Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1880-08-02
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 août 1880 02 août 1880
Description : 1880/08/02 (Numéro 4661). 1880/08/02 (Numéro 4661).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
9
Lundi % Août 1880
N* 4Ô61 — Édition quotidienne.
PARIS
Un ail. 55 £r. »
Six mois. 28 50
Trois mois 15 »
Un Numéro, à Paris. . ' . . . 15 cent.
— DépartemçiïtST' 20 —
BUREAÙX
Paris, 10, Rue deà Saints-Pères.
On s'abonne, à Borne, ^place du Gesùj
:
Lundi 2 Août îâ^O
* ' DÉPARTEMENTS
Un an. . . 55 fr.»
Six mois , • 28 50
Trois mois 45 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six-mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVlîlis ne ripond pae des manuscrits qui lui sont adressés
AiT.N ONCES
MM. Cli. 'LAGRANGS, CEËÎf $ «»' P laoe ^
FRANGE
PARIS, 1 er AOUT 1880
Une note du National que nous pu
blions plus loin déclare que le gou
vernement a définitivement renoncé
à l'envoi d'une mission militaire en
Grèce. C'est une sage mesure, mais
qui vient un peu tard, après que les
bruits contraires ont alarmé tant d'in
térêts. Faut-il espérer que cet échec de
ses caprices belliqueux servira pour
l'avenir à l'enseignement de M. Gam-
betta? Pour le présent, les mauvaises
nouvelles venues de l'Afhganistan et
la résistance de la Turquie parais
sent avoir obtenu un autre effet. On
annonce, en effet, que l'idée de la dé
monstration navale projetée par les
puissances serait abandonnée, ou tout
au moins ajournée.
Nous résumions hier et nous don
nons aujourd'hui le texte de la courte
allocution prononcée par le général
de Mantèuffel à l'ouverture du conseil
d'Etat d'Alsace-Lorraine. S'il faut s'en
rapporter à ce discours, les conseillers
d'Âlsace-Lorraine n'auraient qu'à s'oc
cuper d'affaires, et non de politique.
Ajoutons que le règlement de ses déli
bérations, s'il est observé, n'est pas de
nature à développer beaucoup le par
lementarisme. En effet, l'article 2 dis
pose que les membres du conseil d'E
tat jurent de garderie secret sur tou
tes les délibérations et les affaires qui
le concernent.
l'exception des journaux officieux
du premier degré, les journaux répu
blicains éprouvent eux-mêmes quel
que honte à défendre la circulaire Ca-
zot relative aux décrets du 29 mars ;
il est superflu de constater qu'elle est
flétrie au contraire par l'unanimité de
tous les journaux conservateurs, qui la
dénoncent comme un véritable atten
tat contre la justice et comme une
ignominie.
Le Temps et la République française
font grand éloge d'un discours que
vient de prononcer M. Léon Say, da ns
une réunion agricole tenue aux envi-
ronsde Melun.Dans cediscoursM. Léon
^ Say,qui est un fervent libre -échangiste,
n'a pas pu nier ies souffrances de l'a
griculture, mais il s'est attaché à en
rechercher les causes dans des expli
cations qui pussent cadre? avec ses
idées économiques. Il s'imagine, par
exemple, que, pour combattre l'inva
sion des produits américains, il suffira
de faciliter de plus en plus les moyens
de transport.
M. Léon Say a été mieux inspiré
lorsqu'il a proposé de s'attaquer « à
l'impôt foncier, qui frappe la terre
d'une sorte de dîme et diminue sa va
leur d'une manière factice, tout en re
haussant d'autant le prix des ferma
ges ». Mais pourquoi, de cette mesure
toute fiscale, M. Léon Say veut-il
faire une mesure politique, en disant
qu'elle concorde avec la nature du
gouvernement de la République, vu que
1a République est « la nation elle-mê-
, me, dont les intérêts, dégagés de tou
te préoccupation de personne et de
dynastie, se confondent avec ceux du
pays » ? On ne s'attendait guère à voir
la République en cette affaire.
L'ordre au jour de l'amiral Jauré-
guiberry, louant la belle attitude des
marins de Cherbourg le 25 juillet, n'é
tait pas fait pour plaire aux radicaux,
Par le fait, ils enragent, et c'est dans
leurs colonnes un toile d'imprécations
contre le ministre de la marine. Quel
ques-uns s'étonnent qu'il n'ait pas
donné sa démission, d'autres qu'on ne
la lui ait pas imposée. Dans ces condi
tions le voyage à Cherbourg promet
d'offrir quelque intérêt.
Une dépêche d'Azpeitia (Espagne)
nous dit qu'hier, au monastère de
Loyola, la foule était grande à la céré
monie célébrée en l'honneur de saint
Ignace, peu? Mgr l'archevêque de Sé-
Ce n'est pas sans émotion qu'on
y signalait un certain nombre de jé
suites français venus en Espagne à la
suite des décrets. En France, pour la
première fois depuis bien des années,
les jésuites n'ont pu célébrer la fête
de leur saint fondateur dans leurs cha
pelles mises sous scellés. Mais les pieux
fidèles se sont dédommagés en se por
tant en foule dans les autres chapelles
et dans les églises où se célébrait la
fête. Partout où le panégyrique était
prêché par un jésuite, l'affluence était
plus considérable encore. C'est ce que
nous avons pu constater à Paris. De
province, nous recevons également
les détails les plus touchants sur ces
émouvantes manifestations.
Le gouvernement que nous avons
possède une vitalité d'une nature toute
spéciale, à laquelle il doit de durer en
core. Ce qui constitue sa raison d'être
et sa force de résistance, c'est de s'ap
puyer sur les éléments qui tuaient les
autres gouvernements. Né de la des
truction, il se soutient avec les prin
cipes de la destruction. Il a la pro
priété de se nourrir de poisons, comme
Mithridate. Tous les germes de disso
lution réunis lui servent à se mainte
nir. Les haches qui faisaient voler en
morceaux les portes des anciens pa
lais, le défendent. Les vieux conspira
teurs le protègent. Les faiseurs de bar
ricades sont ses gardes du corps. Il en
est des principes comme des person
nes : lui qui est l'autorité, il sabre
avec rage le principe religieux duquel
toute autorité découle, et la magis
trature qui est la condition vitale des
Etats; il anéantit, dans la mesure de
ses forces, le principe du respect sans
lequel aucun gouvernement ne peut
durer; avec cela, il dure : c'est une
partie à qui perd gagne, dans laquelle,
jusqu'à présent, il a gagné.
Cette situation étrange a nécessaire
ment sa contre-partie. Si les uns, qui
renversaient tout autrefois, vivent au-
j ourd'hui des éléments de la destruction,
il faut bien qu'une interversion analo
gue se retrouve chez leurs adversaires.
Ceux-ci étaient autrefois conservateurs.
Par principe, par tempérament, par
intérêt, ils défendaient ce qui était at
taqué par les détenteurs actuels du
pouvoir. Aujourd'hui les rôles sont
changés, ce sont eux qui essayent de
renverser et de détruire. Les deux
Questions qui ressortent d'un tel état
e choses sont celles-ci : combien de
temps le régime destructeur aidera-t-
il le gouvernement actuel à vivre?
Dans combien de temps, ceux qui ont
passé leur vie à défendre les gouverne
ments menacés par la révolution, ren
verseront-ils à leur tour l'état de cho
ses établi par elle ?
Nous disons : dans combien de
temps ? parce qu'en effet il n'y a que
les dates qui fassent question. Le mala
de condamné par la faculté est moins
sûr de sa fin qu'un gouvernement
condamné par lui-même avant de l'être
par les autres. On ne vit pas long
temps de ce qui fait mourir, mais
?;uelquefois on en vit pendant un
emps donné. Ces sortes d'échéances
n'appartiennent qu'à Dieu ; il peut
d'ailleurs, en laissant tomber le petit
caillou qu'on sait, mettre nos prévi
sions et nos calculs au néant. Toute
fois il est permis à l'esprit de l'hom
me de pressentir les chances humai
nes. Aujourd'hui de toutes parts un
cri s'élève : Combien de temps cela
durera-t-il? La difficulté de la réponse
consiste dans la nouveauté de la si
tuation. Elle est nouvelle, en effet, si
non par le fond des choses, du moins
par la forme sous laquelle elle se pré
sente.
Ce n'est pas la première fois que
les hommes de destruction occu
pent le pouvoir, puisque déjà, à plu
sieurs reprises, la révolution a régné.
Ce phénomène s'est manifesté tantôt
sous les républiques les plus sangui
naires, tantôt sous les monarchies ré
volutionnaires les plus adoucies, mais
alors se produisait toujours et tout de
suite, un de ces (ïêtix résultats : ou la
violence et la spoliation éclataient àVëc
la force qui leur est propre, s'attaquant
à tout le monde, faisant litière dô ia
vie et de la propriété^ c'est-à-dire im
primant à la révolution son caractère
logique et sa conséquence inéluctable;
ou bien le gouvernement vainqueur
reniait son origine, se grimait en mo
narchie légitime, prenait le parti de
l'ordre matériel et de la loi, et affichait
même, daris uiie cërtaine iftesUre, le
respect de la loi divine. Le premier cas
fut celui de Robespierre, le second ce
lui de Louis-Philippe. Le dictateur, à
force de tuer, mourut vite. Les violents
meurent dans une convulsion, la cause
en est bien simple. Ce qui fait vivre les
gouvernements sans moralité, c'est
l'indifférence publique, c'est l'inertie
des masses flottantes. Quand il faut dé
fendre, à bref délai, sa vie et ses biens,
les plus engourdis sont arrachés à leur
paresse comme à leurs illusions, il
faut se défendre ou mourir : la ques
tion ainsi posée, la solution ne se fait
pas attendre. Le 9 thermidor est pro
che.
Quant aux gouvernements révolu- 1
tionnaires, monarchiques ou républi
cains, qui, une fois établis, se réfugient
dans le principe d'autorité qu'ils ont
autrefois battu en brèche et tâchent
de faire revivre à leur profit toutes
les institution^ qu'ils ont combattues
pendant qu'ils aspiraient au pouvoir,
ceux-là, sans être très solides, durent
beaucoup plus longtemps. Il suffit du
simulacre de l'honnête et du vrai pour
les faire vivre. Toutefois leur situation
fausse se trahit tôt ou tard. Ecartelés
entre leur origine révolutionnaire et
leurs tendances conservatrices, ils fi
nissent, en voulant tout concilier, par
s'aliéner tout le monde, et au jour du
choc n'ont que des ennemis devant
eux. Ainsi est-il arrivé le 28 février
1848.
Ces deux espèces de gouvernements
révolutionnaires étaient les seuls qui
fussent connus jusqu'à nos jours. Le
propre du gouvernement actuel est de
ne ressembler ni aux uns ni aux
autres. Loin d'affecter le respect des
principes, il en fait ostensiblement li
tière ; mais, bien qu'il se soit déjà es
sayé à la confiscation, par expro
priation violente, des corporations re
ligieuses, il n'ose pas encore étendre
à tous l'application du principe posé
et il n'en est point arrivé non plus à
l'échafaud. Il se contente d'admirer en
théorie les hommes de sang qui pré
sidèrent aux époques terribles ; mais
il ne les imite pas jusqu'au bout
dans leurs actes. Il ne fait qu'un
éloge platonique de Danton.
Les foules stupides, indifférentes à
tout sentiment moral, sensibles seule
ment à l'intérêt personnel, ne trouvent
pas que cet intérêt soit suffisamment
menacé. Le péril du lendemain, quel
que évident qu'il soit, n'existe pas pour
ce public. Il faut, pour qu'il le sente,
que le danger soit immédiat. Il compte
pour rien tout ce qui n'est pas actuel :
il faut que les collecteurs de la répu
blique qui se prépare entrent chez eux,
les taxent à des taux inconnus et se
fassent payer sur l'heure. Il faut en
core que tout désaccord avec le gou
vernement se paye de la liberté, ou de
la vie, ou de la confiscation des biens.
Pour en arriver là, il faut des lois ré
pressives nouvelles et un système fi
nancier nouveau.
La République n'a pas encore fait
ces lois, C'est pour cela qu'elle dure.
Mais il lui est impossible de ne pas les
fa're, et alors elle mourra, si la misé
ricorde divine n'y met pas un terme
avant ces nouvelles épreuves.
Jusqu'à présent, elle a eu. l'habileté,
en s'attaquant à la religion, à la mo
rale publique, à l'autorité et au res
pect, de ne pas vider les bourses et, à
part les congrégations religieuses, de
ne pas inquiéter les gens chez eux.
Sauf les fameux décrets, qui étaient
morts et qu'elle a déclarés vivants,
elle & appliqué les anciennes lois con
servatrices à ses besoins détestables,
elle a maintenu l'organisation finan
cière, administrative et judiciaire : elle
ÛC & feulement modifié le personnel;
elle a rempli ces ;^stitutions, dans la
mesure du possible,, de ses cr? a '' ures >
les cadres restent les iriêmes^ les ma
chines fonctionnent comme par le
passé, seulement elles tournent de
droite à gauche au lieu de tourner de
gauche à droite. Ce mouvement im
porte peu à la masse du public : il lui
suffit que les formés générales soient
les mêmes ; cette similitude apparente
du présent avec le passé donne à tout
ce que fait la République de malhon
nête et d'impie, un air de légalité qui
en impose aux imbéciles et leur fait
croire que rien n'est changé, qu'il n'y
a que les jésuites de moins. C'est un
trompe-l'œil — il y a autre chose —
ils auront bientôt de bonnes raisons
pour le savoir.
Un gouvernement franchement ré
volutionnaire comme le nôtre ne s'ap
puie que sur la négation et sur la pas
sion. Jusqu'à présent, il s'est donné
tout entier à la négation : saper et dé
truire. Mais le mot d'ordre est usé. 11
en faut un autre. La négation, c'est le
vide. Nul n'existe dans le vide et ne
s'en contente, pas même la révolution.
A peine le vide fait, il faut que quelque
chose se précipite et le remplisse. Qui
le remplira? Ce sont les passions. C'est
la soif de l'or, ce sont toutes les sen
sualités. C'est le besoin de jouir. Pour
quoi donc les révolutions se font-elles,
si ce n'est pour assouvir ces passions-
là ? A part les quelques repus dont le
nom est sur toutes les lèvres, nul n'est
assouvi, au contraire. Le sort des mul
titudes d'en bas n'a pas changé. Elles
sont cependant la force matérielle, et
leur impatiënce augmente. Pour la ra
lentir, on leur a jeté successivement la
religion, l'autorité, la justice et toutes
les saines libertés à dévorer. Mais tous
ces os sans chair n'ont fait qn'irriter
leur appétit. La négation ne nourrit
pas : quand la populace accomplit une
révolution, le gouvernement qui en
sort contracte une dette :
11 est une lettre de change [mange ;
Quetire l'homme à jeun sur l'homme heureux qui
Elle est au point d'écheoir : escomptez-la; l'huissier
Qui doit la présenter a le geste grossier.
Ces vers d'un poète de la Révolution
sont toujours vrais. Jamais peut-être
ils ne Font été autant qu'aujourd'hui.
Comment faire ? Payer est impossible,
à moins de donner aux uns ce qui
appartient aux autres. Or, comme nous
le disions tout, à l'heure, user de ce
moyen connu, c'est réveiller brusque
ment la bourgeoisie qui dort, et par
suite c'est mourir : faire banqueroute ?
ou simplement attendre et tergiver
ser ? Ce n'est pas possible. Le crédit
est épuisé. Le créancier presse le débi
teur. Le dernier os à ronger fut le
décret de messidor. On sent que si
l'amnistie plénière vaut encore à ceux
qui l'ont faite quelques semaines de
répit, ce sera tout. Lisez tous les jour
naux dont se nourrit le monde aux
bras nus: Ce ne sont plus des ré
clamations, ce sont des menaces : elles
s'accentuent de jour en jour, d'heure
en heure. La légalité rouge va de gré
ou de force devenir violence par né
cessité de payer ses dettes. Alors tout
sera dit.
•Voilà où en sont les destructeurs :
encore souverains, mais pour peu
de de temps. Quant aux conserva
teurs d'autrefois, aujourd'hui sur la
brèche, leur assaut est de plus en plus
pressant; leur appel est de plus en
plus écouté : chaque indignité de
leurs adversaires est devenue pour eux
une force. Comme pendant les batail
les qui décident du sort des nations,
les femmes et les enfants aident les
hommes par la prière. Ceux-ci par
leurs actes, par leurs discours, par
leurs écrits, par les sacrifices d'argent
répétés, soutiennent avec un redouble
ment de courage, la lutte implacable.
Tous les indifférents dont le cœur n'é
tait pas pétrifié commencent à sentir
et à comprendre. Chaque conférence
accentue les bons symptômes. Les par
quets démissionnaires ont inauguré
cette ère nouvelle. La vie et la sève
circulent dans l'air, et il suffit que la
France veuille vivre pour que tous
les germes de mort collés à ses flancs
commr? 1es champignons vénéneux au
tronc d'un chêne se dessèchent
et tombent.
La République française disait hier
que le ministre de la justice "n'avait
été nullement surpris par « l'émeute
de robins » qui a éloigné des par
quets tant de magistrats honorables, et
qu'il les avait tout de suite remplacés
par des magistrats bien mieux ins
truits et plus méritants.
Parmi ces nouveaux magistrats dont
la capacité hors ligne fait pâmer d'ad
miration la République française , le Sa
lut public de Lyon nous fait connaître
M. Bulot, substitut, lequel ayant à re
quérir dans une affaire de police cor
rectionnelle, invoquait l'ancien article
414 du Gode pénal, qui prononçait^ la
double peine de la prison et de l'a
mende pour tout fait de coalition ayant
pour but d'empêcher le travail, alors
même que le prévenu n'avait proféré
aucune menace.
Or, dit le Salut public, il est bofl de sa
voir que cet article 414 du Code pénal a été
modifié par la loi du 25 mai 1864, dite loi
sur les coalitions et qui exige, pour l'appli
cation de la peine, l'emploi, de la p'art des
accusés, de manœuvres frauduleuses, d'in
jures ou de menaces.
Tout le monde, magistrats, avocats et
public, se regarda donc d'un air stupéfait
en entendant M. le substitut Bulot réclamer
l'application d'une loi abrogée depuis seize
ans, et brandissant, pour appuyer son dire,
un Code dans- lequel il prenait le texte de
son argumentation, sans s'apercevoir que le
volume antique était Antérieur à la loi qu'il
pouvait invoquer et qu'il se servait d'un ar
ticle qui n'était plus existant.
Un geste du président fit comprendre au
jeune magistrat qu'il s'engageait dans un
marécage d'où il pourrait difficilement sor
tir, et après une vivo réplique de l'avocat,
plus ferré que son adversaire sur les modi
fications subies par nos Codes, l'accusé l'ut
acquitté séance tenante.
Ce qu'il y a de plaisant, c'est que le
Moniteur judiciaire ayant relevé la
chose, a reçu du procureur de la Ré
publique une lettre par laquelle il
cherchait à établir que, de la part de
son substitut, il y avait eu non igno
rance, mais erreur momentanée, due
à ce qu'il n'avait sous la main qu'un
ancien code. Sur quoi, le Salut public
dit malicieusement :
11 est évidemment très louable à M. le
procureur de la République do prendre
ainsi la défense de son subordonné ; mais
les faits que nous avons, rapportés plus haut
ont été absolument publics, ot le substitut,
qui n'était, après tout, coupable que d'un
manque de mémoire, bien concevable chez
un magistrat aussi nouvellement promu,
trouvera peut-être que son chef hiérarchi
que, en venant à son aide, a donné plus de
publicité qu'il ne l'eût désiré à un incident
destiné, sans cette intervention, à passer
certainement inaperçu.
Pauvre M. Bulot! Il est vrai que,
pour se consoler, il a l'estime des gens
de la République française.
Nous donnons aux Tribunaux le ju
gement du tribunal d'Agen dans l'af
faire des PP. carmes. Ce jugement
fait pleine justice des odieuses calom
nies de la presse républicaine. Nous
verrons si les journaux» qui se sont
faits les échos des calomnies, feront
connaître la réponse.
L'Yonne nous apprend que diman
che, à la fin d'un banquet donné à
Migé pour l'inauguration d'écoles de
garçons et d'adultes, Bert, dé
puté, a porté le toast suivant ;
Je bois aux jésuites !
D'abord parce que l'application des dé
crets qui les a chassés de la terre de Frange
a provoqué, au sein de la magistrature de
bout, par des démissions nombreuses, une
épuration qu'il eût fallu attendre longtemps
d'un coup de balai ministériel.
D'autre part, parce que, au milieu de lu
disparition des partis monarchiqu.es, l'opi
nion publique s'est divisée en deiix_ cou
rants nattement tranchés : le courant jésui
tique ot le courant anti-jésuitique ou répu
blicain.
C'est-à-dire que la situation politique de
la franco est maintenant claire et nette, et
que dorénavant le Lorrain électoral, déblayé
de tout le l^.sto, ne porto plus^ue ces deux
enseignes: . .. -,
Drapeau blanc, ou drapeau des jésuites ;
Drapeau tricolore, ou drapeau do la
France et de la république.
Dans ce toast on a un bel exemple
du bon goût, de la distinction et de
l'esprit de M. Paul Bert. Ce pleutre,
toutefois, dit peut-être plus vrai qu'il
ne pense lorsqu'il signale les effets
produits par la persécution contre les
jésuites. Poussée à bout, la politique
'inaugurée ainsi par le gouvernement
aura incontestablement pour résultat
de réunir contre lui tous ceux qui,
soucieux du respect de la religion et
de la liberté des pères de famille, se
révoltent contre l'outrage qui leur est
fait par des actes iniques. M. _ Paul
Bert s'en applaudit et, chose curieuse,
nous ne nous en applaudissons pas
moins, car cette séparation une fois
bien faite, on ne tardera pas à voir
ce que durent les gouvernements qui
visent à réunir ainsi contre eux tous
les honnêtes gens.
Nous lisons dans la Semaine Reli
gieuse d'Autun :
La fête do la remise du drapeau au 29 e
d'infanterie, qui a eu lieu dimanche dernier
sur la promenade des Marbres à Autun, a
été présidée par Mgr Perraud. Sa Gran
deur était accompagnée de quelques-uns
des membres du chapitro de la cathédrale
et do plusieurs autres ecclésiastiques do la
ville.
On lit dans le Français :
G g n'est pas seulement dans les corps
judiciaires que l'on signale dos avance
ments tout à fait scandaleux ; le ministère
des finances voit les règles de l'avancement
hiérarchique complètement méconnues ;
trois places viennent d'être créées pour trois
sons-directeurs du personnel; une de ces
places a été donnée à un employé qui, il
n 'v a que six mois, était sous-chet, et qui,
après avoir obtenu la décoration le 14 juil
let, vient d'être nommé brusquement sous-
directeur." 11 y a dans tout cela de quoi dégoû
ter les bons serviteurs de l'administration
qui n'attendent que de leur travail leur
avancement, et qui so voient prétérer des
personnages dont le seul titre est le républi
canisme plus ou moins sincère.
Le Père Duchène dit leur fait assez
vertement aux opportunistes. Voici un
acte d'accusation en règle :
Le parti gouvernemental, c'est-à-dire le
parti opportuniste, est odieux et inique. 11
suffit aujourd'hui d'avoir aeheté une livre
de pruneaux, un vase utile ou une assiette
da mélasse au père de M. Gambetta, pour
so faire distribuer des préfectures, des
sous-préfectures, des recettes particulières
ou générales, pour entrer dans la police,
pour toucher à la caisse des fonds secrets,
pour recevoir une mission extraordinaire ;
bref, pour être marqué au front et à l'é
paule de l'estampille du parfait laquais, du
véritable maître Jacques.
Ce n'est pas parce qù'il est républicain
que M. Charles Quentin a été élevé au
poste de directeur de l'Assistance publique:
non, c'est, parce qu'il est une créature de
M. Gambetta.
Ce n'est pas parce qu'il est républicain
que M. Constans a été poussé au ministère
de l'intérieur : non, c'est parce qu'il est une
créature de M. Gambetta.
Ce n'est pas parce qu'il est républicai
FEUILLETON DE h'UNIVERS
DU 2 AOUT 1880
LETTRES HISTORIQUES
i
ET SOCIALES
L
UNE GRANDE ÉCOLE SOCIALE
m. le play et le syllabus
Les ouvriers européens. — La Méthode d'observa
tion, par M. F. Le Play. — Du Rôle social des
idées chrétiennes, suivi d'un exposé critique des
doctrines sociales de M. Le Play, par Paul Ri-
bot. — Le Problème de la France contempo
raine, par M. F. Lorrain.—Parallèle entre M. Le
Play et M. Blanc de Saint-Bonnet.
I
Lorsque des hommes différents par l'ori
gine, par l'éducation, par la méthode phi
losophique, scientifique ou sociale, abou
tissent à la même doctrine, leurs conclu
sions méritent le plus haut degré de con
fiance.
Tel est le phénomène que présentent et
que constatent les diyers ouvrages dont je
viens d'écrire les titres en tête de cet ar
ticle.
Au milieu des incertitudes, des boulever
sements de notre époque, ils offrentle spec
tacle d'un accord aussi admirable qu'im
prévu.
L'enseignement de l'Eglise, représenté
dans sa forme la plus élevée, le Syllabus et
l' Encyclique de 1864 ; la philosophie spiri-
tualiste et catholique représentée par un
de ses interprètes éminents, M. Blanc de
Saint-Bonnet ; enfin la science sociale expé
rimentale représentée par son illustre créa
teur, M. F. Le Play, arrivent sur les points
essentiels de la réforme sociale à des con
clusions identiques.
On voit immédiatement l'incontestable
avantage d'un pareil l'ait.
Depuis longtemps, nous discutons sans
grand profit sur les questions qui nous di
visent ; il y aurait peut-être plus d'utilité à
établir celles sur lesquelles sont d'accord
les esprits les plus éminents et les plus sa
ges ; nous aurions ainsi, en procédant du
connu à l'inconnu, plus de chances d'arriver
à des résultats féconds.
La conformité de la doctrine de M. Blanc
de Saint-Bonnet avec celle de l'Eglise est
trop connue pour qu'il soit nécessaire d'y
insister.
Nous allons faire la comparaison pour
M. Le Play, dont la méthode n'est pas
doctrinale, mais expérimentale, ce qui per
mettra de mieux apprécier la certitude qui
résulte de l'identité des conclusions.
II
« Ils osent enseigner que la perfection du
gouvernement et le progrès civil déman
dent impérieusement que la société hu
maine soit constituée et gouvernée sans
plus tenir compte de la religion que si elle
n'existait pas. » Ainsi s'exprime l'Eglise.
En même temps, le Syllabus condamne
la doctrine qui voudrait subordonner l'E
glise à l'Etat, ou séparer l'Eglise de l'Etat,
c'est-à-dire créer l'indifférence de l'Etat
pour l'Eglise.
Ecoutons maintenant M. Le Play sur ce
point important : ^
« L'étude méthodique des sociétés euro
péennes, dit-il, m'a appris que le bonheur
individuel et la prospérité publique y sont
en proportion de l'énergie et de la pureté
des convictions religieuses. Je ne crains pas
d'affirmer que tout observateur qui recom-
cera cette étude selon les règles de la mé
thode, c'est-à-diro avec un esprit dégagé
de toutes idées préconçues, sera conduit
par l'évidence des faits à la même conclu
sion (1). »
M. Le Play aborde ensuite les trois ob
jections des sceptiques contre cette vérité.
Ces objections sont les suivantes : 1° les
peuples les plus prospères sont ceux qui
renoncent le plus à la pratique de leur
culte ; 2° la science rejette les faits surnatu
rels, base de la religion; 3° l'histoire mon
tre que la perte de la foi coïncide avec les
(1) Réforme sociale, 1.1, p. 105, 8 e édit.
progrès de l'esprit humain.
Examinant l'une après l'autre ces trois
erreurs, M. Le Play les réfute par une dé
monstration magistrale, et en s'appuyant
uniquement, suivant sa méthode, sur les
faits observés dans le présent et dans le
passé. « S'il était possible, écrit-il ensuite,
de réunir dans le lieu le plus favorisé du
globe, une société exclusivement composée
de sceptiques, celle-ci, par son abominable
dégradation fournirait, aux autres peuples
une leçon salutaire (2).
Après avoir fait remarquer les inconvé
nients de la séparation de l'Eglise et de
l'Etat, telle qu'elle existe aux Etats-Unis, et
ceux de l'absorption de l'Eglise par l'Etat,
observés en Angleterre et en Russie, M. Le
Play conclut à l'union et à la distinction des
deux pouvoirs. « En fait, ajoute-tril,r«wî'on
spontanée de la religion et de l'Etat, condi
tion première de la paix sociale, est SUr-
tout assurée par l'entente direete du prêtre
et des chefs -de famille pénétrés du senti
ment de leurs devoirs. » C'est ainsi que, sur
ce point capital, M. Le Play se rencontre
avec le Syllabus.
III
Au sujet de la liberté de conscience et
des cultes, l'accord n'est pas moins remar
quable. « Il est faux, dit l'Eglise, que la li
berté de conscience et des cultes soit un
droit propre à chaque homme, qui doive
(2) Ibid.,]). 188.
être proclamé dans tout Etat bien con
stitué. »
Pour bien comprendre la doctrine de
l'Eglise sur la question de la tolérance, il
faut se rappeler la distinction établie entre
la thèse et l'hypothèse par les grands doc
teurs catholiques.
En thèse, disent-ils, on ne doit tolérer
que la religion véritable; mais en hypothèse,
c'est-à-dire lorsque, par le malheur des
temps, des schismes se sont introduits dans
un Etat, il devient quelquefois nécessaire
de tolérer plusieurs religions et plusieurs
cultes, pour éviter un plus grand mal.
Ouvrons maintenant la Réforme sociale.
« Certains écrivains, dit M. Le Play, tout
en apercevant les conséquences funestes
de l'irréligion, sont trop portés à faire fond
sur le développement donné cheznous à la liberté
religieuse. L'octroi de cette liberté a été un
acte méritoire de la part des croyants, qui
faisaient violence à leurs convictions pour
rendre la paix à la patrie. Mais on ne sau
rait en faire honneur à des gouvernants
imbus de scepticisme. La tolérance est une
sorte d'étai, qui devient nécessaire à l'édifica
religieux lorsqu'il a subi certains ébranle
ments ; mais les croyances en sont la base
éternelle. Quand elle est alliée à la foi, elle
rend celle-ci plus ferme ; tandis qu'elle de
vient une sorte de dérision quand la foi fait
défaut. »
Précisant mieux sa pensée, il ajou
te dans un autre passage : La tolérance est
un écart des voies du bien ; elle ne peut donc
être recommandée d'une manière absolue com
me un principe; mais elle est opportune et
utile quand la dose du mal que l'on tolère
est inférieure à celle qui naîtrait de la ré
pression (3).
Et ailleurs : « Ceux qui érigent la tolé
rance en un principe absolu poussent les
peuples sur une pente dangereuse. La tolé
rance n'est point un principe, c'est un expé
dient qui est commandé par certaines mani
festations du mal, mais qui réussit seule
ment quand celles-ci sont énergiquement
combattues par une majorité soumise à la
lei morale (4). »
M. Le Play-donne ensuite un exemple :
« Au Paraguay et au Mexique, dit-il, les jé
suites ont obtenu de merveilleux résultats,
en s'appuyant à la fois sur l'intolérance du
mal et sur l'amour des populations. Leur
œuvre de gouvernement est une de celles
qui honorent le plus l'humanité (5) ».
Dans une conversation que nous avions
avec lui sur ce sujet, il nous dit textuelle
ment : « Il y a trois degrés en fait de tolé
rance : 1° l'intolérance du mal, qui est l'i
déal (voilà la thèse selon l'Eglise), 3°la tolé
rance du mal, qui devient un mal nécessaire
lorsque la foi diminue et que le nombre des
dtssidents augmente (c'est l'hypothèse);
3° enfin l'intolérance du bien, c'est le signe
des grandes décadences sociales. »
Il semble que l'Eglise pourrait inscrire
dans ses actes cette définition sans y pres-
(3) Ileforme sociale, t. III, p. 30-i.
(4) Ibid., p. 3if.
$ Ibid., p.296.
Lundi % Août 1880
N* 4Ô61 — Édition quotidienne.
PARIS
Un ail. 55 £r. »
Six mois. 28 50
Trois mois 15 »
Un Numéro, à Paris. . ' . . . 15 cent.
— DépartemçiïtST' 20 —
BUREAÙX
Paris, 10, Rue deà Saints-Pères.
On s'abonne, à Borne, ^place du Gesùj
:
Lundi 2 Août îâ^O
* ' DÉPARTEMENTS
Un an. . . 55 fr.»
Six mois , • 28 50
Trois mois 45 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six-mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVlîlis ne ripond pae des manuscrits qui lui sont adressés
AiT.N ONCES
MM. Cli. 'LAGRANGS, CEËÎf $ «»' P laoe ^
FRANGE
PARIS, 1 er AOUT 1880
Une note du National que nous pu
blions plus loin déclare que le gou
vernement a définitivement renoncé
à l'envoi d'une mission militaire en
Grèce. C'est une sage mesure, mais
qui vient un peu tard, après que les
bruits contraires ont alarmé tant d'in
térêts. Faut-il espérer que cet échec de
ses caprices belliqueux servira pour
l'avenir à l'enseignement de M. Gam-
betta? Pour le présent, les mauvaises
nouvelles venues de l'Afhganistan et
la résistance de la Turquie parais
sent avoir obtenu un autre effet. On
annonce, en effet, que l'idée de la dé
monstration navale projetée par les
puissances serait abandonnée, ou tout
au moins ajournée.
Nous résumions hier et nous don
nons aujourd'hui le texte de la courte
allocution prononcée par le général
de Mantèuffel à l'ouverture du conseil
d'Etat d'Alsace-Lorraine. S'il faut s'en
rapporter à ce discours, les conseillers
d'Âlsace-Lorraine n'auraient qu'à s'oc
cuper d'affaires, et non de politique.
Ajoutons que le règlement de ses déli
bérations, s'il est observé, n'est pas de
nature à développer beaucoup le par
lementarisme. En effet, l'article 2 dis
pose que les membres du conseil d'E
tat jurent de garderie secret sur tou
tes les délibérations et les affaires qui
le concernent.
l'exception des journaux officieux
du premier degré, les journaux répu
blicains éprouvent eux-mêmes quel
que honte à défendre la circulaire Ca-
zot relative aux décrets du 29 mars ;
il est superflu de constater qu'elle est
flétrie au contraire par l'unanimité de
tous les journaux conservateurs, qui la
dénoncent comme un véritable atten
tat contre la justice et comme une
ignominie.
Le Temps et la République française
font grand éloge d'un discours que
vient de prononcer M. Léon Say, da ns
une réunion agricole tenue aux envi-
ronsde Melun.Dans cediscoursM. Léon
^ Say,qui est un fervent libre -échangiste,
n'a pas pu nier ies souffrances de l'a
griculture, mais il s'est attaché à en
rechercher les causes dans des expli
cations qui pussent cadre? avec ses
idées économiques. Il s'imagine, par
exemple, que, pour combattre l'inva
sion des produits américains, il suffira
de faciliter de plus en plus les moyens
de transport.
M. Léon Say a été mieux inspiré
lorsqu'il a proposé de s'attaquer « à
l'impôt foncier, qui frappe la terre
d'une sorte de dîme et diminue sa va
leur d'une manière factice, tout en re
haussant d'autant le prix des ferma
ges ». Mais pourquoi, de cette mesure
toute fiscale, M. Léon Say veut-il
faire une mesure politique, en disant
qu'elle concorde avec la nature du
gouvernement de la République, vu que
1a République est « la nation elle-mê-
, me, dont les intérêts, dégagés de tou
te préoccupation de personne et de
dynastie, se confondent avec ceux du
pays » ? On ne s'attendait guère à voir
la République en cette affaire.
L'ordre au jour de l'amiral Jauré-
guiberry, louant la belle attitude des
marins de Cherbourg le 25 juillet, n'é
tait pas fait pour plaire aux radicaux,
Par le fait, ils enragent, et c'est dans
leurs colonnes un toile d'imprécations
contre le ministre de la marine. Quel
ques-uns s'étonnent qu'il n'ait pas
donné sa démission, d'autres qu'on ne
la lui ait pas imposée. Dans ces condi
tions le voyage à Cherbourg promet
d'offrir quelque intérêt.
Une dépêche d'Azpeitia (Espagne)
nous dit qu'hier, au monastère de
Loyola, la foule était grande à la céré
monie célébrée en l'honneur de saint
Ignace, peu? Mgr l'archevêque de Sé-
Ce n'est pas sans émotion qu'on
y signalait un certain nombre de jé
suites français venus en Espagne à la
suite des décrets. En France, pour la
première fois depuis bien des années,
les jésuites n'ont pu célébrer la fête
de leur saint fondateur dans leurs cha
pelles mises sous scellés. Mais les pieux
fidèles se sont dédommagés en se por
tant en foule dans les autres chapelles
et dans les églises où se célébrait la
fête. Partout où le panégyrique était
prêché par un jésuite, l'affluence était
plus considérable encore. C'est ce que
nous avons pu constater à Paris. De
province, nous recevons également
les détails les plus touchants sur ces
émouvantes manifestations.
Le gouvernement que nous avons
possède une vitalité d'une nature toute
spéciale, à laquelle il doit de durer en
core. Ce qui constitue sa raison d'être
et sa force de résistance, c'est de s'ap
puyer sur les éléments qui tuaient les
autres gouvernements. Né de la des
truction, il se soutient avec les prin
cipes de la destruction. Il a la pro
priété de se nourrir de poisons, comme
Mithridate. Tous les germes de disso
lution réunis lui servent à se mainte
nir. Les haches qui faisaient voler en
morceaux les portes des anciens pa
lais, le défendent. Les vieux conspira
teurs le protègent. Les faiseurs de bar
ricades sont ses gardes du corps. Il en
est des principes comme des person
nes : lui qui est l'autorité, il sabre
avec rage le principe religieux duquel
toute autorité découle, et la magis
trature qui est la condition vitale des
Etats; il anéantit, dans la mesure de
ses forces, le principe du respect sans
lequel aucun gouvernement ne peut
durer; avec cela, il dure : c'est une
partie à qui perd gagne, dans laquelle,
jusqu'à présent, il a gagné.
Cette situation étrange a nécessaire
ment sa contre-partie. Si les uns, qui
renversaient tout autrefois, vivent au-
j ourd'hui des éléments de la destruction,
il faut bien qu'une interversion analo
gue se retrouve chez leurs adversaires.
Ceux-ci étaient autrefois conservateurs.
Par principe, par tempérament, par
intérêt, ils défendaient ce qui était at
taqué par les détenteurs actuels du
pouvoir. Aujourd'hui les rôles sont
changés, ce sont eux qui essayent de
renverser et de détruire. Les deux
Questions qui ressortent d'un tel état
e choses sont celles-ci : combien de
temps le régime destructeur aidera-t-
il le gouvernement actuel à vivre?
Dans combien de temps, ceux qui ont
passé leur vie à défendre les gouverne
ments menacés par la révolution, ren
verseront-ils à leur tour l'état de cho
ses établi par elle ?
Nous disons : dans combien de
temps ? parce qu'en effet il n'y a que
les dates qui fassent question. Le mala
de condamné par la faculté est moins
sûr de sa fin qu'un gouvernement
condamné par lui-même avant de l'être
par les autres. On ne vit pas long
temps de ce qui fait mourir, mais
?;uelquefois on en vit pendant un
emps donné. Ces sortes d'échéances
n'appartiennent qu'à Dieu ; il peut
d'ailleurs, en laissant tomber le petit
caillou qu'on sait, mettre nos prévi
sions et nos calculs au néant. Toute
fois il est permis à l'esprit de l'hom
me de pressentir les chances humai
nes. Aujourd'hui de toutes parts un
cri s'élève : Combien de temps cela
durera-t-il? La difficulté de la réponse
consiste dans la nouveauté de la si
tuation. Elle est nouvelle, en effet, si
non par le fond des choses, du moins
par la forme sous laquelle elle se pré
sente.
Ce n'est pas la première fois que
les hommes de destruction occu
pent le pouvoir, puisque déjà, à plu
sieurs reprises, la révolution a régné.
Ce phénomène s'est manifesté tantôt
sous les républiques les plus sangui
naires, tantôt sous les monarchies ré
volutionnaires les plus adoucies, mais
alors se produisait toujours et tout de
suite, un de ces (ïêtix résultats : ou la
violence et la spoliation éclataient àVëc
la force qui leur est propre, s'attaquant
à tout le monde, faisant litière dô ia
vie et de la propriété^ c'est-à-dire im
primant à la révolution son caractère
logique et sa conséquence inéluctable;
ou bien le gouvernement vainqueur
reniait son origine, se grimait en mo
narchie légitime, prenait le parti de
l'ordre matériel et de la loi, et affichait
même, daris uiie cërtaine iftesUre, le
respect de la loi divine. Le premier cas
fut celui de Robespierre, le second ce
lui de Louis-Philippe. Le dictateur, à
force de tuer, mourut vite. Les violents
meurent dans une convulsion, la cause
en est bien simple. Ce qui fait vivre les
gouvernements sans moralité, c'est
l'indifférence publique, c'est l'inertie
des masses flottantes. Quand il faut dé
fendre, à bref délai, sa vie et ses biens,
les plus engourdis sont arrachés à leur
paresse comme à leurs illusions, il
faut se défendre ou mourir : la ques
tion ainsi posée, la solution ne se fait
pas attendre. Le 9 thermidor est pro
che.
Quant aux gouvernements révolu- 1
tionnaires, monarchiques ou républi
cains, qui, une fois établis, se réfugient
dans le principe d'autorité qu'ils ont
autrefois battu en brèche et tâchent
de faire revivre à leur profit toutes
les institution^ qu'ils ont combattues
pendant qu'ils aspiraient au pouvoir,
ceux-là, sans être très solides, durent
beaucoup plus longtemps. Il suffit du
simulacre de l'honnête et du vrai pour
les faire vivre. Toutefois leur situation
fausse se trahit tôt ou tard. Ecartelés
entre leur origine révolutionnaire et
leurs tendances conservatrices, ils fi
nissent, en voulant tout concilier, par
s'aliéner tout le monde, et au jour du
choc n'ont que des ennemis devant
eux. Ainsi est-il arrivé le 28 février
1848.
Ces deux espèces de gouvernements
révolutionnaires étaient les seuls qui
fussent connus jusqu'à nos jours. Le
propre du gouvernement actuel est de
ne ressembler ni aux uns ni aux
autres. Loin d'affecter le respect des
principes, il en fait ostensiblement li
tière ; mais, bien qu'il se soit déjà es
sayé à la confiscation, par expro
priation violente, des corporations re
ligieuses, il n'ose pas encore étendre
à tous l'application du principe posé
et il n'en est point arrivé non plus à
l'échafaud. Il se contente d'admirer en
théorie les hommes de sang qui pré
sidèrent aux époques terribles ; mais
il ne les imite pas jusqu'au bout
dans leurs actes. Il ne fait qu'un
éloge platonique de Danton.
Les foules stupides, indifférentes à
tout sentiment moral, sensibles seule
ment à l'intérêt personnel, ne trouvent
pas que cet intérêt soit suffisamment
menacé. Le péril du lendemain, quel
que évident qu'il soit, n'existe pas pour
ce public. Il faut, pour qu'il le sente,
que le danger soit immédiat. Il compte
pour rien tout ce qui n'est pas actuel :
il faut que les collecteurs de la répu
blique qui se prépare entrent chez eux,
les taxent à des taux inconnus et se
fassent payer sur l'heure. Il faut en
core que tout désaccord avec le gou
vernement se paye de la liberté, ou de
la vie, ou de la confiscation des biens.
Pour en arriver là, il faut des lois ré
pressives nouvelles et un système fi
nancier nouveau.
La République n'a pas encore fait
ces lois, C'est pour cela qu'elle dure.
Mais il lui est impossible de ne pas les
fa're, et alors elle mourra, si la misé
ricorde divine n'y met pas un terme
avant ces nouvelles épreuves.
Jusqu'à présent, elle a eu. l'habileté,
en s'attaquant à la religion, à la mo
rale publique, à l'autorité et au res
pect, de ne pas vider les bourses et, à
part les congrégations religieuses, de
ne pas inquiéter les gens chez eux.
Sauf les fameux décrets, qui étaient
morts et qu'elle a déclarés vivants,
elle & appliqué les anciennes lois con
servatrices à ses besoins détestables,
elle a maintenu l'organisation finan
cière, administrative et judiciaire : elle
ÛC & feulement modifié le personnel;
elle a rempli ces ;^stitutions, dans la
mesure du possible,, de ses cr? a '' ures >
les cadres restent les iriêmes^ les ma
chines fonctionnent comme par le
passé, seulement elles tournent de
droite à gauche au lieu de tourner de
gauche à droite. Ce mouvement im
porte peu à la masse du public : il lui
suffit que les formés générales soient
les mêmes ; cette similitude apparente
du présent avec le passé donne à tout
ce que fait la République de malhon
nête et d'impie, un air de légalité qui
en impose aux imbéciles et leur fait
croire que rien n'est changé, qu'il n'y
a que les jésuites de moins. C'est un
trompe-l'œil — il y a autre chose —
ils auront bientôt de bonnes raisons
pour le savoir.
Un gouvernement franchement ré
volutionnaire comme le nôtre ne s'ap
puie que sur la négation et sur la pas
sion. Jusqu'à présent, il s'est donné
tout entier à la négation : saper et dé
truire. Mais le mot d'ordre est usé. 11
en faut un autre. La négation, c'est le
vide. Nul n'existe dans le vide et ne
s'en contente, pas même la révolution.
A peine le vide fait, il faut que quelque
chose se précipite et le remplisse. Qui
le remplira? Ce sont les passions. C'est
la soif de l'or, ce sont toutes les sen
sualités. C'est le besoin de jouir. Pour
quoi donc les révolutions se font-elles,
si ce n'est pour assouvir ces passions-
là ? A part les quelques repus dont le
nom est sur toutes les lèvres, nul n'est
assouvi, au contraire. Le sort des mul
titudes d'en bas n'a pas changé. Elles
sont cependant la force matérielle, et
leur impatiënce augmente. Pour la ra
lentir, on leur a jeté successivement la
religion, l'autorité, la justice et toutes
les saines libertés à dévorer. Mais tous
ces os sans chair n'ont fait qn'irriter
leur appétit. La négation ne nourrit
pas : quand la populace accomplit une
révolution, le gouvernement qui en
sort contracte une dette :
11 est une lettre de change [mange ;
Quetire l'homme à jeun sur l'homme heureux qui
Elle est au point d'écheoir : escomptez-la; l'huissier
Qui doit la présenter a le geste grossier.
Ces vers d'un poète de la Révolution
sont toujours vrais. Jamais peut-être
ils ne Font été autant qu'aujourd'hui.
Comment faire ? Payer est impossible,
à moins de donner aux uns ce qui
appartient aux autres. Or, comme nous
le disions tout, à l'heure, user de ce
moyen connu, c'est réveiller brusque
ment la bourgeoisie qui dort, et par
suite c'est mourir : faire banqueroute ?
ou simplement attendre et tergiver
ser ? Ce n'est pas possible. Le crédit
est épuisé. Le créancier presse le débi
teur. Le dernier os à ronger fut le
décret de messidor. On sent que si
l'amnistie plénière vaut encore à ceux
qui l'ont faite quelques semaines de
répit, ce sera tout. Lisez tous les jour
naux dont se nourrit le monde aux
bras nus: Ce ne sont plus des ré
clamations, ce sont des menaces : elles
s'accentuent de jour en jour, d'heure
en heure. La légalité rouge va de gré
ou de force devenir violence par né
cessité de payer ses dettes. Alors tout
sera dit.
•Voilà où en sont les destructeurs :
encore souverains, mais pour peu
de de temps. Quant aux conserva
teurs d'autrefois, aujourd'hui sur la
brèche, leur assaut est de plus en plus
pressant; leur appel est de plus en
plus écouté : chaque indignité de
leurs adversaires est devenue pour eux
une force. Comme pendant les batail
les qui décident du sort des nations,
les femmes et les enfants aident les
hommes par la prière. Ceux-ci par
leurs actes, par leurs discours, par
leurs écrits, par les sacrifices d'argent
répétés, soutiennent avec un redouble
ment de courage, la lutte implacable.
Tous les indifférents dont le cœur n'é
tait pas pétrifié commencent à sentir
et à comprendre. Chaque conférence
accentue les bons symptômes. Les par
quets démissionnaires ont inauguré
cette ère nouvelle. La vie et la sève
circulent dans l'air, et il suffit que la
France veuille vivre pour que tous
les germes de mort collés à ses flancs
commr? 1es champignons vénéneux au
tronc d'un chêne se dessèchent
et tombent.
La République française disait hier
que le ministre de la justice "n'avait
été nullement surpris par « l'émeute
de robins » qui a éloigné des par
quets tant de magistrats honorables, et
qu'il les avait tout de suite remplacés
par des magistrats bien mieux ins
truits et plus méritants.
Parmi ces nouveaux magistrats dont
la capacité hors ligne fait pâmer d'ad
miration la République française , le Sa
lut public de Lyon nous fait connaître
M. Bulot, substitut, lequel ayant à re
quérir dans une affaire de police cor
rectionnelle, invoquait l'ancien article
414 du Gode pénal, qui prononçait^ la
double peine de la prison et de l'a
mende pour tout fait de coalition ayant
pour but d'empêcher le travail, alors
même que le prévenu n'avait proféré
aucune menace.
Or, dit le Salut public, il est bofl de sa
voir que cet article 414 du Code pénal a été
modifié par la loi du 25 mai 1864, dite loi
sur les coalitions et qui exige, pour l'appli
cation de la peine, l'emploi, de la p'art des
accusés, de manœuvres frauduleuses, d'in
jures ou de menaces.
Tout le monde, magistrats, avocats et
public, se regarda donc d'un air stupéfait
en entendant M. le substitut Bulot réclamer
l'application d'une loi abrogée depuis seize
ans, et brandissant, pour appuyer son dire,
un Code dans- lequel il prenait le texte de
son argumentation, sans s'apercevoir que le
volume antique était Antérieur à la loi qu'il
pouvait invoquer et qu'il se servait d'un ar
ticle qui n'était plus existant.
Un geste du président fit comprendre au
jeune magistrat qu'il s'engageait dans un
marécage d'où il pourrait difficilement sor
tir, et après une vivo réplique de l'avocat,
plus ferré que son adversaire sur les modi
fications subies par nos Codes, l'accusé l'ut
acquitté séance tenante.
Ce qu'il y a de plaisant, c'est que le
Moniteur judiciaire ayant relevé la
chose, a reçu du procureur de la Ré
publique une lettre par laquelle il
cherchait à établir que, de la part de
son substitut, il y avait eu non igno
rance, mais erreur momentanée, due
à ce qu'il n'avait sous la main qu'un
ancien code. Sur quoi, le Salut public
dit malicieusement :
11 est évidemment très louable à M. le
procureur de la République do prendre
ainsi la défense de son subordonné ; mais
les faits que nous avons, rapportés plus haut
ont été absolument publics, ot le substitut,
qui n'était, après tout, coupable que d'un
manque de mémoire, bien concevable chez
un magistrat aussi nouvellement promu,
trouvera peut-être que son chef hiérarchi
que, en venant à son aide, a donné plus de
publicité qu'il ne l'eût désiré à un incident
destiné, sans cette intervention, à passer
certainement inaperçu.
Pauvre M. Bulot! Il est vrai que,
pour se consoler, il a l'estime des gens
de la République française.
Nous donnons aux Tribunaux le ju
gement du tribunal d'Agen dans l'af
faire des PP. carmes. Ce jugement
fait pleine justice des odieuses calom
nies de la presse républicaine. Nous
verrons si les journaux» qui se sont
faits les échos des calomnies, feront
connaître la réponse.
L'Yonne nous apprend que diman
che, à la fin d'un banquet donné à
Migé pour l'inauguration d'écoles de
garçons et d'adultes, Bert, dé
puté, a porté le toast suivant ;
Je bois aux jésuites !
D'abord parce que l'application des dé
crets qui les a chassés de la terre de Frange
a provoqué, au sein de la magistrature de
bout, par des démissions nombreuses, une
épuration qu'il eût fallu attendre longtemps
d'un coup de balai ministériel.
D'autre part, parce que, au milieu de lu
disparition des partis monarchiqu.es, l'opi
nion publique s'est divisée en deiix_ cou
rants nattement tranchés : le courant jésui
tique ot le courant anti-jésuitique ou répu
blicain.
C'est-à-dire que la situation politique de
la franco est maintenant claire et nette, et
que dorénavant le Lorrain électoral, déblayé
de tout le l^.sto, ne porto plus^ue ces deux
enseignes: . .. -,
Drapeau blanc, ou drapeau des jésuites ;
Drapeau tricolore, ou drapeau do la
France et de la république.
Dans ce toast on a un bel exemple
du bon goût, de la distinction et de
l'esprit de M. Paul Bert. Ce pleutre,
toutefois, dit peut-être plus vrai qu'il
ne pense lorsqu'il signale les effets
produits par la persécution contre les
jésuites. Poussée à bout, la politique
'inaugurée ainsi par le gouvernement
aura incontestablement pour résultat
de réunir contre lui tous ceux qui,
soucieux du respect de la religion et
de la liberté des pères de famille, se
révoltent contre l'outrage qui leur est
fait par des actes iniques. M. _ Paul
Bert s'en applaudit et, chose curieuse,
nous ne nous en applaudissons pas
moins, car cette séparation une fois
bien faite, on ne tardera pas à voir
ce que durent les gouvernements qui
visent à réunir ainsi contre eux tous
les honnêtes gens.
Nous lisons dans la Semaine Reli
gieuse d'Autun :
La fête do la remise du drapeau au 29 e
d'infanterie, qui a eu lieu dimanche dernier
sur la promenade des Marbres à Autun, a
été présidée par Mgr Perraud. Sa Gran
deur était accompagnée de quelques-uns
des membres du chapitro de la cathédrale
et do plusieurs autres ecclésiastiques do la
ville.
On lit dans le Français :
G g n'est pas seulement dans les corps
judiciaires que l'on signale dos avance
ments tout à fait scandaleux ; le ministère
des finances voit les règles de l'avancement
hiérarchique complètement méconnues ;
trois places viennent d'être créées pour trois
sons-directeurs du personnel; une de ces
places a été donnée à un employé qui, il
n 'v a que six mois, était sous-chet, et qui,
après avoir obtenu la décoration le 14 juil
let, vient d'être nommé brusquement sous-
directeur." 11 y a dans tout cela de quoi dégoû
ter les bons serviteurs de l'administration
qui n'attendent que de leur travail leur
avancement, et qui so voient prétérer des
personnages dont le seul titre est le républi
canisme plus ou moins sincère.
Le Père Duchène dit leur fait assez
vertement aux opportunistes. Voici un
acte d'accusation en règle :
Le parti gouvernemental, c'est-à-dire le
parti opportuniste, est odieux et inique. 11
suffit aujourd'hui d'avoir aeheté une livre
de pruneaux, un vase utile ou une assiette
da mélasse au père de M. Gambetta, pour
so faire distribuer des préfectures, des
sous-préfectures, des recettes particulières
ou générales, pour entrer dans la police,
pour toucher à la caisse des fonds secrets,
pour recevoir une mission extraordinaire ;
bref, pour être marqué au front et à l'é
paule de l'estampille du parfait laquais, du
véritable maître Jacques.
Ce n'est pas parce qù'il est républicain
que M. Charles Quentin a été élevé au
poste de directeur de l'Assistance publique:
non, c'est, parce qu'il est une créature de
M. Gambetta.
Ce n'est pas parce qu'il est républicain
que M. Constans a été poussé au ministère
de l'intérieur : non, c'est parce qu'il est une
créature de M. Gambetta.
Ce n'est pas parce qu'il est républicai
FEUILLETON DE h'UNIVERS
DU 2 AOUT 1880
LETTRES HISTORIQUES
i
ET SOCIALES
L
UNE GRANDE ÉCOLE SOCIALE
m. le play et le syllabus
Les ouvriers européens. — La Méthode d'observa
tion, par M. F. Le Play. — Du Rôle social des
idées chrétiennes, suivi d'un exposé critique des
doctrines sociales de M. Le Play, par Paul Ri-
bot. — Le Problème de la France contempo
raine, par M. F. Lorrain.—Parallèle entre M. Le
Play et M. Blanc de Saint-Bonnet.
I
Lorsque des hommes différents par l'ori
gine, par l'éducation, par la méthode phi
losophique, scientifique ou sociale, abou
tissent à la même doctrine, leurs conclu
sions méritent le plus haut degré de con
fiance.
Tel est le phénomène que présentent et
que constatent les diyers ouvrages dont je
viens d'écrire les titres en tête de cet ar
ticle.
Au milieu des incertitudes, des boulever
sements de notre époque, ils offrentle spec
tacle d'un accord aussi admirable qu'im
prévu.
L'enseignement de l'Eglise, représenté
dans sa forme la plus élevée, le Syllabus et
l' Encyclique de 1864 ; la philosophie spiri-
tualiste et catholique représentée par un
de ses interprètes éminents, M. Blanc de
Saint-Bonnet ; enfin la science sociale expé
rimentale représentée par son illustre créa
teur, M. F. Le Play, arrivent sur les points
essentiels de la réforme sociale à des con
clusions identiques.
On voit immédiatement l'incontestable
avantage d'un pareil l'ait.
Depuis longtemps, nous discutons sans
grand profit sur les questions qui nous di
visent ; il y aurait peut-être plus d'utilité à
établir celles sur lesquelles sont d'accord
les esprits les plus éminents et les plus sa
ges ; nous aurions ainsi, en procédant du
connu à l'inconnu, plus de chances d'arriver
à des résultats féconds.
La conformité de la doctrine de M. Blanc
de Saint-Bonnet avec celle de l'Eglise est
trop connue pour qu'il soit nécessaire d'y
insister.
Nous allons faire la comparaison pour
M. Le Play, dont la méthode n'est pas
doctrinale, mais expérimentale, ce qui per
mettra de mieux apprécier la certitude qui
résulte de l'identité des conclusions.
II
« Ils osent enseigner que la perfection du
gouvernement et le progrès civil déman
dent impérieusement que la société hu
maine soit constituée et gouvernée sans
plus tenir compte de la religion que si elle
n'existait pas. » Ainsi s'exprime l'Eglise.
En même temps, le Syllabus condamne
la doctrine qui voudrait subordonner l'E
glise à l'Etat, ou séparer l'Eglise de l'Etat,
c'est-à-dire créer l'indifférence de l'Etat
pour l'Eglise.
Ecoutons maintenant M. Le Play sur ce
point important : ^
« L'étude méthodique des sociétés euro
péennes, dit-il, m'a appris que le bonheur
individuel et la prospérité publique y sont
en proportion de l'énergie et de la pureté
des convictions religieuses. Je ne crains pas
d'affirmer que tout observateur qui recom-
cera cette étude selon les règles de la mé
thode, c'est-à-diro avec un esprit dégagé
de toutes idées préconçues, sera conduit
par l'évidence des faits à la même conclu
sion (1). »
M. Le Play aborde ensuite les trois ob
jections des sceptiques contre cette vérité.
Ces objections sont les suivantes : 1° les
peuples les plus prospères sont ceux qui
renoncent le plus à la pratique de leur
culte ; 2° la science rejette les faits surnatu
rels, base de la religion; 3° l'histoire mon
tre que la perte de la foi coïncide avec les
(1) Réforme sociale, 1.1, p. 105, 8 e édit.
progrès de l'esprit humain.
Examinant l'une après l'autre ces trois
erreurs, M. Le Play les réfute par une dé
monstration magistrale, et en s'appuyant
uniquement, suivant sa méthode, sur les
faits observés dans le présent et dans le
passé. « S'il était possible, écrit-il ensuite,
de réunir dans le lieu le plus favorisé du
globe, une société exclusivement composée
de sceptiques, celle-ci, par son abominable
dégradation fournirait, aux autres peuples
une leçon salutaire (2).
Après avoir fait remarquer les inconvé
nients de la séparation de l'Eglise et de
l'Etat, telle qu'elle existe aux Etats-Unis, et
ceux de l'absorption de l'Eglise par l'Etat,
observés en Angleterre et en Russie, M. Le
Play conclut à l'union et à la distinction des
deux pouvoirs. « En fait, ajoute-tril,r«wî'on
spontanée de la religion et de l'Etat, condi
tion première de la paix sociale, est SUr-
tout assurée par l'entente direete du prêtre
et des chefs -de famille pénétrés du senti
ment de leurs devoirs. » C'est ainsi que, sur
ce point capital, M. Le Play se rencontre
avec le Syllabus.
III
Au sujet de la liberté de conscience et
des cultes, l'accord n'est pas moins remar
quable. « Il est faux, dit l'Eglise, que la li
berté de conscience et des cultes soit un
droit propre à chaque homme, qui doive
(2) Ibid.,]). 188.
être proclamé dans tout Etat bien con
stitué. »
Pour bien comprendre la doctrine de
l'Eglise sur la question de la tolérance, il
faut se rappeler la distinction établie entre
la thèse et l'hypothèse par les grands doc
teurs catholiques.
En thèse, disent-ils, on ne doit tolérer
que la religion véritable; mais en hypothèse,
c'est-à-dire lorsque, par le malheur des
temps, des schismes se sont introduits dans
un Etat, il devient quelquefois nécessaire
de tolérer plusieurs religions et plusieurs
cultes, pour éviter un plus grand mal.
Ouvrons maintenant la Réforme sociale.
« Certains écrivains, dit M. Le Play, tout
en apercevant les conséquences funestes
de l'irréligion, sont trop portés à faire fond
sur le développement donné cheznous à la liberté
religieuse. L'octroi de cette liberté a été un
acte méritoire de la part des croyants, qui
faisaient violence à leurs convictions pour
rendre la paix à la patrie. Mais on ne sau
rait en faire honneur à des gouvernants
imbus de scepticisme. La tolérance est une
sorte d'étai, qui devient nécessaire à l'édifica
religieux lorsqu'il a subi certains ébranle
ments ; mais les croyances en sont la base
éternelle. Quand elle est alliée à la foi, elle
rend celle-ci plus ferme ; tandis qu'elle de
vient une sorte de dérision quand la foi fait
défaut. »
Précisant mieux sa pensée, il ajou
te dans un autre passage : La tolérance est
un écart des voies du bien ; elle ne peut donc
être recommandée d'une manière absolue com
me un principe; mais elle est opportune et
utile quand la dose du mal que l'on tolère
est inférieure à celle qui naîtrait de la ré
pression (3).
Et ailleurs : « Ceux qui érigent la tolé
rance en un principe absolu poussent les
peuples sur une pente dangereuse. La tolé
rance n'est point un principe, c'est un expé
dient qui est commandé par certaines mani
festations du mal, mais qui réussit seule
ment quand celles-ci sont énergiquement
combattues par une majorité soumise à la
lei morale (4). »
M. Le Play-donne ensuite un exemple :
« Au Paraguay et au Mexique, dit-il, les jé
suites ont obtenu de merveilleux résultats,
en s'appuyant à la fois sur l'intolérance du
mal et sur l'amour des populations. Leur
œuvre de gouvernement est une de celles
qui honorent le plus l'humanité (5) ».
Dans une conversation que nous avions
avec lui sur ce sujet, il nous dit textuelle
ment : « Il y a trois degrés en fait de tolé
rance : 1° l'intolérance du mal, qui est l'i
déal (voilà la thèse selon l'Eglise), 3°la tolé
rance du mal, qui devient un mal nécessaire
lorsque la foi diminue et que le nombre des
dtssidents augmente (c'est l'hypothèse);
3° enfin l'intolérance du bien, c'est le signe
des grandes décadences sociales. »
Il semble que l'Eglise pourrait inscrire
dans ses actes cette définition sans y pres-
(3) Ileforme sociale, t. III, p. 30-i.
(4) Ibid., p. 3if.
$ Ibid., p.296.
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