Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1879-12-01
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 décembre 1879 01 décembre 1879
Description : 1879/12/01 (Numéro 4421). 1879/12/01 (Numéro 4421).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 1 er Décembre 187 y
PARIS
Un an. ... , 55fr. »
Six mois
Trois mois
Un Numéro,,à Paris. .....
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints -Pères
On s'abonne, & Rome» plaça da Gesû, 8
K* 4421 Edition quotidienne;
Lundi 5 81 Décembre 1879
HSSS
DÉPARTEMENTS
Lu an • 55 fï*. *
Six mois 28 50
Trois mois 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. SO fr. — Sis mois, 16 fr. — Trois mois, 8 îr. 50
L'DN1VERS ne répond pas des manuscrits qui lu! sont adressés
ANNONCES
MM. Ci. L â GE à NGE , cerf et C ie , 6, place de la Bourse
FRANGE
PARIS, 30 NOVEMBRE 1879
Un vers de Lamartine a pu revivre
dans la mémoire de quelques assistants
de la séance où la Chambre a repris le
palais Bourbon. Ça été un vers du siè
cle. Il révèle une époque noble, mais
épuisée, et qui a perdu son chemin
ne sachant plus ni ce qu'elle a été, ni
ce qu'elle peut devenir, ni ce qu'elle
pense :
L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des
[cieux.
J'ai souvent répété cela, croyant le
comprendre. Un jour je m'aperçus
que je ne comprenais pas, ou plutôt
que M. de Lamartine ne s'était pas
compris, ou n'avait pas tenté de se
faire comprendre. On sent qu'il a cru
dire quelque chose, mais qu'il n'a pas
raisonné et que ses lecteurs ont eu foi
en lui. Là-dessus, on Ta fait député,
comme Racine fut fait historiographe.
Or, l'homme n'est point Dieu, et il
n'y a point de Dieu tombé. Cela, tout
au plus poétiquement, pourrait se dire
de Satan, qui n'est point un homme,
et ne fait pas de vers mélancoliques,
en souvenir des cieux. L'homme croit
quiil a vu les cieux lorsqu'il mélancô-
lise. S'il s'en souvenait sérieusement,
il s'occuperait immédiatement de tra
vailler à cette grave affaire; il voudrait
retourner au ciel par une sainte vie
qu'il demanderait au ciel de finir au
plus tôt par une sainte mort. Cet hom
me-là serait loin de faire des vers,
besogne absorbante, propre à éloigner
du séjour de Dieu.
Lorsqu'il vit Elvire solidement viel-
lie, les éditeurs tout à. fait fatigués, et
les électeurs épuisés, le poëte s'aperçut
qu'il était, non pas un dieu tombé du
ciel, mais une âme déchue du bap
tême. Il commença dès lors à vouloir
reconquérir cette place très haute.
On aime a penser qu'il y parvînt. Il
w - —- > —-— X '
dit beaucoup d'Ave Maria et finit
heureusement par se confesser. C'est
alors qu'il put voir le Ciel : « Sero te
amavi ». ■— Tard! dit saint Augustin.
"Mais, par la bonté de Dieu, tant qu'on
a le souffle, il n'est pa.s tard. Seule
ment, jusqu'à ce dernier moment du
soir, où il songe enfin au Ciel, l'hom
me à vrai dire, n'est plus un dieu
tombé ; il n'est qu'un banni, un cou
pable, atteint d'une juste sentence.
Mais, il le sait; il peut se souvenir.
Le Dieu du ciel lui a appris à lire dans
la fange humaine. En ce sens, le vers
de Lamartine est beau et bien fait.
Plusieurs se le disent, à l'occasion
de la république. En la voyant, ils se
souviennent d'avoir rêvé mieux. Un
peu dé raison les a détrompés tardive
ment. Que d'occasions de réveil dans
la vie ! Pour que la république semble
une image du ciel, il faudrait y trou
ver quelque chose de la justice et de
la paix, et qu'au moins ces choses de
Dieu ne . fussent pas iniquement ban
nies du sol humain.
Le ciel où Dieu habite est catholi
que. Jésus-Christ est descendu du ciel
pour nous enseigner la vérité. Il n'y
,a qu'une ressemblance très impar
faite avec le ciel dans un pays où ce
que Jésus-Christ a voulu, non seule
ment n'est pas enseigné, mais au con
traire est menacé, insulté, proscrit.
Nul moyen de se. croire dans le ciel ni
sur le chemin, lorsqu'on habite ce
pays-là. Une éternelle horreur y ré
side et s'y multiplie. En quoi cette ci
vilisation républicaine, par ce qu'elle
tdonne etee qu'elle promet, diffère-t-elle
de l'enfer? Un monde nouveau a ré
gné. Qu'a-t-il eu de consolant? La
foule est venue, s'est établie, emparée
de l'avenir. Toutes les idées- de la
foule étaient vieilles. Elle n'a pas eu
d'idées depuis Caïn et Babel. La veille
du déluge, elle s'amusait des belles
nouveautés qui nous sont sans cesse
promises. Il est probable que les pre
mières averses du déluge éteignirent
beaucoup de lampions. Mais, malgré
toutes les railleries, Noé avait fait
l'arche. Il était là. Ùn jour je parlais
de lui avec un homme illustre. La
pluie tombait. On raillait Noé et son
œuvre. L'homme illustre ne taillait
pas:Soyez sûr, disait-il, que ceux qui
pourront entrer feront des efforts, et
que Dieu aidera. — Mais ces railleurs
méritent d'être noyés ; ils voudront
périr.
—Prenez plutôt pitié d'eux, vous n'y
perdrez rien, et ils gagneront tout.
Souvenez-vous que l'arche est immor
telle. Vous avez la parole de Dieu. Sou
venez-vous des cieux et laissez hurler
ces fous. Dieu est avec ceux qui espè
rent en lui. Il est plus ancien que la
république. Il sera quand la républi
que ne sera plus. Il entendra toujours
la prière. Que la prière soit votre der
nier mot, et laissez hurler les vain
queurs.
Le grand tort de Judas fut de douter
de la miséricorde de Dieu. La grande
sagesse de l'homme est de sentir sa
misère et de ne pas désespérer.
Louis V euillot.
Quelle admirable page que cette éco
le d'Athènes ! Quelle fête que les
créations des grands maîtres! On croit
les connaître. On les a vues, étudiées
et revues. On imagine les posséder
dans sa mémoire. Elles ne doivent
plus rien avoir à apprendre ni à
dire. Et cependant si le hasard en re
place une sous notre oeil, quel réveil et
quel régal ! C'est tout un monde qui
s'ouvre, charmant, splendide, vivant,
nouveau. Ut pictura poesis. Qui a pu
ouvrir Esther et Athalie sans les relire
en entier? Les passages de ces chefs-
d'œuvre que nous savons par cœur,
sont pleins de délices nouvelles : ce
sont des tours, des grâces, une lumière
dont le regard ne se lasse pas. La na
ture interprétée et montrée dans l'i
déal ; la vérité dans sa splendeur.
A la première séance de la Chambre
des députés, on n'avait pas pu jouir à
l'aise de cette ravissante école a'Athè-
nes. Le jour, à travers les vitres dépo
lies du plafond, n'est pas généreux, et
ne laissait que deviner les richesses
de la merveilleuse tapisserie.
Hier, la séance s'est prolongée jus
qu'à la nuit, et lorsque la lumière
électrique s'est répandue dans la salle,
la tapisserie s'est révélée dans une
splendeur, une harmonie |et une grâce
incomparable. Raphaël est sans pair;
mais que ces artisans des - Gobelins
étaient d'habiles maîtres. Quelle inter
prétation et quelle traduction ! Comme
cette architecture, dressée par le San-
zio s'épanouit, toute remplie d'air et
d'espace. Les ornements de ces gale
ries s'en détachent avec bonheur.
C'est une gamme de tons, où le regard
se repose et dont il ne peut se rassa
sier. Les groupes des personnages si
heureux, si simples, si grands et si
vrais dans leurs attitudes, se distin
guent et se relient sans confusion et
dans une ordonnance pleine de mou
vement et de repos. Les teintes douces
affectées par les tapissier rayonnent
pour ainsi dire; c'est le jour des
champs élyséens.
Ces artisans des Gobelins ne se
bornaient pas à traduire avec for
ce et génie la conception de Ra
phaël, ils ont créé à coté de l'œuvre
du maître ; et ils ont tissé une bor
dure dont je ne prétends pas décrire
et analyser les belles grâces. On sait
qu'à Versailles, l'Assemblée législative
tenait ses séances dans la salle ra
dieuse de spectacle, créée par Gabriel.
C'est là que la République de M. Wal
lon a été votée sous l'écusson royal
de France, les trois fleurs de lis bril
lant au-dessus du fauteuil du prési
dent. A Paris, au centre de la bordure
des Gobelins, on reconnaît aussi l'é
cusson de France. Il est le noyau d'un
trophée que surmonte, si mes yeux
ne me trompent, le soleil du grand
Roi.
Cependant la Chambre a décidé de
nommer une commission de vingt-
deux membres pour examiner les ré
formes à apporter aux droits perçus
sur les boissons. Elle n'a pas écouté
M. Nàdaud lui demandant de ne dis
cuter une loi que d'accord avec M.
Floquet, il proposait sur les travaux
publics des communes, tendant à ac
tiver et à faire exécuter ces travaux
de voierie par la création de sociétés
de syndicats composées de divers in
téressés et revêtues des droits des per
sonnes civiles.
M. Nadaud, sans demander l'ur
gence, priait la Chambre de ne pas
faire de première discussion et de
remettre le débat à la seconde lecture.
La Chambre n'a pas voté la proposi
tion de M. Nadaud : mais elle l'ajac-
complie, et elle a adopté en première
lecture les divers articles de la loi.
Elle les a adoptés sans ;les discuter et
même sans les entendre. La voix de M.
Gambetta n'est pas seulement molle,
elle est sourde, pâteuse et parfois à
peu près "inintelligible.
Aux premiers articles il faisait le
simulacre de demander de lever la
main. Il s'en est bientôt lassé et s'est
borné, après avoir lu l'article, à décla
rer qu'il était voté, puisqu'il n'y avait
pas d'objection. Cette manière de voter
les lois par omission est un peu légère :
je ne sais si elle est réglementaire. La
loi proposée est cependant importante :
elle peut avoir de graves résultats. Il
importait d'en peser les diverses pro
positions. M. Nadaud a de bonnes in
tentions; il ne semble pas avoir beau
coup de lumières ; et son collaborateur
M. Floquet est assez connu pour don
ner à craindre que la passion n'enve-
mine ses meilleures conceptions. La
loi mérite un examen scrupuleux.
Mais les affaires sérieuses ne retien
nent guère l'attention de la Gham
bre. Elle la donne aux discussions
personnelles; et on ne sait où M. Jan
vier de la Motte va puiser ses scru
pules au sujet des personnalités. Ses
collègues les boivent et s'en gaudis-
sent. Ils n'ont pas porté un plus vif
intérêt à une loi sur les prud'hommes,
et M. Ch. Mention est en vain monté
dix ou douze fois à la tribune. Il n'a
pu faire triompher en un seul de ses
amendements, bien que plusieurs
parussent fondés, celui par exemple qui
avait trait à la codification de la lé
gislation des prudhommes inscrite
dans un nombre de lois et de décrets
dont la nomenclature est vraiment
formidable.
Il y a eu un débat caractéristique
sur la gratuité des fonctions de prud'
hommes. Aujourd'hui la gratuité est
obligatoire pour les patrons. Les ou
vriers appelés aux mêmes fonctions
ont droit de toucher des jetons de pré
sence; mais, dit M. Nadaud, ils refu
sent et trouvent blessante la distinct
tion faite entre eux et les patrons. On
reconnaît bien là le faux point d'hon-
deur enfiellé que la révolution suscite
dans le cœur des républicains. M. Na
daud s'est refusé à ce que la loi ins
crivît la gratuité pour tous. L'égalité
qu'il n'ose inscrire dans la loi, mais
qu'il souhaite entre les prud'hommes,
est celle dont jouissent les députés : il
y en a de riches, il y en a de pauvres
parmi nous, disait-il, et il sousenten-
dait : tous passent à la caisse.
M. Mention, avec bon sens, lui di
sait : si. vous voulez des honoraires pour
tous les prudhommes, dites-le dans la
loi ! Soyez clair et précis, puisque vous
êtes législateur. M. Nadaud est législa
teur, mais il veut se tenir dans le va
gue ; et sa loi haineuse veut ôter aux
patrons le privilège que leur donnait
l'ancienne loi de servir les intérêts pu
blies gratuitement. La nouvelle loi
contraindra-t-elle les patrons à encais
ser les jetons que les ouvriers, dit-
on, refusent aujourd'hui ? Peut-être
c- ' te discussion a rait-elle été désa
gréable à nos députés, tous égaux de
vant le budget, comme l'a indiqué M.
Nadaud ; mais dont quelques-uns se
donnent le privilège de consacrer leurs
honoraires aux besoins de leur com
mune, de leur département? La même
liberté sera-t-elle interdite aux prud
hommes ? La loi ancienne était vraie
et juste. La nouvelle, dans ses réti
cences, exhale la haine et sème la
division.
Les droits des mineurs et les obli
gations des tuteurs ont ensuite occupé
la Chambre. L'ensemble de la loi a
été voté. Elle est loin de sembler par
faite, et le désir d'alléger les droits
payés au fisc et de garantir les intérêts
des mineurs est légitime; mais encore
faudrait-il ne pas manquer le but.
Tout cela a été discuté et voté au
milieud'une inattention inimaginable.
L'interpellation de M. Janvier de la
Motte, au contraire, a tenu toute la
Chambre attentive. Elle était au com
plet. Il s'agissait d'un juge de paix dont
les titres, malgré l'éloquence de M. Go-
blet, semblent laisser sensiblement à
désirer. La discussion s'est emportée
immédiatement aux personnalités, et
tout le passé de l'interpellateur, comme
préfet de l'Eure, a été évoqué avec de
grandes explosions de haine et de
rancune. On ne peut nier que M. Jan
vier de la Motte n'en ait bravé les
éclats avec fermeté et non pas tout à
fait sans d'heureuses et triomphantes
ripostes. Il a pu dire, avec raison,
qu'il ne s'était pas enrichi dans l'exer
cice des fonctions publiques; ce qui ne
pourrait se dire de tous les adversaires
de l'empire. A propos des fameux revi
rements de fonds qu'on lui a reprochés,
M T mvier de la Motte a rappelé que
ta cour des comptes lui avait donné un
iqt/ùi/S comple 1 , et qu'il n'en était pas
tout a fait de même du gouvernement
d e la Défense nationale qui ne s'était
jamais expliqué sur les millions éva
noms entre ses -mains. L'orateur est
revenu, à deux reprises sur ce sujet,
çh on a remarqué que les deux fois
Gambetta était absorbé dans une
Conversation intime avec M. Naquet
ou H Plessier. L'interpellation,— cela
Vu de droit, — a été repoussé par l'or
dre du jour pur et simple.
Lia seconde interpellation de M. Jan
vier de la Motte sur l'arrondissement
de Domfront a été retirée par son au
teur qui, en dépit du ministre de l'in
térieur, s'est réservé explicitement le
droitjde la représenter.
Au cours de la séance, l'interpella
tion de M. Baudry-d'Asson sur la ré
vocation des maires de la Vendée a été
fixée à mardi prochain.
L éon A ubineau.
M. Gambetta n'accepte pas les pro
positions obligeantes de M. Clémen-
ceau, qui le voudrait pousser au mi
nistère. Aussi les gauches, sous l'in
spiration plus ou moins directe du
président de la Chambre, ont-elles
finalement repoussé l'idée d'une in
terpellation, pour en revenir à celle
FEUILLETON DE L' UNIVERS
BU 1 e ' DÉCEMBRE 1879
CAUSERIE JUDICIAIRE
La multiplicité des crimes.—L'immoralité publi
que. _ Ses causes. — Les questions d'honneur
et les dommages-intérêts. —' Insuffisante appli
cation de l'article 1382 éu code civil. —Les
démissions des magistrats. — Les discours de
rentrée. — Les appels comme d'abus.
Autrefois les populations, en présence
d'un tfrime exceptionnel, croyaient à une
révolution prochaine. Nos souvenirs à. cet
•égardsont précis. En face de Choiseul-Pras-
lin, nous avons entendu prédire lès'boule
versements de 1848. Devant Troppmann, on
annonçait ceux de 1870. Nous n'en sommes
plus là, et si chaque l'ois qu'un assassin se
présente, dont la taille dépasse le menu fre
tin des meurtriers vulgaires, on le considé
rait comme le précurseur d'une catastro
phe, il y aurait tant de révolutions dans l'air
ïâu'on ne s'y reconnaîtrait plus ; il est vrai
..que leur nombre aurait quelque chose de
Kîonsoiant, puisqu'après les pires on pour
rait en et-oérer de meilleures. Nous croyons
'toutefois qj'il y a du vrai dans l'unanime at
tente popuiau'ft, et qu'on la qualifierait à tort
diîsuperstition. iMous n'insistèronspas sur le
côté saystique de îa question, sainte l 1 ran
çon Romaine noue dit
ques de calamités, des démons plus forts
que les autres ont la permission de sortir de
l'abîme. ;
Nous nous rattacherons à des motifs plus
naturels et plus'humains, et qui, du reste,
concordent parfaitement avec les premiers.
Quand une partie notable des hommes fait
la guerre à Dieu, comment le mal n'éclate
rait-il pas sous toutes les formes, tantôt in
dividuelles et privées, tantôt collectives ; et
sociales ? Quand le blasphème retentit par
tout, comment les actes criminels, ces au
tres outrages qui ne sont autre chose que
des blasphèmes mis en pratique, ne redou
bleraient-ils pas de nombre et d'intensité?
La conscience publique et privée n J a qu'un
frein possible : la crainte de Dieu. Ce frein,
voilà un siècle et demi que peuples et gou
vernements le rongent et. le mordent. Com
me le fer sous la lime, à force d'être rongé
et mordu, il. s'est brisé. L'accident s'est
préparé de loin, mais il est de date récente,
et ce sont les rongeurs d'aujourd'hui qui
ont consommé l'œuvre, Au dernier siècle,
la libre-pensée s'agitait dans les hauteurs
sociales et ne dépravait que les puissants.
Les pauvres restaient les amis de Dieu et
les humbles conditions lui étaient fidèles.
Parmi les gens de peu, ceux-là seulement
qui approchaient les grands seigneurs de
la Régence étaient saisis de la contagion. On'
se s.Q^vient'du coiffeur de l'un d'eux, disant
à son maître ; Monseigneur, je ne suis
qu'un simple barbier, mjus je ne crois pas
en Dieu. Le reste était pur, et le peuple
ainsi conservé soutenait le monde.
Aujourd'hui le mal s'est déplacé, les hau
tes classes sociales tendent à s'amélioréer,
la tète se dégage et s'épure. Mais la gan
grène s'est étendue dans ce3 vastes régions
inférieures autrefois préservées. Là est le
nombre,là aussi est la maladie. Le mépris de
tout ce qui est respectable a suivi la pente
naturelle, il est descendu dans les masses.
Les philosophes, athées ont d'abord cor
rompu la noblesse et la haute, bourgeoi
sie qui, seules, pouvaient les compren
dre; la limite que n'avaient pu franchir
les hommes de la Révolution philosophique
a été dépassée par les hommes de la Révo
lution politique et sociale. Ils ont mis à la
portée de tous les énervantes doctrines des
littérateurs, leurs maîtres; les petits el les
humbles ont bu le poison à longs traits.
Les petits ont connu l'ambition, les hum
bles l'orgueil ; le peuple a été perdu.
Restait, dans une certaine mesure, l'en
fance. Autrefois elle était respectée de
ceux-là mêmes qui ne se respectaient plus.
L'enfance, c'est l'ignorance, ignorance bonne
ou mauvaise : bonne quand elle sauve du'
mensonge et du paradoxe ceux qui ne sa
vent rien; mauvaise quand elle consiste
dans la méconnaissance non du mal, mais
du bien. L'enfant du peuple incrédule en
est là; par les conversations, par les feuil
les et par les images ordurières, souvent
par l'exemple paternel, il ne sait que ce
qu'il ne doit pas savoir, et ne sait pas un!
mot de ce qu'il doit connaître. Encore une
fois, que reste-t-il? A défaut d'un remède, y,
aura-t-il un refuge? à défaut de conscience^
publique, une répression publique? En un
mot, la peur de la loi, au lieu de la crainte
de Dieu? Les gouvernements et la magis
trature pourront-ils, dans un tel état de
choses, ceux-}à prévenir, ceux-ci châtier le
débordement des passions emportées com
me des chevaux qui n'ont plus de mords?
Ne compte? pas les gouvernements; ils
sont, à travers plusieurs représentations
successives, le produit définitif du suffrage
universel, c'est-à-dire du nombre. Le nom
bre, c'est ce que nous venons de dire.
Donc, par la force des choses, plus il est
grand, plus son résultat est vicieux.. Eton
nez-vous après cela des lois Ferry, des ar
ticles 7, de l'expulsion des frères et des
sœurs, de la religion arrachée de l'éduca
tion. Cet effet est nécessaire et logique. Si
le gouvernement agissait autrement, il men
tirait à son origine, à son sang, à sa race,
qui sont le suffrage universel et le nombre.
Il poursuit les crimes privés ' et les livre,
quand il le peut, à la justice ; mais il favo
rise l'impiété qui les inspire. 11 demande
que les propriétés et les personnes soient,
respectées ; mais il ne témoigne aucun res
pect aux serviteurs de Dieu, les laisse in
sulter par les folliculaires et les caricatu-j
ristès, et traite comme on_sait la religion
catholique, seul rempart efficace' contre^
tous les crimes.
Sera-ce la magistrature qui nous sauve
ra? Il faudrait qu'elle commençât par se
sauver elle-même : par une loi moderne,
étrange, et qui n'a pas été suffisamment
remarquée, la magistrature, à l'heure où
surabondent les crimes dont elle a mission
de faire juétice, s'affaisse elle-même 'sous
le coup de là révolution. Jamais elle, n'eut,
tant besoin de force. Jamais elle ne fut ré-
duita à une telle faiblesse. La suppression
de son inamovibité, la loi, de retraite anti-.
cipée, son altération et son renouvellement'
"par tous les moyens, la menace de sa des-,
trqotion .totale, sont autant de spectres qui
se dressent devant elle, et si elle était ca-
pablede défaillance,on comprendrait qu'elle
éprouvât des distractions çl ( iul°m ! <îuses,.et
d'un programme consenti parles qua
tre groupes de gauche et qui serait la
règle de conduite imposée au minis
tère.
Nous ne caractérisons pas cette idée,
fort étrange au point de vue parlemen
taire, mais il est assez difficile de
la prendre au sérieux. Pour en juger,
nous n'avons qu'à citer brièvement les
organes qui, à dos titres divers, re
présentent les divers groupes républi
cains de la Chambre. Voici d'abord ce
que dit la République française , que ses
rapports avec M. Gambetta devaient
rendre favorable au projet caressé par
le président de la Chambre :
La majorité eût été dans son droit strict
en retirant immédiatement, par le vote
d'un ordre du jour, sa confiance et son cp-
pui au ministère. C'est le procédé usité et
sommaire; mais la gauche s'est rappelée
qu'elle avait en face d'elle, au gouverna •
ment, non des adversaires, mais des amis,
des collaborateurs plus ou moins bien ins
pirés, mais tous également animés de bon
nes intentions. Au lieu d'une brusque inter
pellation suivie d'un débat ' Séjours irritant
et périlleux, on a donc résolu de recourir à
une sorte de colloque, de conférence, d'où
l'accord pourrait sortir sur un programme
à l'avance arrêté. Que ce procédé soit à
l'abri de toute critique et doive servir de
précédent, nous ne le soutiendrons pas,
mais on peut sans doute le justifier par le
désir extrême et fort honorable de la majo
rité de rester modérée et prudente et de
maintenir l'accord entre les masses princi
pales du parti républicain. Si les bureaux
des gauches réussissent da is l'élaboration
difficile de ce programme minimum, il de
viendra pour le ministère actuel, qui de\ra
l'accepter, le point de départ d'une carrière
nouvelle ou, pour ses successeurs, une
base, une indication générale.
L'approbation est discrète, car on
ne saurait se dissimuler à la Républi
que française tout ce qu'il v a de puéril
dans la proposition Bnsson. mais il
faut bien venir en aide a M Gambetta
et au ministère. La note du lunps est
à peu près la même :
Les représentants de la majonfe ont ré
solu de rédiger un programme, C [ui sera
pour le cabinet un point d'appui et pour la
N Chambre un point d'arrêt. Seulement, pour
que ce programme soit acceptable pour le
cabinet actuel comme pour tout autre, il
doit être à la fois très simple et très élasti
que : très simple, parce que, en le compli
quant, en le chargeant, on ferait aussitôt
surgir des dissentiments entre les diverses
nuances républicaines ; très élastique, parce
qu'on ne gouverne pas avec et par des doc
trines, mais avec des hommes et par des
hommes : c'est ce que le cabinet, qui doit
savoir ce qu'il veut et ce qu'il peut, fera
certainement comprendre à la Chambre le
jour où elle lui demandera de s'expliquer.
Voilà pour ceux qui sont à peu près
satisfaits de l'idée d'un programme.
Mais il s'en faut que ce soit le senti
ment général. Ecoutons le Natio
nal :
L'idée suggérée par M. Brisson de faire
rédiger par les quatre gauches un pro
gramme commun qu'on imposerait au ca
binet et qu'il devrait appliquer, sous peine
de mort, est généralement considérée'com
me peu pratique.
On se demande, en effet, comment des
groupes si peu d'accord entre eux pourront
rédiger un programme de politique géné
rale, do nature à être accepté parle Sénat,
la Chambre et.le ministère.
On se demande, en outre, quelle serait
la situation morale d'un cabinet mis ainsi
en tutelle pour cause d'incapacité.
Le Rappel est beaucoup plus vif :
Dès le premier jour, dit-il, nous avions
bien peu de mérite à prédire que la majo
rité allait tout droit à un avortement pi
teux et risible, à un désarroi sans nom.
Mais nous n'imaginions rien de si triste
ment bouffon que ce qu'on a vu hier dans
les réunions des groupes.
La plume tombe des mains, l'éclat de
rire s'arrête sur les lèvres, quand on songe
que ces expédients saugrenus sont propo
qu'elle fûtpartagée entre les soucis de sapro-
pre existence et les travaux que sanoble mis
sion luiimppse.Ellea su, jusqu'à présent, se
défendre de toute préoccupation étrangère;
mais qu'elle ne peut empêcher, c'est que les
attaques dontelleestl'objetn'atténuent, avec
son autorité, le respect auquel elle a droit;
car elle ne saurait être affaiblie ou diminuée
sans que les criminels de toute sorte ne re
prennent force ét courage. Le mouvement
de bascule ne fut jamais plusvisible ni plus
inquiétant qu'aujourd'hui. Nous avons à
plusieurs reprises, depuis plusieurs années,
signalé l'accroissement des. crimes; mais
ces recrudescences n'étaient sensibles que
pour les observateurs et échappaient au
public. Il n""en estpas de même aujourd'hui.
L'épidémie morale a pris des proportions
inconnues, et là multiplication des crimes
est devenue un événement public. Il y a
excès dans le nombre comme dans la qua
lité des attentats contre les personnes ;
aussi avons-nous tenu à constater que cette
nouveauté était logique, et à nommer les
causes sans savoir où s'arrêteront les
effets.
Un bomme recommanda'ole par son nom
et par le souvenir de son père, et que par
cette raison nous nous abstiendrons de dé
signer, vient de soutenir, en cour souve
raine, un regrettable procès. Une femme
avec laquelle il avait irrégulièrement vécu
pendant plusieurs années, et qu'il avait
quittée pour se marier, a formé contre lui
une demande en dommages-intérêts. Saj
demande était double et portait nan-seule-i
ment sur }e préjudice moral résultant d'une,
liaison non suivie de mariage, mais aussi
sur lft restitution de certaines sommes ou
ses par des politiques dont nous avons eu
maintes fois à louer l'intelligence, la fer
meté, le langage éloquent. Qu'est-ce qu'on
fait? A quoi pense-t-on? Que signifie le vau
deville qui s'est fourvoyé à la Chambre ?
Quel spectacle que celui, de ces trois
cents députés, unanimement furieux con
tre le ministère, unanimement «persua
dés qu'il compromet les idées républicai
nes, unanimement convaincus qu'il faut le
changer,et cherchantles moyens delemain-
tenir?
Quel spectacle que celui de ces « satis
faits mécontents », comme dit fort bien M.
de Girardin; — de ces personnages de co
médie. plein de terreur à l'idée qu'ils pour
raient renver. er, par mégarde, des minis
tres qu'ils trouvent déplorables; — queces
braves gens pleins d'irrésolution, ne sachant
quelle raison se donner à eux-mêmes, pour
frapper à côté du cabinet le coup qu'ils lui
destinent?
D'autre part, on lit dans le Mot
d'Ordre :
Il n'y a que de prétendus amis pour
porter à un ministère des coups de cette
force. Sans nous inq uj .ci .6i de ia possibilité
d'établir une semblable transaction qui sa
tisfasse à 'a fois l'extrême gauche et le cen
tre gauche, et que puissent contresigner
M. Louis Blanc -et M. Léon Renault, M.
Clemenceau et M. Latay, quelle plus sévère
condamnation pour le cabinet Waddington,
que cette constatation, après dix mois de
fonctionnement, qu'il n'a ni politique, ni
programme, et qu'il est nécessaire de lui
dicter sa tâche, comme on dicte à un éco
lier l'énumération des devoirs qu'il aura à
faire dans sa journée. Et si les membres
du ministère avaient, ce que nous admet
tons aisément, l'échiné assez squple pour
passer sous ces fourches caudines, quelle
autorité pourraient-ils conserver, non pas
sur la nation, édifiée de longue date sur
leur valeur intellectuelle et morale, mais
même sur leurs subordonnée ?
La Lanterne se moque, à son tour, de
l'idée du programme:
L'idée est honnête et même modérée ;
mais elle est naïve. De quatre .volontés
parfaitement différentes faire une seule vo
lonté parfaitement unanime, c'ést un pro
cédé séduisant au premier abord ; mais
quelque peu difficile à pratiquer. Voilàplu-
sieurs milliers d'années que les philanthro
pes, les rêveurs et les poëtes fantaisistes le
proposent à l'humanité pour mettre fin aux
sauvageries de la guerre. Pour qu'on ne se
batte jamais plus, il suffit que tout le mon
de se mette d'accord sur tout. Ça n'est pas
plus difficile que ça.
Veut-on maintenant avoir l'avis du
centre gauche, dont le Parlement est
l'organe ?
Le projet de programme n'aboutira pas.
Il semble, en effet, certain que les mem
bres de la gauche modérée ne sauraient
jamais s.'ontendrr, jjnur rédiger un program
me commun. Ce programme ne serait ni
celui de M. Clémenceau, ni celui de M.
Germain, et pourtant il les lierait l'un et
l'autre. Il serait pour chacun de ses auteurs
une renoncif lion à ses idées et à ses senti
ments persoanels, renonciation qui ne se
rait ni sincère ni durable et qui pourrait
servir à renverser le ministère Wadding
ton, mais non pas à en faire un autre. Ni
M. Waddington ni son successeur, pour
peu qu'il eût la conscience de ses devoirs
constitutionnels, ne consentirait d'ailleurs
jamais à entamer une discussion sur le
programme des groupes. C'est au ministère
nommé par M. le président de la Républi
que à rédiger lui-même son programme et
à le soumettre aux Chambres, à la Charo-.
bre des députés, et aussi au Sénat, qu'il
ne faut pas oublier. Si les Chambres n'a
doptent pas ce programme ou si, après l'a
voir adopté, elles en blâment l'application,
ie ministère se retire.
Voilà le gouvernement parlementaire ! Ce
qu'on nous propose, c'est le gouvernement
direct des comités de la Chambre au
■ moyen de commis qu'on continuera, par
habitude, à nommer des ministres : c'est
la perversion du gouvernement parlemen
taire et l'empiétement du pouvoir législatif
sur le pouvoir exécutif.
Nous signalons l'écueil delà voie dans la
quelle on s'engage. Serons-nous entendus? *
Si nous ne le sommes pas, nous complet
' ' ** * .i A • I ■ I '
valeurs dont il serait resté débiteur'envers
elle. Sur ce dernier chef, ne pouvant prou
ver la libération, il a succombé.. Sur le
premier, la promesse fallacieuse'' de Jma;
riage n'aura sans doute" pas ' été établie,. •
mais, sans parler davantage de ce procè^f
dont l'absence de tout" compte-rendu-nous
laisse ignorer certains détails, nous y trou
vons l'occasion, que nous ne laisserons (ja
mais perdre, de 1 -donner notre avis sur les
demandes de dommages-intérêis fondées
sur le préjudice résultant d'une liaison illé
gitime.
Le code pénal qui punit les escroqueries
en matière d'argent est muet en ce qui tou
che les escroqueries en matière d'hon
neur. Qu'une telle omission.doive être ré
parée, quand les temps seroat devenus
meilleurs, c'est une vérité hors de doute
mais, pour y songer, l'heure, présente, oii
en conviendra, n est pas opportune, et, Si
notre avis, on ne saurait trop demander à
la loi civile les satisfactions que la loi cri
minelle refuse. On ne saurait croire tout ce
que l'article 1382 du code civil, qui. ordon
ne simplement la réparation du dommags
causé à autrui, contient, dans sa brève
énoncialion, d'actes de justice , que nul ne
songe à en extraire, et que les parties inté
ressées elles-mêmes sont parfois.les pre-
'mières à laisser tomber dans l'oubli; Si la
spéculation &st toujours un. "élément'im*-.
monde qu'il faut repousser avec mépris lp
droit à une indemnité légitime doit toujours*
êtro. accueilli, non-seulement quand il ré
sulte d un tort matériel, mais aussi .quand
il émane d'un préjudice moral, et k juris
prudence, après do longues hésitations
s'est fixée définitivement dans ce sens '
ijaais dans 1$ matière ijni nousj occupe, C8
PARIS
Un an. ... , 55fr. »
Six mois
Trois mois
Un Numéro,,à Paris. .....
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints -Pères
On s'abonne, & Rome» plaça da Gesû, 8
K* 4421 Edition quotidienne;
Lundi 5 81 Décembre 1879
HSSS
DÉPARTEMENTS
Lu an • 55 fï*. *
Six mois 28 50
Trois mois 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. SO fr. — Sis mois, 16 fr. — Trois mois, 8 îr. 50
L'DN1VERS ne répond pas des manuscrits qui lu! sont adressés
ANNONCES
MM. Ci. L â GE à NGE , cerf et C ie , 6, place de la Bourse
FRANGE
PARIS, 30 NOVEMBRE 1879
Un vers de Lamartine a pu revivre
dans la mémoire de quelques assistants
de la séance où la Chambre a repris le
palais Bourbon. Ça été un vers du siè
cle. Il révèle une époque noble, mais
épuisée, et qui a perdu son chemin
ne sachant plus ni ce qu'elle a été, ni
ce qu'elle peut devenir, ni ce qu'elle
pense :
L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des
[cieux.
J'ai souvent répété cela, croyant le
comprendre. Un jour je m'aperçus
que je ne comprenais pas, ou plutôt
que M. de Lamartine ne s'était pas
compris, ou n'avait pas tenté de se
faire comprendre. On sent qu'il a cru
dire quelque chose, mais qu'il n'a pas
raisonné et que ses lecteurs ont eu foi
en lui. Là-dessus, on Ta fait député,
comme Racine fut fait historiographe.
Or, l'homme n'est point Dieu, et il
n'y a point de Dieu tombé. Cela, tout
au plus poétiquement, pourrait se dire
de Satan, qui n'est point un homme,
et ne fait pas de vers mélancoliques,
en souvenir des cieux. L'homme croit
quiil a vu les cieux lorsqu'il mélancô-
lise. S'il s'en souvenait sérieusement,
il s'occuperait immédiatement de tra
vailler à cette grave affaire; il voudrait
retourner au ciel par une sainte vie
qu'il demanderait au ciel de finir au
plus tôt par une sainte mort. Cet hom
me-là serait loin de faire des vers,
besogne absorbante, propre à éloigner
du séjour de Dieu.
Lorsqu'il vit Elvire solidement viel-
lie, les éditeurs tout à. fait fatigués, et
les électeurs épuisés, le poëte s'aperçut
qu'il était, non pas un dieu tombé du
ciel, mais une âme déchue du bap
tême. Il commença dès lors à vouloir
reconquérir cette place très haute.
On aime a penser qu'il y parvînt. Il
w - —- > —-— X '
dit beaucoup d'Ave Maria et finit
heureusement par se confesser. C'est
alors qu'il put voir le Ciel : « Sero te
amavi ». ■— Tard! dit saint Augustin.
"Mais, par la bonté de Dieu, tant qu'on
a le souffle, il n'est pa.s tard. Seule
ment, jusqu'à ce dernier moment du
soir, où il songe enfin au Ciel, l'hom
me à vrai dire, n'est plus un dieu
tombé ; il n'est qu'un banni, un cou
pable, atteint d'une juste sentence.
Mais, il le sait; il peut se souvenir.
Le Dieu du ciel lui a appris à lire dans
la fange humaine. En ce sens, le vers
de Lamartine est beau et bien fait.
Plusieurs se le disent, à l'occasion
de la république. En la voyant, ils se
souviennent d'avoir rêvé mieux. Un
peu dé raison les a détrompés tardive
ment. Que d'occasions de réveil dans
la vie ! Pour que la république semble
une image du ciel, il faudrait y trou
ver quelque chose de la justice et de
la paix, et qu'au moins ces choses de
Dieu ne . fussent pas iniquement ban
nies du sol humain.
Le ciel où Dieu habite est catholi
que. Jésus-Christ est descendu du ciel
pour nous enseigner la vérité. Il n'y
,a qu'une ressemblance très impar
faite avec le ciel dans un pays où ce
que Jésus-Christ a voulu, non seule
ment n'est pas enseigné, mais au con
traire est menacé, insulté, proscrit.
Nul moyen de se. croire dans le ciel ni
sur le chemin, lorsqu'on habite ce
pays-là. Une éternelle horreur y ré
side et s'y multiplie. En quoi cette ci
vilisation républicaine, par ce qu'elle
tdonne etee qu'elle promet, diffère-t-elle
de l'enfer? Un monde nouveau a ré
gné. Qu'a-t-il eu de consolant? La
foule est venue, s'est établie, emparée
de l'avenir. Toutes les idées- de la
foule étaient vieilles. Elle n'a pas eu
d'idées depuis Caïn et Babel. La veille
du déluge, elle s'amusait des belles
nouveautés qui nous sont sans cesse
promises. Il est probable que les pre
mières averses du déluge éteignirent
beaucoup de lampions. Mais, malgré
toutes les railleries, Noé avait fait
l'arche. Il était là. Ùn jour je parlais
de lui avec un homme illustre. La
pluie tombait. On raillait Noé et son
œuvre. L'homme illustre ne taillait
pas:Soyez sûr, disait-il, que ceux qui
pourront entrer feront des efforts, et
que Dieu aidera. — Mais ces railleurs
méritent d'être noyés ; ils voudront
périr.
—Prenez plutôt pitié d'eux, vous n'y
perdrez rien, et ils gagneront tout.
Souvenez-vous que l'arche est immor
telle. Vous avez la parole de Dieu. Sou
venez-vous des cieux et laissez hurler
ces fous. Dieu est avec ceux qui espè
rent en lui. Il est plus ancien que la
république. Il sera quand la républi
que ne sera plus. Il entendra toujours
la prière. Que la prière soit votre der
nier mot, et laissez hurler les vain
queurs.
Le grand tort de Judas fut de douter
de la miséricorde de Dieu. La grande
sagesse de l'homme est de sentir sa
misère et de ne pas désespérer.
Louis V euillot.
Quelle admirable page que cette éco
le d'Athènes ! Quelle fête que les
créations des grands maîtres! On croit
les connaître. On les a vues, étudiées
et revues. On imagine les posséder
dans sa mémoire. Elles ne doivent
plus rien avoir à apprendre ni à
dire. Et cependant si le hasard en re
place une sous notre oeil, quel réveil et
quel régal ! C'est tout un monde qui
s'ouvre, charmant, splendide, vivant,
nouveau. Ut pictura poesis. Qui a pu
ouvrir Esther et Athalie sans les relire
en entier? Les passages de ces chefs-
d'œuvre que nous savons par cœur,
sont pleins de délices nouvelles : ce
sont des tours, des grâces, une lumière
dont le regard ne se lasse pas. La na
ture interprétée et montrée dans l'i
déal ; la vérité dans sa splendeur.
A la première séance de la Chambre
des députés, on n'avait pas pu jouir à
l'aise de cette ravissante école a'Athè-
nes. Le jour, à travers les vitres dépo
lies du plafond, n'est pas généreux, et
ne laissait que deviner les richesses
de la merveilleuse tapisserie.
Hier, la séance s'est prolongée jus
qu'à la nuit, et lorsque la lumière
électrique s'est répandue dans la salle,
la tapisserie s'est révélée dans une
splendeur, une harmonie |et une grâce
incomparable. Raphaël est sans pair;
mais que ces artisans des - Gobelins
étaient d'habiles maîtres. Quelle inter
prétation et quelle traduction ! Comme
cette architecture, dressée par le San-
zio s'épanouit, toute remplie d'air et
d'espace. Les ornements de ces gale
ries s'en détachent avec bonheur.
C'est une gamme de tons, où le regard
se repose et dont il ne peut se rassa
sier. Les groupes des personnages si
heureux, si simples, si grands et si
vrais dans leurs attitudes, se distin
guent et se relient sans confusion et
dans une ordonnance pleine de mou
vement et de repos. Les teintes douces
affectées par les tapissier rayonnent
pour ainsi dire; c'est le jour des
champs élyséens.
Ces artisans des Gobelins ne se
bornaient pas à traduire avec for
ce et génie la conception de Ra
phaël, ils ont créé à coté de l'œuvre
du maître ; et ils ont tissé une bor
dure dont je ne prétends pas décrire
et analyser les belles grâces. On sait
qu'à Versailles, l'Assemblée législative
tenait ses séances dans la salle ra
dieuse de spectacle, créée par Gabriel.
C'est là que la République de M. Wal
lon a été votée sous l'écusson royal
de France, les trois fleurs de lis bril
lant au-dessus du fauteuil du prési
dent. A Paris, au centre de la bordure
des Gobelins, on reconnaît aussi l'é
cusson de France. Il est le noyau d'un
trophée que surmonte, si mes yeux
ne me trompent, le soleil du grand
Roi.
Cependant la Chambre a décidé de
nommer une commission de vingt-
deux membres pour examiner les ré
formes à apporter aux droits perçus
sur les boissons. Elle n'a pas écouté
M. Nàdaud lui demandant de ne dis
cuter une loi que d'accord avec M.
Floquet, il proposait sur les travaux
publics des communes, tendant à ac
tiver et à faire exécuter ces travaux
de voierie par la création de sociétés
de syndicats composées de divers in
téressés et revêtues des droits des per
sonnes civiles.
M. Nadaud, sans demander l'ur
gence, priait la Chambre de ne pas
faire de première discussion et de
remettre le débat à la seconde lecture.
La Chambre n'a pas voté la proposi
tion de M. Nadaud : mais elle l'ajac-
complie, et elle a adopté en première
lecture les divers articles de la loi.
Elle les a adoptés sans ;les discuter et
même sans les entendre. La voix de M.
Gambetta n'est pas seulement molle,
elle est sourde, pâteuse et parfois à
peu près "inintelligible.
Aux premiers articles il faisait le
simulacre de demander de lever la
main. Il s'en est bientôt lassé et s'est
borné, après avoir lu l'article, à décla
rer qu'il était voté, puisqu'il n'y avait
pas d'objection. Cette manière de voter
les lois par omission est un peu légère :
je ne sais si elle est réglementaire. La
loi proposée est cependant importante :
elle peut avoir de graves résultats. Il
importait d'en peser les diverses pro
positions. M. Nadaud a de bonnes in
tentions; il ne semble pas avoir beau
coup de lumières ; et son collaborateur
M. Floquet est assez connu pour don
ner à craindre que la passion n'enve-
mine ses meilleures conceptions. La
loi mérite un examen scrupuleux.
Mais les affaires sérieuses ne retien
nent guère l'attention de la Gham
bre. Elle la donne aux discussions
personnelles; et on ne sait où M. Jan
vier de la Motte va puiser ses scru
pules au sujet des personnalités. Ses
collègues les boivent et s'en gaudis-
sent. Ils n'ont pas porté un plus vif
intérêt à une loi sur les prud'hommes,
et M. Ch. Mention est en vain monté
dix ou douze fois à la tribune. Il n'a
pu faire triompher en un seul de ses
amendements, bien que plusieurs
parussent fondés, celui par exemple qui
avait trait à la codification de la lé
gislation des prudhommes inscrite
dans un nombre de lois et de décrets
dont la nomenclature est vraiment
formidable.
Il y a eu un débat caractéristique
sur la gratuité des fonctions de prud'
hommes. Aujourd'hui la gratuité est
obligatoire pour les patrons. Les ou
vriers appelés aux mêmes fonctions
ont droit de toucher des jetons de pré
sence; mais, dit M. Nadaud, ils refu
sent et trouvent blessante la distinct
tion faite entre eux et les patrons. On
reconnaît bien là le faux point d'hon-
deur enfiellé que la révolution suscite
dans le cœur des républicains. M. Na
daud s'est refusé à ce que la loi ins
crivît la gratuité pour tous. L'égalité
qu'il n'ose inscrire dans la loi, mais
qu'il souhaite entre les prud'hommes,
est celle dont jouissent les députés : il
y en a de riches, il y en a de pauvres
parmi nous, disait-il, et il sousenten-
dait : tous passent à la caisse.
M. Mention, avec bon sens, lui di
sait : si. vous voulez des honoraires pour
tous les prudhommes, dites-le dans la
loi ! Soyez clair et précis, puisque vous
êtes législateur. M. Nadaud est législa
teur, mais il veut se tenir dans le va
gue ; et sa loi haineuse veut ôter aux
patrons le privilège que leur donnait
l'ancienne loi de servir les intérêts pu
blies gratuitement. La nouvelle loi
contraindra-t-elle les patrons à encais
ser les jetons que les ouvriers, dit-
on, refusent aujourd'hui ? Peut-être
c- ' te discussion a rait-elle été désa
gréable à nos députés, tous égaux de
vant le budget, comme l'a indiqué M.
Nadaud ; mais dont quelques-uns se
donnent le privilège de consacrer leurs
honoraires aux besoins de leur com
mune, de leur département? La même
liberté sera-t-elle interdite aux prud
hommes ? La loi ancienne était vraie
et juste. La nouvelle, dans ses réti
cences, exhale la haine et sème la
division.
Les droits des mineurs et les obli
gations des tuteurs ont ensuite occupé
la Chambre. L'ensemble de la loi a
été voté. Elle est loin de sembler par
faite, et le désir d'alléger les droits
payés au fisc et de garantir les intérêts
des mineurs est légitime; mais encore
faudrait-il ne pas manquer le but.
Tout cela a été discuté et voté au
milieud'une inattention inimaginable.
L'interpellation de M. Janvier de la
Motte, au contraire, a tenu toute la
Chambre attentive. Elle était au com
plet. Il s'agissait d'un juge de paix dont
les titres, malgré l'éloquence de M. Go-
blet, semblent laisser sensiblement à
désirer. La discussion s'est emportée
immédiatement aux personnalités, et
tout le passé de l'interpellateur, comme
préfet de l'Eure, a été évoqué avec de
grandes explosions de haine et de
rancune. On ne peut nier que M. Jan
vier de la Motte n'en ait bravé les
éclats avec fermeté et non pas tout à
fait sans d'heureuses et triomphantes
ripostes. Il a pu dire, avec raison,
qu'il ne s'était pas enrichi dans l'exer
cice des fonctions publiques; ce qui ne
pourrait se dire de tous les adversaires
de l'empire. A propos des fameux revi
rements de fonds qu'on lui a reprochés,
M T mvier de la Motte a rappelé que
ta cour des comptes lui avait donné un
iqt/ùi/S comple 1 , et qu'il n'en était pas
tout a fait de même du gouvernement
d e la Défense nationale qui ne s'était
jamais expliqué sur les millions éva
noms entre ses -mains. L'orateur est
revenu, à deux reprises sur ce sujet,
çh on a remarqué que les deux fois
Gambetta était absorbé dans une
Conversation intime avec M. Naquet
ou H Plessier. L'interpellation,— cela
Vu de droit, — a été repoussé par l'or
dre du jour pur et simple.
Lia seconde interpellation de M. Jan
vier de la Motte sur l'arrondissement
de Domfront a été retirée par son au
teur qui, en dépit du ministre de l'in
térieur, s'est réservé explicitement le
droitjde la représenter.
Au cours de la séance, l'interpella
tion de M. Baudry-d'Asson sur la ré
vocation des maires de la Vendée a été
fixée à mardi prochain.
L éon A ubineau.
M. Gambetta n'accepte pas les pro
positions obligeantes de M. Clémen-
ceau, qui le voudrait pousser au mi
nistère. Aussi les gauches, sous l'in
spiration plus ou moins directe du
président de la Chambre, ont-elles
finalement repoussé l'idée d'une in
terpellation, pour en revenir à celle
FEUILLETON DE L' UNIVERS
BU 1 e ' DÉCEMBRE 1879
CAUSERIE JUDICIAIRE
La multiplicité des crimes.—L'immoralité publi
que. _ Ses causes. — Les questions d'honneur
et les dommages-intérêts. —' Insuffisante appli
cation de l'article 1382 éu code civil. —Les
démissions des magistrats. — Les discours de
rentrée. — Les appels comme d'abus.
Autrefois les populations, en présence
d'un tfrime exceptionnel, croyaient à une
révolution prochaine. Nos souvenirs à. cet
•égardsont précis. En face de Choiseul-Pras-
lin, nous avons entendu prédire lès'boule
versements de 1848. Devant Troppmann, on
annonçait ceux de 1870. Nous n'en sommes
plus là, et si chaque l'ois qu'un assassin se
présente, dont la taille dépasse le menu fre
tin des meurtriers vulgaires, on le considé
rait comme le précurseur d'une catastro
phe, il y aurait tant de révolutions dans l'air
ïâu'on ne s'y reconnaîtrait plus ; il est vrai
..que leur nombre aurait quelque chose de
Kîonsoiant, puisqu'après les pires on pour
rait en et-oérer de meilleures. Nous croyons
'toutefois qj'il y a du vrai dans l'unanime at
tente popuiau'ft, et qu'on la qualifierait à tort
diîsuperstition. iMous n'insistèronspas sur le
côté saystique de îa question, sainte l 1 ran
çon Romaine noue dit
ques de calamités, des démons plus forts
que les autres ont la permission de sortir de
l'abîme. ;
Nous nous rattacherons à des motifs plus
naturels et plus'humains, et qui, du reste,
concordent parfaitement avec les premiers.
Quand une partie notable des hommes fait
la guerre à Dieu, comment le mal n'éclate
rait-il pas sous toutes les formes, tantôt in
dividuelles et privées, tantôt collectives ; et
sociales ? Quand le blasphème retentit par
tout, comment les actes criminels, ces au
tres outrages qui ne sont autre chose que
des blasphèmes mis en pratique, ne redou
bleraient-ils pas de nombre et d'intensité?
La conscience publique et privée n J a qu'un
frein possible : la crainte de Dieu. Ce frein,
voilà un siècle et demi que peuples et gou
vernements le rongent et. le mordent. Com
me le fer sous la lime, à force d'être rongé
et mordu, il. s'est brisé. L'accident s'est
préparé de loin, mais il est de date récente,
et ce sont les rongeurs d'aujourd'hui qui
ont consommé l'œuvre, Au dernier siècle,
la libre-pensée s'agitait dans les hauteurs
sociales et ne dépravait que les puissants.
Les pauvres restaient les amis de Dieu et
les humbles conditions lui étaient fidèles.
Parmi les gens de peu, ceux-là seulement
qui approchaient les grands seigneurs de
la Régence étaient saisis de la contagion. On'
se s.Q^vient'du coiffeur de l'un d'eux, disant
à son maître ; Monseigneur, je ne suis
qu'un simple barbier, mjus je ne crois pas
en Dieu. Le reste était pur, et le peuple
ainsi conservé soutenait le monde.
Aujourd'hui le mal s'est déplacé, les hau
tes classes sociales tendent à s'amélioréer,
la tète se dégage et s'épure. Mais la gan
grène s'est étendue dans ce3 vastes régions
inférieures autrefois préservées. Là est le
nombre,là aussi est la maladie. Le mépris de
tout ce qui est respectable a suivi la pente
naturelle, il est descendu dans les masses.
Les philosophes, athées ont d'abord cor
rompu la noblesse et la haute, bourgeoi
sie qui, seules, pouvaient les compren
dre; la limite que n'avaient pu franchir
les hommes de la Révolution philosophique
a été dépassée par les hommes de la Révo
lution politique et sociale. Ils ont mis à la
portée de tous les énervantes doctrines des
littérateurs, leurs maîtres; les petits el les
humbles ont bu le poison à longs traits.
Les petits ont connu l'ambition, les hum
bles l'orgueil ; le peuple a été perdu.
Restait, dans une certaine mesure, l'en
fance. Autrefois elle était respectée de
ceux-là mêmes qui ne se respectaient plus.
L'enfance, c'est l'ignorance, ignorance bonne
ou mauvaise : bonne quand elle sauve du'
mensonge et du paradoxe ceux qui ne sa
vent rien; mauvaise quand elle consiste
dans la méconnaissance non du mal, mais
du bien. L'enfant du peuple incrédule en
est là; par les conversations, par les feuil
les et par les images ordurières, souvent
par l'exemple paternel, il ne sait que ce
qu'il ne doit pas savoir, et ne sait pas un!
mot de ce qu'il doit connaître. Encore une
fois, que reste-t-il? A défaut d'un remède, y,
aura-t-il un refuge? à défaut de conscience^
publique, une répression publique? En un
mot, la peur de la loi, au lieu de la crainte
de Dieu? Les gouvernements et la magis
trature pourront-ils, dans un tel état de
choses, ceux-}à prévenir, ceux-ci châtier le
débordement des passions emportées com
me des chevaux qui n'ont plus de mords?
Ne compte? pas les gouvernements; ils
sont, à travers plusieurs représentations
successives, le produit définitif du suffrage
universel, c'est-à-dire du nombre. Le nom
bre, c'est ce que nous venons de dire.
Donc, par la force des choses, plus il est
grand, plus son résultat est vicieux.. Eton
nez-vous après cela des lois Ferry, des ar
ticles 7, de l'expulsion des frères et des
sœurs, de la religion arrachée de l'éduca
tion. Cet effet est nécessaire et logique. Si
le gouvernement agissait autrement, il men
tirait à son origine, à son sang, à sa race,
qui sont le suffrage universel et le nombre.
Il poursuit les crimes privés ' et les livre,
quand il le peut, à la justice ; mais il favo
rise l'impiété qui les inspire. 11 demande
que les propriétés et les personnes soient,
respectées ; mais il ne témoigne aucun res
pect aux serviteurs de Dieu, les laisse in
sulter par les folliculaires et les caricatu-j
ristès, et traite comme on_sait la religion
catholique, seul rempart efficace' contre^
tous les crimes.
Sera-ce la magistrature qui nous sauve
ra? Il faudrait qu'elle commençât par se
sauver elle-même : par une loi moderne,
étrange, et qui n'a pas été suffisamment
remarquée, la magistrature, à l'heure où
surabondent les crimes dont elle a mission
de faire juétice, s'affaisse elle-même 'sous
le coup de là révolution. Jamais elle, n'eut,
tant besoin de force. Jamais elle ne fut ré-
duita à une telle faiblesse. La suppression
de son inamovibité, la loi, de retraite anti-.
cipée, son altération et son renouvellement'
"par tous les moyens, la menace de sa des-,
trqotion .totale, sont autant de spectres qui
se dressent devant elle, et si elle était ca-
pablede défaillance,on comprendrait qu'elle
éprouvât des distractions çl ( iul°m ! <îuses,.et
d'un programme consenti parles qua
tre groupes de gauche et qui serait la
règle de conduite imposée au minis
tère.
Nous ne caractérisons pas cette idée,
fort étrange au point de vue parlemen
taire, mais il est assez difficile de
la prendre au sérieux. Pour en juger,
nous n'avons qu'à citer brièvement les
organes qui, à dos titres divers, re
présentent les divers groupes républi
cains de la Chambre. Voici d'abord ce
que dit la République française , que ses
rapports avec M. Gambetta devaient
rendre favorable au projet caressé par
le président de la Chambre :
La majorité eût été dans son droit strict
en retirant immédiatement, par le vote
d'un ordre du jour, sa confiance et son cp-
pui au ministère. C'est le procédé usité et
sommaire; mais la gauche s'est rappelée
qu'elle avait en face d'elle, au gouverna •
ment, non des adversaires, mais des amis,
des collaborateurs plus ou moins bien ins
pirés, mais tous également animés de bon
nes intentions. Au lieu d'une brusque inter
pellation suivie d'un débat ' Séjours irritant
et périlleux, on a donc résolu de recourir à
une sorte de colloque, de conférence, d'où
l'accord pourrait sortir sur un programme
à l'avance arrêté. Que ce procédé soit à
l'abri de toute critique et doive servir de
précédent, nous ne le soutiendrons pas,
mais on peut sans doute le justifier par le
désir extrême et fort honorable de la majo
rité de rester modérée et prudente et de
maintenir l'accord entre les masses princi
pales du parti républicain. Si les bureaux
des gauches réussissent da is l'élaboration
difficile de ce programme minimum, il de
viendra pour le ministère actuel, qui de\ra
l'accepter, le point de départ d'une carrière
nouvelle ou, pour ses successeurs, une
base, une indication générale.
L'approbation est discrète, car on
ne saurait se dissimuler à la Républi
que française tout ce qu'il v a de puéril
dans la proposition Bnsson. mais il
faut bien venir en aide a M Gambetta
et au ministère. La note du lunps est
à peu près la même :
Les représentants de la majonfe ont ré
solu de rédiger un programme, C [ui sera
pour le cabinet un point d'appui et pour la
N Chambre un point d'arrêt. Seulement, pour
que ce programme soit acceptable pour le
cabinet actuel comme pour tout autre, il
doit être à la fois très simple et très élasti
que : très simple, parce que, en le compli
quant, en le chargeant, on ferait aussitôt
surgir des dissentiments entre les diverses
nuances républicaines ; très élastique, parce
qu'on ne gouverne pas avec et par des doc
trines, mais avec des hommes et par des
hommes : c'est ce que le cabinet, qui doit
savoir ce qu'il veut et ce qu'il peut, fera
certainement comprendre à la Chambre le
jour où elle lui demandera de s'expliquer.
Voilà pour ceux qui sont à peu près
satisfaits de l'idée d'un programme.
Mais il s'en faut que ce soit le senti
ment général. Ecoutons le Natio
nal :
L'idée suggérée par M. Brisson de faire
rédiger par les quatre gauches un pro
gramme commun qu'on imposerait au ca
binet et qu'il devrait appliquer, sous peine
de mort, est généralement considérée'com
me peu pratique.
On se demande, en effet, comment des
groupes si peu d'accord entre eux pourront
rédiger un programme de politique géné
rale, do nature à être accepté parle Sénat,
la Chambre et.le ministère.
On se demande, en outre, quelle serait
la situation morale d'un cabinet mis ainsi
en tutelle pour cause d'incapacité.
Le Rappel est beaucoup plus vif :
Dès le premier jour, dit-il, nous avions
bien peu de mérite à prédire que la majo
rité allait tout droit à un avortement pi
teux et risible, à un désarroi sans nom.
Mais nous n'imaginions rien de si triste
ment bouffon que ce qu'on a vu hier dans
les réunions des groupes.
La plume tombe des mains, l'éclat de
rire s'arrête sur les lèvres, quand on songe
que ces expédients saugrenus sont propo
qu'elle fûtpartagée entre les soucis de sapro-
pre existence et les travaux que sanoble mis
sion luiimppse.Ellea su, jusqu'à présent, se
défendre de toute préoccupation étrangère;
mais qu'elle ne peut empêcher, c'est que les
attaques dontelleestl'objetn'atténuent, avec
son autorité, le respect auquel elle a droit;
car elle ne saurait être affaiblie ou diminuée
sans que les criminels de toute sorte ne re
prennent force ét courage. Le mouvement
de bascule ne fut jamais plusvisible ni plus
inquiétant qu'aujourd'hui. Nous avons à
plusieurs reprises, depuis plusieurs années,
signalé l'accroissement des. crimes; mais
ces recrudescences n'étaient sensibles que
pour les observateurs et échappaient au
public. Il n""en estpas de même aujourd'hui.
L'épidémie morale a pris des proportions
inconnues, et là multiplication des crimes
est devenue un événement public. Il y a
excès dans le nombre comme dans la qua
lité des attentats contre les personnes ;
aussi avons-nous tenu à constater que cette
nouveauté était logique, et à nommer les
causes sans savoir où s'arrêteront les
effets.
Un bomme recommanda'ole par son nom
et par le souvenir de son père, et que par
cette raison nous nous abstiendrons de dé
signer, vient de soutenir, en cour souve
raine, un regrettable procès. Une femme
avec laquelle il avait irrégulièrement vécu
pendant plusieurs années, et qu'il avait
quittée pour se marier, a formé contre lui
une demande en dommages-intérêts. Saj
demande était double et portait nan-seule-i
ment sur }e préjudice moral résultant d'une,
liaison non suivie de mariage, mais aussi
sur lft restitution de certaines sommes ou
ses par des politiques dont nous avons eu
maintes fois à louer l'intelligence, la fer
meté, le langage éloquent. Qu'est-ce qu'on
fait? A quoi pense-t-on? Que signifie le vau
deville qui s'est fourvoyé à la Chambre ?
Quel spectacle que celui, de ces trois
cents députés, unanimement furieux con
tre le ministère, unanimement «persua
dés qu'il compromet les idées républicai
nes, unanimement convaincus qu'il faut le
changer,et cherchantles moyens delemain-
tenir?
Quel spectacle que celui de ces « satis
faits mécontents », comme dit fort bien M.
de Girardin; — de ces personnages de co
médie. plein de terreur à l'idée qu'ils pour
raient renver. er, par mégarde, des minis
tres qu'ils trouvent déplorables; — queces
braves gens pleins d'irrésolution, ne sachant
quelle raison se donner à eux-mêmes, pour
frapper à côté du cabinet le coup qu'ils lui
destinent?
D'autre part, on lit dans le Mot
d'Ordre :
Il n'y a que de prétendus amis pour
porter à un ministère des coups de cette
force. Sans nous inq uj .ci .6i de ia possibilité
d'établir une semblable transaction qui sa
tisfasse à 'a fois l'extrême gauche et le cen
tre gauche, et que puissent contresigner
M. Louis Blanc -et M. Léon Renault, M.
Clemenceau et M. Latay, quelle plus sévère
condamnation pour le cabinet Waddington,
que cette constatation, après dix mois de
fonctionnement, qu'il n'a ni politique, ni
programme, et qu'il est nécessaire de lui
dicter sa tâche, comme on dicte à un éco
lier l'énumération des devoirs qu'il aura à
faire dans sa journée. Et si les membres
du ministère avaient, ce que nous admet
tons aisément, l'échiné assez squple pour
passer sous ces fourches caudines, quelle
autorité pourraient-ils conserver, non pas
sur la nation, édifiée de longue date sur
leur valeur intellectuelle et morale, mais
même sur leurs subordonnée ?
La Lanterne se moque, à son tour, de
l'idée du programme:
L'idée est honnête et même modérée ;
mais elle est naïve. De quatre .volontés
parfaitement différentes faire une seule vo
lonté parfaitement unanime, c'ést un pro
cédé séduisant au premier abord ; mais
quelque peu difficile à pratiquer. Voilàplu-
sieurs milliers d'années que les philanthro
pes, les rêveurs et les poëtes fantaisistes le
proposent à l'humanité pour mettre fin aux
sauvageries de la guerre. Pour qu'on ne se
batte jamais plus, il suffit que tout le mon
de se mette d'accord sur tout. Ça n'est pas
plus difficile que ça.
Veut-on maintenant avoir l'avis du
centre gauche, dont le Parlement est
l'organe ?
Le projet de programme n'aboutira pas.
Il semble, en effet, certain que les mem
bres de la gauche modérée ne sauraient
jamais s.'ontendrr, jjnur rédiger un program
me commun. Ce programme ne serait ni
celui de M. Clémenceau, ni celui de M.
Germain, et pourtant il les lierait l'un et
l'autre. Il serait pour chacun de ses auteurs
une renoncif lion à ses idées et à ses senti
ments persoanels, renonciation qui ne se
rait ni sincère ni durable et qui pourrait
servir à renverser le ministère Wadding
ton, mais non pas à en faire un autre. Ni
M. Waddington ni son successeur, pour
peu qu'il eût la conscience de ses devoirs
constitutionnels, ne consentirait d'ailleurs
jamais à entamer une discussion sur le
programme des groupes. C'est au ministère
nommé par M. le président de la Républi
que à rédiger lui-même son programme et
à le soumettre aux Chambres, à la Charo-.
bre des députés, et aussi au Sénat, qu'il
ne faut pas oublier. Si les Chambres n'a
doptent pas ce programme ou si, après l'a
voir adopté, elles en blâment l'application,
ie ministère se retire.
Voilà le gouvernement parlementaire ! Ce
qu'on nous propose, c'est le gouvernement
direct des comités de la Chambre au
■ moyen de commis qu'on continuera, par
habitude, à nommer des ministres : c'est
la perversion du gouvernement parlemen
taire et l'empiétement du pouvoir législatif
sur le pouvoir exécutif.
Nous signalons l'écueil delà voie dans la
quelle on s'engage. Serons-nous entendus? *
Si nous ne le sommes pas, nous complet
' ' ** * .i A • I ■ I '
valeurs dont il serait resté débiteur'envers
elle. Sur ce dernier chef, ne pouvant prou
ver la libération, il a succombé.. Sur le
premier, la promesse fallacieuse'' de Jma;
riage n'aura sans doute" pas ' été établie,. •
mais, sans parler davantage de ce procè^f
dont l'absence de tout" compte-rendu-nous
laisse ignorer certains détails, nous y trou
vons l'occasion, que nous ne laisserons (ja
mais perdre, de 1 -donner notre avis sur les
demandes de dommages-intérêis fondées
sur le préjudice résultant d'une liaison illé
gitime.
Le code pénal qui punit les escroqueries
en matière d'argent est muet en ce qui tou
che les escroqueries en matière d'hon
neur. Qu'une telle omission.doive être ré
parée, quand les temps seroat devenus
meilleurs, c'est une vérité hors de doute
mais, pour y songer, l'heure, présente, oii
en conviendra, n est pas opportune, et, Si
notre avis, on ne saurait trop demander à
la loi civile les satisfactions que la loi cri
minelle refuse. On ne saurait croire tout ce
que l'article 1382 du code civil, qui. ordon
ne simplement la réparation du dommags
causé à autrui, contient, dans sa brève
énoncialion, d'actes de justice , que nul ne
songe à en extraire, et que les parties inté
ressées elles-mêmes sont parfois.les pre-
'mières à laisser tomber dans l'oubli; Si la
spéculation &st toujours un. "élément'im*-.
monde qu'il faut repousser avec mépris lp
droit à une indemnité légitime doit toujours*
êtro. accueilli, non-seulement quand il ré
sulte d un tort matériel, mais aussi .quand
il émane d'un préjudice moral, et k juris
prudence, après do longues hésitations
s'est fixée définitivement dans ce sens '
ijaais dans 1$ matière ijni nousj occupe, C8
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