Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1884-01-02
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 janvier 1884 02 janvier 1884
Description : 1884/01/02 (Numéro 5885)-1884/01/03. 1884/01/02 (Numéro 5885)-1884/01/03.
Description : Note : un seul numéro pour mercredi et jeudi. Note : un seul numéro pour mercredi et jeudi.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k704705k
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi-Jeudi $-3 Janvier 1884
N* 5885. — Edition quotidienne!
Mercredi-Jeudi 2-3 Janvier 1884
WR
, PARIS
Un an. •••»'• '■•«••••••*• •
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L'ONlVERS ne répond pas des manuscrits fui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Cl. LÂGRANGE, CERF eVC'% 6,
ROME
Sa Sainteté le Pape Léon XIII, par un
Bref en date du 24 décembre, a exprimé Sa
haute satisfaction pour la piété -vraiment
universelle et extraordinaire, avec laquelle
conformément aux dispositions de l'ency
clique pontificale, le saint Rosaire a été,
durant le mois d'octobre, récité dans tou
tes les villes, non. seulement de l'Italie,
mais de l'Europe et du monde.
Aujourd'hui Sa Sainteté, afin de toujours
mieux invoquer le patronage de la Vierge
Marie dans les présentes difficultés des
temps et les épreuves que subit l'Eglise
catholique, exhorte à réciter publiquement
le saint Rosaire, chaque jour dans l'église
principale de chaque diocèse, et tous les
jours de fête dans chaque église parois
siale.
Enfin, Sa Sainteté dispose que dans les
litanies Laurétanes (litanies de la Sainte
Vierge), après l'invocation Regina sine lobe
originali concepta, on ajoutera la suivante :
Regina Sacratissimi Rosarii, ora pro no-
bis. .
Voici le bref de Sa Sainteté, suivi du
décret conforme de la Sacrée-Congrégation
des Rites :
LEON XIII, PAPE
Ad perpetuam rei memoriam
Bien que ce salutaire esprit de prière,
grâce et gage tout ensemble de la mi
séricorde divine, que Dieu a promis
autrefois de répandre sur « la maison
de David et sur les habitants dé Jéru
salem », ne manque jamais dans l'E
glise catholique, il semble cependant
exciter plus vivement les âmes alors
que les hommes redoutent comme im-
d'inquiétude, la foi et la piété envers
Dieu sont d'ordinaire plus excitées,
parce que moins on voit paraître de
secours humains en vue des événe
ments, plus- on comprend la grande
nécessité du patronage céleste.
C'est ce que Nous avons pu remar
quer récemment lorsque, ému des lon
gues amertumes de l'Eglise et de la
difficulté des temps où nous sommes,
Nous avcms fait appel à la piété des
chrétiens par Notre lettré encyclique,
.où Nous décrétions que la vierge*Marie
devait être vénérée et implorée pen
dant tout le mois d'octobre, par la
sainte dévotion du Rosaire. Nous sa
vons, en effet, qu'on a obéi à Notre
volonté avec un zèle et une ardeur di
gnes de la sainteté du fait et de la
gravité des'motifs. Et ce n'est pas seu
lement en Notre Italie, mais dans toute
la terre, qu'on a prié pour l'Eglise ca
tholique et pour le salut public ; par
tout les évêques avec leur autorite, le
clergé par son exemple et son œuvre,
ont présidé à ces grands honneurs ren
dus à l'envi à la Mère de Dieu.
, Certes, Nous avons reçu une admi
rable joie de ces multiples témoigna
ges d'une piété déclarée les temples
ornés avec plus de magnificence ; les
processions faites en grande solennité;
l'assiduité du peuple aux réunions sa
crées, aux offices, aux prières quoti
diennes du Rosaire. Nous ne voulons
pas omettre ce que Nous avons appris
avec émotion de quelques endroits, où
a sévi plus cruellement la tempête dé
chaînée çar notre siècle, et où s'est
manifestée une telle ferveur de piété,
que des particuliers Ont mieux aimé,
dans les choses où cela leur était per
mis, suppléer par leur propre minis
tère au manque de pasteurs, plutôt que
de ne pas faire entendre dans leurs
temples les prières ordonnées. s
Aussi, tandis que Nous consolons
Notre douleur des maux présents par
l'espoir daHa bonté et de-la miséricor
de divine, Nous comprenons qu'il faut
inculquer dans l'âme dé tous les fidè
les ce que les Lettres sacrées en divers
endroits déclarent spécialement; c'est-
à-dire que dans toute vertu et aussi
dans celle qui consiste à prier Dieu,
ce qui importe lè plus, c'est surtout la
perpétuité et la constance.
C'est en priant qu'on supplie et qu'on
apaise Dieu : et ce pourquoi il se laisse
supplier, il veut que ce soit le fruit
non-seulement de sa bonté, mais aussi
de notre persévérance. Mais cette per
sévérance dans la prière est bien plus
nécessaire en notre temps, alors que
de toutes parts', comme Nous l'avons
souvent répété, nous sommes entourés
par tant et de si grands périls que nous
ne saurions les surmonter sans l'aide
et l'assistance de Dieu. Trop de gens
détestent « tout ce que l'on appelle Dieu
et ce que l'on révère comme tel »; l'E
glise est attaquée non-seulement par des
entreprises particulières, mais souvent
par des institutions et des lois civiles;
les plus étranges nouveautés d'opi-'
nions s'attaquent à la sagesse chré
tienne, de sorte qu'il faut défendre son
Salut et le salut public contre des en
nemis acharnés, conjurés pour tenter
les derniersefforts. Aussi, considérant
en Notre pensée les dangers de cette
grande lutte, Nous croyons qu'il faut
surtout rappeler en notre âme ce que
faisait Notre-Seigneur Jésus-Christ qui,
voulant nous enseigner ce que nous
devions faire à son imitation, pria plus
longtemps quant il fut en agonie.
Or, parmi les diverses formes et les
formules pieuses et salutaires usitées
dans l'Eglisé catholique, celle que l'on
appelle le Rosaire de Marie est recom-
mandable à beaucoup de titres. En ef
fet cette prière, comme Nous l'avons
confirmé en Nos lettres encycliques, a
cela de grand que le Rosaire a été in
stitué pour implorer le patronage de la
Mère de Dieu contre les ennemis du
nom catholique ; et, sous ce rapport,
personne n'ignore qu'elle a souvent et
beaucoup servi à soulager les maux de
l'Eglise. Il importe donc aussi bien a
la piété des fidèles qu'au besoin public
des temps, que cette forme de prière
reprenne l'honneur qu'on lui a fait
longtemps, alors qu'en chaque famille
chrétienne on ne laissait passer aucun
jour sans la récitation du Rosaire.
A ces causes, Nous exhortons et ad-"
jurons tous les fidèles de persévérer
religieusement et fidèlement dans l'ha
bitude quotidienne du Rosaire ; et en
même temps Nous déclarons qu'il est
dans Notre désir que chaque jour, dans
l'église principale de chaque diocèse,
et, dans les, églises paroissiales, les
jours de fête, on le récite. Pour propa
ger et maintenir cet exercice de piété,
les ordres religieux pourront rendre de
grands services, et surtout, par un cer
tain droit spécial, les religieux domi
nicains ; Nous sommes assuré que tous
ne manqueront pas à un devoir si
utile et si noble.
Nous, en l'honneur de la grande
Mère de Dieu, Marie, pour la perpé
tuelle mémoire de l'assistance implo
rée de son cœur immaculé, par toute
la terre, pendant le mois d'octobre; en
témoignage perpétuel du très grand
espoir que Nous plaçons dans cette
Mère très aimante ; pour implorer cha
que jour davantage son aide propice,
Nous voulons et décrétons que dans
les litanies laurétanes, après l'invoca
tion : Regina sine labe originali con
cepta, on- ajoute cette autre invoca
tion : R!kgina sacratissimi Rosarii, ora
pronobis. ■'
Nous voulons que Nos Lettres pré
sentes demeurent dans la postérité
confirmées et ratifiées, comme elles
sont. Nous décrétons vaine et inutile
toute entreprise qui, venant de qui
que ce soit, pourrait s'opposer à l'ef
fet- de- ces Lettres, nonobstant toute
chose contraire.
Donné à Rome, près Saint-Pierre,
sous l'anneau du Pêcheur, le 24 dé
cembre de l'année 1883, sixième an
née de Notre Pontificat.
Th. card. Mertel.
DÉCRET
U.RBIS ET OR BIS
Pour la défense et le soutien de l'E
glise militante, le Dieu de miséricorde
suscita un grand saint, Dominique Gus
man, le fondateur illustre et le père
dé l'ordre des frères prêcheurs, qui,
en engageant le combat pour l'Eglise,
mit principalement sa confiance dans
la prière qu'il institua en l'honneur de
la Vierge Marie, sous le titre de Saint-
Rosaire, et qu'il répandit au loin par
lui-même et par ses disciples. Depuis,
la coutume des catholiques fut tou
jours de faire de cette admirable for
mule de prière coinme le signe de
ralliement de la piété chrétienne. C'est
pourquoi, dès que N. T. S. P. le Pape
Léon XIII, se proposant d'obtenir , dans
les nécessités présentes, le secours de
Jésus-Christ par l'intercession de la
la Vierge Marie sa Mère, eût prescrit,
par des lettres encycliques, de sanc
tifier dans le monde entier le mois
d'octobre de cette année par les priè
res du Rosaire, partout les évêques et
les peuples fidèles, obéissant à la vo
lonté du Pasteur suprême, donnèrent,
par la récitation assidue du Rosaire,
de magnifiques preuves de leur piété
et de leur amour pour la Mère très ai
mante de Dieu, avec l'ardent et sûr
espoir que, peu* l'aide de cette bien
heureuse Vierge, ils obtiendraient plus
efficacement du Père des miséricordes
les secours nécessaires dans les maux
privés et publics qui affligent le monde
chrétien.
Or, N. T. S. P. le Pape, désirant sou
verainement, d'une part, contribuer à
l'accroissement du culte de l'auguste
Mère de Dieu par la pratique surtout
d'une forme de prière si agréable à
cette glorieuse Vierge; d'autre part,
encourager de plus en plus les fidèles
à lui rendre cet hommage, a accueilli
avec bienveillance et joie l'humble
supplique à lui présentée par le très R.
P. Joseph-Marie Laroca, maître général
de l'ordre des frères prêcheurs, dans le
but d'obtenir que l'invocation, depuis
longtemps en usage dans la famille
domicaine, de Marie reine du Rosaire
soit ajoutée aux litanies laurétanes. En
conséquence, Sa Sainteté a voulu et
prescrit que dorénavant, dans l'Eglise
universelle, aux autres invocations de
la bienheureuse Vierge Marie conte
nues dans les litanies laurétanes, l'in
vocation suivante fût ajoutée en der
nier lieu : « Reine du très saint Rosaire,
priez pour nous. »
Sa Sainteté a ordonné en outre d'ex
pédier à ce sujet des lettres en forme de
bref. Nonobstant toutes choses con
traires. Le 10 décembre 1883.
D. card. Bartolini,
Préfet de la S.-CoDgrégation des Rites.
Laurent Salvati , secrétaire.
FRANGE
PARIS, 2 JANVIER 1884
Les réceptions officielles ont eu lieu
suivant le programme arrêté à l'avan
ce; elles n'ont rien offert d'important.
Nous donnons plus loin le récit que
l'officieuse Agence Bavas s communi
qué aux journaux, des réceptions à
l'Elysée.
On annonce un important discours
de M.'Jules Ferry à Nice. Le président
du conseil, on l'a vu en Normandie,
est plus vaillant et plus catégorique
dans ses excursions que devant les.
Chambres, pourtant bien complai
santes. : '
En attendant que M. le président du
conseil parle, on commente fort dans
la presse révisionniste sa déclaration
en faveur de la révision. On affecte de
la prendre au sérieux, et on se deman
de sur quelles bases le ministère en
tend faire sa révision.
On a inauguré un nouveau culte ci
vil, celui de M. Gambetta. Nous nous
bornons ici à mentionner le fait dont
il est question plus loin.
Le conseil général et le conseil mu
nicipal ont terminé leur session. De la
dernière séance du conseil municipal
nous relevons ce point : les conserva
teurs et les autonomistes se sont trou
vés d'accord pour protester contre l'a
journement des élections municipales.
Une protestation analogue a eu lieu à
Lyon dans une réunion radicale.
Le gouvernement serait décidé a ré
tablir d'office au budget de la ville de
Paris les crédits pour la police rejetés
deux fois par le conseil municipal. Il
s'agit .de 734,424 fr.
D'une note du Temps , que nous re
produisons, t il ressort qu'à l'exemple
de l'Angleterre, toutes les puissances
seraient disposées à renoncer aux ca
pitulations à Tunis.
Nous donnons ailleurs, d'après l'A
gence Havas, le récit sommaire de la
réception du corps diplomatique qui
a eu lieu, le jour de l'an, à l'Elysée.
Voici le texte, tel que nous avons pu
le recueillir, des paroles prononcées
en cette circonstance par S. Exc. le
nonce apostolique :
Monsieur le président,
Je suis heureux d'avoir,, pour la seconde
foi3, l'insigne honneur d'être l'interprète
des sentiments du corps diplomatique en
vers votre illustré personne. Vous les con
naissez assez pour que je ne doive énumé-
rer les vœux et les souhaits qu'il est heu
reux dé vous renouveler au commencement
de cette année; ils tendent tous à votre
prospérité et à celle de la grande nation
dont les destinées vous sont confiées.
La divine Providence daignera les exau
cer, j'en suis sûr; et vous, monsieur le
président, vous voudrez en agréer l'expres
sion aussi respectueuse que dévouée.
Bien que nous ayons pour règle de
ne point parler des nominations épi-
scopales avant qu'elles soient pu
bliées, force nous est aujourd'hui de
contrevenir à cette habitude, par suite
des indiscrétions que d'autres jour
naux ont cru pouvoir se permettre à
ce sujet.
C'est principalement la nomination
à l'archevêché de Tours qui a fait l'ob
jet de ces indiscrétions. Le Figaro,
comme toujours, s'en est mêlé avec le
sans-façon, qu'il met à parler des cho
ses qui exigent le plus de réserves, et
c'est Mgr Meignan, évêque d'Arras,
qu'il a cru/pouvoir faire servir de thè
me à ses réflexions.
La seule chose que nous ayons à
dire "là-dessus, c'est que l'archevêché
de Tours a été en effet offert à Mgr
Meignan, qui l'a définitivement refusé.
Dans un journal républicain, ordi
nairement plus sérieux, nous trouvons
un récit amphigourique d'une sorte de
pèlerinage accompli hier par des « pa-
trioteajui. la jnaisoii de campagne de
Ville-d'Avray, où feu Gambetta mourut "
il y a un an. Avec une émotion qu'on
ne lui connaît guère d'habitude, le
Temps s'écrie au début de cette narra
tion :
Il y a un an que l'illustre patriote a rendu
le dernier soupir. Il semblait qu'il vînt de
mourir, tant était vive la douleur. de ceux
qui ont accompli le pieux pèlerinage anni
versaire. Combien d'amitiés connues ou
ignorées par lui ont encore saigné ?
Cette émotion va jusqu'à rendre le
Temps poétique :
Les. Jardies n'ont guère changé. Si elles
s'animent aujourd'hui, hier encore elles
étaient silencieuses et solitaires. Devant la
petite maison inhabitée s'étendait la pelôuse
déserte et jonchée de feuilles mortès ; l'hi
ver, humide et terne, ajoutait encore sa
mélancolie à leur solitude ; personne dans
les sentiers, sous les hauts arbres tendant
leurs branches dénudées au ciel gris ; per
sonne dans la maison. ■
Dans son émotion, le Temps s'élève
au comble du grotesque :
.Partout les fenêtres closes; on sonnait à
la petite porte de la rue du Chemin-Vert,
montant l'avenue Gambetta, sans que per
sonne répondît. .
La garde des Jardies était confiée à la
femme d'un cantonnier de Ville-d'Avray,
demeurant à l'autre extrémité, du côté du
chemin de la Station, en compagnie d'un
terre-neuve et d'un griffon qui aboyaient
aux passants. Pénétrer avec la gardienne
dans l'intérieur de la maison était une .dou
leur de plus pour ceux qui avaient vu Gam
betta sur son lit de mort (1!!!!).
Des préparatifs avaient été faits pour
recevoir la compagnie, et même les
pompiers étaient venus. Voici ce qu'en
dit notre journal :
A l'occasion «je l'anniversaire, le lit, re
couvert d'un crêpe, a été placé dans la
chambre mortuaire avec deux petits meu
bles également recouverts. Un drapeau tri-
colore est jeté sur le lit. De nombreux bou
quets et quelques couronnes, dont une fort
belle, offerts par le groupe de l'Union ré
publicaine, sont posés sur le drapeau.
Les pompiers de Sèvres et de Ville-d'A
vray font le' service d'ordre. Dans la mati
née, les gens des communes environnantes
ont apporté une couronne de lierre si gran
de, qu'il a été impossible de la monter dans
la chambre mortuaire, à cause de l'exi
guïté de l'escalier.
Enfin, l'ancienne domesticité de M.
Gambetta étant arrivée et les esprits
s'étant suffisamment échauffés pour la
circonstance, M. Paul Bert, un des
plus plats laquais du maître, à débité
une allocution sentimentale, dont la
Petite République française publie inté
gralement le texte. D'après le Radical,
cet ancien ministre de l'instruction
publique de M. Gambetta aurait pro
noncé cè mot profond et pathétique :
« C'est étonnant comme ce logis me
semble désert depuis qu'il n'y a plus
personne. » La phrase ne se retrouve
pas tout à fait la même dans le texte
officiel : le prote lui a ôté quelque peu
de sa niaiserie.
Pour honorer la mémoire de son
héros, M. Bert a déclaré que le premier
jour de l'an, jour anniversaire de la
mort de M. Gambetta, était désormais
« un jour empoisonné. »
C'est' le contraire dans le culte ca
tholique. Le jour de la mort d'un saint
est appelé le jour de sa naissance,
natales , jour de joie et d'immorta
lité, c'est le jour de sa fête. La mort,
surtout celle du martyr, est la prise de
possession du ciel, le moment de l'en
trée dans la bienheureuse éternité. Il
y a de quoi réjouir tous les fidèles. M.
Bert, qui ne croit qu'au cadavre, a
raison d'appeler jour empoisonné le
jour de la mort d'une chair humaine,
l'anniversaire de cette décomposition
chimique dont les murs de la maison
de Ville-d'Avray ont gardé de si répu
gnants souvenirs. Dans ce sens-là, la
mort de M» Gambetta a été particulie-
rémeàréïnpbi^jnnéer - 1 ^-"7- • -
Les dévots du pseudo grand homme
se proposent, paraît-il, de renouveler
chaque année leur parodie du culte
catholique.* Ils reviendront ponctuelle
ment à Ville-d'Avray remplir le «pieux
devoir annuel. » M, Bert l a dit. Il
sera bien d'y venir avec les pompiers :
ce sera la meilleure recommandation
pour la Coterie opportuniste. Désor
mais on jugera les fidèles à leur em
pressement à se rendre à cette nou
velle La Mecque.. ; ; '.y.
Le pèlerinage obligatoire et laïque
est fondé.
P. S. — « La garde d'honneur, par
les pompiers de Sèvres et de Ville-
d'Avray, va continuer jusqu'à diman
che prochain. Ce jour-là, une plaque
commémorative, offerte par les élec
teurs de Gambetta dans le XX' arron
dissement, sera inaugurée solennelle
ment. »
Le Temps ajoute :
.Nous sommes heureux d'apprendre que-
la maison des Jardies reprendra bientôt la
physionomie qu'elle avait à la mort Ganibetta. Sa famille a décide d'en faire
don à. ses amis, .avec le mobilier qui s y
trouvait. Ce legs sera reçu, au nom de
tous les amis de Gambetta, par quatre
d'entre eux désignés par la famille. Les
meubles seront replacés dans la position
qu'ils occupaient il y à. un an. Les Jardies,
ainsi rétablies, resteront ouvertes, sous
la surveillance d 'un gardien, à tous les vi
siteurs. , ,
M. Thiers, qui croyait, dans son
ignorance des coutumes catholiques,
que les pèlerinages n'étaient pas en
trés dans nos mœurs, aurait-il jamais
cru que la république en vînt a ce
degré d'imbécillité,, qu'il y aurait un
pèlerinage à Gambetta !
' Nous avons dit que certaine note de
la Défense avait été, à Rome, sévèrement
jugéepar qui de droit comme manquant
tout ensemble de mesure et d ^exacti
tude. Là-dessus la Défense,, qui nous
avait défié de prouver ce que nous lui
avions reproché et qui vraisemblable
ment trouve la preuve peu a son gout,
déclare que c'est là une « invention tout
à fait risible. » ...
11 est possible que cela paraisse risi
ble à la Défense , mais, quelque dépit
qu'elle en doive prendre, nous devons
répéter que nous n'avons parlé qu'à
bon escient.
A. R.
Le. crédit de cinquante millions
POUR LA COLONISATION DE L'ALiSfcBIE ...
(Suite et fin)
« La terre manque aux colons ».
Jamais mensonge plus impudent né
fut répété plus souvent et avec plus
de succès.
Dans son rapport sur la loi du 16
juin 1851, M. Henri Didier, député de
l'Algérie, faisait un exposé de la situa
tion qui, à quelques chiffres près, ne
s'est pas sensiblement modifiée.
Depuis vingt ans, disait-il, que nous pos
sédons l'Algérie, nous y avons dépensé les
millions par centaines ; nous y avons fondé
plusieurs villes et un grand nombre de vil
lages ; nous y avons ouvert des routes qui
relient entre eux les points principaux du
territoire, et, en établissant de distance en
distance des postes militaires chargés de
surveiller et de maintenir dans l'obéissance
les populations indigènes, nous'y avons as-,
suré la plus entière sécurité. Le champ le
plus vaste y a été livré aux espérances ae la
colonisation. Dans le voisinage des villes,
des terrains immenses ont passé directe
ment des mains des indigènes dans celles
des Européens ; d'autres ont été concédés
par l'Etat gratuitement, ou moyennant de
faibles redevances, soit à des capitalistes,
FEUILLETON DE h'UNIVERS
bu 3 janvier 1884
NOTES DE VOYAGE
n «
L'URUGUAY ET LA PLATA
A Monsieur Auguste Roussel
En mer, dans le détroit de Magellan,
26 juillet 1883.
Mon cher ami,
Ma dernière lettre vous parlait du Bré
sil ; je viens aujourd'hui vous parler des
républiques de l'Uruguay et de la Plata. Je
profite pour cela des longues journées de
navigation, car à terre, constamment occu
pé h. interroger et à observer, je n'ai pas
le temps d'écrire.
Cette lettre vous parviendra probable
ment au mois d'août. Nos Parisiens auront
de la peine à croire que, pendant qu'ils se
grillent au soleil d'été, ici nous sommes
entourés de glaces et de neige ; les mon
tagnes de la Patagonie à droite, aussi bien
sont couvertes, et il neige même en ce mo
(1) Voir l 'Univers du 11 août 1883.
ment sur le pont. Mais ce petit désagré
ment passe inaperçu à côté de la scène
grandiose qu'offre la contrée à l'œil étonné
du voyageur. ,
C'est le mardi 3 juillet, que je quittais l'île
de Flore et la quarantaine imposée aux pas
sagers venant du Brésil, et j'abordais à
Montevideo.
C'est Magellan qui, le premier, décou
vrant la Cerro, joli mont-en face de la ville,
exclama : Montem video, et la ville qui a été
élevée ensuite a gardé le nom de Monté-
vidéo. Elle ést bâtie sur un monticule for
mant presqu'île; ses rues sont larges et
bien alignées, ses maisons gracieuses : elle
figurerait bien parmi les plus belles villes
européennes. Elle -compte 110,000 habi
tants et sert de capitale "à la république
orientale de l'Uruguay, Cet Etat, situé en
tre le 30 e et le 35° degré de latitude sud,
s'est séparé de la république Argentine en
1825' à la suite de luttes sanglantes. Il
comprend une surface de 187,000 kilomè
tres carrés (un peu plus du tiers de la
France) divisé en quinze départements,
avec une population de 450,000 habitants,
mélange d'Indiens, d'Espagnols et autres
Européens. La capitale contient le plus
grand nombre d'étrangers, et les Italiens
viennent en première ligne.
Les. principaux produits sont l'agricul
ture et l'élève du bétail. En 1882, l'exporta
tion comprend pour les produits animaux
49,180 balles de laine, 456,100 cuirs salés
de bœufs, 1,289,900 cuirs secs, 1,615 bal
les de cornes, 1,285 balles de soies de
porc, 5,475 pipes de suifs.
Pour les produits agricoles en 1881 on a
exporté entre autres 183,500 sacs farine,
132,000 sacs maïs, 10,000 saSs de pommes de
terre, 19,500 sacs de blé, 9,000 quintaux de
foin, 41,500 sacs d'avoine, 53,664 sacs de
son, 10,660 moutons, 2,800 mules.
L'importation pour 1882 s'est élevée à
8,514,000 piastres fortes (d'environ 5 fr.),
soit 43 millions de francs. Dans cette som
me ïa France figure pour 1,371,130 piastres
fortes, soit environ 7 millions de francs, en
huile, absinthe, sucre, bière, cognac, sar
dines, vermouth et vins.
En 1882, les neuf saladeros de Montevideo
(on apppelle saladeros les usine , où on tue
les animaux puur en saler les chairs et pré
parer les autres produits, peaux, graisses,
cornes, os, etc.) ont tué 217,984 animaux,
qui ont produit 241,660 quintaux de viande,
et les six saladeros situés sur le fleuve
Uruguay ont tué 520,300 animaux, qui ont
produit 452,000 quintaux de viande. Cette
viande, .salée, et séchée au soleil, est ex
pédiée presque pour parties égales au
Brésil et à Cuba pour la nourriture des
esclaves. ,
Parmi les saladeros de l'Uruguay figure
celui de Fray-Bentos, non loin de Pays-
sandu,- dans lequel on prépare l'extrait de
viande Liebig. En 1882, il a tué 170,300.
animaux, qui ont donné à la compagnie un
profit net d'environ 2 millions de francs.
Cet établissement est le plus important
dans son genre ; il possède 76,500 acres de
terre, et en loue 52,000, sur lesquels il
nourrit 41,000 têtes de gros bétail. Il vient
d'acheter un nouveau terrain de 10,000
acres pour environ 3,300,000 fr.
La république de l'Urugay a un prési
dent et dèux Chambres électives. Le pré
sident actuel est Sanctos, porté à cette
haute situation par le parti militaire. Tout
le monde sait dans le pays qu'il y a quinze
ans il était charretier.
On voit souvent, dans l'histoire, des per
sonnes de la plus basse condition élevées
au faîte des honneurs et du pouvoir, et on
leur pardonne l'obscurité de leur origine
si, par une grande droiture, une honnêteté
incontestable et de véritables talents, ils
font le bien du pays.
Or, le peu de confiance que témoignent
les capitaux à l'heure actuelle dans l'Uru
guay fait craindre que l'ère des troubles
ne soit pas encore achevée.
L'armée compte 6 à 7,000 hommes cos
tumés et équipés à la française, mais on
dit qu'un trop grand nombre sont officiers.
Le ministère de l'intérieur est confié au
chef de la maçonnerie, M. Carlo de Cas
tro, qui a fait ses études de droit à l'uni
versité de Gênes, en Italie. Il m'a ac
cueilli avec une courtoisie parfaite, a mis
gratuitemeat le chemin de fer à ma dis
position pour aller visiter les stancias du
pays., C'est le nom qu'on donne ici aux
immenses propriétés sur lesquelles vi
vent des milliers de bœufs, chevaux, mou
tons et autruches. Le 18 juillet, fête natio
nale du pays, il m'a invité à sa table, où
il avait réuni plusieurs amis. Il m'a aussi
fourni une quantité considérable de docu
ments qui me permettront plus tard d'étu-
diçr à fond la situation et les institutions -
dejcette république.
On a introduit ici le mariage civil ; il a
lieu devant le'juge de paix ; toutefois il ne
doit pas nécessairement précéder le maria
ge religieux ; mais l'omission de l'enregis
trement h la justice de paix fait encourir
une amende de 500 piastres (2,500 fr.).
La religion catholique est celle de la
presque totalité des habitants, mais les
autres cultes sbnt tolérés. Les congréga
tions religieuses s'établissent en toute
liberté et s'occupent d'enseignement ou
donnent des soins aux orphelins et aux
malades. La congrégation salésienne de
D. Bosco dirige à Villa-Colon, près Monte
video, le collège le plus important de la
république. J'ai vu dans ce collège un ob
servatoire parfaitement monté; les pères
y recueillent, trois fois par jour, les ob
servations, qui leur permettront bientôt de
pouvoir annoncer l'approche des tempêtes.
On reconnaît ici l'esprit pratique de D. Bos-
co( qui, comme les saints, sait se faire
tout à tous et être de son temps. De nos
jours on se montre si avide des données de
la science : c'est habile d'y faire travailler
les communautés. La congrégation salé- '
sienne a encore dans le pays diverses pa
roisses et écoles ; les sœurs de.,, charité
françaises ont la directien de l'Hospicio
dos Mendicos et tiennent de nombreuses
écoles. Les sœurs du tiers ordre de Saint-
Dominique espagnoles ont aussi des éco
les, ainsi que les sœurs"" visitandines ita
liennes ; mais les plus nombreuses sont les
sœurs de Sainte-Marie dell'Orto, italiennes,
qui dirigent l'Hospicio de los Locos (l'hô
pital des fous), l'hospice des enfants trou
vés, les salles d'asile et un grand -nombre
d'écoles et orphelinats dans tout le pays.
Les jésuites espagnols ont la direction du
grand séminaire ; les capucins italiens in
struisent 200 garçons; les pères mission
naires français de Betharam ont aussi un
collège, et on prépare une église pour les
lazaristes français .et une colonie agricole
qu'on confiera aux cisterciens venus de
France. Ainsi la plupart des ordres reli
gieux que le vent de la persécution enlève '
à l'Europe trouvent ici un vaste champ à
leur activité, et souvent, —ce qui nous
paraît un mal déplorable, — se traduit par
un bien que nous ne voyons pas, mais qui
ne peut échapper à l'œil de la divine Pro
vidence, qui seule voit de haut et d'en
semble.
; La plupart de ces congrégations reli
gieuses ont été introduites ici par les soins
et aux frais de la famille Jackson. M. Jack
son, Anglais et protestant, était venu dans
ce pays comme beaucoup de ses compa
triotes qui ont le monde pour champ de
leur activité, et s'en vont demander la for
tune au coin de terre qui peut mieux la
leur fournir. Il a fait d'excellentes affaires,
et sa famille, convertie actuellement au ca
tholicisme, possède ici 250,000 hectares de
bonne terre sur lesquelles vivent d'innom
brables troupeaux. Elle n'a pas négligé le
^commerce et l'industrie : elle expédie les
peaux et les laines, et le plus important sa-
ladero du Cerro lui appartient ; elle a cons
truit aussi un bassin de radoub pour les
grands navires, un des plus grands tra
vaux enson genre que j'aie jamais vu. Tous
les membres de la famille travaillent et ne
considèrent pas comme un travail suffisant
la simple administration de leurs biens.
Les immenses révenus, déduction faite de
ce qui est nécessaire a un entretien conve
nable, sont employés à construire des éco
les, des églises, des hospices et à foura*
l'entretien au personnel qui s'y dévo ,e -
Aussi Dieu, content de trouver un si ^ on
■ riche, l'enrichit toujours davantage, - L lui»
de son côté, il affirme qu'il n'y a t> as un
meilleur moyen de jouir véritabl< inen t de
ses rentes.
Malgré tant de congrégation*» les cam
pagnes sont encore loin d'avo? le person
nel nécessaire pour les écoles et pour les
sacrements, car le pays étmt vaste et peu
peuplé, il y a des paroisses plus grandes
•que nos diocèses. .
N* 5885. — Edition quotidienne!
Mercredi-Jeudi 2-3 Janvier 1884
WR
, PARIS
Un an. •••»'• '■•«••••••*• •
Six mois* *■•••••«••••»»■•
Troiç mois, #«%•••••»•••••«
55 £r. »
28 50
15 a
Ùn Numéro, à Paris. ..... 15 cent.
— Départements. 20 —
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
On s'abonne» à Rome, place in ttcsù
DÉPARTEMENTS /
Un an
Six mois, i..!**..##*. 0 '*'
Trois mois ^ •
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Édition semi-gTiotidienne
Un an, 30 £r. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'ONlVERS ne répond pas des manuscrits fui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Cl. LÂGRANGE, CERF eVC'% 6,
ROME
Sa Sainteté le Pape Léon XIII, par un
Bref en date du 24 décembre, a exprimé Sa
haute satisfaction pour la piété -vraiment
universelle et extraordinaire, avec laquelle
conformément aux dispositions de l'ency
clique pontificale, le saint Rosaire a été,
durant le mois d'octobre, récité dans tou
tes les villes, non. seulement de l'Italie,
mais de l'Europe et du monde.
Aujourd'hui Sa Sainteté, afin de toujours
mieux invoquer le patronage de la Vierge
Marie dans les présentes difficultés des
temps et les épreuves que subit l'Eglise
catholique, exhorte à réciter publiquement
le saint Rosaire, chaque jour dans l'église
principale de chaque diocèse, et tous les
jours de fête dans chaque église parois
siale.
Enfin, Sa Sainteté dispose que dans les
litanies Laurétanes (litanies de la Sainte
Vierge), après l'invocation Regina sine lobe
originali concepta, on ajoutera la suivante :
Regina Sacratissimi Rosarii, ora pro no-
bis. .
Voici le bref de Sa Sainteté, suivi du
décret conforme de la Sacrée-Congrégation
des Rites :
LEON XIII, PAPE
Ad perpetuam rei memoriam
Bien que ce salutaire esprit de prière,
grâce et gage tout ensemble de la mi
séricorde divine, que Dieu a promis
autrefois de répandre sur « la maison
de David et sur les habitants dé Jéru
salem », ne manque jamais dans l'E
glise catholique, il semble cependant
exciter plus vivement les âmes alors
que les hommes redoutent comme im-
d'inquiétude, la foi et la piété envers
Dieu sont d'ordinaire plus excitées,
parce que moins on voit paraître de
secours humains en vue des événe
ments, plus- on comprend la grande
nécessité du patronage céleste.
C'est ce que Nous avons pu remar
quer récemment lorsque, ému des lon
gues amertumes de l'Eglise et de la
difficulté des temps où nous sommes,
Nous avcms fait appel à la piété des
chrétiens par Notre lettré encyclique,
.où Nous décrétions que la vierge*Marie
devait être vénérée et implorée pen
dant tout le mois d'octobre, par la
sainte dévotion du Rosaire. Nous sa
vons, en effet, qu'on a obéi à Notre
volonté avec un zèle et une ardeur di
gnes de la sainteté du fait et de la
gravité des'motifs. Et ce n'est pas seu
lement en Notre Italie, mais dans toute
la terre, qu'on a prié pour l'Eglise ca
tholique et pour le salut public ; par
tout les évêques avec leur autorite, le
clergé par son exemple et son œuvre,
ont présidé à ces grands honneurs ren
dus à l'envi à la Mère de Dieu.
, Certes, Nous avons reçu une admi
rable joie de ces multiples témoigna
ges d'une piété déclarée les temples
ornés avec plus de magnificence ; les
processions faites en grande solennité;
l'assiduité du peuple aux réunions sa
crées, aux offices, aux prières quoti
diennes du Rosaire. Nous ne voulons
pas omettre ce que Nous avons appris
avec émotion de quelques endroits, où
a sévi plus cruellement la tempête dé
chaînée çar notre siècle, et où s'est
manifestée une telle ferveur de piété,
que des particuliers Ont mieux aimé,
dans les choses où cela leur était per
mis, suppléer par leur propre minis
tère au manque de pasteurs, plutôt que
de ne pas faire entendre dans leurs
temples les prières ordonnées. s
Aussi, tandis que Nous consolons
Notre douleur des maux présents par
l'espoir daHa bonté et de-la miséricor
de divine, Nous comprenons qu'il faut
inculquer dans l'âme dé tous les fidè
les ce que les Lettres sacrées en divers
endroits déclarent spécialement; c'est-
à-dire que dans toute vertu et aussi
dans celle qui consiste à prier Dieu,
ce qui importe lè plus, c'est surtout la
perpétuité et la constance.
C'est en priant qu'on supplie et qu'on
apaise Dieu : et ce pourquoi il se laisse
supplier, il veut que ce soit le fruit
non-seulement de sa bonté, mais aussi
de notre persévérance. Mais cette per
sévérance dans la prière est bien plus
nécessaire en notre temps, alors que
de toutes parts', comme Nous l'avons
souvent répété, nous sommes entourés
par tant et de si grands périls que nous
ne saurions les surmonter sans l'aide
et l'assistance de Dieu. Trop de gens
détestent « tout ce que l'on appelle Dieu
et ce que l'on révère comme tel »; l'E
glise est attaquée non-seulement par des
entreprises particulières, mais souvent
par des institutions et des lois civiles;
les plus étranges nouveautés d'opi-'
nions s'attaquent à la sagesse chré
tienne, de sorte qu'il faut défendre son
Salut et le salut public contre des en
nemis acharnés, conjurés pour tenter
les derniersefforts. Aussi, considérant
en Notre pensée les dangers de cette
grande lutte, Nous croyons qu'il faut
surtout rappeler en notre âme ce que
faisait Notre-Seigneur Jésus-Christ qui,
voulant nous enseigner ce que nous
devions faire à son imitation, pria plus
longtemps quant il fut en agonie.
Or, parmi les diverses formes et les
formules pieuses et salutaires usitées
dans l'Eglisé catholique, celle que l'on
appelle le Rosaire de Marie est recom-
mandable à beaucoup de titres. En ef
fet cette prière, comme Nous l'avons
confirmé en Nos lettres encycliques, a
cela de grand que le Rosaire a été in
stitué pour implorer le patronage de la
Mère de Dieu contre les ennemis du
nom catholique ; et, sous ce rapport,
personne n'ignore qu'elle a souvent et
beaucoup servi à soulager les maux de
l'Eglise. Il importe donc aussi bien a
la piété des fidèles qu'au besoin public
des temps, que cette forme de prière
reprenne l'honneur qu'on lui a fait
longtemps, alors qu'en chaque famille
chrétienne on ne laissait passer aucun
jour sans la récitation du Rosaire.
A ces causes, Nous exhortons et ad-"
jurons tous les fidèles de persévérer
religieusement et fidèlement dans l'ha
bitude quotidienne du Rosaire ; et en
même temps Nous déclarons qu'il est
dans Notre désir que chaque jour, dans
l'église principale de chaque diocèse,
et, dans les, églises paroissiales, les
jours de fête, on le récite. Pour propa
ger et maintenir cet exercice de piété,
les ordres religieux pourront rendre de
grands services, et surtout, par un cer
tain droit spécial, les religieux domi
nicains ; Nous sommes assuré que tous
ne manqueront pas à un devoir si
utile et si noble.
Nous, en l'honneur de la grande
Mère de Dieu, Marie, pour la perpé
tuelle mémoire de l'assistance implo
rée de son cœur immaculé, par toute
la terre, pendant le mois d'octobre; en
témoignage perpétuel du très grand
espoir que Nous plaçons dans cette
Mère très aimante ; pour implorer cha
que jour davantage son aide propice,
Nous voulons et décrétons que dans
les litanies laurétanes, après l'invoca
tion : Regina sine labe originali con
cepta, on- ajoute cette autre invoca
tion : R!kgina sacratissimi Rosarii, ora
pronobis. ■'
Nous voulons que Nos Lettres pré
sentes demeurent dans la postérité
confirmées et ratifiées, comme elles
sont. Nous décrétons vaine et inutile
toute entreprise qui, venant de qui
que ce soit, pourrait s'opposer à l'ef
fet- de- ces Lettres, nonobstant toute
chose contraire.
Donné à Rome, près Saint-Pierre,
sous l'anneau du Pêcheur, le 24 dé
cembre de l'année 1883, sixième an
née de Notre Pontificat.
Th. card. Mertel.
DÉCRET
U.RBIS ET OR BIS
Pour la défense et le soutien de l'E
glise militante, le Dieu de miséricorde
suscita un grand saint, Dominique Gus
man, le fondateur illustre et le père
dé l'ordre des frères prêcheurs, qui,
en engageant le combat pour l'Eglise,
mit principalement sa confiance dans
la prière qu'il institua en l'honneur de
la Vierge Marie, sous le titre de Saint-
Rosaire, et qu'il répandit au loin par
lui-même et par ses disciples. Depuis,
la coutume des catholiques fut tou
jours de faire de cette admirable for
mule de prière coinme le signe de
ralliement de la piété chrétienne. C'est
pourquoi, dès que N. T. S. P. le Pape
Léon XIII, se proposant d'obtenir , dans
les nécessités présentes, le secours de
Jésus-Christ par l'intercession de la
la Vierge Marie sa Mère, eût prescrit,
par des lettres encycliques, de sanc
tifier dans le monde entier le mois
d'octobre de cette année par les priè
res du Rosaire, partout les évêques et
les peuples fidèles, obéissant à la vo
lonté du Pasteur suprême, donnèrent,
par la récitation assidue du Rosaire,
de magnifiques preuves de leur piété
et de leur amour pour la Mère très ai
mante de Dieu, avec l'ardent et sûr
espoir que, peu* l'aide de cette bien
heureuse Vierge, ils obtiendraient plus
efficacement du Père des miséricordes
les secours nécessaires dans les maux
privés et publics qui affligent le monde
chrétien.
Or, N. T. S. P. le Pape, désirant sou
verainement, d'une part, contribuer à
l'accroissement du culte de l'auguste
Mère de Dieu par la pratique surtout
d'une forme de prière si agréable à
cette glorieuse Vierge; d'autre part,
encourager de plus en plus les fidèles
à lui rendre cet hommage, a accueilli
avec bienveillance et joie l'humble
supplique à lui présentée par le très R.
P. Joseph-Marie Laroca, maître général
de l'ordre des frères prêcheurs, dans le
but d'obtenir que l'invocation, depuis
longtemps en usage dans la famille
domicaine, de Marie reine du Rosaire
soit ajoutée aux litanies laurétanes. En
conséquence, Sa Sainteté a voulu et
prescrit que dorénavant, dans l'Eglise
universelle, aux autres invocations de
la bienheureuse Vierge Marie conte
nues dans les litanies laurétanes, l'in
vocation suivante fût ajoutée en der
nier lieu : « Reine du très saint Rosaire,
priez pour nous. »
Sa Sainteté a ordonné en outre d'ex
pédier à ce sujet des lettres en forme de
bref. Nonobstant toutes choses con
traires. Le 10 décembre 1883.
D. card. Bartolini,
Préfet de la S.-CoDgrégation des Rites.
Laurent Salvati , secrétaire.
FRANGE
PARIS, 2 JANVIER 1884
Les réceptions officielles ont eu lieu
suivant le programme arrêté à l'avan
ce; elles n'ont rien offert d'important.
Nous donnons plus loin le récit que
l'officieuse Agence Bavas s communi
qué aux journaux, des réceptions à
l'Elysée.
On annonce un important discours
de M.'Jules Ferry à Nice. Le président
du conseil, on l'a vu en Normandie,
est plus vaillant et plus catégorique
dans ses excursions que devant les.
Chambres, pourtant bien complai
santes. : '
En attendant que M. le président du
conseil parle, on commente fort dans
la presse révisionniste sa déclaration
en faveur de la révision. On affecte de
la prendre au sérieux, et on se deman
de sur quelles bases le ministère en
tend faire sa révision.
On a inauguré un nouveau culte ci
vil, celui de M. Gambetta. Nous nous
bornons ici à mentionner le fait dont
il est question plus loin.
Le conseil général et le conseil mu
nicipal ont terminé leur session. De la
dernière séance du conseil municipal
nous relevons ce point : les conserva
teurs et les autonomistes se sont trou
vés d'accord pour protester contre l'a
journement des élections municipales.
Une protestation analogue a eu lieu à
Lyon dans une réunion radicale.
Le gouvernement serait décidé a ré
tablir d'office au budget de la ville de
Paris les crédits pour la police rejetés
deux fois par le conseil municipal. Il
s'agit .de 734,424 fr.
D'une note du Temps , que nous re
produisons, t il ressort qu'à l'exemple
de l'Angleterre, toutes les puissances
seraient disposées à renoncer aux ca
pitulations à Tunis.
Nous donnons ailleurs, d'après l'A
gence Havas, le récit sommaire de la
réception du corps diplomatique qui
a eu lieu, le jour de l'an, à l'Elysée.
Voici le texte, tel que nous avons pu
le recueillir, des paroles prononcées
en cette circonstance par S. Exc. le
nonce apostolique :
Monsieur le président,
Je suis heureux d'avoir,, pour la seconde
foi3, l'insigne honneur d'être l'interprète
des sentiments du corps diplomatique en
vers votre illustré personne. Vous les con
naissez assez pour que je ne doive énumé-
rer les vœux et les souhaits qu'il est heu
reux dé vous renouveler au commencement
de cette année; ils tendent tous à votre
prospérité et à celle de la grande nation
dont les destinées vous sont confiées.
La divine Providence daignera les exau
cer, j'en suis sûr; et vous, monsieur le
président, vous voudrez en agréer l'expres
sion aussi respectueuse que dévouée.
Bien que nous ayons pour règle de
ne point parler des nominations épi-
scopales avant qu'elles soient pu
bliées, force nous est aujourd'hui de
contrevenir à cette habitude, par suite
des indiscrétions que d'autres jour
naux ont cru pouvoir se permettre à
ce sujet.
C'est principalement la nomination
à l'archevêché de Tours qui a fait l'ob
jet de ces indiscrétions. Le Figaro,
comme toujours, s'en est mêlé avec le
sans-façon, qu'il met à parler des cho
ses qui exigent le plus de réserves, et
c'est Mgr Meignan, évêque d'Arras,
qu'il a cru/pouvoir faire servir de thè
me à ses réflexions.
La seule chose que nous ayons à
dire "là-dessus, c'est que l'archevêché
de Tours a été en effet offert à Mgr
Meignan, qui l'a définitivement refusé.
Dans un journal républicain, ordi
nairement plus sérieux, nous trouvons
un récit amphigourique d'une sorte de
pèlerinage accompli hier par des « pa-
trioteajui. la jnaisoii de campagne de
Ville-d'Avray, où feu Gambetta mourut "
il y a un an. Avec une émotion qu'on
ne lui connaît guère d'habitude, le
Temps s'écrie au début de cette narra
tion :
Il y a un an que l'illustre patriote a rendu
le dernier soupir. Il semblait qu'il vînt de
mourir, tant était vive la douleur. de ceux
qui ont accompli le pieux pèlerinage anni
versaire. Combien d'amitiés connues ou
ignorées par lui ont encore saigné ?
Cette émotion va jusqu'à rendre le
Temps poétique :
Les. Jardies n'ont guère changé. Si elles
s'animent aujourd'hui, hier encore elles
étaient silencieuses et solitaires. Devant la
petite maison inhabitée s'étendait la pelôuse
déserte et jonchée de feuilles mortès ; l'hi
ver, humide et terne, ajoutait encore sa
mélancolie à leur solitude ; personne dans
les sentiers, sous les hauts arbres tendant
leurs branches dénudées au ciel gris ; per
sonne dans la maison. ■
Dans son émotion, le Temps s'élève
au comble du grotesque :
.Partout les fenêtres closes; on sonnait à
la petite porte de la rue du Chemin-Vert,
montant l'avenue Gambetta, sans que per
sonne répondît. .
La garde des Jardies était confiée à la
femme d'un cantonnier de Ville-d'Avray,
demeurant à l'autre extrémité, du côté du
chemin de la Station, en compagnie d'un
terre-neuve et d'un griffon qui aboyaient
aux passants. Pénétrer avec la gardienne
dans l'intérieur de la maison était une .dou
leur de plus pour ceux qui avaient vu Gam
betta sur son lit de mort (1!!!!).
Des préparatifs avaient été faits pour
recevoir la compagnie, et même les
pompiers étaient venus. Voici ce qu'en
dit notre journal :
A l'occasion «je l'anniversaire, le lit, re
couvert d'un crêpe, a été placé dans la
chambre mortuaire avec deux petits meu
bles également recouverts. Un drapeau tri-
colore est jeté sur le lit. De nombreux bou
quets et quelques couronnes, dont une fort
belle, offerts par le groupe de l'Union ré
publicaine, sont posés sur le drapeau.
Les pompiers de Sèvres et de Ville-d'A
vray font le' service d'ordre. Dans la mati
née, les gens des communes environnantes
ont apporté une couronne de lierre si gran
de, qu'il a été impossible de la monter dans
la chambre mortuaire, à cause de l'exi
guïté de l'escalier.
Enfin, l'ancienne domesticité de M.
Gambetta étant arrivée et les esprits
s'étant suffisamment échauffés pour la
circonstance, M. Paul Bert, un des
plus plats laquais du maître, à débité
une allocution sentimentale, dont la
Petite République française publie inté
gralement le texte. D'après le Radical,
cet ancien ministre de l'instruction
publique de M. Gambetta aurait pro
noncé cè mot profond et pathétique :
« C'est étonnant comme ce logis me
semble désert depuis qu'il n'y a plus
personne. » La phrase ne se retrouve
pas tout à fait la même dans le texte
officiel : le prote lui a ôté quelque peu
de sa niaiserie.
Pour honorer la mémoire de son
héros, M. Bert a déclaré que le premier
jour de l'an, jour anniversaire de la
mort de M. Gambetta, était désormais
« un jour empoisonné. »
C'est' le contraire dans le culte ca
tholique. Le jour de la mort d'un saint
est appelé le jour de sa naissance,
natales , jour de joie et d'immorta
lité, c'est le jour de sa fête. La mort,
surtout celle du martyr, est la prise de
possession du ciel, le moment de l'en
trée dans la bienheureuse éternité. Il
y a de quoi réjouir tous les fidèles. M.
Bert, qui ne croit qu'au cadavre, a
raison d'appeler jour empoisonné le
jour de la mort d'une chair humaine,
l'anniversaire de cette décomposition
chimique dont les murs de la maison
de Ville-d'Avray ont gardé de si répu
gnants souvenirs. Dans ce sens-là, la
mort de M» Gambetta a été particulie-
rémeàréïnpbi^jnnéer - 1 ^-"7- • -
Les dévots du pseudo grand homme
se proposent, paraît-il, de renouveler
chaque année leur parodie du culte
catholique.* Ils reviendront ponctuelle
ment à Ville-d'Avray remplir le «pieux
devoir annuel. » M, Bert l a dit. Il
sera bien d'y venir avec les pompiers :
ce sera la meilleure recommandation
pour la Coterie opportuniste. Désor
mais on jugera les fidèles à leur em
pressement à se rendre à cette nou
velle La Mecque.. ; ; '.y.
Le pèlerinage obligatoire et laïque
est fondé.
P. S. — « La garde d'honneur, par
les pompiers de Sèvres et de Ville-
d'Avray, va continuer jusqu'à diman
che prochain. Ce jour-là, une plaque
commémorative, offerte par les élec
teurs de Gambetta dans le XX' arron
dissement, sera inaugurée solennelle
ment. »
Le Temps ajoute :
.Nous sommes heureux d'apprendre que-
la maison des Jardies reprendra bientôt la
physionomie qu'elle avait à la mort
don à. ses amis, .avec le mobilier qui s y
trouvait. Ce legs sera reçu, au nom de
tous les amis de Gambetta, par quatre
d'entre eux désignés par la famille. Les
meubles seront replacés dans la position
qu'ils occupaient il y à. un an. Les Jardies,
ainsi rétablies, resteront ouvertes, sous
la surveillance d 'un gardien, à tous les vi
siteurs. , ,
M. Thiers, qui croyait, dans son
ignorance des coutumes catholiques,
que les pèlerinages n'étaient pas en
trés dans nos mœurs, aurait-il jamais
cru que la république en vînt a ce
degré d'imbécillité,, qu'il y aurait un
pèlerinage à Gambetta !
' Nous avons dit que certaine note de
la Défense avait été, à Rome, sévèrement
jugéepar qui de droit comme manquant
tout ensemble de mesure et d ^exacti
tude. Là-dessus la Défense,, qui nous
avait défié de prouver ce que nous lui
avions reproché et qui vraisemblable
ment trouve la preuve peu a son gout,
déclare que c'est là une « invention tout
à fait risible. » ...
11 est possible que cela paraisse risi
ble à la Défense , mais, quelque dépit
qu'elle en doive prendre, nous devons
répéter que nous n'avons parlé qu'à
bon escient.
A. R.
Le. crédit de cinquante millions
POUR LA COLONISATION DE L'ALiSfcBIE ...
(Suite et fin)
« La terre manque aux colons ».
Jamais mensonge plus impudent né
fut répété plus souvent et avec plus
de succès.
Dans son rapport sur la loi du 16
juin 1851, M. Henri Didier, député de
l'Algérie, faisait un exposé de la situa
tion qui, à quelques chiffres près, ne
s'est pas sensiblement modifiée.
Depuis vingt ans, disait-il, que nous pos
sédons l'Algérie, nous y avons dépensé les
millions par centaines ; nous y avons fondé
plusieurs villes et un grand nombre de vil
lages ; nous y avons ouvert des routes qui
relient entre eux les points principaux du
territoire, et, en établissant de distance en
distance des postes militaires chargés de
surveiller et de maintenir dans l'obéissance
les populations indigènes, nous'y avons as-,
suré la plus entière sécurité. Le champ le
plus vaste y a été livré aux espérances ae la
colonisation. Dans le voisinage des villes,
des terrains immenses ont passé directe
ment des mains des indigènes dans celles
des Européens ; d'autres ont été concédés
par l'Etat gratuitement, ou moyennant de
faibles redevances, soit à des capitalistes,
FEUILLETON DE h'UNIVERS
bu 3 janvier 1884
NOTES DE VOYAGE
n «
L'URUGUAY ET LA PLATA
A Monsieur Auguste Roussel
En mer, dans le détroit de Magellan,
26 juillet 1883.
Mon cher ami,
Ma dernière lettre vous parlait du Bré
sil ; je viens aujourd'hui vous parler des
républiques de l'Uruguay et de la Plata. Je
profite pour cela des longues journées de
navigation, car à terre, constamment occu
pé h. interroger et à observer, je n'ai pas
le temps d'écrire.
Cette lettre vous parviendra probable
ment au mois d'août. Nos Parisiens auront
de la peine à croire que, pendant qu'ils se
grillent au soleil d'été, ici nous sommes
entourés de glaces et de neige ; les mon
tagnes de la Patagonie à droite, aussi bien
(1) Voir l 'Univers du 11 août 1883.
ment sur le pont. Mais ce petit désagré
ment passe inaperçu à côté de la scène
grandiose qu'offre la contrée à l'œil étonné
du voyageur. ,
C'est le mardi 3 juillet, que je quittais l'île
de Flore et la quarantaine imposée aux pas
sagers venant du Brésil, et j'abordais à
Montevideo.
C'est Magellan qui, le premier, décou
vrant la Cerro, joli mont-en face de la ville,
exclama : Montem video, et la ville qui a été
élevée ensuite a gardé le nom de Monté-
vidéo. Elle ést bâtie sur un monticule for
mant presqu'île; ses rues sont larges et
bien alignées, ses maisons gracieuses : elle
figurerait bien parmi les plus belles villes
européennes. Elle -compte 110,000 habi
tants et sert de capitale "à la république
orientale de l'Uruguay, Cet Etat, situé en
tre le 30 e et le 35° degré de latitude sud,
s'est séparé de la république Argentine en
1825' à la suite de luttes sanglantes. Il
comprend une surface de 187,000 kilomè
tres carrés (un peu plus du tiers de la
France) divisé en quinze départements,
avec une population de 450,000 habitants,
mélange d'Indiens, d'Espagnols et autres
Européens. La capitale contient le plus
grand nombre d'étrangers, et les Italiens
viennent en première ligne.
Les. principaux produits sont l'agricul
ture et l'élève du bétail. En 1882, l'exporta
tion comprend pour les produits animaux
49,180 balles de laine, 456,100 cuirs salés
de bœufs, 1,289,900 cuirs secs, 1,615 bal
les de cornes, 1,285 balles de soies de
porc, 5,475 pipes de suifs.
Pour les produits agricoles en 1881 on a
exporté entre autres 183,500 sacs farine,
132,000 sacs maïs, 10,000 saSs de pommes de
terre, 19,500 sacs de blé, 9,000 quintaux de
foin, 41,500 sacs d'avoine, 53,664 sacs de
son, 10,660 moutons, 2,800 mules.
L'importation pour 1882 s'est élevée à
8,514,000 piastres fortes (d'environ 5 fr.),
soit 43 millions de francs. Dans cette som
me ïa France figure pour 1,371,130 piastres
fortes, soit environ 7 millions de francs, en
huile, absinthe, sucre, bière, cognac, sar
dines, vermouth et vins.
En 1882, les neuf saladeros de Montevideo
(on apppelle saladeros les usine , où on tue
les animaux puur en saler les chairs et pré
parer les autres produits, peaux, graisses,
cornes, os, etc.) ont tué 217,984 animaux,
qui ont produit 241,660 quintaux de viande,
et les six saladeros situés sur le fleuve
Uruguay ont tué 520,300 animaux, qui ont
produit 452,000 quintaux de viande. Cette
viande, .salée, et séchée au soleil, est ex
pédiée presque pour parties égales au
Brésil et à Cuba pour la nourriture des
esclaves. ,
Parmi les saladeros de l'Uruguay figure
celui de Fray-Bentos, non loin de Pays-
sandu,- dans lequel on prépare l'extrait de
viande Liebig. En 1882, il a tué 170,300.
animaux, qui ont donné à la compagnie un
profit net d'environ 2 millions de francs.
Cet établissement est le plus important
dans son genre ; il possède 76,500 acres de
terre, et en loue 52,000, sur lesquels il
nourrit 41,000 têtes de gros bétail. Il vient
d'acheter un nouveau terrain de 10,000
acres pour environ 3,300,000 fr.
La république de l'Urugay a un prési
dent et dèux Chambres électives. Le pré
sident actuel est Sanctos, porté à cette
haute situation par le parti militaire. Tout
le monde sait dans le pays qu'il y a quinze
ans il était charretier.
On voit souvent, dans l'histoire, des per
sonnes de la plus basse condition élevées
au faîte des honneurs et du pouvoir, et on
leur pardonne l'obscurité de leur origine
si, par une grande droiture, une honnêteté
incontestable et de véritables talents, ils
font le bien du pays.
Or, le peu de confiance que témoignent
les capitaux à l'heure actuelle dans l'Uru
guay fait craindre que l'ère des troubles
ne soit pas encore achevée.
L'armée compte 6 à 7,000 hommes cos
tumés et équipés à la française, mais on
dit qu'un trop grand nombre sont officiers.
Le ministère de l'intérieur est confié au
chef de la maçonnerie, M. Carlo de Cas
tro, qui a fait ses études de droit à l'uni
versité de Gênes, en Italie. Il m'a ac
cueilli avec une courtoisie parfaite, a mis
gratuitemeat le chemin de fer à ma dis
position pour aller visiter les stancias du
pays., C'est le nom qu'on donne ici aux
immenses propriétés sur lesquelles vi
vent des milliers de bœufs, chevaux, mou
tons et autruches. Le 18 juillet, fête natio
nale du pays, il m'a invité à sa table, où
il avait réuni plusieurs amis. Il m'a aussi
fourni une quantité considérable de docu
ments qui me permettront plus tard d'étu-
diçr à fond la situation et les institutions -
dejcette république.
On a introduit ici le mariage civil ; il a
lieu devant le'juge de paix ; toutefois il ne
doit pas nécessairement précéder le maria
ge religieux ; mais l'omission de l'enregis
trement h la justice de paix fait encourir
une amende de 500 piastres (2,500 fr.).
La religion catholique est celle de la
presque totalité des habitants, mais les
autres cultes sbnt tolérés. Les congréga
tions religieuses s'établissent en toute
liberté et s'occupent d'enseignement ou
donnent des soins aux orphelins et aux
malades. La congrégation salésienne de
D. Bosco dirige à Villa-Colon, près Monte
video, le collège le plus important de la
république. J'ai vu dans ce collège un ob
servatoire parfaitement monté; les pères
y recueillent, trois fois par jour, les ob
servations, qui leur permettront bientôt de
pouvoir annoncer l'approche des tempêtes.
On reconnaît ici l'esprit pratique de D. Bos-
co( qui, comme les saints, sait se faire
tout à tous et être de son temps. De nos
jours on se montre si avide des données de
la science : c'est habile d'y faire travailler
les communautés. La congrégation salé- '
sienne a encore dans le pays diverses pa
roisses et écoles ; les sœurs de.,, charité
françaises ont la directien de l'Hospicio
dos Mendicos et tiennent de nombreuses
écoles. Les sœurs du tiers ordre de Saint-
Dominique espagnoles ont aussi des éco
les, ainsi que les sœurs"" visitandines ita
liennes ; mais les plus nombreuses sont les
sœurs de Sainte-Marie dell'Orto, italiennes,
qui dirigent l'Hospicio de los Locos (l'hô
pital des fous), l'hospice des enfants trou
vés, les salles d'asile et un grand -nombre
d'écoles et orphelinats dans tout le pays.
Les jésuites espagnols ont la direction du
grand séminaire ; les capucins italiens in
struisent 200 garçons; les pères mission
naires français de Betharam ont aussi un
collège, et on prépare une église pour les
lazaristes français .et une colonie agricole
qu'on confiera aux cisterciens venus de
France. Ainsi la plupart des ordres reli
gieux que le vent de la persécution enlève '
à l'Europe trouvent ici un vaste champ à
leur activité, et souvent, —ce qui nous
paraît un mal déplorable, — se traduit par
un bien que nous ne voyons pas, mais qui
ne peut échapper à l'œil de la divine Pro
vidence, qui seule voit de haut et d'en
semble.
; La plupart de ces congrégations reli
gieuses ont été introduites ici par les soins
et aux frais de la famille Jackson. M. Jack
son, Anglais et protestant, était venu dans
ce pays comme beaucoup de ses compa
triotes qui ont le monde pour champ de
leur activité, et s'en vont demander la for
tune au coin de terre qui peut mieux la
leur fournir. Il a fait d'excellentes affaires,
et sa famille, convertie actuellement au ca
tholicisme, possède ici 250,000 hectares de
bonne terre sur lesquelles vivent d'innom
brables troupeaux. Elle n'a pas négligé le
^commerce et l'industrie : elle expédie les
peaux et les laines, et le plus important sa-
ladero du Cerro lui appartient ; elle a cons
truit aussi un bassin de radoub pour les
grands navires, un des plus grands tra
vaux enson genre que j'aie jamais vu. Tous
les membres de la famille travaillent et ne
considèrent pas comme un travail suffisant
la simple administration de leurs biens.
Les immenses révenus, déduction faite de
ce qui est nécessaire a un entretien conve
nable, sont employés à construire des éco
les, des églises, des hospices et à foura*
l'entretien au personnel qui s'y dévo ,e -
Aussi Dieu, content de trouver un si ^ on
■ riche, l'enrichit toujours davantage, - L lui»
de son côté, il affirme qu'il n'y a t> as un
meilleur moyen de jouir véritabl< inen t de
ses rentes.
Malgré tant de congrégation*» les cam
pagnes sont encore loin d'avo? le person
nel nécessaire pour les écoles et pour les
sacrements, car le pays étmt vaste et peu
peuplé, il y a des paroisses plus grandes
•que nos diocèses. .
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