Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1882-09-12
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 septembre 1882 12 septembre 1882
Description : 1882/09/12 (Numéro 5417). 1882/09/12 (Numéro 5417).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 12 Septembre 1882
R» 6417. ^ Edition quotidiennèî
fT;
Hardi lâ Septembre 1882
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PARIS
SLIla
f V Six mois.. . ;
Trois moisjj, .
55 fr. »
28 50
15 »
Un Numéro, à Paris
r~ Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
On s'abonne, à Rome, place du Gesù,
DÉPARTEMENTS ;
Un an 55
Six mois. . . . r ... î 28 60
Trois mois ï r
« • I I è I
15
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doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANGE
PARIS, 11 SEPTEMBRE 1882
La circulaire ministérielle que nous
avons publiée hier a déjà produit un
certain effet. Un journal peu suspect,
le Voltaire, déclare qu'elle débarrasse
les familles de vexations inutiles. Un
journal d'une autre couleur, le Fran
çais, se borne à dire que le ministre a
parlé trop tard. Si l'on n'était pas parti
trop tôt en guerre en faveur d'une dé
claration anticipée, que la loi ne com
mandait pas et que les autorités répu
blicaines elles-mêmes ne demandaient
pas, le ministre aurait parlé assez tôt,
puisqu'il reste encore plusieurs jours
pour atteindre la limite fixée du 15
septembre.
M. Duvaux n'a pas publié que la cir
culaire relative aux déclarations, il en
a fait une autre au sujet des réformes
de MM. Ferry et Bert dans l'enseigne
ment secondaire. Le nouveau minis
tre, qui est professeur, ne paraît pas
enthousiasmé des prétendus progrès
accomplis avec tant de fracas par ses
prédécesseurs. Nos lecteurs trouveront
plus loin cette circulaire.
L'enseignement secondaire, du res
te, n'est pas le seul où des ministres
trop zélés aient introduit des pro
grammes dangereux et même impos
sibles. On commence à se plaindre
beaucoup des programmes imposés
aux enfants des écoles primaires et
aux futurs instituteurs, élèves des éco
les normales. Aux uns comme aux au
tres, il est réellement impossible d'ap
prendre tout ce qu'on leur demande,
sans surcharger outre mesure leur
mémoire de connaissances indigestes
dont elle se débarrassera prompte-
ment.
Nous publions le mémoire adressé
par. Mgr Perraud au ministre des cul
tes et d^ l'intérieur, en réponse à la dé
libération du conseil municipal d'Au-
tun et au vœu du conseil général de
Saône-et-Loire contre le petit séminai
re d'Autun. Après avoir lu cette pièce
magistrale, il ne reste aucun doute
sur l'iniquité de la mesure réclamée.
Ce n'est malheureusement pas une
raison suffisante pour que les radicaux
ne triomphent pas.
Nous avons donné hier une curieuse
dépêche relative à une réunion socia
liste de Lyon. Il y a eu du tapage,
mais là n'est pas l'intérêt de la réu
nion, qui, sous ce point, ressemble à
tant d'autres. Il est, dans ce fait con
staté par l'officieuse Agence Bavas,
que les socialistes ont affirmé leur
entente avec les émeutiers de Mont-
ceau-les-Mines et dégagé les catholi
ques de toute responsabilité dans ces
désordres. C'est une réponse con
cluante aux misérables insinuations de
'certaines feuilles officieuses ou oppor
tunistes.
Le combat de Ivassassine paraît avoir
été sérieux. Si les arabistes ont été
repoussés, ils n'ont pas été écrasés. Ce
n'est donc qu'un demi-succès pour les
Anglais, et il leur faudrait mieux.
Une dépêche de l'Union, dont nous
reproduisons un court mais intéres
sant fragment, accuse les Anglais de
ne pas faire de prisonniers et d'agir à
Port-Saïd en maîtres. C'est dans leurs
traditions.
L'affaire de l'Italien Meschino à Tu
nis se complique. Nos reconnaissants
obligés les Italiens se plaignent de ce
qu'on soustrait leur compatriote à son
juge de par les capitulations, le consul,
qui le renverrait indemne. Nous espé
rons que le gouvernement tiendra
ferme.
Lorsqu'au dernier recensement, l'ad
ministration républicaine adressa à
tous les chefs de famille un nouveau
questionnaire, cette prétention parut
intolérable et absurde. Elle était illé
gale, mais elle était surtout perfide.
La loi du 28 mars 1882 n'était pas en
core votée par le Sénat ; cependant on
en connaissait d'avance l'économie.
Les pédagogues en délire qui régen
tent la France préparaient leur tra
vail.
Dès cette époque, des conseils de
résistance furent donnés. Les adver
saires de la loi du 28 mars doivent re
gretter amèrement aujourd'hui de ne
pas les avoir suivis.
"Les rédacteurs de cette loi ont com
mis, en effet, une imprudence qu'il
était facile de faire tourner à leur con-
usion. Ils ont imaginé une successio
{d'obligations plus vexatoires les unes
que les autres, plaçant sous la férule
des inspecteurs, des commissions sco
laires et des instituteurs, les petits gar
çons et les petites filles depuis l'âge de
six ans, et menaçant de leurs admo
nestations pédantes les pères et mères
récalcitrants.
Or, à toute chose il faut un com-
mencexpent. Quand on s'engage dans
ce labyrinthe d'obligations légales, le
premier acte à accomplir n'est pas à
la charge des parents. Il est imposé
aux mairies. De son accomplissement
dépendent toutes les autres prescrip
tions de la loi.
Chaque année, dit l'article 8, le maire
dresse, d'accord avec la commission sco
laire, la liste de tous les enfants âgés de
6 à 13 ans, et avise les personnes qui ont
charge do ces enfants de l'époque de la
rentrée des classes.
La Pairie le faisait remarquer avec
raison :
De ce texte, il résulte il l'évidence que
les personnes qui ont charge d'enfants de
6 à 13 ans doivent avoir été personnelle
ment avisées, par les soins du maire, de
l'époque de la rentrée des classes. C'est à,
la suite de cet avertissement que ces per
sonnes sont tenues de l'aire leur déclara
tion, pas avant. La formalité cîe l'avertisse
ment personnel aux parents doit procéder
la déclaration de ceux-ci. Voilà qui est hors
de discussion.^.
Mais comment dresser les listes?
Les mairies n'avaient à leur disposi
tion que les actes de naissance et le
recensement.
Ressources dangereuses, car, depuis
la date de la naissance des enfants,
beaucoup de décès, de disparitions, de
changements de domicile ont eu lieu,
— et le recensement a recueilli trop
de réponses incomplètes ou dérisoires
pour être la base d'un travail sérieux.
Avec ce double élément de renseigne
ments , les maires risquaient d'adresser
à leurs administrés une foule de com
munications irritantes ou grotesques,
révoltant les plus pacifiques contre
l'exécution maladroite d'une loi si mal
faite. ,Déjà des démarches à do
micile' recevaient le plus mauvais ac
cueil .
L'embarras était grave. Les agents
de la République ont rencontré un
auxiliaire fort imprévu. La Société d'E
ducation et d'Enseignement leur a four
ni la liste qui leur faisait défaut.
On se rappelle en effet que, contre
dite sur un point de doctrine, cette so
ciété a voulu, d'autorité, avoir raison
d'une opinion qui lui déplaisait. Dans
un intérêt de polémique bien plus que
dans l'intérêt de l'enseignement chré
tien, elle a, dès le mois de juin, voulu
précipiter les déclarations. Tous les
moyens d'influence ont été employés :
il a fallu que cet article de la loi fût
exécuté bien avant l'heure.
Les journaux républicains en triom
phent: nous nous en attristons. Rien
n'est plus loin de notre pensée que de
donner à la résistance une direction
exclusive. Nous la voulons sérieuse,
résolue, conforme aux déclarations
faites dans les assemblées législatives.
A tous ceux qui la soutiendront dans
ces conditions notre concours le plus
dévoué est acquis.
L'esprit de coterie l'a emporté. Sans
attendre les avertissements des mai
res, de très nombreuses déclarations
intempestives, prématurées, ont été
faites. La Paix prétend qu'f on y ap
porte même une sorte d'empresse
ment, afin de bien marquer sans doute
qu'on n'a que faire des avis de M.
Veuillot et de ses fougueux collabora
teurs. »
Les adhérents de la Société d'éduca
tion et d'enseignement se sont chargés
de faire eux-mêmes et contre eux le
travail des mairies ! Le relevé des dé
clarations formera la liste dont elles
avaient besoin.
C'est ainsi que les plus généreuses
résolutions dégénèrent. La résistance
promise avec tant d'éclat n'a pas tar
dé à être réduite à une simple surveil
lance. Dans cette question de la dé
claration, ce système de surveillance
illusoire et impuissante en est arrivé
à devenir un concours très utile et
très efficace à l'œuvre de l'exécution
de la loi devant laquelle reculaient les
mairies de la république.
Le Français publie, au sujet delà cir
culaire du ministre de l'instruction
publique, dont nous avons relevé hier
l'importance, la singulière note que
voici :
Nous publions plus loin une circulaire
adressée par le ministre de l'instruction
publique aux préfets. Cette circulaire règle
la conduite que doivent tenir les maires,
présidents des commissions scolaires, dans
l'application de la loi du 28 mars. C'est s'y
prendre un peu tard. Les familles auraient
eu le plus grand intérêt îi être plus tôt in
formées des détails de procédure qu'on
prétend leur imposer. Nous nous abstien
drons aujourd'hui de commenter la circu
laire ministérielle, nous réservant de l'ap
précier avec tous les développements que
pourra exiger l'importance de la question.
Cette manière de bouder un docu
ment ministériel qui apporte une atté
nuation considérable aux prescriptions
de la loi, en ce qui concerne la décla
ration des parents, est vraiment étran
ge. Le Français montre une mauvaise
humeur maladroite ; il a l'air de repro
cher au ministre de l'instruction publi
que d'avoir dérangé tout le plan de
conduite proposé par la Société géné
rale d'Education-, on pourrait croire
qu'il a moins à cœur la cause de la li
berté des pères de famille que le triom
phe des avis de la Société.
« C'est, dit le Français à propos de
la circulaire ministérielle, s'y prendre
un peu tard. » Mais non ; c'est lui et
la Société qui s'y sont pris trop tôt.
Sans les conseils intempestifs de la
Société d'Education, des catholiques
n'auraient pas montré ce fâcheux em
pressement à aller au-devant de la loi
et à faire beaucoup plus que n'exi
geait la loi elle-même et que ne devait
demander d'eux le gouvernement.
Nous concevons la surprise, l'em
barras même du Français devant cette
circulaire ministérielle, qui fait ressor
tir la précipitation et la maladresse des
conseils de la Société d'Education; e lie
montre, en effet, que la règle de conduite
imposée avec un zèle si absorbant par
cette société menait les catholiques à
une soumission beaucoup plus absolue
que le gouvernement lui-même ne
voulait l'exiger d'eux et telle qu'il n'a
pas osé la leur demander. Mais au lieu
de laisser voir un dépit un peu
mesquin contre des instructions mi
nistérielles qui mettront à l'aise beau
coup de familles, le Français n'aurait-il
pas mieux fait de reconnaître franche
ment que les avis donnés par la So
ciété d'Education n'ont plus de raison
d'être, que les maisons religieuses
d'enseignement mises en alarme par
ses appréhensions exagérées et ses con
sultations pusillanimes, peuvent conti
nuer à recevoir chez elles des enfants
de six à treize ans sans obliger les pa
rents à faire une déclaration à laquelle
beaucoup d'entre eux répugnaient?
Loin de faire ressortir, dans l'inté
rêt des familles, les * avantages de la
circulaire en question, le Français-ne
la signale que par la note mécon
tente que nous reproduisons plus
haut. Il donne même à croire
qu'elle est vexatoire pour les familles
qui, dit-il, « auraient eu le plus grand
intérêt à être plus tôt informées des
détails de procédure qu'on prétend
leur imposer. » Ce n'est pas être net.
La circulaire n'impose pas de détails de
procédure, elle exonère simplement un
grand nombre de familles des obliga
tions que la,Société d'Education voulait
leur imposer. Le Français annonce
qu'il se réserve de l'apprécier; nous
espérons qu'il ne prendra pas la dé
fense de la déclaration contre la cir
culaire.
le
Rétablissement de l'esclavage
II
Le premier pas de la République
française vers le rétablissement de
l'esclavage, a été l'abolition du repos
obligatoire du dimanche.
Un gouvernement qui veut rétablir
le travail forcé, doit nécessairement
commencer par abolir le repos forcé.
C'est exactement le contrepied de ce
qu'a fait le christianisme : aussi, le
christianisme, c'est l'ennemi.
Est-ce que j'étonnerais quelques-uns
de mes lecteurs en affirmant que le
premier pas du christianisme vers
l'abolition de l'esclavage a été l'éta
blissement du repos obligatoire du
dimanche? L'ignorancerévolutionaire
qui nous étreint depuis un siècle,
aurait-elle enténébré la France à ce
point qu'une vérité, qui a la clarté du
jour, y fût aujourd'hui voilée?
Un mot alors d'explication.
Au moment où le Messie, venu pour
régénérer le monde, laissait tomber de
ses lèvres ces paroles d'une commisé
ration divine : Misereor super turbam
— j'ai compassion de cette foule —il
y avait une foule en effet, une
immense foule digne de pitié : la foule
des pauvres, et la foule des esclaves,
les derniers des pauvres. Les neuf
dixièmes de l'humanitéétaient esclaves:
à Rome, sur cent mille habitants,
quatre-vingt-dix mille esclaves, 90,000
êtres humains pour qui n'existaient ni
la religion, ni la famille, ni la pro
priété, ces trois conditions indispen
sables de la liberté humaine.
L'esclave n'avait pas de droits reli
gieux. Pour lui, point de fêtes, ni de
jours de repos. Toutes ses heures
appartiennent au maître. Il n'en reste
aucune dont l'esclave puisse disposer
pour son culte, s'il en a un.
L'esclave n'avait point de famille.
Le maître l'accouplait comme il accou
plait ses taureaux et ses béliers. Lors
qu'il jugeait le moment venu de réa
liser un bénéfice sur ce bétail humain,
il le faisait conduire au marché, et
vendait, soit au même acquéreur, soit
à des acquéreurs différents, selon qu'il
y trouvait son compte, le mâle, la
temelle et les petits.
L'esclave n'avait point de propriété.
Il était lui-même la propriété du
maître et tous les produits de son tra
vail, quels qu'ils fussent, appartenaient
au maître. Manœuvre ou professeur
de philosophie, fille de peine ou fille
de joie, sa profession ou son métier
lui étaient imposés, pour le plus grand
profit de qui l'avait acheté ou élevé.
Lorsque, devenant vieux, il devenait
improductif, le maître le pouvait faire
abattre, comme on abat un cheval
hors de service, ou le jeter tout vivant
en pâture aux murènes de ses étangs.
Tel était l'état du monde. D'une
part, le petit nombre des hommes
libres; de l'autre, la multitude des
—a» ——
&
pauvres et îles esclaves. Ce n'était pas
la conscience qui gouvernait le monde,
c'était la force; et les plus grands phi
losophes de l'antiquité, à commencer.
par Aristote, fie concevaient pas que la
société humaine pût être organisée au
trement quàsur-le fondement de les-
clavage.
Elle le fut cependant. Le christia
nisme substitua au règne de la force le
règne de la conscience.
Gomment s'y prit-il?
Comment aborda-t-il cette révolution
sociale, dont l'univers entier avait le
pressentiment, que les juifs attendaient
du Messie promis à leurs pères, que la
Sibylle avait prédit aux Gentils. Ecce
novus rerum... nascitur or do ?
Le Messie lui-même a répondu à cette
question lorsque, interrogé par les
disciples de Jean « s'il est celui qui
doit venir, ou s'il faut en attendre un
autre », il leur dit: « Allez, et dites à
Jean ce que vous avez vu et ce que
vous avez entendu : les boiteux mar
chent, les sourds entendent, les aveu
gles voient, les morts ressuscitent, les
pauvres sont évangélisés. »
Etonnante gradation, et bien faite
pour convaincre le précurseur ! Toutes
ces merveilles de l'ordre physique :
les boiteux qui marchent, les aveu
gles qui voient, les morts qui ressus
citent, ne sont que la préparation à
cette merveille de l'ordre moral, qui
commence la rénovation du monde :
les pauvres sont évangélisés.
L'évangélisation des pauvres! c'est-
à-dire le préliminaire de la résurrec
tion des âmes, ce miracle par excel
lence, car il y faut l'union de deux
volontés : celle de Dieu et celle de
l'homme.
Lorsque Jésus dit à Lazare: Lève-toi,
sors du tombeau! Lazare subît l'auto
rité divine, il obéit passivement. Dieu
n'a pas besoin de son concours pour
ressusciter ce corps inanimé.
Mais quand Dieu dit à la Chanané-
enne : Allez, votre foi vous a sauvée,
il enseigne bien nettement que, tout
Dieu qu'il est, il ne sauve pas l'âme
sans elle.
Qui n'a été douloureusement ému
par ces paroles d'infinie tristesse : Jé
rusalem, Jérusalem! que de fois j'ai
voulu rassembler tes enfants, comme
une poule rassemble ses poussins sous
ses ailes, et tu n'as pas voulu !
La résurrection des âmes, le réveil
des consciences, miracles dont tous
les autres ne sont que le prélude, a
donc pour condition première et abso
lue l'appel de Dieu, l'évangélisation,
et pour seconde condition, l'adhésion
de l'homme, la foi.
Mais comment faire entendre l'appel
de Dieu à cette foule innombrable qui
appartient corps et âme au maître, qui
n'a pas une minute dont elle puisse
disposer, que la force retient, jour et
nuit, attelee au joug ou murée dans
ses cabanons?
Comment?
En abolissant l'esclavage un ou
même deux jours par semaine.
C'est ce qu'a fait le christianisme.
« Nous, Pierre et Paul, nous arrê
tons : que les esclaves travaillent cinq
jours; que le jour du sabbat et le di
manche ils se reposent dans l'église,
pour l'enseignement de la foi; le sa
medi, à cause de la création, le di
manche, à cause de la résurrection;
qu'ils se reposent toute la grande se
maine et la semaine suivante, parce
que la première" est la semaine de la
passion, la seconde, celle de la résur
rection, et qu'il faut leur enseigner
qui a souffert et qui a ressuscité, pour
quoi et par qui a été permise cette pas
sion et cette résurrection... »
Est-ce assez clair?
Dès les premiers jours de son exis
tence, le christianisme pose hardi
ment la loi divine en face de la loi
humaine, la conscience en face de la
force. 11 n'a point à son service de
force matérielle ; il dispose seulement
do la force morale que donne à ses
disciples leur foi profonde en Jésus-
Christ, fils de Dieu, et en ses ensei
gnements; c'est donc à tous les maî
tres qui acceptent volontairement sa
direction qu'il prescrit de renoncer
deux jours par semaine à leur autorité
sur l'esclave, afin que celui-ci puisse
apprendre à connaître les préceptes
chrétiens.
Adorer Dieu et lui obéir plutôt
qu'aux hommes ; Dieu avant César et
avant le maître.
Ne pas séparer ce que Dieu a uni :
constitution de la famille pour l'es
clave.
Ne pas commettre d'homicide : res
pect de la vie de l'esclave.
Vivre dans la continence : respect
du corps de l'esclave.
C'est bien l'aurore d'une révolution
sociale, commencée par la foi et con
tinuée par le martyre.
Contentons-nous d'entrevoir cette
magnifique épopée chrétienne, le
point culminant de l'histoire du
monde; dont la république française
défend de parler désormais dans ses
écoles, et revenons à la question du
travail et du repos forcés.
Yox.
Encore et toujours M. Bougaud. La
mine est inépuisable. Il parle ainsi de
la société moderne, non pas telle qu'il
la désirerait, mais telle qu'elle existe
en fait, avec accompagnement de tous
les vices que la Révolution à pro
duits : ;
Voilà les principaux éléments de la so
ciété moderne. Telle qu'elle est,, et dans
son ensemble, c'est encore la moins impar
faite et la meilleure des sociétés qui aient
jamais existé. Elle est bien supérieure à
l'empire romain, même remanié chrétien
nement par Constantin et Théodose ; bien
supérieure à la société féodale du moyen
âge, avec son absence de sécurité pour les
peisomues et les propriétés, sa distinction
odieuse des hommes libres et des serfs, la
brutalité de ses mœurs et l'imperfection de
sa justice, bien supérieure môme à la mo
narchie absolue de Louis XIV, avec ses
abus de tout genre.
Décidément, l'auteur est idolâtre
de la société moderne. Mais comment
lui faire comprendre son hallucina
tion? Si nous voulons comparer les
temps présents avec les temps an
ciens de Charlemagne, le siècle de
saint Bernard, le règne de saint Louis
et même celui de Louis XIV, il ira
chercher des peintures de cette épo
que dans les historiens contempo
rains, les auteurs de mémoires, les
écrivains satiriques, et il découvrira
tant d'abus, de crimes, de vices,
qu'il paraîtra avoir raison sans l'a
voir. Nous prendrons donc une au
tre voie pour le convaincre et le met
tre au pied du mur. Il conviendra
biep, au nom de sa foi, qu'une civili
sation d'où Jésus-Christ est absent est
une civilisation qui doit céder le pas
à celle qui respectait, adorait, invo
quait partout la présence du divin
Rédempteur. Or, n'est-il pas évident
qu'aux époques que nous venons de
citer, l'humanité et la bénignité de
Notre-Seigneur remplissaient le mon
de? Comment oser dire après cela
que la meilleure société est celle
qui, adonnée exclusivement aux ex
périences polytechniciennes, vit dans
l'indifférence la plus complète en ma
tière de religion ? Cette admiration a
de quoi nous surprendre.
Elle a même de quoi nous faire fré
mir, si nous voulons examiner cette
société par un côté plus critique en
core. Nous avons accordé à l'auteur
que la société moderne, si mauvaise
qu'elle soit, supporterait encore un
gouvernement qui excluerait l'athéis
me de son sein, et nous maintenons
cette prétention. Mais il n'en est pas
moins à remarquer que l'athéisme a
envahi une portion notable de cette
société, et que le scandale en éclate
partout, depuis les académies, l'uni
versité, les loges, les barres des cham
bres et des tribunaux, jusqu'aux jour
naux et aux bouges. Est-ce que cela ne
fait pas trembler M. Bougaud? Il croit
donc que la sécurité des personnes
et des propriétés est bien assurée là
où la croyance en Dieu ne l'est plus?
Alors il serait plus intrépide que Vol
taire. Si aujourd'hui on ne vole pas et
l'on ne tue pas encore comme dans
un pays sauvage, c'est un phénomène
de la compassion du Christ, qui aime
les Francs. Mais ce phénomène n'a
aucune raison d'être de notre côté, et
il peut cesser à tout instant. La belle
sécurité vraiment !
Mais nous voyons venir M. Bougaud :
il nous répétera que nous croyons
nous-mêmes au petit nombre " des
athées, puisque nous imaginons un
Etat maintenant assez fort pour se pas
ser d'eux. Nous ne manquons pas de
bonnes raisons à opposer à cette ré
plique. Oui, l'athéisme dogmatique est
encore une exception parmi la foule
innombrable des citoyens français,
auxquels il serait impossible de° re
noncer à cette foi divine, qui a tou
jours été et qui sera toujours plutôt
de l'évidence que de la foi. Et néan
moins, cette croyance en Dieu est en
core mêlée d'un athéisme,que nous ap
pellerons constitutionnel ou politique.
Nous entendons par là que ceux-là
mêmes qui ne voudraient pour rien
au monde renier Dieu, sont tellement
entichés de la Déclaration des droits
de l'homme, par l'éducation absurde
qu'ils ont reçue, et que l'auteur tend à
confirmer, que tout en n'en voulant
pas user pour eux personnellement,
ils veulent cependant qu'on laisse à
chacun le droit politique de l'athéisme.
La liberté de conscience, dans sa plus
large extension, tel est leur éternel re
frain. Chacun chez soi, chacun pour
soi ; et pourvu qu'on paye ses impôts
et qu'on respecte le code pénal, per
sonne n'a le droit de demander à un
citoyen ce qu'il croit par rapport à
Dieu.
Eh bien, nous prétendons que cette
forme d'athéisme, pour être moins cy
nique que l'autre, n'en est pas moins
une iniquité" lamentable et souverai
nement injurieuse à la majesté divine,
qu'elle doit attirer sa foudre, et que la
société qui recèle ce monstre dans son
sein, n'est ni sûre ni agréable à habi
ter. Par conséquent, il est insupporta
ble et odieux de l'entendre appeler
« la meilleure des sociétés qui aient
jamais existé». Nous croyons.que
M. Bougaud, qui s'est beaucoup ému
avec raison du chancre de la Révolu
tion, ne s'est pas assez préoccupé du
chancre de l'athéisme. Car sans cela
on ne saurait comment s'expliquer
son admiration pour une société qui
en est dévorée, et comment il pourrait
la préférer à dix-huit siècles de chris
tianisme.
Cependant, en cherchant bien, peut-
être pourrait-on trouver le défaut qui
a conduit l'auteur à ces tristes extré
mités presque à son insu. Qu'il nous
permette de lui faire cette confidence ;
il est trop amateur de la forme, trop
préoccupé d''esthétique, trop amoureux
de l'art. Et comme la forme de la so
ciété moderne est aussi belle que le
fond en est laid et répugnant, il s'est
laissé prendre par les yeux. Nous lui
dirons même que nous avons ^re
cueilli des symptômes de cette ffli- •
blesse. En compulsant dans son li
vre, dans son malheureux livre,
quelques Dages qui traitaient de la
supériorîte = cat.holique lies races la
tines sur les races anglo-saxonnes pro
testantes, nous sommes tombé sur
cette boutade imprévue : « En Améri
que, pas davantage. Point de goût. Les
femmes ne savent pas s'habiller. »'Au
premier moment, nous nous sommes
cru transporté dans le Journal des Mo-
des, et le souvenir nous est revenu
d'un abbé de la Mésengère, Angevin
comme nous, que nous avions^ connu
dans notre enfance, et qui avait fondé
sous le Directoire cette feuille brillante
et frivole comme la société dont elle
représentait l'extérieur.
Mais non, il s'agissait cette fois,
pour l'auteur, de comparer le génie
artistique des diverses nations chré
tiennes, de mettre en regard « celles
qui ont la lourde épée, et celles^ qui
manient la lyre, par exemple l'An
gleterre, qui ne sera jamais de ces ra
ces qui éclairent le monde et q'ui le
consolent en le charmant — ce que
fait la France de nos jours — et les
Etats-Unis, qui ne seront jamais du
petit groupe exquis des nations ini
tiatrices, comme l'Espagne d'Isabelle, 1
l'Italie de la Renaissance et la France
de Louis XIV. » Le parallèle continue
avec !'Allemagne, « d'où il ne sortira
jamais quelque chose d'assez clair
pour saisir l'humanité et la teindre de
ses couleurs. » L'auteur termine par
ces mots, qui affirment une équation
plus poétique que théologique : « Il
n'y a d'éternel que l'art avec lequel
on charme le monde, et la religion
avec laquelle on le sanctifie ! »
Au point de vue littéraire, cet en
thousiasme est un simple pathos, au
tant que le pathos peut être simple.
Mais au point de vue moral, ce pa
thos ne laisse pas d'être dangereux. II.
est fait pour séduire « le beau monde »
et l'amener aux idées biscornues de
l'auteur en fait de religion. Les Fran
çaises surtout s'y laisseront prendre
et croiront qu'elles tiennent entre leurs
mains un catéchisme comme il leur
en faut, pour les réconcilier avec les
croyances de l'ancien régime, qu'elles
avaient apprises de leurs grand'mères,
mais aussi démodées qu'elles. Com
ment voulez-vous qu'une Parisienne
ne croie pas fort en théologie un prê
tre qui la croit forte en toilette, et
qu'un prêtre qui vient réfuter son au
teur favori ne soit pas un théologien
« rococo »?
M. Bougaud aurait dû ne pas
pincer cette corde, et en laisser les
vibrations fascinantes à d'autres. 1
Etait-ce à cette pente de mollesse
que faisait allusion Mgr Pie, quand,
après avoir signalé certaines inepties
doctrinales dans les premiers volu
mes du grand œuvre Le Christianisme
et les temps présents, il disait avec sa
causticité tranquille : L'auteur devrait
remanier ainsi son titre : Le Christia
nisme des temps présents. — Ce mot
nous en rappelle un autre où l'esprit
du cardinal de Poitiers prend la même
tournure pour se manifester. L'inté
ressant abbé Péreyve, trop jeune pour
. échapper aux influences qui l'entou
raient, disait une fois devant lui, en
parlant des catholiques libéraux :
Quoi qu'il en soit, nous sommes une
grande force dans l'Eglise. Son illustre
interlocuteur reprit incontinent : Il y
a une faute d'impression ; lisez : Nous
sommes une grande farce dans l'E
glise.— Hélas ! elle dure encore.Quand
baissera-t-on le rideau, et qui le bais
sera? Evidemment, ce ne sera pas M.
Bougaud.
L 'abbé Jules Moiiel
Nous avons reçu une nouvelle lettre
de M. l'abbé Bougaud que nous n'a
vons pu donner immédiatement, vou
lant laisser à notre collaborateur, M.
l'abbé Morel, le temps d'en prendre
connaissance et d'y répondre.
Nous la publierons dans un de nos
plus prochains numéros, avec la ré
ponse de M. l'abbé Morel.
Nous. recevons la dépêche sui
vante ;
Saint-Amand, le 11 septembre.
Hier,conférence à Saint-Amant-Montrond
sur la résistance aux auteurs et aux exécu
teurs de la loi scolaire, résistance qui s'im
pose comme un devoir à la fois patriotique
et chrétien. La conférence était présidée
par M. le comte de Bourbon-Lignière. L'o
rateur, M. de la Brière, rédacteur à l'U
nion, a fait un éloquent discours, qui a
produit une vive impression sur toute l'as
semblée. M. l'archiprêtre de Saint-Amand,
la noblesse du Berry et une foule nom
breuse de paysans venus des environs
étaient réunis à cette conférence, qui pro
duira d'utiles résultats.
Nous recevons de Lourdes la dépê
che suivante :
Lourdes, 10 septembre.
Le pèlerinage marseillais était imposant
par le nombre et admirable d'enthousias
me. Dans un très beau langage, M. le curé
de Saint-Lazare, de Marseille, et M. le
chanoine Schorderet ont exposé les raisons
providentielles qui relient les miracles de
Lourdes et les pèlerinages à lçi proclama
tion du dogme de l'Immaculée-Conception'
en 1854 et h la promulgation par le con
cile du Vaticmn de l'infaillibilité pontili-
R» 6417. ^ Edition quotidiennèî
fT;
Hardi lâ Septembre 1882
^ BB=
PARIS
SLIla
f V Six mois.. . ;
Trois moisjj, .
55 fr. »
28 50
15 »
Un Numéro, à Paris
r~ Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
On s'abonne, à Rome, place du Gesù,
DÉPARTEMENTS ;
Un an 55
Six mois. . . . r ... î 28 60
Trois mois ï r
« • I I è I
15
Édition sëmi-quotidi enne
Un an, 30 fr.- — Six mois, 16 fr, — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM, Ch. 1AGMNGE, CERF et C l % 6, place de la Biram
Ceux de nos souscripteurs dont l'abon
nement expire le 15 septembre sont priés de
le renouveler dès à présent pour éviter
toute interruption dans la réception^ du
journal.
Lë meilleur mode de renouvellement est
l 'envoi d'un mandat sur la poste ou d'un
chèque h vue, à l'ordre de l'administrateur
du journal. Y joindre l'une des dernières
bandes du journal.
Les abonnements datent des 1" et 16 de
chaque mois.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANGE
PARIS, 11 SEPTEMBRE 1882
La circulaire ministérielle que nous
avons publiée hier a déjà produit un
certain effet. Un journal peu suspect,
le Voltaire, déclare qu'elle débarrasse
les familles de vexations inutiles. Un
journal d'une autre couleur, le Fran
çais, se borne à dire que le ministre a
parlé trop tard. Si l'on n'était pas parti
trop tôt en guerre en faveur d'une dé
claration anticipée, que la loi ne com
mandait pas et que les autorités répu
blicaines elles-mêmes ne demandaient
pas, le ministre aurait parlé assez tôt,
puisqu'il reste encore plusieurs jours
pour atteindre la limite fixée du 15
septembre.
M. Duvaux n'a pas publié que la cir
culaire relative aux déclarations, il en
a fait une autre au sujet des réformes
de MM. Ferry et Bert dans l'enseigne
ment secondaire. Le nouveau minis
tre, qui est professeur, ne paraît pas
enthousiasmé des prétendus progrès
accomplis avec tant de fracas par ses
prédécesseurs. Nos lecteurs trouveront
plus loin cette circulaire.
L'enseignement secondaire, du res
te, n'est pas le seul où des ministres
trop zélés aient introduit des pro
grammes dangereux et même impos
sibles. On commence à se plaindre
beaucoup des programmes imposés
aux enfants des écoles primaires et
aux futurs instituteurs, élèves des éco
les normales. Aux uns comme aux au
tres, il est réellement impossible d'ap
prendre tout ce qu'on leur demande,
sans surcharger outre mesure leur
mémoire de connaissances indigestes
dont elle se débarrassera prompte-
ment.
Nous publions le mémoire adressé
par. Mgr Perraud au ministre des cul
tes et d^ l'intérieur, en réponse à la dé
libération du conseil municipal d'Au-
tun et au vœu du conseil général de
Saône-et-Loire contre le petit séminai
re d'Autun. Après avoir lu cette pièce
magistrale, il ne reste aucun doute
sur l'iniquité de la mesure réclamée.
Ce n'est malheureusement pas une
raison suffisante pour que les radicaux
ne triomphent pas.
Nous avons donné hier une curieuse
dépêche relative à une réunion socia
liste de Lyon. Il y a eu du tapage,
mais là n'est pas l'intérêt de la réu
nion, qui, sous ce point, ressemble à
tant d'autres. Il est, dans ce fait con
staté par l'officieuse Agence Bavas,
que les socialistes ont affirmé leur
entente avec les émeutiers de Mont-
ceau-les-Mines et dégagé les catholi
ques de toute responsabilité dans ces
désordres. C'est une réponse con
cluante aux misérables insinuations de
'certaines feuilles officieuses ou oppor
tunistes.
Le combat de Ivassassine paraît avoir
été sérieux. Si les arabistes ont été
repoussés, ils n'ont pas été écrasés. Ce
n'est donc qu'un demi-succès pour les
Anglais, et il leur faudrait mieux.
Une dépêche de l'Union, dont nous
reproduisons un court mais intéres
sant fragment, accuse les Anglais de
ne pas faire de prisonniers et d'agir à
Port-Saïd en maîtres. C'est dans leurs
traditions.
L'affaire de l'Italien Meschino à Tu
nis se complique. Nos reconnaissants
obligés les Italiens se plaignent de ce
qu'on soustrait leur compatriote à son
juge de par les capitulations, le consul,
qui le renverrait indemne. Nous espé
rons que le gouvernement tiendra
ferme.
Lorsqu'au dernier recensement, l'ad
ministration républicaine adressa à
tous les chefs de famille un nouveau
questionnaire, cette prétention parut
intolérable et absurde. Elle était illé
gale, mais elle était surtout perfide.
La loi du 28 mars 1882 n'était pas en
core votée par le Sénat ; cependant on
en connaissait d'avance l'économie.
Les pédagogues en délire qui régen
tent la France préparaient leur tra
vail.
Dès cette époque, des conseils de
résistance furent donnés. Les adver
saires de la loi du 28 mars doivent re
gretter amèrement aujourd'hui de ne
pas les avoir suivis.
"Les rédacteurs de cette loi ont com
mis, en effet, une imprudence qu'il
était facile de faire tourner à leur con-
usion. Ils ont imaginé une successio
{d'obligations plus vexatoires les unes
que les autres, plaçant sous la férule
des inspecteurs, des commissions sco
laires et des instituteurs, les petits gar
çons et les petites filles depuis l'âge de
six ans, et menaçant de leurs admo
nestations pédantes les pères et mères
récalcitrants.
Or, à toute chose il faut un com-
mencexpent. Quand on s'engage dans
ce labyrinthe d'obligations légales, le
premier acte à accomplir n'est pas à
la charge des parents. Il est imposé
aux mairies. De son accomplissement
dépendent toutes les autres prescrip
tions de la loi.
Chaque année, dit l'article 8, le maire
dresse, d'accord avec la commission sco
laire, la liste de tous les enfants âgés de
6 à 13 ans, et avise les personnes qui ont
charge do ces enfants de l'époque de la
rentrée des classes.
La Pairie le faisait remarquer avec
raison :
De ce texte, il résulte il l'évidence que
les personnes qui ont charge d'enfants de
6 à 13 ans doivent avoir été personnelle
ment avisées, par les soins du maire, de
l'époque de la rentrée des classes. C'est à,
la suite de cet avertissement que ces per
sonnes sont tenues de l'aire leur déclara
tion, pas avant. La formalité cîe l'avertisse
ment personnel aux parents doit procéder
la déclaration de ceux-ci. Voilà qui est hors
de discussion.^.
Mais comment dresser les listes?
Les mairies n'avaient à leur disposi
tion que les actes de naissance et le
recensement.
Ressources dangereuses, car, depuis
la date de la naissance des enfants,
beaucoup de décès, de disparitions, de
changements de domicile ont eu lieu,
— et le recensement a recueilli trop
de réponses incomplètes ou dérisoires
pour être la base d'un travail sérieux.
Avec ce double élément de renseigne
ments , les maires risquaient d'adresser
à leurs administrés une foule de com
munications irritantes ou grotesques,
révoltant les plus pacifiques contre
l'exécution maladroite d'une loi si mal
faite. ,Déjà des démarches à do
micile' recevaient le plus mauvais ac
cueil .
L'embarras était grave. Les agents
de la République ont rencontré un
auxiliaire fort imprévu. La Société d'E
ducation et d'Enseignement leur a four
ni la liste qui leur faisait défaut.
On se rappelle en effet que, contre
dite sur un point de doctrine, cette so
ciété a voulu, d'autorité, avoir raison
d'une opinion qui lui déplaisait. Dans
un intérêt de polémique bien plus que
dans l'intérêt de l'enseignement chré
tien, elle a, dès le mois de juin, voulu
précipiter les déclarations. Tous les
moyens d'influence ont été employés :
il a fallu que cet article de la loi fût
exécuté bien avant l'heure.
Les journaux républicains en triom
phent: nous nous en attristons. Rien
n'est plus loin de notre pensée que de
donner à la résistance une direction
exclusive. Nous la voulons sérieuse,
résolue, conforme aux déclarations
faites dans les assemblées législatives.
A tous ceux qui la soutiendront dans
ces conditions notre concours le plus
dévoué est acquis.
L'esprit de coterie l'a emporté. Sans
attendre les avertissements des mai
res, de très nombreuses déclarations
intempestives, prématurées, ont été
faites. La Paix prétend qu'f on y ap
porte même une sorte d'empresse
ment, afin de bien marquer sans doute
qu'on n'a que faire des avis de M.
Veuillot et de ses fougueux collabora
teurs. »
Les adhérents de la Société d'éduca
tion et d'enseignement se sont chargés
de faire eux-mêmes et contre eux le
travail des mairies ! Le relevé des dé
clarations formera la liste dont elles
avaient besoin.
C'est ainsi que les plus généreuses
résolutions dégénèrent. La résistance
promise avec tant d'éclat n'a pas tar
dé à être réduite à une simple surveil
lance. Dans cette question de la dé
claration, ce système de surveillance
illusoire et impuissante en est arrivé
à devenir un concours très utile et
très efficace à l'œuvre de l'exécution
de la loi devant laquelle reculaient les
mairies de la république.
Le Français publie, au sujet delà cir
culaire du ministre de l'instruction
publique, dont nous avons relevé hier
l'importance, la singulière note que
voici :
Nous publions plus loin une circulaire
adressée par le ministre de l'instruction
publique aux préfets. Cette circulaire règle
la conduite que doivent tenir les maires,
présidents des commissions scolaires, dans
l'application de la loi du 28 mars. C'est s'y
prendre un peu tard. Les familles auraient
eu le plus grand intérêt îi être plus tôt in
formées des détails de procédure qu'on
prétend leur imposer. Nous nous abstien
drons aujourd'hui de commenter la circu
laire ministérielle, nous réservant de l'ap
précier avec tous les développements que
pourra exiger l'importance de la question.
Cette manière de bouder un docu
ment ministériel qui apporte une atté
nuation considérable aux prescriptions
de la loi, en ce qui concerne la décla
ration des parents, est vraiment étran
ge. Le Français montre une mauvaise
humeur maladroite ; il a l'air de repro
cher au ministre de l'instruction publi
que d'avoir dérangé tout le plan de
conduite proposé par la Société géné
rale d'Education-, on pourrait croire
qu'il a moins à cœur la cause de la li
berté des pères de famille que le triom
phe des avis de la Société.
« C'est, dit le Français à propos de
la circulaire ministérielle, s'y prendre
un peu tard. » Mais non ; c'est lui et
la Société qui s'y sont pris trop tôt.
Sans les conseils intempestifs de la
Société d'Education, des catholiques
n'auraient pas montré ce fâcheux em
pressement à aller au-devant de la loi
et à faire beaucoup plus que n'exi
geait la loi elle-même et que ne devait
demander d'eux le gouvernement.
Nous concevons la surprise, l'em
barras même du Français devant cette
circulaire ministérielle, qui fait ressor
tir la précipitation et la maladresse des
conseils de la Société d'Education; e lie
montre, en effet, que la règle de conduite
imposée avec un zèle si absorbant par
cette société menait les catholiques à
une soumission beaucoup plus absolue
que le gouvernement lui-même ne
voulait l'exiger d'eux et telle qu'il n'a
pas osé la leur demander. Mais au lieu
de laisser voir un dépit un peu
mesquin contre des instructions mi
nistérielles qui mettront à l'aise beau
coup de familles, le Français n'aurait-il
pas mieux fait de reconnaître franche
ment que les avis donnés par la So
ciété d'Education n'ont plus de raison
d'être, que les maisons religieuses
d'enseignement mises en alarme par
ses appréhensions exagérées et ses con
sultations pusillanimes, peuvent conti
nuer à recevoir chez elles des enfants
de six à treize ans sans obliger les pa
rents à faire une déclaration à laquelle
beaucoup d'entre eux répugnaient?
Loin de faire ressortir, dans l'inté
rêt des familles, les * avantages de la
circulaire en question, le Français-ne
la signale que par la note mécon
tente que nous reproduisons plus
haut. Il donne même à croire
qu'elle est vexatoire pour les familles
qui, dit-il, « auraient eu le plus grand
intérêt à être plus tôt informées des
détails de procédure qu'on prétend
leur imposer. » Ce n'est pas être net.
La circulaire n'impose pas de détails de
procédure, elle exonère simplement un
grand nombre de familles des obliga
tions que la,Société d'Education voulait
leur imposer. Le Français annonce
qu'il se réserve de l'apprécier; nous
espérons qu'il ne prendra pas la dé
fense de la déclaration contre la cir
culaire.
le
Rétablissement de l'esclavage
II
Le premier pas de la République
française vers le rétablissement de
l'esclavage, a été l'abolition du repos
obligatoire du dimanche.
Un gouvernement qui veut rétablir
le travail forcé, doit nécessairement
commencer par abolir le repos forcé.
C'est exactement le contrepied de ce
qu'a fait le christianisme : aussi, le
christianisme, c'est l'ennemi.
Est-ce que j'étonnerais quelques-uns
de mes lecteurs en affirmant que le
premier pas du christianisme vers
l'abolition de l'esclavage a été l'éta
blissement du repos obligatoire du
dimanche? L'ignorancerévolutionaire
qui nous étreint depuis un siècle,
aurait-elle enténébré la France à ce
point qu'une vérité, qui a la clarté du
jour, y fût aujourd'hui voilée?
Un mot alors d'explication.
Au moment où le Messie, venu pour
régénérer le monde, laissait tomber de
ses lèvres ces paroles d'une commisé
ration divine : Misereor super turbam
— j'ai compassion de cette foule —il
y avait une foule en effet, une
immense foule digne de pitié : la foule
des pauvres, et la foule des esclaves,
les derniers des pauvres. Les neuf
dixièmes de l'humanitéétaient esclaves:
à Rome, sur cent mille habitants,
quatre-vingt-dix mille esclaves, 90,000
êtres humains pour qui n'existaient ni
la religion, ni la famille, ni la pro
priété, ces trois conditions indispen
sables de la liberté humaine.
L'esclave n'avait pas de droits reli
gieux. Pour lui, point de fêtes, ni de
jours de repos. Toutes ses heures
appartiennent au maître. Il n'en reste
aucune dont l'esclave puisse disposer
pour son culte, s'il en a un.
L'esclave n'avait point de famille.
Le maître l'accouplait comme il accou
plait ses taureaux et ses béliers. Lors
qu'il jugeait le moment venu de réa
liser un bénéfice sur ce bétail humain,
il le faisait conduire au marché, et
vendait, soit au même acquéreur, soit
à des acquéreurs différents, selon qu'il
y trouvait son compte, le mâle, la
temelle et les petits.
L'esclave n'avait point de propriété.
Il était lui-même la propriété du
maître et tous les produits de son tra
vail, quels qu'ils fussent, appartenaient
au maître. Manœuvre ou professeur
de philosophie, fille de peine ou fille
de joie, sa profession ou son métier
lui étaient imposés, pour le plus grand
profit de qui l'avait acheté ou élevé.
Lorsque, devenant vieux, il devenait
improductif, le maître le pouvait faire
abattre, comme on abat un cheval
hors de service, ou le jeter tout vivant
en pâture aux murènes de ses étangs.
Tel était l'état du monde. D'une
part, le petit nombre des hommes
libres; de l'autre, la multitude des
—a» ——
&
pauvres et îles esclaves. Ce n'était pas
la conscience qui gouvernait le monde,
c'était la force; et les plus grands phi
losophes de l'antiquité, à commencer.
par Aristote, fie concevaient pas que la
société humaine pût être organisée au
trement quàsur-le fondement de les-
clavage.
Elle le fut cependant. Le christia
nisme substitua au règne de la force le
règne de la conscience.
Gomment s'y prit-il?
Comment aborda-t-il cette révolution
sociale, dont l'univers entier avait le
pressentiment, que les juifs attendaient
du Messie promis à leurs pères, que la
Sibylle avait prédit aux Gentils. Ecce
novus rerum... nascitur or do ?
Le Messie lui-même a répondu à cette
question lorsque, interrogé par les
disciples de Jean « s'il est celui qui
doit venir, ou s'il faut en attendre un
autre », il leur dit: « Allez, et dites à
Jean ce que vous avez vu et ce que
vous avez entendu : les boiteux mar
chent, les sourds entendent, les aveu
gles voient, les morts ressuscitent, les
pauvres sont évangélisés. »
Etonnante gradation, et bien faite
pour convaincre le précurseur ! Toutes
ces merveilles de l'ordre physique :
les boiteux qui marchent, les aveu
gles qui voient, les morts qui ressus
citent, ne sont que la préparation à
cette merveille de l'ordre moral, qui
commence la rénovation du monde :
les pauvres sont évangélisés.
L'évangélisation des pauvres! c'est-
à-dire le préliminaire de la résurrec
tion des âmes, ce miracle par excel
lence, car il y faut l'union de deux
volontés : celle de Dieu et celle de
l'homme.
Lorsque Jésus dit à Lazare: Lève-toi,
sors du tombeau! Lazare subît l'auto
rité divine, il obéit passivement. Dieu
n'a pas besoin de son concours pour
ressusciter ce corps inanimé.
Mais quand Dieu dit à la Chanané-
enne : Allez, votre foi vous a sauvée,
il enseigne bien nettement que, tout
Dieu qu'il est, il ne sauve pas l'âme
sans elle.
Qui n'a été douloureusement ému
par ces paroles d'infinie tristesse : Jé
rusalem, Jérusalem! que de fois j'ai
voulu rassembler tes enfants, comme
une poule rassemble ses poussins sous
ses ailes, et tu n'as pas voulu !
La résurrection des âmes, le réveil
des consciences, miracles dont tous
les autres ne sont que le prélude, a
donc pour condition première et abso
lue l'appel de Dieu, l'évangélisation,
et pour seconde condition, l'adhésion
de l'homme, la foi.
Mais comment faire entendre l'appel
de Dieu à cette foule innombrable qui
appartient corps et âme au maître, qui
n'a pas une minute dont elle puisse
disposer, que la force retient, jour et
nuit, attelee au joug ou murée dans
ses cabanons?
Comment?
En abolissant l'esclavage un ou
même deux jours par semaine.
C'est ce qu'a fait le christianisme.
« Nous, Pierre et Paul, nous arrê
tons : que les esclaves travaillent cinq
jours; que le jour du sabbat et le di
manche ils se reposent dans l'église,
pour l'enseignement de la foi; le sa
medi, à cause de la création, le di
manche, à cause de la résurrection;
qu'ils se reposent toute la grande se
maine et la semaine suivante, parce
que la première" est la semaine de la
passion, la seconde, celle de la résur
rection, et qu'il faut leur enseigner
qui a souffert et qui a ressuscité, pour
quoi et par qui a été permise cette pas
sion et cette résurrection... »
Est-ce assez clair?
Dès les premiers jours de son exis
tence, le christianisme pose hardi
ment la loi divine en face de la loi
humaine, la conscience en face de la
force. 11 n'a point à son service de
force matérielle ; il dispose seulement
do la force morale que donne à ses
disciples leur foi profonde en Jésus-
Christ, fils de Dieu, et en ses ensei
gnements; c'est donc à tous les maî
tres qui acceptent volontairement sa
direction qu'il prescrit de renoncer
deux jours par semaine à leur autorité
sur l'esclave, afin que celui-ci puisse
apprendre à connaître les préceptes
chrétiens.
Adorer Dieu et lui obéir plutôt
qu'aux hommes ; Dieu avant César et
avant le maître.
Ne pas séparer ce que Dieu a uni :
constitution de la famille pour l'es
clave.
Ne pas commettre d'homicide : res
pect de la vie de l'esclave.
Vivre dans la continence : respect
du corps de l'esclave.
C'est bien l'aurore d'une révolution
sociale, commencée par la foi et con
tinuée par le martyre.
Contentons-nous d'entrevoir cette
magnifique épopée chrétienne, le
point culminant de l'histoire du
monde; dont la république française
défend de parler désormais dans ses
écoles, et revenons à la question du
travail et du repos forcés.
Yox.
Encore et toujours M. Bougaud. La
mine est inépuisable. Il parle ainsi de
la société moderne, non pas telle qu'il
la désirerait, mais telle qu'elle existe
en fait, avec accompagnement de tous
les vices que la Révolution à pro
duits : ;
Voilà les principaux éléments de la so
ciété moderne. Telle qu'elle est,, et dans
son ensemble, c'est encore la moins impar
faite et la meilleure des sociétés qui aient
jamais existé. Elle est bien supérieure à
l'empire romain, même remanié chrétien
nement par Constantin et Théodose ; bien
supérieure à la société féodale du moyen
âge, avec son absence de sécurité pour les
peisomues et les propriétés, sa distinction
odieuse des hommes libres et des serfs, la
brutalité de ses mœurs et l'imperfection de
sa justice, bien supérieure môme à la mo
narchie absolue de Louis XIV, avec ses
abus de tout genre.
Décidément, l'auteur est idolâtre
de la société moderne. Mais comment
lui faire comprendre son hallucina
tion? Si nous voulons comparer les
temps présents avec les temps an
ciens de Charlemagne, le siècle de
saint Bernard, le règne de saint Louis
et même celui de Louis XIV, il ira
chercher des peintures de cette épo
que dans les historiens contempo
rains, les auteurs de mémoires, les
écrivains satiriques, et il découvrira
tant d'abus, de crimes, de vices,
qu'il paraîtra avoir raison sans l'a
voir. Nous prendrons donc une au
tre voie pour le convaincre et le met
tre au pied du mur. Il conviendra
biep, au nom de sa foi, qu'une civili
sation d'où Jésus-Christ est absent est
une civilisation qui doit céder le pas
à celle qui respectait, adorait, invo
quait partout la présence du divin
Rédempteur. Or, n'est-il pas évident
qu'aux époques que nous venons de
citer, l'humanité et la bénignité de
Notre-Seigneur remplissaient le mon
de? Comment oser dire après cela
que la meilleure société est celle
qui, adonnée exclusivement aux ex
périences polytechniciennes, vit dans
l'indifférence la plus complète en ma
tière de religion ? Cette admiration a
de quoi nous surprendre.
Elle a même de quoi nous faire fré
mir, si nous voulons examiner cette
société par un côté plus critique en
core. Nous avons accordé à l'auteur
que la société moderne, si mauvaise
qu'elle soit, supporterait encore un
gouvernement qui excluerait l'athéis
me de son sein, et nous maintenons
cette prétention. Mais il n'en est pas
moins à remarquer que l'athéisme a
envahi une portion notable de cette
société, et que le scandale en éclate
partout, depuis les académies, l'uni
versité, les loges, les barres des cham
bres et des tribunaux, jusqu'aux jour
naux et aux bouges. Est-ce que cela ne
fait pas trembler M. Bougaud? Il croit
donc que la sécurité des personnes
et des propriétés est bien assurée là
où la croyance en Dieu ne l'est plus?
Alors il serait plus intrépide que Vol
taire. Si aujourd'hui on ne vole pas et
l'on ne tue pas encore comme dans
un pays sauvage, c'est un phénomène
de la compassion du Christ, qui aime
les Francs. Mais ce phénomène n'a
aucune raison d'être de notre côté, et
il peut cesser à tout instant. La belle
sécurité vraiment !
Mais nous voyons venir M. Bougaud :
il nous répétera que nous croyons
nous-mêmes au petit nombre " des
athées, puisque nous imaginons un
Etat maintenant assez fort pour se pas
ser d'eux. Nous ne manquons pas de
bonnes raisons à opposer à cette ré
plique. Oui, l'athéisme dogmatique est
encore une exception parmi la foule
innombrable des citoyens français,
auxquels il serait impossible de° re
noncer à cette foi divine, qui a tou
jours été et qui sera toujours plutôt
de l'évidence que de la foi. Et néan
moins, cette croyance en Dieu est en
core mêlée d'un athéisme,que nous ap
pellerons constitutionnel ou politique.
Nous entendons par là que ceux-là
mêmes qui ne voudraient pour rien
au monde renier Dieu, sont tellement
entichés de la Déclaration des droits
de l'homme, par l'éducation absurde
qu'ils ont reçue, et que l'auteur tend à
confirmer, que tout en n'en voulant
pas user pour eux personnellement,
ils veulent cependant qu'on laisse à
chacun le droit politique de l'athéisme.
La liberté de conscience, dans sa plus
large extension, tel est leur éternel re
frain. Chacun chez soi, chacun pour
soi ; et pourvu qu'on paye ses impôts
et qu'on respecte le code pénal, per
sonne n'a le droit de demander à un
citoyen ce qu'il croit par rapport à
Dieu.
Eh bien, nous prétendons que cette
forme d'athéisme, pour être moins cy
nique que l'autre, n'en est pas moins
une iniquité" lamentable et souverai
nement injurieuse à la majesté divine,
qu'elle doit attirer sa foudre, et que la
société qui recèle ce monstre dans son
sein, n'est ni sûre ni agréable à habi
ter. Par conséquent, il est insupporta
ble et odieux de l'entendre appeler
« la meilleure des sociétés qui aient
jamais existé». Nous croyons.que
M. Bougaud, qui s'est beaucoup ému
avec raison du chancre de la Révolu
tion, ne s'est pas assez préoccupé du
chancre de l'athéisme. Car sans cela
on ne saurait comment s'expliquer
son admiration pour une société qui
en est dévorée, et comment il pourrait
la préférer à dix-huit siècles de chris
tianisme.
Cependant, en cherchant bien, peut-
être pourrait-on trouver le défaut qui
a conduit l'auteur à ces tristes extré
mités presque à son insu. Qu'il nous
permette de lui faire cette confidence ;
il est trop amateur de la forme, trop
préoccupé d''esthétique, trop amoureux
de l'art. Et comme la forme de la so
ciété moderne est aussi belle que le
fond en est laid et répugnant, il s'est
laissé prendre par les yeux. Nous lui
dirons même que nous avons ^re
cueilli des symptômes de cette ffli- •
blesse. En compulsant dans son li
vre, dans son malheureux livre,
quelques Dages qui traitaient de la
supériorîte = cat.holique lies races la
tines sur les races anglo-saxonnes pro
testantes, nous sommes tombé sur
cette boutade imprévue : « En Améri
que, pas davantage. Point de goût. Les
femmes ne savent pas s'habiller. »'Au
premier moment, nous nous sommes
cru transporté dans le Journal des Mo-
des, et le souvenir nous est revenu
d'un abbé de la Mésengère, Angevin
comme nous, que nous avions^ connu
dans notre enfance, et qui avait fondé
sous le Directoire cette feuille brillante
et frivole comme la société dont elle
représentait l'extérieur.
Mais non, il s'agissait cette fois,
pour l'auteur, de comparer le génie
artistique des diverses nations chré
tiennes, de mettre en regard « celles
qui ont la lourde épée, et celles^ qui
manient la lyre, par exemple l'An
gleterre, qui ne sera jamais de ces ra
ces qui éclairent le monde et q'ui le
consolent en le charmant — ce que
fait la France de nos jours — et les
Etats-Unis, qui ne seront jamais du
petit groupe exquis des nations ini
tiatrices, comme l'Espagne d'Isabelle, 1
l'Italie de la Renaissance et la France
de Louis XIV. » Le parallèle continue
avec !'Allemagne, « d'où il ne sortira
jamais quelque chose d'assez clair
pour saisir l'humanité et la teindre de
ses couleurs. » L'auteur termine par
ces mots, qui affirment une équation
plus poétique que théologique : « Il
n'y a d'éternel que l'art avec lequel
on charme le monde, et la religion
avec laquelle on le sanctifie ! »
Au point de vue littéraire, cet en
thousiasme est un simple pathos, au
tant que le pathos peut être simple.
Mais au point de vue moral, ce pa
thos ne laisse pas d'être dangereux. II.
est fait pour séduire « le beau monde »
et l'amener aux idées biscornues de
l'auteur en fait de religion. Les Fran
çaises surtout s'y laisseront prendre
et croiront qu'elles tiennent entre leurs
mains un catéchisme comme il leur
en faut, pour les réconcilier avec les
croyances de l'ancien régime, qu'elles
avaient apprises de leurs grand'mères,
mais aussi démodées qu'elles. Com
ment voulez-vous qu'une Parisienne
ne croie pas fort en théologie un prê
tre qui la croit forte en toilette, et
qu'un prêtre qui vient réfuter son au
teur favori ne soit pas un théologien
« rococo »?
M. Bougaud aurait dû ne pas
pincer cette corde, et en laisser les
vibrations fascinantes à d'autres. 1
Etait-ce à cette pente de mollesse
que faisait allusion Mgr Pie, quand,
après avoir signalé certaines inepties
doctrinales dans les premiers volu
mes du grand œuvre Le Christianisme
et les temps présents, il disait avec sa
causticité tranquille : L'auteur devrait
remanier ainsi son titre : Le Christia
nisme des temps présents. — Ce mot
nous en rappelle un autre où l'esprit
du cardinal de Poitiers prend la même
tournure pour se manifester. L'inté
ressant abbé Péreyve, trop jeune pour
. échapper aux influences qui l'entou
raient, disait une fois devant lui, en
parlant des catholiques libéraux :
Quoi qu'il en soit, nous sommes une
grande force dans l'Eglise. Son illustre
interlocuteur reprit incontinent : Il y
a une faute d'impression ; lisez : Nous
sommes une grande farce dans l'E
glise.— Hélas ! elle dure encore.Quand
baissera-t-on le rideau, et qui le bais
sera? Evidemment, ce ne sera pas M.
Bougaud.
L 'abbé Jules Moiiel
Nous avons reçu une nouvelle lettre
de M. l'abbé Bougaud que nous n'a
vons pu donner immédiatement, vou
lant laisser à notre collaborateur, M.
l'abbé Morel, le temps d'en prendre
connaissance et d'y répondre.
Nous la publierons dans un de nos
plus prochains numéros, avec la ré
ponse de M. l'abbé Morel.
Nous. recevons la dépêche sui
vante ;
Saint-Amand, le 11 septembre.
Hier,conférence à Saint-Amant-Montrond
sur la résistance aux auteurs et aux exécu
teurs de la loi scolaire, résistance qui s'im
pose comme un devoir à la fois patriotique
et chrétien. La conférence était présidée
par M. le comte de Bourbon-Lignière. L'o
rateur, M. de la Brière, rédacteur à l'U
nion, a fait un éloquent discours, qui a
produit une vive impression sur toute l'as
semblée. M. l'archiprêtre de Saint-Amand,
la noblesse du Berry et une foule nom
breuse de paysans venus des environs
étaient réunis à cette conférence, qui pro
duira d'utiles résultats.
Nous recevons de Lourdes la dépê
che suivante :
Lourdes, 10 septembre.
Le pèlerinage marseillais était imposant
par le nombre et admirable d'enthousias
me. Dans un très beau langage, M. le curé
de Saint-Lazare, de Marseille, et M. le
chanoine Schorderet ont exposé les raisons
providentielles qui relient les miracles de
Lourdes et les pèlerinages à lçi proclama
tion du dogme de l'Immaculée-Conception'
en 1854 et h la promulgation par le con
cile du Vaticmn de l'infaillibilité pontili-
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