Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1880-07-24
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 juillet 1880 24 juillet 1880
Description : 1880/07/24 (Numéro 4652). 1880/07/24 (Numéro 4652).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 24, Juillet 1880
N 4 4652 -r Édition quotidienne.
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Samedi 24 Juillet 1880
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PARIS
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Six mois . 28 50
- Trois mois . 15 »
Un. Numéro, à Paris. ..... 15 cent.
— Pé parte n^exils. 120 —
BuiyÊ^ux^ ;
Parts, 10, lî vje -des Saints-Pèi'xt '
On s'abonne, & BMc, pldce' du écJù, 8
DÉPARTEMENTS
Un an. « 55fr. >1
Six mois, 28 50
Trois mois . . ^ 15 »
Édition semi -quotidienne
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FRANCE
PARIS, 23 JUILLET 1880
La loi de 92 sur les ordres religieux
débutait, en manière de préface, par
cet aphorisme imbécile : « Gonsidé-
« rant qu'un Etat vraiment libre ne
« doit souffrir dans son sein aucune
« corporation, pas même celles qui,
« vouées à l'enseignement public, ont
« bien mérité de la patrie. » Sans nul
doute, M. Gazot s'est nourri de l'esprit
de cette législation, s'il peut être ici
question d'esprit. La maxime : Pas de
- corporation dans un Etal libre , à son ju
gement, ne serait rien moins qu'un
principe fondamental du moderne
droit public. Principe fondamental est
un peu beaucoup dire : tout ce que
l'on peut accorder, et que nous concé
dons pour notre part bien volontiers,
c'est quç "la négation du droit de cor
poration est sans conteste une des bê
tises fondamentales de l'opinion de ce
temps. L'axiome revient à dire que
l'Etat libre n'a pas la liberté d'appeler
à lui les fécondités que seule développe
la puissante vie corporative. Partant,
l'Etat libre n'est pas libre d'entrepren
dre des œuvres d'avenir ; il n'y a de
durable que les corporations, il n'y
a qu'elles pour fonder et animer les
grandes créations qui demeurent, tan
dis que les générations se succèdent.
Stérilité, misère obligatoire, ainsi le
veut la liberté, suivant la formule re
nouvelée par M. Cazot de ses congé
nères, les Cazot de 92.
Au cours, de la campagne contre les
congrégations, ce qui s'est dit de cho
ses violemment ineptes passe toute
croyance. On reprochait aux lois exis
tantes de manquer de sanction pénale,
ce qui, pour une loi prohibitive, équi
vaut à ne pas exister. L'objection n'é
tait pas pour démonter M. Gazot. Le
ministre torturait, pressurait, pilait
ensemble les articles de la loi de 92 et
du décret de messidor. Finalement, il
arrivait à découvrir qu'il y a réelle
ment par là une sanction pénale ap
plicable, sanction peu précisé il est
vrai. Gela varierait entre un franc d'a
mende et... la peine de mort.
Une loi dont l'interprétation abou
tit à ces extravagances est une loi qui
n'existe pas : c'est tout ce qu'on en
peut dire de raisonnable. Quand, d'a
venture, la loi se met en guerre avec
le sens commun, c'est tant pis pour la
loi : force reste au sens commun.
M. Gazot, à la sueur de son front, a
échafaudé des tas d'arguments desti
nés à prouver que les lois existantes
existent. Un rude homme, ce Cévenol,
pour soutenir, sans rougeur au front,
des thèses odieuses et tenir ferme
contre l'évidence même. Car, enfin,
dans l'actuel état du droit, si un point
éclate de certitude, c'est la non exis
tence des lois existantes. Tous les cou
rants, courants des lois, des mœurs,
des événements, ont emporté ces-rési
dus de la double tyrannie jacobine et
napoléonienne. Toutes les réactions.,
tous les mépris ont balayé, rejeté du
même coup au néant l'exécrable loi
de 92 et le décret de messidor.
Nous venons de parler de réaction ;
le mot est, par les bons républicains,
pris en mauvaise part; réactionnaire,
dans la langue à leur usage, est une
injure.. Les bons républicains font er
reur ; réagir est tout ce qu'il y a de
légitime, réagir est au premier chef
un droit de nature. Une force vive est
foulée iniquement, privée de sa part
d'espace et de légitime^ expansion. La
lutte incontinent se déclare ; le droit
comprimé répond à la dépression par
la dilatation. Et plus est serrée la vis
comprimante, plus grandit la poussée
du droit contre les étroites parois où
l'on tente de l'emprisonner. Voilà la
réaction, rien n'est plus respectable.
Vis-à-vis des lois persécutrices des
congrégations , la réaction a com
mencé à l'apparition même- de ces
lois. Quant au décret de messidor en
particulier, il n'est pas sans intérêt de
rappeler que l'auteur lui-même du dé
cret donna les mains tout le premier
à la réaction qui répondit à son ukase.
Des congrégations se formèrent à sa
vue, sans vérifications de leurs statuts,
sans demande aucune d'autorisation
de l'Etat. On a compté jusqu'à 54 de
ces communautés religieuses, établies
sous le consulat et l'empire, en trans
gression flagrante des prescriptions de
messidor. L'empereur laissa faire, l'em
pereur souffrit que son décret restât
ïnobéi. Le grand homme sentait qu'il
avait devant lui une de ces dilata
tions incompressibles, auxquelles il
est inutile d'exposer les fragiles lois
humaines.
La réaction se poursuit sous toutes
les formes, dans toutes les voies. Réac
tion dans les mœurs et le sentiment
public : les congréganistes de toute
robe, ces délinquants au regard du
décret de messidor, sont recherchés et
honorés, honorés dans l'Eglise, hono
rés- dans le monde et dans les régions
officielles. L'autorité ecclésiastique et
le pouvoir civil les appellent de con
cert aux prélatures; le froc du moine*
proscrit par la loi de 92, illustre les
académies et les Assemblées légifé
rantes. L'Etat contracte avec ces mal
faiteurs. Dans l'Afrique française, il
concède dç vastes terrains aux trap
piste^; il traite avec le P. Parabère,
de la compagnie de Jésus, pour l'im
portant établissement de Bouffarik,
créé en vue de la moralisatioh, plus
simplement de la culture chrétienne
du soldat, ff.n France, le gouvernement
remet à ces religieux nullement re
connus jt autorisés de lui, la délicate
tâche de l'éducation des jeunes déte
nus. .
Il y a réaction permanente dans les
lois qui se succèdent. Les chartes ou
constitutions de toutes les dates réé
ditent la déclaration de liberté et d'en
tière égalité devant la loi des opinions
et des sectes religieuses quelconques;
les mêmes chartes ne se lassent pas
d'affirmer l'inviolabilité du domicile et
de la propriété, inviolabilité la même
pour tous, sans acception de secte ou
de condition, ou d'attache à telle ou
telle règle monastique. Les lois de
•1817 et 1825, pour conférer la recon
naissance légale et les droits qui s'en
suivent, exigent l'existence de fait des
communautés préalablement à la de
mande d'autorisation. Ainsi, pour l'ob
tention du droit, la condition première,
c'est l'existence antérieure sans auto
risation, autrement dit c'est une ma
nière d'être réputée délictueuse aux
termes du décret de messidor. Imagine-,
t-on une plus préremptoire façon de
balayer jusqu'aux souvenirs du res-
crit de Bonaparte? Même signification,
même portée dans les lois de 1850 et
1875, ouvrant la carrière de l'en
seignement aux • congrégations re
connues ou non reconnues. Remar
quons : cette suite de lois ne dé
clare point abroger, elles ne visent et
ne nomment même pas soit la loi de
92, soit le décret de messidor. Seule
ment les lois nouvelles disposent exac
tement comme si la loi de 92 et le dé
cret de messidor n'existaient pas, com
me s'ils n'avaient jamais existé. Il n'en
est fait nul état dans les actes législa
tifs qui suivent : la loi de fureur de
1792, le décret césarien de messidor,
tout cela est tenu pour non avenu, ré
puté chose mort-nèe. Tout cela est éli
miné innomément ; c'est proprement
l'abrogation par le mépris.
Après cela, les articles de la loi de
1792 et du décret de messidor conti
nuent d'être imprimés et réimprimés
sous leurs dates au bulletin des lois.
Quelques légistes, en nombre infime
et de médiocre autorité, M.. Cazot, M"
Durier, avocat, en prétendent tirer la
conclusion folâtre que ces textes tien
nent encore leur coin dans la législa
tion en vigueur. Ces messieurs sont les
anatomistes et un peu les matérialis
tes du droit, n'allant guère, dans la
loi, au delà de la littéralité. Ils voient
avant tout, sinon exclusivement, des
textes. Ils en méconnaissent volon
tiers l'esprit, le souffle animateur ; ils
ignorent, dans l'économie et le mouve
ment du droit, cette chose immense :
les résultantes. Les articles de loi s'en
trechoquent, les textes maintes fois se
combattent. Ces impulsions, ces chocs
en apparence contraires se rencontrent
idans un commun aboutissement, à
savoir dans la résultante, grand cou
rant régulateur, puissant tirant d'eau
qui donne au fleuve sa direction, son
allure, sa physionomie. La résultante
est l'essentielle du droit, la résultante
prévaut sans conteste sur les disposi
tions de détail.
En ce qui touche les congrégations,
M. Demolombe a dégagé, dans des
splendeurs de clarté, la résultante de
l'état du droit. La résultante, pour le
religieux, c'est le droit commun, le
droit de tout le monde : être maître
chez soi, inviolable dans son for spiri
tuel, dans sa liberté personnelle, dans
sa propriété.
Ce total du droit en est aussi le mi
nimum. C'est le droit du charbonnier,
on n'aperçoit pas de raison d'en frus
trer le religieux. Nulle loi en vigueur,
dit M. Demolombe, ne- punit l'émis
sion des vœux religieux d'une dimi
nution quelconque des droits civils ou
civiques de la personne. Le jésuite a
le même droit que la foule, il a sem-
blablement le même juge. Pas de juge,
pas de droit. Forum et jus sont des ter
mes qu'on ne sépare point. Telle est
la résultante des courants et des prin
cipes qui s'entrecroisent.
La France est une nation substan
tiellement chrétienne, régie par des
constitutions sceptiques, accidentelle
ment gouvernée, par des mécréants;
la foi du baptême reste au cœur, l'im
piété s'étale aux surfaces officielles.
Dans une société ainsi faite, le reli
gieux n'est au-dessus et il n'est au-des
sous de personne, il n'a rien de plus
que le premier ou le dernier venu,
mais il n'a rigoureusement rien de
moins. Le religieux, sous le concert
du droit commun, est invulnérable.
Droit commun revient à dire : égalité
de droit, égalité avec les plus infimes,
égalité au ras du sol. Qui ne réclame
et n'a besoin que d'être égalé aux
moindres occupe une*position inexpu-
Voilà > la résultante , redisons-le,
voilà l'invincible courant de doc
trine où se rencontrent toutes les
élites, toutes les droitures, toutes les
{jrobités, tout ce qui représente la
France chrétienne ou simplement la
France honnête, la vraie France. Sur
tous les points, dans tous les prétoires,
la magistrature assise a sanctionné la
tutélaire doctrine du droit commun ;
les barreaux se sont levés pour l'affir
mer; dans la magistrature debout,
une suite de glorieuses retraites lui a
rendu le témoignage entre tous émou
vant : le témoignage du sacrifice. La
question de droit est jugée, la ques
tion de compétence est jugée, tout est
jugé, jugé avec unanimité, avec impo-
sance, jugé avec une élévation de cou
rage, avec une impavidité de parties
auxquelles il n'y a rien à comparer
dans les annales judiciaires. Le gou
vernement va-t-iï se retrancher , der
rière son tribunal des conflits? M. Ca
zot montera-t-il de sa personne à l'A
cropole? Départagera-t-il ce tribunal
mi-parti de magistrats , mi-parti
de fonctionnaires, où le partage est
toujours imminent? M. Cazot enfin,vu
le prestige qu'on lui connaît, jugera-
t-il seul contre tous les tribunaux,
contre tous les barreaux, contre tous
nos jurisconsultes dignes de ce nom,
M. Demolombe en tète? Un pouvoir
fort ne jouerait pas la partie, c'est cer
tain. Les pouvoirs forts sont en géné
ral sains d'esprit, c'est une des raisons
de leur force.
Pn. S euret.
Qui donc trouvera grâce devant, les
républicains ? Leurs journaux ont dé
noncé tour à tour les conseils géné
raux pour s'être prononcés en faveur
de la liberté d'enseignement, le Sénat
pour avoir rejeté l'article 7, l'Académie
pour avoir élu M c Rousse, les barreaux
pour avoir adhéré en masse à la con
sultation de l'avocat des congrégations
religieuses, les parquets pour avoir
donné leur démission, les tribunaux
pour avoir jugé selon le droit, l'élite
même de leur parti pour avoir soutenu
la cause de la liberté, et jusqu'aux ar
tistes pour avoir concouru à la créa
tion des écoles libres. Le clergé leur
est odieux, l'armée ne leur est pas
sympathique, l'administration; quoi
que épurée, est encorel'objet de toutes
leurs défiances; la grande industrie,
le haut commerce, la finance leur sont
suspects. Que reste-t-il qui soit à eux?
De quoi se compose leur parti? où est
leur France?
Rejeter ainsi l'élite de la nation, se
séparer de tout ce qui représente l'in
telligence, le bien, l'ordre, la valeur,
l'influence, la richesse, l'autorité,
n'est-c.e pas montrer maladroitement
ce qui reste pour soi ? La république
en est réduite à faire de la France
deux parts, dans l'une desquelles elle
met ce qu'il y a de meilleur, en décla
rant que cette part n'est pas la sienne.
Qui pourrait dire plus de mal de la
républicrue qu'elle n'en dit elle-même ?
En s'etablissant, on sait de quelle
manière, la république a commencé
par déclarer que tout était corrompu
en dehors d'elle, qu'il fallait tout épu
rer, comme si le pays n'avait été jus
que-là qu'une sentine infecte, qu'un
réceptacle de toutes les turpitudes. Ja
mais la France n'a été autant diffamée
par ses ennemis que par les républi
cains. Avec quel mépris ne parle-t-on
pas, depuis bientôt deux ans, de la
magistrature et de l'armée, du clergé,
et des classes dirigeantes, de l'admi
nistration, des académies, des écoles
elles-mêmes, sous prétexte que le clé
ricalisme a tout pénétré et que l'es
prit de réaction a soufflé partout avec
lui ?
Du reste, le prrti républicain est
obligé d'appliquer ce système de ca
lomnies, et) d'injures à l'histoire elle-
même. On sait comment ses adeptes
traitent les douze siècles qui ont pré
cédé 89. Une sorte de fureur les anime
contre ce long et respectab]e passé.
On ne diraitjamais des Français par
lant de leur patrie. On croirait plutôt
entendre des envahisseurs qui veulent
justifier la conquête en chargeant les
vaincus de tous les crimes. Les répu
blicains sont obligés de renier l'his-
tpire, c'est à dire la vie même de la
patrie. Ils n'étaient pas hier et ils
njont 'pas plus de titres à être au
jourd'hui. Ils ne peuvent s'accommoder
d'ciicune des choses qui ont fait la
France, ni de la religion, ni de la mo
narchie, ni de l'ancienne loi ni de l'an
cienne liberté. Par là ils se reconnais
sent eux-mêmes des nouveaux venus,
des étrangers.
En ce moment sans doute ils domi
nent; mais par qui et avec qui? Rien
de ce qui fait la force des nations, re
ligion, vertu, intelligence, fortune n'est
aveceux, etla preuve.en est qu'ilss'atta-
quentà toutes ces supériorités. Ils n'ont
pour eux, à vrai dire, que le nombre, la
vile multitude, l'imbécillité,le vice.C'est
par là qu'ils régnent. Leur domination
ne s'exerce qu'en. abolissant tout le
reste. C'est là toute leur politique. Ils
le proclament eux-mêmes par leurs
actes. Ils n'auraient pas agi ni parlé
autrement depuis deux ans, s'ils
avaient voulu montrer que la Répu
blique ne peut exister qu'à condition
de supprimer la France. •
A rtul'h L otu.
Le parti républicain s'agite beau
coup à propos des prochaines élections
pour les conseils généraux. .Nous ne
voyons pas la même activité dans le
camp conservateur. Elle y serait ce
pendant plus nécessaire ; car les ré
volutionnaires, en dépit des déclara
tions officielles, peuvent compter sur
l'administration, dont la force gran
dit, non pas parce que ses agents su
périeurs sont considérés, mais parce
qu'ils se font craindre.
Nous engageons nos amis à prendre
à cette lutte une part active. Leur pro
gramme est tout tracé : ils soutien
dront les candidats qui veulent que
l'école et la religion soient libres, que la
justice soit respectée. Ils ne se conten
teront pas de banales et vaines décla
rations. Les positions sont aujourd'hui
très nettes : quiconque soutient le ré
gime actuel, le régime des décrets, de
la proscription, du crochetage, des dé-
clinatoires, ment lorsqu'il déclare n'ê
tre pas l'ennemi de la religion et de là
justice ; il faut le repousser.
Là où le candidatdigne de toute no
tre confiance ne se trouve pas, tra
vaillons et votons pour celui qui, sans
être pleinement des nôtres, condamne,
du moins, les décrets„du 29 mars.
On lit dans la correspondance de
Paris du Journal de Genève :
Il devient de plus en plus certain que le
gouvernement a ajourné, jusqu'à une date
qu'il n'a pas d'ailleurs fixée, l'application
des décrets du 29 mars aux congrégations
religieuses. Ces associations comprennon't
75 ordres différents et un total de mem
bres s'élevant au chiffre considérable do
5,324 personnes, sahs parler des innom
brables frères lais, convcrs et autres qui
s'ajoutent à chacune d'elles. Les disperser,
avant d'avoir réglé la question des jésuites,
serait donc, comme déjà je l'ai dit, un acte
d'imprudente précipitation.
Do plus, les fameuses mesures édictées
au mois de mars n'impliquaient pas la dis
solution de ces congrégations dans un
délai déterminé ; elles leur imposaient sim
plement l'obligatiun de communiquer leurs
statuts sous peine do s'exposer à être dis
soutes. Les ordres dont il s'agit et qui ont,
pour la plupart, refusé de se soumettre aux
instructions ministérielles, restent donc
passibles de l'intervention de l'Etat ; mais
le cabinet demeure libre do choisir son
heure pour exercer cette répression. D'ici
là, il réformera les parquets, dans le per
sonnel desquels six démissions de substi
tuts viennent encore de se produire ; il
amènera probablement certaines associa
tions à .solliciter l'autorisation d'exister.
C'est là de la sage politique ; l'autre, que
réclament les organes avancés qui vou
draient en finir d'une seule l'ois avec « la
gent cléricale,» serait, pour le quart d'heure,
de la politique de casse-cou.
Une dépêche de Milan nous donne
aujourd'hui lo résultat du procès qui
se poursuivait dans cette ville depuis
le 20 juin. Après tout ce que nous
avons rapporté de la scandaleuse fai
blesse du président, de l'insolence des
avocats défenseurs de Boët, de la pres
sion menaçante exercée sur d'indo
lents jurés par une tourbe aux gages
de la secte révolutionnaire, on ne sera
pas surpris d'apprendre que Boët est
acquitté.
G^est le triomphe de la canaille, et,
après avoir été préparé au grand jour
avec une grande impudence, il s'etale
avec un cynisme sans exemple. Non-
seulement Boët est acquitte, mais il
est acclamé : non-seulement il échap
pe à la flétrissure qui lui était due,
mais il sort du prétoire traînant der
rière lui, après l'avoir défiée, la jus
tice italienne bafouée et déshonorée.
Jamais, de mémoire d'homme, on ne
vit pareille orgie judiciaire souiller
les annales d'un tribunal dans un pays
qui se donne pour régulièrement or
ganisé.
C'est à se demander si demain, sur
les bancs qu'il vient de quitter, le vo
leur ne réclamera pas la comparution
du procureur qui a eu l'audace de sou
tenir sa culpabilité. Bien plus, on
ppurrait se demander si bientôt, pous
sé par la faveur des brigands qui l'ac
clament, Boët n'entrera pas à la Cham
bre italienne, et, vu son impudente
faconde, n'obtiendra pas en récom
pense la fonction de présider comme
garde des sceaux à la distribution de
la justice. Ne sait-il pas mieux que
personne comment on l'asservit aux
passions du jour ?
Nous ne reviendrons pas sur les dé
tails de ce honteux procès. Nous les
ayons publiés au fur et à mesure des
séances, et l'on a pu en suivre le dé^
veloppement. On sait comment, par
l'ineptie ou la faiblesse d'un président
qu'il est malaisé de qualifier, les dé
bats ont pris dès l'origine la direction
qu'il plaisait à l'accusé de leur don
ner. On sait comment il en a profité
pefur y faire entrer toutes sortes d'in
ventions et de divagations calomnieu
ses, absolument étrangères à la-cause,
afin de travestir, en lui donnant un
caractère politique, une poursuite en
gagée au seul nom de la plus vulgaire
probité. On sait encore comment, dans
cette violence faite à ,1a justice, l'ac
cusé s'est vu tout de suite bruyam
ment soutenu par une secte qui trou
vait tout naturel de prendre sous sa
protection un voleur, du moment qu'il
s'agissait de faire échec à un roi.
L'on se rappelle encore comment,
poussés à bout par ces scènes tumuW
tueuses, trahis par le président qui
devait faire respecter leurs droits, gra
vement insultés et menacés dans leurs
personnes, les avocats de la partie ci
vile ont fini par se retirer d'un débat
dans lequel leur parole n'était plus ni
libre ni sûre. Enfin, dernier trait qui
achève de caractériser ce procès véri
tablement inouï, on a vu comment un
grand avocat libéral, M. Pierantoni,
lequel, indigné de voir la justice ita
lienne se déshonorer de la sorte, avait
spontanément offert son concours à
don Carlos pour enrayer, au dernier
moment, ce courant de honte, avait
dû renoncer lui-même à toute tenta
tive de ce genre, après avoir subi tou
tes sortes d'outrages peur sa coura
geuse honnêteté.
Cela étant, le verdict devait suivre
tel qu'on pouvait l'attendre des for
bans qui, venus du dehors, s'étaient in
stallés dans le prétoire pour dicter
leur sentence aux juges. Et néanmoins
ceux-là se trompent, qui, dans toute
la presse révolutionnaire, annoncent
comme un triomphe pour leurs haines
cet « heureux » événement. A rempor
ter de tels succès, conquis par de tels
moyens, les plus habiles ont bientôt
fait de se perdre. Aussi, dès aujour
d'hui, nous n'hésitons pas à procla
mer que, devant la conscience indi
gnée des honnêtes gens du monde en
tier, le monstrueux acquittement de
Milan s'élèvera désormais comme le
plus haut témoignage ( : ui puisse, en
flétrissant le coupable absous, venger
l'honneur et servir la cause du noble
prince contre lequel on l'a voulu tour
ner.
A uguste R oussel.
Bien que le résultat de l'affaire de
la Toison-d'Or fût prévu depuis plu
sieurs jours, la surprise a dû être vive
chez ceux qui, de bonne foi, croient
encore à la justice humaine.
Qui aurait pu imaginer qu'un sim
ple voleur se verrait protégé par deux
gouvernements, et cela parce que ces
gouvernements étaient les adversaires
politiques du prince victime du vol !
Voici d'un côté Boët : il est con
vaincu du crime, ayant restitué d'a
bord plus de trois cents diamants vo
lés, et imploré plusieurs fois sa grâce
de don Carlos, au nom de ses servi
ces, de sa femme, de ses petits en
fants. Pour ne pas être poursuivi, il a
consenti aux plus dures conditions, à
la dégradation et à la restitution des
papiers du prince. Des lettres et télé
grammes signés de lui l'attestent, ses
amis le confirment.
Cet accusé a d'ailleurs des antécé
dents défavorables. Il a été puni
par un ordre royal en 1866 pour
de nombreuses dettes, mis à la retraite
avec interdiction à toujours de repren
dre le service, et avec des considé
rants désastreux pour son honorabi
lité, en novembre 1873, pour avoir fait
exécuter à Loma de los Cosmos (Cuba)
treize prisonniers politiques sans pro
cédure. Enfin il a été condamné à dix
ans de fers pour arrêt illégal de jeu
nés filles dont ses soldats avaient
odieusement abusé. Ces faits ont été
dénoncés en leur temps par la presse
révolutionnaire.
Eh bien, c'est cet homme qui avait
commencé par avouer le vol, par ren
dre une partie des diamants et par
demander grâce, qui maintenant vient
d'être acquitté par le jury de Milan.
Du moment qu'il attaquait le prince
qui représente le droit en une nation
catholique, et promettait de faire du
scandale pour abaisser et conspuer
cette représentation, une populace fa
natisée s'est trouvée prête à l'applau
dir; la presse.libérale elle-même, qui
ne croit pas assurément à l'innocence
de Boët, s'est répandue en injures con
tre le prince, s'attachant en même
temps à présenter le prévenu comme
un martyr.
Le scandale est arrivé au point que
M. d'Alex s'adressait naguère par lettre
à Boët, se recommandant à lui pour ob
tenir une place de consul du gouver
nement espagnol ! Cette lettre existe
et se trouve entre les mains de la par
tie civile. Il est donc acquis que Boët
pouvait se promettre les faveurs du gou
vernement. Autre détail : les magis
trats eux-mêmes ont dit assez haut
poiir qu'on le sache, qu'il y avait six
jurés au moins qui, dès le premier
jour du procès, s'étaient engagés par
serment à acquitter Boët quand même.
Ajoutons que le président des assises,
M. Paribelli, le ministère public M.
Clerici, les jurés, les avocats de la
partie civile ont reçu de nombreuses
lettres anonymes, avec des menaces de
mort, si Boët n'était pas acquitté ! Et
l'on sait si ces procédés réussissent en
Italie !
Somme toute, l'influence du gouver
nement espagnol, vivement intéressé
à tuer dans les cœurs un principe
qu'il n'a pas pu vaincre suffisamment
sur les champs de bataille, le parti
pris d'une populace fanatisée contre
les princes chrétiens en général et
contre les Bourbons en particulier ;
l'incroyable faiblesse d'un président-
incapable, ont amené cet acquitte
ment, qui est un monument d'ini
quité.
Quiconque a lu le mandat d'ar
rêt motivé contre Boët, rédigé par la
Chambre du conseil, ou l'acte d'accu
sation du ministère public, que nous
avons publié, se convaincra facilement
de la clarté et de la simplicité de cette
affaire et de la culpabilité de Boët. Les
magistrats qui ont signé ces remar-
quabîes documents né peuvent qu etre
humiliés et affligés de i^ndigne solu
tion donnée à cette affaire. Mais qua
peut la magistrature contre douze bour
geois irresponsables, qui ne veulent
point être éclairés et qui jugent d'uZ 1
vol suivant leurs opinions politiques?
Ajoutons pour dernière remarque que
le principe de la monarchie tradition
nelle est bien fort s'il effraie tellement
ses adversaires, qu'ils ne reculent pas
devant la plus grande injustice, par
crainte de l'affirmer davantage et de
lui donner plus de force en reconnais
sant Simplement que-son représentant
peut avoir raison d'un vulgaire mal
faiteur.
Aux explications que donnait hier
la République française et'que repro
duit Y Agence Bavas sur_ l'envoi d'une
mission militaire à Athènes, le Parle
ment oppose les réflexions de bon sens
que voici :
Notre confrère dit que des mesures ana
logues ont déjà été prisos, à des époques
antérieures, pour le Japon, la Turquie, lu
Perso, lo Maroc et l'Egypte. Est-il besoin
d'expliquer que ces précédents ne justifient
en rien -la décision que le gouvernemant
vient do prendre? Assurément, des offi
ciers français ont reçu, en d'autres temps,
la permission de se rendre à Téhéran, h
Constantinople ou au Caire ; mais ils n'y
allaient point pour instruire une armée déjà
mobilisée, prête à se mettre en campagne ;
ils n'y allaient point pour assister un Etat
dans une qtierelle déjà née, au risque de
mettre le feu à la question d'Orient; ils n'y
allaient point, au lendemain d'une confé
rence internationale, pour aider à l'exécu
tion des décisions de cette conférence, alors
que les autres puissances paraissent réso
lues à se croiser les bras. L'assimilation
que tente la République française ne suffit
donc pas pour calmer nos scrupules, et,
malgré foute la sympathie que nous inspire
la cause delà Grèce, nous persistons à pen
ser que le gouvernement ferait beaucoup
mieux do retenir en France M. le général '
Thomassin et ses compagnons.
VAgence Flavas publie la note sui
vante, qui confirme officiellement la
version de la République française sur
Ja mission du général Tuomassin en
Grèce :
C'est par erreur que certains journaux
ont annoncé que soixante officiers Irançais
allaient être envoyés en Grèce. Il s'agit en
réalité d'une mission de six officiers seule
ment, sous les ordres du général Thomas
sin. Cette mission ne diffère en rien, par sa
composition et son caractère, de celles qui
sont mises journellement par la Fr'ance à la
disposition de gouvernements étrangers.
Décidément, on hésite au Moi d'Or
dre : la main qui Tient le gouvernail
n'est plus fermement ultra-radicale,
la barque tourne, et peut-être la ver
rons-nous bientôt chavirer, à moins
qu'elle ne réussisse, chose des plus
rares, à remonter le courant. D'où
vient ce phénomène ? Serait-ce de la
supériorité — comme succès ^— du
journal de M. Rochefort? C'est à cela,
dit-on, qu'il faut attribuer déjà les ti
mides tendances à réagir qu'on voit
confusément se manifester dans la
Justice , organe de M. Clémenceau.
Quoi qu'il en soit, et sans en cher
cher plus longtemps la cause, nous
devons constater ces tergiversations.
Ne voilà-t-il pas le Mot d'Ordre qui se
déclare « opportuniste » maintenant !
« Opportuniste dans le bon sens du
mot, » ajoute aussitôt M. Maret. Et le
rédacteur en chef du Mot d'Ordre ex
plique ce qu'il entend par ce mot re
battu ; il n'est pas opportuniste comme
M. Gambetta, non certainement. Il
pratique, lui, le véritable opportu
nisme, c'est-àjdire qu'il tient «compte
des possibilités, » qu'il veut « qu'on
fasse aujourd'hui ce qui peut être fait
aujourd'hui, et non ce qu'il faut at
tendre de demain, ... qu'il y a des
questions mûres, et des questions qui
ne le sont pas. »
Mais il nous semble que ce langage
ne diffère pas sensiblement et même
ne -diffère pas du tout de celui des
journaux dont le Mot d'Ordre s'est tou
jours déclaré l'adversaire, en les flé
trissant du titre d'opportunistes, dans
le mauvais sens du mot. N'est-ce pas
ainsi qu'ont toujours parlé la Républi-,
que française , le Voltaire , et tant d'au
tres qu'il serait trop long de nommer,
tons humbles serviteurs du maître? Il
est vrai que M. Maret trouve plusieurs
questions dans un état de maturité
suffisant, la liberté d'association, la
liberté de la presse, par exemple, tan
dis que les opportunistes de la veille les
trouvent encore trop vertes.
Mais le point de départ, le principe
est le même ; la marche plus ou moins
lente se dirige par les mêmes relais
vers un but identique. Il y a "des nu
ances, c'est vrai; M. Maret les oppose
même avec une grande habileté; croit-
il pourtant, en toute franchise, que
ses lecteurs saisiront toutes ces fines
ses de langage et ces roueries de pen
sée? Notre avis est qu'ils ne verront
dans tout cela que ce mot exécré d'op
portunisme, qu'ils n'entendront, parmi
toutes ces déclarations, que le conseil
à eux donné, d'aller lentement et
prudemment, ce qui leur est tout à
fait antipathique et leur 'paraîtra
odieux. Et, nous le répétons, le Mot
d'Ordre a voulu être sage, il est dépas
sé; s'il persiste, il est perdu.
N 4 4652 -r Édition quotidienne.
*àm
Samedi 24 Juillet 1880
WWW IMW<»)W.»WW»«3SB8
PARIS
, tTn an. ..... ; . ; ; 55 f r . „
Six mois . 28 50
- Trois mois . 15 »
Un. Numéro, à Paris. ..... 15 cent.
— Pé parte n^exils. 120 —
BuiyÊ^ux^ ;
Parts, 10, lî vje -des Saints-Pèi'xt '
On s'abonne, & BMc, pldce' du écJù, 8
DÉPARTEMENTS
Un an. « 55fr. >1
Six mois, 28 50
Trois mois . . ^ 15 »
Édition semi -quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 80
L'UNIVERS ne répond pas fies manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Cli. MÛRAÏiGE, CERF ci C", 0, place de la B outs*
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doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANCE
PARIS, 23 JUILLET 1880
La loi de 92 sur les ordres religieux
débutait, en manière de préface, par
cet aphorisme imbécile : « Gonsidé-
« rant qu'un Etat vraiment libre ne
« doit souffrir dans son sein aucune
« corporation, pas même celles qui,
« vouées à l'enseignement public, ont
« bien mérité de la patrie. » Sans nul
doute, M. Gazot s'est nourri de l'esprit
de cette législation, s'il peut être ici
question d'esprit. La maxime : Pas de
- corporation dans un Etal libre , à son ju
gement, ne serait rien moins qu'un
principe fondamental du moderne
droit public. Principe fondamental est
un peu beaucoup dire : tout ce que
l'on peut accorder, et que nous concé
dons pour notre part bien volontiers,
c'est quç "la négation du droit de cor
poration est sans conteste une des bê
tises fondamentales de l'opinion de ce
temps. L'axiome revient à dire que
l'Etat libre n'a pas la liberté d'appeler
à lui les fécondités que seule développe
la puissante vie corporative. Partant,
l'Etat libre n'est pas libre d'entrepren
dre des œuvres d'avenir ; il n'y a de
durable que les corporations, il n'y
a qu'elles pour fonder et animer les
grandes créations qui demeurent, tan
dis que les générations se succèdent.
Stérilité, misère obligatoire, ainsi le
veut la liberté, suivant la formule re
nouvelée par M. Cazot de ses congé
nères, les Cazot de 92.
Au cours, de la campagne contre les
congrégations, ce qui s'est dit de cho
ses violemment ineptes passe toute
croyance. On reprochait aux lois exis
tantes de manquer de sanction pénale,
ce qui, pour une loi prohibitive, équi
vaut à ne pas exister. L'objection n'é
tait pas pour démonter M. Gazot. Le
ministre torturait, pressurait, pilait
ensemble les articles de la loi de 92 et
du décret de messidor. Finalement, il
arrivait à découvrir qu'il y a réelle
ment par là une sanction pénale ap
plicable, sanction peu précisé il est
vrai. Gela varierait entre un franc d'a
mende et... la peine de mort.
Une loi dont l'interprétation abou
tit à ces extravagances est une loi qui
n'existe pas : c'est tout ce qu'on en
peut dire de raisonnable. Quand, d'a
venture, la loi se met en guerre avec
le sens commun, c'est tant pis pour la
loi : force reste au sens commun.
M. Gazot, à la sueur de son front, a
échafaudé des tas d'arguments desti
nés à prouver que les lois existantes
existent. Un rude homme, ce Cévenol,
pour soutenir, sans rougeur au front,
des thèses odieuses et tenir ferme
contre l'évidence même. Car, enfin,
dans l'actuel état du droit, si un point
éclate de certitude, c'est la non exis
tence des lois existantes. Tous les cou
rants, courants des lois, des mœurs,
des événements, ont emporté ces-rési
dus de la double tyrannie jacobine et
napoléonienne. Toutes les réactions.,
tous les mépris ont balayé, rejeté du
même coup au néant l'exécrable loi
de 92 et le décret de messidor.
Nous venons de parler de réaction ;
le mot est, par les bons républicains,
pris en mauvaise part; réactionnaire,
dans la langue à leur usage, est une
injure.. Les bons républicains font er
reur ; réagir est tout ce qu'il y a de
légitime, réagir est au premier chef
un droit de nature. Une force vive est
foulée iniquement, privée de sa part
d'espace et de légitime^ expansion. La
lutte incontinent se déclare ; le droit
comprimé répond à la dépression par
la dilatation. Et plus est serrée la vis
comprimante, plus grandit la poussée
du droit contre les étroites parois où
l'on tente de l'emprisonner. Voilà la
réaction, rien n'est plus respectable.
Vis-à-vis des lois persécutrices des
congrégations , la réaction a com
mencé à l'apparition même- de ces
lois. Quant au décret de messidor en
particulier, il n'est pas sans intérêt de
rappeler que l'auteur lui-même du dé
cret donna les mains tout le premier
à la réaction qui répondit à son ukase.
Des congrégations se formèrent à sa
vue, sans vérifications de leurs statuts,
sans demande aucune d'autorisation
de l'Etat. On a compté jusqu'à 54 de
ces communautés religieuses, établies
sous le consulat et l'empire, en trans
gression flagrante des prescriptions de
messidor. L'empereur laissa faire, l'em
pereur souffrit que son décret restât
ïnobéi. Le grand homme sentait qu'il
avait devant lui une de ces dilata
tions incompressibles, auxquelles il
est inutile d'exposer les fragiles lois
humaines.
La réaction se poursuit sous toutes
les formes, dans toutes les voies. Réac
tion dans les mœurs et le sentiment
public : les congréganistes de toute
robe, ces délinquants au regard du
décret de messidor, sont recherchés et
honorés, honorés dans l'Eglise, hono
rés- dans le monde et dans les régions
officielles. L'autorité ecclésiastique et
le pouvoir civil les appellent de con
cert aux prélatures; le froc du moine*
proscrit par la loi de 92, illustre les
académies et les Assemblées légifé
rantes. L'Etat contracte avec ces mal
faiteurs. Dans l'Afrique française, il
concède dç vastes terrains aux trap
piste^; il traite avec le P. Parabère,
de la compagnie de Jésus, pour l'im
portant établissement de Bouffarik,
créé en vue de la moralisatioh, plus
simplement de la culture chrétienne
du soldat, ff.n France, le gouvernement
remet à ces religieux nullement re
connus jt autorisés de lui, la délicate
tâche de l'éducation des jeunes déte
nus. .
Il y a réaction permanente dans les
lois qui se succèdent. Les chartes ou
constitutions de toutes les dates réé
ditent la déclaration de liberté et d'en
tière égalité devant la loi des opinions
et des sectes religieuses quelconques;
les mêmes chartes ne se lassent pas
d'affirmer l'inviolabilité du domicile et
de la propriété, inviolabilité la même
pour tous, sans acception de secte ou
de condition, ou d'attache à telle ou
telle règle monastique. Les lois de
•1817 et 1825, pour conférer la recon
naissance légale et les droits qui s'en
suivent, exigent l'existence de fait des
communautés préalablement à la de
mande d'autorisation. Ainsi, pour l'ob
tention du droit, la condition première,
c'est l'existence antérieure sans auto
risation, autrement dit c'est une ma
nière d'être réputée délictueuse aux
termes du décret de messidor. Imagine-,
t-on une plus préremptoire façon de
balayer jusqu'aux souvenirs du res-
crit de Bonaparte? Même signification,
même portée dans les lois de 1850 et
1875, ouvrant la carrière de l'en
seignement aux • congrégations re
connues ou non reconnues. Remar
quons : cette suite de lois ne dé
clare point abroger, elles ne visent et
ne nomment même pas soit la loi de
92, soit le décret de messidor. Seule
ment les lois nouvelles disposent exac
tement comme si la loi de 92 et le dé
cret de messidor n'existaient pas, com
me s'ils n'avaient jamais existé. Il n'en
est fait nul état dans les actes législa
tifs qui suivent : la loi de fureur de
1792, le décret césarien de messidor,
tout cela est tenu pour non avenu, ré
puté chose mort-nèe. Tout cela est éli
miné innomément ; c'est proprement
l'abrogation par le mépris.
Après cela, les articles de la loi de
1792 et du décret de messidor conti
nuent d'être imprimés et réimprimés
sous leurs dates au bulletin des lois.
Quelques légistes, en nombre infime
et de médiocre autorité, M.. Cazot, M"
Durier, avocat, en prétendent tirer la
conclusion folâtre que ces textes tien
nent encore leur coin dans la législa
tion en vigueur. Ces messieurs sont les
anatomistes et un peu les matérialis
tes du droit, n'allant guère, dans la
loi, au delà de la littéralité. Ils voient
avant tout, sinon exclusivement, des
textes. Ils en méconnaissent volon
tiers l'esprit, le souffle animateur ; ils
ignorent, dans l'économie et le mouve
ment du droit, cette chose immense :
les résultantes. Les articles de loi s'en
trechoquent, les textes maintes fois se
combattent. Ces impulsions, ces chocs
en apparence contraires se rencontrent
idans un commun aboutissement, à
savoir dans la résultante, grand cou
rant régulateur, puissant tirant d'eau
qui donne au fleuve sa direction, son
allure, sa physionomie. La résultante
est l'essentielle du droit, la résultante
prévaut sans conteste sur les disposi
tions de détail.
En ce qui touche les congrégations,
M. Demolombe a dégagé, dans des
splendeurs de clarté, la résultante de
l'état du droit. La résultante, pour le
religieux, c'est le droit commun, le
droit de tout le monde : être maître
chez soi, inviolable dans son for spiri
tuel, dans sa liberté personnelle, dans
sa propriété.
Ce total du droit en est aussi le mi
nimum. C'est le droit du charbonnier,
on n'aperçoit pas de raison d'en frus
trer le religieux. Nulle loi en vigueur,
dit M. Demolombe, ne- punit l'émis
sion des vœux religieux d'une dimi
nution quelconque des droits civils ou
civiques de la personne. Le jésuite a
le même droit que la foule, il a sem-
blablement le même juge. Pas de juge,
pas de droit. Forum et jus sont des ter
mes qu'on ne sépare point. Telle est
la résultante des courants et des prin
cipes qui s'entrecroisent.
La France est une nation substan
tiellement chrétienne, régie par des
constitutions sceptiques, accidentelle
ment gouvernée, par des mécréants;
la foi du baptême reste au cœur, l'im
piété s'étale aux surfaces officielles.
Dans une société ainsi faite, le reli
gieux n'est au-dessus et il n'est au-des
sous de personne, il n'a rien de plus
que le premier ou le dernier venu,
mais il n'a rigoureusement rien de
moins. Le religieux, sous le concert
du droit commun, est invulnérable.
Droit commun revient à dire : égalité
de droit, égalité avec les plus infimes,
égalité au ras du sol. Qui ne réclame
et n'a besoin que d'être égalé aux
moindres occupe une*position inexpu-
Voilà > la résultante , redisons-le,
voilà l'invincible courant de doc
trine où se rencontrent toutes les
élites, toutes les droitures, toutes les
{jrobités, tout ce qui représente la
France chrétienne ou simplement la
France honnête, la vraie France. Sur
tous les points, dans tous les prétoires,
la magistrature assise a sanctionné la
tutélaire doctrine du droit commun ;
les barreaux se sont levés pour l'affir
mer; dans la magistrature debout,
une suite de glorieuses retraites lui a
rendu le témoignage entre tous émou
vant : le témoignage du sacrifice. La
question de droit est jugée, la ques
tion de compétence est jugée, tout est
jugé, jugé avec unanimité, avec impo-
sance, jugé avec une élévation de cou
rage, avec une impavidité de parties
auxquelles il n'y a rien à comparer
dans les annales judiciaires. Le gou
vernement va-t-iï se retrancher , der
rière son tribunal des conflits? M. Ca
zot montera-t-il de sa personne à l'A
cropole? Départagera-t-il ce tribunal
mi-parti de magistrats , mi-parti
de fonctionnaires, où le partage est
toujours imminent? M. Cazot enfin,vu
le prestige qu'on lui connaît, jugera-
t-il seul contre tous les tribunaux,
contre tous les barreaux, contre tous
nos jurisconsultes dignes de ce nom,
M. Demolombe en tète? Un pouvoir
fort ne jouerait pas la partie, c'est cer
tain. Les pouvoirs forts sont en géné
ral sains d'esprit, c'est une des raisons
de leur force.
Pn. S euret.
Qui donc trouvera grâce devant, les
républicains ? Leurs journaux ont dé
noncé tour à tour les conseils géné
raux pour s'être prononcés en faveur
de la liberté d'enseignement, le Sénat
pour avoir rejeté l'article 7, l'Académie
pour avoir élu M c Rousse, les barreaux
pour avoir adhéré en masse à la con
sultation de l'avocat des congrégations
religieuses, les parquets pour avoir
donné leur démission, les tribunaux
pour avoir jugé selon le droit, l'élite
même de leur parti pour avoir soutenu
la cause de la liberté, et jusqu'aux ar
tistes pour avoir concouru à la créa
tion des écoles libres. Le clergé leur
est odieux, l'armée ne leur est pas
sympathique, l'administration; quoi
que épurée, est encorel'objet de toutes
leurs défiances; la grande industrie,
le haut commerce, la finance leur sont
suspects. Que reste-t-il qui soit à eux?
De quoi se compose leur parti? où est
leur France?
Rejeter ainsi l'élite de la nation, se
séparer de tout ce qui représente l'in
telligence, le bien, l'ordre, la valeur,
l'influence, la richesse, l'autorité,
n'est-c.e pas montrer maladroitement
ce qui reste pour soi ? La république
en est réduite à faire de la France
deux parts, dans l'une desquelles elle
met ce qu'il y a de meilleur, en décla
rant que cette part n'est pas la sienne.
Qui pourrait dire plus de mal de la
républicrue qu'elle n'en dit elle-même ?
En s'etablissant, on sait de quelle
manière, la république a commencé
par déclarer que tout était corrompu
en dehors d'elle, qu'il fallait tout épu
rer, comme si le pays n'avait été jus
que-là qu'une sentine infecte, qu'un
réceptacle de toutes les turpitudes. Ja
mais la France n'a été autant diffamée
par ses ennemis que par les républi
cains. Avec quel mépris ne parle-t-on
pas, depuis bientôt deux ans, de la
magistrature et de l'armée, du clergé,
et des classes dirigeantes, de l'admi
nistration, des académies, des écoles
elles-mêmes, sous prétexte que le clé
ricalisme a tout pénétré et que l'es
prit de réaction a soufflé partout avec
lui ?
Du reste, le prrti républicain est
obligé d'appliquer ce système de ca
lomnies, et) d'injures à l'histoire elle-
même. On sait comment ses adeptes
traitent les douze siècles qui ont pré
cédé 89. Une sorte de fureur les anime
contre ce long et respectab]e passé.
On ne diraitjamais des Français par
lant de leur patrie. On croirait plutôt
entendre des envahisseurs qui veulent
justifier la conquête en chargeant les
vaincus de tous les crimes. Les répu
blicains sont obligés de renier l'his-
tpire, c'est à dire la vie même de la
patrie. Ils n'étaient pas hier et ils
njont 'pas plus de titres à être au
jourd'hui. Ils ne peuvent s'accommoder
d'ciicune des choses qui ont fait la
France, ni de la religion, ni de la mo
narchie, ni de l'ancienne loi ni de l'an
cienne liberté. Par là ils se reconnais
sent eux-mêmes des nouveaux venus,
des étrangers.
En ce moment sans doute ils domi
nent; mais par qui et avec qui? Rien
de ce qui fait la force des nations, re
ligion, vertu, intelligence, fortune n'est
aveceux, etla preuve.en est qu'ilss'atta-
quentà toutes ces supériorités. Ils n'ont
pour eux, à vrai dire, que le nombre, la
vile multitude, l'imbécillité,le vice.C'est
par là qu'ils régnent. Leur domination
ne s'exerce qu'en. abolissant tout le
reste. C'est là toute leur politique. Ils
le proclament eux-mêmes par leurs
actes. Ils n'auraient pas agi ni parlé
autrement depuis deux ans, s'ils
avaient voulu montrer que la Répu
blique ne peut exister qu'à condition
de supprimer la France. •
A rtul'h L otu.
Le parti républicain s'agite beau
coup à propos des prochaines élections
pour les conseils généraux. .Nous ne
voyons pas la même activité dans le
camp conservateur. Elle y serait ce
pendant plus nécessaire ; car les ré
volutionnaires, en dépit des déclara
tions officielles, peuvent compter sur
l'administration, dont la force gran
dit, non pas parce que ses agents su
périeurs sont considérés, mais parce
qu'ils se font craindre.
Nous engageons nos amis à prendre
à cette lutte une part active. Leur pro
gramme est tout tracé : ils soutien
dront les candidats qui veulent que
l'école et la religion soient libres, que la
justice soit respectée. Ils ne se conten
teront pas de banales et vaines décla
rations. Les positions sont aujourd'hui
très nettes : quiconque soutient le ré
gime actuel, le régime des décrets, de
la proscription, du crochetage, des dé-
clinatoires, ment lorsqu'il déclare n'ê
tre pas l'ennemi de la religion et de là
justice ; il faut le repousser.
Là où le candidatdigne de toute no
tre confiance ne se trouve pas, tra
vaillons et votons pour celui qui, sans
être pleinement des nôtres, condamne,
du moins, les décrets„du 29 mars.
On lit dans la correspondance de
Paris du Journal de Genève :
Il devient de plus en plus certain que le
gouvernement a ajourné, jusqu'à une date
qu'il n'a pas d'ailleurs fixée, l'application
des décrets du 29 mars aux congrégations
religieuses. Ces associations comprennon't
75 ordres différents et un total de mem
bres s'élevant au chiffre considérable do
5,324 personnes, sahs parler des innom
brables frères lais, convcrs et autres qui
s'ajoutent à chacune d'elles. Les disperser,
avant d'avoir réglé la question des jésuites,
serait donc, comme déjà je l'ai dit, un acte
d'imprudente précipitation.
Do plus, les fameuses mesures édictées
au mois de mars n'impliquaient pas la dis
solution de ces congrégations dans un
délai déterminé ; elles leur imposaient sim
plement l'obligatiun de communiquer leurs
statuts sous peine do s'exposer à être dis
soutes. Les ordres dont il s'agit et qui ont,
pour la plupart, refusé de se soumettre aux
instructions ministérielles, restent donc
passibles de l'intervention de l'Etat ; mais
le cabinet demeure libre do choisir son
heure pour exercer cette répression. D'ici
là, il réformera les parquets, dans le per
sonnel desquels six démissions de substi
tuts viennent encore de se produire ; il
amènera probablement certaines associa
tions à .solliciter l'autorisation d'exister.
C'est là de la sage politique ; l'autre, que
réclament les organes avancés qui vou
draient en finir d'une seule l'ois avec « la
gent cléricale,» serait, pour le quart d'heure,
de la politique de casse-cou.
Une dépêche de Milan nous donne
aujourd'hui lo résultat du procès qui
se poursuivait dans cette ville depuis
le 20 juin. Après tout ce que nous
avons rapporté de la scandaleuse fai
blesse du président, de l'insolence des
avocats défenseurs de Boët, de la pres
sion menaçante exercée sur d'indo
lents jurés par une tourbe aux gages
de la secte révolutionnaire, on ne sera
pas surpris d'apprendre que Boët est
acquitté.
G^est le triomphe de la canaille, et,
après avoir été préparé au grand jour
avec une grande impudence, il s'etale
avec un cynisme sans exemple. Non-
seulement Boët est acquitte, mais il
est acclamé : non-seulement il échap
pe à la flétrissure qui lui était due,
mais il sort du prétoire traînant der
rière lui, après l'avoir défiée, la jus
tice italienne bafouée et déshonorée.
Jamais, de mémoire d'homme, on ne
vit pareille orgie judiciaire souiller
les annales d'un tribunal dans un pays
qui se donne pour régulièrement or
ganisé.
C'est à se demander si demain, sur
les bancs qu'il vient de quitter, le vo
leur ne réclamera pas la comparution
du procureur qui a eu l'audace de sou
tenir sa culpabilité. Bien plus, on
ppurrait se demander si bientôt, pous
sé par la faveur des brigands qui l'ac
clament, Boët n'entrera pas à la Cham
bre italienne, et, vu son impudente
faconde, n'obtiendra pas en récom
pense la fonction de présider comme
garde des sceaux à la distribution de
la justice. Ne sait-il pas mieux que
personne comment on l'asservit aux
passions du jour ?
Nous ne reviendrons pas sur les dé
tails de ce honteux procès. Nous les
ayons publiés au fur et à mesure des
séances, et l'on a pu en suivre le dé^
veloppement. On sait comment, par
l'ineptie ou la faiblesse d'un président
qu'il est malaisé de qualifier, les dé
bats ont pris dès l'origine la direction
qu'il plaisait à l'accusé de leur don
ner. On sait comment il en a profité
pefur y faire entrer toutes sortes d'in
ventions et de divagations calomnieu
ses, absolument étrangères à la-cause,
afin de travestir, en lui donnant un
caractère politique, une poursuite en
gagée au seul nom de la plus vulgaire
probité. On sait encore comment, dans
cette violence faite à ,1a justice, l'ac
cusé s'est vu tout de suite bruyam
ment soutenu par une secte qui trou
vait tout naturel de prendre sous sa
protection un voleur, du moment qu'il
s'agissait de faire échec à un roi.
L'on se rappelle encore comment,
poussés à bout par ces scènes tumuW
tueuses, trahis par le président qui
devait faire respecter leurs droits, gra
vement insultés et menacés dans leurs
personnes, les avocats de la partie ci
vile ont fini par se retirer d'un débat
dans lequel leur parole n'était plus ni
libre ni sûre. Enfin, dernier trait qui
achève de caractériser ce procès véri
tablement inouï, on a vu comment un
grand avocat libéral, M. Pierantoni,
lequel, indigné de voir la justice ita
lienne se déshonorer de la sorte, avait
spontanément offert son concours à
don Carlos pour enrayer, au dernier
moment, ce courant de honte, avait
dû renoncer lui-même à toute tenta
tive de ce genre, après avoir subi tou
tes sortes d'outrages peur sa coura
geuse honnêteté.
Cela étant, le verdict devait suivre
tel qu'on pouvait l'attendre des for
bans qui, venus du dehors, s'étaient in
stallés dans le prétoire pour dicter
leur sentence aux juges. Et néanmoins
ceux-là se trompent, qui, dans toute
la presse révolutionnaire, annoncent
comme un triomphe pour leurs haines
cet « heureux » événement. A rempor
ter de tels succès, conquis par de tels
moyens, les plus habiles ont bientôt
fait de se perdre. Aussi, dès aujour
d'hui, nous n'hésitons pas à procla
mer que, devant la conscience indi
gnée des honnêtes gens du monde en
tier, le monstrueux acquittement de
Milan s'élèvera désormais comme le
plus haut témoignage ( : ui puisse, en
flétrissant le coupable absous, venger
l'honneur et servir la cause du noble
prince contre lequel on l'a voulu tour
ner.
A uguste R oussel.
Bien que le résultat de l'affaire de
la Toison-d'Or fût prévu depuis plu
sieurs jours, la surprise a dû être vive
chez ceux qui, de bonne foi, croient
encore à la justice humaine.
Qui aurait pu imaginer qu'un sim
ple voleur se verrait protégé par deux
gouvernements, et cela parce que ces
gouvernements étaient les adversaires
politiques du prince victime du vol !
Voici d'un côté Boët : il est con
vaincu du crime, ayant restitué d'a
bord plus de trois cents diamants vo
lés, et imploré plusieurs fois sa grâce
de don Carlos, au nom de ses servi
ces, de sa femme, de ses petits en
fants. Pour ne pas être poursuivi, il a
consenti aux plus dures conditions, à
la dégradation et à la restitution des
papiers du prince. Des lettres et télé
grammes signés de lui l'attestent, ses
amis le confirment.
Cet accusé a d'ailleurs des antécé
dents défavorables. Il a été puni
par un ordre royal en 1866 pour
de nombreuses dettes, mis à la retraite
avec interdiction à toujours de repren
dre le service, et avec des considé
rants désastreux pour son honorabi
lité, en novembre 1873, pour avoir fait
exécuter à Loma de los Cosmos (Cuba)
treize prisonniers politiques sans pro
cédure. Enfin il a été condamné à dix
ans de fers pour arrêt illégal de jeu
nés filles dont ses soldats avaient
odieusement abusé. Ces faits ont été
dénoncés en leur temps par la presse
révolutionnaire.
Eh bien, c'est cet homme qui avait
commencé par avouer le vol, par ren
dre une partie des diamants et par
demander grâce, qui maintenant vient
d'être acquitté par le jury de Milan.
Du moment qu'il attaquait le prince
qui représente le droit en une nation
catholique, et promettait de faire du
scandale pour abaisser et conspuer
cette représentation, une populace fa
natisée s'est trouvée prête à l'applau
dir; la presse.libérale elle-même, qui
ne croit pas assurément à l'innocence
de Boët, s'est répandue en injures con
tre le prince, s'attachant en même
temps à présenter le prévenu comme
un martyr.
Le scandale est arrivé au point que
M. d'Alex s'adressait naguère par lettre
à Boët, se recommandant à lui pour ob
tenir une place de consul du gouver
nement espagnol ! Cette lettre existe
et se trouve entre les mains de la par
tie civile. Il est donc acquis que Boët
pouvait se promettre les faveurs du gou
vernement. Autre détail : les magis
trats eux-mêmes ont dit assez haut
poiir qu'on le sache, qu'il y avait six
jurés au moins qui, dès le premier
jour du procès, s'étaient engagés par
serment à acquitter Boët quand même.
Ajoutons que le président des assises,
M. Paribelli, le ministère public M.
Clerici, les jurés, les avocats de la
partie civile ont reçu de nombreuses
lettres anonymes, avec des menaces de
mort, si Boët n'était pas acquitté ! Et
l'on sait si ces procédés réussissent en
Italie !
Somme toute, l'influence du gouver
nement espagnol, vivement intéressé
à tuer dans les cœurs un principe
qu'il n'a pas pu vaincre suffisamment
sur les champs de bataille, le parti
pris d'une populace fanatisée contre
les princes chrétiens en général et
contre les Bourbons en particulier ;
l'incroyable faiblesse d'un président-
incapable, ont amené cet acquitte
ment, qui est un monument d'ini
quité.
Quiconque a lu le mandat d'ar
rêt motivé contre Boët, rédigé par la
Chambre du conseil, ou l'acte d'accu
sation du ministère public, que nous
avons publié, se convaincra facilement
de la clarté et de la simplicité de cette
affaire et de la culpabilité de Boët. Les
magistrats qui ont signé ces remar-
quabîes documents né peuvent qu etre
humiliés et affligés de i^ndigne solu
tion donnée à cette affaire. Mais qua
peut la magistrature contre douze bour
geois irresponsables, qui ne veulent
point être éclairés et qui jugent d'uZ 1
vol suivant leurs opinions politiques?
Ajoutons pour dernière remarque que
le principe de la monarchie tradition
nelle est bien fort s'il effraie tellement
ses adversaires, qu'ils ne reculent pas
devant la plus grande injustice, par
crainte de l'affirmer davantage et de
lui donner plus de force en reconnais
sant Simplement que-son représentant
peut avoir raison d'un vulgaire mal
faiteur.
Aux explications que donnait hier
la République française et'que repro
duit Y Agence Bavas sur_ l'envoi d'une
mission militaire à Athènes, le Parle
ment oppose les réflexions de bon sens
que voici :
Notre confrère dit que des mesures ana
logues ont déjà été prisos, à des époques
antérieures, pour le Japon, la Turquie, lu
Perso, lo Maroc et l'Egypte. Est-il besoin
d'expliquer que ces précédents ne justifient
en rien -la décision que le gouvernemant
vient do prendre? Assurément, des offi
ciers français ont reçu, en d'autres temps,
la permission de se rendre à Téhéran, h
Constantinople ou au Caire ; mais ils n'y
allaient point pour instruire une armée déjà
mobilisée, prête à se mettre en campagne ;
ils n'y allaient point pour assister un Etat
dans une qtierelle déjà née, au risque de
mettre le feu à la question d'Orient; ils n'y
allaient point, au lendemain d'une confé
rence internationale, pour aider à l'exécu
tion des décisions de cette conférence, alors
que les autres puissances paraissent réso
lues à se croiser les bras. L'assimilation
que tente la République française ne suffit
donc pas pour calmer nos scrupules, et,
malgré foute la sympathie que nous inspire
la cause delà Grèce, nous persistons à pen
ser que le gouvernement ferait beaucoup
mieux do retenir en France M. le général '
Thomassin et ses compagnons.
VAgence Flavas publie la note sui
vante, qui confirme officiellement la
version de la République française sur
Ja mission du général Tuomassin en
Grèce :
C'est par erreur que certains journaux
ont annoncé que soixante officiers Irançais
allaient être envoyés en Grèce. Il s'agit en
réalité d'une mission de six officiers seule
ment, sous les ordres du général Thomas
sin. Cette mission ne diffère en rien, par sa
composition et son caractère, de celles qui
sont mises journellement par la Fr'ance à la
disposition de gouvernements étrangers.
Décidément, on hésite au Moi d'Or
dre : la main qui Tient le gouvernail
n'est plus fermement ultra-radicale,
la barque tourne, et peut-être la ver
rons-nous bientôt chavirer, à moins
qu'elle ne réussisse, chose des plus
rares, à remonter le courant. D'où
vient ce phénomène ? Serait-ce de la
supériorité — comme succès ^— du
journal de M. Rochefort? C'est à cela,
dit-on, qu'il faut attribuer déjà les ti
mides tendances à réagir qu'on voit
confusément se manifester dans la
Justice , organe de M. Clémenceau.
Quoi qu'il en soit, et sans en cher
cher plus longtemps la cause, nous
devons constater ces tergiversations.
Ne voilà-t-il pas le Mot d'Ordre qui se
déclare « opportuniste » maintenant !
« Opportuniste dans le bon sens du
mot, » ajoute aussitôt M. Maret. Et le
rédacteur en chef du Mot d'Ordre ex
plique ce qu'il entend par ce mot re
battu ; il n'est pas opportuniste comme
M. Gambetta, non certainement. Il
pratique, lui, le véritable opportu
nisme, c'est-àjdire qu'il tient «compte
des possibilités, » qu'il veut « qu'on
fasse aujourd'hui ce qui peut être fait
aujourd'hui, et non ce qu'il faut at
tendre de demain, ... qu'il y a des
questions mûres, et des questions qui
ne le sont pas. »
Mais il nous semble que ce langage
ne diffère pas sensiblement et même
ne -diffère pas du tout de celui des
journaux dont le Mot d'Ordre s'est tou
jours déclaré l'adversaire, en les flé
trissant du titre d'opportunistes, dans
le mauvais sens du mot. N'est-ce pas
ainsi qu'ont toujours parlé la Républi-,
que française , le Voltaire , et tant d'au
tres qu'il serait trop long de nommer,
tons humbles serviteurs du maître? Il
est vrai que M. Maret trouve plusieurs
questions dans un état de maturité
suffisant, la liberté d'association, la
liberté de la presse, par exemple, tan
dis que les opportunistes de la veille les
trouvent encore trop vertes.
Mais le point de départ, le principe
est le même ; la marche plus ou moins
lente se dirige par les mêmes relais
vers un but identique. Il y a "des nu
ances, c'est vrai; M. Maret les oppose
même avec une grande habileté; croit-
il pourtant, en toute franchise, que
ses lecteurs saisiront toutes ces fines
ses de langage et ces roueries de pen
sée? Notre avis est qu'ils ne verront
dans tout cela que ce mot exécré d'op
portunisme, qu'ils n'entendront, parmi
toutes ces déclarations, que le conseil
à eux donné, d'aller lentement et
prudemment, ce qui leur est tout à
fait antipathique et leur 'paraîtra
odieux. Et, nous le répétons, le Mot
d'Ordre a voulu être sage, il est dépas
sé; s'il persiste, il est perdu.
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