Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1880-07-27
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 juillet 1880 27 juillet 1880
Description : 1880/07/27 (Numéro 4655). 1880/07/27 (Numéro 4655).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 27 Juillet 1880
N° 4655 — Édition quotidienne.
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PA1US
Un an 55 fr. »
Six mois 28 50
Trois mois 15 »
Un Numéro, à Paris
— Départements.
P V Ë
15 cent.
20 —
BUREAUXA? a- ■;<>Paris, 10, Rue des Scpits-Pères . \
(: t : . ; .
On s'abonne, i Borne» plMC dit jUe-rù,. S .;.
Mardi 27 Juillet 1880
DÉPARTEMENTS
Un an. . ' 55 fr. »
Six moi? . .'. 28 60
Trois mois 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 80
L'UNIVERS ne répond ji.is îles siianusrrils qui lui sont adressés
ANNON CES
MM. Ch. fiAGRANQE,* G ë RF et C'\ 6,"place delà Bourse
Cerux de nos souscripteurs dont l'afron--
nement expire le 31 juillet sont priés de
le renouveler dès à présent pour éviter
toute interruption dans là réception du
Journal.
Lo meilleur mode de renouvellement est
l'envoi d'un man d at sur la poste ou d'un
chèque à vue,li l'ordre de d'administrateur
du journal. Y joindre l'une des dernières
bandes du journal.
Les abonnements datent des 1" et 15 de
ehaque mois.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANCE
PARIS, 26 JUILLET 1880
Le congrès ouvrier de Paris a ter
miné ses discussions par un vote. On
peut dire d'un mot qu'il a décrété le
bouleversement social. Sous des for
mules plus ou moins explicites, il a
voté l'abolition de la propriété, le com
munisme du capital, l'émancipation
de la femme, la > suppression du ma
riage, l'entretien par l'Etat des en
fants, et, pour opérer toutes ces ré
formés, la substitution du fusil au
bulletin de vote.
Les journaux qui ont raillé les dis
cussions du congrès ne manqueront
pas de tourner en ridicule ses résolu
tions.. Rien de plus simple, que de
s'égayer des extravagances des apôtres
du jnonde nouveau. En elles-mêmes,
leurs doctrines paraissent insensées,
inapplicables, et prêtent facilement à
rire au lecteur sceptique dont le titre de
rente, le champ et la femme sont, pour
le moment, sous la protection du gen
darme. L'optimisme républicain veut
d'ailleurs que l'on tourne en dérision ce
qui pourrait inquiéter. Nous avons vu
les mêmes journaux s'égayer, à la fin
de l'empire et dans les premiers jours
du gouvernement de M. Thiers, des
discours des clubs et des motions du
comité central. Ce n'étaient là aussi,
à leur avis, qu'extravagances et impos
sibilités. Ceux-là passaient pour des
alarmistes ou des esprits mal faits,
qui attachaient quelque importance à
de pareilles élucubrations. Nous ne
demanderions pas mieux que de plai
santer en compagnie du XIX° Siècle
et dés Débats , si la Commune n'était
venue changer subitement leurs sar
casmes en angoisses. Or, les mêmes
homiri.es reparaissent en ce moment
avec les mêmes doctrines. Faut-il con-
• tinuer à rire, ou faut-il recommencer
à craindre?
Les théories émises dans le congrès
ouvrier ne sont pas aussi extravagan
tes qu'elles paraissent à nos railleurs.
Si elles ne faisaient que sortir du cer
veau de leurs partisans, on pourrait se
contenter d'en rire; mais, si saugrenues
que semblent ces utopies, elles ne sont
après tout que les conséquences logi
ques des idées révolutionnaires sur les
quelles est fondée la société moderne.
Personne n'a le droit de dire que les
revendications du programme socia
liste ne constituent pas une nouvelle et
légitime évolution des principes de 89.
La Révolution, dont tout le monde veut
être fils aujourd'hui, mène fatalement
au soôialisme. Plus on avance avec
le siècle, plus on approche de ce dé
nouement.
Les sottises démagogiques ne sont pas
nouvelles; mais combien n'ont-elles
pas fait de chemin depuis cinquante
ans? Qu'on mesure l'espace parcouru
d'une étape à l'autre, [de 1830 à 1848,
de 1848 à 1871, de 1871 à nos jours. Ne
yoit-on ; pas les idées professées au con
grès grandir et se développer à cha
que période? Ne les voit-on pas s^ac-
eréditer de plus en plus, au point d'être
devenues aujourd'hui le programme
commun de cette immense fédération
ouvrière qui embrasse tous les syndi
cats, tous les corps de métier? Ce pro
grès des idées révolutionnaires n'est
que le développement lui-même de la
société. Révolution, démocratie, socia
lisme, c'est tout un. Les grands prin
cipes de famille, de propriété et d hé
rédité ont été radicalement ruines dans
le droit nouveau, ils ne se soutiennent
plus que par une sorte de .convention
dont nos codes sont lest gardiens, et
qui est en contradiction avec l'essence
même du nouvel ordre social. Ce qu'on
. appelle la force des choses milite en
faveur des revendications du proléta
riat. La société s'engage de plus en plus
dans les erreurs irrémédiables de son
joint de départ. Le courant l'entraîne;
*out suit la pente fatale. Au bout est
l'anarchie, dont les votes du Congres
ouvrier nous offrent une expression a
peu près complète. Faudra-t-il dix ans,
vingt ans encore pour arriver la ? Nul
ne «aurait le dire ; mais h coup sur
on y va, et toujours plus vite. N est-ce
pas un avertissement suffisant que de
voir les héros de la Commune, les eheis
des doctrines proclamées au Cçmgres
de Paris plus en faveuf crue Jamais
auprès des classes ouvrières ? Et pour
quoi MM. Rochefort, Pyat, Vallès,
Orousset, Amouroux, Malon et les au
tres amnistiés, qui ont été pendant
trois mois maîtres de Paris et qui ont
failli se rendre maîtres du pouvoir en
France, ne deviendraient-ils pas bien
tôt le gouvernement lui-même? Si cela
afta 'vait, nous croyons que le XIX e Siè
cle et les Débals cesseraient de plai
santer.
Arthur Loth.
On sait aujourd'hui que la Porte a
répondu d'une façon négative à la note
collective des puissances, la pressant
d'exécu ter sans délai les stipulations du
traité de Berlin en ce qui concerne le
Monténégro et la Grèce.
Dès lors, que va faire l'Europe? M.
Gladstone, l'autre jour, a bien fait
entrevoir une exécution armée de la
Turquie, au cas où celle-ci ferait mine
de ne pas adhérer à son morcellement,
mais entre ces menaces et l'exécution
il peut y avoir un assez long délai.
Pour le moment, on paraît s'être
arrêté au projet d'une démonstration
navale faite dans les eauxdu Bosphore
Sar toutes les puissances signataires
u traité de Berlin.
Et après? Croit-on que la Turquie
fera quelque cas de ces hostilités pla
toniques? Et défierait-elle aujourd'hui
l'Europe si elle croyait à leur effica
cité? Nous croyons, pour nous, que la
Turquie, là-dessus, sait parfaitement à
quoi s'en tenir. Parmi les puissances
qui manifesteront tout à l'heure dans
le Bosphore, il en est plus d'une peut-
être qui a déjà informé la Turquie
qu'elle aurait bien tort de prendre au
sérieux cette manifestation.
Et l'on s'imagine que les six hom
mes de la mission Thomassin feront
reculer la Porte? Ils réussiront, si l'on
n'y met ordre, à nous compromettre,
et ce sera le plus clair résultat de leur
mission.
I
contre l'amiral Ribourt. Outre que,
comme nous l'avons dit, M. Gambetta
peut désirer un préfet maritime à sa
dévotion, l'amiral Ribourt a jadis
rempli, à la Nouvelle-Calédonie, avec
une grande fermeté, une mission qui
lui valut alors de^nombreuses attaques
de la part des feuilles communardes.
Or, les revenants de Nouméa pour
raient bien s'être souvenus de cette
mission ; n'ont-ils pas déclaré qu'ils
n'amnistiaient pas ? —
A. Rastoul.
La remise des drapeaux aux trou
pes a eu lieu hier dans les départe
ments avec une grande solennité.
L'officieuse Agence Bavas nous apporte
de nombreuses dépêches signalant
l'éclat de la cérémonie, l'enthousias
me des populations, l'excellente tenue
des troupes, les discours républicains
des chefs, etc. Nous nous bornons à
mentionner ces dépêches monotones,
dont la lecture intéresserait peu nos
lecteurs, auxquels elle n'apprendrait
rien-, nous reservant de signaler les
incidents qui pourraient s'être pro
duits. Dès aujourd'hui, nous pouvons
relever, dans les communications de
Y Agence Bavas, les dépêches" suivan
tes, dont le ton constraste singulière
ment avec celui des autres dépê
ches :
Chetbourg, 25 juillet
La remise des drapeaux aux troupes a
été favorisée par un beau temps. — La re
vue, commencée à une heure, s'est termi
née à quatre heures.
Le défilé a été admirable d'entrain et de
précision. — La population tout entière,
massée le long des quais, a salué les trou
pes par les cris mille ibis répétés de : Vive
l'armée 1 Vive la marine !
Par contre, l'amiral Ribourt, préfet mari
time, dont l'attitude en cette circonstance a
déplu à la population, et, semble-t-il, à l'ar
mée et à la marine, a été l'objet d'une ma
nifestation hostile et a été reconduit à son
hôtel aux cris de : A bas Ribourt ! Vive la
République 1
On craint pour ce soir une manifestation
plus accentuée.
Cherbourg, 25 juillet.
La manifestation jqui s'est produite pen
dant le défilé, contre l'amiral Ribourt, a été
causée par ce fait que l'amiral Ribourt n'est
pas allé saluer la tribune municipale, où se
trouvaient M. Lavielle, député, avec ses in
signes, le maire, le sous-préfet, le conseil
municipal et les autorités.
Le conseil municipal s'est réuni immé
diatement après la revue à l'Hôtel de ville,
et il a décidé de donner sa démission si le
maire et le sous-préfet, qui partent ce soir
pour Paris, ne rapportent pas l'ordre de dé
part de M. l'amiral Ribourt.
Une agence officieuse dénonçant ain
si un officier général dans l'exercice
de son commandement, cela ne s'é
tait jamais vu. D'ordinaire, c'étaient
les feuilles radicales du cru qui com
mençaient l'attaque et les journaux de
Paris emboîtaient le p as. Maintenant
on fait mieux, et c'est le gouver
nement lui-même, dont l'officieuse
Agence Havas est l'organe servile
qui signale les officiers généraux à
la vindicte publique. Nous avons peine
à croire que l'amiral Jauréguiberry ait
trempé dans cette affaire, et nous ver
rions plutôt dans ces dépêches l'action
de M. Gambetta, aussi maître dans
l'administration de la marine que
dans celle de l'armée, et désireux de
faire placer à Cherbourg quelque offi
cier général à sa discrétion avant le
voyage projeté.^
Il est bon de faire remarquer que
l'amiral Ribourt, préfet maritime,dont
l'autorité s'étend sur plusieurs dépar
tements, est beaucoup plus haut pla
cé dans la hiérarchie qu'un député,
un maire et un sous-préfet; il n'était
donc nullement tenu d'aller les saluer,
et c'est au contraire à ces fonction-
nairss qu'il appartenait de venir pré-,
senter leurs hommages à leur supé
rieur hiérarchique. Il n'y a donc pas
de> grief sérieux qui explique la mani
festation signalée avec tant de com
plaisance par '.l'officieuse Agence.
Qu'elle l'ait enregistré, c'était son
devoir d'agence Bien informée, de
voir qu'elle remplit fort mal à l'occa
sion ; mais elle devait au moins, sinon
blâmer, nous ne lui demandons pas
d'être héroïque, au moins éviter de
prendre parti pour les manifestants.
Il ne gérait peut-être pas difficile de
trouver l'explication dé ces attaques
Voici, d'après VArmée française, dont
on connaît les attaches avec M. Gam
betta, et, par suite, avec l'administra
tion de la guerre, le texte authentique
de l'ordre rendu par M. l'intendant
Roux Ji l'occasion des incidents tu
multueux qui ont signalé la soirée du
14 juillet à Nantes :
Tous les hommes gradés et autres, qui
ont pris part aux désordres, seront privés
du port du sabre pendant un mois, à partir
du 15 juillet.
La privation d'une arme qu'ils portaient
le jour où la faute a été commise aura pour
effet de graver dans la mémoire des ou
vriers d'administration que, du moment
que l'on revêt un uniforme et qu'on a une
arme à son côté, on n'a pas le droit d'agir
comme si l'on portait un vêtement civil;
l'entrée au service crée des devoirs parti
culiers. Les ouvriers d'administration sont
soldats. Ils doi\ent donc être animés d'un
aussi bon esprit que leurs camarades des
régiments.
Ils devraient même avoir une meilleure
attitude, car leur instruction est une raison
pour qu'ils se conduisent mieux.
Le présent ordre sera lu, demain 19, à
l'appel de onze heures.
Cet ordre du jour est irréprochable.
Esclavage de la popularité ! Voila
M. Rochefort promené de fête en fete par
ses bons amis, pour chauffer à blanc
l'enthousiasme des purs radicaux, et
préparer de longue date les élections
de 1881. Quel sera le succès de cette
campagne ? Il est difficile de le pré
voir dès maintenant ; mais il est cer
tain que si on la poursuit quelque
temps encore avec .l'intensite qui si
gnale ses débuts, le héros sera bientôt
sur les dents. Point de repos; punch,
conférence, banquet se succèdent sans
trêve, et M. Rochefort préside tou tes ces
réunions, parle et est acclame dans
toutes, se- voit régulièrement, a 1 en
trée et à la sortie, assailli sans ména
gements par ses fanatiques admira
teurs, qui l'entourent, l'assourdissent,
le pressent, le bousculent et 1 étouffe
ront un de ces jours dans un trans
port indiscret.
C'était d'un punch d'honneur, offert
par MM. les étudiants, qu'il nous fal
lait rendre compte hier ; nous avons a
parler aujourd'hui d'une conférence,
tenue dans l'après-midi du dimanche
rue d'Allemagne, et d'un banquet qui
a eu lieu dans la soirée du même jour
au lac Saint-Fargeau.
Dès une heure, la salle Chayne ou se
donnait la conférence était absolument
comble. Deux mille personnes environ
l'avaient envahie et s'y tenaient en
tassées. L'arrivée de Rochefort, vers
une heure un quart, fut accueillie par
des trépignements insensés. Enthou
siasme populaire ! Le rédacteur en chel
de y Intransigeant étantparvenu, non
sans peine, au fauteuil présidentiel,
autour duquel avaient pris place les
citoyens Olivier Pain, Beauquier, par
tiaux, deLanessan,etc.; l'harmonie (?)
le Diapason fit entendre un chœur patrio
tique qui ramena à peu près le silence.
Alors un citoyen Charliër, secrétaire,
paraît-il, de la Libre-pensée du XIX e ar
rondissement, souhaita dans une allo
cution remarquablement terne, la bien
venue à « l'auteur de la Lanterne , dont
la verve railleuse, les sarcasmes, la
logique impitoyable, firent plus en
six mois pour renverser l'empire que
les discours des avocats de l'opposition
pendant vingt ans. »
Voici la réponse de. lauteur de la
Lanterne , dont la verve railleuse, etc. :
J'aurais peine à vous exprimer toute l'é
motion que j'éprouve en présence de pa
reilles marques de sympathies. Je les ac
cepte moins pour moi que pour les compa
gnons de souffrances avec qui j ai partagé
les amertumes de la prison, de la déporta
tion et de l'exil, qui, plus obscurs que moi,
pour la plupart, n'en sont aussi que plus
méritants. .
Il est facile de taire son devoir quand on
se sent accompagné dans ses épreuves par
les regards de ses compatriotes.
Ceux qu'il faut plaindre, ceux dont il
faut se souvenir, ce sont les infortunés
tombés là-bas, à six mille cinq cents lieues
de leurs foyers, inconnus, ignorés sans
autre témoignage que celui de leur con
science, et qui n'ont été amnistiés que par
la mort.
C'est à ceux-là que je reporte tQut*° "us
acclamations, c'est à ceux-là que je vous
demande la permission de les offrir,'
Merci pour moil rnçpp'j Surtout pour
gux !
Les applaudissements et les vivats
■ soulevés par le petit discours de Ro
chefort ayant pris fin, ce que l'on
commençait à ne plus espérer, nous
avons eu| entremêlés de couplets, deux
discours de MM. Canivet et Clovis Hu
gues; taus les deux assez nuls, et sur
ce thème rebattu : « Nous avons pris
la Bastille, mais il y a encore bien
d'autres bastilles a prendre, le vail
lant Rochefort nous aidera, eto. »
Notons, pn passant, un abus corfsi-
dérable de la Marseillaise , qui pour
tant, une fois n'est pas coutume, a re-.
tenti à un moment donné avec un cer
tain à propos. Pendant le discours du
citoyen Canivet, quelques voix ont
tout à coup crié : Vive Gambetta! Stu
peur des assistants, qui bientôt pous
sent, toutes sortes d'interjections, par
mi lesquelles domine celle qui rendit
si populaire, il n'y a . pas longtemps,
l'obscur et infortuné M. Margue. Cet
incident dégénérait en tumulte, quand
le fracas assourdissant de la Marseil
laise , éclatant tout à coup, calma l'é
motion générale. Jamais encore' la
Marseillaise n'avait produit cet effet
d'apaisement subit. La sortie s'est ef
fectuée avec une tranquillité relative.
On est allé dîner au lac Saint-Far
geau.
Assez pauvre, ce dîner de sept cents
couverts. Il s'est fait longtemps atten
dre, si longtemps, que Rochefort, pour
prendre patience, s'en est allé faire
une promenade en barque sur le lac
avec les citoyens de Lanessan, Clovis
Hugues, Henri Bauër et quelques au
tres; distraction que n'ont pu se pro
curer les autres convives, qui se sont
morfondus pendant une grande demi-
heure. Enfin l'on s'est mis à table, le
menu était fort restreint : une bou
teille de vin très ordinaire pour deux ;
c'était peu pour nos radicaux, ils s'at
tendaient à mieux ; heureusement le
veau et la salade démocratiques ne
faisaient point défaut.
Au dessert, le citoyen 1 Clovis Hugues
a dit une poésie intitulée : Le Chant des
vaincus , d'une assez honnête médiocri
té révolutionnaire; les citoyens Gat-
tiaux, Beauquier, Bauer ont porté des
toasts à Rochefort, qui leur a répondu
par une allocution que nous donnons
plus loin, et où l'on verra se dérouler
le programme des Nouméens, spéciale
ment dirigé contre M. Gambetta et les
opportunistes, avec uncertain nombre
de flatteries à l'adresse des socialistes
et du parti des pauvres, dont il paraît
que le très rente Rochefort fait toujours
partie. Après ce discours, les con
vives se sont esquivés de bonne heure
et se sont répandus dans les cabarets
du voisinage pour chercher une com
pensation à la demi-bouteille de vin.
On a pu voir dans la soirée qu'ils l'a
vaient abondamment trouvée.
Divers journaux signalent un inci
dent significatif qui a marqué le dis
cours de Rochefort au lac Saint-Far
geau. Le voici, dans toute sa crudité.
éiM. Rochefort parle des morts de 1871 et
cito leurs noms ; un citoyen crie : « El Cré-
mieux, assassiné ! »
« Oui, assassiné, répond Rochefort; mais
« soyez tranquilles, nous le vengerons,
« ainsi que les autres, espérons-le !
N'oublions pas que M. de Freycinet
disait : « Les amnistiés nous revien
dront repentants! »
La moralité républicaine
Une fois n'est pas coutume. Pour
aujourd'hui nous louerons M. Sarcey.
Ce n'est pas, certes, que le personnage
ait rien écrit avec le dessein de plaire
aux « réactionnaires » ; mais la répu
blique en vient à tolérer de tels excès,
que la pudeur de M. Sarcey elle-
même s'effarouche. Et pourtant, l'on
sait ce que peut porter la pudeur de
M. Sarcey ! « Je ne suis assurément
pas prude, dit-il aujourd'hui encore.
Et je dois même dire que, parmi mes
amis et peut-être aussi parmi mes lec
teurs, beaucoup me reprochent mon
goût de plaisanterie rabelaisienne : je
ne hais pas la gaudriole, même la plus
salée. » Gela étant, nos lecteurs devi
neront ce que peut être une publica-
tioiî dont M. Sarcey, amateur de la
gaudriole la plus salée, parle comme il
suit :
La police hier a saisi dans les kiosques
un journal qui avait entouré une histoire
ordurière d'illustrations obscènes.
J'ai vu les dessins en question—
Ils sont ignobles. Je ne sais pas d'autres
mots pour qualifier ces horreurs, qui sont
aussi contraires à l'art qu'à la morale.
L'homme qui écrit et qui dessine ces
sortes de choses n'est pas mon confrère.
C'est un industriel en malpropretés, et je
trouve fort bon qu'il s'assoie sur les bancs
de la police correctionnelle, à côté des gens
qui font le trafic des cartes transparentes
qu des photographies décolletées.
Eh bien, dira-t-on peut-être, voilà
qui est parfait. Des dessins orduriers
avaient été publiés, qui faisaient hor
reur même à M. Sarcey. Ils ont été
saisis, n'est-ce pas à l'honneur du
gouvernement républicain ? Attend»»
Voici,, d'après M. Sarcey. ""
vnmià la nnhlU»*' - ' 1 U1 a P r0 "
m ^ ..^uuondes dessins dont
il e ^
— « agit :
Un journal s'est fondé, il y a quelques
mois , .qui tirait à quelques centaines
d'exemplaires. Il se mourait d'anémie.
Un.matin, il publie, sous forme de chro
nique, une de ces histoires
Gela était bête à pleurer, et d'un cynisme
de. détails parfaitement dégoûtant.
Nous lé lisons avec stupeur :
— Oh ! c'est tout de même trop fort ! ils
vont se faire saisir, ils n'auront que ce
qu'ils méritent.
Ils ne sont pas saisis. Le lendemain ils
recommencent, et la seconde histoire enchérit
sur la première. C'est un récit à soulever le
coeur ; car au graveleux de la situation se
joint i'impudeur de circonstances physiolo
giques, dont on n'ose généralement pas
parler dans le monde, même par allusion.
Ils ne sont pas saisis.
Et le surlendemain, c'est la même chose,
et .tous les jours {que [Dieu fait. Et nous
voyons avec un étonnemenl gui va croissant
chaqùe matin défiler tous ces récits....
Et ces récits, non, vous n'imaginez pas
do quelle plume cynique et pleutre tout à
la fois ils sont écrits. Cela n'a pas même
l'insolence hardie et provocante du gros ri
re. C'est un pataugement dans l'immondi-
ce ; le ricanement gras et niais qu'excite
l'homme qui glisse dans l'ordure et s'y
vautre.
Et cela se renouvelle tous les jours, et ils
ne sont pas saisis !
Et voilà que ce journal, qui tirait à trois
cents, se vend à trente mille. Il s'enlève dans
les gares, el j'ai vu, de mes yeux vu, une
mère de famille le déployer en chemin de fér.
J'ai rougi pour elle...
Et voilà que lo succès inattendu a tout
de suite affriolé les concurrents. Il était dif
ficile de pousser plus avant dans le grave
leux. Il paraît qu'ils y ont réussi. Je dis : il
paraît , pai'ce que .je ne lésai pas lus : parce
que rien ne me semble plus triste que la
malpropreté voulue; parce que nous en
avions tous, à la rédaction, des haut-le-
cœur.
Et voilà qu'emportés par la fureur d'aller
plus loin encore, il s'en est trouvé d'autres
qui se sont avisés de rendre les saletés du
texte visibles, en les traduisant aux yeux
par des illustrations plus immondes que le
texte.
Ah! celte fois,Jls avaient passé la mesure ;
ils ont été saisis.
N'est-ce pas instructif? Et quel plus
violent réquisitoire pourrions-nous
écrire contre le gouvernement cher à
M. Sarcey? Comment ! voilà des hom
mes qui naguères mettaient en mou
vement tous les parquets de France,
tous les préfets, et tous les commis
saires de police pour chasser de leur
demeure d'humbles religieux occupés
à la prière et aux bonnes œuvres, mo
dèles accomplis de toutes les vertus
privées et sociales ; et, pendant qu'on
opérait cette vilaine besogne, d'autre
part que tolérait-on, que tolère-t-on
tous les jours encore? Car, c'est M.
Sarcey qui le dit, les poursuites ne
sont dirigées que contre la dernière
de ces publications ordurières et parce
qu'aux yeux du pouvoir celle-là dépas
sait avec trop d'excès la mesure.
Où donc s'arrête la mesure ? M. Sar
cey nous le dit encore, car des im
mondes récits sur lesquels le journal
dont on parle a fondé son immonde
spéculation, on nous dit qu'il était
« difficile de pousser plus avant dans le
graveleux ! » Et il n'a pas été saisi !
Qu'est-ce à dire? Et quelle est la rai-
sou dernière de cet état de choses qui
fait horreur et soulève le dégoût? C'est
toujours M. Sarcey qui nous fera la
réponse :
Voulez-vous que je vous dise? écrit-
il ; je trouve que le public s'est singulière
ment gâté depuis quelques années, et qu'il a
un penchant à- se repaître de gravelures qui
l'eussent horriblement choqué autrefois.
Pauvre M. Sarcey, qui ne s'est pas
aperçu que « depuis quelques années »
nous sommes en République !
Auguste Roussel.
DÉMISSIONS
(suite)
COURS D'APPEL
M. Bagemerye, substitut du procu
reur général à Bourges.
TRIBUNAUX
M. Richard, substitut du procureur
de la république, à Châteauroux.
M. de Vernay, juge suppléant, id.
L'affaire de Bordeaux
Nous nous sommes bornés hier à
reproduire l'exposé succinct, fait pai-
la Guyenne , des incidents qui ont si
gnalé, à l'audience du tribunal de Bbr-
deaux, les débats sur l'affaire des PP.
jésuites. Une correspondance particu
lière nous permet aujourd'hui d'éciair-
cir ces incidents et de rendre à ' cette
audience la physionomie qu'elle doit
prendre, afin de bien caractériser le
rôle qu'y ont joué certains person
nages.
Tout d'abord il est acquis que M. le
président Bretenet, voulant être agréa
ble au préfet, lui fit demander quel
jour son avooat désirait plaider. Le
préfet ayant fait choix du samedi, l'af
faire fut mise par le président pour ce
jour-là au rôle de la 4 e chambre,.qui
siège les jeudi, vendredi et samedi.
Remarquons ici que cette chambre e®*
la seule du tribunal dont les ''âges se
donnent eux-mêmes * pu bliqulment
0 °mmerépubb- ns . d 'entre eux
a .^coré le 14 juillet.
Il y a plus, M. le président, après
avoir fait ce choix, a voulu venir pré
sider lui-même la chambre ainsi com
posée. C'est sans doute son droit strict,
mais on a fait remarquer que cela est
contraire à toutes les traditions du
tribunal de Bordeaux, où le président
n'a jamais présidé que la première
chambre. M. le président, jadis fort
impérialiste et auteur, en cette qua
lité, d'une adresse plébiscitaire restée
célèbre à Bordeaux, rêverait-il de
faire oublier, à force de zèle, ces sou
venirs?
Quèi qu'il en soit, l'affaire fut appe
lée le 21 juillet devant ledit président,
Ici nous laissons la parole à notre cor
respondant :
Les juges ordinaires étaient MM. Krug,
Bass, Cabantous, Greller, Dumazeau et
l'un des juges d'instruction, M. de Miollis ;
le procureur de la République, M. Antonin .
Vercher, assisté de M. Gachasson-Lafitte,
substitut, occupait le siège du ministère
public.
M. le préfet Doniol s'est présenté en
grand uniforme, assisté de M 0 Moulinier,
avocat, M 0 Goupil, avoué, et accompagné
de M. Goujon, vice-président du conseil de
préfecture de la Gironde.
Les PP. Carrère et Roucanière, représen
tant les propriétaires, étaient assistés de
MM. Lafon et Bayle, avocats, et de Md
Boudis, avoué. Le public était très nom-
breuxdansl enceinte réservée, où n'entraient
que les porteurs de cartes délivrées par le
président ou les avocats en robe. Ceux-ci
étaient présents en grand nombre.
L'affaire ayant été appelée, M. Goupil,
pour M. Doniol, a pris des conclusions à
fin de déclinatoire d'incompétence, où l'on
a remarqué les déclarations dii préfet rela
tives h la levée des scellés. Dans cetta
pièce, en effet, il dit textuellement « qu'il est
prêt à lever les scellés devant les deman
deurs ou toute autre personne pour eux,
lesquels pourront dès lors jouir et user de
la dite maison en se conformant aux lois. »
M. Lafon, pour les pères jésuites, s'est
alors levé ; mais, sur l'observalion du pré
dent que des conclusions devaient d'abord
être prises par l'avoué des pères, M. Bou-
dias s'est levé à son tour. En termes fort
nets et d'un ton qui accentuait sa proposi
tion, il a demandé acte de ce que les de
mandeurs déclaraient se désister de leur
instance. ' .
M. le président ne s'attendait pas à cette
surprise ; il a senti le coup qui atteignait
ainsi le tribunal choisi par lui et a paru
quelque peu décontenancé.
— Mais, a-t-il dit, en s'adressant à l'avo
cat des jésuites, do quoi vous désistez-
vous ?
— De l'instance, monsieur le président.
Quant à 1 action, il est entendu que nous
la conservons.
— Nous n'acceptons pas le désistement
do l'instance, s'écrie alors M. Moulinier,
l'avocat du préfet. Nous voulons le désiste-'
ment do l'action ou nous plaiderons.
— Pardon, répond M 0 Lafon; qu'un dé
fendeur qui accepte le débat au fond, re
fuse un désistement de l'instance, c'est son
droit, et si M. le préfet Doniol veut plaider
au fond, nous sommes prêts. Mais s'il per
siste dans son déclinatoire d'incompétence,
le fond n'est plus soumis au tribunal, et dès
lors nous avons le droit de borner h l'ins
tance notre désistement.
Cette explication si nette clôt la bouche
aux conseils du préfet," qui marquent leur
dépit, mais n'ont rien à opposer. Quant
au président, désappointé lui aussi, il ne
peut refuser de donner acte du désiste
ment de l'instance et il déclare l'audience
levée.
Remarquons à ce propos que le procès
des jésuites devait si bien tenir l'audience,
qu'aucune autre affaire n'avait été re
tenue. Notons encore ce détail : M. le pré
fet, arrivant en grande tenue, flanqué de
son état-major, a traversé les rangs pressés
d'une foule plus qu'indifférente. Un cri
s'est alors élevé : Vive M. le préfet 1 Le
préfet, joyeusement surpris, se retourne et
salue avec grâce. Mais le manifestant, hon
teux de son isolement, tourne le dos pour
ne pas recevoir le salut.
Après le dénouement, M. le préfet reste
seul... avec son désappointement. Au con
traire, on fait la haie pour laisser passer
les PP. jésuites et leurs conseils, qui re
çoivent de toutes parts les plus vives mar
ques de sympathie et de respect.
Aussilôtl'audienoe levée, et avant même
que le tribunal fût retiré, le barreau pres
que tout entier témoigne hautement sa sa
tisfaction et s'empresse à féliciter M. Lafon.
La joie est générale, et pendant plus de
deux heures la salle des Pas-Perdus est
remplie de nombreux groupes qui comm.an-
tent vivement la scènç an; vient de se dé
rouler devant 1§ tribunal en se félicitant da
son dénomment. Il était impossible, en
e %t, de mieux déjouer la combinaison du
préfet.
Les dernières paroles de notre cor
respondant nous serviront de tout
commentaire pour apprécier ce qui
vient de se passer à Bordeaux. Aussi
bien, l'exposé des faits suffit à provo
quer le jugement qui doit s'ensuivre,
car les personnes y apparaissent net
tement dans le rôle qu'elles ont voulu,
prendre. M." le préfet Doniol fera bien
d'en tirer cette conclusion, qu'il ne
faut pas jouer la comédie si l'on ne
veut pas être sifflé.
Auguste Roussel.
On écrit de Lille, le 24 juillet :
Une plainte pour attentat à la liberté in
dividuelle, avec constitution de partie ci
vile, a été déposée aujourd'hui par le P,
Fristot, jésuite, entre les mains du premier
président de la cour de Douai.
On nous écrit de Bordeaux :
Dans le dernier mouvement judiciaire,
on a pu remarquer la nomination de M. La
fon du Gluzeau qui, de substitut à Péri-
gueux, est devenu procureur de la Répu
blique à Sarlat.
C'est lui, par conséquent, qui, au 31
août prochain, sera chargé de faire croche*
ter les serrures du collège que dirigeât
dans cette ville les RR. PP. jésuites> lui
qui devra prendre au collet les vénérables,
directeurs de cet établissement pour lssi
chasser de leur domicile. ,
Or, il est bon de savoir que ce jeune fa
vori deM.Cazot, le signataire des fameux
décrets, a fait toutes ses études au collège
Saint-Joseph de Tivoli à Bordeaux, _ et»
qu'en ce temps-là, ses parents ne pouvaient
assez se féliciter des soins donnés à leur
N° 4655 — Édition quotidienne.
■WPWPKHWHMSPW
PA1US
Un an 55 fr. »
Six mois 28 50
Trois mois 15 »
Un Numéro, à Paris
— Départements.
P V Ë
15 cent.
20 —
BUREAUXA? a- ■;<>Paris, 10, Rue des Scpits-Pères . \
(: t : . ; .
On s'abonne, i Borne» plMC dit jUe-rù,. S .;.
Mardi 27 Juillet 1880
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Un an. . ' 55 fr. »
Six moi? . .'. 28 60
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Édition semi-quotidienne
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L'UNIVERS ne répond ji.is îles siianusrrils qui lui sont adressés
ANNON CES
MM. Ch. fiAGRANQE,* G ë RF et C'\ 6,"place delà Bourse
Cerux de nos souscripteurs dont l'afron--
nement expire le 31 juillet sont priés de
le renouveler dès à présent pour éviter
toute interruption dans là réception du
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Lo meilleur mode de renouvellement est
l'envoi d'un man d at sur la poste ou d'un
chèque à vue,li l'ordre de d'administrateur
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ehaque mois.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANCE
PARIS, 26 JUILLET 1880
Le congrès ouvrier de Paris a ter
miné ses discussions par un vote. On
peut dire d'un mot qu'il a décrété le
bouleversement social. Sous des for
mules plus ou moins explicites, il a
voté l'abolition de la propriété, le com
munisme du capital, l'émancipation
de la femme, la > suppression du ma
riage, l'entretien par l'Etat des en
fants, et, pour opérer toutes ces ré
formés, la substitution du fusil au
bulletin de vote.
Les journaux qui ont raillé les dis
cussions du congrès ne manqueront
pas de tourner en ridicule ses résolu
tions.. Rien de plus simple, que de
s'égayer des extravagances des apôtres
du jnonde nouveau. En elles-mêmes,
leurs doctrines paraissent insensées,
inapplicables, et prêtent facilement à
rire au lecteur sceptique dont le titre de
rente, le champ et la femme sont, pour
le moment, sous la protection du gen
darme. L'optimisme républicain veut
d'ailleurs que l'on tourne en dérision ce
qui pourrait inquiéter. Nous avons vu
les mêmes journaux s'égayer, à la fin
de l'empire et dans les premiers jours
du gouvernement de M. Thiers, des
discours des clubs et des motions du
comité central. Ce n'étaient là aussi,
à leur avis, qu'extravagances et impos
sibilités. Ceux-là passaient pour des
alarmistes ou des esprits mal faits,
qui attachaient quelque importance à
de pareilles élucubrations. Nous ne
demanderions pas mieux que de plai
santer en compagnie du XIX° Siècle
et dés Débats , si la Commune n'était
venue changer subitement leurs sar
casmes en angoisses. Or, les mêmes
homiri.es reparaissent en ce moment
avec les mêmes doctrines. Faut-il con-
• tinuer à rire, ou faut-il recommencer
à craindre?
Les théories émises dans le congrès
ouvrier ne sont pas aussi extravagan
tes qu'elles paraissent à nos railleurs.
Si elles ne faisaient que sortir du cer
veau de leurs partisans, on pourrait se
contenter d'en rire; mais, si saugrenues
que semblent ces utopies, elles ne sont
après tout que les conséquences logi
ques des idées révolutionnaires sur les
quelles est fondée la société moderne.
Personne n'a le droit de dire que les
revendications du programme socia
liste ne constituent pas une nouvelle et
légitime évolution des principes de 89.
La Révolution, dont tout le monde veut
être fils aujourd'hui, mène fatalement
au soôialisme. Plus on avance avec
le siècle, plus on approche de ce dé
nouement.
Les sottises démagogiques ne sont pas
nouvelles; mais combien n'ont-elles
pas fait de chemin depuis cinquante
ans? Qu'on mesure l'espace parcouru
d'une étape à l'autre, [de 1830 à 1848,
de 1848 à 1871, de 1871 à nos jours. Ne
yoit-on ; pas les idées professées au con
grès grandir et se développer à cha
que période? Ne les voit-on pas s^ac-
eréditer de plus en plus, au point d'être
devenues aujourd'hui le programme
commun de cette immense fédération
ouvrière qui embrasse tous les syndi
cats, tous les corps de métier? Ce pro
grès des idées révolutionnaires n'est
que le développement lui-même de la
société. Révolution, démocratie, socia
lisme, c'est tout un. Les grands prin
cipes de famille, de propriété et d hé
rédité ont été radicalement ruines dans
le droit nouveau, ils ne se soutiennent
plus que par une sorte de .convention
dont nos codes sont lest gardiens, et
qui est en contradiction avec l'essence
même du nouvel ordre social. Ce qu'on
. appelle la force des choses milite en
faveur des revendications du proléta
riat. La société s'engage de plus en plus
dans les erreurs irrémédiables de son
joint de départ. Le courant l'entraîne;
*out suit la pente fatale. Au bout est
l'anarchie, dont les votes du Congres
ouvrier nous offrent une expression a
peu près complète. Faudra-t-il dix ans,
vingt ans encore pour arriver la ? Nul
ne «aurait le dire ; mais h coup sur
on y va, et toujours plus vite. N est-ce
pas un avertissement suffisant que de
voir les héros de la Commune, les eheis
des doctrines proclamées au Cçmgres
de Paris plus en faveuf crue Jamais
auprès des classes ouvrières ? Et pour
quoi MM. Rochefort, Pyat, Vallès,
Orousset, Amouroux, Malon et les au
tres amnistiés, qui ont été pendant
trois mois maîtres de Paris et qui ont
failli se rendre maîtres du pouvoir en
France, ne deviendraient-ils pas bien
tôt le gouvernement lui-même? Si cela
afta 'vait, nous croyons que le XIX e Siè
cle et les Débals cesseraient de plai
santer.
Arthur Loth.
On sait aujourd'hui que la Porte a
répondu d'une façon négative à la note
collective des puissances, la pressant
d'exécu ter sans délai les stipulations du
traité de Berlin en ce qui concerne le
Monténégro et la Grèce.
Dès lors, que va faire l'Europe? M.
Gladstone, l'autre jour, a bien fait
entrevoir une exécution armée de la
Turquie, au cas où celle-ci ferait mine
de ne pas adhérer à son morcellement,
mais entre ces menaces et l'exécution
il peut y avoir un assez long délai.
Pour le moment, on paraît s'être
arrêté au projet d'une démonstration
navale faite dans les eauxdu Bosphore
Sar toutes les puissances signataires
u traité de Berlin.
Et après? Croit-on que la Turquie
fera quelque cas de ces hostilités pla
toniques? Et défierait-elle aujourd'hui
l'Europe si elle croyait à leur effica
cité? Nous croyons, pour nous, que la
Turquie, là-dessus, sait parfaitement à
quoi s'en tenir. Parmi les puissances
qui manifesteront tout à l'heure dans
le Bosphore, il en est plus d'une peut-
être qui a déjà informé la Turquie
qu'elle aurait bien tort de prendre au
sérieux cette manifestation.
Et l'on s'imagine que les six hom
mes de la mission Thomassin feront
reculer la Porte? Ils réussiront, si l'on
n'y met ordre, à nous compromettre,
et ce sera le plus clair résultat de leur
mission.
I
contre l'amiral Ribourt. Outre que,
comme nous l'avons dit, M. Gambetta
peut désirer un préfet maritime à sa
dévotion, l'amiral Ribourt a jadis
rempli, à la Nouvelle-Calédonie, avec
une grande fermeté, une mission qui
lui valut alors de^nombreuses attaques
de la part des feuilles communardes.
Or, les revenants de Nouméa pour
raient bien s'être souvenus de cette
mission ; n'ont-ils pas déclaré qu'ils
n'amnistiaient pas ? —
A. Rastoul.
La remise des drapeaux aux trou
pes a eu lieu hier dans les départe
ments avec une grande solennité.
L'officieuse Agence Bavas nous apporte
de nombreuses dépêches signalant
l'éclat de la cérémonie, l'enthousias
me des populations, l'excellente tenue
des troupes, les discours républicains
des chefs, etc. Nous nous bornons à
mentionner ces dépêches monotones,
dont la lecture intéresserait peu nos
lecteurs, auxquels elle n'apprendrait
rien-, nous reservant de signaler les
incidents qui pourraient s'être pro
duits. Dès aujourd'hui, nous pouvons
relever, dans les communications de
Y Agence Bavas, les dépêches" suivan
tes, dont le ton constraste singulière
ment avec celui des autres dépê
ches :
Chetbourg, 25 juillet
La remise des drapeaux aux troupes a
été favorisée par un beau temps. — La re
vue, commencée à une heure, s'est termi
née à quatre heures.
Le défilé a été admirable d'entrain et de
précision. — La population tout entière,
massée le long des quais, a salué les trou
pes par les cris mille ibis répétés de : Vive
l'armée 1 Vive la marine !
Par contre, l'amiral Ribourt, préfet mari
time, dont l'attitude en cette circonstance a
déplu à la population, et, semble-t-il, à l'ar
mée et à la marine, a été l'objet d'une ma
nifestation hostile et a été reconduit à son
hôtel aux cris de : A bas Ribourt ! Vive la
République 1
On craint pour ce soir une manifestation
plus accentuée.
Cherbourg, 25 juillet.
La manifestation jqui s'est produite pen
dant le défilé, contre l'amiral Ribourt, a été
causée par ce fait que l'amiral Ribourt n'est
pas allé saluer la tribune municipale, où se
trouvaient M. Lavielle, député, avec ses in
signes, le maire, le sous-préfet, le conseil
municipal et les autorités.
Le conseil municipal s'est réuni immé
diatement après la revue à l'Hôtel de ville,
et il a décidé de donner sa démission si le
maire et le sous-préfet, qui partent ce soir
pour Paris, ne rapportent pas l'ordre de dé
part de M. l'amiral Ribourt.
Une agence officieuse dénonçant ain
si un officier général dans l'exercice
de son commandement, cela ne s'é
tait jamais vu. D'ordinaire, c'étaient
les feuilles radicales du cru qui com
mençaient l'attaque et les journaux de
Paris emboîtaient le p as. Maintenant
on fait mieux, et c'est le gouver
nement lui-même, dont l'officieuse
Agence Havas est l'organe servile
qui signale les officiers généraux à
la vindicte publique. Nous avons peine
à croire que l'amiral Jauréguiberry ait
trempé dans cette affaire, et nous ver
rions plutôt dans ces dépêches l'action
de M. Gambetta, aussi maître dans
l'administration de la marine que
dans celle de l'armée, et désireux de
faire placer à Cherbourg quelque offi
cier général à sa discrétion avant le
voyage projeté.^
Il est bon de faire remarquer que
l'amiral Ribourt, préfet maritime,dont
l'autorité s'étend sur plusieurs dépar
tements, est beaucoup plus haut pla
cé dans la hiérarchie qu'un député,
un maire et un sous-préfet; il n'était
donc nullement tenu d'aller les saluer,
et c'est au contraire à ces fonction-
nairss qu'il appartenait de venir pré-,
senter leurs hommages à leur supé
rieur hiérarchique. Il n'y a donc pas
de> grief sérieux qui explique la mani
festation signalée avec tant de com
plaisance par '.l'officieuse Agence.
Qu'elle l'ait enregistré, c'était son
devoir d'agence Bien informée, de
voir qu'elle remplit fort mal à l'occa
sion ; mais elle devait au moins, sinon
blâmer, nous ne lui demandons pas
d'être héroïque, au moins éviter de
prendre parti pour les manifestants.
Il ne gérait peut-être pas difficile de
trouver l'explication dé ces attaques
Voici, d'après VArmée française, dont
on connaît les attaches avec M. Gam
betta, et, par suite, avec l'administra
tion de la guerre, le texte authentique
de l'ordre rendu par M. l'intendant
Roux Ji l'occasion des incidents tu
multueux qui ont signalé la soirée du
14 juillet à Nantes :
Tous les hommes gradés et autres, qui
ont pris part aux désordres, seront privés
du port du sabre pendant un mois, à partir
du 15 juillet.
La privation d'une arme qu'ils portaient
le jour où la faute a été commise aura pour
effet de graver dans la mémoire des ou
vriers d'administration que, du moment
que l'on revêt un uniforme et qu'on a une
arme à son côté, on n'a pas le droit d'agir
comme si l'on portait un vêtement civil;
l'entrée au service crée des devoirs parti
culiers. Les ouvriers d'administration sont
soldats. Ils doi\ent donc être animés d'un
aussi bon esprit que leurs camarades des
régiments.
Ils devraient même avoir une meilleure
attitude, car leur instruction est une raison
pour qu'ils se conduisent mieux.
Le présent ordre sera lu, demain 19, à
l'appel de onze heures.
Cet ordre du jour est irréprochable.
Esclavage de la popularité ! Voila
M. Rochefort promené de fête en fete par
ses bons amis, pour chauffer à blanc
l'enthousiasme des purs radicaux, et
préparer de longue date les élections
de 1881. Quel sera le succès de cette
campagne ? Il est difficile de le pré
voir dès maintenant ; mais il est cer
tain que si on la poursuit quelque
temps encore avec .l'intensite qui si
gnale ses débuts, le héros sera bientôt
sur les dents. Point de repos; punch,
conférence, banquet se succèdent sans
trêve, et M. Rochefort préside tou tes ces
réunions, parle et est acclame dans
toutes, se- voit régulièrement, a 1 en
trée et à la sortie, assailli sans ména
gements par ses fanatiques admira
teurs, qui l'entourent, l'assourdissent,
le pressent, le bousculent et 1 étouffe
ront un de ces jours dans un trans
port indiscret.
C'était d'un punch d'honneur, offert
par MM. les étudiants, qu'il nous fal
lait rendre compte hier ; nous avons a
parler aujourd'hui d'une conférence,
tenue dans l'après-midi du dimanche
rue d'Allemagne, et d'un banquet qui
a eu lieu dans la soirée du même jour
au lac Saint-Fargeau.
Dès une heure, la salle Chayne ou se
donnait la conférence était absolument
comble. Deux mille personnes environ
l'avaient envahie et s'y tenaient en
tassées. L'arrivée de Rochefort, vers
une heure un quart, fut accueillie par
des trépignements insensés. Enthou
siasme populaire ! Le rédacteur en chel
de y Intransigeant étantparvenu, non
sans peine, au fauteuil présidentiel,
autour duquel avaient pris place les
citoyens Olivier Pain, Beauquier, par
tiaux, deLanessan,etc.; l'harmonie (?)
le Diapason fit entendre un chœur patrio
tique qui ramena à peu près le silence.
Alors un citoyen Charliër, secrétaire,
paraît-il, de la Libre-pensée du XIX e ar
rondissement, souhaita dans une allo
cution remarquablement terne, la bien
venue à « l'auteur de la Lanterne , dont
la verve railleuse, les sarcasmes, la
logique impitoyable, firent plus en
six mois pour renverser l'empire que
les discours des avocats de l'opposition
pendant vingt ans. »
Voici la réponse de. lauteur de la
Lanterne , dont la verve railleuse, etc. :
J'aurais peine à vous exprimer toute l'é
motion que j'éprouve en présence de pa
reilles marques de sympathies. Je les ac
cepte moins pour moi que pour les compa
gnons de souffrances avec qui j ai partagé
les amertumes de la prison, de la déporta
tion et de l'exil, qui, plus obscurs que moi,
pour la plupart, n'en sont aussi que plus
méritants. .
Il est facile de taire son devoir quand on
se sent accompagné dans ses épreuves par
les regards de ses compatriotes.
Ceux qu'il faut plaindre, ceux dont il
faut se souvenir, ce sont les infortunés
tombés là-bas, à six mille cinq cents lieues
de leurs foyers, inconnus, ignorés sans
autre témoignage que celui de leur con
science, et qui n'ont été amnistiés que par
la mort.
C'est à ceux-là que je reporte tQut*° "us
acclamations, c'est à ceux-là que je vous
demande la permission de les offrir,'
Merci pour moil rnçpp'j Surtout pour
gux !
Les applaudissements et les vivats
■ soulevés par le petit discours de Ro
chefort ayant pris fin, ce que l'on
commençait à ne plus espérer, nous
avons eu| entremêlés de couplets, deux
discours de MM. Canivet et Clovis Hu
gues; taus les deux assez nuls, et sur
ce thème rebattu : « Nous avons pris
la Bastille, mais il y a encore bien
d'autres bastilles a prendre, le vail
lant Rochefort nous aidera, eto. »
Notons, pn passant, un abus corfsi-
dérable de la Marseillaise , qui pour
tant, une fois n'est pas coutume, a re-.
tenti à un moment donné avec un cer
tain à propos. Pendant le discours du
citoyen Canivet, quelques voix ont
tout à coup crié : Vive Gambetta! Stu
peur des assistants, qui bientôt pous
sent, toutes sortes d'interjections, par
mi lesquelles domine celle qui rendit
si populaire, il n'y a . pas longtemps,
l'obscur et infortuné M. Margue. Cet
incident dégénérait en tumulte, quand
le fracas assourdissant de la Marseil
laise , éclatant tout à coup, calma l'é
motion générale. Jamais encore' la
Marseillaise n'avait produit cet effet
d'apaisement subit. La sortie s'est ef
fectuée avec une tranquillité relative.
On est allé dîner au lac Saint-Far
geau.
Assez pauvre, ce dîner de sept cents
couverts. Il s'est fait longtemps atten
dre, si longtemps, que Rochefort, pour
prendre patience, s'en est allé faire
une promenade en barque sur le lac
avec les citoyens de Lanessan, Clovis
Hugues, Henri Bauër et quelques au
tres; distraction que n'ont pu se pro
curer les autres convives, qui se sont
morfondus pendant une grande demi-
heure. Enfin l'on s'est mis à table, le
menu était fort restreint : une bou
teille de vin très ordinaire pour deux ;
c'était peu pour nos radicaux, ils s'at
tendaient à mieux ; heureusement le
veau et la salade démocratiques ne
faisaient point défaut.
Au dessert, le citoyen 1 Clovis Hugues
a dit une poésie intitulée : Le Chant des
vaincus , d'une assez honnête médiocri
té révolutionnaire; les citoyens Gat-
tiaux, Beauquier, Bauer ont porté des
toasts à Rochefort, qui leur a répondu
par une allocution que nous donnons
plus loin, et où l'on verra se dérouler
le programme des Nouméens, spéciale
ment dirigé contre M. Gambetta et les
opportunistes, avec uncertain nombre
de flatteries à l'adresse des socialistes
et du parti des pauvres, dont il paraît
que le très rente Rochefort fait toujours
partie. Après ce discours, les con
vives se sont esquivés de bonne heure
et se sont répandus dans les cabarets
du voisinage pour chercher une com
pensation à la demi-bouteille de vin.
On a pu voir dans la soirée qu'ils l'a
vaient abondamment trouvée.
Divers journaux signalent un inci
dent significatif qui a marqué le dis
cours de Rochefort au lac Saint-Far
geau. Le voici, dans toute sa crudité.
éiM. Rochefort parle des morts de 1871 et
cito leurs noms ; un citoyen crie : « El Cré-
mieux, assassiné ! »
« Oui, assassiné, répond Rochefort; mais
« soyez tranquilles, nous le vengerons,
« ainsi que les autres, espérons-le !
N'oublions pas que M. de Freycinet
disait : « Les amnistiés nous revien
dront repentants! »
La moralité républicaine
Une fois n'est pas coutume. Pour
aujourd'hui nous louerons M. Sarcey.
Ce n'est pas, certes, que le personnage
ait rien écrit avec le dessein de plaire
aux « réactionnaires » ; mais la répu
blique en vient à tolérer de tels excès,
que la pudeur de M. Sarcey elle-
même s'effarouche. Et pourtant, l'on
sait ce que peut porter la pudeur de
M. Sarcey ! « Je ne suis assurément
pas prude, dit-il aujourd'hui encore.
Et je dois même dire que, parmi mes
amis et peut-être aussi parmi mes lec
teurs, beaucoup me reprochent mon
goût de plaisanterie rabelaisienne : je
ne hais pas la gaudriole, même la plus
salée. » Gela étant, nos lecteurs devi
neront ce que peut être une publica-
tioiî dont M. Sarcey, amateur de la
gaudriole la plus salée, parle comme il
suit :
La police hier a saisi dans les kiosques
un journal qui avait entouré une histoire
ordurière d'illustrations obscènes.
J'ai vu les dessins en question—
Ils sont ignobles. Je ne sais pas d'autres
mots pour qualifier ces horreurs, qui sont
aussi contraires à l'art qu'à la morale.
L'homme qui écrit et qui dessine ces
sortes de choses n'est pas mon confrère.
C'est un industriel en malpropretés, et je
trouve fort bon qu'il s'assoie sur les bancs
de la police correctionnelle, à côté des gens
qui font le trafic des cartes transparentes
qu des photographies décolletées.
Eh bien, dira-t-on peut-être, voilà
qui est parfait. Des dessins orduriers
avaient été publiés, qui faisaient hor
reur même à M. Sarcey. Ils ont été
saisis, n'est-ce pas à l'honneur du
gouvernement républicain ? Attend»»
Voici,, d'après M. Sarcey. ""
vnmià la nnhlU»*' - ' 1 U1 a P r0 "
m ^ ..^uuondes dessins dont
il e ^
— « agit :
Un journal s'est fondé, il y a quelques
mois , .qui tirait à quelques centaines
d'exemplaires. Il se mourait d'anémie.
Un.matin, il publie, sous forme de chro
nique, une de ces histoires
Gela était bête à pleurer, et d'un cynisme
de. détails parfaitement dégoûtant.
Nous lé lisons avec stupeur :
— Oh ! c'est tout de même trop fort ! ils
vont se faire saisir, ils n'auront que ce
qu'ils méritent.
Ils ne sont pas saisis. Le lendemain ils
recommencent, et la seconde histoire enchérit
sur la première. C'est un récit à soulever le
coeur ; car au graveleux de la situation se
joint i'impudeur de circonstances physiolo
giques, dont on n'ose généralement pas
parler dans le monde, même par allusion.
Ils ne sont pas saisis.
Et le surlendemain, c'est la même chose,
et .tous les jours {que [Dieu fait. Et nous
voyons avec un étonnemenl gui va croissant
chaqùe matin défiler tous ces récits....
Et ces récits, non, vous n'imaginez pas
do quelle plume cynique et pleutre tout à
la fois ils sont écrits. Cela n'a pas même
l'insolence hardie et provocante du gros ri
re. C'est un pataugement dans l'immondi-
ce ; le ricanement gras et niais qu'excite
l'homme qui glisse dans l'ordure et s'y
vautre.
Et cela se renouvelle tous les jours, et ils
ne sont pas saisis !
Et voilà que ce journal, qui tirait à trois
cents, se vend à trente mille. Il s'enlève dans
les gares, el j'ai vu, de mes yeux vu, une
mère de famille le déployer en chemin de fér.
J'ai rougi pour elle...
Et voilà que lo succès inattendu a tout
de suite affriolé les concurrents. Il était dif
ficile de pousser plus avant dans le grave
leux. Il paraît qu'ils y ont réussi. Je dis : il
paraît , pai'ce que .je ne lésai pas lus : parce
que rien ne me semble plus triste que la
malpropreté voulue; parce que nous en
avions tous, à la rédaction, des haut-le-
cœur.
Et voilà qu'emportés par la fureur d'aller
plus loin encore, il s'en est trouvé d'autres
qui se sont avisés de rendre les saletés du
texte visibles, en les traduisant aux yeux
par des illustrations plus immondes que le
texte.
Ah! celte fois,Jls avaient passé la mesure ;
ils ont été saisis.
N'est-ce pas instructif? Et quel plus
violent réquisitoire pourrions-nous
écrire contre le gouvernement cher à
M. Sarcey? Comment ! voilà des hom
mes qui naguères mettaient en mou
vement tous les parquets de France,
tous les préfets, et tous les commis
saires de police pour chasser de leur
demeure d'humbles religieux occupés
à la prière et aux bonnes œuvres, mo
dèles accomplis de toutes les vertus
privées et sociales ; et, pendant qu'on
opérait cette vilaine besogne, d'autre
part que tolérait-on, que tolère-t-on
tous les jours encore? Car, c'est M.
Sarcey qui le dit, les poursuites ne
sont dirigées que contre la dernière
de ces publications ordurières et parce
qu'aux yeux du pouvoir celle-là dépas
sait avec trop d'excès la mesure.
Où donc s'arrête la mesure ? M. Sar
cey nous le dit encore, car des im
mondes récits sur lesquels le journal
dont on parle a fondé son immonde
spéculation, on nous dit qu'il était
« difficile de pousser plus avant dans le
graveleux ! » Et il n'a pas été saisi !
Qu'est-ce à dire? Et quelle est la rai-
sou dernière de cet état de choses qui
fait horreur et soulève le dégoût? C'est
toujours M. Sarcey qui nous fera la
réponse :
Voulez-vous que je vous dise? écrit-
il ; je trouve que le public s'est singulière
ment gâté depuis quelques années, et qu'il a
un penchant à- se repaître de gravelures qui
l'eussent horriblement choqué autrefois.
Pauvre M. Sarcey, qui ne s'est pas
aperçu que « depuis quelques années »
nous sommes en République !
Auguste Roussel.
DÉMISSIONS
(suite)
COURS D'APPEL
M. Bagemerye, substitut du procu
reur général à Bourges.
TRIBUNAUX
M. Richard, substitut du procureur
de la république, à Châteauroux.
M. de Vernay, juge suppléant, id.
L'affaire de Bordeaux
Nous nous sommes bornés hier à
reproduire l'exposé succinct, fait pai-
la Guyenne , des incidents qui ont si
gnalé, à l'audience du tribunal de Bbr-
deaux, les débats sur l'affaire des PP.
jésuites. Une correspondance particu
lière nous permet aujourd'hui d'éciair-
cir ces incidents et de rendre à ' cette
audience la physionomie qu'elle doit
prendre, afin de bien caractériser le
rôle qu'y ont joué certains person
nages.
Tout d'abord il est acquis que M. le
président Bretenet, voulant être agréa
ble au préfet, lui fit demander quel
jour son avooat désirait plaider. Le
préfet ayant fait choix du samedi, l'af
faire fut mise par le président pour ce
jour-là au rôle de la 4 e chambre,.qui
siège les jeudi, vendredi et samedi.
Remarquons ici que cette chambre e®*
la seule du tribunal dont les ''âges se
donnent eux-mêmes * pu bliqulment
0 °mmerépubb- ns . d 'entre eux
a .^coré le 14 juillet.
Il y a plus, M. le président, après
avoir fait ce choix, a voulu venir pré
sider lui-même la chambre ainsi com
posée. C'est sans doute son droit strict,
mais on a fait remarquer que cela est
contraire à toutes les traditions du
tribunal de Bordeaux, où le président
n'a jamais présidé que la première
chambre. M. le président, jadis fort
impérialiste et auteur, en cette qua
lité, d'une adresse plébiscitaire restée
célèbre à Bordeaux, rêverait-il de
faire oublier, à force de zèle, ces sou
venirs?
Quèi qu'il en soit, l'affaire fut appe
lée le 21 juillet devant ledit président,
Ici nous laissons la parole à notre cor
respondant :
Les juges ordinaires étaient MM. Krug,
Bass, Cabantous, Greller, Dumazeau et
l'un des juges d'instruction, M. de Miollis ;
le procureur de la République, M. Antonin .
Vercher, assisté de M. Gachasson-Lafitte,
substitut, occupait le siège du ministère
public.
M. le préfet Doniol s'est présenté en
grand uniforme, assisté de M 0 Moulinier,
avocat, M 0 Goupil, avoué, et accompagné
de M. Goujon, vice-président du conseil de
préfecture de la Gironde.
Les PP. Carrère et Roucanière, représen
tant les propriétaires, étaient assistés de
MM. Lafon et Bayle, avocats, et de Md
Boudis, avoué. Le public était très nom-
breuxdansl enceinte réservée, où n'entraient
que les porteurs de cartes délivrées par le
président ou les avocats en robe. Ceux-ci
étaient présents en grand nombre.
L'affaire ayant été appelée, M. Goupil,
pour M. Doniol, a pris des conclusions à
fin de déclinatoire d'incompétence, où l'on
a remarqué les déclarations dii préfet rela
tives h la levée des scellés. Dans cetta
pièce, en effet, il dit textuellement « qu'il est
prêt à lever les scellés devant les deman
deurs ou toute autre personne pour eux,
lesquels pourront dès lors jouir et user de
la dite maison en se conformant aux lois. »
M. Lafon, pour les pères jésuites, s'est
alors levé ; mais, sur l'observalion du pré
dent que des conclusions devaient d'abord
être prises par l'avoué des pères, M. Bou-
dias s'est levé à son tour. En termes fort
nets et d'un ton qui accentuait sa proposi
tion, il a demandé acte de ce que les de
mandeurs déclaraient se désister de leur
instance. ' .
M. le président ne s'attendait pas à cette
surprise ; il a senti le coup qui atteignait
ainsi le tribunal choisi par lui et a paru
quelque peu décontenancé.
— Mais, a-t-il dit, en s'adressant à l'avo
cat des jésuites, do quoi vous désistez-
vous ?
— De l'instance, monsieur le président.
Quant à 1 action, il est entendu que nous
la conservons.
— Nous n'acceptons pas le désistement
do l'instance, s'écrie alors M. Moulinier,
l'avocat du préfet. Nous voulons le désiste-'
ment do l'action ou nous plaiderons.
— Pardon, répond M 0 Lafon; qu'un dé
fendeur qui accepte le débat au fond, re
fuse un désistement de l'instance, c'est son
droit, et si M. le préfet Doniol veut plaider
au fond, nous sommes prêts. Mais s'il per
siste dans son déclinatoire d'incompétence,
le fond n'est plus soumis au tribunal, et dès
lors nous avons le droit de borner h l'ins
tance notre désistement.
Cette explication si nette clôt la bouche
aux conseils du préfet," qui marquent leur
dépit, mais n'ont rien à opposer. Quant
au président, désappointé lui aussi, il ne
peut refuser de donner acte du désiste
ment de l'instance et il déclare l'audience
levée.
Remarquons à ce propos que le procès
des jésuites devait si bien tenir l'audience,
qu'aucune autre affaire n'avait été re
tenue. Notons encore ce détail : M. le pré
fet, arrivant en grande tenue, flanqué de
son état-major, a traversé les rangs pressés
d'une foule plus qu'indifférente. Un cri
s'est alors élevé : Vive M. le préfet 1 Le
préfet, joyeusement surpris, se retourne et
salue avec grâce. Mais le manifestant, hon
teux de son isolement, tourne le dos pour
ne pas recevoir le salut.
Après le dénouement, M. le préfet reste
seul... avec son désappointement. Au con
traire, on fait la haie pour laisser passer
les PP. jésuites et leurs conseils, qui re
çoivent de toutes parts les plus vives mar
ques de sympathie et de respect.
Aussilôtl'audienoe levée, et avant même
que le tribunal fût retiré, le barreau pres
que tout entier témoigne hautement sa sa
tisfaction et s'empresse à féliciter M. Lafon.
La joie est générale, et pendant plus de
deux heures la salle des Pas-Perdus est
remplie de nombreux groupes qui comm.an-
tent vivement la scènç an; vient de se dé
rouler devant 1§ tribunal en se félicitant da
son dénomment. Il était impossible, en
e %t, de mieux déjouer la combinaison du
préfet.
Les dernières paroles de notre cor
respondant nous serviront de tout
commentaire pour apprécier ce qui
vient de se passer à Bordeaux. Aussi
bien, l'exposé des faits suffit à provo
quer le jugement qui doit s'ensuivre,
car les personnes y apparaissent net
tement dans le rôle qu'elles ont voulu,
prendre. M." le préfet Doniol fera bien
d'en tirer cette conclusion, qu'il ne
faut pas jouer la comédie si l'on ne
veut pas être sifflé.
Auguste Roussel.
On écrit de Lille, le 24 juillet :
Une plainte pour attentat à la liberté in
dividuelle, avec constitution de partie ci
vile, a été déposée aujourd'hui par le P,
Fristot, jésuite, entre les mains du premier
président de la cour de Douai.
On nous écrit de Bordeaux :
Dans le dernier mouvement judiciaire,
on a pu remarquer la nomination de M. La
fon du Gluzeau qui, de substitut à Péri-
gueux, est devenu procureur de la Répu
blique à Sarlat.
C'est lui, par conséquent, qui, au 31
août prochain, sera chargé de faire croche*
ter les serrures du collège que dirigeât
dans cette ville les RR. PP. jésuites> lui
qui devra prendre au collet les vénérables,
directeurs de cet établissement pour lssi
chasser de leur domicile. ,
Or, il est bon de savoir que ce jeune fa
vori deM.Cazot, le signataire des fameux
décrets, a fait toutes ses études au collège
Saint-Joseph de Tivoli à Bordeaux, _ et»
qu'en ce temps-là, ses parents ne pouvaient
assez se féliciter des soins donnés à leur
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