démonstration
propre à rehaussor dans l'esprit des peu
ples le principe d'autorité ; mais à défaut
d'un concours dont on pouvait regretter
l'absence, une foule nombreuse témoignait
par son recueillement que, pour la ville de
Tours, il n'est pas de gloire plus haute ni
plus pure que d'avoir été le siège de saint,
Martin et d'être restée celui de ses succès-»
seurs.
Et maintenant, Mes Frères, quelle sera,
parmi les cent vingt-sept successeurs de
saint Martin la place réservée au pontife
' ■' ♦ '
(1J Eccli. XLVij 11,
B899. ^ Edition quotidienne
Jeudi 17 Janvier Ï8S4
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PARIâ
Un an. , ;
Six mois..'
Trois mois
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65 fr.»
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Édition semi-quotidienne
Un an, 30 £r. — Six mois, 16 fr, — Trois mois, S fr. 50
• L'UNIVKRS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES . ; ! ' r
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et G 10 , 6, placé de la Bourse
FRANCE
PARIS, 16 JANVIER 1884
Quoique la plus grande partie de la
presse, sansien excepter les journaux
républicains> condamne la digue qui
menace le mont Saint-Michel, M. An
tonin Proust a échoué dans son inter
pellation. La majorité de la Chambre
des députés a l'habitude de la servilité
poussée à tel point que 306 voix
contre 16 ; 1 ont voté l'ordre du jour pur.
et simple que demandait M. Raynal.
Le ministère avait parlé, cela suffi
sait.
On a commencé ensuite la discus
sion dû projet de loi sur le rattache
ment de la police ; M. Andrieux a com
battu le projet avec esprit et succès ;
M. Waldeck-Rousseau a fait, malgré
lui, un semblant de réponse. Cet ora
teur gourmé et pédant ne gagne pas
au voisinage dé l'ancien préfet de po
lice. lȈ discussion continuera de
main.
Prise;d'une grande ardeur de travail,
la Chambre a décidâ qu'elle siégerait
le Vendredi; les _ affaires publiques y\
gagneront-elles?
Avant la séance, on a élu Ja com
mission chargée d'examiner la de
mande en autorisation de poursuites
contre le citoyen TaJandier. Huit com
missaires sur onze sont favorables aux
poursuites. Sans défëndre le député de
Vincennes ni son journal, nous ferons
remarquer que lés républicains, en
poursuivant un député pour délit de
presse, manquent absolument à leurs
prétendus principes. Cela leur arrive
si souvent !
Hier, nous avons donné, aux der
nières nouvelles, les noms des mem
bres de la commission sénatoriale des
incompatibilités parlementaires ; nous
donnons aujourd'hui la répartition des
voix. Gomme les sénateurs étaient peu
nombreux, les dispositions de la ma
jorité des commissaires élus, qui sont
favorables à la loi, ne préjugeraient
rien avec un Sénat quelque peu ferme.
En séance, M. Clément a été réélu
secrétaire, mais par 161 voix; c'est le
seul du bureau qui en ait eu autant.
Cela décidera-t-il la droite à accep
ter?
On a commencé la discussion du
projet de loi sur les syndicats ouvriers;
le Sénat a repoussé et l'ajournement
demandé sur bonnes raisons par M.
Jouin, et l'urgence. La discussion con
tinuera jeudi.
Vendredi, discussion du budget ex
traordinaire ; le rapport de M. Dauphin
a été distribué hier.
Nous empruntons aux journaux ra
dicaux le texte d'un manifeste de la
ligue de la révision signé Laurent Pi-
chat, le Laurent Pichat qu'un jour un
mot du général Changarnier clouait à
son banc. Sans nous exagérer l'impor
tance dé cette pièce et des agissements
des révisionnistes/ nous croyons que
M. Jules Ferry pourra regretter d'avoir
levé, sans, nécessité bien établie, le
lièvre de la révision ; il s'est préparé
bien des ennuis.
L'empereur François-Joseph ira-t-il
à Rome? Une information de l 'Unione
parlait d'une lettre de l'empereur au
Pape, dans laquelle le prince affirmait
qu'il ' ne ferait pas visite à Rome au
roi Humbert; la Germania confirme
l'existence de cette lettre, que nie le
Fremdenblatt.
M. Christich a adressé au roi de
Serbie un rapport sur la dernière in
surrection. Le premier ministre accuse
le parti radical des désordreé qui ont
"éclaté sur divers points du royaume.
J1 prétend que les paysans ne se se
raient pas révoltés si les agents du
parti radical ne leur avaient pas per
suadé que le décret de désarmement
était entaché d'illégalité. Donnant une
statistique complète de l'œuvre de ré
pression dont a été chargée la cour
martiale de Zaïtchar, le ministre con
state que la peiné de mort a été pro
noncée contre 94 aecusés; sur ce
nombre, 10 se sont échappés, 1 s'est
suicidé, 63 ont obtenu une commuta
tion de peine et gO ont été exécutés;
.567 prévenus ont été condamnés aux
travaux forcés, 5 à la réclusion, 68 à
l'emprisonnement et enfin 75 ont été
acquittés. Ces chiffres sont significa
tifs.
Trop de zèle ! trop de zèle ! De quoi
s'avise M. le député Folliet? Quelle
mouche le pique?D'où lui vient au tra
vail cette ardeur qu'on ne lui connais
sait point encore? Pourquoi donc, en
fin, propose-t-il à la Chambre de sié
ger désormais le vendredi, et de con
sacrer ce jour de séance àla discussion
des interpellations? La Chambre gro
gne, elle n'est pas contente du tout, la
Chambre î Rien volontiers elle enver
rait la proposition de M. Folliet et
M. Folliet lui-même à tous les diables.
(Les petits cadeaux entretiennent l'a
mitié :) — Mais que diraient les élec
teurs/ces terribles électeurs! Ils re
procheraient certainement à leurs dé
putés d'aimer trop le repos, de négli
ger les affaires du pays. La majorité
redoute d'encourir ce blâme, elle yeut
avoir l'air de s'occuper ^jsidûmeiit de
toutes les affaires du pays; elle se ré
signe donc à voter la proposition de ce
m al en ctiïïtî%ax Toll iet, duïùôins eîléên *
vote la première partie. On siégera
désormais le vendredi, et l'on fera ce
que l'on voudra ; si l'on veut discuter
une interpellation, soit I on la discu
tera; si l'on veut discuter une loi, on
pourra la discuter aussi !
Tant pis! tant pis! La Chambre fait
déjà bien assez de mauvaise besogne ;
siégeant une fois de plus par semaine,
elle ne peut manquer d'accumuler un
plus grand nombre encore de sottises.
Davantage on piétine|;dans la boue,
et davantage le gâchis augmente. Il est
vrai qu'un espoir nous reste ; la Cham
bre, bien entendu, demeure absolu
ment maîtresse de décider que tel jour
elle siégera, ou ne siégera pas. Quand
son beau zèle aura diminué, elle saura
fort bien, si elle en éprouve la moindre
envie, et cette envie, elle l'éprouvera,
elle saura fort bien décider le jeudi
soir que la séance suivante n'aura
pas lieu avant~le surlendemain same
di. Comptons là-dessus et raffermis
sons nos courages.
C'est hier, au début de lajournée, que
la majorité a pris cette admirable ré
solution. Tout de suite après, l'on s'est
occupé de l'interpellation de M. Anto-
nin Proust, relative-à la digue fameuse
du mont Saint-Michel. M. Proust désap
prouve complètementla construction de
cette digue, il a bien raison. Relier le
mont Saint-Michel à la terre ferme par
une digue qui banni la mer d'un large
espace, c'est d'abord tout simplement
un acte de vandalisme- Le mont Saint-
Michel ne se conçoit pas le moins du
monde au milieu cle champs de pom
mes de terre, ni même au milieu de
champs de navets.
Puis, ce n'est pas tout, à beaucoup
près. Non seulement la digue en ques
tion gâte horriblement le mont Saint-
Michel en lui enlevant sa plus grande
beauté, c'est-à-dire sa « position insu
laire», pour parler comme M. Antonin
Proust; mais, de plus, elle le ruine.
S' appuyant aux remparts, elle les
ébranle, ils commencent à crouler, et
les tours voisines sont déjà sillonnées
de lézardes. Les ingénieurs maladroits
qui ont construit ce rattachement stu-
pide sont eux-mfêmes forcés de recon
naître qu'il cause d'inquiétants dégâts.
Aussi proposent -ils de recommencer la
digue; on la fera, cette fois, aboutir
sur un point plus résistant, sur le
roc.
M. Proust est d'un autre avis, du bon
avis, qui est tout siraplament de dé
molir la digue et de n'en point élever
de nouvelle. Si M. Proust avait parlé
d'une manière à peu près supportable,
il est certain qu'il serait parvenu à
ranger la majorité derrière lui. Mais
M. Antonin Proust est un orateur aussi
endormant-que prétentieux. Et il est
d'un prétentieux ! Il a péroré tout près
d'une heure, sans parvenir à se faire
"écouter, et, franchement, il ne méri
tait point de l'être. On n|est pas en
nuyeux comme cela! Il n'a dit qu'un!
seul mot qui vaille la peine d'être si
gnalé, encore n'est-ce pas sûr du tout
qu'il l'ait fait exprès. Parlant du prix
fabuleux auquel revient chaque hec
tare de terrain enlevé à la mer, et de
la mauvaise qualité de ce terrain :
« Je ne trouve, a-t-il déclaré, je ne
trouve à la digue aucun mérite agri
cole. » M. Méline. était là, sur son banc
de ministre; on l'a regardé, et l'on a
ri joyeusement. L'invention du Mérite
agricole n'a obtenu décidément, et
n obtient encore qu'un joli succès de
ridicule. La grande pensée de M. Mé
line reste méconnue.
M. Raynal, ministre des travaux pu
blics; M. Morel, député de la Manche,
et M. de Douvillé-Maillefeu, plaideur
désintéresse, ont, tous les trois, ré
pondu à M. Antonin Proust. Tous .les
trois, ils sont partisans de la digue.
La digue est belle, la digue est bonne,
elle rend de grands services, elle en
rendra d'immenses, elle a mille qua
lités, et n'a pas un seul défaut. Avant
qu'elle fût" construite, on se noyait
constamment dans ces parages terri
bles (tant que cela?). On ne s'y noie
plus du tout maintenant ; l'intérêt de
l'art peut-il être mis en balance avec
la vie des hommes, le peut-il?
— Non, a répondu la Chambre, en
écartant l'ordre du jour de blâme con
tre la digue, et en votant,' à la majo
rité de 297 voix contre 160, l'ordre du
jour pur et simple demandé par M.
Raynal.
On a commencé ensuite la discus
sion du projet de loi, cher à M. Wal
deck-Rousseau, qui enlève au budget
de la ville de Paris presque tous les
services de la préfecture de police,
pour les rattacher directement à l'E
tat. M. Andrieux a combattu le susdit
projet dans un long discours, très
habile et fort méchant, où foisonnaient
des arguments pour tous les goûts et
des épigrammes contre le cabinet, Ne
sachant comment répondre, M. Drey
fus, rapporteur de la commission,
s'est déclaré incompétent. Singulier
rapporteur ! IL "Waldeck-Rousseau est
alors intervenu ayec brièveté, et sans
grand éclat. I^ais nous le^ re verrons,
car le ministre compte évidemment
remonter à la tribune. Il doit avoir
préparé quelque grand discours, et il
n'attend qu'une occasion pour nous
inonder des flots de son éloquence mu-
cilagineuse.
P ierre Y euillot.
lia. majorité, sénatoriale, poussée par ;
on ne sait quel sentiment, a réélu se
crétaire M. Clément par 160 suffrages
sur 180 votants. Nos lecteurs se rap
pellent que l'honorable membre de la
droite avait refusé ces fonctions, en
face de l'obstination de la gauche à
n'accorder à la droite qu'un siège
parmi les six places de secrétaires. Il
faut renoncer à découvrir la raison qui
a porté la majorité à réélire M. Clé
ment et par un nombre de voix plus
considérable que celui par lequel le pré
sident a été élu. Dire que les despotes se
repentaient serait s'avancer imprudem
ment; toutefois ils éprouvaient bien
certain regret, mêlé au désir d'étaler
leur puissance en nommant, pour
ainsi dire, de force un membre de la
droite. Quand il s'agit de cette majo
rité, on peut tout supposer hormis le
juste, le raisonnable et le convenable.
La droite a jugé que, quel que fût le
mobile de la conduite dés despotes,
M. Clément pouvait accepter le ùénér
fice de cette élection,qu'il n'avait nulle
ment sollicitée.
La loi des syndicats professionnels,
déjà votée par le Sénat, puis modifiée
par la Chambre, et de nouveau en
discussion, a fait naître un de ces dé
bats inqualifiables xjui précipiteront,
heureusement, la fin du régime parle
mentaire. M. Jouin et M. Marcel Bar
the font remarquer que des amende
ments à la loi proposée viennent seu
lement d'être distribués ;_ qu'ils ont
une grande importance. Ils deman
dent, en conséquence, l'ajournement
de cette discussion jusqu'à la date où
elle pourra se faire en connaissance
de cause. M. Tolain, qui a remplacé
M. Barthe comme rapporteur, la loi
ayant été modifiée dans le sens révo
lutionnaire, réclame le débat immé
diat, tout en reconnaissant que l'exa
men du budget extraordinaire va l'in
terrompre. La majorité prend parti
pour M. Tolain et décide qu'elle va
séance tenante tout discuter et tout
voter. On ne la connaît pas cette ma
jorité : quand elle se met à l'ouvrage,
rien ne peut la retenir pendant ;au
moins cinq minutes.
En effet, M. de Gavardie pose une
question préjudicielle et rappelle que
le Sénat ést saisi de trois projets qui
se lient d'une manière indivisible au
projet actuel. Il établit cette" connexité
en donnant lecture de déclarations
faites devant la commission extra-par
lementaire des associations, nommée
par le ministre de l'intérieur. Evidem
ment, comme le soutient l'honorable
orateur, les syndicats se rattachent
aux projets de lois sur les associa
tions, sur les sociétés en général et
sur les sociétés de secours mutuels.
A propos d'aveux caractéristiques faits
par des révolutionnaires à l'égard des
anciennes corporations, M. de Gavar
die a mis en évidence la sollicitude
de la monarchie pour les intérêts des
travailleurs. Il a rappelé l'organisation
savante et si- salutaire des ouvriers
avant 1790, sous le règne de saint
Louis et même auparavant ; et il a fait
allusion, en termes justement indi
gnés, à la honteuse masearade qui
s'est jouée, ces jours-ci, dans l'hôpital
qui porte le nom du saint roi. Nous
parlons ailleurs de ce scandale. Il, a
conclu en montrant que la loi à venir
sur les sociétés de secours mutuels est
formellement visée dans le projet en
discussion.
M. Testelin, de la gauche, a dû
confesser que la majorité avait eu tort
de voter la discussion immédiate à la
veille de l'examen du budget extraor
dinaire. En revanche, il a demandé
que le Sénat votât l'urgence, afin de
supprimer la seconde délibération. Le
ministre du commerce est venu à la
rescousse et s'est hérissé pour faire
triompher la demande d'urgence. M.
Marcel Barthe a répliqué, en mon
trant les inconvénients d'une délibé
ration précipitée, surtout sur des ma
tières d'une telle importance. L'ur
gence a été repoussée.
Que faire alors? S'en aller, n'est-ce
pas ? après avoir fixé à la hâte un or
dre du jour quelconque. A vendredi la
discussion du budget extraordinaire.
A demain la suite (la prétendue suite)
de la discussion sur les syndicats pro
fessionnels, qui devra être encore une
fois interrompue. Commencer, par es
prit d'opposition, un débat impossible,
puis l'abandonner, puis choisir le jour
où l'on pourra le recommencer, puis
passer le temps en scrutins pour ré
gler les questions les plus insignifian
tes; laisser la besogne importante s'a
masser jusqu'au moment où l'on sera
contraint de la balayer d'un coup,
c'est ce que les parlementaires appel
lent veiller au salut du pays.
E ugène T avernier.
Orgies funèbres
Parmi les observations que M. de
Gavardie présentait hier au Sénat pour
l 1 ajournement d'un certain projet de
loi, nous voulons citer, d'après le
compte rendu in extenso, ce qui suit :
M. de Gavardie. — Votre loi sera une loi
qui nè créera que des difficultés et ne fera
absolument rien en faveur des ouvriers.
Sous le règne de saint Louis... (Exclama
tions à gauche), — vous ne savez pas seu
lement ce que je vais dire, — sous le rè
gne de ce patron des ouvriers dont, pour
le dire en passant, on vient dans celte ca
pitale, que vous prétendez pourtant si fièrç
de sa .civilisation,, d'outrager la mémoire à
l'hôpital qui porte sou nom... (Interrup
tions sur iâs mêmes bancs) par une masca
rade sacrilège contre laquelle s'élèvent mê
me vos journaux...
M. le président. — Monsieur de Gavar- '
die, je crois que vous n'êtes pas tout à fait
dans la question. (Rire général.)
M. de Gavardie. — Dans la question pré
judicielle? je vous demande pardon, je ne
m'en éloigne pas.
Malgré le .« rire général » par le
quel le Journal officiel fait accueillir
les observations de M. de Gavardie,
l'honorable sénateur avait grandement
raison, à propos d'une loi qui inté
resse le sort des ouvriers, de flétrir
l'ignoble parodie qu'on a osé produire
dans l'un dés hôpitaux où les ouvriers
comptent un grand nombre de leurs
frères. Disons deux mots de cette
odieuse tentative. •
Il y a quelque temps, les journaux
du boulevard annonçaient avec une
bienveillance marquée la prochaine
exécution d'une pièce étrange, qui se
rait jouée dans des conditions non
moins étranges, par des acteurs étran
gers à la scène, sur un théâtre fort
inattendu. Qui eût imaginé qu'il s'agis
sait tout simplement d'installer des
tréteaux dans l'un des asiles de la
souffrance, d'y amener les figurantes
de l'Opéra et, sur des planches dont
demain peut-être on fera des cercueils,
d'exécuter à grand orchestre une sorte
de danse macabre, au milieu des gre
lots de la folie agités par des aliénés
d'un nouveau genre.
C'est pourtant d'un pareil divertisse
ment qu'avaient rêvé MM. les inter
nes des hôpitaux laïcisés, et telles
sont les pensées qu'inspire à ces Bi-
chat des temps modernes la considé
ration des souffrances qu'ils ont pour
mission de consoler, et, s'ils le peu
vent, de guérir. Se moquer des saints
et de la religion dans une pièce impie,
battre des entrechats--et faire éclater
les chants grivois à côté des grabats
où, torturés par la douleur, de pau
vres agonisants réclament vainement
peut-être les secours de cette religion
qui leur apportait comme un dernier
sourire : quelle idée de génie pour les
savants modernes, quelle abominable
et démoniaque idée, dirons-nous, aux
yeux de tous ceux qui n'ont pas perdu,
avec tout sens moral, tout respect de
la douleur !
C'est pourtant à cette idée-là que le
philanthrope directeur de l'Assistance
publique a voulu donner son concours
après' en avoir autorisé l'exécution.
Pour le citoyen Quentin , ce divertisse
ment a paru tout naturel, les pauvres
malades devant, par un ingénieux pré
texte des initiateurs de la chose, béné
ficier du produit de la représentation.
C'est avec cette excuse et dans ces con
ditions qu'on a joué dans l'hôpital
Saint-Louis la pièce ayant pour titre :
Louis IX, opéra polymorphe. Ce mot de
polymorphe est là pour un autre, car
on aurait pu dire plus justement :
opéra pornographe. Qu'on en juge par
ce résumé du journal le Temps :
: La bouffonnerie qu'on nous a jouée est
parfois drôle, parfois lugubre, souvent spi
rituelle ; mais elle eût été plus à sa place
dans un cercle et entre hommes que dans
une salle d'hôpital. .
Pour en donner une idée, disons que l'un
des « clous » de la soirée a été une série
de couplets chantés par un garçon d'am
phithéâtre ivre auprès d'une table de dis
section.
Un autre, le trio de la pariotomie, de l'o-
variotomie et d'une autre... tomie encore,
admirablement chanté par MM. Sellier,
Pugère et Belhomme.
Nous passons un couplet sur la ceinture
de chasteté, dont tout l'effort de la censure
— car la censure avait passé par là, ce
dont on ne se fût guère douté — a fait une
ceinture de... sûreté.
La soirée s'est terminée à deux heures et
demie du matin, par la tarentelle de la
Muette de Porlici, dansée par les danseuses
de l'Opéra.
Il faut ajouter que, dans tout le
cours de la pièce, saint Louis, descendu
de son piédestal pour la circonstance,
est censé se promener à travers toutes
les salles de l'hôpital et qu'on l'y fait
assister à des scènes fort malpropres,
que les auteurs ont pris soin ae souli
gner par des mots qui offensent aussi
bien toute croyance que toute pudeur.
« Un petit peu de gaillardise, dit l'O
pinion, journal républicain, a frisé la
pornographie daAs la Ceinture de chas
teté et l'Amour blesse », chansons dé
clamées sur la scène par les artistes du
dehors venues pour aiderUM. les in
ternes dans leurs rôles d'acteurs im
provisés. Est-ce tout? Non, voici ce
qu'ajoute le même journal républicain.
Il cite ce passage du livret :
h'amphithéâtre ou les joyeux macchabées :
Nombreux cadavres étendus dans les cer
cueils en carton, le matériel de l'hôpital ne
pouvant servir pour cette circonstance. Les
« joyeux macchabées » veulent justifier
leur épithète ; ils esquissent un pas des plus
entraînants':
Oa nous a sans doute oubliés,
Nous ne serons pas découpés 1
Et il poursuit ;
Répétons, pour qu'on ne l'oublie pas, que
nous sommes, à Saint-Louis, qu'à Saint-
Louis il y a des chirurgiens et des malades
qu'on opèse.
Nous n'insisterons pas sur les cercueils.
Ils sont en carton, « le matériel de l'hôpital
ne pouvant servir pour cette circonstance».
Mais que pensez-vous de ceg macchabées
chantant ;
On nous a sans doiitè oubliés,
Nons ne serons pas découpés.
Peut-on rire ainsi de la peu? du pauvre,
cette peur qui le fait frissonner à l'idée que
-r- faute de la somme qui achètera ce corps
qui ne lui appartient pas (monstruosité I) —
il sera porté sur les dalles froides de l'am
phithéâtre, où il sera découpé par ceux qui
le raillent aujourd'hui ?
. Ne profanons pas cette pudeur posthume
du pauvre pour son cadavre.
Ainsi l'indignation du journal répu
blicain lui-même se fait jour contre ces
abominables farces. Mais-cequi est peut-
être plus lamentable que ce scandale,
c'est la complaisance avec laquelle en
ont rendu compte certains journaux
du boulevard, que nous devrions peut-
être [nommer, qui donnent pour
conservateurs, et qui n'ont pas honte
d'applaudir à cette indécence, où rien
n'est respecté, ni la religion, ni l'inno
cence, ni la douleur. Croit-on que le
peuple à qui viennent les échos de ces :
infâmes orgies n'a pas sujet d'en
être révolté ? Et faut-il s'étonner quand,
instrument inconscient de la Provi
dence à laquelle on ne veut plus qu'il
croie, il menace, par ses rugissements,
d'accomplir sur la société qui tolère de
pareilles abominations les justices ven
geresses du Ciel ?
A uguste R oussel.
Le Temps publie la dépêche sui
vante :
Berlin, 1S janvier, 9 h., matin.
La Germania annonce que, lors de la ré
ception diplomatique qui a eu lieu, le 29
décembre dernier, au Vatican, le comte
Paar, ambassadeur d'Autriche-Hongrie, a
remis au Saint-Père une lettre de l'empe
reur ; dans cette lettre, le souverain renou
velait l'assurance de 'sa déférence envers le
chef de l'Eglise et affirmait qu'il ne son
geait nullement à rendre au' roi d'Italie la
visite qu'il en avait reçue. D'après la Ger
mania, les déclarations de l'emperéur Fran
çois-Joseph seraient extrêmement catégo
riques; le journal ultramoniain en conclut
que le souverain sait faire la différence en
tre les, devoirs d'un chef d'Etat protestant
et ceux d'un monarque catholique.
D'autre part, le Journal des Débats
publie la dépêche que voici :
Vienne, iS janvier, 7 h. 50, soir.
La nouvelle donnée par le Standard et la
Germania , que l'empereur d'Autriche aurait
adressé une lettre au Pape au sujet de son
voyage éventuel à Rome est fausse. On as
sure au contraire qu'il n'a jamais été ques
tion dans ces derniers temps d'un voyage
de l'empereur en Italie.
Cette dépêche, fabriquée avec un
emprunt fait au Fremdenblatt , n'est
pas un démenti» car elle repose sur une
équivoque. L'empereur d'Autriche a
pu très bien écrire au Pape en des ter
mes généraux qui excluaient toute
idée d'une visite au Quirinal, sans
parler spécialement d'un voyage éven
tuel à Rome. L'affirmation même du
Fremdenblatt répétée par le corres
pondant des Débats, et déclarant qu'il
n'a jamais été question de ce voyage
dans la pensée du souverain autrichien,
est une preuve des dispositions dans
lesquelles on a dit qu'était conçue
la lettre de l'empereur d'Autriche à"
Sa Sainteté.
Les journaux républicains publient
avec un certain empressement la let
tre ci-jointe, adressée au rédacteur en
chef du Nontronnais, journal de la Dor-
dogne :
Paris, le 7 janvier 1884.
•Monsieur,
J'ai été profondément dévoué à la royauté
durant la vie de M. le comte de Cham
bord.-
Après cette mort cruelle et irréparable,
il est du devoir de tous les vrais royalistes
de se rallier à la seule légitimité possible
aujourd'hui : la république.
Je tiens à ce qu'on le sache à Nontron,
c'est ce qui me fait vous écrire.
Veuillez donc compter sur moi à dater de
ce jour pour la défense énergique du gou
vernement actuel.
Agréez, monsieur, etc. ,
" J F erdinand de G eslin.
On nous permettra de douter qu'un
royaliste qui a voulu, du vivant de
Monsieur le Comte de Chambord, tra
vailler à l'exécution du programme
royal, puisse aujourd'hui vouloir tra
vailler à-l'a « defense énergique » du
gouvernement qui, sur tous les points,
poursuit une politique opposée à ce
programme. La lettre dont il s'agit est
donc d'un homme peu sérieux ou c'est
une mystification. • -
Dans l'un et l'autre cas, elle nous
fournit l'occasion de répéter ce que
nous avons dit souvent, à savoir que
le devoir des catholiques royalistes n'a
pas. changé par la mort de ..Monsieur
le Comte de Chambord, car ils ont là
même obligation de redoubler d'eft
forts pour travailler à l'application de
son programme, en dehors duquel on
chercherait vainement le salut de la
France chrétienne.
Le Times , jugeant la situation du
marquis Tseng fort embarrassée et un
peu ridicule pour le moment, vient au
secours de ce grand homme. Non-seu^
lement il consacre un nouvel article
aux affaires du Tonkin pour prouver
que la France s'est jetée maladroite
ment et injustement dans une aven
ture pleine de périls; mais encore il
emploie deux où trois immenses co
lonnes à'cbahter la gloire, les mérites
et la brillante carrière du marquis
Tseng.
L|ous apprenons que le diplomate
chinois est le plus grajid honame de
son pays, — ce qui est médiocrement
flatteur- pour les habitants dé'.l'em
pire du Milieu—et qu'il a joué un rôle
très brillant contre les hommes d'Etat
français. On comprend que t le Times
soit pressé de célébrer le malencon
treux ambassadeur dont les manœu
vres bizarres ont amené une crise dont
la solution ne peut plus être agréable
à son gouvernement. Mais nous pen
sons qu'à Pékin on pourra être d'iin
autre avis : on y aura forcément peu
de reconnaissance pour le diplomate
du Times,
Du reste, ceci est l'affaire du gouver
nement chinois. Qu'il se loue ou non
du mandarin dont les indiscrétions
et les fanfaronnades ont provoqué ei}
France contre la Chine l'irritation des
moins belliqueux, ce n'est pas notre
affaire. Ce ne devrait pas non plus être
celle du Times , qui fera mieux de nous
tenir au courant des triomphes de la
politique anglaise en Egypte, et de
nous raconter la gloire du mahdi.
ORAISON FUNÈBRE
t • . de
MONSEIGNEUR COLET
archevêque de tours
prononcée
le 15 janvier 1884, dans l'église métropolitaine
de tours
par
Mgr FREPPEL, évêque d'Angers
Ideo habentes administra'
Honcm juxta quod misericor-
diarn conseculi sumus, non
deficimus.
C'est pourquoi ayant l'ad
ministration des choses sain-
- tes selon la miséricorde que
nous avons obtenue, nous
ne savons pas ce que c'est
que la défaillance.
(II® aux Cor., IV, 1.)
Mes Frères,
Il y a neuf ans, du haut de cette chaire,
je payais le tribut de ma vénération et de
mes regrets à l'avant-dernier devos arche
vêques. Je ne croyais pas être appelé si
tôt à rendre le même devoir au successeur
de Mgr Fruchaud. Cette pensée de tris
tesse, j'aimais à l'écarter, parce que, dans
la situation où se trouve notre pays, la
mort d'un évêque n'est pas seulement un
sujet de deuil dans le présent, mais encore
un motif d'inquiétude pour l'avenir. J'ai
mais à l'écarter devant un épiscopat qui
semblait vous promettre une plus longue
durée. Sans doute l'éminent prélat dont
nous pleurons la perte était arrivé au mi
lieu de vous laissant déjà derrière lui près
d'un demi-siècle de ministère sacerdotal;
mais, à le voir encore si plein de vigueur
jusque dans un âge avancé, on se rappe
lait cette parole de. la Sainte Ecriture :
Usque in senectutem permansit illi virtus (1).
Un coup inattendu allait tromper nos espé
rances, en frappant le Pontife dans l'exer
cice de ses fonctions saintes, comme le
soldat qui tombe sur le champ de bataille.
Il avait plu à Dieu d'avancer pour son
fidèle serviteur le jour de l'éternelle récom
pense.
Grande page, Mes Frères, dans l'histoire
d'une province que cette succession d'évê-
ques se passant de main en main la hou
lette pastorale 1 C'est par elle surtout que
se manifestent l'unité et la perpétuité de la
vie sociale à travers toutes les vicissitudes
des événements. Depuis l'époque lointain»
où votre ville était devenue le chef-lieu de la
troisième Lyonnaise jusqu'au milieu du dix-
neuvième siècle, que de changements dans
votre état politique et civil! Cette contrée que
I la Providence s'est plu à combler de ses dons,
je la vois passer successivement sous vingt
régimes divers, des Visigoths aux Francs,
de l'Austrasie à - la Neustrie et à l'Aquitai
ne, des comtes de Tours aux ducs d'Anjou,
de l'Angleterre à la France, avant d'unir
ses destinées pour toujours à celles de' la
patrie commune. Souveraineté territoriale,
administration, fortune militaire, tout a va
rié d'âge en âge sur ces rives de la Loire
témoins de tant et de si grandes choses.
Il n'y a qu'une institution qui ait traversé
votre histoire, toujours la même et n'ayant
rien perdu de sa vigueur dans son immor-
tellé jeunesse. Seule, la dynastie épiscopale
y est restée debout comme à son originé et
sans aucune interruption, reliant la chaîne
des temps par-dessus les hommes et leurs
œuvres. Elle est l'arbre généalogique au
troûc duquel se rattache depuis- dix-huit
siècles tout ce qu'il v-a* eu parmi Vous de
puissance et de grandéur morales.
Aussi bien aucune gloire n'aura-t-elle
manqué à cette ligné'e sacerdotale dans le
cours de sa longue histoire ; ni les mérites
de la sainteté, avec les Gatien, les Lidoire >
les Martin, les Perpétue; ni les lumières de
la science et de l'érudition, avec les Gré
goire, les Hildebert, les Boisgelin; ni l'éclat
du rang et des services, avec les Georges
d'Armagnac, les Simon de Maillé," les Ma
thieu d'Hairvault, les Jacques de Rasti-
gnac. Faut-il s'étonner que, dans le monde
chrétien, le nom de la Touràine soit devenu
inséparable du nom et de-la dignité de ses
archevêques ? Faut-il s'étonner que vos tris
tesses prennent le caractère d'un deuil pu
blic, chaque fois que la mort vient récou
vrir d'un voile funèbre la chaire métropoli
taine? Ces sentiments qui honorent une
grande cité, vous les avez manifestés de
nouveau il y a quelques semaines, et j'en ai
encore le cœur tout ému. De ces funérailles
qui ressemblaient à un triomphe, on avait
bien pu écarter, pour la première fois dess
honneurs que la- sagesse politique envisa
geait jusqu'ici comme une démonstration
propre à rehaussor dans l'esprit des peu
ples le principe d'autorité ; mais à défaut
d'un concours dont on pouvait regretter
l'absence, une foule nombreuse témoignait
par son recueillement que, pour la ville de
Tours, il n'est pas de gloire plus haute ni
plus pure que d'avoir été le siège de saint,
Martin et d'être restée celui de ses succès-»
seurs.
Et maintenant, Mes Frères, quelle sera,
parmi les cent vingt-sept successeurs de
saint Martin la place réservée au pontife
' ■' ♦ '
(1J Eccli. XLVij 11,
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