Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1879-08-22
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 août 1879 22 août 1879
Description : 1879/08/22 (Numéro 4321). 1879/08/22 (Numéro 4321).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 22 Août 187*J
R* -1321 — Edition quotidienne.
Vendredi 22 Août 1879
PARIS
; "Un an 55 fr. »
■v Six^ mois. 28 50
v' Trois mois . . 15 »
Un Numéro, à Paris. 15 cent.
—- Départements. 20 —
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
DÉPARTEMENTS
• I * I 4 • | I
Un an. ,
Six mois
Trois mois .... ;
55 fr. »
28 BO
15 »
On s'abonne, ù. Rame, place du Ucsù, S '
/;/~
m. ^
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'.DNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui S ANNONCES
MM. Ch. MGRAME, CERF et C'% 6,
m
FRANCE
PARIS, 21 AOUT 1879
On a pu lire dans le Journal officiel
du 14 juin le rapport de la commis
sion chargée d'examiner la proposi
tion de loi ayant pour objet l'abroga
tion de la loi du 18 novembre 1814, re :
lative à l'interdiction du travail les
dimanches et jours de fêtes. Il serait
difficile de trouver ailleurs une preuve
plus manifeste de l'aveuglement, du
parti-pris, de la haine et de l'igno
rance de nos législateurs. Les auteurs
du projet ont vu dans la loi du 18 no
vembre 1814 une œuvre de la réaction
royaliste, cléricale et nobiliaire. Avec
un peu d'attention, ils auraient pu voir
que cette loi ne faisait qu'apporter une
sanction aux dispositions réunies dans
le code civil, dans le code de procé
dure, dans le code de commerce, dans
les codes d'instruction criminelle et
f)énal, et dans un grand nombre de
ois qui reconnaissent la solennité des
jours de fêtes par les interdictions de
certains actes et en choisissant ces
jours pour les publications de toute
nature qui intéressent les citoyens.
Si une sanction manquait à ces
lois, s'il était permis à tous les citoyens
de se livrer en ces jours a leurs tra
vaux, les précautions prises par la loi
pour ses actes de publicité seraient
illusoires, le pauvre manœuvre se
rait sans défense contre les exigen
ces de patrens cupides et intéressés.
D 'ailleurs, le motif dominant, non pas
seulement de la loi de 1814, mais de
toutes celles dont elle assure l'exécu
tion, n'est pas d'interdire absolument
le travail : elle donne à cette interdic
tion des restrictions qui témoignent du
respect de la liberté de chacun. — Le
but principal de la loi a été d'assurer
la liberté du repos," liberté qui, peut-
être, aujourd'hui plus que jamais a
besoin d'être protégée dans l'intérêt
des pauvres contre les chefs des grands
travaux et des grands industries. Cette
question de la célébration des diman
ches et fêtes, contre laquelle on ameute
les passions anti-religeuses, était jugée
bien autrement par Proudhon, le célé
bré publiciste, très peu suspect de
cléricalisme, qui a écrit un petit livre
sur la célébration du dimanene consi
dérée sous les rapports de l'hygiène
publique, de la morale, des relations
de famille et de cité. Dans cet opus
cule, Proudhon a écrit quelques lignes
qui ne sont pas indignes de l'attention
de la Chambre.
Que je méprise, dit-il, ces faiseurs d'ho
mélies sanglotantes, ces amis du peuple,
ces amis de la classe ouvrière, ces amis du
genre humain, ces philanthropes de toute
farine, méditant à leur aise sur les maux
de leurs semblables, qui souffrent au sein
d'une molle oisiveté de ce que le pauvre n'a
que six jours de fatigue, et do l'insuffisance
de son salaire ne concluent jamais autre
chose sinon : Il faut travailler un jour de
plus.
Ce n'était pas la caste cléricale, roya
liste et nobiliaire que Proudhon signa
lait comme l'auteur de ces lois qui in
terdisent le travail aux jours de fêtes et
assurent le repos. Il jugeait de plus
haut lorsqu'il disait :
Que voyons-nous de toutes parts ? Ici des
hommes mécontents et blasés au sein de
l'opulence, pauvres même avec leurs ri
chesses ; là des manœuvres à qui la misère
. défend de songer à leur raison et à leur
âme ; heureux encore quand ils trouvent à
■ -
travailler le dimanche ; l'excès de l'égoïsme
provoquant l'horreur générale des sophis-
mes, endoctrinant la multitude qu'un ins-
'tinct providentiel préserve encore de leurs
inintelligibles systèmes ; et au milieu de tout
cela le christianisme, le doigt posé sur le déca-
logue, et sans s'expliquer davantage, main-
tenantla célébration du jour qui nous ren-
dittous égaux en nous rendantjfrères. N'est-
ce pas nous dire assez clairement : Il v a
temps pour travailler et temps pour vous
reposer.
Ces paroles sont à méditer. Ceux
qui repousseront la proposition d'a
brogation de la loi du 18 novembre
1814, n'auront pas à craindre le re
proche de cléricalisme en se proté
geant du souvenir de P.-J. Proudhon.
Un des articles du projet accuse chez
ses auteurs une négligence, on peut
même dire un étrange sans-façon, en
dehors des idées chrétiennes. C'est l'ar
ticle 3, où on lit : « Il n'est rien innové
« par la présente aux dispositions pu-
« renient civiles réglant les vacances des
« diverses administrations, les délais
« judiciaires, etc., non plus qu'à la loi
« du 17 mai 1874 sur le travail des
« enfants et des filles mineures em-
« ployés dans l'industrie. »
Les auteurs du projet, en écrivant
cet et cœtera , témoignent de l'incurie
avec laquelle ils ont accompli leur
tâche, et d'abord on ne sait ce qu'ils
ont voulu dire par ces mots dispositions
purement civiles , il y a de ces disposi
tions qui ont été dictées par de hautes
et graves convenances et qui touchent
au droit public. Nous nous contente
rons de citer celle qui défend, aux
dimanches et jours de fêtes, les exé
cutions de condamnations pour crimes
et délits.
Les auteurs du projet, s'ils avaient
sérieusement étudié la question, au
raient pu -relever un grand nombre de
dispositions de lois sur lesquelles il n'y
a pas à innover, ils devaient les
citer. Les sentiments de convenances,
les égards dus à leurs collègues, au
public,, pour'qui la loi est faite, leur
imposaient le dewoir d'énumérer toutes
les dispositions de lois auxquelles il ne
doit pas être innové. Un législateur
sérieux ne procède pas par cette for
mule d'énumération et cœtera. Les
observations qui précèdent nous amè
nent à cette conclusion, que le projet
ne peut être accueilli par des législa
teurs qui respectent le droit du pauvre
et, qui doivent avoir souci de laiiberté
du repos autant que de la liberté du
travail. Tout au moins le projet doit-il
être renvoyé à la commission, qui mé
ditera sur les idées de Proudhon et
complétera par des indications préci
ses l'énumération des lois auxquelles
il ne sera pas innové.
Le Journal officiel publie aujourd'hui
le rapport adressé au Président de la
République par le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur le compte
général de l'administration de la jus
tice criminelle en France et en Algé
rie pendant Tannée 1877. .
Nous n'avons pu que parcourir rapi
dement ce rapport, mais nous nous
proposons d'y revenir avec quelque
détail, en raison du triste intérêt qu'il
offre puisqu'il permet d'apprécier l'é
tat général de la moralité, sous l'em
pire des idées de progrès que vantent
avec tant d'ardeur toutes les feuilles
radicales.
Dès à présent, nous pouvons affir
mer, — et l'examen du rapport le
prouvera,— que la criminalité est loin
de suivre une marche descendante
sous le gouvernement de la républi
que. D'autres remarques seront à pré
senter, surtout en ce qui concerne la
criminalité par rapport à l'instruction
des inculpés. Cette fois encore, leâ
théories des partisans de l'enseigne
ment obligatoire laïque reçoivent une
terrible atteinte. Nous le démontre
rons.
Nos lecteurs n'ont pas oublié les faits
si nettement mis en lumière par M.
Fayet et par ceux qui, à son exemple,
ont fouillé dans les archives départe
mentales pour y rechercher l'état de
l'instruction en France avant la Révo
lution. Ces faits ont surabondamment
prouvé que partout et toujours les
catholiques ont eu à cœur de créer
des écoles, comme ils ont continué de
le faire depuis la Révolution, comme
ils le font encore et plus que jamais
de nos jours.
En regard de ces résultats dûment
constates, il serait intéressant de
montrer les faits et gestes de ceux qui
inscrivent si pompeusement sur leur
programme l'instruction obligatoire,
mais qui se montrent si acharnés à
fermer partout, au détriment même'de
l'existence ou du progrès des études
scolaires, des établissements où les
maîtres ont largement fourni les preu
ves de leur savoir et de leur capacité.
Ce tableau d'ensemble sera peut-être
fait un jour. Alors on verra, mieux en
core que par le détail des mesures que
nous signalons quotidiennement, com
bien ceux qui traitent si dédaigneuse
ment d'ignorantins les humbles et sa
vants frères de la doctrine chrétienne,
sont véritablement coupables d'entra
ver par tous les moyens le développe
ment de l'instruction.
Mais en attendant, il n'est passans
intérêt de signaler la tactique dont ils
se servent généralement dans ce but,
et dont l'hypocrisie est telle qu'on ne
sait ce qui domine du dégoût qu'ins
pire une telle cafardise ou de l'indi
gnation qu'excite une telle • mauvaise
foi.
Nons supposons,par exemple, qu'un
conseil municipal, animé d'intentions
hostiles pour les congréganistes, se
trouve en face d'une école si impor
tante et par le nombre de ses élèves et
par leurs succès scolaires, qu'il n'ose
en proposer ouvertement la suppres
sion, bien que cette école soit congré-
ganiste. En cet état, que faire? Oh!
une chose bien simple. Il se présente
soudain un rapporteur animé des meil
leures intentions pour le progrès des
écoles, partisan des lumières,etc., qui,
voulant répandre ces lumières à flots,
trouve qu'une seule école ne saurait
suffire dans ce but. Au lieu d'une école,
si nous en fondions une seconde ! Na
turellement, la proposition est votée
d'enthousiasme, et les contribuables
sont invités à payer les frais de la se
conde école, qui ne manque jamais,
bien entendu, d'être une école laïque.
Voilà le premier acte de la comédie.
Voici le second. Dans une des sessions
qui suivent l'adoption des "projets du
rapporteur ami des lumières, il se
lève presque toujours un autre rap
porteur, ami, celui-là, de l'économie.
Les lumières, c'est fort bien, dit cet
autre radical, mais cela coûte peut-
être un peu cher. L'an dernier, deux
écoles nous paraissaient à peine suffi
santes pour le développement dé l'in
struction. Mais, décidément, ces deux
écoles pèsent trop lourdement sur le
budget. D'ailleurs, en étudiant bien la
question, on a reconnu que pour la
population scolaire une seule était
suffisante. Bref, il nous paraîtrait sage
de supprimer l'une des deux. Que
voueven semble?
Naturellement les propositions du
rapporteur économe sont votées d'en
thousiasme, et non moins invariable
ment, c'est l'école congréganiste qui,'
comptant le plus d'élèves et coûtant le
moins cher, est toujours supprimée.
Vous vous moquez, dira-t-on; il est
impossible que, si adversaires de l'en
seignement congréganiste qu'on les
suppose, des conseillers municipaux
consentent nulle part à jouer ainsi
une comédie, tranchons le mot, une
farce indigne dont les contribuables
font tous les frais et dont à coup sûr le
progrès de l'enseignement ne profite
guère? Nous n'inventons rien, ce que
nous venons de conter s'est passé à
Saint-Quentin l'année derniere, à
Chambéry il y a quelques semaines et
tout récemment à Nantes. Nous y re
viendrons, et l'on verra ce que cachent
les protestations des gens qui, sous
prétexte de répandre la lumière, ne
cessent d'accumuler les actes du plus
odieux arbitraire contre les meilleurs
établissements d'instruction populaire.
A uguste R oussel.
Notre collaborateur, M. le vicomte
de Chaulnes, nous adresse de Poitiers
la dépêche suivante :
Poitiers, 21 août, 7 h. 3o du matin.
La journée d'hier, pendant laquelle le
pèlerinage.national a fait station à Poitiers,
a éLé vraiment admirable.
Les 3,000 personnes [qui remplissaient
les cinq trains du pèlerinage sont montées
successivement de la gare à Sainte-Rade-
gonde.
A sept heures et demie a eu lieu la pre
mière messe du pèlerinage, à dix heures la
seconde.
Le soir, à quatre heures, nous avons eu
une admirable homélie de S. Em. le cardi
nal Pie sur la femme guérie après avoir
louché les vêtements de Nôtre-Seigneur.
Elle a été suivie de la magnifique procession
formée à travers les rues de la ville et du
salut solennel, avec bénédiction du Saint-
Sacrement.
Comme toujours, Notre-Dame des Dunes,
magnifiquement illuminée, a voulu saluer
les pèlerins, et M. l'abbé Fossin a fait
avec sa grâce ordinaire les honneurs de ce
superbe établissement, où la journée s'est
terminée par le tir d'un très beau feu d'ar
tifice.
Nous parlons pour Ligugé. Les malades
vont aussi bien que possible.
Le Figaro publie un nouvel exemple
des attaques systématiques dont se ren
dent coupables les hommes au pouvoir
contre la religion. On ne saurait s'em
pêcher de remarquer à cette occasion
quel caractère particulièrement odieux
revêtent des actes pareils, lorsqu'ils ont
pour but avoué d'abuser de la situa
tion des pauvres malades pour multi
plier, de propos délibéré, les entraves
que l'on oppose trop souvent à leur
retour à Dieu.
Voici la note du Figaro :
On nous affirme que M. le préfet de la
Seine, en l'absence du directeur général de
l'Assistance publique, aurait pris certaines
mesures relatives aux aumôniers des hôpi
taux. En un mot, voici de quoi il s'agit :
Jusqu'à présent, quand un malade en
trait à l'hôpital, le prêtre catholique, le pas-
leur protestant ou le rabbin, suivant la re
ligion de l'assisté, avaient le droit de le
voir et de lui faire entendre les paroles de
sa religion.
Il y a deux jours, M. le préfet aurait fait
appeler tous les directeurs des hôpitaux et
leur aurait donné les ordres suivants :
Désormais,, quand un malade entrera
dans un hospice, il sera tenu de déclarer
s'il désire avoir, pendant son séjour, les se
cours de sa religion.
Si, au contraire, en entrant, le malade
refuse le prêtre, le pasteur ou le rabbin,
ceux-ci n'ont plus le droit de s'approcher
du moribond.
Si, se ravisant, il désirait avoir les se
cours de sa religion, il serait tenu de faire
sa déclaration en présence de témoins, tels
que le directeur et l'économe, par exemple.
Le prêtre pourrait alors l'aller voir, si le
directeur lui avait accordé l'autorisation.
Tous ces ordres auraient été transmis
verbalement, de façon à ne laisser aucune
trace de leur provenance. Les dépêches
adressées aux directeurs des hôpitaux,
conçues à peu près en ces termes : Pré
venez les aumôniers des mesures qui ont été
arrêtées entre nous, ne portent aucune si
gnature.
Nous avons annoncé la poursuite cor
rectionnelle intentée à M. le curé de Boves
(Somme) pour de prétendues attaques fai
tes en chaire contre le gouvernement.
Nous apprenons aujourd'hui que M. le
curé de Boves vient d'être complètement
acquitté par le tribunal. .
On lit dans la Patrie :
Dans l'entrevue que M. Grévy a eue avec
M. Hérold au sujet de la nouvelle dénomi
nation d'un certain nombre de rues do Pa
ris, le président aurait abordé les questions
d'enseignement et n'aurait pas caché à son
interlocuteur qu'il regrettait beaucoup le
vote du conseil municipal pour l'expulsion
totale des instituteurs congréganistes.
Nous lisons dans le Français :
Le conseil général des Côtes-du-Nord a
émis, par 36 voix, un vœu contre les pro
jets Ferry. Il convient de remarquer qu'à
la session précédente un vœu analogue n'a
vait éLé voLé que par 27 voix. D'autre part,
à la dernière session, le conseil général de
la Somme avait repoussé un vœu hostile
au projet, la minorité favorable au vœu
étant de 18 voix. Cette fois, le même con
seil est saisi d'un vœu analogue, non plus
par 18, mais par 20 voix. Le Lemps, on le
voit, ne travaille pas pour M. Ferry, et cha
que jour voit s'accroître le nombre de ses
adversaires.
On lit dans Y Union :
Plusieurs dépêches, reproduites par les
journaux français et étrangers, annoncent
que Monsieur le comte de Chambord doit
se rendre en Angleterre. D'autres prêtent
dent même qu'il doit voyager en Suisse.
Nous sommes autorisés à démentir ces
bruits, qui n'ont aucun fondement.
Nous avons reproduit, sous la réserve
des explications que fournirait la Dé
fense , une note de la Civilisation , impu
tant formellement au correspondant
de la Défense la paternité d'abomina
bles correspondances romaines pu
bliées dans le Figaro. Nous lisons à ce
sujet dans la Défense :
L' Univers pense que nous pourrions four
nir des explications sur une accusation in
digne portée par la Civilisation contre l'un
de nos correspondants romains.
Nous avons toute raison de tenir en par
faite estime nos correspondants en Italie,
el ce que peut penser ou dire sur leur
compte ia Civilisation, nous laisse d'autant
plus insensibles que si, par deux fois, nos
correspondants ont été, de la part de cette
feuille, l'objet d'insinuations vraiment o-
dieusos, c'est à la suite du refus formel do
ces correspondants de donner à la Civili
sation la collaboration qui leur était instam
ment demaqdée par le rédecteur en chef
de ce journal.
L'Univers verra, par ce détail, combien
il nous serait difficile de nous émouvoir, si
peu que ce fût, des outrages d'un journal
eondamné d'ailleurs pour avoir fait à la
Défense une concurrence déloyale.
Nous insérons très volontiers cette
explication. Mais nous avouons que ce
qui regarde les démêlés de la Civilisa
tion et de la Défense n'est pas ce qui
nous intéressait en cette affaire. L'ac
cusation que la Défense qualifie « d'in
digne » était portée contre son corres
pondant à propos d'une indigne cor
respondance dont la Civilisation l'accu
sait d'être l'auteur. Dans sa forme in
directe, nous supposons que l'extrait
ci-dessus de la Défense constitue, aux
yeux de ce journal, un démenti fort
net de « l'indigne accusation » portée
par la Civilisation , et c'est à ce titre que
nous l'enregistrons. Reste à savoir sur
quoi se fondait le rédacteur de la Civi
lisation pour affirmer si nettement et,
on nous le dit aujourd'hui, si fausse
ment, que Ylnnominato du Figaro n'a
vait rien de commun avec le corres
pondant romain de la Défense.
Voici la réflexion finale d'une cor
respondance romaine adressée au
Journal des Débats :
En Italie on ne se pique pas ,de logique,
et c'est à cause de cela peut-êlro que ce
pays-ci est renommé pour son bon sons.
Le bon sens présenté comme étant
l'opposé de la logique, il faut être ré
dacteur du 'Journal des Débats pour
présenter au public avec tant d'assu
rance de pareilles absurdités.
On lit dans le Moniteur universel :
Le conseil général de Loir-et-Cher vient
d'être saisi d'un projet do vœu « tendant
à ce que les emplois officiels soient inter
dits à quiconque n'aura pas suivi au moins
pendant deux ans les cours de l'Univer
sité. »
C'est l'ingénieuse combinaison, qui a été
imaginée, comme on sait, par quelques
journaux républicains « modérés », comme
le Temps et le National, pour exclure des
fonctions publiques tous les élèves des éco
les , congréganistes et prendre ainsi leurs
précautions contre le rejet probable de
l'article 7. Nous avons dit ce que nous pen
sions d'une pareille mesure; nous avons
démontré qu'elle n'était ni logique, ni juste,
ni libérale. Les journaux républicains nous
ont répondu que cela leur était bien égal :
« Nous som»es les plus forts ; nous som
mes l'Etat. L'Etat a le droit do déterminer
les conditions d'admission aux emplois
dont il dispose ; ot nous ne nous laisserons
pas contester ce droit. »
Eh ! sans doute, du moment que vous
êtes les plus lorts, vous avez toutes sortes
de droits. Vous avez le droit d'être dérai
sonnables, iniques, lyranniques ; et vous
ne vous faites guère faute d'en user. Mais
vous avez aussi des devoirs : entre autres
celui de choisir, pour leur confier les plus
précieux intérêts du pays, les hommes les
plus intelligents et les plus capables. Et
vous ne sauriez nier qu'avec votre système
d'exclusion, vous ne diminuiez au moins de
moitié le nombre de ceux parmi lesquels
peuvent s'exercer vos choix, que vous ne
vous exposiez, par conséquent, à vous voir
obligés de prendre les moins instruits ot
les moins capables.
Si, sur une liste de six cents candidats à
Saint-Cyr ou à l'école polytechnique, les
trois cents premiers par ordre do mérite
sorLent dos écoles congréganistes, vous re
cevrez donc les trois cents derniers? Voilà
un singulier moyen d'assurer le bon recru
tement de notre corps d'officiers !
Il n'est pas un homme raisonnable
qui ne soit amené à faire les mêmes
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 22 août 1879
Les Possédés de l'Evangile
I
Il est souvent question de possédés dans
les trois premiers Evangiles : saint Ma
thieu, saint Marc et saint Luc nous racon
tent que Jésus-Christ guérit un grand nom
bre de ces malheureux, pendant le cours de
sa vie mortelle. La réalité et même la pos
sibilité de la possession est cependant au
jourd'hui unanimement niée par les exégè-
les rationalistes. Il importe donc, pour
défendre nos saints livres, d'en établir
l'existence et d'en étudier la nature.
L'Ancien, comme le Nouveau Testament,
nous apprend qu'il existe des esprits mau
vais, endurcis dans le mal, portant au mal
et voulant le mal des hommes. Ces esprits
mauvais ont deux noms différents, celui de
démon et celui de diable ; mais ce dernier
nom, dans l'Ecriture, est restreint au chef
des mauvais anges.
Le mot de démon paraît signifier cognos-
cens ou dividens. Les écrivains sacrés l'ont
emprunté aux écrivains profanes, mais en
y attachant un sens plus précis et plus dé
terminé. Dans Homère, démon est à peu
près synonyme de dieu, il emploie indiffé
remment les deux expressions l'une pour
l'autre. Il n'en est plus de même dans Hé
siode (I, 108) : ce poëte dislingue les dieux
et les démons; ces derniers sont les âmes
des hommes qui ont vécu pendant l'âge
d'or, des génies bienfaisants (1). On voit
par là que les.auteurs païens ne prenaient
pas d'abord le mot démon en mauvaise
part. LejuifPhilon l'emploie pour désigner
les anges, soit bons, soit méchants. Quant
à Josèphe,.il s'en sert dans le même sons
que les évangélistes (2). Cette transition du
génie bon au génie malfaisant s'était opérée
ee grande partie chez les Grecs mêmes. Le
daimôn des tragiques grecs est souvent un
génie malfaisant, le mauvais génie d'une
famille, comme celui de la famille d'Aga-
memnon par exemple. L'homme dominé
par une passion furieuse et précipité par
elle dans le crime et dans le malheur est re
présenté comme sous son pouvoir.
De l'ancien mot Jaipav, les Grecs avaient
formé, à une époque plus récente, l'adjec
tif neutre ro Saifioviov,, employé substantive
ment et désignant quelque chose de plus
impersonnel que Saifiav. Platon s'en sert
dans le Banquet pour nommer ces êtres
intermédiaires entre Dieu et les hommes,
« messagers du premier auprès des se
conds ». Tout le monde a entendu parler
du daimonion de Socrate. On a beaucoup
discuté sur sa nature, sans parvenir à se
mettre d'accord. Le philosophe appelail : il
ainsi un être personnel ou bien une sorte
d'oracle intérieurqui l'avertissait de ce qu'il
devait faire et aux ordres duquel il obéis
sait, nous l'ignorons. Ce qui est certain,
c'est que Socrate fut, pour ce motif, accu
sé d'introduire le culte de nouveaux da imo-
nia, non reconnus par l'Etat. Ce qui est
certain encore, c'est que le démon de So
crate était bienfaisant.
(1) Sur les démons considéréscomme désignant
lésâmes des morts, voir saint Justin, Apol., I. 1,
p. 75 ; saint Jean Chrysostôme, De Lazaro, I,
p. 728. Comparez act. XVII, 18.
(2) Voir Antiquités, 1. 8, c, 2, n. S; Guerre
juive, 1. 7, c. (il, n. 3.
Telles étaient les significations diverses
attachées au mot démon quand les Septante
entreprirent la traduction grecque de l'An-
cien-Testament. Ils ne l'employèrent jamais
pour désigner le vrai Dieu, mais ils s'en
servirent Irois fois pour nommer ou quali
fier les faux dieux, les idoles, Dcul. XXXII,
17; Ps. CV, 37, et XCV (3), Dans les deux
premiers passages, le mot hébreu est sché-
dim, dont le sens primitif paraît être maî
tre, et par lequel les rabbins entendent les
démons, pris dans le même softs que nous
le faisons. Dans le troisième passage, le
mot de l'original hébreu est élilim, les vains,
c'est-à-dire les idoles. Les Septante ont
aussi traduit par démon dans Isaïe, le mot
gad, la fortune divinisée, LXV, 11, et le mot
schirim, les velus, les chevreuils, XIII, 21,
que notre Vulgate a rendu par pilosi. Enfin
au Psaume XC, 6, les Septante ont trans
formé le verbe dévaster en nom d'agent, et'
l'ont rendu par démon {du midi). Dans tous
ces textes, les interprètes grecs ont appelé
démon ce qu'ils considéraient comme des
idoles ou des faux dieux.
L'étude du grec des Septante a une im
portance très grande pour l'intelligence du
texte original du Nouveau Testament, parce
que leur langue est celle des juifs hellénis
tes, et par conséquent celle dés livres dou-
térocanoniques de l'Ancien Testament, de
même que celle des apôtres dans le Nou
veau. Les Septante avaient appelé les faux
dieux démons ; les traducteurs ou les au
teurs des livres deutérocanoniques reçurent
d'eux ce nom et le prirent en mauvaise part,
en l'appliquant non-seulement .aux faux
dieux, mais,- en général,. aux anges dé
chus.
Il est employé avec la signification que
nous lui donnons aujourd'hui dans le livre
de Tobie (VI, 17 ; VIII, 3), et dans Baruch
(3) Comparer, Ps. XCV, S, avec Baruch, IV, 7,
et I Cor., X, 20.
(IV, 35); mais le livre do Tobio en déter
mine la nature dans plusieurs passages par
l'addition do l'épithètc de « mauvais ».
[Tobie, III, 8,17 ; VI, 7.) Pour les écrivains
du Nouveau Testament, démon tout court
signifie esprit mauvais. (Mathieu, X, 1 ;
XII, 43, etc.) Ils le considèrent comme un
pur esprit, primitivement bon el de même
naLure que les bons anges, mais révolté
contre Dieu, soumis à un chef que le peu
ple appelle Béelzébulh, comme l'ancien
dieu d'Accaron, et qui n'est autre que Sa
tan. (Mathieu, XII, 24-26; comparer Luc,
X, 17-18.) Il est à jamais endurci dans le
mal, ennemi de l'homme comme de Dieu,et
ne cherchant qu'à nous nuire, en portant
notre âme au péché (Timothée, IV, 1), et
même en affligeant le corps par des maux
physiques.
C'est cette tendance perverse du démon
qui lui a fait donner l'autre nom par lequel
il est désigné dans le langage chrétien,
celui de diable. Ce nom, qui signifie calom
niateur, délateur et détracteur, et qui n'est
jamais employé que comme substantif com
mun dans les écrivains grecs, est devenu
dans lu Nouveau Testament comme le nom
propre de l'esprit mauvais.Les apôtres l'ont
emprunté aux Septante, qui ont traduil par
diable le mot Satan employé dans le texte
hébreu du livre de Job (I et II), des Para-
lipomènes (XXI, 1) et de Zacharie (III, 1,2),
pour désigner le chef des démons, l'auteur
du mal, qui accuse les hommes auprès de
Dieu. (Voir aussi Sagesse, II, 24.) De là
vient que ce nom ne s'applique pas tlansles
évangiles et les épîlres aux esprits mauvais
en général ; mais seulement à leur chef, ap
pelé d'ailleurs aussi en divers passages de
son nom de Satan ou « ennemi ».(Matt. IV,
10; Marc. III, 26; Luc. X, 18, etc.)
Le prince des démons et les démons eux-
mêmes, étant des esprits mauvais et en
clins au mal, ne cherchent, depuis l'origine
du monde, qu'à faire du mal aux hommes;
(Gen., III; Job, I et II; Sagesse, II, 24.) Ils
sont les ennemis de Dieu, mais ils ne peu
vent l'attaquer directement lui-même, et
c'est ainsi qu'ils attaquent ses créatures,
les hommes. C'est surtout à l'âme, la partie
la plus précieuse de l'homme, qu'ils cher
chent à nuire ; ils l'ont cependant aussi
quelquefois du mal à son corps, et le cas
était assez fréquent du temps de Nolre-Sei-
gneur.
II
Les victimes de leur fureur sont connues
sous le nom de démoniaques ou de possé
dés du démon. Les évangiles nous font
connaître tout ce qu'elles avaient à souffrir.
Ce mot de possédés nous indique qu'ils
n'étaient plus leurs propres maîtres, mais
qu'ils étaient sous la puissance d'êtres mal
faisants, auxquels leurs corps servaient
d'instruments et d'organes.
L'Evangile n'emploie pas le mot même
do possédés ; le mot par lequel il dé
signe ces malheureux aie même sens, mais
en exprimant plus fortement encore, s'il est
possible, leur assujettissement au démon en
qui ils semblent transformés : SaiiMovt%6fjL£voi,
SatfjcoVKJÛévret;. Il dit aussi : Jxifiôvtcv è'xovrni;.
Josèphe emploie le mot de possédé en par
lant de Saul, Antiquités, VI, 11,2. Dans la
langue ecclésiastique des Grecs, on appela
plus tard les démoniaques èvepgumènes, mais le mot de possédé du démon
ou, par ellipse, possédé tout court, posses
sion, devint le mot ordinaire chez les chré
tiens. L'arabe désigne aussi le démoniaque
sous le nom de possédé, maskûm, malbûs,
mamûr, sous-entendu li-l-djinn, par un.
djinn (genius) ou un démon. Il est à remarquer
que le Talmud n'a aucune expression pour
désigner soit le possédé soit la possession.
Il parle du mauvais esprit qui maltraite
l'homme, mais il ne dit jamais qu'il entre
en lui et en prend possession.
Le Nouveau,Teslamenl, au contraire,
nous représente le démon comme le maître
de celui dont il s'est emparé et en qui il
habite. Les paroles qui sortent delà bouche
des possédés sont ainsi non leurs paroles,
mais celles du démon ; leur force est sou
vent, par suite, une force extraordinaire et
surhumaine.
Cependant la possession, ou du moins
les effets de la possession, tels que nous
les l'onl connaître les récits des évangélis
tes, n'étaient pas permanents ; par inter
valles, l'infortuné démoniaque redevenait
maître de lui-même; l'esprit qui le tour
mentait lui laissait quelques moments de
trêve et de répit; mais bientôt il sentait de
nouveau le poids du joug, son intelligence
et sa volonté lui échappaient encore, et la
perte de la direction de ses facultés était
accompagnée de maux physiques de tout
genre, de maladies de toute espèce ; pres
que toujours la possession est accompa
gnée d'infirmités ou de maladies corporel
les, principalement de maladies nerveuses.
Elle est accompagnée de cécité (Matl. XII,
22) ; de mutisme' ( ibid . IX, 32) ; de folie
(Marc, I, 5) ; d'épilepsie et de l'olie ( lbtd.
IX, 17-27) (4).
C'est celte association de la maladie à la
possession qui a fourni prétexte aux incré
dules modernes de nier la réalité de la pos
session : ils ne veulent voir dans les possé
dés que de simples malades, atteints de fo
lie, d'épilepsie, de mutisme, etc.Dans le lan
gage des évangélistes, « avoir un démon »
est une locution qui signifie simplement être
fou. (Jean, VII, 20 ; VIII, 48 ; X, 20.) Il n'y
a, dans les descriptions qui nous sont don
nés des cas de possession, aucun trait, au
cun détail qui soit propre à caractériser un
état particulier, que la médecine moderne
ne retrouve dans les maladies naturelles
qu'elle étudie et travaille à guérir: névroses,
(4) Comparer, pour la folie, Jeafi, Vil, 20 ;
VI11, 48 ; X, 20, et aussi Matt. XI, 18.
R* -1321 — Edition quotidienne.
Vendredi 22 Août 1879
PARIS
; "Un an 55 fr. »
■v Six^ mois. 28 50
v' Trois mois . . 15 »
Un Numéro, à Paris. 15 cent.
—- Départements. 20 —
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
DÉPARTEMENTS
• I * I 4 • | I
Un an. ,
Six mois
Trois mois .... ;
55 fr. »
28 BO
15 »
On s'abonne, ù. Rame, place du Ucsù, S '
/;/~
m. ^
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'.DNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui S
MM. Ch. MGRAME, CERF et C'% 6,
m
FRANCE
PARIS, 21 AOUT 1879
On a pu lire dans le Journal officiel
du 14 juin le rapport de la commis
sion chargée d'examiner la proposi
tion de loi ayant pour objet l'abroga
tion de la loi du 18 novembre 1814, re :
lative à l'interdiction du travail les
dimanches et jours de fêtes. Il serait
difficile de trouver ailleurs une preuve
plus manifeste de l'aveuglement, du
parti-pris, de la haine et de l'igno
rance de nos législateurs. Les auteurs
du projet ont vu dans la loi du 18 no
vembre 1814 une œuvre de la réaction
royaliste, cléricale et nobiliaire. Avec
un peu d'attention, ils auraient pu voir
que cette loi ne faisait qu'apporter une
sanction aux dispositions réunies dans
le code civil, dans le code de procé
dure, dans le code de commerce, dans
les codes d'instruction criminelle et
f)énal, et dans un grand nombre de
ois qui reconnaissent la solennité des
jours de fêtes par les interdictions de
certains actes et en choisissant ces
jours pour les publications de toute
nature qui intéressent les citoyens.
Si une sanction manquait à ces
lois, s'il était permis à tous les citoyens
de se livrer en ces jours a leurs tra
vaux, les précautions prises par la loi
pour ses actes de publicité seraient
illusoires, le pauvre manœuvre se
rait sans défense contre les exigen
ces de patrens cupides et intéressés.
D 'ailleurs, le motif dominant, non pas
seulement de la loi de 1814, mais de
toutes celles dont elle assure l'exécu
tion, n'est pas d'interdire absolument
le travail : elle donne à cette interdic
tion des restrictions qui témoignent du
respect de la liberté de chacun. — Le
but principal de la loi a été d'assurer
la liberté du repos," liberté qui, peut-
être, aujourd'hui plus que jamais a
besoin d'être protégée dans l'intérêt
des pauvres contre les chefs des grands
travaux et des grands industries. Cette
question de la célébration des diman
ches et fêtes, contre laquelle on ameute
les passions anti-religeuses, était jugée
bien autrement par Proudhon, le célé
bré publiciste, très peu suspect de
cléricalisme, qui a écrit un petit livre
sur la célébration du dimanene consi
dérée sous les rapports de l'hygiène
publique, de la morale, des relations
de famille et de cité. Dans cet opus
cule, Proudhon a écrit quelques lignes
qui ne sont pas indignes de l'attention
de la Chambre.
Que je méprise, dit-il, ces faiseurs d'ho
mélies sanglotantes, ces amis du peuple,
ces amis de la classe ouvrière, ces amis du
genre humain, ces philanthropes de toute
farine, méditant à leur aise sur les maux
de leurs semblables, qui souffrent au sein
d'une molle oisiveté de ce que le pauvre n'a
que six jours de fatigue, et do l'insuffisance
de son salaire ne concluent jamais autre
chose sinon : Il faut travailler un jour de
plus.
Ce n'était pas la caste cléricale, roya
liste et nobiliaire que Proudhon signa
lait comme l'auteur de ces lois qui in
terdisent le travail aux jours de fêtes et
assurent le repos. Il jugeait de plus
haut lorsqu'il disait :
Que voyons-nous de toutes parts ? Ici des
hommes mécontents et blasés au sein de
l'opulence, pauvres même avec leurs ri
chesses ; là des manœuvres à qui la misère
. défend de songer à leur raison et à leur
âme ; heureux encore quand ils trouvent à
■ -
travailler le dimanche ; l'excès de l'égoïsme
provoquant l'horreur générale des sophis-
mes, endoctrinant la multitude qu'un ins-
'tinct providentiel préserve encore de leurs
inintelligibles systèmes ; et au milieu de tout
cela le christianisme, le doigt posé sur le déca-
logue, et sans s'expliquer davantage, main-
tenantla célébration du jour qui nous ren-
dittous égaux en nous rendantjfrères. N'est-
ce pas nous dire assez clairement : Il v a
temps pour travailler et temps pour vous
reposer.
Ces paroles sont à méditer. Ceux
qui repousseront la proposition d'a
brogation de la loi du 18 novembre
1814, n'auront pas à craindre le re
proche de cléricalisme en se proté
geant du souvenir de P.-J. Proudhon.
Un des articles du projet accuse chez
ses auteurs une négligence, on peut
même dire un étrange sans-façon, en
dehors des idées chrétiennes. C'est l'ar
ticle 3, où on lit : « Il n'est rien innové
« par la présente aux dispositions pu-
« renient civiles réglant les vacances des
« diverses administrations, les délais
« judiciaires, etc., non plus qu'à la loi
« du 17 mai 1874 sur le travail des
« enfants et des filles mineures em-
« ployés dans l'industrie. »
Les auteurs du projet, en écrivant
cet et cœtera , témoignent de l'incurie
avec laquelle ils ont accompli leur
tâche, et d'abord on ne sait ce qu'ils
ont voulu dire par ces mots dispositions
purement civiles , il y a de ces disposi
tions qui ont été dictées par de hautes
et graves convenances et qui touchent
au droit public. Nous nous contente
rons de citer celle qui défend, aux
dimanches et jours de fêtes, les exé
cutions de condamnations pour crimes
et délits.
Les auteurs du projet, s'ils avaient
sérieusement étudié la question, au
raient pu -relever un grand nombre de
dispositions de lois sur lesquelles il n'y
a pas à innover, ils devaient les
citer. Les sentiments de convenances,
les égards dus à leurs collègues, au
public,, pour'qui la loi est faite, leur
imposaient le dewoir d'énumérer toutes
les dispositions de lois auxquelles il ne
doit pas être innové. Un législateur
sérieux ne procède pas par cette for
mule d'énumération et cœtera. Les
observations qui précèdent nous amè
nent à cette conclusion, que le projet
ne peut être accueilli par des législa
teurs qui respectent le droit du pauvre
et, qui doivent avoir souci de laiiberté
du repos autant que de la liberté du
travail. Tout au moins le projet doit-il
être renvoyé à la commission, qui mé
ditera sur les idées de Proudhon et
complétera par des indications préci
ses l'énumération des lois auxquelles
il ne sera pas innové.
Le Journal officiel publie aujourd'hui
le rapport adressé au Président de la
République par le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur le compte
général de l'administration de la jus
tice criminelle en France et en Algé
rie pendant Tannée 1877. .
Nous n'avons pu que parcourir rapi
dement ce rapport, mais nous nous
proposons d'y revenir avec quelque
détail, en raison du triste intérêt qu'il
offre puisqu'il permet d'apprécier l'é
tat général de la moralité, sous l'em
pire des idées de progrès que vantent
avec tant d'ardeur toutes les feuilles
radicales.
Dès à présent, nous pouvons affir
mer, — et l'examen du rapport le
prouvera,— que la criminalité est loin
de suivre une marche descendante
sous le gouvernement de la républi
que. D'autres remarques seront à pré
senter, surtout en ce qui concerne la
criminalité par rapport à l'instruction
des inculpés. Cette fois encore, leâ
théories des partisans de l'enseigne
ment obligatoire laïque reçoivent une
terrible atteinte. Nous le démontre
rons.
Nos lecteurs n'ont pas oublié les faits
si nettement mis en lumière par M.
Fayet et par ceux qui, à son exemple,
ont fouillé dans les archives départe
mentales pour y rechercher l'état de
l'instruction en France avant la Révo
lution. Ces faits ont surabondamment
prouvé que partout et toujours les
catholiques ont eu à cœur de créer
des écoles, comme ils ont continué de
le faire depuis la Révolution, comme
ils le font encore et plus que jamais
de nos jours.
En regard de ces résultats dûment
constates, il serait intéressant de
montrer les faits et gestes de ceux qui
inscrivent si pompeusement sur leur
programme l'instruction obligatoire,
mais qui se montrent si acharnés à
fermer partout, au détriment même'de
l'existence ou du progrès des études
scolaires, des établissements où les
maîtres ont largement fourni les preu
ves de leur savoir et de leur capacité.
Ce tableau d'ensemble sera peut-être
fait un jour. Alors on verra, mieux en
core que par le détail des mesures que
nous signalons quotidiennement, com
bien ceux qui traitent si dédaigneuse
ment d'ignorantins les humbles et sa
vants frères de la doctrine chrétienne,
sont véritablement coupables d'entra
ver par tous les moyens le développe
ment de l'instruction.
Mais en attendant, il n'est passans
intérêt de signaler la tactique dont ils
se servent généralement dans ce but,
et dont l'hypocrisie est telle qu'on ne
sait ce qui domine du dégoût qu'ins
pire une telle cafardise ou de l'indi
gnation qu'excite une telle • mauvaise
foi.
Nons supposons,par exemple, qu'un
conseil municipal, animé d'intentions
hostiles pour les congréganistes, se
trouve en face d'une école si impor
tante et par le nombre de ses élèves et
par leurs succès scolaires, qu'il n'ose
en proposer ouvertement la suppres
sion, bien que cette école soit congré-
ganiste. En cet état, que faire? Oh!
une chose bien simple. Il se présente
soudain un rapporteur animé des meil
leures intentions pour le progrès des
écoles, partisan des lumières,etc., qui,
voulant répandre ces lumières à flots,
trouve qu'une seule école ne saurait
suffire dans ce but. Au lieu d'une école,
si nous en fondions une seconde ! Na
turellement, la proposition est votée
d'enthousiasme, et les contribuables
sont invités à payer les frais de la se
conde école, qui ne manque jamais,
bien entendu, d'être une école laïque.
Voilà le premier acte de la comédie.
Voici le second. Dans une des sessions
qui suivent l'adoption des "projets du
rapporteur ami des lumières, il se
lève presque toujours un autre rap
porteur, ami, celui-là, de l'économie.
Les lumières, c'est fort bien, dit cet
autre radical, mais cela coûte peut-
être un peu cher. L'an dernier, deux
écoles nous paraissaient à peine suffi
santes pour le développement dé l'in
struction. Mais, décidément, ces deux
écoles pèsent trop lourdement sur le
budget. D'ailleurs, en étudiant bien la
question, on a reconnu que pour la
population scolaire une seule était
suffisante. Bref, il nous paraîtrait sage
de supprimer l'une des deux. Que
voueven semble?
Naturellement les propositions du
rapporteur économe sont votées d'en
thousiasme, et non moins invariable
ment, c'est l'école congréganiste qui,'
comptant le plus d'élèves et coûtant le
moins cher, est toujours supprimée.
Vous vous moquez, dira-t-on; il est
impossible que, si adversaires de l'en
seignement congréganiste qu'on les
suppose, des conseillers municipaux
consentent nulle part à jouer ainsi
une comédie, tranchons le mot, une
farce indigne dont les contribuables
font tous les frais et dont à coup sûr le
progrès de l'enseignement ne profite
guère? Nous n'inventons rien, ce que
nous venons de conter s'est passé à
Saint-Quentin l'année derniere, à
Chambéry il y a quelques semaines et
tout récemment à Nantes. Nous y re
viendrons, et l'on verra ce que cachent
les protestations des gens qui, sous
prétexte de répandre la lumière, ne
cessent d'accumuler les actes du plus
odieux arbitraire contre les meilleurs
établissements d'instruction populaire.
A uguste R oussel.
Notre collaborateur, M. le vicomte
de Chaulnes, nous adresse de Poitiers
la dépêche suivante :
Poitiers, 21 août, 7 h. 3o du matin.
La journée d'hier, pendant laquelle le
pèlerinage.national a fait station à Poitiers,
a éLé vraiment admirable.
Les 3,000 personnes [qui remplissaient
les cinq trains du pèlerinage sont montées
successivement de la gare à Sainte-Rade-
gonde.
A sept heures et demie a eu lieu la pre
mière messe du pèlerinage, à dix heures la
seconde.
Le soir, à quatre heures, nous avons eu
une admirable homélie de S. Em. le cardi
nal Pie sur la femme guérie après avoir
louché les vêtements de Nôtre-Seigneur.
Elle a été suivie de la magnifique procession
formée à travers les rues de la ville et du
salut solennel, avec bénédiction du Saint-
Sacrement.
Comme toujours, Notre-Dame des Dunes,
magnifiquement illuminée, a voulu saluer
les pèlerins, et M. l'abbé Fossin a fait
avec sa grâce ordinaire les honneurs de ce
superbe établissement, où la journée s'est
terminée par le tir d'un très beau feu d'ar
tifice.
Nous parlons pour Ligugé. Les malades
vont aussi bien que possible.
Le Figaro publie un nouvel exemple
des attaques systématiques dont se ren
dent coupables les hommes au pouvoir
contre la religion. On ne saurait s'em
pêcher de remarquer à cette occasion
quel caractère particulièrement odieux
revêtent des actes pareils, lorsqu'ils ont
pour but avoué d'abuser de la situa
tion des pauvres malades pour multi
plier, de propos délibéré, les entraves
que l'on oppose trop souvent à leur
retour à Dieu.
Voici la note du Figaro :
On nous affirme que M. le préfet de la
Seine, en l'absence du directeur général de
l'Assistance publique, aurait pris certaines
mesures relatives aux aumôniers des hôpi
taux. En un mot, voici de quoi il s'agit :
Jusqu'à présent, quand un malade en
trait à l'hôpital, le prêtre catholique, le pas-
leur protestant ou le rabbin, suivant la re
ligion de l'assisté, avaient le droit de le
voir et de lui faire entendre les paroles de
sa religion.
Il y a deux jours, M. le préfet aurait fait
appeler tous les directeurs des hôpitaux et
leur aurait donné les ordres suivants :
Désormais,, quand un malade entrera
dans un hospice, il sera tenu de déclarer
s'il désire avoir, pendant son séjour, les se
cours de sa religion.
Si, au contraire, en entrant, le malade
refuse le prêtre, le pasteur ou le rabbin,
ceux-ci n'ont plus le droit de s'approcher
du moribond.
Si, se ravisant, il désirait avoir les se
cours de sa religion, il serait tenu de faire
sa déclaration en présence de témoins, tels
que le directeur et l'économe, par exemple.
Le prêtre pourrait alors l'aller voir, si le
directeur lui avait accordé l'autorisation.
Tous ces ordres auraient été transmis
verbalement, de façon à ne laisser aucune
trace de leur provenance. Les dépêches
adressées aux directeurs des hôpitaux,
conçues à peu près en ces termes : Pré
venez les aumôniers des mesures qui ont été
arrêtées entre nous, ne portent aucune si
gnature.
Nous avons annoncé la poursuite cor
rectionnelle intentée à M. le curé de Boves
(Somme) pour de prétendues attaques fai
tes en chaire contre le gouvernement.
Nous apprenons aujourd'hui que M. le
curé de Boves vient d'être complètement
acquitté par le tribunal. .
On lit dans la Patrie :
Dans l'entrevue que M. Grévy a eue avec
M. Hérold au sujet de la nouvelle dénomi
nation d'un certain nombre de rues do Pa
ris, le président aurait abordé les questions
d'enseignement et n'aurait pas caché à son
interlocuteur qu'il regrettait beaucoup le
vote du conseil municipal pour l'expulsion
totale des instituteurs congréganistes.
Nous lisons dans le Français :
Le conseil général des Côtes-du-Nord a
émis, par 36 voix, un vœu contre les pro
jets Ferry. Il convient de remarquer qu'à
la session précédente un vœu analogue n'a
vait éLé voLé que par 27 voix. D'autre part,
à la dernière session, le conseil général de
la Somme avait repoussé un vœu hostile
au projet, la minorité favorable au vœu
étant de 18 voix. Cette fois, le même con
seil est saisi d'un vœu analogue, non plus
par 18, mais par 20 voix. Le Lemps, on le
voit, ne travaille pas pour M. Ferry, et cha
que jour voit s'accroître le nombre de ses
adversaires.
On lit dans Y Union :
Plusieurs dépêches, reproduites par les
journaux français et étrangers, annoncent
que Monsieur le comte de Chambord doit
se rendre en Angleterre. D'autres prêtent
dent même qu'il doit voyager en Suisse.
Nous sommes autorisés à démentir ces
bruits, qui n'ont aucun fondement.
Nous avons reproduit, sous la réserve
des explications que fournirait la Dé
fense , une note de la Civilisation , impu
tant formellement au correspondant
de la Défense la paternité d'abomina
bles correspondances romaines pu
bliées dans le Figaro. Nous lisons à ce
sujet dans la Défense :
L' Univers pense que nous pourrions four
nir des explications sur une accusation in
digne portée par la Civilisation contre l'un
de nos correspondants romains.
Nous avons toute raison de tenir en par
faite estime nos correspondants en Italie,
el ce que peut penser ou dire sur leur
compte ia Civilisation, nous laisse d'autant
plus insensibles que si, par deux fois, nos
correspondants ont été, de la part de cette
feuille, l'objet d'insinuations vraiment o-
dieusos, c'est à la suite du refus formel do
ces correspondants de donner à la Civili
sation la collaboration qui leur était instam
ment demaqdée par le rédecteur en chef
de ce journal.
L'Univers verra, par ce détail, combien
il nous serait difficile de nous émouvoir, si
peu que ce fût, des outrages d'un journal
eondamné d'ailleurs pour avoir fait à la
Défense une concurrence déloyale.
Nous insérons très volontiers cette
explication. Mais nous avouons que ce
qui regarde les démêlés de la Civilisa
tion et de la Défense n'est pas ce qui
nous intéressait en cette affaire. L'ac
cusation que la Défense qualifie « d'in
digne » était portée contre son corres
pondant à propos d'une indigne cor
respondance dont la Civilisation l'accu
sait d'être l'auteur. Dans sa forme in
directe, nous supposons que l'extrait
ci-dessus de la Défense constitue, aux
yeux de ce journal, un démenti fort
net de « l'indigne accusation » portée
par la Civilisation , et c'est à ce titre que
nous l'enregistrons. Reste à savoir sur
quoi se fondait le rédacteur de la Civi
lisation pour affirmer si nettement et,
on nous le dit aujourd'hui, si fausse
ment, que Ylnnominato du Figaro n'a
vait rien de commun avec le corres
pondant romain de la Défense.
Voici la réflexion finale d'une cor
respondance romaine adressée au
Journal des Débats :
En Italie on ne se pique pas ,de logique,
et c'est à cause de cela peut-êlro que ce
pays-ci est renommé pour son bon sons.
Le bon sens présenté comme étant
l'opposé de la logique, il faut être ré
dacteur du 'Journal des Débats pour
présenter au public avec tant d'assu
rance de pareilles absurdités.
On lit dans le Moniteur universel :
Le conseil général de Loir-et-Cher vient
d'être saisi d'un projet do vœu « tendant
à ce que les emplois officiels soient inter
dits à quiconque n'aura pas suivi au moins
pendant deux ans les cours de l'Univer
sité. »
C'est l'ingénieuse combinaison, qui a été
imaginée, comme on sait, par quelques
journaux républicains « modérés », comme
le Temps et le National, pour exclure des
fonctions publiques tous les élèves des éco
les , congréganistes et prendre ainsi leurs
précautions contre le rejet probable de
l'article 7. Nous avons dit ce que nous pen
sions d'une pareille mesure; nous avons
démontré qu'elle n'était ni logique, ni juste,
ni libérale. Les journaux républicains nous
ont répondu que cela leur était bien égal :
« Nous som»es les plus forts ; nous som
mes l'Etat. L'Etat a le droit do déterminer
les conditions d'admission aux emplois
dont il dispose ; ot nous ne nous laisserons
pas contester ce droit. »
Eh ! sans doute, du moment que vous
êtes les plus lorts, vous avez toutes sortes
de droits. Vous avez le droit d'être dérai
sonnables, iniques, lyranniques ; et vous
ne vous faites guère faute d'en user. Mais
vous avez aussi des devoirs : entre autres
celui de choisir, pour leur confier les plus
précieux intérêts du pays, les hommes les
plus intelligents et les plus capables. Et
vous ne sauriez nier qu'avec votre système
d'exclusion, vous ne diminuiez au moins de
moitié le nombre de ceux parmi lesquels
peuvent s'exercer vos choix, que vous ne
vous exposiez, par conséquent, à vous voir
obligés de prendre les moins instruits ot
les moins capables.
Si, sur une liste de six cents candidats à
Saint-Cyr ou à l'école polytechnique, les
trois cents premiers par ordre do mérite
sorLent dos écoles congréganistes, vous re
cevrez donc les trois cents derniers? Voilà
un singulier moyen d'assurer le bon recru
tement de notre corps d'officiers !
Il n'est pas un homme raisonnable
qui ne soit amené à faire les mêmes
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 22 août 1879
Les Possédés de l'Evangile
I
Il est souvent question de possédés dans
les trois premiers Evangiles : saint Ma
thieu, saint Marc et saint Luc nous racon
tent que Jésus-Christ guérit un grand nom
bre de ces malheureux, pendant le cours de
sa vie mortelle. La réalité et même la pos
sibilité de la possession est cependant au
jourd'hui unanimement niée par les exégè-
les rationalistes. Il importe donc, pour
défendre nos saints livres, d'en établir
l'existence et d'en étudier la nature.
L'Ancien, comme le Nouveau Testament,
nous apprend qu'il existe des esprits mau
vais, endurcis dans le mal, portant au mal
et voulant le mal des hommes. Ces esprits
mauvais ont deux noms différents, celui de
démon et celui de diable ; mais ce dernier
nom, dans l'Ecriture, est restreint au chef
des mauvais anges.
Le mot de démon paraît signifier cognos-
cens ou dividens. Les écrivains sacrés l'ont
emprunté aux écrivains profanes, mais en
y attachant un sens plus précis et plus dé
terminé. Dans Homère, démon est à peu
près synonyme de dieu, il emploie indiffé
remment les deux expressions l'une pour
l'autre. Il n'en est plus de même dans Hé
siode (I, 108) : ce poëte dislingue les dieux
et les démons; ces derniers sont les âmes
des hommes qui ont vécu pendant l'âge
d'or, des génies bienfaisants (1). On voit
par là que les.auteurs païens ne prenaient
pas d'abord le mot démon en mauvaise
part. LejuifPhilon l'emploie pour désigner
les anges, soit bons, soit méchants. Quant
à Josèphe,.il s'en sert dans le même sons
que les évangélistes (2). Cette transition du
génie bon au génie malfaisant s'était opérée
ee grande partie chez les Grecs mêmes. Le
daimôn des tragiques grecs est souvent un
génie malfaisant, le mauvais génie d'une
famille, comme celui de la famille d'Aga-
memnon par exemple. L'homme dominé
par une passion furieuse et précipité par
elle dans le crime et dans le malheur est re
présenté comme sous son pouvoir.
De l'ancien mot Jaipav, les Grecs avaient
formé, à une époque plus récente, l'adjec
tif neutre ro Saifioviov,, employé substantive
ment et désignant quelque chose de plus
impersonnel que Saifiav. Platon s'en sert
dans le Banquet pour nommer ces êtres
intermédiaires entre Dieu et les hommes,
« messagers du premier auprès des se
conds ». Tout le monde a entendu parler
du daimonion de Socrate. On a beaucoup
discuté sur sa nature, sans parvenir à se
mettre d'accord. Le philosophe appelail : il
ainsi un être personnel ou bien une sorte
d'oracle intérieurqui l'avertissait de ce qu'il
devait faire et aux ordres duquel il obéis
sait, nous l'ignorons. Ce qui est certain,
c'est que Socrate fut, pour ce motif, accu
sé d'introduire le culte de nouveaux da imo-
nia, non reconnus par l'Etat. Ce qui est
certain encore, c'est que le démon de So
crate était bienfaisant.
(1) Sur les démons considéréscomme désignant
lésâmes des morts, voir saint Justin, Apol., I. 1,
p. 75 ; saint Jean Chrysostôme, De Lazaro, I,
p. 728. Comparez act. XVII, 18.
(2) Voir Antiquités, 1. 8, c, 2, n. S; Guerre
juive, 1. 7, c. (il, n. 3.
Telles étaient les significations diverses
attachées au mot démon quand les Septante
entreprirent la traduction grecque de l'An-
cien-Testament. Ils ne l'employèrent jamais
pour désigner le vrai Dieu, mais ils s'en
servirent Irois fois pour nommer ou quali
fier les faux dieux, les idoles, Dcul. XXXII,
17; Ps. CV, 37, et XCV (3), Dans les deux
premiers passages, le mot hébreu est sché-
dim, dont le sens primitif paraît être maî
tre, et par lequel les rabbins entendent les
démons, pris dans le même softs que nous
le faisons. Dans le troisième passage, le
mot de l'original hébreu est élilim, les vains,
c'est-à-dire les idoles. Les Septante ont
aussi traduit par démon dans Isaïe, le mot
gad, la fortune divinisée, LXV, 11, et le mot
schirim, les velus, les chevreuils, XIII, 21,
que notre Vulgate a rendu par pilosi. Enfin
au Psaume XC, 6, les Septante ont trans
formé le verbe dévaster en nom d'agent, et'
l'ont rendu par démon {du midi). Dans tous
ces textes, les interprètes grecs ont appelé
démon ce qu'ils considéraient comme des
idoles ou des faux dieux.
L'étude du grec des Septante a une im
portance très grande pour l'intelligence du
texte original du Nouveau Testament, parce
que leur langue est celle des juifs hellénis
tes, et par conséquent celle dés livres dou-
térocanoniques de l'Ancien Testament, de
même que celle des apôtres dans le Nou
veau. Les Septante avaient appelé les faux
dieux démons ; les traducteurs ou les au
teurs des livres deutérocanoniques reçurent
d'eux ce nom et le prirent en mauvaise part,
en l'appliquant non-seulement .aux faux
dieux, mais,- en général,. aux anges dé
chus.
Il est employé avec la signification que
nous lui donnons aujourd'hui dans le livre
de Tobie (VI, 17 ; VIII, 3), et dans Baruch
(3) Comparer, Ps. XCV, S, avec Baruch, IV, 7,
et I Cor., X, 20.
(IV, 35); mais le livre do Tobio en déter
mine la nature dans plusieurs passages par
l'addition do l'épithètc de « mauvais ».
[Tobie, III, 8,17 ; VI, 7.) Pour les écrivains
du Nouveau Testament, démon tout court
signifie esprit mauvais. (Mathieu, X, 1 ;
XII, 43, etc.) Ils le considèrent comme un
pur esprit, primitivement bon el de même
naLure que les bons anges, mais révolté
contre Dieu, soumis à un chef que le peu
ple appelle Béelzébulh, comme l'ancien
dieu d'Accaron, et qui n'est autre que Sa
tan. (Mathieu, XII, 24-26; comparer Luc,
X, 17-18.) Il est à jamais endurci dans le
mal, ennemi de l'homme comme de Dieu,et
ne cherchant qu'à nous nuire, en portant
notre âme au péché (Timothée, IV, 1), et
même en affligeant le corps par des maux
physiques.
C'est cette tendance perverse du démon
qui lui a fait donner l'autre nom par lequel
il est désigné dans le langage chrétien,
celui de diable. Ce nom, qui signifie calom
niateur, délateur et détracteur, et qui n'est
jamais employé que comme substantif com
mun dans les écrivains grecs, est devenu
dans lu Nouveau Testament comme le nom
propre de l'esprit mauvais.Les apôtres l'ont
emprunté aux Septante, qui ont traduil par
diable le mot Satan employé dans le texte
hébreu du livre de Job (I et II), des Para-
lipomènes (XXI, 1) et de Zacharie (III, 1,2),
pour désigner le chef des démons, l'auteur
du mal, qui accuse les hommes auprès de
Dieu. (Voir aussi Sagesse, II, 24.) De là
vient que ce nom ne s'applique pas tlansles
évangiles et les épîlres aux esprits mauvais
en général ; mais seulement à leur chef, ap
pelé d'ailleurs aussi en divers passages de
son nom de Satan ou « ennemi ».(Matt. IV,
10; Marc. III, 26; Luc. X, 18, etc.)
Le prince des démons et les démons eux-
mêmes, étant des esprits mauvais et en
clins au mal, ne cherchent, depuis l'origine
du monde, qu'à faire du mal aux hommes;
(Gen., III; Job, I et II; Sagesse, II, 24.) Ils
sont les ennemis de Dieu, mais ils ne peu
vent l'attaquer directement lui-même, et
c'est ainsi qu'ils attaquent ses créatures,
les hommes. C'est surtout à l'âme, la partie
la plus précieuse de l'homme, qu'ils cher
chent à nuire ; ils l'ont cependant aussi
quelquefois du mal à son corps, et le cas
était assez fréquent du temps de Nolre-Sei-
gneur.
II
Les victimes de leur fureur sont connues
sous le nom de démoniaques ou de possé
dés du démon. Les évangiles nous font
connaître tout ce qu'elles avaient à souffrir.
Ce mot de possédés nous indique qu'ils
n'étaient plus leurs propres maîtres, mais
qu'ils étaient sous la puissance d'êtres mal
faisants, auxquels leurs corps servaient
d'instruments et d'organes.
L'Evangile n'emploie pas le mot même
do possédés ; le mot par lequel il dé
signe ces malheureux aie même sens, mais
en exprimant plus fortement encore, s'il est
possible, leur assujettissement au démon en
qui ils semblent transformés : SaiiMovt%6fjL£voi,
SatfjcoVKJÛévret;. Il dit aussi : Jxifiôvtcv è'xovrni;.
Josèphe emploie le mot de possédé en par
lant de Saul, Antiquités, VI, 11,2. Dans la
langue ecclésiastique des Grecs, on appela
plus tard les démoniaques èvep
ou, par ellipse, possédé tout court, posses
sion, devint le mot ordinaire chez les chré
tiens. L'arabe désigne aussi le démoniaque
sous le nom de possédé, maskûm, malbûs,
mamûr, sous-entendu li-l-djinn, par un.
djinn (genius) ou un démon. Il est à remarquer
que le Talmud n'a aucune expression pour
désigner soit le possédé soit la possession.
Il parle du mauvais esprit qui maltraite
l'homme, mais il ne dit jamais qu'il entre
en lui et en prend possession.
Le Nouveau,Teslamenl, au contraire,
nous représente le démon comme le maître
de celui dont il s'est emparé et en qui il
habite. Les paroles qui sortent delà bouche
des possédés sont ainsi non leurs paroles,
mais celles du démon ; leur force est sou
vent, par suite, une force extraordinaire et
surhumaine.
Cependant la possession, ou du moins
les effets de la possession, tels que nous
les l'onl connaître les récits des évangélis
tes, n'étaient pas permanents ; par inter
valles, l'infortuné démoniaque redevenait
maître de lui-même; l'esprit qui le tour
mentait lui laissait quelques moments de
trêve et de répit; mais bientôt il sentait de
nouveau le poids du joug, son intelligence
et sa volonté lui échappaient encore, et la
perte de la direction de ses facultés était
accompagnée de maux physiques de tout
genre, de maladies de toute espèce ; pres
que toujours la possession est accompa
gnée d'infirmités ou de maladies corporel
les, principalement de maladies nerveuses.
Elle est accompagnée de cécité (Matl. XII,
22) ; de mutisme' ( ibid . IX, 32) ; de folie
(Marc, I, 5) ; d'épilepsie et de l'olie ( lbtd.
IX, 17-27) (4).
C'est celte association de la maladie à la
possession qui a fourni prétexte aux incré
dules modernes de nier la réalité de la pos
session : ils ne veulent voir dans les possé
dés que de simples malades, atteints de fo
lie, d'épilepsie, de mutisme, etc.Dans le lan
gage des évangélistes, « avoir un démon »
est une locution qui signifie simplement être
fou. (Jean, VII, 20 ; VIII, 48 ; X, 20.) Il n'y
a, dans les descriptions qui nous sont don
nés des cas de possession, aucun trait, au
cun détail qui soit propre à caractériser un
état particulier, que la médecine moderne
ne retrouve dans les maladies naturelles
qu'elle étudie et travaille à guérir: névroses,
(4) Comparer, pour la folie, Jeafi, Vil, 20 ;
VI11, 48 ; X, 20, et aussi Matt. XI, 18.
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