Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1879-08-20
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 août 1879 20 août 1879
Description : 1879/08/20 (Numéro 4319). 1879/08/20 (Numéro 4319).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 20 Août 1879
N" 4319 *= Édition quotidienne';
Mercredi 20 Août 1879
PARIS
Un an. . .
Six mois..
Trois mois
55 fr. »
28 50
15
15 cent,
20 —
Un Numéro, à Paris
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10; Rue des Saints-Pères
On «'abonne, à Rome, place du Gesù, 8
DÉPARTEMENTS
Un an..... 55 fr. »
Six mois. . ; 28 50
Trois mois 15 m
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Oh. IAGRANG1, GERF et C'% 6, place de la Bourse
gère, La-seetfnde république arrêta le
progrès : en 1850, la totalité des expor
tations et des importations n'atteignait
que 1859 millions; mais la différence
à notre profit, dans la balance, était
de 277 millions.
L'industrie prit un magnifique essor
pendant les premières années de l'em
pire : le transit commercial s'élevait à
3 milliards 907 millions en 1859, et la
balance accusait en notre faveur un
bénéfice de 625 millions.
Les traités de 1860 furent conclus :
c'était trop tôt; avant d'abaisser les
tarifs protecteurs, il eût fallu attendre
que notre industrie se fût fortifiée. Le
commerce international continua de
s'accroître avec la même rapidité ; en
1869, il montait à 6 milliards 288 mil
lions; mais la balance n'était déjà
plus en notre faveur ; nous perdions
78 millions.
Plusieurs de nos industries, les fers,
les lins, les soieries avaient déjà beau
coup souffert de la concurrence; un
grand nombre de petites usines avaient
succombé; les grands établissements
puissamment outillés continuaient
seuls de prospérer.
Depuis que nous sommes en républi
que, notre mouvement industriel dé
croît, et le marasme s'accuse depuis
trois ans surtout avec une affligeante
gravité.
Le chiffre total du commerce inter
national a continué d'augmenter; il
s'est élevé à 7 milliards 564 millions
en 1876 et à 7 milliards 829 millions
en 1878; mais, en 1876, les importa
tions l'emportaient de 412 millions sur
les exportations ; en 1878, ce déficit a
monté à 1091 millions, et les six pre
miers mois de l'année courante attri
buent déjà un bénéfice de 702 millions
aux étrangers, de sorte qu'ils gagne
ront probablement sur nous un mil
liard et demi dans cette seule année.
Voilà où nous en sommes, avec no
tre république et notre libre-échange,
tandis que les Etats-Unis, couverts de
leurs droits protecteurs, ont exporté,
l'an dernier, pour un milliard et demi
de plus qu'ils n'ont importé. L'Alle
magne, l'Autriche, l'Italie ont relevé
leurs taxes douanières ; et, en face de
cette situation si,claire, les maîtres de
notre république hésitent, ne savent
que faire, se croisent les bras et
disent : « Attendons ! nous aviserons
plus tard ! »
L'agriculture, enfin, n'est pas moins
atteinte que l'industrie : la redoutable
concurrence des céréales et du bétail
américains menace nos cultivateurs
d'un véritable désastre.
Depuis, quelques années, d'immenses
espaces de terres fécondes ont été em
blavés aux Etats-Unis. Le prix moyen
FRANCE
PARIS, 19 AOUT 1879
La parole est aux conseils généraux :
il est a souhaiter que leurs réclama
tions et leurs vœux déterminent le
gouvernement et les députés à secou
rir efficacement la marine, l'industrie
et l'agriculture. Ces trois forces vitales
de la nation souffrent et s'affaiblissent;
et le pouvoir ne leur vient pas en
aide.
Depuis deux ans les armateurs, les
industriels et les agriculteurs se plai
gnent : à leurs plaintes, à leurs de
mandes on répond : « Vous nous en
nuyez ; nous aviserons plus tard; avant
de vous écouter, nous avons à extermi
ner lesjésuites, à chasser des écoles les
religieux et les dévots, à secourir et à
satisfaire nos frères égarés de la Com
mune; quand cesera fait, nous exami
nerons s'il est possible de s'occuper de
vous. »
Cependant les chiffres officiels cons
tatent une formidable aggravation de
la crise.
Nos ministres et nos députés de gau
che nieraient volontiers le mal. « Le
tonnage de notre marine va tGus les
jours croissant, » disait M. Teisserenc
de Bort. « Elle est restée stationnaire
au milieu des développements pro
gressifs des marines rivales », a dit
M. Lepère. Aucune de ces affirmations
n'est vraie. Voici la triste vérité :
Nous possédions encore, en 1872,
1 ,089,000 tonneaux ; nous n'en avions
plus que 931,000 à la fin de 1878; par
conséquent nous avons perdu en six
ans 158,000 tonneaux.
Durant la même période, la marine
anglaise s'est accrue de 1,249,000 ton
neaux; la Suède en a gagné 400,000,
l'Italie 300,000, et l'Espagne elle-mê
me 73,000.
Sous l'empire, nous occupions le se-
, cond rang pour l'importance de notre
marine marchande ; sous la républi
que, nous sommes tombés au sixième,
au-dessous de la Suède, qui dépasse
1,400,000 tonneaux; au-dessous de l'I
talie,, qui . en a 1,139,000; au-dessous
de l'Allemagne, dont le tonnage égale
à peu près celui des Italiens ; et bien-
. tôt l'Espagne nous aura dépassés, si
notre décadence continué; ce qui est
probable, puisque la plupart de nos
navires sont plus vieux que ceux de.
2}os voisins et de nos rivaux.
ji ^st humiliant pour la France de.
voir les ^rangers s'emparer du transit
international voiturer les produits
français et inonder notre pays de mar
chandises étrangères.
Nous transportions, en 1865, 41 pour
.-JOO de notre commerce international
maritime; nos transports par navires
français sont tombés à 28 pour 100 en
1878"; ainsi les étrangers ont accaparé
près des quatre cinquièmes du transit.'
Nos chantiers construisaient annuel
lement plus de 100,000^ tonneaux,
quand la législation protégeait notre
industrie: ils ont construit seulement
26,000 tonneaux en 1877. La plupart
des chantiers se ferment ; nos ^ ou
vriers n'apprennent plus un métier
qui semble condamne à disparaître.
Sans florissante marine marchande,
il n'y a pas de puissante marine mili
taire ; la Russie en sait quelque chose ;
même avec la vapeur, on n'improvise
pas une bonne armée de mer.
Il serait donc urgent d'arrêté? le dé
périssement de notre marine mar
chande ; il provient de trois causes :
l'affaiblissement de notre industrie, le
manque de lois protectrices, et le dé
faut de confiance des armateurs.
Sous notre ancien régime protecteur,
notre industrie se développait peu à
peu et résistait à la concurrence étran-
de blés; de puissantes compagnies ont
jeté cette masse de céréales sur les
marchés européens avec un bénéfice
considérable.
Déjà aussi le bétail américain arri
ve nombreux en Europe.. L'Angleterre
en a reçu, l'an dernier, plus de 232,000
tètes, de sorte qu'elle en a moins de
mandé à nos éleveurs. Dans plusieurs
contrées des Etats-Unis, le prix moyen
d'un bœuf n'est que d'une centaine de
francs; les plus beaux hœufs ne coû-r
tent, transportés à Chicago, qu'envi
ron 400 francs pièce; dans ce pays et
au Canada un porc ne vaut en moyen
ne que 26 francs. Aussi les éleveurs
américains peuvent-ils s'enrichir en
nous expédiant leur bétail et des vian^
des. L'importation des viandes fraî
ches ou salées s'est accrue rapidement
oheg nous. Nous en avons importé, en
1875, pour 12.8 millions et exporté pour
60 millions; en 1878, l'importation a
monté à 312 millions, tandis que l'ex
portation est tombée au dessous de
39 millions. Ainsi, de ce côté encore,
notre agriculture est sérieusement
menacée?
Quelles seraient les mesures néces
saires pour protéger la marine, l'agri
culture, le travail national?
Il faudrait accorder aux armateurs
des primes de construction, rétablir
les surtaxes d'entrepôts, diminuer les
frais d'hôpitaux, de mutation, de pa
tente, de pilotage et de visite.
Il faudrait suivre l'exemple de la
plupart de nos voisins et de nos ri
vaux, et relever sérieusement nos ta
xes douanières.
Il faudrait taxer d'un décime toutes
les importations agricoles de l'étran
ger et abaisser les droits d'enregistre
ment qui déprécient et écrasent la
propriété foncière.
Il faudrait enfin et surtout rétablir la
confiance, mais un gouvernement ré
publicain de gauche n'y parviendra
jamais.
G. de L a T our.
Aujourd'hui, à midi, ont eu lieu, en
l'église Noire-Dame des Champs, les
funérailles de notre collaborateur,
M. Chauvelot. L'assistance témoignait,
par son recueillement et sa tristesse,
des profonds regrets que laisse le cher
défunt parmi tous ceux qui ont pu ap
précier ses rares qualités. La plupart
des journaux étaient représentés, et
quelques-uns, comme le Monde, Y Union
et la Gazette , par plusieurs de nos ex
cellents confrères.
On remarquait également dans l'as
sistance des relgieuses et des prêtres,
parmi lesquels M. le directeur du col
lège ecclésiastique de Chalon-sur-
Saône ; M. le. comte Rozan, pré
sident du conseil d'administration
de l'Univers, la rédaction, l'adminis
tration du journal et une délégation
de MM. les ouvriers compositeurs;
MM. Palmé, Dillet, Berche et Tralin,
éditeurs catholiques; le très honoré
frère Exupérien, assistant des frères
de la doctrine chrétienne; M. Edouard
Grimblot, directeur d'une des corres
pondances royalistes envoyées aux
journaux de province, M. Marchand,
M. Libman, etc.
La messe a été dite par l'un de MM.
| les vicaires de Notre-Dame des Champs,
accompagné du clergé de la paroisse. |
( L'absoute a été faite par M. le cha-
j noine Le Guillou, notre vénéré collabo
rateur.
Nous recevons sur les préparatifs
des fêtes de la Salette la dépêche sui
vante :
Grenoble, 18 août, soir.
La ville présente une animation extraor
dinaire ; on peut dire qu'elle est en fête.
Déjà plusieurs convois de pèlerins sent ar
rivés, notamment ceux de Cambrai et
d'Arras ; on attend dans quelques instants
ceux de Paris et de Toulouse. Les pèlerins
de Paris sont passés par Paray-le-Monial
et Pourvière, où ont eu lieu d'émouvantes
cérémonies.
Un grand nombre de prélats sont arri
vés ; nous citerons : S. Em. le cardinal
Guibert, archevêque de Paris; NN. SS.
Pichenot, archevêque de Ghambéry 5 Paulin
nier, archevêque de Besançon ; Mermillod,
évêque d'Hebron ; Cotton, évêque de Va
lence; Delannoy, évêque d'Aire; R'osset.
évêque de Saint-Jean de Maurienne ; Bon
net, évêque de Viviers; Culte au, évêque
de Luçon ; le R. P. Antoine, abbé de la
Trappe de Chambarand; l'abbé Planque,
supérieur dù séminaire des Missions afri
caines de Lyon.
Mgr l'archevêque d'Avignon et NN. SS.
les évêques de Marseille, de Gap et de
Fréjus se rendront directement à la Salette
par Gap.
Mgr Delannoy fera la consécration de la
basilique.
L'alfluence des pèlerins est énorme ; les
moyens de transport ont. manqué pour les
emmener tous, uû grand nombre sont par
tis à pied.
Mgr Fava et Mgr Delannoy ont visité
les pèlerins de Cambrai et d'Arras logés au
grand séminaire ; ils ont été chaleureuse
ment applaudis.
L'ordre est parfait; la population est
très sympathique.
La Décentralisation donne sur le pas
sage des pèlerins à Pourvière les dé
tails suivants :
Aujourd'hui, la chapelle de Fourvière a
reçu deux importants pèlerinages : celui des
fidèles des diocèses de Cambrai et d'Arras,
qui ont entendu, à huit heures, la messe cé
lébrée par M. l'abbé Graux, vicaire géné
ral et délégué de S. G. Mgr Lequette ; et
celui des Parisiens, qui ontgravila colline, à
midi et demi, en récitant le Rosaire.
Ces deux pèlerinages se rendent à la Sa
lette, aux fêtes du couronnement.
Tous les journaux s'occupent d'un
rapport de M. Eugene Pelletan sur les
pétitions relatives à la liberté d'ensei
gnement. M. Pelletan, qui est un let
tré, a fait son rapport à sa mode ; on
peut dire que c'est un amour de rap
port. On y trouve bien des folichonne-
ries qu'on n'eût pas cru de saison chez
un vieillard. Evidemment l'honorable
rapporteur, qui a toujours été épique
et qui s'est montré dans les assem
blées délibérantes comme un vieux
débris de faux prophète vaticinant à
tort et à travers, s'est abandonné à de
bien particulières hallucinations. Il
a été saisi d'une sainte horreur,
à la vue du pétitionnement contre
les projets de loi Ferry : « G'-est la
première fois, s'écrie-t-il, qu'on a vu le
clergé tout entier franchir le concor
dat pour livrer assaut au gouverne
ment. »
Bien qu'on n'ignore que depuis long
temps le cerveau de M. Pelletan est
hanté , cette vision ne laisse pas de
paraître réjouissante.' Elle remplit de
délices le Rappel, la Marseillaise , le Siè
cle , le National , le XIX e Siècle , tous
gens clairvoyants et illuminés qui
voient le « franchissement » et « l'as
saut » et en veulent tous jurer.
Malgré cette fantasmagorie, le rap
port de M. Pelletan, dans son ensem
ble, est écrit sur la note grave, sombre
et tranquille. C'est le fanatisme froid
et solennel. Nous reviendrons sur cette
pièce, qui est vraiment pièce curieuse
comme la lanterne magique, et presque
aussi amusante.
Mais avant d'examiner la pièce, on
peut se demander comment elle court
les rues, nous voulons dire les jour
naux et notamment les colonnes de la
République française qui a la primeur
de ce document.
M. Pelletan, en son langage extrava
gant, parle au nom d'une commission
sénatoriale, et il s'adresse au Sénat. Il
est bien d'usage d'imprimer et de dis
tribuer au public les rapports adressés
aux Chambres. Mais quand les Cham
bres sont en vacances, les distributions
cessent d'ordinaire et nous n'avons pas
besoin de dire les raisons de cet usage
conforme à toutes les convenances.
Le rapport de M. Pelletan a-t-il été dis
tribué c|.u publie? J'en ignore. Il a été
livré à la République française. Qui l'a
communiqué à ce journal? M. le pré
président du Sénat, le président
Ma-ar-te-el comme le président du
Sénat prononce lui-même son
nom quand il veut célébrer son
impartialité entre les divers partis po
litiques; M. le président du Sénat vou
drait-il le dire ? Est-ce lui qui a autorisé
la République française à puiser dans
les cartons des bureaux du Sénat et à
se faire de la copie avec les documents
parlementaires? Pourquoi M. le prési
dent Martel a-t-il de telles faveurs
pour la République française plutôt
que pour Y Union o.u le Constitution
nel? Est-ce impartialité de sa part?
Est-ce dignité? Est-ce la considé
ration portée au Sénat qui engage
le digne président à caresser de la
sorte et à amignonner d'une façon
scandaleuse et dont on cherche le
noble motif, une des feuilles de la
presse parisienne? Est-ce enfin un
sentiment de justice et d'honneur, —
il-faut dire le mot, — qui a sollicité
M. Martel à choisir, en dehors de tous
les usages, le moment de l'ouverture
des conseils généraux pour livrer à la
publicité le rapport de M. Pelletan,
c'est-à-dire un pamphlet atrabilaire et
perfide, rempli de fiel, bourré d'asser
tions calomnieuses contre le clergé,
l'Eglise et les catholiques ?
M. Martel s'expliquera-t-il en scan
dant son nom ou mêmeen le bre
douillant?
En attendant ses explications, ne
peut-on préjuger qu'il y a là un scan
dale, un oubli des convenances et
une fierté de caractère qu'on ne sau
rait voir qu'en république, sous un
gouvernement qui, se mettant au-des
sus de la loi, se targue aussi de man
quer de respect aux grands corps de
l'Etat.
L éon A ubineau.
Au moment où les ennemis de l'en
seignement religieux réclament à
grands cris la suppression des garan
ties données à cet enseignement par les
lois de 1850 et de 1875; au moment,
par suite, où l'on poursuit avec un
acharnement sans égal la restauration
du'monopole en faveur de l'Université,
il n'est pas sans intérêt de savoir com
ment cette même université est traitée
par ses plus dévoués partisans. Depuis
plusieurs jours il y a, sur ce sujet, une
véritable avalanche d'articles dans le
Temps et le National comme dans le
Rappel et dans le Siècle. Or, ces arti
cles ne font pas précisément l'éloge de
Y Aima Mater. Résumant cette polémi
que instructive, le Moniteur écrit ce qui
suit :
L'Université, qu'on traitait naguère en
core avec tant de respect, et à qui M. le
ministre de l'instruction publique rendait,
du haut de la tribune nationale, un si écla
tant hommage, est devenue tout d'un coup
l'objet des plus vives, et nous pourrions
ajouter des plus universelles attaques,
Hier on la portait aux nues, aujourd'hui 5 n
la traîne dans la boue; çn \ devait sur le
pavois, onl'attaçbe 5-âr' ia _ellelte. Toute la
presse la comblait d'éloges, tous les jour
naux l'accablent de critiques. L'un lui re
proche ses méthodes d'enseignement, l'au
tre ses procédés d'éducation et ses moyens
de discipline ; un troisième blâme le choix
de ses livres; un quatrième trouve son ad
ministration détestable, depuis les chefs
de ses établissements jusqu'au dernier de
ses surveillants. C'est un toile général. Le
National et le Te.nps font chorus avec le
Rappel et le Siècle; et il n'est pas jusqu'au
rédacteur en chef du Constitutionnel, un an
cien élève de l'Ecole normale, un prix
d'honneur de la Sor'oonne — tu quoqw,
fili! — qui ne traite les proviseurs, les cen
seurs, les inspecteurs, les recteurs, « d'es
prits médiocres et de gens illettrés, »
pleins de « préventions contre tout ce qui
est nouveau et généreux, dont l'action in-
quisitoriale et ombrageuse étouffe chez le
professeur toute initiative, toute liberté,
toute velléité de renouvellement et de pro
grès. »
Les adversaires de l'université ont-
ils jamais parléjd'elle plus sévèrement?
En tout cas, on ne saurait, dans le
cas présent, récuser le témoignage de
ceux qui l'attaquent avec tant de vi
vacité. Ce ne sont pas des ennemis,
mais il faut dire qu'en cette circons
tance ils remplissent à merveille le
précepte d'après lequel : qui aime bien
châtie bien. Seulement on ne voit pas
bien quelle conclusion tous ces amis
de l'Université, si empressés à démon
trer qu'elle ne vaut rien, sous presque
aucun rapport, entendent tirertle leur
démonstration, C'est eei>; d - lacune que
nous voudrions <^ n bler dès mainte
nant par '^ ie simple remarque.
En effet, si l'université est telle qu'on
nous la représente, et nous ne faisons
pas difficulté de reconnaître que le
portrait est ressemblant, tout le mon
de se demandera comment il se fait
qu'on veuille ramener toute la jeu
nesse française dans une institution
dont 011 met ainsi à nu tous les vices.
N'est-ce pas une nouvelle preuve qu'en
voulant fermer les établissements li
bres d'enseignement, c'est l'enseigne
ment religieux qu'on veut atteindre, et
non l'amélioration de l'enseignement
que l'on veut obtenir?
àisouste R oussel.
Nous publions plus loin le compte
rendu de la distribution des prix de
l'école Saint-Louis (ancienne école de
la rue Poulletier). Constatons à ce sujet
que là, comme ailleurs, la persécution
n'a pu réussir à détacher des écoles
congréganistes leurs anciens élèves.
L'école communale de la rue Poulle
tier comptait 300 élèves. L'école libre
Saint-Louis en a reçu 280 !
Quoi de plus éloquent que cette sim
ple statistique !
Il y a comme un mot d'ordre qui
circule dans les rangs des républicains
contre le cumul. Ce phénomène politi
que est un symptôme qui mérite quel
que attention. Pareil mouvement ne
saurait venir des sphères supérieures ;
bien au contraire, jl part d'en bas.
Cette direction est dans la nature des
choses. La Révolution oppose à la pa
role divine : « Tout pouvoir vient de
Dieu, » cette fausse maxime ; ù Tout
pouvoir vient des masses populaires. »
La république s'est établie grâce à ce
mensonge ; elle s'est maintenue par le
prétendu dogme politique de l'avène
ment au pouvoir des nouvelles cou
ches sociales se poussant l'une Vautre ;
conséquemment, le branle étant don
né, elle devra, pour prolonger son
existence, appliquer complètement
cette théorie dangereuse;* ajoutons
qu'elle en mourra à bref délai.
_ Voilà longtemps déjà que les dépu
tés ou sénateurs radicaux cumulent,
avec îeurj uautes fonctions, les fonc
ions plus humbles de conseillers gé
néraux ou de maires, plus humbles,
mais qui sont la base solide du crédit
politique. Il faut que cet abus cesse, di
sent bien haut certains républicains
qui posent pour l'austérité. Est-ce là le
cri du cœur? Non, c'est le cri de la rai
son, commandé par la nécessité. Les
sages du parti affectent de le pousser
avec désintéressement; quelques-uns
même ontdéjà renoncé ou vont renon
cer au cumul des fonctions publiques;
mais, enréalité, tous cèdent àune pres
sion irrésistible.
Les couches inférieures s'élèvent
comme une marée montante. Les affa
més crient aux repus : Des places ! des
places ! La mise en demeure est impé
rieuse. Les chefs de file devront obéir,
s'ils veulent paraître conduire. La
queue mène la tête, c'est la loi fatale
de la République, que M. Naquet a si
bien "définie : le provisoire perpétuel.
Nous avons observé ce mouvement
dans l'Indre-et-Loire. Naguère, un con
seiller municipal du chef-lieu,M. Saint-
Hérant, avoué, faisait circuler des pé
titions, par lesquelles on sommait M.
Belle, député, conseiller général, conseil
ler municipal et maire de Tours, d'avoir
à se démettre de deux au moins de ces
quatre fonctions.
Celui-ci répondit dans Y Union libérale
de M. Wilson que ces pétitions étaient
inutiles et dangereuses.
Inutiles : car-si trois cents députés républi-
n .tans sont conseillers généraux, c'est qu'une
nécessité politique éclatante les a obligés à
demeurer investis de ce mandat... Dange
reuses : car il peut arriver que dans tel ou
tel canton de notre département, il soit né-
cessairede conserver à un sénateur ou à un
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 20 août 1879
LA LÉGENDE DES AIES
souvenirs de quelques conférences
de saint-vincent de paul
Par EUGÈNE ALCAN(l)
C'était en 1850 ou 1851 ; il y a bien près
de trente ans.
La société de Saint-Vincent de Paul était
encore toute jeune ; elle venait de fonder
l'une de ses œuvres les plus fécondes en
heureux fruits, les plus attachantes, les
plus entraînantes pour ceux qui s'y consa
crent : l'OEuvre des saintes familles.
L'auteur du livre dont le titre figure en
tête de ce compte rendu, M» Alcan, prési
dait une des plus florissantes saintes famil
les de Paris, celle de Saint-Roch.
Sans vouloir blesser la modestie de ce
cher confrère, je puis bien dire qu'il passait
à juste titre pour l'un des plus habiles, des
plus piquants, des plus émouvants, des
(1) 2 vol, in-12, chez Bray et Retaux, 82, rue
Bonaparte.
plus enlevants conteurs d'histoires qui se
fissent entendre de la place Duplàix à la
crypte de Saint-Sulpice, de la chapelle du
Calvaire de Saint-Roch à la chapelle des
catéchismes de Saint-Thomas d'Aquin.
Ceux qui connaissent un peu le mécanis
me des saintes familles savent qu'outre
l'exhortation du directeur spirituel, les avis
et les causeries du président, l'un des élé
ments constitutifs d'une séance c'est l'ora-
liur et sa petite allocution.
L'art du président consiste à trouver
pour chaque séance un orateur nouveau,
tantôt sévère, tantôt plaisant; jamais, si
c'est possible, ennuyeux; jamais non plus
de ceux qui parlent pour parler... Il laut
absolument que le modeste Démosthène
captive ; qu'il force, bon gré mal gré, les
plus distraits — et, s'il y en avait, les plus
récalcitrants— à l'écouter. Puis il faut que,
derrière le petit speech, il y ait une moralité
facile à saisir, et dont le souvenir seul soit
une excellente leçon, une leçon qui détour
ne du mal, qui ramène au bien, à la source
de tout bien, à Dieu.
Or l'expérience est là pour dire que les
discours pompeux, les dissertations, les
amplifications, les sermons laïques attei
gnent rarement ce double but. Ils sont si
sérieux, ces petits prônes — sérieux est
un mot poli pour dire soporifique — qu'on
les écoute à peine, et qu'aussitôt entendus
on se hâte de les oublier.
Pour agir sur une assemblée populaire,
il n'y arien de tel que des histoires.
Le président de la sainte famille de
Saint-Roch excellait à les narrer.
Sauf le bon curé de Saint-J., je ne crois
pas avoir connu un conteur de la taille de
M. Eug. Alcan.
Où prenait-il ses histoires? Dieu le sait.
Ce que nous savons, c'est que toutes —
et celles qui étaient courtes et celles
qui étaient plus développées, et les his
toires austères et les histoires gaies,
et celles qu'on ne pouvait ouïr sans se
tordre et celles # qui trempaient tous les
mouchoirs, et les scènes du temps de la
chevalerie et les scènes qui, pas plus tard
qu'hier, avaient pour théâtre le passage des
Patriarches ou la Fosse aux Lions, et celles
qui rendaient le vice odieux ou ridicule et
celles qui restituaient — qui conservaient
plutôt — à la vertu sa beauté touchante et
son charme inexprimable — ce que nous
savons, dis-je, c'est que toutes ces histoires
avaient un cachet de vraisemblance et de
vérité que je n'ai jamais rencontré ailleurs.
Or, il arriva un jour que ce cher prési
dent, en pénurie d'orateur, s'adressa, faute
de mieux, à un jeune avocat qui faisait ses
débuts dans nos saintes familles en même
temps que dans les conférences du palais.
« Conter une histoire à ces braves gens,
se dit le stagiaire, à«ces braves gens gâtés
par leur incomparable président, Dieu m'en
garde... »
Et alors, ne sachant à quel saint se rouer,
il pensa au grand roi Salomon et à ce que
l'on a appelé « la sagesse des nations. »
Il prit un proverbe, l'exposa, l'interpréta,
le commenta, en tira tout le parti possible..,
Et, si sa harangue ne fut pas étincelante, il
réussit du moins à ne pas trop endormir
ses auditeurs.
Ce n'est pp tout,
Là ou la chèvre est attachée, il faut qu'elle
broute, le proverbe dont notre homme avait
fait choix, prêtait à de si intéressants dé
veloppements, était à la fois si vrai en
principe, si fécond en applications prati
ques, qu'il s'imagina de réunir un certain
; nombre de semblables proverbes... Sous le
titre de : Cinquante Proverbes, il en fit un
volume.
Les Cinquante Proverbes sont le premier
ouvrage de votre serviteur... qui, depuis,
en a publié tant d'autres.
J'espère que quelques-uns au moins de
ces petits livres auront fait quelque bien.
En tout cas, après Dieu et les affections de
famille, ce labeur quotidien, cette culture
assidue de ma toute petite traction-dans le
•champ des lettres chrétiennes, cela n'a
cessé, depuis lors, d'être la joie de ma
. vie.
Comment ne serais-je pas reconnaissant
envers la chère Société de Saint-Vincent de
Paul et envers l'excellent confrère qui fu
rent ainsi l'occasion et comme la source de
ma vocation littéraire?
Le président, l'orateur, si goûté de nos
saintes familles, le zélé visiteur des pau
vres, tout près de sortir de cette sainte car
rière, où il entrait il y a trente ans, a con
signé dans nos deux volumes ses Souvenirs
de quelques conférences de Saint-Vincent de
Paul.
Ce livre, sorti du cœur plus encore que
de la plume de M. Eug. Alcan, porte le ti
tre heureux de Légende des âmes.
-J'ai sollicité la laveur de le présenter aux
lecteurs de l'Univers,
<■ Tous ceux qui ont connu et pratiqué la
chère société de Saint-Vincent de Paul sa
vent quels sentiments d'admiration et de
tendresse elle saitinspirer à ses disciples....
ou plutôt à ses enfants, car la société de
Saint-Vincent de Paul est une mère.
C'est un fils de cette mère qui a écrit la
Légende des âmes. C'est un auire fils qui
vous présente ce livre, ami lecteur.
Quelle en est la pensée inspiratrice?
L'auteur ne le dit pas précisément. Il fait
mieux; il nous le laisse lire à chacune des
1 lignes de ces deux volumes.
C'est l'amour des âmes; c'est un esprit
; ingénieux à excuser les plus perverses, à
plaider en leur faveur les circonstances at
ténuantes ; c'est l'obstination avec laqueHe
notre auteur s'écrie : « Non, tout n'est pas
« perclu, tout n'est pas mort dans les âmes
« dégradées! Quand on les observe de
« près, en de certaines circonstances, on y
« découvre des sentiments qui font encore
« honneur à l'humanité.
« Quand on est, dit-il plus loin, sur le
« terrain des âmes, il faut faire comme le
« cultivateur devant une terre aride et des-
« séchée : il la travaille avec soin, la re-
« tourne, arrache les mauvaises herbes,
« lui donne l'engrais voulu, et finit, à force
« de patience et de labeur, par la rendre
« riche et fertile". »
Sous quelle forme M. Alcan nous pré-
sente-t-il ces idées?
Ai-je besoin de le dire? Et ne le devine-
t-on pas d'abord?
Sous la forme qui, dans les tempsreculés
que je mentionnais tout àl'heure, avait tant
de succès dans les saintes familles, sous
cette forme du récit et de l'histoire qui cap
tivait, émouvait, convertissait, fixait dans le
bien tant de volontés jusque-là hésitantes
entre Dieu et l'ennemi de Dieu.
Citons encore cette judicieuse pensée par
où notre auteur termine sa préface ; « En
« publiant la Légende des âmes, nous avons
« un double but : provoquer la confiance et
« la défiance; là confiance, en montrant par
« des faits l'action de la miséricorde de
« Dieu, exercée dans sa plénitude quand
« elle a devant elle des âmes de bonne vo-
« lonté qui savent se faire violence ; la dé-
« fiance, en rappelant que le mauvais esprit
« cherche toujours h reprendre les âmes
« qu'il a été forcé d'abandonner; partant,
« la nécessité de veiller et de prier sans
« cesse, afin de conserver pour le souve-
« rain bien ce qui lui est disputé par le mal
« extrême, par le mal en personne. »
Les histoires de M. Alcan sont au nombre
de 74.
Je cite au hasard quelques titres : Con
version et mort du père Nicolas. — La doyenne
des quêteuses.—La conférence Saint-Médard.
— Le R. P. Millériot et le pauvre concierge.
Un président poëts. — Conversion el mort
d'un rabbin. — Un confrère sous la Commune.
— Un baptême sous la Terreur. — Une daim
de la Halle. — Le pauvre prêtre. — Une
visite dans la cité Doré. — Qui s'abandonne à
Dieu n'est jamais abandonné. — Une oraison
funèbre. — La prière du cœur. — La confes
sion de ceux qui ne se, confessent pas. — Le
moribond du V.endredi-Saint. — Cç q Ue p eu t
la foi. —- Un pauvre à cheval, —- On peut sw
N" 4319 *= Édition quotidienne';
Mercredi 20 Août 1879
PARIS
Un an. . .
Six mois..
Trois mois
55 fr. »
28 50
15
15 cent,
20 —
Un Numéro, à Paris
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10; Rue des Saints-Pères
On «'abonne, à Rome, place du Gesù, 8
DÉPARTEMENTS
Un an..... 55 fr. »
Six mois. . ; 28 50
Trois mois 15 m
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Oh. IAGRANG1, GERF et C'% 6, place de la Bourse
gère, La-seetfnde république arrêta le
progrès : en 1850, la totalité des expor
tations et des importations n'atteignait
que 1859 millions; mais la différence
à notre profit, dans la balance, était
de 277 millions.
L'industrie prit un magnifique essor
pendant les premières années de l'em
pire : le transit commercial s'élevait à
3 milliards 907 millions en 1859, et la
balance accusait en notre faveur un
bénéfice de 625 millions.
Les traités de 1860 furent conclus :
c'était trop tôt; avant d'abaisser les
tarifs protecteurs, il eût fallu attendre
que notre industrie se fût fortifiée. Le
commerce international continua de
s'accroître avec la même rapidité ; en
1869, il montait à 6 milliards 288 mil
lions; mais la balance n'était déjà
plus en notre faveur ; nous perdions
78 millions.
Plusieurs de nos industries, les fers,
les lins, les soieries avaient déjà beau
coup souffert de la concurrence; un
grand nombre de petites usines avaient
succombé; les grands établissements
puissamment outillés continuaient
seuls de prospérer.
Depuis que nous sommes en républi
que, notre mouvement industriel dé
croît, et le marasme s'accuse depuis
trois ans surtout avec une affligeante
gravité.
Le chiffre total du commerce inter
national a continué d'augmenter; il
s'est élevé à 7 milliards 564 millions
en 1876 et à 7 milliards 829 millions
en 1878; mais, en 1876, les importa
tions l'emportaient de 412 millions sur
les exportations ; en 1878, ce déficit a
monté à 1091 millions, et les six pre
miers mois de l'année courante attri
buent déjà un bénéfice de 702 millions
aux étrangers, de sorte qu'ils gagne
ront probablement sur nous un mil
liard et demi dans cette seule année.
Voilà où nous en sommes, avec no
tre république et notre libre-échange,
tandis que les Etats-Unis, couverts de
leurs droits protecteurs, ont exporté,
l'an dernier, pour un milliard et demi
de plus qu'ils n'ont importé. L'Alle
magne, l'Autriche, l'Italie ont relevé
leurs taxes douanières ; et, en face de
cette situation si,claire, les maîtres de
notre république hésitent, ne savent
que faire, se croisent les bras et
disent : « Attendons ! nous aviserons
plus tard ! »
L'agriculture, enfin, n'est pas moins
atteinte que l'industrie : la redoutable
concurrence des céréales et du bétail
américains menace nos cultivateurs
d'un véritable désastre.
Depuis, quelques années, d'immenses
espaces de terres fécondes ont été em
blavés aux Etats-Unis. Le prix moyen
FRANCE
PARIS, 19 AOUT 1879
La parole est aux conseils généraux :
il est a souhaiter que leurs réclama
tions et leurs vœux déterminent le
gouvernement et les députés à secou
rir efficacement la marine, l'industrie
et l'agriculture. Ces trois forces vitales
de la nation souffrent et s'affaiblissent;
et le pouvoir ne leur vient pas en
aide.
Depuis deux ans les armateurs, les
industriels et les agriculteurs se plai
gnent : à leurs plaintes, à leurs de
mandes on répond : « Vous nous en
nuyez ; nous aviserons plus tard; avant
de vous écouter, nous avons à extermi
ner lesjésuites, à chasser des écoles les
religieux et les dévots, à secourir et à
satisfaire nos frères égarés de la Com
mune; quand cesera fait, nous exami
nerons s'il est possible de s'occuper de
vous. »
Cependant les chiffres officiels cons
tatent une formidable aggravation de
la crise.
Nos ministres et nos députés de gau
che nieraient volontiers le mal. « Le
tonnage de notre marine va tGus les
jours croissant, » disait M. Teisserenc
de Bort. « Elle est restée stationnaire
au milieu des développements pro
gressifs des marines rivales », a dit
M. Lepère. Aucune de ces affirmations
n'est vraie. Voici la triste vérité :
Nous possédions encore, en 1872,
1 ,089,000 tonneaux ; nous n'en avions
plus que 931,000 à la fin de 1878; par
conséquent nous avons perdu en six
ans 158,000 tonneaux.
Durant la même période, la marine
anglaise s'est accrue de 1,249,000 ton
neaux; la Suède en a gagné 400,000,
l'Italie 300,000, et l'Espagne elle-mê
me 73,000.
Sous l'empire, nous occupions le se-
, cond rang pour l'importance de notre
marine marchande ; sous la républi
que, nous sommes tombés au sixième,
au-dessous de la Suède, qui dépasse
1,400,000 tonneaux; au-dessous de l'I
talie,, qui . en a 1,139,000; au-dessous
de l'Allemagne, dont le tonnage égale
à peu près celui des Italiens ; et bien-
. tôt l'Espagne nous aura dépassés, si
notre décadence continué; ce qui est
probable, puisque la plupart de nos
navires sont plus vieux que ceux de.
2}os voisins et de nos rivaux.
ji ^st humiliant pour la France de.
voir les ^rangers s'emparer du transit
international voiturer les produits
français et inonder notre pays de mar
chandises étrangères.
Nous transportions, en 1865, 41 pour
.-JOO de notre commerce international
maritime; nos transports par navires
français sont tombés à 28 pour 100 en
1878"; ainsi les étrangers ont accaparé
près des quatre cinquièmes du transit.'
Nos chantiers construisaient annuel
lement plus de 100,000^ tonneaux,
quand la législation protégeait notre
industrie: ils ont construit seulement
26,000 tonneaux en 1877. La plupart
des chantiers se ferment ; nos ^ ou
vriers n'apprennent plus un métier
qui semble condamne à disparaître.
Sans florissante marine marchande,
il n'y a pas de puissante marine mili
taire ; la Russie en sait quelque chose ;
même avec la vapeur, on n'improvise
pas une bonne armée de mer.
Il serait donc urgent d'arrêté? le dé
périssement de notre marine mar
chande ; il provient de trois causes :
l'affaiblissement de notre industrie, le
manque de lois protectrices, et le dé
faut de confiance des armateurs.
Sous notre ancien régime protecteur,
notre industrie se développait peu à
peu et résistait à la concurrence étran-
de blés; de puissantes compagnies ont
jeté cette masse de céréales sur les
marchés européens avec un bénéfice
considérable.
Déjà aussi le bétail américain arri
ve nombreux en Europe.. L'Angleterre
en a reçu, l'an dernier, plus de 232,000
tètes, de sorte qu'elle en a moins de
mandé à nos éleveurs. Dans plusieurs
contrées des Etats-Unis, le prix moyen
d'un bœuf n'est que d'une centaine de
francs; les plus beaux hœufs ne coû-r
tent, transportés à Chicago, qu'envi
ron 400 francs pièce; dans ce pays et
au Canada un porc ne vaut en moyen
ne que 26 francs. Aussi les éleveurs
américains peuvent-ils s'enrichir en
nous expédiant leur bétail et des vian^
des. L'importation des viandes fraî
ches ou salées s'est accrue rapidement
oheg nous. Nous en avons importé, en
1875, pour 12.8 millions et exporté pour
60 millions; en 1878, l'importation a
monté à 312 millions, tandis que l'ex
portation est tombée au dessous de
39 millions. Ainsi, de ce côté encore,
notre agriculture est sérieusement
menacée?
Quelles seraient les mesures néces
saires pour protéger la marine, l'agri
culture, le travail national?
Il faudrait accorder aux armateurs
des primes de construction, rétablir
les surtaxes d'entrepôts, diminuer les
frais d'hôpitaux, de mutation, de pa
tente, de pilotage et de visite.
Il faudrait suivre l'exemple de la
plupart de nos voisins et de nos ri
vaux, et relever sérieusement nos ta
xes douanières.
Il faudrait taxer d'un décime toutes
les importations agricoles de l'étran
ger et abaisser les droits d'enregistre
ment qui déprécient et écrasent la
propriété foncière.
Il faudrait enfin et surtout rétablir la
confiance, mais un gouvernement ré
publicain de gauche n'y parviendra
jamais.
G. de L a T our.
Aujourd'hui, à midi, ont eu lieu, en
l'église Noire-Dame des Champs, les
funérailles de notre collaborateur,
M. Chauvelot. L'assistance témoignait,
par son recueillement et sa tristesse,
des profonds regrets que laisse le cher
défunt parmi tous ceux qui ont pu ap
précier ses rares qualités. La plupart
des journaux étaient représentés, et
quelques-uns, comme le Monde, Y Union
et la Gazette , par plusieurs de nos ex
cellents confrères.
On remarquait également dans l'as
sistance des relgieuses et des prêtres,
parmi lesquels M. le directeur du col
lège ecclésiastique de Chalon-sur-
Saône ; M. le. comte Rozan, pré
sident du conseil d'administration
de l'Univers, la rédaction, l'adminis
tration du journal et une délégation
de MM. les ouvriers compositeurs;
MM. Palmé, Dillet, Berche et Tralin,
éditeurs catholiques; le très honoré
frère Exupérien, assistant des frères
de la doctrine chrétienne; M. Edouard
Grimblot, directeur d'une des corres
pondances royalistes envoyées aux
journaux de province, M. Marchand,
M. Libman, etc.
La messe a été dite par l'un de MM.
| les vicaires de Notre-Dame des Champs,
accompagné du clergé de la paroisse. |
( L'absoute a été faite par M. le cha-
j noine Le Guillou, notre vénéré collabo
rateur.
Nous recevons sur les préparatifs
des fêtes de la Salette la dépêche sui
vante :
Grenoble, 18 août, soir.
La ville présente une animation extraor
dinaire ; on peut dire qu'elle est en fête.
Déjà plusieurs convois de pèlerins sent ar
rivés, notamment ceux de Cambrai et
d'Arras ; on attend dans quelques instants
ceux de Paris et de Toulouse. Les pèlerins
de Paris sont passés par Paray-le-Monial
et Pourvière, où ont eu lieu d'émouvantes
cérémonies.
Un grand nombre de prélats sont arri
vés ; nous citerons : S. Em. le cardinal
Guibert, archevêque de Paris; NN. SS.
Pichenot, archevêque de Ghambéry 5 Paulin
nier, archevêque de Besançon ; Mermillod,
évêque d'Hebron ; Cotton, évêque de Va
lence; Delannoy, évêque d'Aire; R'osset.
évêque de Saint-Jean de Maurienne ; Bon
net, évêque de Viviers; Culte au, évêque
de Luçon ; le R. P. Antoine, abbé de la
Trappe de Chambarand; l'abbé Planque,
supérieur dù séminaire des Missions afri
caines de Lyon.
Mgr l'archevêque d'Avignon et NN. SS.
les évêques de Marseille, de Gap et de
Fréjus se rendront directement à la Salette
par Gap.
Mgr Delannoy fera la consécration de la
basilique.
L'alfluence des pèlerins est énorme ; les
moyens de transport ont. manqué pour les
emmener tous, uû grand nombre sont par
tis à pied.
Mgr Fava et Mgr Delannoy ont visité
les pèlerins de Cambrai et d'Arras logés au
grand séminaire ; ils ont été chaleureuse
ment applaudis.
L'ordre est parfait; la population est
très sympathique.
La Décentralisation donne sur le pas
sage des pèlerins à Pourvière les dé
tails suivants :
Aujourd'hui, la chapelle de Fourvière a
reçu deux importants pèlerinages : celui des
fidèles des diocèses de Cambrai et d'Arras,
qui ont entendu, à huit heures, la messe cé
lébrée par M. l'abbé Graux, vicaire géné
ral et délégué de S. G. Mgr Lequette ; et
celui des Parisiens, qui ontgravila colline, à
midi et demi, en récitant le Rosaire.
Ces deux pèlerinages se rendent à la Sa
lette, aux fêtes du couronnement.
Tous les journaux s'occupent d'un
rapport de M. Eugene Pelletan sur les
pétitions relatives à la liberté d'ensei
gnement. M. Pelletan, qui est un let
tré, a fait son rapport à sa mode ; on
peut dire que c'est un amour de rap
port. On y trouve bien des folichonne-
ries qu'on n'eût pas cru de saison chez
un vieillard. Evidemment l'honorable
rapporteur, qui a toujours été épique
et qui s'est montré dans les assem
blées délibérantes comme un vieux
débris de faux prophète vaticinant à
tort et à travers, s'est abandonné à de
bien particulières hallucinations. Il
a été saisi d'une sainte horreur,
à la vue du pétitionnement contre
les projets de loi Ferry : « G'-est la
première fois, s'écrie-t-il, qu'on a vu le
clergé tout entier franchir le concor
dat pour livrer assaut au gouverne
ment. »
Bien qu'on n'ignore que depuis long
temps le cerveau de M. Pelletan est
hanté , cette vision ne laisse pas de
paraître réjouissante.' Elle remplit de
délices le Rappel, la Marseillaise , le Siè
cle , le National , le XIX e Siècle , tous
gens clairvoyants et illuminés qui
voient le « franchissement » et « l'as
saut » et en veulent tous jurer.
Malgré cette fantasmagorie, le rap
port de M. Pelletan, dans son ensem
ble, est écrit sur la note grave, sombre
et tranquille. C'est le fanatisme froid
et solennel. Nous reviendrons sur cette
pièce, qui est vraiment pièce curieuse
comme la lanterne magique, et presque
aussi amusante.
Mais avant d'examiner la pièce, on
peut se demander comment elle court
les rues, nous voulons dire les jour
naux et notamment les colonnes de la
République française qui a la primeur
de ce document.
M. Pelletan, en son langage extrava
gant, parle au nom d'une commission
sénatoriale, et il s'adresse au Sénat. Il
est bien d'usage d'imprimer et de dis
tribuer au public les rapports adressés
aux Chambres. Mais quand les Cham
bres sont en vacances, les distributions
cessent d'ordinaire et nous n'avons pas
besoin de dire les raisons de cet usage
conforme à toutes les convenances.
Le rapport de M. Pelletan a-t-il été dis
tribué c|.u publie? J'en ignore. Il a été
livré à la République française. Qui l'a
communiqué à ce journal? M. le pré
président du Sénat, le président
Ma-ar-te-el comme le président du
Sénat prononce lui-même son
nom quand il veut célébrer son
impartialité entre les divers partis po
litiques; M. le président du Sénat vou
drait-il le dire ? Est-ce lui qui a autorisé
la République française à puiser dans
les cartons des bureaux du Sénat et à
se faire de la copie avec les documents
parlementaires? Pourquoi M. le prési
dent Martel a-t-il de telles faveurs
pour la République française plutôt
que pour Y Union o.u le Constitution
nel? Est-ce impartialité de sa part?
Est-ce dignité? Est-ce la considé
ration portée au Sénat qui engage
le digne président à caresser de la
sorte et à amignonner d'une façon
scandaleuse et dont on cherche le
noble motif, une des feuilles de la
presse parisienne? Est-ce enfin un
sentiment de justice et d'honneur, —
il-faut dire le mot, — qui a sollicité
M. Martel à choisir, en dehors de tous
les usages, le moment de l'ouverture
des conseils généraux pour livrer à la
publicité le rapport de M. Pelletan,
c'est-à-dire un pamphlet atrabilaire et
perfide, rempli de fiel, bourré d'asser
tions calomnieuses contre le clergé,
l'Eglise et les catholiques ?
M. Martel s'expliquera-t-il en scan
dant son nom ou mêmeen le bre
douillant?
En attendant ses explications, ne
peut-on préjuger qu'il y a là un scan
dale, un oubli des convenances et
une fierté de caractère qu'on ne sau
rait voir qu'en république, sous un
gouvernement qui, se mettant au-des
sus de la loi, se targue aussi de man
quer de respect aux grands corps de
l'Etat.
L éon A ubineau.
Au moment où les ennemis de l'en
seignement religieux réclament à
grands cris la suppression des garan
ties données à cet enseignement par les
lois de 1850 et de 1875; au moment,
par suite, où l'on poursuit avec un
acharnement sans égal la restauration
du'monopole en faveur de l'Université,
il n'est pas sans intérêt de savoir com
ment cette même université est traitée
par ses plus dévoués partisans. Depuis
plusieurs jours il y a, sur ce sujet, une
véritable avalanche d'articles dans le
Temps et le National comme dans le
Rappel et dans le Siècle. Or, ces arti
cles ne font pas précisément l'éloge de
Y Aima Mater. Résumant cette polémi
que instructive, le Moniteur écrit ce qui
suit :
L'Université, qu'on traitait naguère en
core avec tant de respect, et à qui M. le
ministre de l'instruction publique rendait,
du haut de la tribune nationale, un si écla
tant hommage, est devenue tout d'un coup
l'objet des plus vives, et nous pourrions
ajouter des plus universelles attaques,
Hier on la portait aux nues, aujourd'hui 5 n
la traîne dans la boue; çn \ devait sur le
pavois, onl'attaçbe 5-âr' ia _ellelte. Toute la
presse la comblait d'éloges, tous les jour
naux l'accablent de critiques. L'un lui re
proche ses méthodes d'enseignement, l'au
tre ses procédés d'éducation et ses moyens
de discipline ; un troisième blâme le choix
de ses livres; un quatrième trouve son ad
ministration détestable, depuis les chefs
de ses établissements jusqu'au dernier de
ses surveillants. C'est un toile général. Le
National et le Te.nps font chorus avec le
Rappel et le Siècle; et il n'est pas jusqu'au
rédacteur en chef du Constitutionnel, un an
cien élève de l'Ecole normale, un prix
d'honneur de la Sor'oonne — tu quoqw,
fili! — qui ne traite les proviseurs, les cen
seurs, les inspecteurs, les recteurs, « d'es
prits médiocres et de gens illettrés, »
pleins de « préventions contre tout ce qui
est nouveau et généreux, dont l'action in-
quisitoriale et ombrageuse étouffe chez le
professeur toute initiative, toute liberté,
toute velléité de renouvellement et de pro
grès. »
Les adversaires de l'université ont-
ils jamais parléjd'elle plus sévèrement?
En tout cas, on ne saurait, dans le
cas présent, récuser le témoignage de
ceux qui l'attaquent avec tant de vi
vacité. Ce ne sont pas des ennemis,
mais il faut dire qu'en cette circons
tance ils remplissent à merveille le
précepte d'après lequel : qui aime bien
châtie bien. Seulement on ne voit pas
bien quelle conclusion tous ces amis
de l'Université, si empressés à démon
trer qu'elle ne vaut rien, sous presque
aucun rapport, entendent tirertle leur
démonstration, C'est eei>; d - lacune que
nous voudrions <^ n bler dès mainte
nant par '^ ie simple remarque.
En effet, si l'université est telle qu'on
nous la représente, et nous ne faisons
pas difficulté de reconnaître que le
portrait est ressemblant, tout le mon
de se demandera comment il se fait
qu'on veuille ramener toute la jeu
nesse française dans une institution
dont 011 met ainsi à nu tous les vices.
N'est-ce pas une nouvelle preuve qu'en
voulant fermer les établissements li
bres d'enseignement, c'est l'enseigne
ment religieux qu'on veut atteindre, et
non l'amélioration de l'enseignement
que l'on veut obtenir?
àisouste R oussel.
Nous publions plus loin le compte
rendu de la distribution des prix de
l'école Saint-Louis (ancienne école de
la rue Poulletier). Constatons à ce sujet
que là, comme ailleurs, la persécution
n'a pu réussir à détacher des écoles
congréganistes leurs anciens élèves.
L'école communale de la rue Poulle
tier comptait 300 élèves. L'école libre
Saint-Louis en a reçu 280 !
Quoi de plus éloquent que cette sim
ple statistique !
Il y a comme un mot d'ordre qui
circule dans les rangs des républicains
contre le cumul. Ce phénomène politi
que est un symptôme qui mérite quel
que attention. Pareil mouvement ne
saurait venir des sphères supérieures ;
bien au contraire, jl part d'en bas.
Cette direction est dans la nature des
choses. La Révolution oppose à la pa
role divine : « Tout pouvoir vient de
Dieu, » cette fausse maxime ; ù Tout
pouvoir vient des masses populaires. »
La république s'est établie grâce à ce
mensonge ; elle s'est maintenue par le
prétendu dogme politique de l'avène
ment au pouvoir des nouvelles cou
ches sociales se poussant l'une Vautre ;
conséquemment, le branle étant don
né, elle devra, pour prolonger son
existence, appliquer complètement
cette théorie dangereuse;* ajoutons
qu'elle en mourra à bref délai.
_ Voilà longtemps déjà que les dépu
tés ou sénateurs radicaux cumulent,
avec îeurj uautes fonctions, les fonc
ions plus humbles de conseillers gé
néraux ou de maires, plus humbles,
mais qui sont la base solide du crédit
politique. Il faut que cet abus cesse, di
sent bien haut certains républicains
qui posent pour l'austérité. Est-ce là le
cri du cœur? Non, c'est le cri de la rai
son, commandé par la nécessité. Les
sages du parti affectent de le pousser
avec désintéressement; quelques-uns
même ontdéjà renoncé ou vont renon
cer au cumul des fonctions publiques;
mais, enréalité, tous cèdent àune pres
sion irrésistible.
Les couches inférieures s'élèvent
comme une marée montante. Les affa
més crient aux repus : Des places ! des
places ! La mise en demeure est impé
rieuse. Les chefs de file devront obéir,
s'ils veulent paraître conduire. La
queue mène la tête, c'est la loi fatale
de la République, que M. Naquet a si
bien "définie : le provisoire perpétuel.
Nous avons observé ce mouvement
dans l'Indre-et-Loire. Naguère, un con
seiller municipal du chef-lieu,M. Saint-
Hérant, avoué, faisait circuler des pé
titions, par lesquelles on sommait M.
Belle, député, conseiller général, conseil
ler municipal et maire de Tours, d'avoir
à se démettre de deux au moins de ces
quatre fonctions.
Celui-ci répondit dans Y Union libérale
de M. Wilson que ces pétitions étaient
inutiles et dangereuses.
Inutiles : car-si trois cents députés républi-
n .tans sont conseillers généraux, c'est qu'une
nécessité politique éclatante les a obligés à
demeurer investis de ce mandat... Dange
reuses : car il peut arriver que dans tel ou
tel canton de notre département, il soit né-
cessairede conserver à un sénateur ou à un
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 20 août 1879
LA LÉGENDE DES AIES
souvenirs de quelques conférences
de saint-vincent de paul
Par EUGÈNE ALCAN(l)
C'était en 1850 ou 1851 ; il y a bien près
de trente ans.
La société de Saint-Vincent de Paul était
encore toute jeune ; elle venait de fonder
l'une de ses œuvres les plus fécondes en
heureux fruits, les plus attachantes, les
plus entraînantes pour ceux qui s'y consa
crent : l'OEuvre des saintes familles.
L'auteur du livre dont le titre figure en
tête de ce compte rendu, M» Alcan, prési
dait une des plus florissantes saintes famil
les de Paris, celle de Saint-Roch.
Sans vouloir blesser la modestie de ce
cher confrère, je puis bien dire qu'il passait
à juste titre pour l'un des plus habiles, des
plus piquants, des plus émouvants, des
(1) 2 vol, in-12, chez Bray et Retaux, 82, rue
Bonaparte.
plus enlevants conteurs d'histoires qui se
fissent entendre de la place Duplàix à la
crypte de Saint-Sulpice, de la chapelle du
Calvaire de Saint-Roch à la chapelle des
catéchismes de Saint-Thomas d'Aquin.
Ceux qui connaissent un peu le mécanis
me des saintes familles savent qu'outre
l'exhortation du directeur spirituel, les avis
et les causeries du président, l'un des élé
ments constitutifs d'une séance c'est l'ora-
liur et sa petite allocution.
L'art du président consiste à trouver
pour chaque séance un orateur nouveau,
tantôt sévère, tantôt plaisant; jamais, si
c'est possible, ennuyeux; jamais non plus
de ceux qui parlent pour parler... Il laut
absolument que le modeste Démosthène
captive ; qu'il force, bon gré mal gré, les
plus distraits — et, s'il y en avait, les plus
récalcitrants— à l'écouter. Puis il faut que,
derrière le petit speech, il y ait une moralité
facile à saisir, et dont le souvenir seul soit
une excellente leçon, une leçon qui détour
ne du mal, qui ramène au bien, à la source
de tout bien, à Dieu.
Or l'expérience est là pour dire que les
discours pompeux, les dissertations, les
amplifications, les sermons laïques attei
gnent rarement ce double but. Ils sont si
sérieux, ces petits prônes — sérieux est
un mot poli pour dire soporifique — qu'on
les écoute à peine, et qu'aussitôt entendus
on se hâte de les oublier.
Pour agir sur une assemblée populaire,
il n'y arien de tel que des histoires.
Le président de la sainte famille de
Saint-Roch excellait à les narrer.
Sauf le bon curé de Saint-J., je ne crois
pas avoir connu un conteur de la taille de
M. Eug. Alcan.
Où prenait-il ses histoires? Dieu le sait.
Ce que nous savons, c'est que toutes —
et celles qui étaient courtes et celles
qui étaient plus développées, et les his
toires austères et les histoires gaies,
et celles qu'on ne pouvait ouïr sans se
tordre et celles # qui trempaient tous les
mouchoirs, et les scènes du temps de la
chevalerie et les scènes qui, pas plus tard
qu'hier, avaient pour théâtre le passage des
Patriarches ou la Fosse aux Lions, et celles
qui rendaient le vice odieux ou ridicule et
celles qui restituaient — qui conservaient
plutôt — à la vertu sa beauté touchante et
son charme inexprimable — ce que nous
savons, dis-je, c'est que toutes ces histoires
avaient un cachet de vraisemblance et de
vérité que je n'ai jamais rencontré ailleurs.
Or, il arriva un jour que ce cher prési
dent, en pénurie d'orateur, s'adressa, faute
de mieux, à un jeune avocat qui faisait ses
débuts dans nos saintes familles en même
temps que dans les conférences du palais.
« Conter une histoire à ces braves gens,
se dit le stagiaire, à«ces braves gens gâtés
par leur incomparable président, Dieu m'en
garde... »
Et alors, ne sachant à quel saint se rouer,
il pensa au grand roi Salomon et à ce que
l'on a appelé « la sagesse des nations. »
Il prit un proverbe, l'exposa, l'interpréta,
le commenta, en tira tout le parti possible..,
Et, si sa harangue ne fut pas étincelante, il
réussit du moins à ne pas trop endormir
ses auditeurs.
Ce n'est pp tout,
Là ou la chèvre est attachée, il faut qu'elle
broute, le proverbe dont notre homme avait
fait choix, prêtait à de si intéressants dé
veloppements, était à la fois si vrai en
principe, si fécond en applications prati
ques, qu'il s'imagina de réunir un certain
; nombre de semblables proverbes... Sous le
titre de : Cinquante Proverbes, il en fit un
volume.
Les Cinquante Proverbes sont le premier
ouvrage de votre serviteur... qui, depuis,
en a publié tant d'autres.
J'espère que quelques-uns au moins de
ces petits livres auront fait quelque bien.
En tout cas, après Dieu et les affections de
famille, ce labeur quotidien, cette culture
assidue de ma toute petite traction-dans le
•champ des lettres chrétiennes, cela n'a
cessé, depuis lors, d'être la joie de ma
. vie.
Comment ne serais-je pas reconnaissant
envers la chère Société de Saint-Vincent de
Paul et envers l'excellent confrère qui fu
rent ainsi l'occasion et comme la source de
ma vocation littéraire?
Le président, l'orateur, si goûté de nos
saintes familles, le zélé visiteur des pau
vres, tout près de sortir de cette sainte car
rière, où il entrait il y a trente ans, a con
signé dans nos deux volumes ses Souvenirs
de quelques conférences de Saint-Vincent de
Paul.
Ce livre, sorti du cœur plus encore que
de la plume de M. Eug. Alcan, porte le ti
tre heureux de Légende des âmes.
-J'ai sollicité la laveur de le présenter aux
lecteurs de l'Univers,
<■ Tous ceux qui ont connu et pratiqué la
chère société de Saint-Vincent de Paul sa
vent quels sentiments d'admiration et de
tendresse elle saitinspirer à ses disciples....
ou plutôt à ses enfants, car la société de
Saint-Vincent de Paul est une mère.
C'est un fils de cette mère qui a écrit la
Légende des âmes. C'est un auire fils qui
vous présente ce livre, ami lecteur.
Quelle en est la pensée inspiratrice?
L'auteur ne le dit pas précisément. Il fait
mieux; il nous le laisse lire à chacune des
1 lignes de ces deux volumes.
C'est l'amour des âmes; c'est un esprit
; ingénieux à excuser les plus perverses, à
plaider en leur faveur les circonstances at
ténuantes ; c'est l'obstination avec laqueHe
notre auteur s'écrie : « Non, tout n'est pas
« perclu, tout n'est pas mort dans les âmes
« dégradées! Quand on les observe de
« près, en de certaines circonstances, on y
« découvre des sentiments qui font encore
« honneur à l'humanité.
« Quand on est, dit-il plus loin, sur le
« terrain des âmes, il faut faire comme le
« cultivateur devant une terre aride et des-
« séchée : il la travaille avec soin, la re-
« tourne, arrache les mauvaises herbes,
« lui donne l'engrais voulu, et finit, à force
« de patience et de labeur, par la rendre
« riche et fertile". »
Sous quelle forme M. Alcan nous pré-
sente-t-il ces idées?
Ai-je besoin de le dire? Et ne le devine-
t-on pas d'abord?
Sous la forme qui, dans les tempsreculés
que je mentionnais tout àl'heure, avait tant
de succès dans les saintes familles, sous
cette forme du récit et de l'histoire qui cap
tivait, émouvait, convertissait, fixait dans le
bien tant de volontés jusque-là hésitantes
entre Dieu et l'ennemi de Dieu.
Citons encore cette judicieuse pensée par
où notre auteur termine sa préface ; « En
« publiant la Légende des âmes, nous avons
« un double but : provoquer la confiance et
« la défiance; là confiance, en montrant par
« des faits l'action de la miséricorde de
« Dieu, exercée dans sa plénitude quand
« elle a devant elle des âmes de bonne vo-
« lonté qui savent se faire violence ; la dé-
« fiance, en rappelant que le mauvais esprit
« cherche toujours h reprendre les âmes
« qu'il a été forcé d'abandonner; partant,
« la nécessité de veiller et de prier sans
« cesse, afin de conserver pour le souve-
« rain bien ce qui lui est disputé par le mal
« extrême, par le mal en personne. »
Les histoires de M. Alcan sont au nombre
de 74.
Je cite au hasard quelques titres : Con
version et mort du père Nicolas. — La doyenne
des quêteuses.—La conférence Saint-Médard.
— Le R. P. Millériot et le pauvre concierge.
Un président poëts. — Conversion el mort
d'un rabbin. — Un confrère sous la Commune.
— Un baptême sous la Terreur. — Une daim
de la Halle. — Le pauvre prêtre. — Une
visite dans la cité Doré. — Qui s'abandonne à
Dieu n'est jamais abandonné. — Une oraison
funèbre. — La prière du cœur. — La confes
sion de ceux qui ne se, confessent pas. — Le
moribond du V.endredi-Saint. — Cç q Ue p eu t
la foi. —- Un pauvre à cheval, —- On peut sw
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